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La « triple inégalité » qui est au cœur de cette crise climatique

5 décembre 2023, par Adam Tooze — ,
Les conférences internationales telles que la prochaine COP28 [qui se tiendra à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023] peuvent apparaître comme des événements routiniers et (…)

Les conférences internationales telles que la prochaine COP28 [qui se tiendra à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023] peuvent apparaître comme des événements routiniers et conventionnels. Mais elles sont importantes.

25 novembre 2023 | trié du site alencontre.org | Photo : São Paulo : des enfants d'une favela jettent de l'eau pendant la vague de chaleur extrême (58,5°C), antérieure à l'été.
http://alencontre.org/ecologie/la-triple-inegalite-qui-est-au-coeur-de-cette-crise-climatique.html

Si l'on examine la carte climatique du monde que nous devrions habiter dans 50 ans, on voit une ceinture de chaleur extrême encerclant le milieu de la planète. La modélisation du climat à partir de 2020 suggère que d'ici à un demi-siècle, environ 30% de la population mondiale projetée – à moins d'être contrainte de se déplacer – vivra dans des endroits où la température moyenne sera supérieure à 29 °C. C'est une chaleur insupportable. A l'heure actuelle, pas plus de 1% de la surface terrestre est aussi chaude, et il s'agit principalement de zones inhabitées du Sahara.

Si le scénario est aussi dramatique, c'est parce que les régions du monde les plus gravement touchées par le réchauffement climatique – surtout l'Afrique subsaharienne – sont celles qui devraient connaître la croissance démographique la plus rapide au cours des prochaines décennies.

Mais malgré cette croissance démographique, ce sont aussi les régions qui, selon les données actuelles, contribueront le moins aux émissions à l'origine de la catastrophe climatique. L'inégalité est si grande que les 50% de la population mondiale qui ont les revenus les plus faibles – 4 milliards de personnes – ne contribuent qu'à 12% des émissions totales. Et ceux et celles qui se trouvent tout en bas de l'échelle ne sont pratiquement pas des contributeurs. Les émissions de CO2 par habitant au Mali représentent environ un soixante-dixième de celles des Etats-Unis. Même si le tiers de la population mondiale qui dispose du revenu le moins élevé – plus de 2,6 milliards de personnes – parvenait à dépasser le seuil de pauvreté fixé à 3,20 dollars par jour, les émissions totales n'augmenteraient que de 5%, soit un tiers des émissions des 1% les plus riches.

La moitié de la population mondiale, sous la conduite des 10% les plus élevés de la pyramide des revenus – et, surtout, l'élite mondiale – alimente et gère un système de production à l'échelle planétaire qui perturbe l'environnement pour tout le monde. Les répercussions les plus graves sont subies par les plus pauvres et, dans les décennies à venir, elles deviendront progressivement plus extrêmes. Pourtant, étant donné leur pauvreté, ils sont pratiquement dans l'incapacité de se protéger.

C'est la triple inégalité qui définit l'équation climatique mondiale : la disparité des responsabilités dans la survenue du problème, la disparité des impacts de la crise climatique et la disparité des ressources disponibles pour l'atténuation et l'adaptation.

Dans la zone dangereuse de la dégradation climatique, tout le monde n'est pas pauvre et désarmé. Le sud-ouest des Etats-Unis dispose des ressources nécessaires pour faire face lui-même. L'Inde est un Etat doté. Mais le réchauffement planétaire posera d'énormes problèmes de répartition. Comment les réfugiés climatiques seront-ils réinstallés ? Comment l'économie s'adaptera-t-elle ? Pour des Etats fragiles comme l'Irak, cela pourrait s'avérer trop difficile. Le risque est qu'ils passent d'une situation de survie à un effondrement pur et simple, faute de pouvoir fournir de l'eau et de l'électricité pour la climatisation – éléments essentiels à la survie dans des conditions de chaleur extrême. En Irak, cet été, des milliers de personnes se sont entassées dans leurs voitures climatisées, faisant tourner leur moteur pendant des heures pour survivre à des pics de chaleur dépassant les 50 degrés.

On pourrait dire, plus ça change, plus les pauvres souffrent et les riches prospèrent. Mais les conséquences de la triple inégalité climatique sont radicales et nouvelles. Les pays riches ont longtemps commercé sur la base d'un change inégal avec les pays pauvres. A l'époque du colonialisme, ils ont pillé les matières premières et réduit en esclavage des dizaines de millions de personnes. Pendant les deux générations qui ont suivi la décolonisation, la croissance économique a largement délaissé ce que l'on appelait alors le tiers-monde.

Depuis les années 1980, avec l'accélération de la croissance économique de la Chine, le rayon du développement s'est considérablement élargi. Les 40% du milieu de la pyramide des revenus dans le monde contribuent aujourd'hui à 41% des émissions mondiales, ce qui signifie qu'ils ont atteint un niveau considérable de consommation d'énergie. Mais cette « classe moyenne mondiale », concentrée surtout en Asie de l'Est, réduit à néant le budget carbone restant pour les personnes aux revenus les plus faibles, et sa croissance entraîne des dommages irréversibles à certaines des populations les plus pauvres et les plus démunies du monde.

Telle est la nouveauté historique de la situation actuelle. Alors que nous nous rapprochons de plus en plus de la limite de la tolérance environnementale – soit les conditions dans lesquelles notre espèce peut prospérer – le développement du monde riche compromet systématiquement les conditions de survie de milliards de personnes dans la zone de danger climatique. Ces personnes ne sont pas seulement exploitées ou évincées mais aussi victimes des effets climatiques de la croissance économique qui a lieu ailleurs. Cet enchevêtrement violent et indirect est inédit par sa qualité et son ampleur.

Les relations violentes et inégales entre les collectivités impliquent généralement un certain degré d'interaction et peuvent, par conséquent, faire l'objet d'une résistance. Les travailleurs et travailleuses peuvent faire grève. Ceux qui sont pris dans des relations commerciales déloyales peuvent boycotter et imposer des sanctions. En revanche, la « victimisation » écologique sans lien de subordination n'implique aucune relation de ce type et offre donc moins de possibilités de résistance à l'intérieur du système. Il est possible que l'explosion des pipelines qui transportent l'énergie des pays pauvres vers les consommateurs riches devienne une forme de protestation (voir l'ouvrage d'Andreas Malm, Comment saboter un pipeline, Ed. La Fabrique, 2020). Ce serait certainement un signal. Mais ne pouvons-nous pas espérer des ripostes plus constructives à la triple inégalité ?

C'est encore cette question qui donne toute son importance aux conférences mondiales sur le climat, comme la COP28, qui débute le 30 novembre. Elles peuvent sembler être des événements routiniers et conventionnels, mais c'est dans ces espaces que peut être exposé, sous une forme politique, le lien mortifère entre la production de pétrole, de gaz et de charbon, le type de consommation [et de production] des pays riches et les risques mortels auxquels s'affrontent ceux qui se trouvent dans la zone de danger climatique.

C'est sur cette tribune que les activistes et les gouvernements peuvent clouer au pilori le refus honteux des pays riches de coopérer à la mise en place d'un fonds de compensation pour dédommager les pays les plus menacés de leurs préjudices et dommages. La nécessité d'un tel fonds a été reconnue en principe lors de la COP27 en Egypte [du 8 au 18 novembre 2022]. Mais depuis, la résistance des négociateurs états-uniens et européens s'est durcie. A l'approche de la COP28, l'organisation et le financement du fonds restent toujours à définir.

Un tel fonds n'est pas une solution au problème de la triple inégalité. Pour cela, nous avons besoin d'une transition énergétique globale et de nouveaux modèles de développement véritablement inclusifs et durables. Mais un fonds pour les préjudices et les dommages ferait ressortir une chose essentielle : la reconnaissance que la crise climatique mondiale n'est plus un problème de développement à venir. Nous sommes entrés dans une phase où le fait de ne pas s'attaquer d'urgence à la crise croissante devient un processus actif de pénalisation. Une pénalisation qui réclame, au moins, une reconnaissance de responsabilité et une compensation adéquate. (Article publié dans The Guardian le 23 novembre 2023 ; traduction rédaction A l'Encontre)

Adam Tooze est professeur d'histoire à l'université de Columbia.

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La lutte contre le colonialisme israélien est aussi un combat syndical

5 décembre 2023, par Verveine Angeli — , ,
On oublie parfois que l'une des dimensions de l'occupation et de la colonisation israélienne, c'est la surexploitation des travailleurs·ses palestinien·nes et leur extrême (…)

On oublie parfois que l'une des dimensions de l'occupation et de la colonisation israélienne, c'est la surexploitation des travailleurs·ses palestinien·nes et leur extrême marginalisation économique (marquée notamment par un sous-emploi massif), en particulier à Gaza soumis à un blocus inhumain depuis plus de quinze ans. Le combat anticolonialiste a donc nécessairement une dimension syndicale, à la fois en Palestine-Israël mais aussi dans le mouvement international de solidarité avec la lutte des Palestinien·nes.

Cet article de Verveine Angeli est un point de vue qui ne saurait être exhaustif sur la question syndicale et la Palestine. Il est le produit des réflexions et des actions de militant·es de l'Union syndicale Solidaires actif·ves dans le groupe Palestine du syndicat.

28 novembre 2023 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/syndicalisme-palestine-anticolonialisme-israel-guerre-gaza/

Il est encore plus difficile dans ces temps de guerre de faire un point précis sur la situation des syndicats palestiniens et leur place dans le contexte. Néanmoins il est remarquable que ceux-ci aient produit un appel international commun « Stop arming Israël, End all complicity » appelant à des prises de position et à l'action pour arrêter d'armer Israël, ce qui n'est pas arrivé depuis longtemps. Cette déclaration est significative à deux titre : elle regroupe des syndicats de Cisjordanie et de la bande de Gaza ; et d'autre part elle regroupe des syndicats officiels et des syndicats indépendants.

Elle est le signe d'une volonté commune d'agir dans une situation dramatique pour le peuple palestinien que ce soit à Gaza sous les bombardements et en Cisjordanie avec les violences des colons et des forces de répression israéliennes qui tuent et emprisonnent, violences qui redoublent depuis le 7 octobre. Elle est un appel aux syndicats du monde…

Un syndicalisme ancré dans la réalité de la colonisation

Travailler en Palestine, être syndicaliste en Palestine, c'est être en permanence confronté à une double contrainte, celle de la lutte quotidienne pour un salaire, pour un emploi, c'est aussi le faire dans des conditions très spécifiques, celles de l'occupation et de la colonisation.

