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Belgique - Appel à la grève féministe ce 8 mars 2024

16 janvier 2024, par Féministes anticapitalistes — , ,
Depuis 2019 en Belgique, avec Féministes anticapitalistes nous soutenons et défendons la nécessité d'organiser des grèves féministes. Les femmes effectuent au quotidien un (…)

Depuis 2019 en Belgique, avec Féministes anticapitalistes nous soutenons et défendons la nécessité d'organiser des grèves féministes. Les femmes effectuent au quotidien un travail essentiel pour nos vies : éducation des enfants, tâches ménagères, soins aux personnes âgées ou malades, cuisine, etc. Le système capitaliste s'appuie sur ce travail sur-exploité, souvent gratuit ou dans des secteurs ciblés par des mesures d'austérité comme l'enseignement, la santé et le non-marchand. À l'école, à la maison, au travail, faire grève c'est tirer sur le frein d'urgence face à la machine infernale du capitalisme et des violences faites aux femmes ! Si les femmes s'arrêtent, le monde s'arrête !

Tiré de Gauche anticapitaliste
9 janvier 2024

Par Féministes anticapitalistes

Nous ne pouvons pas compter sur les gouvernements ! À l'aube des élections, le bilan de la Vivaldi est clair, il a renforcé l'oppression des plus précaires : pas d'accueil en suffisance pour les personnes demandeuses d'asile, pas de régularisation, blocage des salaires, sous-financement de la santé, de la culture et du social, réforme des pensions qui précarise majoritairement des femmes, mise au placard d'avancées pour le droit à l'avortement, durcissement des conditions d'accès au crédit-temps, etc.

En politique internationale aussi, le bilan de la Vivaldi est déplorable : aucune sanction contre Israël pour imposer un cessez-le-feu et la fin de l'occupation. Pendant ce temps, Gaza subit des bombardements sans précédent, le nombre de décès de civils ne cesse d'augmenter et la situation humanitaire est de plus en plus catastrophique. Depuis le début de l'occupation, il y a 75 ans, les femmes palestiniennes luttent contre la violence patriarcale et coloniale de l'État d'Israël. Une fois encore la solidarité féministe internationale prend tout son sens.

Nous avons besoin d'une rupture politique franche !

Contre l'exploitation capitaliste et la domination patriarcale, nous devons construire un mouvement féministe unitaire, combatif et indépendant de l'État !

Nous saluons l'appel à la grève féministe publié par le Collecti.e.f 8 mars pour le 8 mars 2024. Nous déplorons cependant vivement que l'appel de cette année ne revendique pas la régularisation des personnes sans-papiers et qu'il revendique des investissements dans les institutions policières. Les meurtres policiers et la répression envers les personnes sans papiers, envers les militant·e·s et dans les quartiers précarisés démontrent que la police n'est pas une institution de protection ! Au contraire, elle perpétue et repose sur les violences sexistes et racistes. Nous ne devons pas donner plus de fonds à l'institution policière mais au contraire la désinvestir et la désarmer. De l'argent pour la lutte contre les violences sexistes et racistes, pas pour la police ! Les femmes sans-papiers sont sur-exploitées dans des secteurs essentiels à la vie comme le nettoyage et l'aide à domicile. La régularisation de toutes les personnes sans-papiers et demandeuses d'asile est une revendication essentielle pour l'amélioration des conditions de vie de toutes les femmes. Nous devons comprendre qu'aucune de nous ne sera libre tant que nous ne serons pas toutes libres.

Nous mobiliserons pour la grève féministe sur base des revendications suivantes :

. Une sécurité financière individuelle pour toutes ! Individualisation des droits, relevé des allocations au-dessus du seuil de pauvreté, augmentation des salaires, pension complète ;

. Le renforcement des services publics ! Crèches, santé, enseignement, culture, services sociaux, transports ;

. Désinvestissement dans les entreprises privées, la police et l'armée ;

. Un financement structurel et conséquent de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux personnes LGBTQI+ : autodéfense, prévention, accompagnement ;

. La régularisation de toutes les personnes sans papiers et en situation de séjour précaire ;

. La fin du délai de réflexion et l'extension de l'accès à l'avortement à 24 semaines !

Photo : Bloc des Féministes anticapitalistes (Gauche anticapitaliste / CC BY-NC-SA 4.0)

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Capitalisme, dettes et in.ter.dépendances : une perspective féministe (Camille)

16 janvier 2024, par Camille Bruneau, Sacha Gralinger, Thomas Perrodin — ,
Dans la pensée occidentale - autoproclamée universellement désirable - ce terme évoque un rapport plutôt peu enviable. Dépendance à une substance (t'as raté ta vie, t'as pas de (…)

Dans la pensée occidentale - autoproclamée universellement désirable - ce terme évoque un rapport plutôt peu enviable. Dépendance à une substance (t'as raté ta vie, t'as pas de volonté, ou t'es « malade »), dépendance affective (faiblesse, manque d'affirmation), économique (incapable, assité·e, flemmard·e, profiteur·euse, parasite.), ou encore physique (vulnérable, dégoûtant·e, fardeau, inutile). Cette condition ôte ainsi la légitimité de faire ses propres choix, qu'il s'agisse d'individu·es ou de peuples entiers. La dépendance, comprise comme opposée à l'indépendance, suggère une relation à sens unique. Quand on y pense, pourtant, tout le monde dépend de quelque chose ou de quelqu'un. Et si on s'y faisait ? Et si on décidait de penser en termes d'interdépendance, d'interconnexions, et de s'organiser socialement et économiquement en reconnaissant ce constat pour le coup (oui oui utilisons le gros mot) universel1 ? Ne serait-ce pas plus en phase avec la réalité ? Plus à même de remplir les besoins de toustes ?

17 décembre 2023 | tiré du site du CADTM
https://www.cadtm.org/Mais-qui-depend-de-qui-in-ter-dependances-et-dette-patriarcale

Interroger la notion d'(in)dépendance n'est pas anodin car s'y dissimulent des rapports de pouvoir, comme au sein du (néo) colonialisme, du patriarcat, des relations intergénérationnelles ou encore du patronat. Un regard critique inspiré notamment des luttes anticoloniales et féministes permet de les décrypter, de se demander « qui dépend de qui ? » et de questionner la notion de dépendance même.

Cet article explore quelques éléments de réponses et s'aventure à allier questions économiques et politiques à l'ontologie, au philosophique, à l'immatériel, à l'affectif. Il propose de voir autrement ce qui compte vraiment dans ce monde désenchanté. Il aborde la question des in·ter·dépendances en proposant une lecture écoféministe de la question des dettes et des futurs désirables.

Construite politiquement par les luttes et pensées anti-impérialistes qui dénoncent l'imposture des indépendances, et celles, écoféministes, qui rendent justice - en les visibilisant - aux personnes, travaux, soins, procédés, éléments nécessaires à la vie sur terre, j'ai été inspirée par ce thème de la « dépendance » : en fait très présent dans notre société... On s'en rend compte notamment à partir de la perspective de la dette2 , formidable outil de transfert de richesses qui maintient les structures de pouvoir en place.J'en ai parlé à Sacha, qui, pour son travail de fin d'études, réfléchissait justement à un nouveau concept : la « dette patriarcale » comme élargissement des propos développés dans le livre Nos vies valent plus que leurs crédits que nous avons coécrit avec Christine Vanden Daelen 3 et d'autres formidables contributrices. On s'est dit que c'était l'occasion de se prêter à l'exercice. Au vu du sujet, il n'est pas inutile de préciser que nous sommes toutes deux des personnes blanches et valides physiquement, assignées femmes et actuellement dépendantes financièrement de revenus sociaux (et menacées de les perdre). Ceci est une exploration incomplète sur un aspect spécifique de la question, sans prétention d'être les mieux placées pour parler de dépendances, ni ambition de relativiser la violence du validisme. On se limite ici aux questions de genre mais on tient à insister sur le fait que le patriarcat est un système de domination intimement lié à d'autres oppressions : le racisme, le classisme, l'hétéronormativité, le spécisme, etc. Quand on utilise le terme « femmes », c'est comme « catégorie analytique » utile pour dresser les grandes lignes des effets genrées de la dette dans un monde organisé autour de dualismes de genre. Ce terme inclut les personnes qui se reconnaissent dans cette réalité sociale et politique, ou y ont été assignées, mais peut également inclure selon le sujet les personnes queer. Son utilisation ne se veut donc pas essentialiste, ni invisibilisante de la pluralité du genre, des sexualités et des oppressions qui en résultent.

Quand on pense à « dépendance », on pense à « indépendance », et on pense souvent à des êtres humains. Autant à des peuples entiers quand il s'agit d'indépendance politique ou économique de territoires qu'à des personnes quand il s'agit d'autonomie, d'émancipation.

Dans la sphère géopolitique comme micropolitique, la dette joue un grand rôle dans l'obtention et le maintien, ou non, de son indépendance. Les dettes dont je vais parler ici sont celles dites « illégitimes », c'est-à-dire qui n'ont pas servi les intérêts des populations4 . Elles sont désormais majoritaires, dans les Nords comme dans les Suds. Contractées soit en contrepartie d'une prétendue « indépendance » (dettes coloniales5 ) ou au nom du « développement », souvent auprès d'institutions multilatérales, comme le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale, mais aussi de puissances (néo)colonisatrices et de plus en plus souvent sur les marchés financiers, elles sont dans les deux premiers cas systématiquement accompagnées de conditionnalités et de juteux taux d'intérêt. Hier comme aujourd'hui, les mesures imposées au nom du remboursement des dettes permettent de maintenir le flux de matières premières, main-d'ouvre, etc., bon marché, nécessaires pour alimenter la surconsommation mondialisée et maintenir la « croissance économique » des puissances industrielles et les pays occidentaux. Pourtant, si l'on prend en compte la totalité des transferts de richesses et des intérêts, les dettes sont dans bien des cas déjà remboursées.

Outil absolument central à l'accumulation capitaliste, le remboursement des dettes s'est ainsi imposé comme primant sur toute autre préoccupation économique, sociale ou écologique6 . Cette continuité des dynamiques coloniales (néocolonialisme) facilitée par les dettes amène les luttes anticoloniales à revendiquer « qui doit à qui ? » Pour exiger l'annulation, mais aussi comme outil politique qui permet de souligner la violence passée et contemporaine des rapports NordsSuds. Pour ne pas prétendre que ce pillage appartient au passé, il convient peut-être justement de reformuler la question en termes plus actuels : « qui dépend de qui ? »

Depuis la crise financière de 2008 et le sauvetage des banques qui fait exploser la dette publique, les mêmes types de mesures d'austérité sont appliquées aux Nords au nom du remboursement. Ces logiques deviennent, partout, la nouvelle norme néolibérale. Certaines sont spécifiques selon les pays et continents, mais, de manière générale, elles suivent le même mot d'ordre de réduction des dépenses publiques (coupes budgétaires, baisse des allocations et dépenses sociales, gel des salaires, privatisations, hausse de la TVA, etc.). Cela conduit pourtant souvent à une hausse des profits du secteur privé et à un assèchement des finances publiques et des ménages.

La dette accentue les inégalités de toutes sortes. Mais surtout, elle affecte de manière spécifique et disproportionnée les personnes et groupes sociaux déjà marginalisé·es : les personnes précarisées, âgées, immigrées, non blanches, les travailleur·euses précaires, et, parmi elles, particulièrement les femmes et les personnes LGBTQIA+. Ces personnes perdent leurs revenus, s'endettent, augmentent leurs heures de travail de soin gratuit pour faire face à la fermeture des services et la hausse des prix. Les riches deviennent toujours plus riches, et les pauvres toujours plus pauvres. Ce ne sont donc clairement pas les responsables qui paient, et l'accumulation continue du capitalisme en dépend. Encore une fois, qui dépend de qui, au final ?

Par leur obligation de rentabilité, les politiques d'ajustement ne font pas qu'affecter des êtres humains ou perpétuer le pillage colonial, mais contribuent également à la destruction des écosystèmes. L'idée, au centre du dogme néolibéral, selon laquelle chacun·e a à sa disposition les moyens et informations nécessaires pour faire les choix qui vont maximiser ses ressources économiques (« homo economicus ») de manière indépendante ne tient pas compte de la réalité des rapports sociaux et des cycles de régénération des ressources naturelles, et est donc complètement illusoire. Elle n'est par ailleurs pas désirable.

