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Même s’il évite la guerre civile, la crise finale d’Israël s’annonce cataclysmique !

En juillet 2021, commentant les avertissements prophétiques formulés par Albert Einstein dès 1948 sur l'avenir désastreux d'Israël, nous terminions notre texte par le constat et, en même temps, la prédiction suivants : « Malheureusement, tout montre qu'Einstein a eu de nouveau raison. Avec les Britanniques étant depuis longtemps un lointain souvenir, ce sont effectivement les épigones des « organisations terroristes » de 1948 qui inéluctablement conduisent Israël -qu'ils gouvernent- vers la « catastrophe finale » ! Un Israël qui peut se montrer maintenant plus puissant et arrogant que jamais, mais qui, en même temps, est en train de traverser sa plus grande crise existentielle de son histoire, pourrissant et se désintégrant à son intérieur. Le compte à rebours a déjà commencé et l'heure de la vérité approche... » [1]
Tiré du site du CADTM.
Peut-être plus vite que nous ne l'avions prévu, tout indique en ce printemps 2024, que l'heure de la grande vérité de l'État juif n'est pas seulement proche, mais qu'elle est déjà arrivée, qu'elle est là et qu'elle se déroule sous nos yeux ! Et les pronostics ne sont pas du tout optimistes. En Israël même, les premières voix commencent à se faire entendre, exprimant des doutes sur la viabilité de l'État d'Israël. Comme, par exemple, celles des auteurs du texte au titre éloquent « A ce rythme, Israël n'atteindra pas son centième anniversaire », qui a été reproduit et discuté ces derniers jours comme aucun autre en Israël et hors d'Israël. L'une des raisons de ce choc est que ses deux auteurs, Eugene Kandel et Ron Tzu, sont tous deux des membres éminents de l'establishment gouvernemental israélien, le premier ayant dirigé pendant des années le Conseil économique national de Netanyahou ! La deuxième raison, la plus importante, est que le document estime que, à moins d'un changement de cap radical de la part d'un personnel politique radicalement différent, la crise existentielle que les Israéliens commencent à vivre conduira à la fin d'Israël, ce qui signifiera nécessairement la fin aussi du « rêve sioniste »...
Ce n'est pas un hasard si, au moment même où l'on parle tant de la « solution à deux États » et où l'État palestinien commence à être reconnu même par des pays membres de l'Union européenne, des voix s'élèvent en Israël même pour parler d'une... « solution à trois États » ! En effet, à côté de l'État palestinien de demain, elles considèrent qu'il existe déjà - de facto - non pas un, mais deux États juifs ! C'est exactement ce que dit l'ancien diplomate Alon Pinkas lorsqu'il fait les constats suivants dans un article très récent dans Haaretz : « Il y a désormais, ici, deux États – Israël et la Judée –, avec des visions opposées de ce que doit être une nation. Il y a un « éléphant dans la pièce » et ce n'est pas l'occupation, bien que celle-ci en soit la cause principale. Cet “éléphant dans la pièce” est constitué par le fait qu'Israël est progressivement mais inéluctablement divisé entre l'État d'Israël – high-tech, laïc, ouvert vers l'extérieur, imparfait mais libéral – et le royaume de Judée, une théocratie suprémaciste juive ultranationaliste antidémocratique et isolationniste. »I.
Bien sûr, Pinkas, qui appartient au premier, à cet Israël moderne et « ouvert sur l'extérieur », a tendance à l'idéaliser et évite de tirer ses conclusions jusqu'au bout. Mais d'autres le font, notamment le vétéran de la gauche israélienne antisioniste Michel Warschawski, qui répond comme suit à la question de savoir s'il entrevoit la possibilité d'une guerre civile en Israël : « J'ai souvent été interrogé sur les risques d'une guerre civile : j'ai toujours dit que ce n'était pas possible.Aujourd'hui, j'en suis beaucoup moins sûr. Et ce n'est pas lié à Gaza. Il n'y a pas simplement deux Israël sociologiques. Nous sommes en présence de deux projets de société irréconciliables. Avec à la tête du pays le gouvernement le plus faible que nous ayons jamais eu, et Netanyahou incapable de contrôler des ministres qui pour certains sont des fous furieux ».