Les conditions inhumaines relayées par la presse dans lesquelles les travailleurs de Gaza employés en Israël ont été renvoyés à Gaza bombardée ou expulsés vers la Cisjordanie sont l'expression de la violence de l'Etat d'Israël dans le contexte actuel. Mais ces événements ne font que refléter ce que ceux et celles, Palestinien·nes qui travaillent avec (ou sans permis) dans les territoires de 48 vivent de façon quotidienne : passages de check-points en pleine nuit, massé·es dans des couloirs grillagés comme des cages, menaces permanentes de suppression des permis de travail si on a des traces de produit chimique (un engrais par exemple) ou un membre de la famille ou du village qui a été arrêté, fermeture des check-points au moindre incident… ce qui veut dire l'absence de travail et l'absence de ressource.

Pour ceux et celles qui travaillent de façon illégale dans les colonies de Cisjordanie c'est une précarité encore plus grande sans salaire minimum, sans convention, sans garanties pour des travaux dangereux comme sont ceux du bâtiment. En Cisjordanie, ce sont des taux de chômage élevés, des emplois très précaires tant l'économie est bridée par la situation coloniale : développement des télécommunication entravé (ce qu'avait dénoncé le rapport demandant le désinvestissement d'Orange), interdictions d'installer des panneaux solaires, services postaux non reconnus internationalement, courrier et colis bloqués parfois pendant des mois voire des années…

En Cisjordanie le taux de chômage est était de 18% en 2018 et de 52% à Gaza et globalement de 44% chez les jeunes, l'emploi de fonctionnaires est soumis aux subsides que l'Autorité palestinienne reçoit et transmet ou non à Gaza. Et dans la situation actuelle, les salaires ne sont pas versés, les ressources étant bloquées par Israël. La lutte pour le droit à un salaire, à un emploi, pour l'égalité des droits prend un sens évidemment particulier.

Il faut citer la situation des travailleur·euses palestinien·nes d'Israël soumis·es aux discriminations, aux interdits professionnels qui s'ajoutent à des conditions d'existence contrôlées, de logement limitées parce que toute parcelle de territoire supplémentaire est impossible à obtenir pour les Palestinien·nes d'Israël1.

Un syndicalisme marqué par le virage néolibéral et répressif lié aux accords d'Oslo

Les accords d'Oslo sont connus pour avoir porté la perspective de la construction de deux Etats, perspective qui s'éloigne entre autres à cause de l'installation de colons sans cesse plus nombreux·euses en Cisjordanie. La mise en place de toute une série de mesures économiques et financières néo-libérales a accompagné ces accords. Elles pèsent sur le monde du travail d'autant plus qu'elles s'appliquent dans le contexte colonial : c'est le cas des prêts immobiliers alors que l'espace est grignoté par les colonies illégales et de la mise en place de réformes inspirées par le Fond monétaire international.

Une des grandes mobilisations syndicales des années 2018-2020 a été la lutte contre la mise en place d'une sécurité sociale sur un mode néo-libéral dans lesquels les travailleur·euses ne pouvaient avoir aucune confiance : Un des enjeux était la récupération des cotisations sociales des travailleur·euses employé·es en Israël, projet perçu comme l'objet d'un véritable chantage. Bref, un espace sans Etat et sans démocratie, soumis aux diktats d'Israël et au bon vouloir des pays occidentaux et des organismes internationaux qui versent l'argent sous condition.

Oslo, c'est aussi la mise en place des permis pour travailler dans les territoires de 48 quand les travailleur·euses viennent de Cisjordanie et plus récemment de Gaza (ce qui a été présenté comme une des ouvertures de Netanyahou), alors qu'ils n'étaient pas nécessaires avant Oslo. Ces permis constituent un chantage permanent et ont tous été supprimés s'agissant de Gaza aujourd'hui et aucun·e travailleur·euse de Cisjordanie ne peut venir travailler. L'appel d'Israël à l'émigration en provenance des pays asiatiques vise à remplacer la main d'œuvre palestinienne toujours suspectée.

C'est aussi une situation où les fonctionnaires payés par l'Autorité palestinienne (avec l'argent donné par l'occident…) se serrent la ceinture, y compris après des grèves ayant conduit à des accords (cela a été le cas amenant les enseignants à une grève générale en 2016). Et où la répression des mouvements syndicaux est sévère conduisant à des emprisonnements, des licenciements…

Un mouvement syndical émietté et corseté

Autre conséquence d'Oslo, les cotisations syndicales que paient les travailleur·euses palestinien·nes en Israël (elles sont obligatoires) sont normalement reversées au syndicat palestinien officiel, la PGFTU. La Histadrout, est le syndicat israélien qui reçoit de façon automatique les cotisations. Elle a été créée en 1920 comme Fédération des Travailleurs hébreux en Terre d'Israël et a été un élément essentiel de la colonisation.

Ce reversement est vécu par de très nombreux·ses travailleur·euses et les syndicats indépendants comme le signe d'une collaboration de fait avec l'Etat d'Israël et l'occupation. C'est un moyen, quand ces cotisations sont effectivement versées, ce qui n'est pas toujours le cas, de financement du syndicalisme officiel. L'Autorité palestinienne défend cette pratique et en fait un moyen de pression sur l'ensemble du mouvement syndical, en réprimant et supprimant tout moyen d'existence aux syndicats indépendants. Cela ne l'empêche pas de tenter de contrôler, notamment en nommant les dirigeants syndicaux, certains secteurs de la PGFTU qui deviennent trop remuant (comme cela a été le cas pendant la grande grève des enseignant·es de 2016).

Dans les faits les syndicats indépendants sont organisés en une multitude de secteurs professionnels. Ce fonctionnement éclaté est lié tant à la volonté de contrôle des travailleur·euses de l'action sur leur champ professionnel, qu'aux difficultés d'un fonctionnement démocratique d'une organisation syndicale dans un contexte répressif et de faibles moyens, sans oublier les positionnements et liens avec des courants politiques qui peuvent exister2.Un syndicalisme interprofessionnel a de fait des difficultés à exister hormis dans sa forme officielle. Il faut noter aussi l'existence d'organisations de base de chômeurs, de femmes, liées à la santé qui ont une action sur les enjeux du travail sans être formellement des syndicats, ou la constitution lors de mobilisations comme celle des enseignant·es de structures d'auto-organisation en lieu et place de la fédération de la PGFTU sous contrôle de l'AP.

On peut dire que les syndicats indépendants en Cisjordanie participent d'un mouvement social multiforme qui prend sa place dans des mobilisations récurrentes contre l'occupation et la colonisation et de contestation de la politique de l'Autorité palestinienne. Mais il n'est pas en situation d'être de premier plan y compris lors de l'évènement décisif qu'a été la grève générale de 2018 qui concernait la totalité des territoires et populations palestiniennes. A Gaza il semble que le Hamas ait tenté d'avoir lui aussi la mainmise sur le mouvement syndical à travers la PGFTU locale.

Dans les territoire de 48, le petit syndicat des travailleurs arabes « Arab workers union » installé dans la ville palestinienne de Nazareth est actif à défendre les travailleur·euses palestinien·nes et à relayer des informations. Nombreux sont les syndicats qui ont appelé à la solidarité et dénoncé les conditions de la guerre actuelle contre le peuple palestinien3.

Les syndicats en Occident et le soutien à la Palestine

Les organisations syndicales internationales Confédération syndicale internationale (CSI), la Confédération européenne des syndicats (CES), les branches syndicales internationales pratiquent un équilibrisme qui exprime l'absence de volonté de prendre position sur la situation en Palestine en assumant des relations avec la PGFTU palestinienne et la Histadrout. Une des demandes traditionnelle des syndicats palestiniens indépendants est la rupture des liens avec la Histadrout. Cette exigence a porté ses fruits dans certaines occasions par exemple lors du congrès de l'European public services union (EPSU) en Irlande en 2019 où la décision de rompre les liens a été prise.

Un réseau syndical européen de solidarité avec la Palestine (ETUN) porte entre autres ces batailles. Ce réseau est constitué pour l'essentiel de syndicats norvégiens, irlandais, anglais, belges et de l'Etat espagnol, ainsi que de Solidaires, tous très engagés dans la solidarité avec la Palestine par l'organisation de campagnes, de délégations, de soutien direct aux syndicats sur place. Des syndicats ont ainsi décidé de répondre à l'appel intersyndical à l'action venu de Palestine contre le commerce des armes4.

Il faut citer en France l'initiative à laquelle ont participé pour plusieurs campagnes la CGT et Solidaires, rejointes par la CFDT, au côté d'associations de solidarité (en particulier l'AFPS), de l'organisation palestinienne Al Haq (devenue organisation terroriste selon Israël) et d'ONG (notamment le CCFD, la FIDH, la LDH…) pour exiger le désinvestissement de certains projets dans lesquels sont présentes des entreprises françaises en complicité avec la colonisation : cela a été le cas avec une victoire pour Orange, une victoire partielle pour le tramway de Jérusalem dans lequel étaient présentes deux filiales de la SNCF et de la RATP, une campagne sur les banques qui ont des participations dans les banques israéliennes et/ou projets d'investissement dans les colonies.

Il faut citer encore la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) à laquelle de nombreux syndicats palestiniens nous invitent à participer étant eux-mêmes partie prenante de la Boycott national campaign en Palestine (notamment contre AXA, Puma, HP, Carrefour…). Il faut souligner pour toutes ces actions le rôle décisif de ceux et celles qui documentent la complicité des entreprises avec l'occupation et la colonisation. C'est le cas de Who profits, centre de recherche basé en Israël.

Evidemment, les liens directs sont entre syndicats sont décisifs, et encore mieux entre syndicats des mêmes secteurs professionnels parce qu'ils concrétisent la solidarité. Cette nécessité étant renforcée par l'éclatement des organisations en Palestine.

L'ensemble de ce travail effectué depuis des années a permis que s'expriment des prises de positions syndicales dans la guerre actuelle notamment sur l'arrêt des livraisons d'armes à Israël et que le positionnement de Solidaires dans ce contexte de forte pression sur les forces militantes puisse s'appuyer sur une activité et des engagements existants. Il nous faut néanmoins constater qu'au regard de l'aggravation de la situation sur place pour la population palestinienne, quel que soit l'endroit où elle se trouve, il serait nécessaire de renforcer encore l'action syndicale dans notre pays aujourd'hui pour un cessez-le-feu immédiat et demain pour l'arrêt de l'occupation et de la colonisation.