En fait, ce qui est dingue, c'est que le capitalisme semble être construit sur une série de mythes, théories, et idées fausses (imbécillité ou manipulation ?), dont il est complètement dépendant, ce qui donne lieu à une série d'invisibilisations qui ont des effets néfastes : ça ne tient pas la route !! À croire que l'une des caractéristiques du capitalisme est de diminuer au lieu de valoriser, sacraliser, reconnaître, soutenir ce dont on dépend pour (sur)vivre (en gros, le travail de reproduction sociale et un environnement viable). Concrètement, cette tendance peut avoir comme conséquence de détruire les choses desquelles on dépend vitalement, pour les communautés directement concernées particulièrement, mais aussi pour la vie en général.

Ce constat accablant s'inscrit dans le mode de pensée occidental qui est fondé sur la croyance en des dualismes hiérarchisés (hommes/femmes, humain/non-humain, production/reproduction, civilisé/sauvage, blanc/non-blanc, intellectuel/manuel, etc.). Ces séparations sont au centre des rapports de domination (en justifiant ces derniers) et du rapport problématique de nos sociétés au soin et à l'interdépendance. Ce constat est notamment porté par les luttes (éco)féministes.

ÉCONOMIES FÉMINISTES ET AUTRES REGARDS SUR L'AUTONOMIE

Des impacts spécifiques

Notre contexte est également celui du patriarcat, et même de l'hétéropatriarcat : il se fonde sur une « division sexuelle du travail », des normes de genre, et des inégalités professionnelles. Les activités dites de « reproduction sociale » (ou de soin, de care), c'est-à-dire nécessaires à la reproduction de la société (soins aux personnes, éducation des enfants, nettoyage des lieux de travail, de socialisation, de vie, etc.) sont effectuées par une écrasante majorité de femmes, de manière gratuite et de manière (sous) rémunérée. Ces dernières, comme ces activités, sont dévalorisées socialement : elles ne sont clairement pas une priorité politique.

On constate par ailleurs une très grande proportion de personnes (principalement des femmes mais pas que) migrantes dans les secteurs du soin, du nettoyage et de la garde d'enfant. Plus le travail est considéré comme sale (et pourtant souvent d'autant plus important), plus il est dénigré, plutôt que reconnu et célébré. C'est ce que l'on nomme la « chaîne globale du care » : le travail des peuples, notamment des femmes, des Suds, assure le confort des métropoles à moindre coût.

Les femmes, surtout certaines, sont donc cantonnées dans certains types d'emplois (CDDs, temps partiels, échelons bas, etc.), ont des revenus inférieurs et sont pourtant en charge de la majorité des dépenses quotidiennes du ménage. Elles ont aussi de ce fait moins de patrimoine et de capital, sont moins « équipées » pour faire face aux crises et en paient le prix fort.

De fait, les mesures d'austérité mises en place pour le remboursement de la dette publique touchent en premier lieu les secteurs considérés comme « non productifs » : ceux de la santé, de l'enseignement, etc., et donc touchent les femmes spécifiquement, en tant que travailleuses majoritaires et usagères principales (également pour les personnes qu'elles ont à charge, par exemple dans les crèches). Ces secteurs sont pourtant essentiels, comme l'a bien montré la désastreuse gestion de l'épidémie de Covid-19.

La dette du care

Un dénominateur commun aux pratiques féministes est la mise en évidence du travail de soin : aux personnes, de la société, des communs, bref du monde. Dans quelles conditions ce soin est effectué et comment il est réparti en dit long sur les rapports sociaux inégalitaires qui traversent nos sociétés dites « modernes ». Les économies féministes proposent ainsi de remettre le soin au centre de nos préoccupations, de le reconnaître, le valoriser, de le rémunérer, peut-être, ou encore de le célébrer, le collectiviser. Rendre visibles ces activités permet de se rendre compte de leur ampleur, leur importance et de tout ce qu'elles impliquent (tâches, compétences, temps, ressources nécessaires, coûts, engagement affectif et émotionnel) et ainsi le reconnaître comme un « bien sociétal de valeur7 ». Cela signifie que, dans les conditions actuelles, toute une partie de la société (grossièrement, les classes dominantes et les hommes) est redevable et débitrice de ce qu'on appelle la dette du care, une énorme « dette de soin ». Plus précisément, il s'agit d'une dette due par les personnes qui non seulement pourraient prendre soin d'elles-mêmes, comme le dit Amaia Pérez Orozco8 , mais aussi prendre en charge une série de tâches de soin, mais ne le font pas et voient ainsi leur temps, confort et accumulation de capital augmenter, au détriment de celui des autres. « Quand on regarde qui donne et qui reçoit, l'imbrication des oppressions devient évidente tant à l'échelle individuelle que globale : certains groupes sociaux ne remplissant pas leurs propres besoins les délèguent à des personnes venues d'ailleurs, ce qui crée une dette du care aux dimensions non seulement genrées, mais aussi géographiques, raciales et de classe.9 » Les slogans des grèves et luttes féministes « qui doit à qui ? »et « quand les femmes s'arrêtent, le monde s'arrête ! »10 sont l'incarnation du ras-le-bol de ce déséquilibre et résonne avec notre « qui dépend de qui ? »

Vulnérables, et alors ? Critique de l'individu autonome

Le fait que de nombreuses tâches qui constituent cette dette du care soient peu reconnues et souvent effectuées hors des regards11 permet également d'alimenter l'ingratitude qu'elles suscitent et le mythe de l'individu autonome, qui n'aurait besoin de personne.

Cet acharnement à renier sa dépendance envers les autres et à la considérer comme quelque chose de nécessairement péjoratif et déshonorant est typique de la domination masculine12. Cela signifie que ce ne sont pas « les hommes », mais précisément la dévalorisation du soin en tant que tel (et des personnes qui l'effectuent) qu'il faut combattre en tant que socle du patriarcat, mais aussi du capitalisme et d'autres systèmes d'exploitation qui en profitent tout autant.

L'apport d'une perspective féministe est donc « d'enlever le caractère péjoratif de la dépendance et de la vulnérabilité, et donc de s'éloigner des notions d'autonomie et d'indépendance glorifiant la liberté individuelle. Dépendance et vulnérabilité font partie intégrante de la condition humaine, certaines personnes nécessitent plus de soins à des moments donnés de leur vie, d'autres sont plus aptes à les donner. Tout le monde, personnes "autonomes" comprises, a constamment besoin de soins émotionnels13 ».

Une reconnaissance de ce besoin de soins et de nos vulnérabilités permet d'enrichir les implications de la reconnaissance d'une dette du care. Il ne s'agit pas de vouloir la « supprimer » à tout prix en étant « chacun·e pour soi » ou en exigeant compensation ou rémunération et en abolissant la gratuité. En effet, il serait peut-être pertinent, comme d'autres formes de dettes, d'en reconnaître la part illégitime et de plaider pour une société sans dette du care illégitime. Nous voulons continuer à prendre soin des gens que l'on aime, à prendre soin des gens qui en ont besoin, qu'iels puissent « rendre la pareille » ou non. On pourrait dire que c'est une dette, mais est-ce vraiment le bon mot ? Ce que nous ne voulons plus, c'est le faire dans l'invisibilisation et l'ingratitude générale, dans des conditions indignes sans contrepartie. Un monde sans dette du care signifie, au-delà de possibles compensations, de réelles réparations qui ne pourront se matérialiser que dans une nécessaire réorganisation de nos sociétés et avec de nouvelles manières de concevoir, donner et recevoir le soin, conscientes de cette responsabilité collective et de nos interdépendances.

LA DETTE PATRIARCALE : UNE PROPOSITION (SACHA)

La dette du care a été avancée comme un puissant outil politique pour revendiquer le non-paiement de la dette publique et la fin des politiques d'ajustement et d'austérité. Cette dette serait déjà largement compensée par ce travail, fut-il reconnu. Pourquoi reste-t-elle impayée ? Pourquoi est-ce que les « femmes ne s'arrêtent pas » pour « imposer leurs droits » ?

Pour exister, le capitalisme patriarcal dépend d'autres mécanismes rendant possible l'exploitation continuelle du travail du care et pour maintenir une grande partie des prestataires de soins et les femmes dans une situation de précarité économique et d'impuissance politique. Cette immense injustice engendre le sentiment qu'on nous doit encore bien plus qu'une reconnaissance de cette dette du care. C'est ce que nous proposons ici d'appeler la « dette patriarcale ».

La dette patriarcale est une violence, car elle découle de toutes les formes de violences inhérentes au patriarcat et aux rôles et normes de genre strictes : violences économiques, symboliques et institutionnelles qui sont accompagnées de violences physiques, surtout quand on dévie de la norme.

Nous avons identifié quatre dimensions qui composeraient la dette patriarcale et qui nous semblaient indispensables pour mettre encore plus en lumière les déséquilibres engendrés par le capitalisme patriarcal. La première dimension serait tout simplement la dette du care. Celle-ci augmente quand la dette financière augmente, par exemple des personnes compensent par leur travail gratuit la destruction de l'État social. La deuxième dimension, ce sont les inégalités économiques qui découlent des stéréotypes et discriminations de genre et font en sorte que les femmes dépensent plus et/ou gagnent moins. En plus d'occulter les choses dont on dépend vraiment, le capitalisme patriarcal crée des nécessités de dépenses et des illusions de besoins qui sont bien souvent genrées : pour les « hommes », ce seront des articles de sport, des voitures, etc., tandis que pour les « femmes », ce seront des produits cosmétiques ou de ménage. L'impact sur les portefeuilles et les individus est lui aussi genré. En effet, les articles destinés aux hommes sont souvent plus de l'ordre de l'investissement de capital (véhicule), tandis que ceux pour les femmes sont de l'ordre de la consommation courante ou du soin aux autres, elles n'en profitent pas forcément directement, ni à long terme. De nombreuses dépenses sont aussi directement liées à la pression de se conformer aux normes de genre, pression beaucoup moins complexe et coûteuse pour les hommes. Même quand certains besoins semblent partagés, intervient ce qui est connu comme la « taxe rose » : un même objet coûtera plus cher dans sa version destinée aux femmes (un rasoir rose, une coupe de cheveux, un short de sport.). Cette taxe est estimée à une centaine d'euros par mois14. Ces dépenses supplémentaires doivent être effectuées avec un revenu en moyenne inférieur dû aux inégalités professionnelles et patrimoniales. Cela peut être accompagné de conséquences psychologiques (estime de soi, etc.) ou d'un endettement privé. Troisièmement, on peut y inclure les inégalités économiques dues à l'augmentation de la dette publique. En plus des pertes de revenus et de l'usage de services devenus plus chers ou moins accessibles, elles paient le prix fort de l'austérité.

« En effet, via leurs contributions fiscales15, des dépenses quotidiennes sans cesse majorées mais aussi via les dettes privées qu'elles contractent pour parer aux insuffisances de l'État et assurer la (sur)vie de leursproches16, les femmes contribuent de façon disproportionnée au remboursement de la dette publique et augmentent ainsi involontairement les profits des créanciers (banques, fonds spéculatifs, institutions financières internationales) véritables responsables de la crise.17 ». Elles trouvent des solutions concrètes, adaptent leur temps de travail, restent dans un foyer violent. L'effet cumulatif résulte en une usure qui affecte très gravement les personnes déjà situées du « côté perdant » des différents rapports de domination.

La quatrième dimension est celle qui m'a donné l'envie de parler de « dette patriarcale ». C'est son autre dimension « non financière » qui se réfère à l'exploitation de nos corps féminins et marginaux, historiquement domestiqués, hypersexualisés, (dé)possédés, instrumentalisés et violentés. Alors que je me baladais dans la rue et venais de me faire harceler pour la Nième fois, je me suis dit « et si on reconnaissait tout ce harcèlement, les féminicides, les violences conjugales et toutes les violences sexistes et sexuelles comme une dette ? Comme quelque chose qu'on nous a pris (nos vies, nos énergies, nos dignités, nos joies), et qui mériterait réparation ? »

Historiquement, on peut y inclure les professions et possessions des femmes accusées de sorcellerie ou mariées de force, et, hier comme aujourd'hui, la perte de leurs terres agricoles face à l'agriculture productiviste (aujourd'hui justifiée par la pression du remboursement ou du développement). De manière générale, il s'agit de toutes ces violences qui nous gardent « à nos places », qui empêchent tellement d'adelphes de se libérer, de gagner leur vie, toutes ces violences qui sont tellement normalisées qu'on ne les nomme pas ainsi mais qui sont à la base de la domination masculine. Les « hommes », en tant que classe, ne dépendent évidemment pas du harcèlement (contrairement au travail gratuit), mais le patriarcat oui. Il permet le maintien des oppressions et privilèges, car toute oppression a besoin d'un outil pour faire taire les opprimé·es.

