Presse-toi à gauche !
Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...

La dérive des médias québécois vers la droite

La droitisation des médias québécois est au centre du débat. Une lettre co-signée par plus de 2 000 intellectuels et personnalités de la société civile a d'ailleurs été publiée pour s'opposer au financement public d'un groupe médiatique de droite radicale comme Québecor. Depuis plusieurs années, cette question de la dérive médiatique est abordée dans nos entrevues. Dans ce montage, vous pouvez écouter les réponses de plusieurs personnalités qui tentent d'expliquer les causes de cette dérive, souvent occultée par les médias eux-mêmes, qui ne réalisent pas que la crise actuelle les pousse à se radicaliser, parfois par nécessité économique, parfois pour des raisons idéologiques.
Dans cette vidéo, vous entendrez notamment : Alexandre Dumas, Catherine Dorion, Fred Savard, Frédéric Bérard, Jonathan Durand-Folco, Guillaume Wagner, Marc-André Cyr et Maïka Sondarjee.
16 mai 2025 | tiré de la chaine À gauche
Le média À gauche
Le média « À gauche » est une chaîne YouTube politique francophone fondée au Québec en 2021. Elle est principalement animée par des créateurs québécois et se consacre à la diffusion d'idées et de débats progressistes. La chaîne propose des entretiens avec des personnalités issues de divers courants de gauche, couvrant des thématiques telles que la critique du capitalisme, les inégalités sociales, la justice sociale, l'écologie, le féminisme et l'antiracisme. Elle est également active sur plusieurs plateformes, notamment Spotify, X (anciennement Twitter), Facebook, Instagram et Bluesky.
En 2025, « À gauche » compte environ 59 000 abonnés et plus de 20 millions de vues sur YouTube, avec une audience principalement composée de sympathisants de gauche en France et au Québec, mais aussi d'autres régions francophones
(Wikipédia)
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Les sécessionnistes du « Maple MAGA » au Canada

La poussée séparatiste de droite en Alberta, alimentée par l'opportunisme politique et la puissance pétrolière, pourrait représenter un sérieux défi pour la démocratie canadienne — avec des conséquences potentiellement graves pour les travailleuses et travailleurs, l'économie, les services publics et le pays tout entier.
13 mai 2025 | tiré de Jacobin | Photo : Danielle Smith, première ministre de l'Alberta et cheffe du Parti conservateur uni (PCU), lors d'une conférence de presse à l'Assemblée législative de l'Alberta, le 6 mai 2025, à Edmonton. (Artur Widak / NurPhoto via Getty Images)
Moins de vingt-quatre heures après la victoire électorale du premier ministre libéral Mark Carney, Danielle Smith, première ministre de l'Alberta, a exprimé son mécontentement. Moins d'une semaine plus tard, elle dévoilait un plan visant à organiser un référendum sur la séparation de l'Alberta du reste du Canada.
Pour les observateurs américains, cette tournure peut sembler étrange. Après tout, la victoire de Carney a été attribuée, à juste titre, à une montée du patriotisme canadien. Les électeurs canadiens, inquiets des tarifs douaniers imposés par Donald Trump et de ses menaces de transformer le Canada en « 51ᵉ État », ont en majorité choisi Carney pour « tenir tête au tyran ».
Mais en pleine vague pro-Canada, Danielle Smith et son gouvernement du PCU ont fait cavalier seul. Pour eux, le nouveau premier ministre et son gouvernement à Ottawa représenteraient une menace plus grande pour l'Alberta que l'administration Trump à Washington.
Le contraste est frappant : alors que la plupart des premiers ministres provinciaux appelaient à l'unité autour du drapeau canadien, Smith, elle, prenait l'avion pour Mar-a-Lago, participait à des collectes de fonds organisées par PragerU, et imitait des gouverneurs républicains américains (ses modèles déclarés : Ron DeSantis et Kristi Noem).
Ottawa, bouc émissaire
Pourquoi Smith est-elle aussi décalée par rapport aux autres Canadien·ne·s — y compris la majorité des Albertain·e·s qui s'opposent à la séparation ? La réponse courte : la direction du PCU a vendu son âme au MAGA, ou du moins à son équivalent canadien, pour accéder au pouvoir.
Les racines du problème remontent au 5 mai 2015, quand les progressistes conservateurs (PC), traditionnellement dominants en Alberta, ont été battus par le Nouveau Parti démocratique (NPD), de gauche, dans une victoire historique. C'était la première fois que le NPD remportait une élection provinciale, et cela s'est produit parce que le mouvement conservateur s'était divisé.
D'un côté, les PC, au pouvoir depuis quarante-quatre ans dans cette province riche en pétrole ; de l'autre, le Wildrose Party, soutenu par des militants de style MAGA et des compagnies pétrolières avides de baisses d'impôts et de déréglementation. Inspiré par Fox News et le Tea Party américain, le Wildrose a divisé le vote conservateur, permettant au NPD de l'emporter.
Pour bien des conservateurs albertains, la victoire du NPD fut vécue comme un affront personnel. Le choc de la défaite a mené à une fusion rapide entre le PC et le Wildrose pour créer le Parti conservateur uni, qui a défait le NPD en 2019, puis de justesse en 2023. Mais cette unité conservatrice a eu un prix : le contrôle de facto du parti a basculé vers sa faction « Maple MAGA », de plus en plus radicale.
Comme pour les républicains aux États-Unis, la pandémie a accentué l'extrémisme du PCU. Son chef fondateur, Jason Kenney, a été évincé pour avoir eu le « tort » de prendre la COVID-19 au sérieux. Il a été remplacé par Smith, qui a marginalisé les experts de la santé publique et flatté la base la plus en colère du parti.
À l'image de son prédécesseur, Smith maintient l'unité de sa coalition en alimentant le ressentiment envers Ottawa. Elle accuse les libéraux fédéraux d'être « anti-énergie » — bien que le gouvernement de Justin Trudeau ait investi 34 milliards de dollars publics pour agrandir un pipeline qui génère des profits records pour les pétrolières albertaines.
Cette stratégie anti-Ottawa fonctionne si bien que lorsque Trump a évoqué l'idée de faire du Canada le « 51ᵉ État », une partie importante de la base du PCU — déjà conditionnée à voir Ottawa comme l'ennemi — a perçu la séparation comme l'étape logique pour défendre les intérêts de l'Alberta. Selon un sondage Angus Reid, environ un tiers des Albertain·e·s y sont favorables — mais ce chiffre grimpe à 65 % chez les électeurs du PCU.
Dans une entrevue récente, Smith a admis que sa volonté de faciliter un référendum sur la séparation repose sur une crainte : « s'il n'y a pas de soupape, un nouveau parti va émerger ». Autrement dit, dans l'esprit du « plus jamais ça » qui a motivé la fusion des PC et du Wildrose, elle préfère risquer de briser le pays plutôt que de diviser le vote conservateur, ce qui pourrait ramener le NPD au pouvoir.
La situation s'aggrave avec la naissance du Parti républicain de l'Alberta, qui a lancé une campagne bien financée d'annonces sur les réseaux sociaux, de sondages téléphoniques et de porte-à-porte pour vanter les mérites de la sécession.
Le business de la sécession
Qui finance tout cela ? Le Parti républicain de l'Alberta est-il une véritable force politique — ou une opération de façade alignée sur le PCU ? Existe-t-il des liens avec les réseaux MAGA américains ? Des acteurs étrangers cherchent-ils à exploiter cette vague populiste pour obtenir des contrats, de l'influence ou un accès aux ressources ?
Ces questions peuvent sembler spéculatives, mais elles méritent d'être posées, étant donné les milliards de dollars en jeu dans les sables bitumineux. Les intérêts extérieurs — étrangers ou non — pourraient chercher à tirer profit de cette instabilité politique. Ce qui est certain : ce n'est pas un exercice. C'est une menace réelle pour l'avenir de la fédération canadienne.
La bonne nouvelle, c'est que cette menace a mobilisé les Albertain·e·s non affiliés au PCU — en particulier les Premières Nations et le mouvement syndical.
Les dirigeants des organisations autochtones de l'Alberta, ainsi que plusieurs chefs de conseils de bande, ont envoyé des lettres à Smith affirmant qu'aucun gouvernement provincial n'a le droit de faire sécession sans le consentement des peuples autochtones. Ce serait, disent-ils, une violation des traités signés entre la Couronne et les Premières Nations.
Pendant ce temps, les délégués de la Fédération du travail de l'Alberta ont adopté à l'unanimité une déclaration s'engageant à combattre toute tentative de retirer l'Alberta du pays qu'ils « aiment, honorent et chérissent ».
Les raisons du refus
Les travailleuses et travailleurs, ainsi que leurs syndicats, s'opposent à la séparation pour plusieurs raisons clés :
1. Ils comprennent que la promotion du séparatisme par le PCU est une manœuvre cynique servant à protéger les intérêts partisans de la droite albertine, non le bien commun.
2. Ils y voient une distraction, destinée à détourner l'attention des échecs politiques et des scandales du PCU — notamment le scandale « CorruptCare », où le gouvernement Smith a attribué des contrats douteux à des proches du parti pour démanteler et privatiser le système de santé publique.
3. Ils savent que l'incertitude liée à la sécession nuira aux investissements et détruira des emplois — comme cela s'est produit au Québec lors des référendums de 1980 et 1995.
4. Ils reconnaissent qu'une Alberta indépendante, plus petite et moins viable économiquement, aurait du mal à maintenir ses services publics actuels — notamment la santé et l'éducation, déjà parmi les moins financées au pays. Une Alberta dirigée par le PCU aurait aussi du mal, voire refuserait, de maintenir des programmes nationaux comme le Régime de pensions du Canada, ou des services universels comme les soins dentaires, la pharmacare ou les services de garde.
5. Enfin, les syndicats albertains rejettent la séparation car ils savent qu'elle pourrait rapidement mener à l'annexion par l'Amérique de Trump.
Refaire de l'Alberta une province canadienne
Les Albertain·e·s refusent aussi l'idée de faire partie d'un pays où la démocratie se délite à vue d'œil ; où les droits syndicaux ont été supprimés pour des centaines de milliers de travailleurs du secteur public ; où les droits des femmes, des immigrants et des minorités sont systématiquement remis en cause ; où la science est niée ; où le déni du climat, de la COVID et des droits humains est devenu la norme ; et où des milliardaires, y compris le président lui-même, remplacent l'économie néolibérale par une économie mafieuse encore plus brutale.