Références

⇧1 Voir le film Contrefeux qui présente cette situation lors d'une délégation syndicale en 2019 https://vimeo.com/345343417
⇧2 Voir la revue internationale Palestine de l'Union syndicale Solidaires : https://solidaires.org/sinformer-et-agir/brochures/international/revue-internationale-n14-palestine-fragments-luttes-et-analyses/
⇧3 Syndicat des professeur.e.s et des employé.e.s de l'Université de Birzeit : https://agencemediapalestine.fr/blog/2023/10/13/nous-sommes-tous-tes-des-palestinien-ne-s-le-communique-du-syndicat-des-professeur-e-s-et-des-employe-e-s-de-luniversite-de-birzeit/ et https://agencemediapalestine.fr/blog/2023/11/10/nous-sommes-toutes-et-tous-le-sud/.
Syndicat des journalistes palestiniens, 16 octobre 2023 : https://agencemediapalestine.fr/blog/2023/10/16/syndicat-des-journalistes-palestiniens-a-gaza-des-crimes-contre-les-journalistes/ et https://agencemediapalestine.fr/blog/2023/11/03/le-journalisme-nest-pas-un-crime-lettre-du-syndicat-des-journalistes-palestinien-ne-s/

Syndicat des Travailleurs Palestiniens des Services postaux sur l'occupation sioniste et la guerre contre les Palestiniens : https://agencemediapalestine.fr/blog/2023/10/15/communique-du-syndicat-des-travailleurs-palestiniens-des-services-postaux-sur-loccupation-sioniste-et-la-guerre-contre-les-palestiniens/

Appel des étudiants palestiniens aux étudiants du monde entier : Stop au génocide et fin de la complicité avec l'apartheid israélien, 23 octobre 2023 : https://www.bdsfrance.org/appel-des-etudiants-palestiniens-aux-etudiants-du-monde-entier-stop-au-genocide-et-fin-de-la-complicite-avec-lapartheid-israelien/

⇧4 En Belgique : http://www.etun-palestine.org/site/2023/10/31/belgian-transport-unions-refuse-to-load-and-unload-weapons-going-to-israel-and-call-for-an-immediate-ceasefire/
En France : https://sudindustrie.org/wp-content/uploads/2023/11/Communique-secteur-armement-SUD-Industrie.pdf

Tout achat d’acte sexuel est une violence sexuelle et sexiste

5 décembre 2023, par Amicale du Nid — , ,
Nous sommes dans une période, novembre, de rappel de la nécessité d'une lutte sans faille contre les violences masculines envers les femmes et les enfants. Elles sont toujours (…)

Nous sommes dans une période, novembre, de rappel de la nécessité d'une lutte sans faille contre les violences masculines envers les femmes et les enfants. Elles sont toujours là, partout, variées, nombreuses, accrues par les conflits armés et les migrations, terribles par ce qu'elles disent des agresseurs, par les conséquences destructrices sur les victimes et par ce qu'elles montrent des structures profondes de nos sociétés.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Parmi les viols, incestes, harcèlements, coups, enfermements, violences psychologiques, féminicides il y a la prostitution et le système prostitutionnel qui concerne ceux qui le créent, les prostitueurs (clients et proxénètes-trafiquants), leurs victimes : les personnes prostituées, les institutions qui laissent faire ou promeuvent ce pur produit de la domination masculine et les médias qui entretiennent l'idée de pulsions sexuelles masculines incontrôlables (une essentialisation de la virilité) à satisfaire sous peine de désordres… Il y a celles et ceux aussi qui restent dans l'impensé d'une violence – et donc l'autorisent -, la prostitution, qui fait des millions de victimes chaque année dans le monde, femmes, enfants, personnes trans et hommes et une massive mise en esclavage.

Pour maintenir en place cet élément important du rapport social de sexe, la mise à disposition des corps des femmes, leur exploitation sexuelle au profit des hommes, tout est bon, même l'appel aux bons sentiments comme le font ceux (et quelques celles) qui réclament ou mettent en place une « assistance sexuelle » pour les personnes en situation de handicap.

Cette « idée », devenue réalité, de créer une « assistance sexuelle », n'est pas une assistance à la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap mais l'offre à des hommes puisque c'est eux qui le demandent en grand nombre, d'un « service sexuel » apporté par une personne qui est ou serait rémunérée pour cela.

En fait il s'agit de prostitution habillée de compassion pour ceux qui disent ne pouvoir accéder à la jouissance sexuelle seuls ou en relation avec une autre personne. Il s'agit de contourner la loi abolitionniste de la France, celle du 13 avril 2016, qui sanctionne le proxénétisme et les clients de la prostitution. Toute une énergie et un lobbying sont mis en œuvre pour obtenir cela. Nous l'avons constaté lors d'une table ronde organisée lors de l'université d'été du CNCPH, Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, les 18-20 septembre 2023, intitulée « assistance sexuelle qu'est-ce qui bloque ? ». C'est avec stupéfaction que nous avons appris que le Département de Meurthe et Moselle, par un projet-expérience soutenu par la première vice-présidente du conseil départemental, s'engageait sur la voie de la mise à disposition de personnes payées aux personnes handicapées qui demanderaient des actes sexuels.

La loi abolitionniste de 2016 ne peut en aucun cas subir des exceptions. Pensez à une loi abolitionniste de l'esclavage qui permettrait des exceptions… La loi de 2016 doit être totalement appliquée et renforcée quant aux sanctions contre les clients. Au lieu de cela, la volonté politique manquant sur ce sujet comme sur le sujet général de l'égalité entre les femmes et les hommes, le développement de l'assistance sexuelle s'est fait en France à bas bruit et ses tenants ont diffusé leurs plaidoyers dans les instituts de formation de travailleur·ses sociaux·ales, avec certainement le projet d'ouvrir une option « service sexuel » dans les formations proposées… Tout pour conforter les représentations attentatoires à la loi abolitionniste et réglementaristes de la prostitution comme travail, « travail du sexe ». Toute brèche dans la loi de 2016 serait une remise en cause de la loi et ce serait, comme le dit le CCNE (Conseil Consultatif National d'Ethique), s'affranchir des principes éthiques qui s'y réfèrent.

La plupart de ces demandeur·ses de « prostitution spécifiqu » ont une très, trop, faible conscience que la violence et toutes sortes de violences rodent autour et dans la sexualité. Iels ne veulent pas voir la violence que constitue l'utilisation d'autrui comme objet sexuel et demandent donc la formation et le suivi des personnels affectés à ces tâches. Qui va former ces intervenant·es (certainement plutôt des femmes), comment vont être organisés les travaux pratiques ? Parents, si votre fille choisit de faire des études de travail social, méfiez-vous !

Hélas, une association créée par Marcel Nuss connu pour son opposition violente à la loi de 2016, a mis en place depuis quelques années une formation d'assistanat sexuel. L'Etat a laissé faire et des instituts de travail social ont osé faire la publicité de ces formations. Mais pour contourner la rareté des candidates, n'est-il pas fait appel à des femmes vulnérables, exactement les mêmes qui sont recrutées par les proxénètes, voire à des femmes qui seraient déjà en situation de prostitution ? Dans la table ronde évoquée était invitée une personne qui se disait escort et qui faisait de « l'assistance sexuelle », une prostitution qu'on ne va pas tarder à voir appelée « prostitution éthique ».

Pour emporter le consensus, les promoteurs·rices d'une mise en place officielle de l'assistance sexuelle, affichent une prudence équivoque et ne craignent pas le ridicule. Ainsi le projet du Département de Moselle qui enfreint la loi, est de ne pas aller jusqu'à la pénétration dans cette prestation sexuelle, comme si seule la pénétration était un acte sexuel, certes potentiellement le plus agressif, mais l'agression sexuelle est faite aussi d'attouchements, de paroles, de modes divers de coercition du corps de l'autre. Et qui assistera à la séance pour contenir les actes, interdire la pénétration ?

Vraiment celleux qui promeuvent l'assistance sexuelle jouent avec le feu et surtout avec les vulnérabilités des personnes. Rappelons que dans cet arrangement pour service sexuel il y a deux acteurs·trices :

D'une part le client, personne en situation à des degrés divers de handicap, qui paie ou pour lequel la collectivité paie et qui comme les autres clients de la prostitution est violent dans sa demande et sa pratique de chosification de l'autre et peut exiger et exercer diverses formes de violences pendant la séance. Pourquoi un homme en situation de handicap ne ferait pas partie du système de domination masculine ? Une façon bizarre de mettre à part des hommes que l'on juge tellement vulnérables qu'ils ne peuvent faire violence à d'autres. Pourtant nous avons des exemples du contraire.

D'autre part le ou la « prestataire de service » : dès que l'on a approché la situation et la vie des personnes prostituées, on connait les vulnérabilités et les emprises qui les ont amenées à la prostitution et les conséquences, souffrances et atteintes graves à leur santé. Toute effraction de l'intimité est traumatisante, un titre « d'assistant·e sexuelle » ne l'évitera pas mais par contre banalisera la prostitution et la transformera en bienfaisance, comme souvent encore dans les représentations : porter secours à des hommes en « besoins irrépressibles ». Il faut aussi penser aux prestataires hommes qui verraient dans cette « activité » une façon de violer sans risque pour eux des personnes vulnérables, femmes, hommes, trans.

Pendant la table ronde évoquée, un député socialiste qui avait mis un certain temps à comprendre la nécessité de la loi abolitionniste de 2016, et qui avait eu le projet de l'assistance sexuelle dans son Département, a proposé de faire appel à des bénévoles pour cette « assistance sexuelle ». Naïveté ou duplicité ?

Si deux personnes ont un attrait réciproque, l'une pour l'autre, alors elles peuvent avoir une relation sexuelle et cela ne s'appelle pas du bénévolat. Mais si par bénévolat, on entend que des femmes qui savent et aiment se sacrifier, aider les autres, prendre soin etc. – c'est leur vocation n'est-ce pas ? – peuvent décider de prendre en charge bénévolement les actes sexuels désirés par des hommes en situation de handicaps – et c'est de cela qu'il s'agit -, le propos relève de la discrimination et d'une atteinte profonde et violente aux droits des femmes et à l'égalité.

Et pour couronner le tout, le CNCPH organisateur du colloque avait mis en avant une femme cette fois-ci pour défendre « l'assistanat sexuel ». Malin·es !

Rémi Gendarme-Cerquetti, handicapé, cinéaste et auteur de « Je n'accepterai aucune assistante sexuelle si lui faire l'amour ne la fait pas elle-même trembler de plaisir (FLBLB Éditions) » n'a pu être vraiment entendu à cause d'une défaillance technique. Dommage !

Il faut lutter contre cette fausse solution, cette nouvelle violence que l'on mettrait en place légalement. Nous sommes en total accord et soutien avec la FDFA, Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir, association féministe et abolitionniste, qui présente un argumentaire complet et précis contre l'assistance sexuelle sur son site.