Nous pensons que Warshawski a raison à la fois lorsqu'il n'exclut plus la possibilité d'une guerre civile en Israël et lorsqu'il affirme que cela n'a rien à voir avec Gaza et le génocide en cours des Palestiniens. Certes, le fait est que le spectre du génocide et de la guerre plane sur Israël et sa société. Mais c'est aussi un fait que la grande, voire l'écrasante majorité des citoyens israéliens, des hommes politiques et de leurs partis se montrent, aujourd'hui encore, indifférents à l'incroyable souffrance que leur propre État inflige aux Palestiniens, alors même qu'ils manifestent contre Netanyahou et se heurtent parfois violemment à sa police. À l'exception de quelques petits groupes de citoyens qui perpétuent les vieilles traditions juives humanistes et internationalistes, en déclarant leur solidarité et leur soutien au peuple palestinien, la société israélienne ne veut ni entendre ni voir l'horrible tragédie qui se déroule à quelques kilomètres de ses villes et de ses kibboutz, faisant preuve de la plus monstrueuse insensibilité face au génocide en cours commis par sa propre armée et son propre État ! Et c'est pour cela qu'il se rallie - de facto - même à ce Netanyahou par ailleurs si détesté, lorsque, par exemple, la Cour Pénale Internationale ose lancer un mandat d'arrêt contre lui, tout comme il se rallie à l'État israélien lorsque certains pays européens osent reconnaître l'État palestinien...
Shlomo Sand, dans son dernier et magnifique livre « Deux peuples, pour un État ? », attribue cette monstrueuse insensibilité et ce tout aussi monstrueux « patriotisme », entre autres, au « lavage de cerveau » auquel les citoyens d'Israël sont systématiquement et méthodiquement soumis tout au long de leur vie afin de croire fermement que c'est... la volonté de Dieu que tous les territoires occupés, de Hébron, Jéricho et Bethléem à Jérusalem, soient israéliens ! C'est donc cette relation étroite entre messianisme nationaliste et messianisme religieux -qui non seulement a existé dès l'origine dans le projet sioniste, mais constitue le pilier idéologique central de l'État israélien, surtout depuis que la référence initiale à un certain « socialisme des kibboutz » mythique a été « jetée dans les poubelles de l'histoire »-, qui nous a fait constater il y a trois mois, que « cette actuelle ferveur exterminatrice de la société israélienne ne serait pas possible si elle n'était pas le produit et l'aboutissement de la logique interne du projet constitutif de l'État hébreu, du projet sioniste ! ». [2]
C'est donc pour toutes ces raisons que nous assistons aujourd'hui à des développements qui auraient été totalement inimaginables à la naissance d'Israël. Comme, par exemple, l'alliance du gouvernement israélien avec des antisémites notoires d'extrême droite ou même avec des leaders néo-fascistes de cette Internationale Brune en gestation, tels que l'Italienne Meloni, la Française Le Pen, l'Argentin Milei, le Hongrois Orban, le Portugais Ventura et plusieurs autres d'Europe et d'Amérique du Nord et du Sud, qui se sont réunis il y a quelques jours à Madrid sous l'égide du Vox des nostalgiques du franquisme. C'est à ce rassemblement madrilène de ce ramassis fasciste, qui s'est transformé en une manifestation de soutien à Netanyahou, que le ministre israélien de la diaspora, Amichai Chikli a envoyé un message de remerciement et d'encouragement confirmant ce que nous savions depuis longtemps : que Netanyahou et l'extrême droite israélienne sont devenus le symbole et le drapeau des racistes, de l'extrême droite et des néo-fascistes du monde entier, dont la plupart continuent d'ailleurs à être des ...antisémites décomplexés !
La boucle du projet sioniste et en même temps de l'État juif d'Israël est donc en train d'être bouclé, dans une atmosphère non seulement de crise généralisée, mais aussi de décadence morale généralisée. Et ce n'est pas un hasard si son élément fondateur fondamentale, le racisme à l'égard des Palestiniens, coule aujourd'hui dans ses veines comme un poison au point de permettre aux ministres Gvir et Smotrich et à leurs amis colons et autres de parler de la nécessité d'expulser (violemment) de la terre de leur mythique Grand Israël (Eretz Israël) non seulement les Palestiniens mais même les citoyens israéliens juifs qui ne partagent pas leurs opinions et leurs choix barbares et inhumains !