Ainsi, malgré l'inquiétude provoquée par le séparatisme albertain, une volonté croissante de riposte s'installe. Smith et le PCU ont peut-être lancé cette bataille par pur cynisme — mais les peuples autochtones, les travailleurs et de nombreux Albertain·e·s sont déterminés à la gagner.
Ils croient que le Canada mérite qu'on se batte pour lui — et ils ont clairement indiqué qu'ils ne cesseront pas le combat tant que la menace du Maple MAGA ne sera pas neutralisée.
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« Les faux réfugiés de Trump » : alors que les États-Unis accueillent des Sud-Africains blancs, Trump dénonce à tort un « génocide »

L'administration Trump a suspendu la réinstallation des réfugiés dans la plupart des pays du monde, mais a accueilli lundi 59 Afrikaners sud-africains blancs à qui le statut de réfugié a été accordé. Le président Trump affirme que les Afrikaners sont victimes de discrimination raciale — alors même que la minorité blanche en Afrique du Sud possède toujours la majorité des terres agricoles, plusieurs décennies après la fin de l'apartheid — et prétend qu'ils fuient un « génocide ». « Il s'agit d'une théorie du complot et d'un mythe qui circulent depuis des décennies dans les cercles populistes de droite et suprémacistes blancs », affirme Andile Zulu, essayiste politique et chercheur au Centre d'information alternative et de développement au Cap. Nous nous entretenons également avec Herman Wasserman, professeur de journalisme à l'Université de Stellenbosch, qui estime que l'administration Trump utilise les Afrikaners comme « des pions, des figurants dans une campagne qui prétend promouvoir la suprématie blanche ».
15 mai 2025 | tiré de Democracy now !
NERMEEN SHAIKH : Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé qu'il rencontrera le président Trump à la Maison-Blanche la semaine prochaine, après l'arrivée aux États-Unis lundi d'environ 59 Afrikaners ayant obtenu le statut de réfugié. Les Afrikaners sont les Sud-Africains blancs qui dirigeaient le pays pendant l'apartheid. Cela survient alors que l'administration Trump a suspendu la réinstallation des réfugiés pour presque tous les autres pays.
Lundi, Trump a affirmé que les Sud-Africains blancs subissaient une discrimination raciale, bien que la minorité blanche détienne encore la majorité des terres agricoles. Il a déclaré qu'il les autorisait à venir aux États-Unis pour échapper à un soi-disant « génocide ».
DONALD TRUMP : C'est un génocide qui a lieu et dont personne ne veut parler, mais c'est une chose terrible. Des agriculteurs sont tués. Ils sont blancs, mais qu'ils soient blancs ou noirs m'importe peu. Mais des fermiers blancs sont brutalement tués, et leurs terres sont confisquées en Afrique du Sud.
NERMEEN SHAIKH : Lundi, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a réfuté les accusations de Trump, les qualifiant de « récit complètement faux ». Mardi, il a rapporté sa conversation téléphonique avec Trump.
CYRIL RAMAPHOSA : J'ai parlé avec le président Trump au téléphone. Il m'a demandé : « Que se passe-t-il chez vous ? » Je lui ai répondu : « Président, ce qu'on vous a dit, par ceux qui s'opposent à la transformation en Afrique du Sud, n'est pas vrai. » Je lui ai ajouté que nous avions été bien formés par Nelson Mandela et d'autres leaders comme Oliver Tambo pour bâtir une nation unie à partir de nos diverses communautés. Nous sommes le seul pays du continent où les colonisateurs sont restés, et nous ne les avons jamais chassés. Ils vivent ici, et ils progressent. Ce sont des groupes marginaux, peu soutenus, qui s'opposent à la transformation et au changement, et qui préféreraient voir l'Afrique du Sud revenir à des politiques de type apartheid.
NERMEEN SHAIKH : Le conseiller de Trump d'origine sud-africaine, Elon Musk, a lui aussi accusé le gouvernement sud-africain de promouvoir un soi-disant « génocide blanc ». Le grand-père de Musk avait déménagé en Afrique du Sud pour soutenir le système d'apartheid.
AMY GOODMAN : Mercredi, le chatbot d'intelligence artificielle de Musk, Grok, est devenu un sujet tendance sur X (ex-Twitter), après avoir répondu à des questions en déclarant qu'il était « programmé par ses créateurs » pour accepter comme réel et raciste le génocide blanc, quelle que soit la question posée. Nous sommes rejoints au Cap, en Afrique du Sud, par deux invités :
Herman Wasserman, professeur de journalisme et directeur du Centre pour l'intégrité de l'information en Afrique à l'Université de Stellenbosch. Son nouvel article s'intitule « Les faux réfugiés de Trump ». Il est lui-même un Afrikaner blanc.
Andile Zulu, analyste politique au Centre d'information alternative et de développement, auteur d'un article intitulé « Race, pouvoir et politique de la distraction ».
HERMAN WASSERMAN : Ma première réaction a été l'incrédulité, suivie d'un sentiment de dégoût face à cette notion de « génocide blanc ». C'est une accusation rejetée par la majorité des Sud-Africains, y compris parmi les blancs.
ANDILE ZULU : Cette idée de génocide blanc qui vient de la Maison-Blanche est une vieille théorie du complot des milieux populistes d'extrême droite. Elle prétend que les Afrikaners sont victimes d'une violence étatique délibérée. Mais tous ceux qui connaissent la réalité du pays — la pauvreté, les inégalités, le chômage — savent que c'est totalement faux.
En réalité, cette propagande sert à mobiliser la peur d'une petite frange blanche mécontente d'avoir perdu ses privilèges. Cela rejoint aussi l'agenda du mouvement MAGA aux États-Unis, qui se présente comme défenseur de la « civilisation blanche ».
Cela a commencé avec l'adoption par Ramaphosa d'une nouvelle loi remplaçant l'Expropriation Act de 1975. Ce n'est même pas une loi radicale. Elle prévoit que l'État peut exproprier des terres pour l'intérêt public avec une compensation équitable. Et les cas où cette compensation serait nulle seraient très rares, selon les experts.
NERMEEN SHAIKH : Pour rappel, une loi de 1913 avait attribué plus de 90 % des terres sud-africaines aux Blancs. Aujourd'hui, bien qu'ils représentent environ 7 % de la population, ils détiennent encore environ 50 % des terres. Les Afrikaners figurent parmi les plus riches du pays. Andile, comment cette nouvelle a-t-elle été reçue en Afrique du Sud ?
ANDILE ZULU : C'est un mélange de frustration et d'incompréhension. Les statistiques parlent d'elles-mêmes : le chômage chez les Blancs est à 7,9 %, contre 36,9 % chez les Noirs. Le taux de pauvreté est de 1 % chez les Blancs, contre 64 % chez les Noirs. Les victimes de violence sont en immense majorité des jeunes Noirs vivant dans les townships.
Oui, les Sud-Africains blancs peuvent eux aussi être victimes de criminalité, mais ce n'est pas parce qu'ils sont blancs. C'est dû à un État dysfonctionnel, gangrené par la corruption et la politique néolibérale imposée à une économie en crise.
AMY GOODMAN : Herman Wasserman, aux États-Unis, des personnalités comme Elon Musk, Peter Thiel et d'autres membres de la « mafia PayPal » ont des liens avec l'Afrique du Sud de l'apartheid. Alors que la majorité des réfugiés dans le monde sont refusés, ce groupe de 59 Afrikaners est accueilli. Quelle est la signification de cela ?
HERMAN WASSERMAN : De nombreux médias sud-africains parlent de ces « réfugiés » entre guillemets, car tout le monde sait qu'ils ne le sont pas réellement. Cela contredit les conditions dramatiques dans lesquelles vivent de véritables réfugiés dans le monde.
Ce récit de persécution est le fruit d'une campagne de désinformation orchestrée depuis des années par des groupes comme AfriForum, qui militent à Washington, interviennent dans les médias conservateurs comme Tucker Carlson, et participent à des événements comme le CPAC. Ils y présentent l'Afrique du Sud comme un pays où les Blancs seraient persécutés, en proie à une sorte d'« apartheid inversé ».
Cette stratégie a porté ses fruits auprès de l'entourage de Trump, en particulier d'anciens Sud-Africains blancs proches de lui. Et maintenant, cette campagne trouve son apogée dans la reconnaissance de ces « réfugiés ».
Il faut aussi comprendre que cette décision vise à punir l'Afrique du Sud pour avoir porté plainte contre Israël devant la Cour internationale de justice. L'ordre exécutif mentionne explicitement la position sud-africaine sur Gaza.
En somme, ces 59 Afrikaners sont utilisés comme pions dans une vaste campagne politique, à la fois aux États-Unis — pour nourrir l'imaginaire de la « blancheur menacée » — et en Afrique du Sud, où ces groupes veulent faire pression sur le gouvernement. AfriForum ne cherche même pas à quitter le pays. Il s'agit d'un coup de force politique.
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77ème anniversaire de la Nakba : Noura Erakat s’adresse à l’ONU

À l'occasion du 77e anniversaire du début de la Nakba, Noura Erakat, juriste et coéditrice de Jadaliyya, s'est adressée à l'ONU (vidéo ci-dessous). Dans son discours, elle a mis en lumière les insuffisances du droit international face à la guerre génocidaire menée par Israël contre la population palestinienne de Gaza. Elle a également formulé des propositions concrètes d'intervention pour la communauté internationale. Enfin, elle a replacé l'impuissance actuelle des Nations Unies dans une perspective plus large, marquée par l'histoire de la domination impériale, de l'impunité coloniale et des logiques de conquête fascistes. Cliquez ici pour regarder l'intégralité de la commémoration du 77e anniversaire de la Nakba par l'ONU.
Tiré du site de la revue Contretemps.
La Nakba continue
Aujourd'hui marque le 585e jour du génocide. Chacun est ponctué d'atrocités inédites. Il y a deux jours, une petite fille en genouillère rouge, âgée de moins d'un an, a été amputée des deux jambes. Un missile a éventré un hôpital pour tuer un journaliste renommé qui y recevait des soins. Un garçon de 12 ans, témoin du massacre de 15 ambulanciers, a été assassiné ; les secouristes ont été ensevelis dans une fosse commune.
Israël a détruit 92 % des bâtiments résidentiels de Gaza, rendu ses 36 hôpitaux inopérants, et bloqué l'entrée de nourriture et de produits de première nécessité. Ce faisant, Israël ne se contente pas de tuer des Palestiniens aujourd'hui : il compromet l'avenir même du peuple palestinien. Une campagne qui vise à anéantir l'avenir d'un peuple est un génocide. Pourtant, malgré l'ampleur des faits et l'avis de la CIJ affirmant la plausibilité du crime de génocide, cette réalité demeure controversée. Pourquoi ?