En plus des dommages physiques et symboliques, cette violence implique toute une série de dépenses (psychologues, gynécologues, avocats.). Les personnes préservées de la violence n'auront jamais à assumer de tels coûts. Encore une injustice économique historique et structurelle. Enfin, la dette et l'austérité augmentent encore les violences sexistes auxquelles sont confrontées les femmes (sabrage des droits sexuels et reproductifs, expulsions de territoires pour gros projets d'aménagement, fermeture de centres d'accueil, etc.). Les dettes sont liées et usent les femmes dans leurs corps, leur quotidien, leurs ressources, leur temps, leur travail et leurs possibles. Elles les maintiennent en situation de subordination et de précarité, voire de dépendance économique, alors que le monde dépend vitalement de leur travail.

Le fait que cette dette patriarcale reste non reconnue, et donc impayée, constitue un énorme défaut des classes dominantes qui permet de maintenir leurs privilèges et leurs accumulations de capital. Nous avons voulu présenter cette ébauche sur la dette patriarcale pour proposer de s'intéresser à tous les aspects d'une dette (monétaires et non monétaires). C'est utile non seulement pour la cause féministe mais aussi comme méthodologie à appliquer dans le cadre d'autres endettements et dominations systémiques. Par exemple, quand on parle d'endettement Nords/Suds, il est possible de faire rentrer les dommages symboliques, culturels, l'esclavagisme, la suprématie blanche dans l'équation.

Cet article nous a permis aussi de nous rendre compte qu'on pouvait inclure d'autres choses que du « travail » ou des « services » dans le non-monétaire, mais aussi des aspects plus immatériels comme des relations de dépendances, de redevabilité, de culpabilité. Il est donc essentiel de se demander « qui dépend de qui ? » aujourd'hui pour éviter de nouvelles dettes dans le futur, mais, surtout, pour affirmer la valeur de notre place dans le monde et donc de plaider pour des relations solidaires d'interdépendances assumées et non hiérarchiques.

FAIRE PARTIE DU MONDE (CAMILLE & SACHA)

Apports écoféministes

L'ordre dominant enlève toute valeur et invisibilise l'autre pilier de la reproduction de la vie sur terre : les capacités régénératrices de « la nature », elles aussi nécessaires à l'accumulation capitaliste. Ceci est un des postulats de base des écoféminismes, qui proposent donc de remettre en question les principaux piliers économiques et culturels de l'Occident : les dominations violentes de l'humain sur la nature et des hommes sur les femmes. Celles-ci, évidemment, s'imbriquent avec d'autres rapports inégalitaires : de race, de classe, de sexe, de genre, d'espèce.

En effet, cette pensée permet de s'attaquer aux racines de ces exploitations en identifiant les logiques communes et en s'attaquant à la domination et à la hiérarchie en tant que telles, comme mode de fonctionnement du modèle occidental fondé sur une vision pyramidale du monde. C'est-à-dire que les hommes blancs, technocrates seraient en haut, suivi des travailleurs manuels, puis les femmes, les enfants, les animaux, ensuite les plantes, et enfin les cailloux, eaux et autres entités dites « inertes ». Cette hiérarchie donnerait le droit d'exploiter ce qui est classifié comme inférieur (en tant que « ressources exploitables »). Pourtant, si on y réfléchit, plus c'est en bas, plus c'est ce de quoi on dépend. Cela permet, non pas de dire que tous les corps marginalisés vivent les mêmes oppressions, mais que ceux-ci font partie d'un même tout, qui applique des logiques analogues, logiques qui doivent ainsi être combattues conjointement.

Les écoféminismes, en proposant de s'éloigner des hiérarchies et exploitations, portent nos regards sur les procédés qui ensemble font monde et enrichissent encore la question de l'endettement. Ils invitent à se demander ce qui compte vraiment. En d'autres termes, de quoi dépend-on ? En tant qu'individu·es, mais aussi communautés, société, espèces, êtres vivants. Ariel Salleh a par exemple développé la notion de « dette incarnée18 », qui a pour objectif de visibiliser ce que nous devons toustes à tout ce qui prend soin du monde. Il s'agit de tous les procédés (avec interaction humaine ou non) qui permettent la reproduction des conditions de vie : compostage, fertilisation des sols, filtration de l'eau, soin aux enfants, entretien des communs, préservation des savoirs médicinaux et agricoles, dépollution, innovations, photosynthèse, etc. Ces activités sont effectuées par la petite paysannerie, par des peuples indigènes, par des femmes, par des êtres non humains.

Petit à petit, on commence à se dire que la dette financière dont on entend tant parler est la partie visible de l'iceberg. Tout comme, au final, les pratiques « capitalistes » : tant d'autres modes de fonctionnements et pratiques existent, que ce soit dans les écosystèmes (dont nous faisons partie) ou les sociétés inégalitaires hors/non capitalistes ou anticapitalistes, et même dans les quotidiens capitalistes (faire un cadeau, donner un coup de main)19.

Le non-monétaire comme levier politique ?

Le caractère inestimable de la vie fait que l'écologie, tout comme le soin, qui est aussi composée de dimensions émotionnelles qui ne pourront jamais être monétisées, est incompatible avec le capitalisme. Nous avons tenu dans cet article à mettre en avant la dimension non monétaire de la dette et sa portée politique. Dans les mouvements anti-dettes, on parle d'abord d'annulation, mais on parle aussi de réparations matérielles ou symboliques (on peut par exemple rendre des objets volés, restaurer des monuments, mettre en place des processus de réhabilitation, formuler des excuses publiques, ou reconnaître une oppression historique). Tenter de calculer une dette en argent peut être très utile pour calculer des réparations, certes, mais cela sous-entend aussi que, si on a de l'argent pour rembourser, on peut détruire. L'analyse non monétaire des dettes permet de faire un pas de côté en refusant ce principe et en affirmant que l'argent ne suffit pas. Elle permet donc d'envisager des réparations non seulement quantitatives mais aussi qualitatives et axées vers le futur.

La reconnaissance des dettes non monétaires expose l'ampleur de ce qui est dû à certaines populations et groupes sociaux. En effet, en se rendant compte que les personnes marginalisées, particulièrement celles à la croisée de plusieurs oppressions systémiques, sont concernées de manière cumulative par ces oppressions et processus d'extraction qui découlent des différentes dettes, on se rend compte à quel point celles-ci font système et maintiennent les rapports de pouvoir en place.

Partant de ce principe, on peut expliquer la raison d'être de la reconnaissance d'une dette patriarcale : en incarnant les dégâts multiformes de l'hétéropatriarcat capitaliste, cette reconnaissance permet de réclamer des réparations qualitatives. Elle constitue un outil d'analyse politique et encourage à reconnaître ce que le patriarcat doit au monde (aux femmes mais aussi à la société de manière générale). Comme la dette coloniale, écologique, ou du care, elle permet d'inverser les logiques, de donner une justification politique à la mise en place d'autres rapports et nous rappelle que la « dette » n'est pas juste une question économique, mais peut induire de la redevabilité, de l'échange, de la reconnaissance, de la gratitude.

Cela permet de remettre en perspective « qui doit à qui », de reconnaître « qui dépend de qui » afin d'entamer une telle justice économique (réformes fiscales, annulations de dette, identifications et condamnation des responsables.), et de réfléchir à d'autres possibles socialement et écologiquement justes, afin de les mettre en place à nos échelles.

Les humain·es dépendent les un·es des autres, et des écosystèmes, dont nous faisons partie. Ces derniers dépendent aussi de nous et du respect et du soin qu'on leur apporte. « Nous » - ce tout, qui fait monde - dépendons de la durabilité et de la qualité de ces liens.

Rêves d'interdépendances - autres possibles et imaginaires

L'ambition d'un monde centré autour du soin qui prêterait réellement attention aux interdépendances et interconnexions signifie de remettre ainsi la vie au sens large au centre de nos préoccupations, et que la notion de soin doit donc être élargie aux écosystèmes. Contrairement aux économistes mainstream, partons de la réalité : de nombreuses pratiques existent, que ce soit au sein de communautés ancestrales, de populations appauvries ou de mouvements de luttes, qui sont inspirantes et en phase avec la réalité du monde. Inspironsnous de ce qui existe déjà et osons l'imagination.

Parmi les propositions - nombreuses - à explorer, inventer, compléter, figurent la socialisation du soin20, ou encore des ébauches d'économies régénératives. Ariel Salleh fait par exemple le lien entre des « sociétés égalitaires » et le mode de fonctionnement des écosystèmes et procédés naturels qui ne créent ni « pertes » ni « dettes » mais des équilibres21 : les acteur·rices - humain·es et non humain·es - sont considéré·es pleinement, reconnu·es pour le rôle qu'iels jouent.

Yolanda Fernández Vargas22 propose quant à elle de mettre fin à l'austérité et de penser l'attribution des ressources publiques en fonction de la durabilité de la vie, en se basant sur des critères multiples non hiérarchisables, de manière adaptée au contexte et à l'écoute des marges. Il s'agit aussi de se réapproprier et de re-collectiviser les communs, qui sont des choses tangibles (une forêt, un hôpital.) mais aussi immatérielles (reproduction sociale, savoirs.).

Nous ne prétendons pas ici avoir les réponses ni les expériences et vécus suffisants pour les alimenter. Nous aspirons justement, avec d'autres copaines, à mettre en place des ateliers, moments d'échanges, de partage et d'imagination collective autour de la question des économies régénératives et de la socialisation qui pourraient, de manière participative, proposer des ébauches de ces mondes possibles. À vous, à nous, de jouer.

AUTRICES

Sacha (Lisa) Gralinger est active dans des luttes féministes et queer depuis quelques années en côtoyant manifestations, lieux de rencontres, collectifs, ZADs, et squats. Elle termine ses études en coopération internationale, avec un mémoire sur l'utilité politique des dettes non monétaires, après avoir fait son stage au CADTM (Comité pour l'abolition des dettes illégitimes).

Camille Bruneau navigue entre plusieurs mondes et luttes depuis son adolescence où elle côtoie les milieux punks, voyage hors des frontières européennes, et s'inspire d'une maman féministe. Titulaire d'un diplôme en sociologie rurale et « développement international », elle continue à construire son analyse des systèmes de domination nourrie par les écoféminismes et l'anarchisme au sein de diverses occupations, luttes féministes et du CADTM (Comité pour l'abolition des dettes illégitimes).

Elle y coécrit le livre Nos vies valent plus que leurs crédits : face aux dettes, des réponses féministes avec Christine Vanden Daelen et l'aide d'autres ami·es. Souvent nomade, elle se forme désormais à la mécanique poids lourd et à l'herboristerie.

Son intérêt porte de plus en plus sur les questions de soin, et son ambition dans la construction d'autres possibles pluriels et radicaux.