Nous concluons donc comme nous avons commencé : il est désormais manifeste que le prix que paie l'Israël sioniste pour l'exhibition de son arrogance et de sa toute-puissance mesurée par les hécatombes de morts civils palestiniens à Gaza, est sa propre décadence morale et sa propre décomposition sociale et politique. Avec ou sans guerre civile, la crise finale d'Israël s'annonce cataclysmique.
Notes
[1] Voir notre article « Quand Einstein appelait « fascistes » ceux qui gouvernent aujourd'hui Israël » : https://www.pressegauche.org/Quand-Einstein-appelait-fascistes-ceux-qui-gouvernent-Israel-depuis-44-ans
[2] Voir notre article « Essayant de comprendre la dérive génocidaire de la société israélienne » : 22320
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La résistance palestinienne brouille les cartes du gouvernement israélien : Netanyahu face aux doutes de l’appareil militaire

Plus de sept mois après le déclenchement de la guerre et le début de l'offensive terrestre à Ghaza, la résistance palestinienne arrive à asséner des coups surprenants à l'armée israélienne. Mercredi dernier, une embuscade conjointe entre les éléments des brigades Al Qassam, affiliées au Hamas, et les brigades Al Qods de la faction du Djihad islamique, a fait entre 10 et 20 morts, selon des sources, parmi les troupes engagées dans des opérations dans le camp de réfugiés de Jabaliya, au nord de Rafah.
Tiré de Algeria-Watch
18 mai 2024
Par Mourad Slimani
Les porte-paroles de l'armée israélienne ont, dans un premier temps, avancé la thèse des « tirs amis » ayant résulté d'un manque de coordination à une phase de l'offensive, avant de reconnaître que les pertes ont été subies lors d'opérations conduites par les éléments du Hamas.
D'autres opérations, sur les bilans desquels les informations sont restées contradictoires, ont eu lieu depuis deux jours dans le périmètre, démontrant une fois de plus que malgré la puissance de feu criminelle et sans précédent lâchée sans discontinuation contre l'enclave palestinienne depuis plus de 220 jours, des foyers de résistance restent actifs, enlisant l'armée israélienne dans un conflit qui n'est pas prêt de connaître une issue.
La témérité de la résistance palestinienne se manifeste par des coups d'éclats non seulement dans ce nouveau front que constitue la région de Rafah, mais aussi dans certains points du nord de l'enclave de Ghaza théoriquement passés au peigne fin, les mois derniers et les semaines dernières, après avoir été complètement dévastés.
On ne sait pas si ce sont ces événements qui ont vaincu les dernières réticences du ministre israélien de la Défense à faire part publiquement des difficultés auxquelles fait face son armée sur le terrain, après sept mois de mobilisation extrême et, surtout, de l'incapacité du gouvernement à tracer un plan politique et un objectif clair à un déploiement militaire de plus en plus coûteux et de plus en plus incertain.
Ce faisant, Yoav Gallant, un des trois hommes qui composent le Cabinet de guerre, entre en confrontation directe avec Benyamin Netanyahu et sa garde rapprochée d'extrême droite, et donne un aperçu des failles qui se sont creusées au fil des déconvenues diplomatique et stratégique dans l'Exécutif aux commandes à Tel-Aviv.
« Efforts sisyphiens » à Ghaza
Le ministre de la Guerre a ainsi exprimé, dans une déclaration télévisée, son opposition au plan de contrôle militaire de Ghaza après la fin de la guerre, tel que préconisé par le Premier ministre, renouvelant sa préférence pour une autorité combinée associant des représentants de tribus arabes locales « non hostiles » et une coalition internationale dont il reste à définir les contributeurs.
Très peu élaborée, la proposition de Gallant semble plus viser une porte de sortie à l'armée du bourbier ghazaoui, d'autant que, argue-t-il, une présence sur la durée des forces israéliennes sur le territoire est synonyme de pertes supplémentaires dans les rangs et un coût social et économique que l'Etat hébreu aura du mal à assumer.