Encore une fois, nous refusons toute atteinte à la loi abolitionniste de 2016 et exhortons les responsables politiques à la faire appliquer dans son entièreté.

Cette position n'est pas contraire à une réflexion et à des actions à propos de la sexualité et de l'inclusion dans la société des personnes en situation de handicaps physiques et mentaux.

Mais commençons par rappeler que la pulsion sexuelle n'est pas irrépressible à partir du moment où le cerveau fonctionne ; par contre les hommes en particulier, inscrits dans le système de domination masculine qui les avantage, usent et abusent de cette fable de l'irrépressibilité et de la légitimité de leurs besoins pour violer, incestuer, prostituer, pornographier. La question du handicap mental se pose, certes, puisque là, il peut y avoir défaillance du cerveau pour contrôler les pulsions. Mais la solution ne peut être la prostitution d'autres à leur service. C'est aux chercheur·ses, soignant·es, et accompagnateur·rices (travail social), en relation avec les personnes concernées, de proposer des solutions respectueuses de la dignité de tous et toutes.

Pourquoi par ailleurs mettre cette lumière sur les personnes en situation de handicap ? Pour tranquilliser nos consciences ?

Il y a plein de personnes, de toutes sortes, qui sont isolées ou qui ne trouvent pas de partenaires et qui n'ont pas d'activité sexuelle. Faut-il organiser pour autant un service sexuel national, en clair développer bordels et salons de massage déjà très nombreux dans un pays abolitionniste comme la France et qui devraient être fermés par l'Etat dont la Constitution met en avant l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mais attribuer ou proposer un service particulier aux personnes handicapées c'est les mettre à part, voire les criminaliser en tant que client-prostitueur. C'est ne pas les considérer comme des partenaires comme les autres.

Bien sûr la liberté d'avoir une vie sexuelle, chercher et avoir du plaisir et avoir le droit de vivre sa sexualité en paix, sont très importants. Le Comité consultatif national reconnait pour les personnes handicapées le droit à une vie intime et sexuelle, certes ! Mais le droit à la sexualité avec un·e partenaire ne peut réellement exister, il n'est pas opposable puisqu'il ne dépend pas directement d'une subvention, d'un accompagnement mais de l'existence du désir d'un·e autre. La compensation que l'on doit aux personnes handicapées dans une société de solidarité ne peut être organisée sur la violence faite à d'autres (acte sexuel tarifé ou pas). La dignité des un·es ne s'obtient pas par l'indignité des autres. Par contre faire tout pour que les personnes en difficulté, isolées, en situation de handicap… se rapprochent des conditions de la vie dite normale (y-en-a-t-il une ?), exercent leur liberté, leur citoyenneté, fassent des rencontres à partir desquelles elles peuvent avoir une vie affective et sexuelle, c'est le sens dans lequel il faut agir et former les travailleur·ses sociales et les divers aidant·es-soignant·es. Il faut organiser les aides et les établissements de façon à rendre inclusive la vie des personnes handicapées, c'est évident ! C'est plus difficile, il est vrai, que d'accompagner un homme chez une personne prostituée…

Difficile est, oui, ce qui touche au sexuel, à la vie intime : mettre dans un lit deux personnes qui veulent avoir un rapport sexuel et qui ne peuvent pas s'organiser seules, mettre à disposition un sextoy pour la masturbation, par exemples, demande une intervention humaine qui n'est pas de la prostitution, mais qui met en jeu l'intimité et le rapport au sexe et des demandeur·ses et des aidant·es. Ces dernier·es peuvent être bousculé·es par ce rôle, même s'iels acceptent de le faire au départ. De la même façon les personnes handicapées qui ont besoin d'une intervention pour réaliser une vie sexuelle peuvent être gênées d'être aidées par la personne qui est présente à leurs côtés pour la vie courante. Tout cela mérite une profonde réflexion et une grande prudence qui ne doit pas être déviée par le désir de bienfaisance et le sentiment de compassion mais qui doit se baser sur les conditions de dignité, de non chosification du corps de l'autre, d'égalité entre les femmes et les hommes.

La règle de base pour traiter cette question est que personne ne peut exiger de l'autre un soulagement sexuel. Quelqu'un·e a-t-iel dit à cette femme qui a déclaré avoir fait jouir son fils qui devenait intenable, qu'elle avait commis un inceste ? Les jeunes handicapé·es doivent comme les autres, être protégé·es et recevoir une prévention sur les violences sexuelles et sexistes ; comme les autres, les garçons en situation de handicap doivent être éduqués à la remise en question de la domination masculine.

En tant qu'association féministe et abolitionniste, l'Amicale du Nid combat les violences sexuelles et sexistes dont sont victimes la plupart de femmes et en particulier les femmes en situation de handicap comme le souligne souvent la FDFA. Elle refuse toute forme de violences et de marchandisation du corps humain et particulièrement du corps des femmes.

Amicale du Nid, association laïque, féministe et abolitionnist

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Reza Shahabi : Il est nécessaire de s’organiser et de descendre dans la rue

5 décembre 2023, par Reza Shahabi — , ,
Depuis la prison iranienne d'Evin, le syndicaliste des autobus de Téhéran et sa banlieue (VAHED) a fait parvenir le message suivant : Tiré de Entre les lignes et les mots (…)

Depuis la prison iranienne d'Evin, le syndicaliste des autobus de Téhéran et sa banlieue (VAHED) a fait parvenir le message suivant :

Tiré de Entre les lignes et les mots

Ces jours-ci, de nombreux articles parus dans les médias officiels traitent des problèmes de subsistance des travailleurs. Parfois, des salarié-es et des retraité.es sont également interviewés.

Ce reflet de la situation intolérable des travailleurs/euses dans les médias officiels, qui avaient l'habitude de nier ou de minimiser les problèmes des travailleurs, montre les progrès réalisés par les travailleurs/euses, ainsi que leur capacité à faire entendre leurs revendications.

Par ailleurs, des militant.es ouvriers ont contribué à faire avancer ces revendications en participant activement aux médias sociaux et aux journaux de diverses manières.

Dans ces articles, il est question de l'écart important et croissant entre revenus et dépenses, de la réduction de l'accès des travailleurs/euses à la nourriture, ainsi que de la baisse du pouvoir d'achat.

Il est ensuite mentionné qu'en dépit de ses slogans sur le contrôle de l'inflation et la croissance économique, le pouvoir est concrètement incapable de répondre aux problèmes de manière appropriée. Il ne prête aucune attention aux organisations syndicales et au tripartisme figurant dans les Conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT). Les salaires ne sont pas augmentés en fonction de l'inflation actuelle.

Ces discussions sont absolument inutiles si on ne s'attaque pas à l'une des racines les plus importantes des problèmes, à savoir la répression sévère de toutes les organisations indépendantes.

Existe t-il une seule organisation syndicale – formée uniquement par les travailleurs/euses sans l'interférence du gouvernement-employeur et dans une atmosphère démocratique – qui ait jamais participé au processus du soi-disant « tripartisme », actuellement « ignoré » ?

Ces dernières années, une poignée d'organisations indépendantes, ont été créées : le Syndicat des travailleurs de la compagnie d'autobus de Téhéran et de sa banlieue (Vahed), le Syndicat des travailleurs de la sucrerie de Haft Tappeh, les syndicats d'enseignants, des organisations indépendantes de retraité.es, le syndicat des écrivain.es, etc.

Et cela malgré des milliers d'obstacles systématiques et une répression multiforme : beaucoup de leurs membres ont été soit licenciés et arrêtés, soit toujours en prison, sous la surveillance et le contrôle permanents des forces sécuritaires.

Ce n'est que si de telles organisations se développent et jouent leur rôle, avec le soutien et l'implication maximum des travailleurs, que le gouvernement et les autres petits et grands employeurs seront forcés de prendre en compte nos droits en respectant les conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) dont ceux des enfants et des femmes, ainsi que les conditions de vie des travailleurs.

Il est évident que les soi-disant organisations syndicales artificielles telles que le Conseil islamique du travail, la Maison du travail, l'Assemblée des représentants, etc. ne mettent pas la pression sur le gouvernement parce que les personnes à la tête de ces organisations sont des personnes agissent à leur guise et n'ont jamais été démocratiquement élues. Mais les travailleurs et les militants syndicaux indépendants savent que ces faux représentants n'ont pas le soutien des travailleurs et qu'ils sont dans l'incapacité de gagner leur confiance.

Nous voulons :
– nous débarrasser des millions de cas de chômage et de malnutrition,
– améliorer les conditions de l'ensemble du monde du travail.
– en finir avec des anomalies sociales comme la criminalité, le vol, les fugues, les meurtres familiaux, la toxicomanie, le fait de se retrouver sans-abri.

Les causes fondamentales de toutes ces anomalies sociales sont l'exploitation, le chômage, la pauvreté, l'instabilité et l'insécurité de l'emploi et de l'accès aux moyens de subsistance, toutes sortes de discriminations et de doubles oppressions.

Pour y parvenir, nous ne devons pas avoir peur de déclarer que les travailleurs n'obtiendrons rien avec les promesses vides du gouvernement, des autorités en place et des organisations syndicales-bidons mises en place par le pouvoir.

Nous ne faisons confiance à aucune entité ou organisation liée au pouvoir en place, et nous savons que le temps des tentatives d'apaisement est arrivé à son terme.

Nos jeunes sont assassinés tous les jours, et tout ce que nous avons obtenu jusqu'à présent ne l'a été que par la démonstration du véritable pouvoir des travailleurs, de la solidarité et de l'unité de tous les travailleurs et des opprimés, ainsi qu'en s'organisant et en occupant les rues.

Par conséquent, parler de revalorisation des salaires et d'amélioration des conditions de travail sans insister sur la nécessité d'une organisation indépendante et nationale des travailleurs, et sans essayer de mettre en œuvre nos droits fondamentaux tels que ceux de se réunir, de protester, de faire grève, de manifester dans la rue afin de faire avancer les revendications des travailleurs, serait futile et même trompeur.