NOTES

1. Nous ne défendons en aucun cas les positionnements universalistes (comme assumés par certaines féministes mainstream), mais voulons dire ici que tout le monde (en tant qu'individu·e ou collectivité), sans exception, dépend de quelque chose ou de quelqu'un. Donc sans occulter les besoins et dépendances spécifiques en fonction de sa situation, son contexte, son vécu, etc.
2. On ne parle pas ici des dettes tout à fait légitimes pour financer de chouettes projets, les systèmes de protection sociale, etc.
3. Camille Bruneau, Christine Vanden Daelen, (2022). Nos vies valent plus que leurs crédits : face aux dettes, des réponses féministes. Le passager clandestin.
4. Commission pour la vérité sur la dette grecque (2015) : « Définition des dettes illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables », https://www.cadtm.org/ Definition-des-dettesillegitimes
5. Les dettes coloniales se réfèrent en général aux dettes que les puissances colonisatrices avaient contractées pour financer l'entreprise coloniale, et qui ont été « transférées » aux pays colonisés lors de leur indépendance : ceux-ci doivent payer pour les crimes qu'on leur a infligés.
6. Voir par exemple Camille Bruneau et Christine Vanden Daelen (2022) ou Éric Toussaint (2017). Système Dette : Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation. Les liens qui libèrent.
7. Camille Bruneau et Christine Vanden Daelen (2022), p. 232.
8. Citée dans Blanca Bayas (2017). Care debt : Patriarchy and capital on the offensive, Feminist economics as a proposal. Observatori del deute en la globalitzacio.
9. Camille Bruneau et Christine Vanden Daelen (2022), p. 231.
10. Voir notamment les divers travaux de Silvia Federici, Verónica Gago et Luci Cavallero.
11. Françoise Vergès (2019), Un féminisme décolonial, La Fabrique.
12. Joël Martine (2017). Le débat sur le care dans le féminisme nord-américain et sa convergence avec l'écoféminisme. Les possibles, n°14.
13. Camille Bruneau et Christine Vanden Daelen (2022), p. 232.
14. Valérie Gillioz (2019). La taxe rose fait débourser aux femmes plus de cent francs par mois, RTS. https://urlz.fr/nYZy
15. Voir par exemple le cas évident de la TVA dans Nos vies valent plus que leurs crédits, p. 159.
16. Certains types de crédits, aux taux d'intérêt généralement indécents, ciblent spécifiquement les femmes, comme « prêts pour femmes » et les crédits à la consommation en Amérique du Sud ou les microcrédits dans de nombreux pays africains ou d'Asie du Sud.
17. Camille Bruneau et Christine Vanden Daelen (2022), p. 225.
18. Ariel Salleh (dir.) (2009). Eco-Sufficiency & Global Justice : Women write political ecology. Pluto.
19. J. K. Gibson-Graham (2008). Diverse economies : performative practices for "other worlds". Progress in human geography, 32(5).
20. Camille Bruneau et Christine Vanden Daelen (2022), p. 233.
21. Camille Bruneau et Christine Vanden Daelen (2022), p. 264.
22.Yolanda Fernandez Vargas (2019). Propositions écoféministes commes alternatives aux coupures budgétaires. https://www.cadtm.org/propositions-ecofeministe-comme-alternatives-aux-coupures-budgétaires.

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Changer les mots, bouger les rapports de force

16 janvier 2024, par Sylvie Tissot — , ,
On s'attendait, après l'intervention d'Emmanuel Macron le 20 décembre puis la publication dans Le Figaro de la tribune en soutien à Gérard Depardieu, à un concert de voix (…)

On s'attendait, après l'intervention d'Emmanuel Macron le 20 décembre puis la publication dans Le Figaro de la tribune en soutien à Gérard Depardieu, à un concert de voix reprenant les arguments bien connus de l'Art et de l'Artiste, de l'Homme et de l'œuvre.

Photos et article tiré de LMSI

par Sylvie Tissot
5 janvier 2024

On pouvait déjà anticiper la défense bien hypocrite de la « présomption d'innocence » et de « la justice qui doit faire son travail », sans « polémique » bien-sûr. On retenait notre envie de vomir en lisant l'obscène dénonciation du « lynchage » de l'« homme à terre » – ou (dixit notre président lui-même) de la « chasse à l'homme », à propos d'un individu se définissant lui-même, dans les abjectes images de son compère Yann Moix, comme « un chasseur », qui « sait », parce qu'il est chasseur, que ce sont « les femmes qui ne veulent pas attirer l'attention » qui « attirent le plus »…

On soupirait à l'avance, fatiguées des attaques contre la cancel culture, les wokes et les « néo-féministes ».

Mais rien de tout cela n'est arrivé. Et nous voici, une semaine plus tard, et un pied dans la nouvelle année, avec deux contre-pétitions, des centaines de signatures, une presse mainstream (Le Monde, Elle, etc) condamnant franchement le président et une débandade quasi généralisée parmi les signataires de la première tribune.

La déconstruction des « totems » (« génie du 7ème art ! », « monstre sacré ! ») brandis depuis des lustres pour défendre les hommes violents est enfin audible.

Des mots qu'on croyait limités à des cercles confidentiels sont enfin prononcés publiquement : « abus de pouvoir » et « rapports de domination ».

Encore plus extraordinaire : plus personne ne vient se poser en résistant face à l'ennemi extérieur quand la télévision publique suisse écarte Depardieu de sa programmation.

Il est vrai que, depuis quelques temps déjà, ledit Depardieu était devenu moins bankable dans le milieu du cinéma, et les « mais c'est Gérard… » sans doute plus rares sur les plateaux de tournage et dans les cabines de maquillage.

Il est vrai que les commentaires dégueulasses enregistrés en Corée ciblent une enfant, et « pas seulement des femmes » – dont on s'offusque peu qu'elles soient la cible de « grossièretés », pour reprendre l'euphémisme d'Elizabeth Lévy. Le fait, par ailleurs, que l'initiateur de la pétition publiée dans Le Figaro se soit avéré grenouiller à l'extrême-droite a également joué un rôle dans ce retournement spectaculaire.

Mais les conditions bien particulières qui permettent les victoires importent finalement peu. La victoire est bien là. L'opération sauvetage de « Gégé » a complètement capoté.

Et avec elle, la vieille rhétorique mascu maquillée en exception française semble s'être effondrée comme un château de carte. Ou plutôt, loin de sa vocation naguère « universelle », elle spécifie désormais non seulement un petit pays et une petite élite, mais aussi un camp politique bien délimité : celui de l'extrême droite. Seul un Emmanuel Macron aux abois, résolument engagé dans le tourbillon de lalepénisation, peut encore y voir une ressource politique.

Il reste maintenant aux féministes à continuer le combat, à dénoncer, à parler haut et fort. Les mentalités changent peut-être. Progressivement, les hommes – ou plutôt des hommes – s'y font et changent aussi. Mais nous le savons : seules les luttes modifient les rapports de pouvoir. Tout en se réjouissant de ce beau cadeau de fin d'année, gardons donc nos forces.

Pensons aussi aux femmes qui, en attendant d'autres victoires, continuent à travailler gratuitement-, à faire à manger aux hommes, à les soigner, à les écouter, et, par-dessus le marché, à se faire taper, humilier, violer, tuer.

Pensons aussi aux milliers de femmes migrantes qui périssent en Méditerranée. Pensons à celles qui meurent sous les bombes et dans les décombres, pensons à toutes les femmes parmi les plus de 20 000 personnes déjà mortes à Gaza.

Et espérons que, là aussi, l'obscénité de certains mots et l'absurdité de certaines expressions ne puissent bientôt plus échapper à personne. Rêvons qu'un jour, parler de la « misère du monde » qui « déferle » à « nos portes », et que « nous » ne « pouvons plus accueillir », apparaisse comme une véritable « sentence de mort », que l'association entre immigration et délinquance – désormais assénée à chaque prise de parole par un Macron comme par un Darmanin – soit un jour perçue majoritairement, comme elle fut naguère, comme un argument raciste.

Rêvons qu'un jour aussi personne ne puisse sans honte parler d' « armée la plus morale du monde » à propos d'Israël.

Parce que c'est seulement à ce prix que la paix sera possible, utilisons les mots qui s'imposent pour désigner, dans l'effroi qui nous envahit, l'occupation, l'apartheid, la colonisation et l'opération en cours d'annihilation des Palestiniens et des Palestiniennes de Gaza.

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Six organisations de femmes arabes, dont Na’am Arab Women in the Center, ont publié une prise de position contre la violence à l’égard de toutes les femmes pendant cette guerre

Les féministes du monde entier ont fait des efforts remarquables pour s'opposer au silence des femmes et à la remise en question de leur voix, en particulier en période de (…)

Les féministes du monde entier ont fait des efforts remarquables pour s'opposer au silence des femmes et à la remise en question de leur voix, en particulier en période de conflit et de guerre, où les femmes subissent souvent les pires conséquences.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/12/25/notre-feminisme-est-indivisible-les-droits-de-lhomme-sont-indivisibles/

Leurs avancées significatives dans la lutte contre les agressions sexuelles en temps de guerre ont conduit à l'adoption de la résolution 1325 des Nations unies, qui met l'accent sur la participation, la protection et la représentation des femmes pendant les conflits armés. En outre, la résolution 1820 a joué un rôle crucial dans la protection des femmes contre le viol et la violence sexuelle pendant les guerres et les conflits.

Il est essentiel de ne pas douter de la crédibilité des revendications ou des orientations prises par les femmes ou leurs proches lorsqu'ils s'adressent à des organisations spécialisées dans ces questions. Le corps des femmes ne devrait jamais être exploité à des fins politiques.

Les femmes qui ont subi une agression ont le droit de recevoir le soutien médical, psychologique et émotionnel nécessaire. Elles doivent avoir la liberté de choisir avec qui partager leur expérience et quelles informations divulguer. En tant qu'organisations féministes palestiniennes, nous nous opposons à toutes les formes de violence, non seulement pendant les guerres ou au sein des familles, mais dans tous les contextes.

Nous nous opposons avec véhémence à l'occupation, au racisme, à la discrimination, à la domination masculine et à l'extrémisme, quels que soient l'époque ou le lieu. Notre position ferme contre les agressions sexuelles, le harcèlement et le viol reste inébranlable, et nous soutenons toutes les femmes qui s'expriment, indépendamment de leur nationalité, de leur religion ou de leur appartenance ethnique.

Nous ne remettons pas en question les rapports des organisations israéliennes qui luttent contre les agressions sexuelles à l'encontre des femmes israéliennes concernant les événements du 7 octobre et les violences sexuelles qu'elles ont subies.

Dans ce contexte, nous appelons les femmes, les militantes féministes et les personnes actives dans les organisations de femmes en Israël qui ont élevé la voix contre les événements du 7 octobre et les violences sexuelles qu'elles ont subies à s'y opposer et à condamner hardiment toutes les violations, y compris les meurtres, les démolitions et les déplacements qui se produisent dans la guerre implacable contre le peuple palestinien, affectant particulièrement les femmes et les enfants à Gaza. Les intimidations, les menaces et les difficultés rencontrées par les femmes lors des détentions ne doivent pas être négligées.

Enfin, il est essentiel de se rappeler que toute violation, sous quelque forme que ce soit, est un acte d'oppression qui ne peut être justifié. Nos valeurs féministes nous dictent de ne pas accepter d'excuses pour la violation des droits de l'homme.

Organisations de femmes arabes contre le viol
Organisations féministes palestiniennes
Na'am Arab Women in the Center.
3 décembre 2023 :
https://www.awc-naam.com/post/arab-women-s-organizations-against-rape
https://europe-solidaire.org/spip.php?article69109

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La violence contre les femmes est au centre de la campagne dans les régions d’Afrique australe et orientale

Dans le cadre des activités liées à la « Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes », huit organisations LVC d'Afrique australe et orientale (…)

Dans le cadre des activités liées à la « Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes », huit organisations LVC d'Afrique australe et orientale ont promu des activités pour réfléchir sur le sujet, du point de vue des paysannes.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/12/29/la-violence-contre-les-femmes-est-au-centre-de-la-campagne-dans-les-regions-dafrique-australe-et-orientale/#

Le 25 novembre est célébrée la « Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes ». Partout dans le monde, les organisations membres de La Via Campesina ont dénoncé les formes de violence subies par les femmes partout dans le monde, dans le cadre des luttes contre le capitalisme, le patriarcat, le racisme, le colonialisme et l'avancée du fascisme. Sur le chemin de ce mouvement mondial, les régions d'Afrique australe et orientale ont également pu compter sur les actions menées par huit organisations affiliées à Via Campesina. Les impacts du coût de la vie élevé, de l'accumulation de travail à l'intérieur et à l'extérieur du foyer, de la discrimination et des différents types de violence qui affectent la vie quotidienne des paysannes de ces territoires ont été discutés. Les événements comprenaient des marches, des cercles de conversation, des ateliers, des foires et bien plus encore..

Au Kenya, laKenyan Peasants League (KPL) a organisé une réunion publique dans le but de sensibiliser la communauté agricole à l'utilisation de pesticides chimiques interdits dans le pays. Le centre de secours Migori y a également été ouvert, où les femmes confrontées à des violences peuvent désormais rester pendant qu'elles demandent justice, avec le soutien du KPL.

Les organisations sud-africaines ont également encouragé des activités visant à lutter contre la violence à l'égard des femmes. Parmi elles, les actions du Mouvement des Peuples Sans Terre (LPM) ont souligné l'importance pour les hommes de rechercher une aide professionnelle plutôt que d'assassiner les femmes lorsqu'elles sont confrontées à des difficultés dans leur famille. Dans le même thème de sensibilisation masculine, lors d'un événement virtuel le 13 décembre 2023 promu par le LVC Southern Eastern Africa (SEAf) le même ton, Susan Mboniswa, de la Réforme Agraire pour South African Food Sovereignty Campaign (FSC), a déclaré : « nous sommes des épouses, mais pas des esclaves ».