Sans le reconnaître ouvertement, il laisse entendre donc que l'objectif d'anéantir le Hamas et ses capacités militaires va rester hors de portée et qu'il faudra donc éviter de surexposer l'armée sur le terme par une occupation prolongée, ou définitive, de Ghaza. Quelques jours auparavant, un son de cloche aussi sceptique et polémique a été développé par le chef d'état major, lui-même gagné par le doute quant à l'efficacité de l'effort de guerre engagé à Ghaza sans perspectives politiques clairement déclarées sur le fameux « jour d'après » par le gouvernement.
Il aurait ainsi lâché, lors d'une entrevue avec le Premier ministre, que le gouvernement avait compromis l'armée dans des « efforts sisyphiens » et qu'il était temps de changer de fusil d'épaule. Les faits font suite à d'autres marques de défiance de l'appareil sécuritaire et militaire contestant ces dernières semaines la navigation à vue du gouvernement s'agissant de la durée prévisionnelle de la guerre, ainsi que sur ses objectifs tactique et stratégique.
Le roc de la résistance palestinienne
La réponse à cette montée au créneau est venue rapide et sans précautions de forme. Près d'une heure après les déclarations de Gallant, Benyamin Netanyahu rétorque qu'elles sont simplement « dénuées de substance » et qu'elles ne méritent donc pas d'être considérées au-delà de ce commentaire.
Le Premier ministre ajoute cependant qu'il n'est pas question d'envisager une alternative de gouvernance à Ghaza tant que le Hamas garde la moindre possibilité d'entreprendre des actions et que ladite alternative ne portera surtout pas le cachet du Fatah ni de l'Autorité palestinienne qui siège à Ramallah.
C'est la première fois depuis le début du conflit qu'une passe d'armes pareille oppose le sommet du gouvernement au département de la guerre ; le désaccord, en débordant l'obligation de confidentialité institutionnelle, atteste d'une tension qui accentue l'isolement de Netanyahu, certes, sans effets réels sur ses choix politiques pour le moment.
Encore une fois, il n'a dû compter que sur le soutien des forcenés de la coalition d'extrême droite. Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité intérieure et dirigeant du parti suprémaciste Force juive, dénonce les « visions défaitistes » du ministre de la Défense et appelle Netanyahu à le limoger sans tarder. Bezalel Smotrich, dirigeant du Parti sioniste religieux, ramassis de colons racistes et boulimiques, enjoint, lui, Yoav Gallant à démissionner immédiatement s'il ne partage pas les options du gouvernement.
Le ministre de la Défense, détenteur pourtant d'un palmarès fourni en actes et déclarations criminels contre les Palestiniens, dont l'appel à traiter les Ghazaouis « comme des animaux », au tout début de l'offensive, passe dans le contexte pour un tiède qui ne fait pas l'affaire, juste parce qu'il émet l'idée de ne pas occuper Ghaza. C'est dire la qualité du climat actuellement dans les rouages de décisions au sein de l'Etat hébreu et l'impasse dans laquelle le pousse l'héroïque résilience palestinienne.
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Que se cache-t-il derrière l’accusation d’antisémitisme lancée contre Karim Khan ?

Si toute cette colère sioniste et pro-israélienne contre la position du procureur de la CPI, Karim Khan, indique quelque chose, c'est bien son importance, qu'il n'est pas exagéré de qualifier d'historique. (Traduit de l'arabe.)
Gilbert Achcar
Professeur, SOAS, Université de Londres
Ce blog est personnel, la rédaction n'est pas à l'origine de ses contenus.
L'affaire était si évidente qu'il ne valait pas la peine de parier dessus. Il était tout à fait évident et absolument certain que la demande du procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Ahmed Khan, d'émettre des mandats d'arrêt internationaux contre le premier ministre et le ministre de la « défense » israéliens conduirait l'establishment sioniste à lancer l'accusation d'antisémitisme à son encontre et à celle de la cour. Comme les chiens du savant russe Ivan Pavlov, qui ont confirmé sa célèbre étude du réflexe conditionné, Netanyahu et Gallant, ainsi que l'ensemble de l'élite du pouvoir sioniste, y compris Gantz, le chef du bloc d'opposition qui coopère actuellement avec le Likoud, le parti des deux inculpés et Lapid, le leader du principal bloc d'opposition qui refuse de les rejoindre, ont tous immédiatement et violemment condamné la position du procureur tout en la qualifiant d'« antisémite ».