Reza Shahabi
Prison d'Evin
03/11/2023
Publié par Alternative Workers News Iran, réseau international auquel participe Solidarité socialiste avec les travailleurs d'Iran, organisation membre du Réseau syndical international de solidarité et de luttes
https://laboursolidarity.org/fr/n/2965/reza-shahabi–il-est-necessaire-de-s039organiser-et-de-descendre-dans-la-rue

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Javier Milei, un président argentin antiféministe et anti IVG

5 décembre 2023, par Osez le féminisme — , ,
Les féministes et progressistes se sont aujourd'hui réveillés.es avec la gueule de bois en Argentine : Javier Milei, candidat ultra-libéral, climatosceptique et antiféministe, (…)

Les féministes et progressistes se sont aujourd'hui réveillés.es avec la gueule de bois en Argentine : Javier Milei, candidat ultra-libéral, climatosceptique et antiféministe, vient d'être élu Président du pays.

tiré de Entre les lignes et les mots

Alors que 3000 femmes sont mortes entre 1983 et 2020 d'avortements clandestins, Javier Milei veut soumettre à référendum la légalisation de l'avortement, obtenu de haute lutte par les mobilisations féministes en 2020. Suppression du ministère des Femmes, négation de l'existence d'inégalités salariales entre femmes et hommes quand celles-ci s'élèvent à 27,7% selon l'Institut national des statistiques… Les dangers qui pèsent sur les femmes argentines mais aussi toutes celles des pays alentours, tant l'Argentine représente un modèle dans la région dépassant la seule remise en cause de l'IVG. L'ultralibéralisme de Milei, qui veut s'attaquer aux aides sociales, à la santé et à l'éducation publique, pèsera en premier lieu sur les femmes, en moyenne plus précaires et à qui les services publics bénéficieront particulièrement en ce qu'ils contribuent à réduire les inégalités femmes-hommes. De même, la marchandisation prônée par Milei s'étend au-delà des services publics, jusqu'au corps humain et en particulier celui des femmes (pro-GPA, pro-prostitution, libéralisation de la vente d'organes…). Enfin la libéralisation du port d'armes aura essentiellement pour conséquence une hausse des féminicides. Candidat masculiniste assumé, Milei s'est notamment appuyé sur le vote de jeunes hommes, déterminant dans l'élection, quand les femmes ont majoritairement voté pour son opposant Sergio Massa.

Osez le Féminisme ! apporte son soutien aux féministes et à toutes et tous les Argentin.es qui souffriront de la politique de Javier Milei et rappelle la priorité qui constitue partout la lutte contre l'extrême-droite qui s'attaque toujours, systématiquement, aux droits des femmes. Toutes et tous les progressistes doivent se mobiliser contre la montée des extrêmes qui nous menacent chaque jour un peu plus, à l'étranger comme en France.

Les féministes se battront toujours contre l'extrême droite,en France comme ailleurs dans le Monde

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La marée féministe engloutit l’Italie le 25 novembre

5 décembre 2023, par Marta Autore — , ,
Le 25 novembre, une vague massive de plus d'un demi-million de personnes a envahi les rues de Rome, avec de nombreux rassemblements spontanés sur les places de tout le pays - (…)

Le 25 novembre, une vague massive de plus d'un demi-million de personnes a envahi les rues de Rome, avec de nombreux rassemblements spontanés sur les places de tout le pays - en premier lieu à Messine, en Sicile, pour crier toute leur colère et leur détermination contre la violence patriarcale, contre ceux qui la commettent et ceux qui la reproduisent.

Tiré de International Viewpoint
https://internationalviewpoint.org/spip.php?article8335
DIMANCHE 3 DÉCEMBRE 2023, PAR MARTA AUTORE

S'il est vrai que depuis des années, les manifestations convoquées par Non Una Di Meno à l'occasion de la journée internationale contre la violence masculine à l'égard des femmes et les violences de genre ont connu une participation vive et significative, le nombre et la détermination observés dans les rues cette année semblent marquer un changement de rythme, une possible nouvelle explosion de mouvements. une irruption puissante et envahissante sur la scène publique des questions du féminisme.

Les raisons de cette irruption sont à chercher dans un contexte de violence structurelle à l'égard des femmes, à laquelle le gouvernement Meloni ne s'oppose que formellement et démagogiquement, instrumentalisant les viols et les féminicides pour durcir les peines et militariser le pays.

Déjà l'été dernier, deux cas de viols collectifs de jeunes filles avaient secoué l'opinion publique, à Caivano et à Palerme. Puis, le 11 novembre, une jeune fille de 22 ans, Giulia Cecchettin, a disparu avec son ex-petit ami de son village du nord-est de l'Italie. Pendant une semaine, les deux hommes sont restés introuvables. Et, tandis que certains journalistes spéculaient dans la presse sur des escapades romantiques irréelles, la conscience amère grandissait que l'histoire se terminerait par un autre féminicide. Numéro 107 en 2023. La jeune fille a été retrouvée morte sept jours plus tard, près d'un lac, après avoir saigné à mort après avoir été poignardée 26 fois. Son meurtrier, son ex-petit ami Filippo Turetta, 22 ans, a été arrêté en Allemagne quelques jours plus tard. [1] (en anglais)

Le chagrin, la frustration et la colère se répandent, surtout chez les très jeunes. Une histoire dont la fin était déjà écrite, dans une société profondément marquée par la violence patriarcale. Cela a été très clair comme de l'eau de roche par Elena Cecchettin, la sœur de Giulia, dans une interview explosive, dans laquelle elle a déclaré :

Turetta est souvent décrit comme un monstre, mais ce n'est pas un monstre. Un monstre est une exception, une personne qui est en dehors de la société, une personne pour laquelle la société n'a pas besoin de prendre ses responsabilités. Au lieu de cela, il y a la responsabilité. Les « monstres » ne sont pas malades, ce sont des fils sains du patriarcat et de la culture du viol. La culture du viol est ce qui légitime tous les comportements qui nuisent aux femmes, à commencer par les choses qui ne sont parfois même pas considérées comme importantes, mais qui sont très importantes, comme le contrôle, la possessivité, les injures. Chaque homme est privilégié par cette culture.

On dit souvent « pas tous les hommes ». Tous les hommes ne le sont pas, mais ils restent des hommes. Aucun homme n'est bon s'il ne fait rien pour démanteler la société qui lui donne tant de privilèges. Il est de la responsabilité des hommes dans cette société patriarcale, compte tenu de leur privilège et de leur pouvoir, d'éduquer et d'interpeller leurs amis et collègues dès qu'ils entendent le moindre soupçon de violence sexiste. Dites-le à cet ami qui prend des nouvelles de sa petite amie, dites à ce collègue qui interpelle les passants, rendez-vous hostile à de tels comportements acceptés par la société, qui ne sont que le prélude au féminicide.

Le féminicide est un meurtre d'État parce que l'État ne nous protège pas. Le féminicide n'est pas un crime passionnel, c'est un crime de pouvoir. Nous avons besoin d'une éducation sexuelle et émotionnelle généralisée, nous devons enseigner que l'amour n'est pas une possession. Nous devons financer des centres de lutte contre la violence et donner à ceux qui en ont besoin la possibilité de demander de l'aide. Pour Giulia, ne gardez pas un moment de silence, car Giulia brûlez tout.

(Lettre au Corriere della Sera, 20 novembre 2023)

« Ne garde pas une minute de silence, brûle tout », « C'était ton bon garçon ». Les phrases résonnent sur les réseaux sociaux des très jeunes et pas seulement, sur les murs des villes, soulignant une rébellion contre le récit de l'homme violent comme un monstre malade. Au lieu de cela, il y a trop de connexions que chaque femme ressent avec cette histoire de possession, de jalousie, de chantage psychologique.

Ainsi, lorsque le ministre de l'Éducation, Valditara, a proposé une minute de silence dans chaque école pour se souvenir de Giulia et des autres victimes, dans de nombreuses écoles, il y a eu une minute de bruit : cris, coups aux portes, secousses de clés pour symboliser d'une part que le féminicide a trop souvent les clés de la maison, et d'autre part que nous ne voulons plus avoir à faire de bruit pour nous rendre courageux en rentrant chez nous seul. (https://www.youtube.com/watch?v=D9quZBf1jfI)

Assemblées bondées, marches nocturnes spontanées, occupations d'écoles, initiatives en dehors des bureaux des journaux... La semaine qui a suivi a été une succession de mobilisations dans tout le pays.

Le 25 novembre, des centaines de bus se sont mis en route dès le matin pour se rendre aux rassemblements de Rome et de Messine, et les demandes de participation ont été si nombreuses que dans de nombreuses villes, d'autres cortèges ont été appelés pour donner à chacun la possibilité de manifester.

À Rome, tous ceux qui quittaient leur domicile pour se rendre au Circo Massimo se retrouvaient dans les transports en commun remplis de personnes se dirigeant vers le même but, il y avait des marches pratiquement parallèles qui se dirigeaient vers la marche principale, et la vue pour ceux qui arrivaient sur la place était impressionnante.

La plus grande manifestation de ces dernières années a inondé les rues de la ville de manière désordonnée et déterminée, encerclant spontanément le Colisée, laissant sa marque sur les volets du siège de Pro Vita, apportant sa solidarité au peuple palestinien, criant haut et fort la nécessité de financer des centres de lutte contre la violence, d'établir des programmes d'éducation sexuelle et relationnelle dans les écoles de tous les niveaux. faire entendre la voix de tant de femmes et de minorités de genre qui luttent quotidiennement contre la violence masculine.

Un jour historique pour le mouvement féministe, qui effraie le gouvernement Meloni, jusqu'ici peu contesté par les mouvements sociaux. Une journée qui donne au mouvement une grande responsabilité : nourrir cette colère, continuer à insister sur la dimension structurelle de la violence patriarcale, identifier des objectifs concrets, construire une véritable grève féministe le 8 mars.

3 décembre 2023

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Notre système institutionnel permet de violer ou de battre une femme en toute impunité dès lors qu’elle est en situation irrégulière

Nos institutions refusent de tenir compte des violences sexistes et sexuelles subies par les femmes étrangères en France estime, dans une tribune au « Monde », un collectif (…)

Nos institutions refusent de tenir compte des violences sexistes et sexuelles subies par les femmes étrangères en France estime, dans une tribune au « Monde », un collectif rassemblant plusieurs associations qui s'opposent au choix délibéré de l'inaction.

Tiré de Entre les lignes et les mots

En France, 213 000 femmes ont déclaré en 2019 être victimes de violences physiques ou sexuelles, selon l'Observatoire national des violences faites aux femmes. Certaines subissent aussi des violences psychologiques ou administratives de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Chaque année, 94 000 femmes sont victimes de viol ou tentatives de viol.

Ces violences concernent toutes les femmes, quelles que soient leur catégorie sociale, leur nationalité, leur âge. Elles peuvent prendre différentes formes et être subies au sein de la sphère familiale, mais aussi dans des relations sociales, dans la rue, au travail, n'importe où, tout le temps. La violence de genre est omniprésente, étouffante. Ces violences se déroulent dans l'intimité mais ne sont pas d'ordre privé : c'est l'affaire de tout le monde, à commencer par celle de la puissance publique.