L'argument avancé le plus fréquemment est qu'Israël ne cible pas les Palestiniens en tant que peuple, mais uniquement le Hamas. Laissons de côté les nombreuses objections juridiques et factuelles à cette thèse, et examinons quelques données :
À ce jour, au moins 2 % de la population de Gaza a été tuée (environ 52 400 personnes), dont plus de 20 000 enfants enterrés ou portés disparus. Les noms des enfants de moins d'un an remplissent les 14 premières pages d'un document de 649 pages. 1 200 familles entières ont été rayées des registres d'état civil. Trois mois après le début de la guerre, le coordinateur humanitaire de l'ONU a déclaré Gaza « inhabitable » — et la situation ne cesse d'empirer. On est bien au-delà d'une opération contre les seuls combattants du Hamas.
Israël soutient que ces chiffres ne sont pas pertinents, car ils seraient dus à l'usage de « boucliers humains » par le Hamas. Mais, là encore, au-delà du débat juridique, voici quelques-unes des méthodes utilisées par l'armée israélienne elle-même :
– Tirer délibérément sur des enfants au-dessus de la taille
– Utiliser des drones pour viser des enfants blessés allongés au sol
– Détruire la plus grande clinique de FIV (Al Basma), y compris 4 000 embryons
– Exécuter des patients les mains liées, puis les jeter dans des fosses communes
– Agressions sexuelles contre des prisonniers détenus sans procès
– Bombardement de routes désignées comme “sûres” pour l'évacuation des civils
– Bombardement de zones dites “refuge”
– Torture et exécution de médecins
– Destruction de plus de la moitié des usines de dessalement, compromettant l'accès à l'eau potable
– Raser quatre universités principales, attaquer des usines, bibliothèques, boulangeries, sites patrimoniaux, 247 mosquées, trois églises, seize cimetières
Comme l'a écrit la professeure Sherene Seikaly,
« Tout observateur honnête de cette guerre comprend que la cible des forces israéliennes et des armes fournies par les États-Unis est la population civile palestinienne. Les combattants du Hamas sont des « dommages collatéraux ».
L'objectif de cette campagne est la destruction du peuple palestinien, sous couvert de la sécurité à long terme d'Israël — ce que j'appelle « la paix de la Nakba », un oxymore violent fondé sur l'élimination des Palestiniens au nom de la sécurité juive-israélienne.
Depuis 77 ans, Israël expulse des Palestiniens dans la poursuite de ses ambitions territoriales. Depuis 58 ans, il maintient une occupation militaire permanente en Cisjordanie et à Gaza. Depuis 17 ans, il impose un blocus à 2,3 millions de Palestiniens. Ce que nous vivons depuis 585 jours est l'épisode le plus cruel et le plus brutal de la Nakba en cours.
Le 12 novembre 2023, le ministre de l'Agriculture, Avi Dichter (1952), nous l'a dit clairement : « C'est la Nakba 2023 ». Cette campagne se déploie dans toutes les régions palestiniennes, y compris dans le nord de la Cisjordanie, où environ 40 000 Palestiniens ont été expulsés cette année. L'administration Trump avait intégré cet objectif dans son projet de transformation de Gaza en une « Riviera », en envisageant l'expulsion des Palestiniens vers le Soudan, la Somalie ou la Syrie. Plus récemment, le 4 mai 2025, le cabinet israélien a voté à l'unanimité la réoccupation de l'ensemble de la bande de Gaza et le nettoyage ethnique de sa population restante.
C'est pourquoi le retour, début 2025, de plus de 300 000 Palestiniens dans leurs foyers du nord de Gaza fut un événement aussi extraordinaire. Pour la première fois en près de huit décennies de Nakba, nous avons assisté à un retour massif des Palestiniens, incarnant les trois aspirations nationales fondamentales du peuple palestinien. Comme l'a raconté Ahmed Abu Artema (1984), qui a rejoint sa maison à pied :
Ce jour-là, j'ai marché comme jamais auparavant, environ 15 km sans m'arrêter. Je suis entré dans la ville de Gaza, un rêve longtemps caressé pendant les jours de guerre, désormais réalisé.
Malgré une cruauté sans précédent, les Palestiniens ont refusé de se rendre et ont marché vers leur foyer à pied. C'est précisément pour cette raison que les Palestiniens sont considérés comme une menace pour la sécurité : parce que nous refusons de disparaître. La Nakba se poursuit, tout comme la résistance palestinienne à notre élimination.
Le droit international
Il existe suffisamment de lois appelant à mettre fin au génocide, lever le blocus, mettre fin à l'occupation et garantir l'autodétermination du peuple palestinien. Si le droit international avait jamais été réellement efficace, les réfugiés palestiniens élèveraient aujourd'hui leurs familles et cultiveraient leurs jardins sur leurs terres d'origine, plutôt que de chercher les restes de leurs enfants sous les décombres.
Fait remarquable : cette période de génocide a également été marquée par des avancées judiciaires notables en faveur de la libération du peuple palestinien.
En janvier 2024, la Cour internationale de Justice (CIJ) a estimé que la campagne menée par Israël relevait d'un génocide plausible. En mai 2024, elle a adopté une nouvelle mesure provisoire ordonnant le retrait des troupes israéliennes de Rafah. Le même mois, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d'arrêt contre Benjamin Netanyahou (1949) et Yoav Gallant (1958).
En juillet 2024, la CIJ a rendu un avis consultatif déclarant illégale la présence israélienne en Cisjordanie et à Gaza, exigeant le retrait des colons et des forces militaires, ainsi que des réparations en faveur du peuple palestinien. Le mois dernier, la CIJ a examiné un recours relatif à l'interdiction de l'UNRWA – l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens – désormais interdite dans le cadre d'une campagne de famine qui a causé la mort de 57 enfants en deux mois.
Dans les derniers jours de son mandat, l'administration Biden a reconnu l'existence d'un génocide contre la tribu ethnique Masalit au Darfour par les Forces de soutien rapide. Lorsqu'on lui a demandé si les mêmes critères pouvaient être utilisés pour statuer sur la campagne d'Israël à Gaza, l'ambassadrice itinérante des États-Unis pour la justice pénale mondiale a répondu que « c'est finalement aux juges [de la CIJ] d'en décider », sans la moindre ironie sur le fait que les États-Unis n'ont pas eu à présenter de preuves devant la CIJ dans le cas du Soudan.
Il ne s'agit pas d'une controverse juridique, mais d'un conflit politique. La déférence sélective envers la CIJ, lorsqu'il s'agit du génocide des Palestiniens, vise essentiellement à se défausser de toute responsabilité. Parallèlement, une contre-révolution mondiale s'attaque aux militants et cherche à réécrire l'histoire contemporaine. Depuis 2020, un consensus croissant parmi les ONG de défense des droits humains – ainsi qu'au sein de la CIJ – désigne Israël comme un régime d'apartheid. Mais au lieu de le boycotter, de désinvestir et de sanctionner, la communauté internationale a préféré normaliser cet apartheid. Cinq ans plus tard, nous en voyons les conséquences.
L'apartheid et le génocide s'inscrivent dans un même continuum. Trois des actes spécifiques permettant de maintenir un régime d'apartheid sont identiques à ceux constitutifs d'un génocide. Dans le premier cas, ils sont motivés par l'intention de dominer ; dans le second, par celle de détruire. Le génocide est l'aboutissement logique de tout projet de conquête et de colonisation d'un territoire habité par un autre peuple – à moins qu'on ne l'arrête.
Nombre d'entre vous ont connu le colonialisme, ou sont les descendants directs de celles et ceux qui l'ont subi. Vous connaissez intimement l'héritage qu'il laisse. C'est pourquoi, en 1974, cette institution a déclaré avec force que les Palestiniens formaient un peuple au regard du droit, qu'ils existent et méritent d'exister. En reléguant la question palestinienne au rang de différend politique bilatéral, hors du cadre des normes internationales, vous avez contribué à normaliser l'occupation. En renonçant aux sanctions et au boycott, beaucoup d'entre vous ont normalisé l'apartheid – et aujourd'hui, par votre inaction, vous êtes en passe de normaliser le génocide.
Mais si vous normalisez le génocide, il ne restera plus rien.
Si l'on permet qu'un peuple soit nié dans son existence, enfermé, soumis à une guerre systématique ; si l'on utilise l'intelligence artificielle pour le bombarder sans répit dans ses maisons, le brûler vif dans des tentes, le transformer en cobaye de drones suicides ; si l'on refuse à ses malades les soins médicaux, aux prématurés l'accès aux soins intensifs, aux femmes enceintes l'anesthésie ; si l'on l'affame alors que les camions d'aide humanitaire s'accumulent sans pouvoir décharger leur cargaison – et que tout cela reste sans conséquences, voire justifié au nom de la « souveraineté » des colons sionistes –, alors je vous le dis : plus personne n'est en sécurité. Comme l'a affirmé le président colombien Gustavo Petro (1960) : « Gaza est une répétition pour le reste du monde.
Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich (1980), a récemment déclaré que la victoire dans cette guerre signifierait la destruction totale de Gaza et le déplacement de ses habitants. Il s'est également vanté que les Israéliens « vont enfin conquérir la bande de Gaza. Nous n'avons plus peur du mot occupation ». L'audace de Smotrich est notre échec.
Vous devez empêcher Smotrich et tous ceux qui partagent son opinion de se vanter d'une conquête par le génocide au XXIe siècle, vous devez faire en sorte que ceux qui tiennent de tels propos soient réduits à murmurer leur propos.
L'incapacité d'un système mondial
Soyons honnêtes, la plupart d'entre vous craignent les représailles des États-Unis. Le génocide à Gaza est l'une des atrocités majeures de notre époque, et la majorité des habitants de la planète s'y opposent. Notre incapacité à l'arrêter reflète un système international où l'égalité entre les États-nations demeure un principe idéal, mais rarement appliqué.
Il serait peut-être bon de rappeler que les États-Unis sont un empire, mais qu'ils ne sont pas le monde. À l'heure actuelle, les parlementaires américains accueillent à la Maison Blanche Benjamin Netanyahou, criminel de guerre international. Des parlementaires et universités américaines ont aussi reçu Itamar Ben Gvir (1976), ministre de la Sécurité nationale, disqualifié du service militaire pour son appartenance au mouvement Kahane, reconnu comme organisation terroriste par les États-Unis eux-mêmes et par Israël.