La session virtuelle a conclu la campagne 2023 du LVC SEAf pour éliminer la violence à l'égard des femmes. Au cours du dialogue, des évaluations ont été faites sur le cycle d'actions entreprises par les membres du LVC dans la région entre fin novembre et début décembre 2023. La conversation comprenait également un bref retour sur la participation de certains représentants de ces institutions, au cours du 6ème Assemblée Internationale des Femmes, tenue à Bogota, le 2 décembre. Le groupe a célébré avec enthousiasme l'élection du continent africain pour accueillir la prochaine Conférence Internationale de la Via Campesina, qui aura lieu dans les quatre prochaines années.

Les autres organisations faisant partie du territoire couvert par LVC Seaf, qui constituaient la réunion virtuelle, étaient les suivantes : União Nacional de Camponeses (UNAC) – Mozambique ; Mtandao wa Vikundi vya WakulimaTanzania (MVIWATA) – Tanzanie ; Zimbabwe Smallholder Organic Farmers Forum (ZIMSOFF) – Zimbabwe ; Confédération Paysanne du Congo (COPACO) – Congo ; et Eastern and Southern Africa Small-scale Farmers' Forum (ESAFF) – Ouganda). Cette dernière a même lancé un podcast spécialement pour sensibiliser aux dangers et aux effets des violences faites aux femmes et aux filles.

Pour en savoir plus sur les activités menées par LVC en Afrique orientale et australe, suivez nos pages Instagramet Twitter (X).

https://viacampesina.org/fr/la-violence-contre-les-femmes-est-au-centre-de-la-campagne-dans-les-regions-dafrique-australe-et-orientale/
Ending Violence Against Women in Southern and Eastern Africa
https://viacampesina.org/en/ending-violence-against-women-in-southern-and-eastern-africa/
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Kirghizistan : Des femmes et filles handicapées confrontées à la violence domestique

Le gouvernement devrait renforcer les mesures contre la discrimination, faire appliquer les lois existantes et réviser certaines d'entre elles Tiré de Entre les lignes et (…)

Le gouvernement devrait renforcer les mesures contre la discrimination, faire appliquer les lois existantes et réviser certaines d'entre elles

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/12/28/kirghizistan-des-femmes-et-filles-handicapees-confrontees-a-la-violence-domestique/

Au Kirghizistan, de nombreuses femmes et filles handicapées subissent divers abus – passages à tabac, négligence et humiliation– souvent aux mains de leurs proches

Le gouvernement a fait de la lutte contre la violence domestique une priorité, mais les lois ne prennent pas en compte les besoins particuliers des femmes et des filles handicapées, les exposant ainsi au risque de violence de manière continue.

Le Kirghizistan devrait aligner sa législation sur le droit international, faciliter l'éducation et l'indépendance financière des femmes et des filles handicapées, et améliorer la formation des fonctionnaires dans ce domaine.

(Berlin) – AuKirghizistan, de nombreuses femmes et filles handicapées subissent divers abus – passages à tabac, négligence et humiliation – souvent aux mains de leurs proches, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Le gouvernement kirghiz a pris des mesures positives ces dernières années pour lutter contre la violence domestique et défendre les droits des personnes handicapées, et devrait agir dès maintenant pour protéger les femmes handicapées contre ce type de violence.

Le rapport de 63 pages, intitulé « Abused by Relatives, Ignored by the State' : Domestic Violence against and Neglect of Women and Girls with Disabilities in Kyrgyzstan » (« Maltraitées par des proches, ignorées par l'État : Violences domestiques subies par des femmes et filles handicapées au Kirghizistan »), documente comment la violence perpétrée contre les personnes handicapées au Kirghizistan par des proches ou des partenaires reste souvent non signalée et non traitée en raison d'une discrimination généralisée, en particulier envers les femmes et les filles handicapées. Les familles ont souvent honte d'elles, et les tiennent à l'écart de toute vie sociale. Les forces de l'ordre et les organes judiciaires ignorent ou minimisent souvent les cas de violence signalés, et le manque de refuges et d'autres services pour les survivantes de violences domestiques handicapées entrave leur capacité à échapper aux abus.

« La lutte contre la violence domestique est depuis longtemps une priorité pour le gouvernement kirghize et la société civile, mais les lois ne prennent pas en compte les besoins particuliers des femmes et des filles handicapées, ce qui les expose au risque de violences continues », a déclaré Syinat Sultanalieva, chercheuse sur l'Asie centrale à Human Rights Watch et auteure du rapport. « Le Kirghizistan s'est engagé à promouvoir et à protéger les droits humains des femmes et des personnes handicapées et devrait tenir ses promesses. »

Deux lois importantes, visant d'une part à assurer les droits des personnes handicapées, et d'autre part à prévenir la violence domestique, ont été adoptées respectivement en 2008 et en 2017 ; mais elles ne contiennent pas de dispositions spécifiques pour protéger les femmes et les filles handicapées contre la violence domestique. Ces deux lois sont actuellement réexaminées par le Parlement.

Human Rights Watch a mené dans trois provinces du Kirghizistan des entretiens avec 56 personnes : des femmes et filles handicapées ayant subi des violences domestiques, des prestataires de services de soin, des dirigeants communautaires et des experts. Le rapport documente des cas de violences physiques, psychologiques et sexuelles, ainsi que des pressions économiques, infligées par des membres des familles de ces femmes et filles, ou de leurs partenaires ou anciens partenaires. Human Rights Watch a présenté les conclusions du rapport aux ministères concernés du gouvernement kirghize, et a intégré leurs réponses dans son rapport.

Texte complet en anglais :en ligne ici.

https://www.hrw.org/fr/news/2023/12/14/kirghizistan-des-femmes-et-filles-handicapees-confrontees-la-violence-domestique

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Bilan. 2023 est bien l’année la plus chaude jamais enregistrée

16 janvier 2024, par Courrier international — ,
L'année qui se termine est la plus chaude que la Terre ait connue depuis qu'il existe des relevés, et probablement depuis 125 000 ans. Après huit années consécutives de records (…)

L'année qui se termine est la plus chaude que la Terre ait connue depuis qu'il existe des relevés, et probablement depuis 125 000 ans. Après huit années consécutives de records de chaleur, certains scientifiques y voient la preuve d'une accélération du réchauffement climatique. Même les océans ont connu des canicules.

29 décembre 2023 | tiré de Courrier international
https://www.courrierinternational.com/article/bilan-2023-est-bien-l-annee-la-plus-chaude-jamais-enregistree

C'est officiel, ou presque, l'année qui touche à sa fin est la plus chaude que la Terre ait connue depuis cent soixante-quatorze ans qu'il existe des mesures directes de température. “Bien que les relevés de décembre ne soient pas encore définitifs, les scientifiques de la National Oceanic and Atmospheric Administration [NOAA] estiment qu'il y a plus de 99 % de chance que l'année 2023 soit celle où la température moyenne mondiale enregistrée soit la plus élevée, dépassant le précédent record de 2016”, rapporte, le 28 décembre, le site de la radio publique américaine NPR.

D'après les chercheurs qui reconstituent le paléoclimat et les températures passées à partir, notamment, des cernes d'arbre ou des couches de glace polaire accumulées au fil du temps, il est même probable qu'il n'y ait pas eu d'année plus chaude depuis 125 000 ans.

“Les températures mondiales n'ont pas seulement battu les records des années précédentes, elles leur ont aussi fait mordre la poussière, constate The New York Times. De juin à novembre, le mercure n'a pas cessé de grimper.” Avec une température moyenne de 17,1 °C à la surface du globe, le 7 juillet a été le jour le plus chaud parmi les plus chauds. “Et en décembre, poursuit le quotidien américain, les températures sont restées très au-dessus des normales : une bonne partie du nord-est des États-Unis s'attend à une semaine de fin d'année tout à fait printanière.”

Le problème, c'est que ce phénomène ne s'accompagne pas seulement de bucoliques bourgeons dans les arbres de l'hémisphère Nord en plein hiver, il dérègle aussi le climat mondial.

Il a en particulier alimenté, tout au long de l'année et partout sur la planète, des événements météorologiques d'une violence extrême entraînant des catastrophes pour les humains et la biodiversité : canicules tueuses aux États-Unis, en Inde et en Argentine ; incendies ravageurs au Canada ; inondations particulièrement meurtrières en Libye, mais aussi en Turquie, en Grèce, en Bulgarie ou encore en Autriche ; cyclones dévastateurs au Malawi et en Nouvelle-Zélande. Et cette liste est loin d'être exhaustive.

Les océans ont également atteint des niveaux records de chaleur nocifs pour la vie marine et propices à la prolifération d'espèces invasives.

La faute aux quantités colossales de gaz à effet de serre

Bien entendu, le principal moteur de ce réchauffement global, ce sont les gaz à effet de serre (GES) – au premier rang desquels le CO2 et le méthane –, dont les émissions ont explosé depuis le début de l'ère industrielle et ne cessent de croître d'année en année. Des activités comme la production d'électricité à partir de combustibles fossiles, le transport ou même l'élevage intensif contribuent pour une bonne part à surcharger notre atmosphère en GES.

Auprès de la NPR, Zeke Hausfather, climatologue à Berkeley Earth, une organisation à but non lucratif qui analyse les tendances climatiques, insiste :

“Une année comme celle-ci n'aurait pas eu lieu sans les milliers de milliards de tonnes de dioxyde de carbone que nous avons rejetées dans l'atmosphère au cours du siècle dernier.”

“Aussi extrêmes qu'aient été les températures de cette année, elles n'ont pas pris les chercheurs au dépourvu, assure néanmoins le New York Times. Les modèles des scientifiques présentent une fourchette de températures prévisibles, et la chaleur de 2023 s'y situe encore, bien qu'à l'extrémité supérieure.”

Le plus inquiétant, c'est que 2023 s'inscrit dans une séquence de huit années lors desquelles la température moyenne a battu des records. D'aucuns y voient la preuve que le réchauffement climatique s'accélère. C'est d'ailleurs ce qu'affirme James Hansen, “le scientifique américain qui a été le premier à alerter le monde sur l'effet de serre”,souligne The Guardian.

Dans une étude parue en novembre, le chercheur et ses coauteurs prévoient que le réchauffement climatique dépassera de 1,5 °C la température de la période de référence (l'époque préindustrielle) dès la décennie 2020, et de 2 °C avant 2050. C'est à dire bien plus tôt que prévu et que ce qui est indiqué dans l'accord de Paris sur le climat.

“La vérité est déjà assez moche comme ça”

Tout le monde ne partage cependant pas ce point de vue. Dans un billet de blog commentant l'étude de ses confrères, le chercheur américain Michael Mann estime qu'il n'y a pas d'accélération visible. Il voit davantage une augmentation “stable” et linéaire de la température qu'une accélération. “La vérité est déjà assez moche comme ça”, écrit-il.

Selon The Washington Post, de nombreux autres scientifiques se montrent également sceptiques quant à l'accélération du réchauffement moyen de l'atmosphère terrestre. Si certaines simulations climatiques la prévoient, eux ne la voient pas clairement dans les données “réelles” recueillies sur la planète. “Du moins, pas encore”, note, non sans ironie, le journal américain.

Le Washington Post, le New York Times et d'autres médias rapportent les débats qui animent la communauté scientifique concernant, par exemple, le rôle des particules fines, mauvaises pour la santé humaine mais qui réfléchissent le rayonnement solaire, contrebalançant en partie le piégeage de la chaleur par les gaz à effet de serre.

Le phénomène climatique récurrent El Niño est aussi à prendre en considération. Tant que l'épisode qui a démarré cette année n'est pas terminé, “il est peu probable que nous soyons en mesure de faire des affirmations définitives” quant à l'accélération du réchauffement, déclare au New York Times Reto Knutti, physicien du climat à l'École polytechnique fédérale de Zurich.

Ainsi, la combinaison d'El Niño et du réchauffement d'origine anthropique pourrait conduire à une année 2024 tout aussi chaude, voire plus encore. “Les années [où est actif] El Niño sont généralement plus chaudes, car une grande quantité de chaleur stockée dans l'océan est libérée dans l'atmosphère”, rappelle le site de la radio NPR.

Pour Tessa Hill, scientifique à l'institut des sciences côtières et marines de l'université de Californie, il est encore largement temps d'agir pour limiter le réchauffement en réduisant la quantité de GES envoyée dans l'atmosphère. Mais “si nous ne changeons rien, si nous continuons sur la trajectoire actuelle, nous nous souviendrons de 2023 comme d'une année qui n'aura pas été si terrible que cela”, prévient-elle dans l'article du site de la NPR.