Les femmes étrangères, comme toutes les femmes, peuvent être confrontées à des violences, dont certaines bien spécifiques. Majoritaires, elles représentent 52% de la population migrante, d'après l'Institut national d'études démographiques, et leur condition de femme les expose à des violences systémiques et répétitives, du départ à l'arrivée dans le pays de destination.

Certaines, torturées, emprisonnées, exploitées, violées dans leur pays, d'autres victimes de sévices de toutes sortes pendant leur parcours migratoire ou bien en France. Et une fois en Europe, les violences ne s'arrêtent pas. De récents articles ont mis en lumière tous ces phénomènes. La réponse aux constats, aux alertes, aux dénonciations de l'innommable ? Le silence affligeant des pouvoirs publics.

Excision, mariage forcé, esclavage

Nos organisations reçoivent des femmes qui ont vécu des violences sexuelles et sexistes, des violences conjugales ou familiales, ou encore l'excision, un mariage forcé, l'esclavage en France. Comment améliorer leur protection ? Car c'est bien de cela qu'il s'agit : protéger ces personnes et ne pas s'arrêter au seul fait « qu'elles n'ont pas vocation à rester sur le territoire français », comme on a pu l'entendre en préfecture ou en commissariat. Ne rien « pouvoir faire étant donné leur situation administrative » n'est pas une fatalité, mais le choix délibéré de l'inaction.

En refusant de tenir compte de ces violences, en refusant de les croire, de les accueillir, une autre violence est exercée, et cette fois-ci, émanant de nos institutions.

Un certain nombre de dispositions législatives garantissant des droits à des personnes étrangères victimes de violences ont été obtenues au cours des dernières années : certaines peuvent demander l'asile, d'autres, victimes de traite des êtres humains, doivent bénéficier d'une carte de séjour si elles déposent plainte et prouvent leur distanciation avec l'exploitant.

Les femmes mariées victimes de violences conjugales se voient délivrer et renouveler leur titre de séjour lorsqu'elles rompent la vie commune et apportent la preuve des violences subies.

Interprétation restrictive

Ces textes ont le mérite d'exister. Certes. Reste qu'ils sont lacunaires, ne protègent pas toutes les femmes : leur interprétation s'avère majoritairement restrictive et soumise au pouvoir discrétionnaire de l'autorité préfectorale. En pratique, les femmes concernées n'accèdent pas à la préfecture : les démarches sont kafkaïennes et les auteurs de violences très créatifs pour empêcher les victimes d'entreprendre leurs demandes.

Des documents sont illégalement requis par l'administration, les violences qui ne se voient pas sont ignorées, celles qui se voient sont examinées de façon suspicieuse, sur un ton inquisiteur. Certaines femmes, parce qu'elles sont étrangères, se voient dénier leurs droits fondamentaux.

Souvent, elles ne peuvent pas porter plainte contre les violences subies, des policiers et policières arguant de leur situation administrative ou qu'elles n'ont pas le droit de le faire. Trop fréquemment, il leur est demandé d'apporter un certificat médical en amont du dépôt de plainte. En réalité, est exigé de la personne qu'elle rapporte des traces visibles, des preuves indéniables de la violence subie. C'est de cette preuve que découle la reconnaissance de la qualité de victime et des droits y afférents.

Le fait d'être étrangères ne permet pas à ces femmes d'assurer pleinement la défense de leurs droits devant les tribunaux, d'accéder à certains types d'hébergement. Elles craignent sans cesse de perdre la garde de leurs enfants, leur accès aux soins est détérioré et leur santé mentale oubliée… Des femmes ont osé demander l'aide de la police à la suite de violences et ont été placées dans des centres de rétention où La Cimade intervient.

Appliquer les textes

Quel est ce système institutionnel qui permet aujourd'hui de violer ou de battre un être humain en toute impunité dès lors que la victime est en situation irrégulière ? Cela signifie-t-il que la qualité de victime est fonction de la situation administrative et que la protection dépend d'une autorisation de séjour tamponnée par la bonne autorité ?

Parler de l'intime n'est pas anodin et on ne peut pas attendre de ces femmes qu'elles racontent systématiquement et précisément ces traumatismes, ni avec le vocabulaire ni les codes socioculturels dits occidentaux. C'est pourtant ce qui leur est demandé ! Parler de viols, d'excision, des violences subies dans le cadre d'un mariage forcé ou à la suite de la découverte de son orientation sexuelle. Et toujours devoir convaincre de leur véracité pour ne pas se voir dire « vous vous prétendez victime pour obtenir des papiers et des droits ».

La sanction pour ne pas avoir réussi à convaincre ? Un refus de protection, accompagné bien trop souvent d'une obligation de quitter le territoire. Il est urgent de cesser la suspicion généralisée entourant la parole des victimes, d'en finir avec l'invisibilisation des victimes de nationalité étrangère.

Assez ! Il est temps de décider d'une politique publique forte, de faire appliquer les textes, de créer des places d'hébergement, de soutenir l'accès aux droits et à la santé des femmes victimes de violences, de former les acteurs et d'octroyer les moyens nécessaires à une véritable politique de lutte contre toutes les violences.

Il est essentiel de protéger enfin toutes les victimes, y compris les femmes étrangères sans titre de séjour en France. Pour toutes, sans distinction, réclamons, exigeons plus d'égalité, de justice, de protection !

Liste complète des organisations signataires :
Irène Ansari, coordinatrice, La ligue des femmes iraniennes pour la démocratie
Ana Azaria, présidente, Organisation de Femmes Egalité
Danielle Bousquet, présidente, Fédération nationale des CIDFF (Centres d'information sur les droits des femmes et des familles).
Françoise Brié, directrice générale, Fédération nationales Solidarité Femmes (FNSF)
Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale, La Cimade
Cécile Chaussignand, vice-présidente, Le Comede
Sarah Durocher, présidente, Planning familial
Isabelle Gillette-Faye, présidente, Genre & Cultures
Camille Gourdeau, co-présidente, FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s)
Evelyne-Aurore Houngbossa Ongong Boulou, présidente, RIFEN NDPC/GAMS Hauts-de-France
Geneviève Jacques, présidente, Femmes de la Terre
Sarah McGrath, directrice Générale, Women for Women France
Priscillia Mutatayi, présidente, GAMS Sciences-Po
Alissata Ndiaye, présidente, Fédération Nationale GAMS
Maëlle Noir, membre de la coordination nationale #NousToutes
Dr Florence Rigal, présidente, Médecins du monde
Vanina Rochiccioli et Christophe Daadouch, co-président⋅es, Gisti
Suzy Rojtman, porte-parole, Collectif national pour les droits des femmes
Jean-Claude Samouiller, président, Amnesty international France
Alice Vaude, secrétaire nationale de l'Organisation de Solidarité Trans (OST)
Marie-Christine Vergiat, vice-présidente, LDH (Ligue des droits de l'Homme)

Tribune publiée initialement dans Le Monde
https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/25/notre-systeme-institutionnel-permet-de-violer-ou-de-battre-une-femme-en-toute-impunite-des-lors-qu-elle-est-en-situation-irreguliere_6202280_3232.html
https://www.ldh-france.org/25-novembre-2023-notre-systeme-institutionnel-permet-de-violer-ou-de-battre-une-femme-en-toute-impunite-des-lors-quelle-est-en-situation-irreguliere-publiee-dans-le-monde/

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COP28 : à Dubaï, en plus du sultan, il y aura la cohorte des lobbyistes

5 décembre 2023, par Corporate Europe Observatory — ,
Dans un billet sur France Culture le 27 novembre, l'économiste et couronnée par la banque de Suède en 2019 (« Prix Nobel d'économie »), rappelle que : « Entre 1995, date de la (…)

Dans un billet sur France Culture le 27 novembre, l'économiste et couronnée par la banque de Suède en 2019 (« Prix Nobel d'économie »), rappelle que : « Entre 1995, date de la première COP, et aujourd'hui, les émissions annuelles de gaz à effets de serre sont passées de 23 milliards à 37 milliards de tonnes par an, et le stock de carbone dans l'atmosphère a doublé. » Elle poursuit : « Avec un leader pareil [Ahmed Al-Jaber, ministre émirati de l'Industrie et PDG de l'Abu Dhabi National Oil Company], il n'y a probablement pas grand-chose à attendre de cette COP, mais ce ne sera pas un immense changement par rapport aux COP précédentes.

Tiré de A l'Encontre
27 novembre 2023

Par Corporate Europe Observatory

Les décisions prises lors des COP doivent être approuvées à l'unanimité. Beaucoup de temps est passé à négocier les termes exacts des traités. » Parmi les participants à ces négociations, les représentants du secteur des hydrocarbures jouent à plein leur rôle. La présentation de l'étude de l'ONG Kick Big Polluters Out publiée ci-dessous le confirme.

Un des thèmes qui est censé devoir être traité à cette COP28 est celui du fonds des « pertes et dommages » (voir à ce propos l'article d'Adam Tooze publié sur ce site le 25 novembre). Esther Duflo fait remarquer qu'« il y aura aussi une discussion plus lourde de conséquences immédiates sur la question du fonds “pertes et dommages”, qui est censé compenser les pays les plus pauvres qui sont les premières victimes du changement climatique, alors qu'ils y contribuent le moins. Le principe de ce fonds avait été approuvé l'an dernier, mais sans aucun détail : il était prévu que ces détails soient élaborés cette année, en vue d'un vote à Dubaï. Ces négociations ont failli dérailler. Parmi les sujets qui créent la discorde, les Etats-Unis refusaient le principe de contributions obligatoires. Il semble qu'ils aient eu gain de cause. Sans obligation, ces engagements sont vains. L'engagement de 100 milliards de dollars annuels pour les pays pauvres, pris à Copenhague, n'a jamais été atteint. Pour compenser réellement les pays pauvres pour les dommages liés à nos émissions, il faudrait plutôt 500 milliards par an. Jamais cela ne pourra être atteint volontairement. Si nous voulons avoir une chance de financer ce fonds, il faut créer de nouveaux flux de revenus qui peuvent y être consacrés exclusivement. C'est faisable. Le rapport de l'Observatoire européen de la fiscalité note qu'une taxe de 2% sur la fortune des 3000 milliardaires les plus riches du monde lèverait plus de 200 milliards de dollars. Faire passer l'impôt minimum sur les corporations de 15% à 20% pourrait lever au moins 300 milliards. » A Dubaï ce genre de propositions relèvent d'un mirage.

En outre, les milliards pour « pertes et dommages » sont en partie, bien que ce ne soit pas clairement défini, des prêts, ce qui pose le problème de la dette et de sa relation avec les politiques extractivistes.