Peut-on imaginer une personne tellement extrême qu'elle soit exclue de l'armée israélienne ? La même armée qui a criblé de 335 balles une fillette de cinq ans et demi, exécuté quinze ambulanciers et les a enterrés, avec leurs ambulances, dans une fosse commune ? L'armée israélienne n'a pas voulu de Ben Gvir, mais il a été accueilli à bras ouverts par des législateurs et des universités étatsuniennes, tout comme ils se sont entendus pour faire expulser, disparaître ou arrêter des étudiants. Ne cherchez pas de leadership moral ou politique en Occident. Les États-Unis ont depuis longtemps abandonné cette position. Ne laissez pas les États-Unis et Israël renverser l'ordre mondial.
En défendant Israël, les États-Unis mettent en péril l'ensemble de l'architecture juridique établie après la Seconde Guerre mondiale :
– Ils ont opposé leur veto à cinq résolutions de cessez-le-feu destinées à mettre fin au génocide, malgré l'invocation exceptionnelle de l'article 99 par le Secrétaire général de l'ONU, et deux recours à la résolution « Unis pour la paix ». Par ailleurs, au Conseil de sécurité, les Etats-Unis ont opposé leur veto cinq fois pour bloquer un cessez-le-feu en Palestine (49 vetos depuis 1967), et 15 fois pour protéger l'apartheid en Afrique du Sud (entre 1963 et 1988).
– Les administrations Biden et Trump ont toutes deux discrédité la CIJ : John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, a qualifié l'affaire portant sur la Convention sur le génocide de « sans fondement, contre-productive et totalement dénuée de toute base factuelle ».
– Les États-Unis ne sont pas signataires du Statut de Rome, fondateur de la CPI. L'administration Trump a même émis un décret pour sanctionner le procureur et toute personne coopérant avec la Cour.
– En octobre 2024, 107 membres du Congrès ont menacé de suspendre le financement de l'ONU si elle prenait des mesures contre Israël. Ils ont littéralement menacé son budget… pour avoir fait son travail.
– À quoi sert donc l'ONU, si elle est incapable d'empêcher un génocide et une famine organisée visant 2 millions de personnes ?
La communauté internationale a déjà échoué, à maintes reprises, avec un coût humain dévastateur. L'un des échecs les plus tragiques remonte à 1936, lorsque la Société des Nations a laissé Mussolini envahir l'Éthiopie, un État indépendant. Elle a décrété des sanctions symboliques, refusé l'embargo pétrolier, toléré l'usage d'armes chimiques et qualifié la lutte éthiopienne de « bouclier humain ». Ce racisme impérial a précipité l'effondrement de la Société des Nations.
L'ONU est née de cet échec. Elle est née de la promesse de ne plus jamais permettre des atrocités comme le génocide des Namibiens, celui des Arméniens ou l'Holocauste. C'est cet engagement qui est aujourd'hui mis à l'épreuve. Si vous ne vous élevez pas pour dénoncer ces crimes, ce système périra sous les coups de la guerre génocidaire menée par les États-Unis et Israël contre le peuple palestinien.
Aujourd'hui, nous n'avons pas besoin d'une ONU comme simple symbole de la coopération internationale. Ce qu'il faut, c'est une action collective puissante et décisive.
Conclusion
À l'heure actuelle, plusieurs choix s'offrent à nous. Nous pouvons reconnaître la campagne d'Israël comme un génocide et imposer un embargo sur les armes, bloquer les ports, rompre les relations diplomatiques, suspendre tout commerce civil et militaire, imposer des boycotts culturels et universitaires, et sanctionner Israël pour ses violations persistantes.
Si le terme de génocide vous semble trop fort, vous pouvez considérer cette horreur comme une guerre — plus précisément, une guerre coloniale menée par un régime raciste et une puissance occupante. Dans ce cadre, les protocoles additionnels et le droit coutumier de la guerre permettent de reconnaître les captifs comme prisonniers de guerre, de leur garantir un traitement humain, de reconnaître les militants palestiniens comme des combattants, et d'autoriser l'intervention d'une tierce partie. Le droit peut être mobilisé pour protéger les hôpitaux, les écoles et les refuges ; pour assurer la sécurité des journalistes, des médecins et des travailleurs humanitaires ; pour ouvrir de force des couloirs humanitaires ; et pour faire exécuter les mandats d'arrêt émis par la CPI contre Netanyahou et Gallant dès leur arrivée.
Si la guerre semble un terme trop fort, vous pouvez alors considérer cette situation comme une tragédie humanitaire. Dans ce cas, vous pouvez envoyer une mission de maintien de la paix pour protéger les Palestiniens, à qui l'on dénie depuis près de huit décennies le droit à l'autodéfense.
Et si même la tragédie humanitaire vous semble trop lourde à porter, alors éprouvez au moins la force d'éprouver de la pitié pour les enfants palestiniens — ceux qu'on a extraits des décombres, amputés, orphelins, enfermés dans des cages sans nourriture ni eau.
Ne restez pas assis, détenteurs de pouvoir, sans agir. Les États-Unis sont un empire, mais les États-Unis ne sont pas le monde. Vous êtes le monde. Chacun d'entre vous détient le pouvoir de mettre fin à cette mascarade et d'accomplir le devoir minimal de garantir à un peuple le droit d'exister.
Chacun d'entre vous est l'ancêtre de quelqu'un. Un jour, vous serez un souvenir. Notre passage sur cette terre est éphémère : je vous implore de lui donner un sens.
Comme nous le rappelle le poète palestinien Mahmoud Darwich (1941-2008) :
- « Nous ne sommes pas le peuple le plus élu au monde, mais personne n'est plus élu que nous. »
- Vous ne pouvez pas abandonner la Palestine sans trahir votre héritage, vos descendants, et vous-mêmes.
- Puissions-nous transformer ce monde en un lieu digne de nos enfants.
- Puissiez-vous être protégés.
- Puissiez-vous être forts.
- Puissions-nous être victorieux.
- Libérez la Palestine — et que la Palestine nous libère tous.
*
Illustration : Jaber Jehad Badwan / Wikimedia Commons.
Noura Erakat est professeure d'études africaines et du programme de justice pénale à l'Université Rutgers, à New Brunswick. Noura Erakat est l'autrice de Justice for Some : Law and the Question of Palestine (Stanford University Press, 2019), ouvrage couronné par le Palestine Book Award et la médaille de bronze des Independent Publishers Book Awards dans la catégorie Actualités / Affaires internationales. Elle est cofondatrice et rédactrice en chef de la revue Jadaliyya, elle siège également aux comités de rédaction du Journal of Palestine Studies et de Human Geography. Elle est par ailleurs membre fondatrice du conseil d'administration du DC Palestinian Film and Arts Festival.
Juriste de formation, elle a été conseillère juridique auprès d'une sous-commission du Congrès des États-Unis, avocate pour le Badil Resource Center for Palestinian Refugee and Residency Rights ainsi qu'organisatrice nationale de la campagne aux États-Unis pour mettre fin à l'occupation israélienne.
Noura Erakat a aussi produit plusieurs documentaires vidéo, notamment « Gaza In Context » et « Black Palestinian Solidarity ». Ses articles ont été publiés dans The Washington Post, The New York Times, Los Angeles Review of Books, The Nation, Al Jazeera et Boston Review. Elle intervient régulièrement sur CBS News, CNN, MSNBC, CBS, Fox News, la BBC et NPR. Elle a été chercheuse invitée au Religious Literacy Project de la Harvard Divinity School (2021) et Freedom Fellow de la Fondation Marguerite Casey.
Initialement publié par Jadalyya. Traduit de l'anglais pour Contretemps par Christian Dubucq
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Cachemire, Inde, Pakistan : sur l’histoire et les enjeux internationalistes d’un état de guerre

Cet article tente de faire le point après la récente crise « chaude » qui a opposé l'Inde et le Pakistan autour de la question du Cachemire. De nombreux facteurs sont à prendre en compte. Les récents événements s'inscrivent sans conteste dans une longue histoire de tensions militaires et de guerres qui remontent à la partition désastreuse imposée au sous-continent par l'impérialisme britannique en 1947.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
17 mai 2025
Par Pierre Rousset
Dans la dernière période cependant, des changements profonds ont affecté les pays concernés, ainsi que l'environnement géopolitique, la gestion régionale des ressources en eau ou les armements utilisés. On ne peut donc pas partir du postulat selon lequel l'histoire ne ferait que se répéter quasiment à l'identique. C'est peut-être la principale question qui nous est posée : qu'y a-t-il de neuf ? C'est évidemment avant tout aux organisations de gauche de la région d'y répondre. Je me contenterai de soumettre à la discussion et à la critique des éléments d'analyse ou des hypothèses, quitte à devoir réviser ma copie.
La partition de 1947 a imposé un gigantesque déplacement forcé de population, concernant environ 15 millions de personnes, selon des critères religieux. Les musulmans ont été regroupés au Pakistan à l'ouest (dans le bassin de l'Indus) et à l'est du sous-continent (dans le bassin du Gange, le Pakistan oriental étant devenu le Bangladesh après la guerre d'indépendance de 1971). Il reste cependant aujourd'hui encore une très importante population musulmane dans l'Etat indien d'Hyderabad. Bon nombre d'hindou.es qui vivaient en territoire « musulmans » ont pour leur part rejoint l'Inde, mais pas toutes et tous.
Le Cachemire est un pays himalayen qui était inclus dans les frontières de l'Empire britannique. Sa population est majoritairement musulmane. Il a été fracturé par la partition dite « inachevée » de 1947 et la Première Guerre indo-pakistanaise qui a suivi. Un vote d'autodétermination était promis, il n'a évidemment jamais eu lieu. Le Pakistan occupe aujourd'hui les territoires de l'Azad Cachemire et du Gilgit-Baltistan ; l'Inde les territoires du Jammu-et-Cachemire et du Ladakh ; la Chine l'Aksai Chin et la vallée de Shaksgam.
[Carte du Cachemire - Wikipedia-https://en.wikipedia.org/wiki/Kashmir#/media/File:Kashmir_region._LOC_2003626427_-_showing_sub-regions_administered_by_different_countries.jpg]
Une tension permanente et trois guerres
Les conséquences de la politique impériale du « diviser pour régner » se font toujours sentir, mais essentiellement parce que les élites au pouvoir les ravivent en permanence. Cet état latent de guerre de basse intensité est utilisé par les régimes pakistanais et indiens pour marginaliser ou faire taire les oppositions, en appeler (avec un succès inégal) à l'union nationale, détourner l'attention des problèmes sociaux, justifier l'ampleur des budgets militaires, etc.