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Comment la dette ruine les luttes climatiques

16 janvier 2024, par Pablo Laixhay — ,
L'urgence d'un changement de modèle de société gronde de plus en plus lourdement. Malgré un accord présenté comme historique à la COP28, appelant à une transition hors des (…)

L'urgence d'un changement de modèle de société gronde de plus en plus lourdement. Malgré un accord présenté comme historique à la COP28, appelant à une transition hors des énergies fossiles, force est de constater que de nombreux blocages fondamentaux persistent. Tous sont entretenus par un mécanisme bien connu, le système dette, outil favori du capitalisme néolibéral.

8 janvier 2024 | tiré du site du CADTM Pablo Laixhay | Photo : Félix Vallotton, The Wind, 1910, CC, National Gallery Of Art, https://www.nga.gov/collection/art-object-page.66439.html
https://www.cadtm.org/Comment-la-dette-ruine-les-luttes-climatiques

Alors que la 28e Conférence des Parties (COP28) s'est achevée le 13 décembre 2023, le moins que l'on puisse dire est que le chemin est manifestement encore long et pavé d'obstacles avant de pouvoir se targuer d'avancées significatives. Conclue sur un accord présenté comme historique car appelant à une transition hors des énergies fossiles, l'accord reste non contraignant et la temporalité de cette sortie bien entendu non définie.

Alors que les combustions de gaz, de charbon et de pétrole sont à l'origine de 90 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et que leur consommation devrait battre un nouveau record en 2024 [1], l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), dont font partie les Émirats arabes unis, pays hôte de la COP28, a demandé à ses membres de rejeter tout accord réclamant la sortie des énergies fossiles au cours de cette même COP [2]. De la même manière, une récente enquête relayée par The Guardian vient de révéler que l'Arabie saoudite « mène un vaste plan d'investissement mondial visant à créer une demande pour son pétrole et son gaz dans les pays en développement [et a] les rendre accros… » [3]. Le moins que l'on puisse dire est que la pièce n'est pas tombée, en particulier auprès des géants des énergies fossiles dont 2 456 lobbyistes étaient accrédité·es pour la COP.

Suite à la publication de l'accord, Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du GIEC, soulignait au micro de France Inter qu'actuellement au niveau mondial « les promesses [de lutte contre le changement climatique faites par les États], si elles se réalisent toutes, permettent une baisse d'environ 5 % des émissions de GES à horizon 2030, alors que pour limiter le réchauffement sous les 2 °c d'augmentation des températures, une baisse de 25 % est nécessaire. Elle monte à 43 % pour rester sous les 1,5 °c. » [4]

Rappelons que nous avons déjà largement dépassé le 1 degré d'augmentation des températures moyennes depuis l'ère préindustrielle. Tandis que le GIEC insiste sur le fait que 60 % des réserves de pétrole et de gaz connues en 2018 doivent rester dans les sous-sols pour atteindre l'objectif des 1,5 °c, les entreprises pétrolières continuent d'investir massivement dans de nouvelles prospections. Parler aujourd'hui de rester sous le seuil des 1,5 degré est au mieux une illusion naïve, au pire une sinistre farce. Celui-ci sera certainement dépassé avant la fin de la décennie et les conséquences s'en feront inégalement ressentir. Depuis début décembre 2023, cette position est notamment soutenue par le Global Carbon Project [5].

Un autre élément totalement éclipsé dans cet l'accord est la justice fiscale et la prise en compte des capacités des pays du Sud pour faire face aux effets du dérèglement climatique ainsi que pour financer l'adaptation et les réparations des dégâts subis. Pour soutenir les États déjà lourdement impactés, un fonds pour les « pertes et dommages » a en effet été mis en place avec une capacité de… 400 millions de dollars. Quant au volet « adaptation », « la COP28 est parvenue à rassembler à peine 160 millions de dollars de plus pour aider les pays du Sud à s'adapter aux canicules ou aux pluies diluviennes qui deviennent plus intenses et plus fréquentes » [6].

Ces sommes apparaissent complètement dérisoires lorsqu'on sait que :

« Les coûts d'adaptation actualisés pour les pays en développement sont estimés entre 215 et 387 milliards de dollars par an(estimation revue systématiquement à la hausse) au cours de cette décennie » [7],

Les transnationales des énergies fossiles ont engrangé plus de 4 000 milliards de dollars en 2022 et assez de bénéfices ces 20 dernières années pour « pour couvrir près de 60 fois les coûts des pertes liées au changement climatique dans 55 des pays les plus vulnérables » [8]

• « Ces 55 économies les plus vulnérables au climat ont déjà subi à elles seules des pertes et des dommages évalués à plus de 500 milliards de dollars au cours des deux dernières décennies » [9]. Il est d'ailleurs important d'insister sur le fait qu'« en termes monétaires absolus, les pertes des pays les plus riches dues aux évènements climatiques ont tendance à être plus élevées, mais les pertes économiques par rapport au PIB, et en particulier, les pertes de vies humaines, de biodiversité, de culture, de patrimoine et de moyens de subsistance, les déplacements humains et animaux, les difficultés personnelles et les menaces existentielles, ont été beaucoup plus répandues dans les pays à revenu faible et intermédiaire » [10],

• Pour les pays du Sud, ces coûts pourraient atteindre 580 milliards de dollars annuels en 2030 et 1 700 milliards de dollars annuels d'ici 2050 [11].

Mais le problème va bien plus loin. Cet énorme manque de financement est profondément aggravé par la problématique de l'endettement des pays du Sud qui mine complètement leurs capacités financières, sert de transfert des richesses des pays du Sud vers les pays du Nord et tue dans l'œuf toute initiative ambitieuse de lutte contre changement climatique. Le présent article vise à rappeler en quoi le système international de la dette représente un verrou redoutable dans la lutte contre le changement climatique ou visant au moins à adapter la société a ses effets. Par souci de concision, trois éléments en particulier sont ici retenus : le surcoût du financement, le paiement de la dette comme priorité et l'extractivisme.

1. Le surcoût du financement

Plus un pays est vulnérable et a besoin de financement, plus le coût de l'emprunt sera élevé et plus il lui sera difficile de rassembler les investissements nécessaires pour lutter contre cette vulnérabilité et pour le bien de sa population

Suite à une série de chocs tels que la pandémie Covid, la guerre en Ukraine (qui a fait exploser les prix des céréales , des engrais chimiques et des combustibles) et l'augmentation des taux d'intérêts par les banques centrales du Nord, les pays du Sud font face à l'explosion du coût de leurs dettes. Les marchés financiers, dont les principaux acteurs (banques, compagnies d'assurance, fonds d'investissements,… ) sont issus du Nord, sont aujourd'hui la principale source de financement des États et imposent aux pays à faibles revenus, aux pays vulnérables et aux pays surendettés [12] des taux d'intérêt exorbitants. La logique est simple : plus un pays est en difficulté économique ou risque de voir son économie impactée par des catastrophes naturelles, plus les agences de notations et les marchés financiers vont considérer qu'il est risqué de lui prêter. Pour pallier ce « risque », ou pour en profiter, ils vont donc imposer des taux d'intérêt faramineux, obligeant les États en question à consacrer une part importante de leurs budgets annuels à payer le service de financement, et ce au détriment du financement de politiques stratégiques telles que des politiques sociales ou en faveur de l'environnement et du climat.

Résultat : Plus un pays est vulnérable et a besoin de financement, plus le coût de l'emprunt sera élevé et plus il lui sera difficile de rassembler les investissements nécessaires pour lutter contre cette vulnérabilité et pour le bien de sa population.

Les taux d'intérêt pour les pays du Sud, souvent supérieurs à 10 %, peuvent grimper jusqu'à 20, voire 30 %, alors que les pays du Nord, ou du moins ceux ayant la confiance des marchés, empruntent aujourd'hui à des taux entre 3 et 6%. Même en Belgique, la banque Degroof Petercam prête à des pays tels que le Ghana à du 25 % [13]. Pour un prêt sur 10 ans, ce pays paie donc à cette banque d'affaires 2,5 fois le montant emprunté (en plus du remboursement intégral) rien que pour les intérêts, alors que celui-ci peine à financer les services de base pour sa population.

Pour en savoir davantage, consultez l'étude d'Entraide et Fraternité sur l'implication des banques dans l'endettement des pays du Sud : Dette du Sud : les banques peuvent-elles s'en laver les mains ?

Cette logique pousse les pays du Sud à consacrer des parts toujours plus importantes de leur budget au service de la dette, voire de s'endetter davantage pour payer les intérêts de la dette, augmentant ainsi la charge des paiements. Un véritable cercle vicieux. Selon le dernier rapport International Debt Report (IDR) de la Banque mondiale [14], les pays dits « en développement » ont consacré en 2022 440 milliards de dollars au paiement du service de la dette, 5 % de plus qu'en 2021. Le même rapport prévoit une augmentation de 10 % pour 2023, pour atteindre 500 milliards de dollars. Un autre rapport commandé par l'ONU estime quant à lui que pour la période 2018-2028, le groupe des 20 pays les plus vulnérables (V20) devrait payer 168 milliards de dollars de surcout en intérêt pour pallier au « risque climatique » [15]. Les impacts du changement climatique déjouant dernièrement toutes les prévisions et estimations de par leur ampleur, ces estimations sont à prendre à minima.

Alors que ces pays ne parviennent pas à subvenir aux besoins de leurs populations, alors qu'ils subissent déjà de plein fouet les conséquences du changement climatique, alors que, comme partout ailleurs, des investissements massifs dans la réorientation de leur économie et de leur industrie pour lutter contre le changement climatique s'imposent, les États vulnérables et surendettés sont donc condamnés à verser des sommes colossales aux créanciers.

2. Le paiement de la dette, priorité des priorités

En 2021, le Ghana prévoyait d'allouer 77 millions de dollars par an pour l'adaptation face au changement climatique. La même année, le pays dépensa 4,8 milliards de dollars en service de la dette

Le paiement de ce service de la dette est systématiquement prioritaire sur les dépenses sociales (éducation et santé publiques, paiement des salaires des fonctionnaires,…). Pour assurer ce paiement, des coupes sur les budgets sont imposées. C'est le cas des budgets pour la santé et pour l'éducation, mais également pour la transition écologique, les politiques de protection de l'environnement ou le financement de l'adaptation et des réparations face aux catastrophes naturelles.

Aujourd'hui, le service de la dette des pays à faible revenu représente en moyenne les deux tiers de leurs budgets cumulés d'éducation et de santé. Pour certains pays, il dépasse même de très loin le budget de la santé. C'est le cas, par exemple, du Kenya où le paiement de la dette absorbe l'équivalent de 5 fois le budget de la santé, en Tunisie 4 fois et au Ghana 3 fois [16].

Il en va donc de même pour le financement des politiques d'adaptation face au changement climatique. Si nous gardons l'exemple du Ghana, en 2021 celui-ci prévoyait d'allouer 77 millions de dollars par an pour l'adaptation [17], c'est-à-dire en systèmes d'irrigation pour faire face aux sècheresses, des systèmes d'alertes pour prévenir les crues, etc. La même année, le pays dépensa 4,8 milliards de dollars en service de la dette, montant qui devrait atteindre 6,4 milliards en 2025. Cet exemple vaut pour une série alarmante de pays.

Même les pays directement touchés par des catastrophes naturelles ne peuvent faire l'impasse sur le paiement du service de la dette. Pamela Kuwali, directrice du ActionAid Malawi déclarait en début d'année 2023 : « Le Malawi [pays frappé par le cyclone Freddy qui a déplacé un demi-million de personnes] a une dette qui représente près des deux tiers de son produit intérieur brut, ce qui signifie qu'au lieu que notre gouvernement soit en mesure de canaliser des fonds vitaux pour la reconstruction et le redressement après le cyclone Freddy, nous sommes contraints de rembourser d'anciens emprunts. Nous avons les mains liées, alors que les catastrophes climatiques deviennent de plus en plus intenses et destructrices. Cela ne peut plus durer, et ce sont les femmes et les jeunes filles qui en souffriront le plus. [18] »

Plus que jamais les États ont besoin de moyens énormes pour les besoins de la population, pour investir prioritairement dans la transition écologique, l'adaptation au changement climatique et les réparations suite aux catastrophes. Ces investissements, passés au second plan, deviennent impossibles ou dérisoires.