L'acronyme COP renvoie à la formule « conférence des parties ». Or, qui sont les plus grands pollueurs ? Ce sont les grandes transnationales qui contrôlent le complexe du secteur des hydrocarbures. Elles ne sont pas officiellement dans les COP. Dès lors, leur présence active est médiée par leurs réseaux diversifiés de lobbyisme. Ce qui n'est pas sans rapport avec le caractère déclaratif – et strictement non contraignant – des dites résolutions issues de ces conférences, entre autres celles concernant le fonds « pertes et dommages ». (Réd. A l'Encontre)

***

Le 21 novembre, Corporate Europe Observatory a produit un résumé de l'étude de la coalition Kick Big Polluters Out (KBPO) – Virer les gros pollueurs –, portant sur les délégués-participants liés aux plus grandes entreprises pétrolières et gazières polluantes du monde [dioxyde de carbone-CO2, méthane…] et à leurs distributeurs ont participé au moins 7200 fois aux diverses négociations sur le climat organisées par les Nations unies au cours des 20 dernières années.

A quelques jours de la COP28 [qui se tiendra à Dubai, aux Emirats arabes unis] – un événement déjà marqué par des polémiques en partie à cause du grand patron des hydrocarbures qui la préside [Ahmed Al-Jaber] – cette analyse met en lumière la présence concertée et obstructionniste du lobby des combustibles fossiles au cœur des efforts déployés pour éviter un bouleversement total du climat.

Depuis la COP9 en 2003 [réunie à Milan, l'acronyme renvoie à cette 9e Conférence des parties organisée par l'ONU pour le Climat], les collaborateurs confirmés des entreprises de combustibles fossiles ont participé au moins 945 fois aux multiples sessions de négociations. Les collaborateurs des cinq géants pétroliers – ExxonMobil, Chevron, Shell, BP et TotalEnergies – ont obtenu au moins 267 laissez-passer.

Les membres des associations professionnelles représentant les plus grands pollueurs de combustibles fossiles ont quant à eux assisté au moins 6581 fois aux sessions de négociation des COP. Ces groupes ont profité de leur présence lors des COP pour faire pression afin de promouvoir les intérêts des combustibles fossiles.

Tous les délégué·e·s à la COP doivent être accueillis par une délégation officielle d'un gouvernement ou d'une organisation reconnue, dont beaucoup sont des organismes du secteur des combustibles fossiles. Toutefois, de nombreux délégués ne déclarent pas leur « affiliation », c'est-à-dire les organisations pour lesquelles ils travaillent ou les intérêts qu'ils représentent. Cela permet à la présence des firmes de combustibles fossiles de passer inaperçue. Par conséquent, il est probable que ces données soient largement sous-estimées.

Selon l'analyse de Kick Big Polluters Out, une organisation professionnelle, l'International Emissions Trading Association (IETA), fondée par de grands pollueurs et comptant parmi ses membres des géants pollueurs tels qu'Exxon, Chevron et BP, a reçu au moins 2769 laissez-passer pour assister aux négociations sur le climat depuis 2003.

Parmi les conclusions de cette enquête sans précédent, qui a compilé et analysé des informations sur les participants aux COP depuis la COP9 de 2003 :

. Parmi les collaborateurs du secteur pétrolier et gazier que nous avons pu identifier, c'est Shell qui a envoyé le plus de « délégués » aux négociations au fil des ans, avec au moins 115 laissez-passer accordés par la CCNUCC [Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques]. Shell s'est déjà vanté d'avoir influencé l'issue de la COP21, qui a vu naître l'Accord de Paris de 2015 sur le changement climatique. L'entreprise dépenserait chaque année des millions de dollars en lobbying pour affaiblir les dispositifs ayant trait au climat.

. Des représentants confirmés de la major italienne Eni (Ente Nazionale Idrocarburi), qui est poursuivie pour lobbying et écoblanchiment afin de favoriser l'augmentation de la production/consommation des combustibles fossiles malgré la connaissance des risques, ont assisté au moins 104 fois à des COP ; la société brésilienne Petrobras au moins 68 fois ; BP [ex-British Petroleum, puis BPAmoco, aujourd'hui BP] au moins 56 fois et Chevron au moins 45 fois.

. Outre l'IETA, le World Business Council for Sustainable Development-Conseil mondial des entreprises pour le développement durable [structure initiée en 1992 par l'homme d'affaires helvétique Stephan Schmidheiny], avec au moins 979 participations, et le Business Council for Sustainable Energy (Conseil des entreprises pour l'énergie durable), avec au moins 558 participations, figurent parmi les organisations du secteur des combustibles fossiles les plus représentées aux « conférences des parties ». La fédération japonaise des entreprises Keidanren, qui compte parmi ses membres certains des plus grands pollueurs du pays, a envoyé au moins 473 délégués, et BusinessEurope [association patronale qui défend les intérêts des employeurs auprès de l'UE] au moins 210.

. Sur les 20 premiers groupes économiques en termes de participation identifiés dans l'étude, tous ont leur siège dans le « Nord global ». Cela montre que les organisations des pays les plus responsables des émissions mondiales dominent les négociations sur le climat et tentent d'influencer les progrès du dispositif concernant le climat qui a le plus d'impact direct sur les pays du Sud qui ont le moins contribué historiquement à la crise climatique.

. Certains lobbyistes ont assisté aux « conférences des parties », représentant à la fois des entreprises de combustibles fossiles et des organismes économiques. Au total, la CCNUCC a accordé au moins 7200 laissez-passer à des représentants des combustibles fossiles depuis 2003.

Cette analyse du KBPO se concentre sur les principales compagnies pétrolières et gazières et les pollueurs historiques, ainsi que sur les organismes économiques qui participent régulièrement aux négociations sur le climat. La diversité de l'élaboration/présentation des listes de présence de la CCNUCC d'une année sur l'autre rend difficile le décompte et le classement des noms, sans compter que la CCNUCC n'exigeait pas, jusqu'à récemment, que les participants divulguent leurs affiliations. Cela signifie que ces résultats n'illustrent que la partie émergée de l'iceberg de l'influence des producteurs/distributeurs de combustibles fossiles, car de nombreux représentants n'auront pas été détectés dans le cadre de cette enquête.

Les lobbyistes des combustibles fossiles ont également l'habitude de participer aux COP au sein de délégations qui ne trahissent pas leur affiliation. Par exemple, Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, a assisté à la COP27 l'année dernière au sein de la délégation d'une ONG allemande, International Climate Dialogue e. V. [1]. Bernard Looney, ancien PDG de BP, a également assisté à la COP27 en tant que membre de la délégation mauritanienne.

« L'ONU n'a pas de règles en matière de conflits d'intérêts pour les COP », a déclaré George Carew-Jones, du groupe de jeunes YOUNGO (official youth constituency) de la CCNUCC. « Ce fait incroyable a permis aux lobbyistes des combustibles fossiles de saper les négociations pendant des années, affaiblissant ainsi le processus sur lequel nous comptons tous pour assurer notre avenir. »

« Les jeunes du monde entier perdent confiance dans le processus des COP – nous avons désespérément besoin de garanties solides sur le rôle que jouent les entreprises pétrolières et gazières dans ces négociations », ont-ils déclaré.

« L'étude montre clairement que l'organisme chargé de mettre en œuvre les politiques mondiales de réduction des émissions de gaz à effet de serre est totalement pris en main par les entreprises transnationales qui détruisent le plus la planète », a déclaré Pablo Fajardo, de l'Union of Affected Communities by Texaco/Chevron, en Equateur. « La COP doit être libérée des entreprises polluantes, sinon elle devient en partie responsable de l'effondrement général. »

Brenna TwoBears, coordinatrice principale de Keep It In The Ground au sein de l'Indigenous Environmental Network, a déclaré que les lobbyistes des combustibles fossiles étaient 200% plus nombreux que les peuples autochtones qui ont participé à la COP26 à Glasgow en 2021. « Alors que les émissions de combustibles fossiles représentent environ 90% des émissions mondiales de carbone, comment peut-on les laisser entrer dans le seul endroit censé traiter de la crise climatique ? »

***

La présence de lobbyistes à la COP ne se limite pas à l'industrie des combustibles fossiles. D'autres branches polluantes profondément impliquées directement ou indirectement dans la crise climatique, telles que la finance, l'agro-industrie et les transports, sont également présentes, bien qu'elles ne soient pas incluses dans cette analyse.

Ces nouvelles conclusions s'inscrivent dans le prolongement des appels lancés ces dernières années pour protéger la transparence et probité des négociations des Nations unies sur le climat en établissant des politiques claires en matière de conflits d'intérêts et des mécanismes amples favorisant l'obligation de rendre des comptes. Après de nombreuses années de campagne de la société civile, la CCNUCC a fait un premier pas dans ce sens en juin dernier en rendant obligatoire la divulgation de l'identité des représentants des participants à la COP.

Ces dernières années, des délégués gouvernementaux représentant collectivement près de 70% de la population mondiale ont demandé que ces conflits d'intérêts soient abordés. Plus de 130 élus des Etats-Unis et de l'Union européenne se sont joints à cet appel à l'approche de la COP28, demandant à leurs propres gouvernements pollueurs de cesser d'entraver les progrès dans ce domaine (voir le texte de Manon Aubry et Sheldon Whitehouse publié le 23 mai 2023 adressé à Biden, von der Leyen et Guterres). Même l'ancienne responsable de la CCNUCC, Christiana Figueres [diplomate du Costa Rico, secrétaire exécutive de la CCNUCC entre 2010 et 2016 ; elle a été liée à la plus grande compagnie du secteur de l'énergie en Amérique latine : ENDESA Latinoamerica], partisane de longue date de l'inclusion des intérêts des pollueurs dans les négociations sur le climat, a récemment fait remarquer que si l'industrie des combustibles fossiles « n'est là que pour faire de l'obstruction et pour mettre des bâtons dans les roues du système, elle ne devrait pas être là ». (Article publié par le Corporate Europe Observatory le 21 novembre 2023 ; traduction rédaction A l'Encontre)


[1] Selon Le Monde du 12 juin 2023 : « Pour augmenter son contingent à Charm El-Cheikh, TotalEnergies a trouvé une solution aussi discrète qu'inattendue : faire accréditer quatre employés supplémentaires par une pseudo-ONG environnementale allemande, International Climate Dialogue e. V. (ICD). Cette délégation comprenait les deux gardes du corps de Patrick Pouyanné, Jérôme B. et Patrick C., ainsi que le lobbyiste international de TotalEnergies, Majdi Abed, et le vice-président de l'entreprise chargé des marchés carbone, Pascal Siegwart. Au sein de la délégation hétéroclite de l'ICD à la COP27, leurs noms côtoyaient ceux de quatre chercheurs taïwanais. »

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Écologie : à Dubaï, la COP28 reste aux mains des géants du pétrole

5 décembre 2023, par Commission nationale écologie NPA — ,
Surnommée COP des fossiles, la COP28 qui va se tenir du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï mérite bien son nom. Dans une situation de plus en plus dramatique, les (…)

Surnommée COP des fossiles, la COP28 qui va se tenir du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï mérite bien son nom. Dans une situation de plus en plus dramatique, les pousse-au-crime climatiques sont aux commandes.