Trois guerres de haute intensité ont eu lieu. La première en 1947-1949, dans la foulée de la partition. Elle se conclut sous l'égide de l'ONU par l'établissement d'une ligne de contrôle coupant le Cachemire en deux (il ne s'agit pas d'une frontière reconnue). La deuxième en 1965-1966 et la troisième en 1999, sur les hauteurs de Kargil, faisant plusieurs milliers de morts de part et d'autre. Les combats se mènent en altitude dans des conditions très éprouvantes.
L'Inde s'est dotée de l'arme nucléaire en 1974, en réponse à la Chine avec qui elle est aussi en conflit à la frontière himalayenne. Le Pakistan a importé la technologie idoine et a procédé à ses premiers essais en 1998 (c'est le seul pays musulman à la posséder). Pas plus qu'en Europe cependant, « l'équilibre de la terreur » n'a mis met fin aux conflits militaires, même si la situation est bien différente que dans la péninsule coréenne où il est difficile d'ignorer les risques de « dérapages ». La France cherche pour sa part à « normaliser » politiquement l'idée de son usage en évoquant ses recherches sur un armement « tactique » - un dangereux nuage de fumée. Le désarmement nucléaire universel reste une urgence première.
Le déroulé de la crise présente
Le 22 avril, un groupe armé religieux commet un attentat à Pahalgam dans la partie orientale du Cachemire (sous occupation indienne). L'Inde dénonce le Pakistan.
Le 7 mai, New Delhi lance l'opération Sindoor. Outre les tirs d'artillerie usuels de part et d'autre de la ligne de contrôle au Cachemire, son aviation et ses drones s'attaquent à de nombreuses cibles en territoire pakistanais.
Le conflit prend de l'ampleur, le Pakistan envoyant notamment des drones détruire des objectifs en profondeur en Inde, y compris des aéroports.
Dans les deux pays, les médias ont enflammé le nationalisme guerrier. Mais il est clair que l'usage massif de drones, notamment, a changé la donne. La bourgeoisie indienne était partie prenante de l'hystérie patriotique, elle a dessoulé et exigé du Premier ministre Narenda Modi qu'il accepte un cessez-le-feu. L'Inde tente de profiter du confit Washington-Pékin pour attirer les capitaux internationaux. Souffler sur les braises de l'idéologie antimusulmane, c'est bon pour la politique ethnonationaliste du BJP (le parti de Modi) qui vise à finaliser le processus d'« hindouisation » illibérale du pays - mais l'insécurité militaire, c'est mauvais pour les affaires.
Le pouvoir indien a toujours eu un sentiment de supériorité vis-à-vis de son voisin pakistanais. La démographie, la profondeur stratégique (1.600 km d'est en ouest), les capacités économiques et aujourd'hui une idéologie raciste nourrissent ce sentiment. Stratégiquement, le Pakistan n'a pas ces avantages. Les liens entretenus de longue date par les services secrets de l'armée avec les talibans afghans, à sa frontière nord-ouest, devaient en faire un pays « amis », le dotant précisément d'une certaine profondeur stratégique. Lesdits talibans afghans sont aujourd'hui devenus ses premiers ennemis, soutenant les talibans pakistanais.
La défense pakistanaise s'est cependant révélée plus efficace que prévu. Ses pilotes seraient mieux entraînés que ceux de son grand voisin. Elle est dotée d'une flotte aérienne et de missiles chinois qui peuvent frapper de très loin l'attaquant. Cinq avions indiens auraient ainsi été abattus, dont le Rafale français, ses capacités de contre-mesures protégeant des missiles ne semblant pas avoir été efficaces ou activées.
Islamabad ne peut cependant pas soutenir un effort de guerre durable. Le pays croule sous les dettes et il est sous intense pression du FMI. Chaque pays clamant victoire, la signature de l'accord de cessez-le-feu s'est imposée le 10 mai et fut annoncée le 12. Ce n'est qu'une trêve, pas une paix. Après avoir chauffé à blanc les partisans du BJP, qui ne comprennent pas cette trêve, Narenda Modi a ainsi déclaré que l'opération Sindoor n'était pas terminée, qu'elle serait même devenue une politique permanente du pouvoir. Il se prépare ainsi à d'importantes échéances électorales, notamment dans l'Etat du Bihar, en continuant d'attiser la « haine antimusulmane » contre son voisin, ainsi que contre l'importante communauté musulmane d'Inde dans l'Etat d'Hyderabad. Les chrétiens sont aussi la cible des fondamentalistes hindouistes, tenants du suprémacisme hindou (le Hindutva).
Qui a commis l'attentat de Pahalgam ?
Qui est le groupe armé fondamentaliste qui a mené l'opération terroriste du 22 avril, à Pahalgam, au Cachemire sous occupation indienne, faisant 26 victimes parfaitement innocentes ? L'Inde a immédiatement dénoncé le Lashkar-e-Taiba, ce qui lui permet de mettre directement en cause Islamabad, le LeT étant effectivement lié à l'armée pakistanaise. Rien n'indique cependant que tel soit le cas.
Tout en se refusant à soutenir le régime indien et à s'intégrer dans une dynamique union nationale (ce qu'ont fait les deux grands partis de gauche CPI et CPM), mes camarades indiens semblent persuadés que l'attentat de Pahalgam a été effectivement commandité par les services pakistanais. Ce qui me paraît étrange, c'est que la possibilité, voire la probabilité, d'une action (absolument condamnable dans son caractère terroriste) menée par un groupe proprement cachemiri ne soit apparemment pas envisagée. Cette hypothèse mérite pourtant d'être prise au sérieux.
Ce groupe a opéré très loin de la ligne de démarcation sans moyens sophistiqués, avec l'armement de base de toute guérilla, semble-t-il (des armes automatiques, mais pas d'explosifs de qualité), dans une zone ultra-militarisée où les déplacements sur de longues distances sont dangereux. La situation au Jammu-et-Cachemire ne cesse de s'aggraver pour les habitants tant sur le plan social que religieux. Le statut d'autonomie dont « bénéficiait » le territoire n'a jamais signifié grand-chose en pratique, mais le fait qu'il a été abrogé en 2019 annonçait un durcissement brutal de la politique coloniale de dépossession menée par New Delhi, impulsant une dynamique d'hindouisation de l'administration, etc. Les « personnes disparues » sont si nombreuses que l'on parle des « demi-veuves », des femmes qui ne savent pas si leur mari est mort ou vivant. Une situation répressive que dénoncent sans ambiguïté mes camarades indiens. Dans ces conditions, ce qui serait étonnant, c'est qu'aucun groupe local de résistance ne se forme.
Les conditions sont beaucoup moins drastiques dans les territoires cachemiris sous administration pakistanaise.
Il est indubitable que l'armée et les services du renseignement militaire (Inter-Service Intelligence, ISI) ont formé et encadré les organisations terroristes qui opéraient dans le Jammu-et-Cachemire. Cependant, dernièrement, la situation a changé. Une bonne partie des formations fondamentalistes basées au Pakistan auraient pris leur autonomie, poursuivant dorénavant leurs propres objectifs. Quant aux Talibans afghans, ils soutiennent les Talibans pakistanais (le Tehreek Taliban Pakistan, TTP)… qui combattent les militaires et contrôlent une partie du territoire. Ils leur ont fourni un armement lourd pris sur les stocks laissés par les Etats-Unis et leurs alliés locaux quand ils ont quitté en catastrophe le pays en 2021.
Le Pakistan a longtemps vécu sous des régimes militaires directs ou indirects (comme aujourd'hui, avec pour façade le gouvernement de Shehbaz Sharif), les périodes démocratiques n'étant que des interludes. Il traverse cependant une crise de régime probablement sans précédent. L'armée pakistanaise est très impopulaire depuis qu'elle a jeté en prison son protégé d'hier, Imran Kahn, qui était devenu trop puissant et qui est resté étonnamment populaire. Un haut gradé pakistanais peut plastronner après l'attentat pour tenter de redorer sont blason, mais l'appel à l'union nationale derrière la caste militaire semble rester pour l'heure lettre morte, quelle que soit la colère ressentie dans la population après les attaques de l'opération Sindoor qui a visé, outre des installations militaires, des écoles religieuses (madrasas) et des mosquées qui n'étaient plus des centres de formation fondamentalistes.
Géopolitique de l'eau et des pouvoirs
La tension régionale a été considérablement aggravée par la décision du gouvernement Modi de suspendre le Traité de l'Indus. Le partage équitable de ses eaux est en effet vital pour le Pakistan, contribuant notamment à l'irrigation de l'agriculture au Pendjab, grenier à blé du pays. Signé en 1960, ce traité constitue un mécanisme de coopération stable entre les deux pays, chose assez rare pour le souligner. Cette suspension, prise après l'attentat de Pahalgam, équivaut à un véritable acte d'hostilité. Comme l'on sait, à l'heure du réchauffement climatique, le contrôle des ressources aquifères devient un enjeu stratégique plus encore que par le passé.
La Turquie et des Etats du Proche ou Moyen-Orient sont intervenus en médiateurs pour l'arrêt des combats. Ils défendront par ailleurs le Pakistan – l'un des plus grands pays musulmans du monde avec l'Indonésie et celui qui pourrait leur donner accès à l'arme nucléaire. Mais les deux puissances qui comptent restent les Etats-Unis et la Chine. Qui peut prédire ce que fera Trump demain ? Reste Pékin.
Le « corridor pakistanais » a une importance majeure pour le régime chinois, lui permettant de contourner par l'ouest l'Inde pour accéder à l'océan. La voie nord-sud qui conduit au port de Gwadar (en construction) commence au Cachemire sous administration pakistanaise (au Gilgit-Baltistan) pour se terminer au Baloutchistan, zone de conflit où opèrent divers mouvements de résistance indépendantistes (soutenus parfois par l'Inde ?) où l'armée pakistanaise ne fait pas dans la dentelle (ici aussi, des personnes « disparaissent). Les investissements chinois sont considérables et ses forces armées sont présentes tout du long du corridor, sous couvert des services de sécurité des entreprises… chinoises. L'emprise de Pékin est si manifeste que cela a provoqué quelques remous au sein des élites pakistanaises, mais cela ressemble fort à un fait accompli.
Voilà une donnée que le régime Modi ne peut se permettre d'ignorer.