3. La dette, moteur de l'extractivisme...

Outre la participation à l'émission de GES et donc à l'accélération des effets du changement climatique, les projets extractivistes ont donc logiquement des répercussions environnementales et écologiques désastreuses

Le troisième élément, peut-être le plus problématique, c'est l'extractivisme, un des rouages les plus essentiels et les plus pervers du système dette.

Comme souligné dans de nombreuses publications du CADTM, la logique de l'endettement des pays du Sud repose notamment sur le fait que les dettes, devant être payées en devises fortes (dollars, euros, yen,…), seront en partie remboursées grâce à l'exploitation et à l'exportation vers les marchés internationaux des ressources naturelles des pays en question, l'exportation étant un des moyens majeurs dont disposent les pays du Sud pour s'approvisionner en devises fortes. Pour rembourser leurs dettes, les États, en particulier les États d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine, n'ont donc souvent d'autres choix que d'étendre les monocultures d'exportation et/ou intensifier les pratiques d'élevages, parfois au prix d'une profonde déforestation, d'exploiter exagérément leurs réserves halieutiques, d'extraire de leur sous-sol un maximum de ressources minières et de ressources fossiles telles que le pétrole, le gaz de schiste, le charbon, etc.

Outre la dépendance vis-à-vis de nombreux facteurs exogènes tels que les cours internationaux, les effets néfastes de cette logique d'exploitation et d'extraction pour l'exportation sont innombrables, d'autant plus que les coûts des dommages causés par les activités des entreprises multinationales ne sont souvent pas prises en charges par ces dernières et sont donc supportées par l'environnement et par les populations locales, en particulier les femmes.

Les exemples ne manquent pas, à commencer par celui de Vaca Muerta en Argentine l'un des plus grands gisements de pétrole et de gaz de schiste au monde. Outre la potentielle libération de 5 milliards de tonnes de CO2, son exploitation par fracturation hydraulique, qui doit permettre de rembourser la dette illégitime de 43 milliards de dollars contractée auprès du FMI en 2018 [19], entraine des déplacements de population, une lourde contamination des eaux, des sols et des sous-sols et de graves problèmes sanitaires. Une multitude d'autres projets extractivistes liés à l'exploitation des ressources fossiles sont aujourd'hui opérationnels, sur le point d'être entrepris ou en cours d'étude alors que les scientifiques tirent la sonnette d'alarme depuis des années sur l'importance de se diriger vers la fin de l'utilisation des énergies fossiles. Plusieurs de ces projets sont d'ailleurs décriés comme de véritables bombes climatiques, parmi lesquels Santos, Buzios, et Lula, trois projets d'extraction de pétrole et de gaz offshore au Brésil, le projet Tannezuft Shale en Algérie ou encore l'EACOP, le fameux pipeline chauffé traversant l'Ouganda et la Tanzanie. Les projets d'extraction de charbon ne manquent pas non plus avec Paardekop et Grootegeluk (grande chance en néerlandais) en Afrique du Sud, Zambezi et Chirodzi au Mozambique, Phulbari au Bangladesh, PTBA en Indonésie, etc [20]. Ces projets se comptent par centaines…

Pour rappel, plusieurs éléments permettent de qualifier une dette comme étant illégitime, illégale ou odieuse.
• La conduite des créanciers : Connaissance des créanciers de l'illégitimité du prêt.
• Les circonstances du contrat : Rapport de force en faveur du créditeur, débiteur mal ou pas informé, peuple pas d'accord
• Les termes du contrat : Termes abusifs, taux usuraires...
• La destination des fonds : Utilisation ne profite pas à la population, bénéficie à une personne ou un groupe.
Dans le cas de la dette de 43 milliards de dollars contractée par le gouvernement argentin de Mauricio Macri auprès du FMI afin de financer la réélection du président, celle-ci est odieuse, illégale et anticonstitutionnelle car contractée sans l'approbation du parlement argentin, contre l'intérêt de la population et en connaissance de cause de la part du créditeur, ici le FMI.
Les taux d'intérêt usuraires, excessivement élevés, auxquels font face les pays du Sud sont également un élément permettant de contester la légitimer d'une dette.
Plusieurs outils et textes du droit international, tels que la Déclaration sur le droit au développement, les résolutions de l'ONU sur la souveraineté des États sur les ressources naturelles ou encore le Conseil des droits de l'homme de l'ONU soulignent par ailleurs que le remboursement d'une dette qui entraine la violation des droits de l'homme est nul et non avenue. C'est notamment le cas lorsqu'une population voient ses droits remis en question face à l'application de politiques d'ajustement structurels.
Pour retrouver les différentes définitions : https://www.cadtm.org/Definition-des-dettes-illegitimes
Outre la participation à l'émission de GES et donc à l'accélération des effets du changement climatique, les projets extractivistes ont donc logiquement des répercussions environnementales et écologiques désastreuses et exacerbent profondément les limites planétaires [21] de notre biosphère.

Les exploitations minières, et la (non-)gestion des déchets qui y sont liés, symbolisent parfaitement les dégâts de l'extractivisme de par leurs impacts sur l'environnement et sur les populations vivant dans les régions concernées. La question de l'impact du secteur minier est d'autant plus sensible que pour atteindre les objectifs de transition énergétique de l'accord de Paris, la quantité de métaux à extraire et à transformer d'ici à 2050 dépasse la quantité extraite depuis l'antiquité [22]. Or, ces exploitations laissent systématiquement derrière elles des « zones mortes » où les rares réhabilitations des espaces peinent à cacher la perturbation des équilibres chimiques et biologiques. De plus, lorsqu'ils surviennent, les incidents liés à ces exploitations ont des conséquences colossales, à l'image de la rupture du barrage de la société Samarco en 2015 au Brésil qui retenait 40 millions de mètres cubes de déchets toxiques liés à l'exploitation d'une mine de fer. La coulée de boue a progressé sur plus de 500 km et a englouti 39 localités avant de se jeter dans l'Atlantique, faisant une vingtaine de morts [23]. Quatre ans plus tard, un drame similaire se produit avec la rupture de barrage de Brumadinho faisant 270 morts [24]. On estime qu'entre 4 et 6 accidents majeurs liés au secteur minier se produisent chaque année dans le monde.

En plus de jouer un rôle moteur dans le changement climatique, les conséquences de l'extractivisme imposé par la dette sont donc multiples, touchent tous les pans des sociétés des pays du Sud et les enjeux qui en résultent sont tant environnementaux et sociaux que politiques et économiques.

Conclusion

L'annulation de ces dettes est aujourd'hui, comme hier, cruciale, mais la portée vitale de cet enjeu sur les pays du monde entier est plus que jamais manifeste

La dette entraîne ainsi un véritable cercle vicieux et verrouille le statuquo. Afin d'assurer le remboursement des dettes dont la légitimité peut très souvent être contestée, les pays du Sud voient leurs capacités d'investissement complètement plombées et sont incités à exploiter leurs ressources, y compris leurs ressources fossiles. Cela engendre à la fois un immobilisme vis-à-vis de toute initiative sérieuse de lutte contre le changement climatique et une fuite en avant dans l'émission de GES et dans l'exacerbation des activités destructrices pour les écosystèmes du monde entier.

Dès lors, les impacts du changement climatique ne font logiquement que croître avec de lourdes conséquences, en particulier pour les pays du Sud se trouvant en première ligne. Alors que leur vulnérabilité et leurs besoins en investissements vont croissant, les pays touchés voient leurs économies et leurs capacités d'actions s'éroder. L'augmentation des taux d'intérêt et donc des coûts de financement freine lourdement des investissements plus que nécessaires et participe à l'explosion des dettes des pays les plus vulnérables, dettes qui seront à leurs tours remboursées grâce à l'exportation des ressources.

La dette et l'extractivisme tenant des rôles centraux dans la sécurisation de l'approvisionnement des marchés et des multinationales en matières premières et en ressources stratégiques, dans l'extraction des énergies fossiles et dans l'engraissement du commerce international et de la consommation de masse, un simple ralentissement de cette dynamique représente un défi colossal.

En plus de bloquer tout investissement allant contre l'intérêt du système capitaliste et des grands groupes privés, la dette vide les pays du Sud de leurs richesses naturelles et financières, promeut le saccage des écosystèmes et bloque toute perspective de changement et de transition écologique un tant soit peu sérieuse. Celle-ci ne peut être envisagée tant que le cercle vicieux n'est pas brisé.

Il est de plus en plus urgent d'exclure les fausses solutions allant du capitalisme vert aux suspensions de dettes anecdotiques en passant par les « échanges dettes contre nature » [25]. Tous les signaux indiquent aujourd'hui que nous sommes à l'aube d'une nouvelle crise de la dette dans les pays du Sud. Cette crise risque d'affecter davantage les capacités d'investissement des États et de pousser d'autant plus de pays dans la léthargie vis-à-vis des luttes environnementales et climatiques.

Pour en savoir plus sur la nouvelle crise de la dette, consultez : Selon la Banque mondiale, les « pays en développement » sont pris au piège d'une nouvelle crise de la dette : Comment l'expliquer ?

Il est aujourd'hui primordial, que ce soit vis-à-vis de la justice sociale, de la justice climatique, mais aussi de notre intérêt commun à un avenir vivable, de permettre aux peuples des pays du Sud de se libérer du remboursement de dettes dont la légitimité est contestable et d'organiser une transition écologique conséquente. L'annulation de ces dettes est aujourd'hui, comme hier, cruciale, mais la portée vitale de cet enjeu sur les pays du monde entier est plus que jamais manifeste.

Voir carte blanche cosignée par le CNCD, le CADTM et Entraide et Fraternité : Annuler les dettes pour assurer la justice climatique
L'auteur remercie Brigitte Ponet, Maxime Perriot et Eric Toussaint pour leurs relectures.

Notes

[1] COP28 : en parallèle de l'accord « historique », l'Opep annonce un nouveau record de la demande de pétrole en 2024. Par Helene Zelany sur Europe1. Le 13/12/23. Disponible sur : https://www.europe1.fr/international/cop28-en-parallele-de-laccord-historique-lopep-annonce-un-nouveau-record-de-la-demande-de-petrole-en-2024-4219896

[2] L'OPEP déclenche l'indignation de plusieurs États à la COP28 après avoir demandé à ses membres de refuser tout accord ciblant les énergies fossiles. Le 9/12/23. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/12/09/a-la-cop28-le-chef-de-l-opep-demande-aux-membres-de-refuser-tout-accord-ciblant-les-energies-fossiles_6204825_3244.html#:~:text=Dans%20ce%20contexte%2C%20l'Organisation,courrier%20consult%C3%A9%20vendredi%208%20d%C3%A9cembre

[3] Revealed : Saudi Arabia's grand plan to ‘hook' poor countries on oil. Par Damian Carrington dans The Guardian. Le 27/11/23. Disponible sur : https://www.theguardian.com/environment/2023/nov/27/revealed-saudi-arabia-plan-poor-countries-oil

[4] Accord à la COP28 : « Ce qu'on acte, c'est quand même la sortie des énergies fossiles ». France Inter. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=A6t4HL-z5lQ&t=1125s

[5] Fossil CO2 emissions at record high in 2023. Disponible sur : https://globalcarbonbudget.org/fossil-co2-emissions-at-record-high-in-2023/

[6] COP28 : Un accord en deca de l'urgence climatique. Par Mickael Correia. Sur Mediapart. Le 13/12/23. Disponible sur : https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/131223/cop28-un-accord-en-deca-de-l-urgence-climatique

[7] Climat : il faut prendre des mesures dès maintenant pour combler le déficit en matière d'adaptation. Le 2/11/23. Disponible sur : https://news.un.org/fr/story/2023/11/1140262

[8] COP28 : Lancement d'une task force sur les taxations par le président macron. Par Guillaume Compain sur CareFrance. Le 2/12/23. Disponible sur : https://www.carefrance.org/actualites/cop-28-task-force-sur-les-taxations-climat-par-macron-ong-care-france/

[9] Idem ONU 2/11/23

[10] Eurodad. L'urgence climatique : Qu'est-ce que la dette a à voir la dedans ?. Septembre 2021. Page 6.