C'est en effet à la quasi-unanimité que la classe politique sioniste – 106 des 120 membres de la Knesset, le parlement israélien (outre les dix membres des listes « arabes », les quatre députés du parti travailliste sont restés à l'écart du consensus sioniste en raison de leur forte hostilité à l'égard de Netanyahu) – a approuvé une déclaration condamnant le procureur et qualifiant son inculpation du gouvernement sioniste et des dirigeants du Hamas pour crimes contre l'humanité de « comparaison scandaleuse » qui constitue « un crime historique indélébile et une expression claire d'antisémitisme ». Netanyahu a vu dans sa condamnation par Karim Ahmad Khan une occasion de renforcer sa popularité en déclin en se présentant comme un symbole de l'État sioniste. Il a déclaré que « le mandat absurde et fallacieux du procureur de La Haye est dirigé non seulement contre le premier ministre et le ministre de la défense israéliens, mais contre l'État d'Israël tout entier ». Il a ensuite ajouté, s'adressant directement au procureur : « Avec quel culot osez-vous comparer les monstres du Hamas aux soldats de Tsahal, l'armée la plus morale du monde ? » La position de Netanyahu a été rejointe par Gantz, son partenaire au sein du cabinet de guerre israélien, qui a affirmé que l'armée israélienne « se bat avec l'un des codes moraux les plus stricts de l'histoire ».
Il est, bien sûr, d'un aplomb sans précédent de la part de quiconque de décrire les forces génocidaires sionistes comme « l'armée la plus morale du monde », mais cette impudence est devenue monnaie courante. Répéter cela en qualifiant d'impudente une critique des actions de l'armée sioniste, que la Cour internationale de justice a considérées comme relevant de la catégorie du génocide, porte le toupet à un paroxysme propre à Netanyahu et très difficile à égaler. Comme à son habitude, le premier ministre israélien a eu recours à ce que l'on appelle en anglais des insinuations par « sifflet à chien » en pointant indirectement la descendance de Karim Ahmed Khan d'une famille d'origine pakistanaise appartenant à la communauté musulmane Ahmadiyya. L'insinuation est apparue dans la déclaration de Netanyahu selon laquelle le « nouvel antisémitisme » – une expression souvent utilisée pour décrire l'hostilité envers l'État d'Israël lorsqu'elle est exprimée par des musulmans – « s'est déplacé des campus occidentaux vers la cour de La Haye » !
Si le Hamas avait ajouté à sa condamnation parallèle du procureur pour l'avoir mis sur le banc des accusés aux côtés du gouvernement sioniste, l'affirmation que la position de ce dernier reflétait la haine de l'islam (ou islamophobie), le monde entier se serait moqué du mouvement. Mais le Hamas ne revendique pas et ne peut pas revendiquer le monopole de la représentation des musulmans comme l'État sioniste revendique le monopole de la représentation des Juifs, avec l'approbation de la plupart des dirigeants occidentaux. Ainsi, bien que l'administration américaine se soit abstenue de qualifier la position de Karim Khan d'« antisémite », Biden n'a pas tardé à la qualifier de scandaleuse et à renouveler son engagement à « toujours se tenir aux côtés d'Israël contre les menaces à sa sécurité ». De son côté, son secrétaire d'État, Blinken, a réitéré la description de l'opération Déluge d'al-Aqsa menée par le Hamas comme « le pire massacre de Juifs depuis l'Holocauste » – une description devenue un mantra dont le but est de dépeindre l'hostilité des Palestiniens envers les Israéliens comme une hostilité envers les Juifs inspirée par « l'antisémitisme » plutôt qu'une hostilité envers une persécution sioniste féroce qui insiste pour se décrire comme juive (pour plus sur ce sujet, voir mon article « Gaza : le 7 octobre en perspective historique »).