Prendre en compte le neuf, décentrer son regard, agir en internationaliste
Il nous faut penser le neuf. Dans le cas qui nous intéresse ici, le « neuf » est considérable : en Inde, la dynamique excluante de l'Hindutva (Modi revendique l'entièreté des frontières de l'ancien Empire britannique) ; au Pakistan une crise de régime majeure dans un pays taraudé par les régionalismes et les conflits armés ; un bouleversement de la géographie des mouvements fondamentalistes ; les effets accélérés de la crise climatique ; le renouvellement des enjeux géopolitiques avec l'inconnue que représente l'avenir d'une autre crise de régime, celle dans laquelle s'enfoncent les Etats-Unis et dont les répercussions seront mondiales…
Il est normal que dans un premier temps, chaque organisation analyse l'état de crise régionale, disons à partir de son pays et de son orientation politique propre. Cependant, pour pousser l'analyse et agir en commun, au-delà des frontières, il faut faire l'effort de décentrer son regard en observant la situation telle que vu d'autres pays impliqués dans la crise (et d'autres organisations avec lesquelles on veut agir).
Cela vaut en Europe (que les ouest européens voient la guerre ukrainienne telle qu'elle est vécue en Europe de l'Est), où pour un Européen qui cherche à comprendre une lointaine crise asiatique…
L'internationalisme est évidemment le fil à plomb pour les forces qui se réclament de la gauche en cas de conflit militaire. Dans leur grande majorité, mes camarades des pays concernés ont maintenu ce fil à plomb à contre-courant et face à d'intenses pressions, maintenant leurs positions contre l'union nationale et le militarisme, pour la pleine reconnaissance du droit à l'autodétermination des Cachemiris, un devoir premier pour les militant.es pakistanais.es, indien.nes et… chinois.es.
La mise en œuvre de ce droit à l'autodétermination n'est pas simple, y compris parce que chaque territoire cachemiri a vécu une séparation des décennies durant. Néanmoins, tant que ce droit d'autodétermination des Cachemiri.es ne sera pas reconnu, il n'y aura aucune solution durable à une crise régionale qu'instrumentalisent bien des pouvoirs établis, étatiques ou non.
Pierre Rousset
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Des cadres du NPD tentent de truquer la course à la direction en faveur d’un candidat de l’establishment

Le parti a besoin d'un renouveau audacieux et démocratique — mais les initiés veulent une course rapide et manipulée pour verrouiller le statu quo. La course à la direction du Nouveau Parti démocratique n'a même pas encore commencé que l'establishment du parti semble déjà vouloir en biaiser l'issue en sa faveur.
14 mai 2025 | tiré du site Breach media
https://breachmedia.ca/ndp-leadership-race-insiders-establishment-candidate-lobby/
On pourrait croire qu'après l'implosion du NPD lors de la récente élection, les stratèges qui dirigent le parti depuis deux décennies feraient une pause. Peut-être un peu d'introspection. Voire consulter les membres déçus du parti — sans parler des près de deux millions d'électeurs néo-démocrates qui ont voté pour d'autres partis le mois dernier.
Mais la caste des consultants professionnels, où se concentre le pouvoir, ne voit aucun problème fondamental dans son approche. Ces stratèges alternent entre des postes de direction au sein des partis fédéral et provinciaux et des firmes corporatives post-partisanes lucratives, et ils ont modelé le NPD à leur image : plus modéré, méfiant envers les membres et les mouvements sociaux, et déconnecté des réalités de la classe ouvrière.
Loin de considérer le moment comme une occasion d'un nécessaire redémarrage, ils cherchent plutôt à s'assurer que la course à la direction soit hostile à toute candidature qui voudrait faire évoluer le NPD dans une nouvelle direction.
Le Globe and Mail leur a rendu service la semaine dernière, en publiant un article sur les modalités que devrait selon eux suivre la course — basé exclusivement sur les propos de quatre initiés : trois consultants, et la chef de cabinet et directrice fédérale du parti depuis 2019. (Le journal a même titré « Les néo-démocrates disent », comme si le parti se résumait à une poignée de lobbyistes en manteau orange.)
L'article était clairement un ballon d'essai lancé par la direction du parti : une tentative de tester la réaction du public à leurs conditions préférées et de leur donner une légitimité auprès des membres du NPD.
Toutes leurs préférences — en particulier un calendrier excessivement court et un changement radical dans la pondération des votes — visent à écarter les candidats qui voudraient faire les choses autrement. Et si les modalités d'une course à la direction peuvent sembler techniques, elles sont en réalité au cœur d'un affrontement sur l'avenir du parti.
D'abord, organiser une course qui ne durerait que quatre à six mois, comme le souhaitent ces initiés, annihilerait tout espoir de reconstruction en profondeur. Les membres et les sympathisants ont besoin de temps pour analyser les ravages causés par le règne autoritaire et idéologiquement timide des consultants. De nombreuses associations de comté sont des coquilles vides. Les militants sont partis en masse. Les mouvements sociaux se sentent mis de côté. Le public n'a pas de vision claire du NPD.
Une course courte ne changerait rien à cela. Une course plus longue — disons neuf à douze mois — pourrait au contraire créer des occasions de capter l'attention du public : des assemblées publiques diffusées en direct, des discussions thématiques, des rassemblements, des débats sur des idées fortes pour contrer les attaques de Donald Trump et l'emprise extrême des grandes entreprises sur notre système économique. Le tout pourrait servir à exposer l'agenda des élites, tant chez les libéraux que chez les conservateurs.
Ce serait un exercice d'éducation politique comme le parti n'en a pas connu depuis des décennies. Cela permettrait non seulement de regarnir les rangs du NPD, mais aussi de mobiliser une nouvelle base électorale à travers le pays — amorçant la construction d'une culture de mouvement autour du parti, plus ancrée dans la classe ouvrière.
Et tout aussi cruciale que la date du vote est celle de la clôture des adhésions. Les initiés souhaitent probablement une règle limitant le droit de vote à ceux qui sont membres depuis 90 jours (comme ce fut le cas lors de la récente course à la direction du NPD de Colombie-Britannique). Si c'est la règle, une convention en décembre — qui peut sembler lointaine — exigerait en réalité une campagne d'adhésion précipitée pendant l'été, à un moment où même les Canadiens de gauche les plus engagés souhaitent faire une pause.
Les initiés veulent également pondérer les votes par région — un signe évident que l'establishment cherche à manipuler la course. Ils tentent d'abandonner le système démocratique du vote par un membre/un vote, en place depuis 20 ans et adopté après de longs débats internes. Ce processus est inscrit dans la constitution du parti, et son changement nécessiterait un congrès — ce que les initiés ne devraient pas faire à la hâte.
À la place, ils veulent un système où chaque circonscription aurait un nombre de points égal. Ces points seraient alloués en fonction du vote dans chaque circonscription, qu'elle soit inactive ou qu'elle compte des milliers de membres actifs. Il est vrai que le NPD a négligé certaines régions (comme le Québec), mais ces lacunes devraient être corrigées sans fausser démocratiquement une course à la direction.
Le résultat serait absurde : un·e candidat·e qui recrute des dizaines de milliers de membres pourrait perdre face à quelqu'un·e qui n'en recrute qu'une fraction. La course ne mesurerait plus la capacité d'un·e leader à générer un enthousiasme national, mais celle à micro-cibler 343 circonscriptions — un net avantage pour ceux qui bénéficient de l'appui des rouages internes du parti.
Et il ne faut pas sous-estimer les manœuvres douteuses de l'establishment. Dans une course où la connaissance détaillée des associations locales est cruciale, les initiés pourraient fournir à leur candidat·e favori·te les listes d'anciens membres ou des bases de données de campagnes précédentes — des ressources auxquelles seuls eux ont accès.
Ce genre de sabotage a déjà eu lieu, notamment lorsque l'activiste éco-socialiste Anjali Appadurai a défié David Eby lors de la course à la direction du NPD de la C.-B. en 2022. Les initiés du parti avaient modifié les règles en cours de route, utilisé leur accès aux listes de membres pour filtrer et disqualifier agressivement des personnes — puis Appadurai elle-même.
Le même réseau de consultants qui a truqué cette course cherche aujourd'hui à garder la mainmise sur le parti. Ironiquement, l'effondrement électoral ayant entraîné des mises à pied massives parmi les cadres supérieurs, le NPD se retrouve essentiellement entre les mains de sa directrice fédérale Lucy Watson (désormais consultante en solo, visiblement un peu seule dans le manteau orange).
C'est elle qui détient le pouvoir de proposer les règles de la course à l'exécutif et au conseil du parti — les instances dirigeantes du NPD. Ce groupe de militant·e·s est habituellement traité comme une simple chambre d'enregistrement, tenu dans l'ignorance des décisions jusqu'à quelques heures des réunions clés. Il va falloir rompre avec cette habitude.
Les enjeux sont existentiels : un·e chef·fe fade, modéré·e et compatible avec l'establishment pourrait confirmer la non-pertinence à long terme du parti. Le NPD a besoin d'une personne dotée d'une vision politique radicalement différente de celle des libéraux, engagée dans la démocratisation du parti, et capable de tisser des liens avec les mouvements sociaux du pays et la classe ouvrière multiraciale.
Pour que la base — ancienne et nouvelle — du NPD ait une chance de se battre, la course à la direction devra être tout ce que ne sont pas les consultants du parti : audacieuse, transparente, accessible et démocratique.
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Comment le fascisme gagne la France

De Macron à Le Pen
Éditions La Découverte
Par Ugo Palheta
RN aux portes du pouvoir, répression violente des mouvements populaires, politiques racistes et anti-immigrés, offensive réactionnaire contre les droits des femmes et des minorités, diabolisation de la gauche d'émancipation, omniprésence de l'extrême droite et de ses obsessions dans les médias, complicités actives des appareils " républicains ", de droite comme de gauche, islamophobie généralisée, etc. L'énumération signale une dynamique mortifère que le règne de Macron a largement amplifiée et qu'il nous faut affronter. Plusieurs questions nous taraudent : de quoi ces symptômes morbides sont-ils le nom ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Et comment conjurer le désastre annoncé ?
Ugo Palheta avance l'hypothèse que nous vivons la renaissance – sous de nouvelles formes – du fascisme, conçu comme une potentialité inhérente au capitalisme. Refusant le morcellement académique des approches, il se propose d'articuler l'analyse par en haut du champ politique et l'étude par en bas des électeurs d'extrême droite, de penser ensemble les politiques néolibérales et le racisme systémique, de prendre au sérieux aussi bien la montée de l'autoritarisme d'État que la progression électorale du RN, tout en avançant quelques pistes pour vaincre ce dernier.