[11] Markandya, A., González-Eguino, M. (2019). Integrated Assessment for Identifying Climate Finance Needs for Loss and Damage : A Critical Review. In : Mechler, R., Bouwer, L., Schinko, T., Surminski, S., Linnerooth-Bayer, J. (eds) Loss and Damage from Climate Change. Climate Risk Management, Policy and Governance. Springer, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-319-72026-5_14

[12] 93% des pays les plus vulnérables sont en situation de surendettement

[13] Dette du Sud : les banques peuvent-elles s'en laver les mains ? par Entraide et fraternité. Disponible sur : https://entraide.be/wp-content/uploads/sites/4/2023/11/EtudeDette2023.pdf

[14] International Debt Report 2023. World Bank. Disponible sur : https://openknowledge.worldbank.org/entities/publication/02225002-395f-464a-8e13-2acfca05e8f0

[15] Climate Change and the Cost of Capital in Developing Countries. Imperial College Business School and SOAS University of London. 2018. Disponible sur : https://www.v-20.org/wp-content/uploads/2020/12/Climate_Change_and_the_Cost_of_Capital_in_Developing_Countries.pdf

[16] Idem. Entraide et Fraternité.

[17] Lower income countries spend five times more on debt payments than dealing with climate change. Jubilee Debt Campaign. Octobre 2021. Disponible sur : https://jubileedebt.org.uk/wp-content/uploads/2021/10/Lower-income-countries-spending-on-adaptation_10.21.pdf

[18] 93% of countries most vulnerable to climate disasters are either in or at significant risk of debt distress, new research by ActionAid International shows. USAID. 10/04/23. Disponible sur : https://www.actionaidusa.org/news/93-of-countries-most-vulnerable-to-climate-disasters-are-either-in-or-at-significant-risk-of-debt-distress-new-research-by-actionaid-international-shows/

[19] Voir interview de Esteban Servat dans l'article « La dette se paie, les escroqueries non » : Échanges dette contre nature et Debt for Climate, deux initiatives antinomiques ». https://www.cadtm.org/La-dette-se-paie-les-escroqueries-non-Echanges-dette-contre-nature-et-Debt-for Lire également d'Éric Toussaint par le portal Le Vent se Lève : « L'Argentine face au FMI : les péronistes à la croisée des chemins », https://lvsl.fr/largentine-face-au-fmi-les-peronistes-a-la-croisee-des-chemins/

[20] Carte des bombes carbones. Disponible sur : https://www.carbonbombs.org/map

[21] L'extractivisme exacerbe les neuf limites planétaires, ou frontières planétaires, ces « seuils à l'échelle mondiale à ne pas dépasser pour que l'humanité puisse vivre dans un écosystème sûr, c'est-à-dire évitant les modifications brutales, non-linéaires, potentiellement catastrophiques et difficilement prévisibles de l'environnement ». Rappelons en effet que si le changement climatique est un des phénomènes les plus médiatisés et les plus préoccupants vis-à-vis de l'avenir des écosystèmes sur notre planète, il n'est que l'un des neuf points de bascule qui menacent aujourd'hui. Sur ces neuf seuils, six ont déjà été franchis : le changement climatique, l'intégrité de la biosphère, la perturbation des cycles biochimiques de l'azote et du phosphore, la modification de l'occupation des sols, et plus récemment, la pollution chimique, dépassée début d'année 2023, et le cycle de l'eau douce, dépassée dans le courant du mois de septembre, dans un silence médiatique assourdissant.
Pour plus d'informations : https://reporterre.net/Qu-est-ce-que-les-limites-planetaires#4

[22] Olivier Vidal. Impact de différents scénarios énergétiques sur les matières premières et leur disponibilité future. Annales des mines - Série Responsabilité et environnement, 2020, N°99 (3), pp.19-23. Disponible à : https://hal.science/hal-03426222/document

[23] https://www.geo.fr/environnement/bresil-quatre-ans-apres-la-catastrophe-de-mariana-un-decor-fantome-198473

[24] La rupture du barrage de Brumadinho, qui a fait 270 morts et disparus au Brésil, « aurait pu être évitée ». Sur Le Monde. Le 6/11/2019. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/11/06/au-bresil-la-rupture-du-barrage-de-brumadinho-aurait-pu-etre-evitee_6018181_3244.html

[25] Pour en savoir plus sur les échanges contre nature, voir les analyses de Anne Theisen sur le sujet : Critique de la stratégie globale des échanges dette-nature en Afrique. Disponible sur : https://www.cadtm.org/Critique-de-la-strategie-globale-des-echanges-dette-nature-en-Afrique-22119 et Anguille au vert aux Galapagos. Disponible sur : https://www.cadtm.org/Anguille-au-vert-aux-Galapagos
Pour en savoir plus sur la position du CADTM, consultez « Pourquoi le CADTM n'est pas d'accord avec les échanges « dettes contre action climatique » ». Disponible sur : https://www.cadtm.org/Pourquoi-le-CADTM-n-est-pas-d-accord-avec-les-echanges-dette-contre-action

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Capitalisme fossile : les multinationales du pétrole distribuent 100 milliards de dividendes

16 janvier 2024, par Elea Novak — , ,
Alors que l'inflation, toujours grimpante, a été tirée en 2023 par les prix de l'énergie, les dividendes distribués par les grands groupes pétroliers pour l'année 2023 (…)

Alors que l'inflation, toujours grimpante, a été tirée en 2023 par les prix de l'énergie, les dividendes distribués par les grands groupes pétroliers pour l'année 2023 pourraient atteindre un niveau record. Pourtant, ces actionnaires sont responsables du réchauffement climatique et de la précarité énergétique.

4 janvier | tiré du site de Révolution permanente
https://www.revolutionpermanente.fr/Capitalisme-fossile-les-multinationales-du-petrole-distribuent-100-milliards-de-dividendes

Le 1er janvier 2024, le journal The Guardian a révélé que les cinq plus grandes entreprises pétrolière (BP, Shell, Chevron, ExxonMobil et TotalÉnergies) sont en voie de distribuer pour l'année 2023 des dividendes plus élevés encore qu'ils ne l'étaient en 2022. Selon Institut d'économie de l'énergie et d'analyse financière (IEEFA), les grands groupes se préparent à dépasser les 104 milliards de dollars dont ils avaient arrosé leurs actionnaires en 2022, et ont d'ores et déjà distribué 100 milliards de dollars (94 milliards d'euros) pour l'année 2023.

Selon The Guardian, les entreprises ont pu faire des promesses de dividendes de plus en en plus élevés au fil de l'année, se reposant sur des prix de l'essence toujours en augmentation depuis le début de la guerre en Ukraine. Pourtant, comme le rappelle Alice Harrison, militante de Global Witness, « une fois de plus, des millions de familles n'auront pas les moyens de chauffer leur maison cet hiver, et des pays du monde entier continueront de subir les phénomènes météorologiques extrêmes liés à l'effondrement climatique ». En effet, en France les prix de l'énergie ont atteint une inflation de 5,6% sur un an en décembre 2023 selon l'INSEE. Prix auxquels les Français devront s'habituer, avec la fin du chèque carburant pour 2024.

Non contents de profiter d'une précarité énergétique grandissante, les grands pétroliers prévoient également ces dividendes records sur le dos de l'année la plus chaude de l'histoire. Les 11 premiers mois de l'année 2023 ont en effet enregistré une moyenne de température 1,46°C plus haute que la moyenne sur la période 1850-1900, l'ère préindustrielle. Alors que les pays membres de la COP28 signaient en décembre un maigre appel à une « transition hors des énergies fossiles », les industries poursuivaient leurs opérations et investissements dans les hydrocarbures.->https://www.theguardian.com/us-news/2024/jan/03/2023-hottest-year-on-record-fossil-fuel-climate-crisis] Dan Cohn, chercheur à l'IEEFA dénonçait ainsi auprès du Guardian en juillet que « elles [les entreprises fossiles, NDLR] n'ont laissé aucun doute que leurs engagements avaient été déployés pour des objectifs politiques cyniques, seulement pour être délaissés lorsqu'ils ne servaient plus la position stratégique de l'industrie ».

La fin de l'année 2023 nous permet de pointer clairement du doigt les responsables de la crise climatique et économique. Les plus de 100 milliards de dividendes distribués pour 2023 et les profits records sont indécents face à la situation de précarité dans laquelle sont plongés de nombreux foyers. Alors que la planète se réchauffe toujours plus, les plans et accords pour limiter ce réchauffement sont inefficaces tant qu'ils reposent sur les entreprises qui font des profits sur l'exploitation de la planète.

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Nous, syndicats, associations, appelons à ne pas promulguer la loi Immigration et à continuer la mobilisation

16 janvier 2024, par Collectif — , ,
Nous, associations, syndicats, membres de la société civile, nous sommes réuni·es mercredi 20 décembre au lendemain du vote de la loi pour « contrôler l'immigration, améliorer (…)

Nous, associations, syndicats, membres de la société civile, nous sommes réuni·es mercredi 20 décembre au lendemain du vote de la loi pour « contrôler l'immigration, améliorer l'intégration » face au point de bascule qu'elle constitue pour nos principes républicains comme pour la vie des personnes étrangères et de l'ensemble des habitants de notre pays, salarié·es, travailleuses et travailleurs sociaux, agent·es du service public, bénévoles, universités et entreprises qui seraient confronté·es aux désordres provoqués par cette loi.

tiré de Entre les lignes et les mots

photo : Serge D'Ignazio

Rassemblé·es par nos valeurs communes de solidarité, de fraternité et d'égalité, nous ne pouvons accepter de voir le gouvernement et le Président de la République endosser une part conséquente du programme historique de l'extrême-droite : préférence nationale, remise en cause du droit du sol, déchéance de nationalité, criminalisation des personnes sans-papiers, limitations du droit à vivre en famille… Nous sommes consterné·es qu'une idéologie funeste l'ait emporté sur les faits, que les fantasmes aient triomphé sur la réalité des dynamiques migratoires.

Alors que notre pays est traversé de multiples fractures, nous dénonçons un texte qui tourne le dos aux forces de la société et va remettre en cause la garantie de droits fondamentaux et les libertés publiques, appauvrir des personnes déjà vulnérables, en les privant notamment d'aides au logement, à l'autonomie ou d'allocations familiales, remettre en question l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence, durcir l'accès aux titres de séjour, refuser un cadre clair de régularisation des travailleurs et travailleuses sans papiers et qui contribuera à stigmatiser davantage toute personnes d'origine immigrée et toute personne étrangère.

Nous ne sommes pas dupes des discours qui n'assument pas la réalité du contenu de cette loi et qui visent à en maquiller les conséquences pour les étrangers en France, mais aussi pour toute la population.

C'est bien un tournant que connaît notre République depuis mardi 19 décembre au soir. Mais le Président de la République a encore, entre ses mains, la capacité d'interrompre cette marche funeste. C'est pourquoi nous lui demandons solennellement de prendre la mesure de l'ampleur du désordre et de la crise sociale et démocratique que cette loi viendrait aggraver et de surseoir à sa promulgation.

Nous sommes et resterons déterminés à défendre un autre modèle de société, loin du rejet et de la haine de l'autre. Nous entendons poursuivre cette mobilisation avec toutes les forces de la société qui s'expriment d'ores et déjà dans les collectivités locales, les universités, les entreprises et dans toute la société civile.

Nous nous retrouverons à nouveau dès la rentrée, le 11 janvier, pour poursuivre cette dynamique de rassemblement, demander au Président de la République de surseoir à la promulgation de la loi, intensifier et élargir la mobilisation contre ce texte et son idéologie.

Signatures :
1. ATTAC
2. Anafé
3. ANVITA
4. Bibliothèques Sans Frontières
5. CEMEA France
6. Cimade
7. CFDT
8. CGT
9. CNAJEP
10. Droits d'urgence
11. Emmaüs France
12. Emmaüs Solidarité
13. Fédération des Acteurs de la Solidarité
14. Fédération de l'entraide protestante
15. Femmes de la Terre
16. Femmes Egalité
17. Fondation Abbé Pierre
18. France Terre d'Asile
19. Futbol Mas France
20. FSU
21. Groupe Accueil et Solidarité
22. JRS France
23. Ligue des Droits de l'Homme
24. Ligue de l'Enseignement
25. MADERA
26. Médecins du Monde
27. MRAP
28. Observatoire international des prisons
29. Oxfam France
30. Pantin solidaire
31. Paris d'Exil
32. Polaris 14
33. Samu Social de Paris
34. Secours
35. SINGA
36. Solidarité Laïque
37. Solidaires
38. Solidarités Asie France
39. SOS Racisme
40. Thot
41. Union des Etudiants Exilés
42. UNIR – Universités & Réfugié.e.s
43. UNSA
44. Utopia 56
45. UNIOPSS

https://blogs.mediapart.fr/la-cimade/blog/221223/nous-syndicats-associations-appelons-ne-pas-promulguer-la-loi-immigration

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