Hebdo L'Anticapitaliste - 685 (30/11/2023)

Par Commission nationale écologie

La conférence sera présidée par le Sultan Al Jaber, PDG de la compagnie nationale pétrolière Adnoc et ministre de l'Industrie des Émirats arabes unis (EAU), avec les conseils du cabinet McKinsey qui œuvre aussi pour Chevron, Exxon, BP, Saudi Aramco, Rio Tinto… et préconise d'investir encore 2 700 milliards de dollars par an dans le pétrole et le gaz d'ici 2050.

D'année en année, les émissions de CO2 continuent d'augmenter. Les subventions publiques aux combustibles fossiles dans les pays du G20 ont plus que doublé entre 2021 et 2022.

Les alertes se multiplient

Sur la trajectoire : António Guterres, secrétaire général des Nations unies, qualifie l'écart entre les réductions des émissions nécessaires et les maigres engagements des États de « véritables canyons souillés de promesses brisées ». Effectivement, les engagements actuels — dont rien n'assure qu'ils seront tenus — conduisent à une hausse des températures de 2,5 à 2,9 °C.

Sur la santé : selon le rapport 2023 du Lancet sur la santé et les changements climatiques, le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans décédées à cause de la chaleur a augmenté de 85 % entre les décennies 1991-2000 et 2013-2022. À l'horizon 2100 et une augmentation moyenne de 2 °C, les chaleurs extrêmes tueraient près de cinq fois plus.

Les émissions ne viennent pas de nulle part

Des chercheurs ont répertorié 422 « bombes carbone », des sites géants d'extraction de pétrole, de gaz et pour moitié de charbon. L'exploitation de l'ensemble de ces sites émettrait 1 182 gigatonnes (1) eq CO2 (2), soit plus du double des 500Gt du budget carbone, le maximum des émissions compatible avec un réchauffement climatique de 1,5 °C. TotalEnergies est le deuxième groupe mondial le plus impliqué dans ces bombes — 23 sites d'extraction, dont le plus important au Qatar, avec un potentiel d'émissions d'environ 12 gigatonnes de CO2. Côté financeurs, les banques françaises sont aussi en bonne place : BNP Paribas et le Crédit agricole sont dans le top 10 ; la Société générale et BPCE/Natixis, dans le top 50.

Le tour de passe-passe des combustibles fossiles « propres »

Alors que la production de combustibles fossiles devrait dépasser d'ici 2030 le double du volume compatible avec une limitation du réchauffement à 1,5 °C (3), les promesses mensongères de « gestion du carbone » (captage/stockage du carbone et élimination du dioxyde de carbone) reviennent en force.

Pour compenser l'excédent d'émissions, il faudrait éliminer une gigatonne de CO2 en moins de dix ans. Or, selon différents rapports, l'ensemble de ces projets prévus, en construction et opérationnels en 2030 ne serait, au mieux, capable de capter que 35-40 % de ce qui serait nécessaire.

Les faits sont têtus. Il n'y a pas d'autre issue que de réduire drastiquement la production des énergies fossiles. Et ce ne sera encore pas cette COP qui en prendra le chemin.

Urgence sociale et urgence climatique

Le dernier rapport d'Oxfam a le grand mérite de lier indissociablement dérèglement climatique et inégalités extrêmes comme les deux défis de notre époque. Il montre combien les super-riches brûlent notre monde par leur hyperconsommation de luxe, leurs intérêts financiers, leur influence politique : ce 1 % de la population a été responsable en 2019 d'autant d'émissions de carbone que les 2/3 les plus pauvres.

Dénonçant le racisme, le sexisme, le colonialisme, l'ONG affirme à raison que l'égalité à l'échelle mondiale est « l'une des stratégies d'atténuation les plus performantes ». Elle rompt avec le dogme de la croissance économique et en appelle à une nouvelle ère.

Une ère qui, pour nous, doit être celle d'une décroissance juste et écosocialiste qui exige la rupture avec le capitalisme. Et pas seulement de faire payer les riches !

Notes

1. 1 Gigatonne = 109 tonnes (Gt)
2. Tonne eq CO2 : dont l'effet de serre est équivalent à celui d'une tonne de CO2.
3. 3 – https://www.sei.org/publ…

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« Dubaï est une farce » : les Scientifiques en rébellion organisent une alter COP à Bordeaux

5 décembre 2023, par Reporterre.net — , ,
Le collectif Scientifiques en rébellion organise une COP alternative à Bordeaux afin de dénoncer l'échec de la gouvernance climatique mondiale et d'inventer de nouveaux (…)

Le collectif Scientifiques en rébellion organise une COP alternative à Bordeaux afin de dénoncer l'échec de la gouvernance climatique mondiale et d'inventer de nouveaux imaginaires.

Tiré de NPA 29

« Le message est terrible. La COP28 est témoin d'une faillite : celle de la gouvernance climatique internationale. » Un micro à la main, le biochimiste Jérôme Santolini s'adresse à l'assemblée avec la pédagogie du professeur et la fièvre de l'activiste. Dans ce hall austère de la Base sous-marine de Bordeaux, tout de béton vêtue, la température est un brin plus fraîche qu'à Dubaï. Bienvenue à l'alter-COP des Scientifiques en rébellion. Ces femmes et ces hommes en blouse blanche ont quitté leur laboratoire pour investir ce bâtiment du 30 novembre au 3 décembre, et dénoncer « la farce qui se joue sous nos yeux ».

« La COP28 n'est pas une solution, elle est le problème, assure Jérôme Santolini. Elle sature l'espace politique et empêche l'émergence d'alternatives. »

Pour lui, les institutions restent enfermées dans un modèle datant des Trente glorieuses et sont incapables de s'adapter à l'ère de l'anthropocène. Preuve à l'appui, le procès survenu le 30 novembre à Paris : huit scientifiques et militants comparaissaient pour avoir occupé le Muséum national d'histoire naturelle en 2022. « Et pendant ce temps, les vrais criminels climatiques, connus depuis belle lurette, se promènent dans les couloirs d'une COP aux mains plongées dans le pétrole », s'insurge le chercheur.

« Les COP sont des machines à fabriquer une fiction collective »

Historienne des politiques du changement climatique, Amy Dahan tient à rassurer son auditoire : elle non plus ne croit pas en ces COP. « Néanmoins, ce cadre multilatéral a accompagné une certaine prise de conscience de l'urgence. » Avec une vingtaine de participations à son compteur, elle atteste qu'avant le début des années 2000, aucun officiel ou presque ne croyait au changement climatique : « Il y avait un fort climatoscepticisme et, sur ce point précis, ça a évolué. »

Si tout n'est pas à jeter, le constat reste noir à l'heure du vingt-huitième rendez-vous pour le climat : « Il y a eu le protocole de Kyoto, l'accord de Copenhague, celui de Paris… Et qu'en reste-t-il ? » s'interroge Romain Grard, du collectif Scientifiques en rébellion.

La Convention-cadre sur les changements climatiques, signée en 1992 à New York, témoignait du désir des parties prenantes de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre à un niveau viable. Trente-et-un plus tard, elles ont grimpé de 60 % : « Les COP sont des machines à fabriquer une fiction collective, dit la collapsologue Agnès Sinaï. Des milliers d'officiels construisent une rhétorique insaisissable pour le commun des mortels et tout cela ne sert qu'à occulter le tabou des énergies fossiles. »

« Aujourd'hui, on n'a plus le luxe d'être simplement contre, estime Romain Grard. On ne peut rester les bras croisés, alors il faut inventer autre chose. » Des alternatives, Agnès Sinaï en a plusieurs à suggérer. À commencer par la création d'une Cour internationale de justice climatique, sur le modèle de la Cour pénale internationale de La Haye : « L'accord de Paris est un traité politique totalement dénué de sanctions. Les États sont à la fois juges et parties, ça n'a aucun sens. » Elle propose en outre d'initier une Convention citoyenne internationale pour le climat, ou encore une COP de la décroissance. Aussi utopistes soient-elles, ces pistes ont le mérite d'inventer de nouveaux imaginaires.

Là est aussi le pari de cette alter-COP : s'approprier le narratif trop longtemps accaparé par les puissants. « On a toujours attendu des scientifiques qu'ils pondent de grands rapports à déposer sur le bureau de tel ou tel ministre », constate Stéphanie Mariette, généticienne des populations. Seulement, à quoi bon si c'est pour les entendre parler de croissance verte ensuite ? « Aujourd'hui, ce cadre institutionnel, créé par l'État, ne suffit plus. On doit s'en libérer et aller directement au contact des citoyens, au plus près des luttes locales. »
Un fossé entre le grand public et les scientifiques

Géographe et contributeur du Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat), Wolfgang Cramer partage cette observation : « Je suis fasciné par la figure que l'on a construite du scientifique volontairement naïf. On se contentait de constater. On observait monter et descendre ces courbes, pour les décrire ensuite dans un langage froid et neutre. » Il met au défi quiconque de trouver un seul point d'exclamation dans les travaux du Giec. « Et de retour à la maison, on passait à autre chose, déplore-t-il. On considérait que plus nous étions désengagés, plus nous étions crédibles. C'était un contrat imaginaire avec la société. »

Cette posture a creusé un fossé entre le grand public et les scientifiques. « J'ai le sentiment que nous restons souvent entre nous, confirme l'océanographe François Sarano. Et cet entre-soi confortable rebute les citoyens que l'on devrait convaincre. Nous faisons peur, nos discours effraient. Pourtant, il faut séduire. » Comment ? En cherchant d'autres interlocuteurs que ceux des revues spécialisées où sont publiés les travaux et ceux des colloques internationaux où les chercheurs ne rencontrent que leurs pairs. « Il devient crucial de construire des ponts avec le grand public », abonde Julian Carrey, enseignant physicien à la blouse blanche et aux cheveux ébouriffés.

Plus facile à dire qu'à faire : une petite centaine de personnes à peine, scientifiques et journalistes compris, ont participé aux débats. Et au moins autant de chaises vides. Alors, à la tombée de la nuit, flottait dans l'air le sentiment amer d'un rendez-vous manqué.

Emmanuel Clévenot 2 décembre 2023

https://reporterre.net/

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