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Un programme de combat, et non de gouvernement, pour un Québec solidaire anticapitaliste vers une société du soin et du lien

Note : Québec solidaire est en processus de mise à jour de son programme. Une nouvelle version devra être votée par le prochain congrès du parti l'automne prochain. On demande aux membres d'y contribuer bien que le parti ait déjà écrit une première ébauche. Voici ma contribution par l'intermédiaire du CAP-écologie et du groupe « Parti de la rue ».
La crise fondamentale du XXIe siècle est la rupture des grands équilibres de l'écosystème terrestre. Cette rupture se manifeste principalement par la rapide fuite en avant du réchauffement de la Terre-Mère d'un confortable Holocène qui a vu l'émergence de la civilisation vers une terre-étuve chaotique qui la fera disparaître et peut-être l'Humanité elle-même. Cette fin du monde dit civilisé, si la tendance se maintient, a été prouvée tant par les travaux scientifiques du GIECONU que par la multiplication des réellement existantes catastrophes climatiques incommensurablement plus graves au Sud qu'au Nord. Le réchauffement se conjugue et accélère la sixième grande extinction des espèces dont les habitats disparaissent comme une peau de chagrin. Et il envenime une continuelle pollution de l'air, des eaux et des terres.
Le GIEC a établi que pour ne pas dépasser le seuil critique d'un réchauffement planétaire de 1.5°C, il faudrait réduire les gaz à effet de serre (GES) de 50% par rapport à 1990 d'ici 2030. La Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement de 1992 stipule qu'« étant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l'environnement mondial, les États ont des responsabilités communes mais différenciées ». Se basant sur les travaux du GIEC et cette Déclaration, à l'occasion de la COP26 de Glasgow, le Réseau action climat Canada, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Équiterre, Greenpeace, Nature-Québec, la Fondation David Suzuki et Oxfam-Québec ont requis que le Québec réduise ses GES des deux tiers d'ici 2030. Le seuil de 1.5°C est déjà en passe d'être atteint. Pourtant le gaz carbonique atmosphérique continue de s'accumuler. Pire, il le fait, selon la NOAA, en quantité annuelle moyenne croissante depuis au moins 1960, avec deux records annuels en 2023 et 2024. L'urgence climatique est d'autant plus grande pour ne pas franchir de fatidiques points de bascule.
Le croissancisme du Capitalocène génère une pluricrise menant au néofascisme
La présente ère géologique, irrémédiablement chamboulée par le genre humain, est souvent qualifiée d'Anthropocène. Elle pourrait tout aussi bien être qualifiée de Capitalocène tellement la croissance capitaliste en est la cause fondamentale. Cette croissance résulte de la compétition entre entreprises privées et États à leur service pour maximiser leurs profits afin de survivre comme entreprises ou de ne pas être vaincus comme États. En découle une accumulation de capital tendanciellement exponentielle donnant naissance à des transnationales gargantuesques dirigées par des oligarques. Cette concentration de la richesse et du pouvoir explique que les 10% les plus riches ont causé les deux tiers du réchauffement global depuis 1990.
Cette accumulation est interrompue par des crises de plus en plus profondes et des guerres de plus en plus dévastatrices et devenant génocidaires. Ces crises dite « pluricrise », guerres et accumulation en panne empêchent la mobilisation de la lutte pour le climat et la biodiversité tellement elles résultent en misère, inégalité, chômage, précarité, injustice, dislocation sociale et massacres. En sont d'abord frappées femmes, enfants et personnes racisées, handicapées et LGBTQ+. Faute d'alternatives et de mobilisations anticapitalistes à la hauteur ces personnes opprimées deviennent les boucs émissaires des classes moyenne et même ouvrière atomisées, désemparées et décontenancées.
C'est de ce terreau nauséabond que surgissent les fausses solutions néofascistes balayant le capitalisme néolibéral victime de ses propres contradictions. Celles-ci sont devenues évidentes avec l'austérité permanente et la concomitante accentuation répressive et guerrière depuis la Grande récession de 2008 suivie de la crise pandémique de 2020.
Exproprier le 1%, détruire la richesse du 10% et l'American Way of Life du 40%
La tâche clef anticapitaliste est d'élaborer une alternative et de construire une organisation en mesure de bloquer la montée néofasciste. Pour se faire il faut démontrer au peuple-travailleur, qui entraînera la classe moyenne, la crédibilité de notre stratégie. Celle-ci doit tracer une voie pour empêcher la dégringolade vers la terre-étuve à travers crises, guerres et gigantesques migrations provenant d'un Sud transformé en enfer climatique et social. La clef de cette stratégie mondiale est d'exproprier le pouvoir oligarchique du 1%, détruire la richesse corruptrice et polluante du 10%, en finir avec l'American Way of Life du 40% (± les deux tiers pour le Québec) et répondre aux besoins pressants et urgents du 50% le plus pauvre (± le quart pour le Québec).
Le bonheur factice du 40% auquel aspire le 50% repose sur la consommation de masse, contrepartie de l'accumulation capitaliste. Ses piliers en sont la maison « campagnarde », l'auto solo et l'alimentation carnée et ultra-transformée. C'est ce bonheur clin-clan, plus rêve aliénant que réalité, qui est entretenu par la propagande capitaliste appelée publicité. Ce pseudo bonheur coince le peupletravailleur au mieux entre fin du mois et fin du monde et au pire entre la hantise du prochain repas ou du loyer à payer… à moins d'être sans-abri. Le stress compétitif résultant de la précarité et de l'atomisation, combiné à l'alimentation carnée et industrialisée, détruisent le « mens sana in corpore sano » en générant accidents et maladies physiques et mentales.
Il faut dès maintenant entreprendre la lutte contre le 1% oligarchique et ses alliés de la classe moyenne supérieure du 10% afin d'édifier une société du soin et du lien en radicale décroissance matérielle. Le grand blocage idéologique à vaincre pour mobiliser la majorité est le faux bonheur idéalisé de l'American Way of Life. Est indispensable sa critique qui renforcera l'aiguisement de ses contradictions vis-àvis la réalité de la pluricrise. Ainsi le 40% arrivera à déconstruise cette idéologie paralysante qui justifie son autodestructeur régime de consommation le rendant dépendant du capital exploiteur. Quant au 50% il pourra émerger de la misère et de la pauvreté sur la base d'une société de plein emploi écologique et solidaire le libérant du faux semblant d'une énergivore accumulation matérielle et du cumul de capital fictif que la pluricrise évaporera.
Les revendications clefs d'une société du soin et lien en décroissance matérielle
- La réponse à l'hégémonie pétro-gazière du Canada et à son Quebec bashing c'est l'indépendance nationale tenant compte du droit à l'autodétermination autochtone.
- La réponse à la crise du logement c'est le collectif logement social écoénergétique pour tout le monde et pas seulement pour les pauvres.
- La réponse aux logements déficients c'est leur rapide mise à niveau écoénergétique par un programme public selon un code du logement tendant à l'énergie zéro.
- La réponse à la crise de la mobilité c'est le transport en commun gratuit, partout, fréquent, confortable et électrique, et un complément d'autopartage communautaire.
- La réponse à la ville infernale et dangereuse c'est la ville piétonnière et cyclable, de services de proximité, d'agriculture urbaine et de parcs nature.
- La réponse à l'étalement et à la congestion urbains envahissant la campagne c'est l'interdiction de l'auto solo privé et de la maison « campagnarde ».
- La réponse au gaspillage c'est la garantie de la réparation accessible ou du remplacement, du bannissement de la publicité et de la mode commerciale.
- La réponse à la crise de l'embonpoint c'est l'alimentation surtout végétarienne cultivée biologiquement et disponible en produits frais et peu transformés.
- La réponse à la mauvaise santé et au stress sont le plein emploi, le contrôle ouvrier des cadences, la baisse du temps de travail, le revenu et services minimum garantis.
- La réponse aux croissantes pandémies dues au zoonoses c'est la préservation des forêts et zones humides d'où en finir avec l'expansive agriculture carnée.
- La réponse à la hausse des prix… c'est tout ce qui précède… et le contrôle des loyers, des prix des aliments indispensables et la gratuité de l'électricité de base.
- La réponse à l'austérité des services publics c'est leur ample bonification quantitative et qualitative et la resocialisation des pans privatisés.
- La réponse aux hydrocarbures et à l'énergivore croissance est la sobriété inhérente à la société du soin et lien ce qui est démontré par les mesures précédentes.
- La réponse à la fausse pénurie d'électricité c'est la suffisante actuelle production hydraulique et éolienne plus du solaire intégré aux bâtiments écoénergétiques.
- La réponse au financement d'une société écologique c'est son implicite bon marché, la socialisation de la Finance et l'imposition des profits et du capital.
- La réponse à la résistance du « marché » c'est l'expropriation des secteurs stratégiques tels la Finance, l'énergie, les communications, le transport, la santé.
- La réponse aux divisifs sexisme et racisme c'est l'écoféminisme donnant la priorité aux activités du soin et du lien et aux travaux essentiels des personnes racisées.
- La réponse à l'impérialisme génocidaire, c'est le soutien aux peuples en lutte pour leur libération par tous les moyens nécessaires y compris par les armes s'il le faut.
- La réponse aux migrations c'est une frontière ouverte avec une politique d'accueil intégrant au sein d'une société de plein emploi écologique et socialement utile.
Le front uni des pauvres et opprimé-e-s pour secouer les créateurs de plus-value
Le combat anti-néofasciste pour ouvrir la voie vers une société du soin et du lien exige la construction du front uni du 50% et des personnes opprimées du 40%, en particulier des écoféministes « mères au front ». Ce front aura comme première tâche d'ébranler le noyau dur surtout masculin des cols bleus fortement pénétrés par le sexisme et le racisme ou, pour certains crispés sur leurs acquis. C'est pourtant ce noyau, nombreux dans la logistique et la construction, qui a la main haute sur la création directe de plus-value, source du profit. L'ont démontré la répression fédérale habituellement rapide des grèves dans les ports, la poste et les chemins de fer… et la sauvagerie antisyndicale de l'oligarque Bezos.
Ce front a bien sûr ses propres antinomies mais il est objectivement uni comme victime immédiate de l'austérité, de la répression néofascistes et des conséquences des catastrophes climatiques. Le jour où ce front uni aura pleinement intégré les créateurs directs de plus-value dans son combat écoféministe, tant par une tactique d'encerclement que par un laborieux travail interne d'éducation, le monde sera à la veille d'être révolutionné. Les syndicats de l'austérisé secteur public, majoritairement féminins, sont l'épine dorsale de ce front uni et la jonction vers les cols bleus bien que le racisme les gangrène aussi. Ils le sont du simple fait d'être le secteur le plus organisé du soin et du lien et le noyau de cette société dématérialisée à consolider et à développer.
Un parti-guide pour muer l'historique Front commun en front uni internationalisé
Le Front commun historique composé des syndicats du secteur public québécois a été le fer de lance de la lutte ouvrière depuis un demi-siècle. Et il l'est encore aujourd'hui. La lutte indépendantiste est dirigée contre la bourgeoisie du Canada et non contre son peuple-travailleur malgré qu'il soit empoisonné par le Quebec bashing. Cette pierre d'achoppement n'exclut en rien, au contraire exige comme facteur neutralisant si ce n'est de soutien pour l'indépendance, une étroite coordination des peuples-travailleurs. L'exemple par excellence, qui cependant s'éloigne dans le temps, en a été cette trop brève grève générale pancanadienne anti-inflationniste de 1976. Ce travail politique doit se déployer sur un large éventail de revendications à mettre de l'avant au gré de la conjoncture, à travers une panoplie de secteurs et d'organisations populaires, et internationalement du simple fait de la mondialisation de la crise écologique et de l'offensive néofasciste.
Au Québec, il ne dépend que de notre parti, Québec solidaire, de devenir cette organisation politique qui trace la voie dans ce dédale de complexités. Le chemin vers le centre-gauche à la NPD intégrerait le parti à l'actuel système institutionnel. S'il parvenait alors à former un gouvernement majoritaire, les forces du capitalisme en décadence et devenues réactionnaires le paralyseraient. Ces forces ont neutralisé les gouvernements NPD de la Saskatchewan et de la Colombie britannique dans de bien meilleures circonstances du temps des « trente glorieuses » en faisant de ces partis NPD au mieux que des « Libéraux pressés ».
Remplacer la démocratie de l'Argent par celle écosocialiste du peuple-travailleur
Par contre, le chemin de la gauche anticapitaliste vers la société du soin et du lien à radicale décroissance matérielle substitue à la grande noirceur du cul-de-sac électoraliste la lumière écosocialiste au bout du tunnel de la dure lutte antinéofasciste. C'est dans ce combat que va se forger la démocratie du peupletravailleur. Sa base en seront les assemblées syndicales, celles des multiples assemblées populaires tant sectorielles que territoriales qui au fur et à mesure du développement des luttes fusionneront en fédérations jusqu'au niveau national et finalement mondial. La forme en sera déterminée par l'évolution des luttes. En attendant, bien sûr, il faudra réclamer la démocratisation autant que possible de la limitée démocratie parlementaire qu'étouffe la puissance de l'Argent, par exemple par le vote proportionnel et par le droit de rappel.
On aura compris que la société du soin et du lien ne cherche pas à maximiser la consommation, reflet de la maximisation du profit dans la sphère de la production. Elle requiert la maximisation du temps de la liberté et du partage entre toustes du temps contraint. Ce temps libre, celui de la science, des arts et du loisir, est immédiatement et impérieusement requis comme temps de la militance sociale et politique. Il est nécessaire de commencer à construire dès maintenant cette fédérative démocratie du peuple-travailleur en démocratisant les syndicats et en créant des organisations populaires redevables et contrôlées par leur militance.
Bien sûr le traquenard de la cherté du coût de la vie assise sur l'endettement hypothécaire et celui de l'auto-solo crée un sérieux obstacle pour réclamer la baisse du temps de travail et même pour entreprendre toute lutte syndicale. Mais simultanément la part des profits dans le revenu national, élevée sous le règne du capitalisme néolibéral en voie de néo-fascisation, crée la marge de manœuvre nécessaire. Cette marge permet de lutter pour la baisse du temps de travail sans baisse du revenu et sans hausse de l'intensité du travail, tant dans les conventions collectives que comme législation. Ainsi le mouvement ouvrier retrouvera-t-il l'inspiration pour le « 30 heures payées 40 », revendication clef des syndicats avantgardistes avant l'ère de la consommation de masse.
Marc Bonhomme, 18 mai 2025
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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Crise de l’eau au Nunavik : un appel à l’action qui coule de source

Le manque d'accès à l'eau potable dans le nord du Québec est un enjeu majeur que la CSQ dénonce depuis longtemps. Dans un récent article publié par La Presse, la journaliste Ariane Lacoursière rapporte la situation critique du village de Puvirnituq, frappé par une grave pénurie d'eau. Cette réalité vient confirmer toute la pertinence de la campagne lancée, il y a quelques semaines, par le Mouvement ACTES.
Tiré de Ma CSQ.
Selon La Presse, depuis plus d'un mois, les résidentes et résidents de Puvirnituq, au Nunavik, vivent sans accès adéquat à l'eau courante. La crise atteint un point critique : écoles fermées, hôpital insalubre, flambée de gastroentérite.
Ce drame quotidien rejoint directement les revendications de la CSQ, qui, à travers le Mouvement ACTES, souhaite mobiliser la population, notamment le milieu de l'éducation, pour dénoncer ces injustices. La campagne, Le droit à l'eau, ça coule de source !, amorcée lors de la Journée mondiale de l'eau, le 22 mars dernier, interpelle les élèves, les enseignantes et enseignants ainsi que les élues et élus autour d'un message simple : l'accès à l'eau potable n'est toujours pas garanti pour des centaines de familles autochtones au Québec.
Les témoignages recueillis il y a quelques mois par le Mouvement ACTES brossent également un portrait saisissant. Dans plusieurs villages du nord du Québec, des jeunes manquent l'école parce qu'ils ne peuvent pas se laver. À Aupaluk et à Ivujivik, par exemple, les résidentes et résidents attendent pendant des semaines l'arrivée d'un camion-citerne. Les solutions temporaires sont fragiles et les infrastructures inadéquates.
La CSQ exige des engagements clairs des gouvernements pour garantir un accès permanent, sécuritaire et universel à l'eau potable dans toutes les communautés, peu importe leur localisation. Car au-delà des campagnes de sensibilisation, c'est d'un véritable engagement politique dont ces communautés ont besoin. Il est temps d'agir pour que l'eau coule de source.
En savoir plus
Visitez le site Web du Mouvement ACTES pour tout savoir sur la campagne Le droit à l'eau, ça coule de source !
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Le scrutin de 2026 ; victoire péquiste, défaite souverainiste ultérieure ?

Selon le plus récent sondage (16 mai) de Qc125.com, en cas de référendum, le NON à la souveraineté l'emporterait par 64% et le OUI ne recueillerait que 36% d'appuis. Pourtant, les intentions de vote paraissent à première vue contredire ce modeste score indépendantiste.
Selon le dernier sondage Léger du 14 mai, le Parti québécois gagnerait les élections par 33% des voix, le Parti libéral du Québec irait chercher 21% des votes, la Coalition avenir Québec atteindrait à peine 20%, le Parti conservateur d'Éric Duhaime récolterait 13% et Québec solidaire fermerait la marche avec 12%.
Le sondage Léger met aussi en lumière le nombre élevé de citoyens et citoyennes qui souhaitent changer de gouvernement (63%) contre seulement 18% qui optent pour la stabilité gouvernementale, incarnée par la Coalition avenir Québec (CAQ).
Le Parti québécois de Paul Saint-Pierre Plamondon (PSPP) semble se diriger vers une victoire électorale, à moins que les libéraux ne réussissent une remontée-surprise, surtout si Pablo Rodriguez remplace le chef intérimaire Marc Tanguay. Mais cet éventuel regain de vigueur reste hypothétique pour l'instant.
Ironiquement, si une majorité de Québécois est prête à accorder sa confiance au Parti québécois, elle refuse son option fondamentale, sa raison d'exister : faire la souveraineté. Il s'agit là du dilemme cruel et frustrant pour les militants et militantes indépendantistes : leur parti peut aspirer au pouvoir, mais pas réaliser leur rêve souverainiste.
De ces chiffres, il ressort que si les Québécois et Québécoises aspirent à un remplacement de la CAQ par le PQ, l'option fondamentale de celui-ci, l'indépendance demeure très minoritaire. Bien entendu, le prochain scrutin se tiendra seulement en octobre 2026 au plus tard, ce qui laisse au cabinet caquiste de François Legault une certaine marge de manoeuvre temporelle, comme les libéraux fédéraux ont remplacé Justin Trudeau par Mark Carney ce qui lui a permis de remporter la mise électorale. Mais il y avait la menace trumpiste, ce qui joue beaucoup moins en faveur de François Legault, les relations internationales relevant avant tout d'Ottawa.
Si un référendum se tenait maintenant, et si on se fie aux résultats des sondages tels que mentionnés plus haut, le résultat serait à peu près le même qu'en mai 1980 : environ 40% de citoyens soutiendraient la souveraineté-association et 60% s'y opposeraient. En 1995,les chiffres avaient été beaucoup plus serrés en raison de la conjoncture particulière de l'époque mais dans l'ensemble, lis ne bougent guère. Les récents sondages mentionnés dans le texte en apportent une confirmation sans équivoque.
Pour organiser un référendum et accéder enfin à la souveraineté tant désirée, le Parti québécois doit conquérir le pouvoir, mais il ne peut y arriver qu'en remisant son option. Il compte sur un référendum pour rendre le Québec indépendant, mais jusqu'à présent, il a perdu les deux mis sur pied (quoique de peu dans le second cas). Une majorité de Québécois veut d'un parti autonomiste au pouvoir à Québec, mais pas "séparatiste".
Les péquistes peuvent bénéficier des avantages du pouvoir, certes, mais dans dans un cadre provincial qu'ils rejettent. La distinction entre "bon gouvernement" d'une part, et accession à l'indépendance d'autre part remonte à novembre 1974 lorsque la direction du parti a introduit la notion de référendum.
Tel est le paradoxe québécois : élire un parti indépendantiste à condition qu'il ne réalise pas sa raison d'exister. Peut-on le briser ? Cette responsabilité relève avant tout de la population elle-même. Jusqu'à maintenant, la majorité de celle-ci paraît bien s'accommoder de ce paradoxe. Mais les souverainistes sont tout de même assez nombreux pour teinter de leurs aspirations toute une partie de la culture politique québécoise et inquiéter Ottawa. La partie n'est peut-être pas encore définitivement jouée.
Jean-François Delisle
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