Si toute cette colère sioniste et pro-israélienne contre la position de Karim Khan indique quelque chose, c'est bien son importance, qu'il n'est pas exagéré de qualifier d'historique. En effet, la CPI, depuis sa création jusqu'à présent, n'a traité que de plaintes contre des personnes originaires des pays du Sud mondial, du continent africain en particulier, en plus des dirigeants russes récemment inculpés en raison de l'invasion de l'Ukraine par leur armée. Il était devenu habituel de considérer cette cour, créée en 2002 au plus fort de l'hégémonie occidentale, comme l'un des outils politiques de l'Occident, au point que les familles de 34 Israéliens morts ou enlevés lors de l'opération Déluge d'al-Aqsa ont déposé une plainte contre le Hamas auprès d'elle, quelques jours après l'événement. Il est en effet très significatif que les seuls actes d'accusation émis par la CPI au sujet de l'Irak concernent l'organisation de l'État islamique et non l'armée et le gouvernement américains.
C'est donc la première fois que le tribunal inculpe deux dirigeants d'un pays considéré comme faisant partie du camp occidental, ce qui explique le ressentiment exprimé à l'égard de la position du procureur par le gouvernement américain et le gouvernement britannique, son fidèle partenaire (notamment dans l'occupation de l'Irak), ainsi que quelques autres gouvernements occidentaux. C'est pourquoi la position du procureur est très inquiétante aux yeux du gouvernement sioniste et de ses alliés les plus fidèles. Elle s'ajoute au procès intenté par l'Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de Justice pour tourner la page de l'hégémonie occidentale sur les instances judiciaires internationales, en général, et confirmer la condamnation mondiale croissante du comportement criminel de l'État sioniste à la lumière de la guerre génocidaire qu'il mène à Gaza, en particulier.
Traduction de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe,Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est paru le 21 mai en ligne et dans le numéro imprimé du 22 mai. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.
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Israël : côté obscur de l’armée la plus morale du monde entier

À Gaza, le nombre de morts atteint 36 000 et de blessés 80 000... Depuis deux semaines, environ 900 000 Gazaouis, soumis à d'incessants bombardements et attaques israéliens, quittent Rafah et se dirigent ailleurs à Gaza, cette fois où presque tout a été démoli et où trouver eau, nourriture, et abris s'avère quasi impossible...
Ovide Bastien
Alors que la famine devient chaque jour plus évidente, Israël non seulement restreint l'aide humanitaire qui entre à Gaza, mais ferme carrément celle qui entre de l'Égypte par Rafah et permet à des colons juifs, pour une deuxième fois en quelques jours, d'attaquer et saccager impunément des camions qui transportent de l'aide humanitaire en provenance de la Jordanie...
Le 20 mai le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, annonce qu'il fait la demande de mandats d'arrêt à l'encontre du premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou et de son ministre de la Défense Yoav Gallant pour des crimes de guerre – faim utilisée comme arme de guerre, notamment en privant les Gazaouis d'aide humanitaire, et ciblage intentionnel de civils, extermination – ainsi que de trois dirigeants du Hamas pour les atrocités commises le 7 octobre dernier – extermination, viols, prise d'otages.
Le même jour, le président Joe Biden, principal fournisseur d'armes à Israël, affirme aux étudiants qui, lors d'une cérémonie de graduation, l'accusent de complicité dans un génocide :
« Je sais que la situation vous brise le cœur, mais elle brise le mien aussi. » Et, commentant la décision de Karim Khan, il affirme, « Il n'y a pas un iota d'équivalence entre Israël et le Hamas. La décision de la CPI est choquante. Nous appuierons toujours Israël d'une main de fer. Il n'y a pas de génocide à Gaza ! »
Le 23 mai, l'Espagne, l'Irlande et la Norvège annoncent que leur pays va se joindre aux 145 autres pays qui ont déjà reconnu la Palestine comme État. Le lendemain, la Cour internationale de justice, à la suite d'une nouvelle demande provenant de l'Afrique du Sud, ordonne à Israël de mettre immédiatement fin à son offensive militaire à Rafah, à son blocage de l'aide humanitaire à Rafah, et de permettre aux agences de l'ONU d'entrer à Gaza afin de pouvoir y réaliser des enquêtes.
Peu étonnamment, Benjamin Nétanyahou réagit avec colère. Des exemples éhontés d'antisémitisme, affirme-t-il. Des pays et des juges antisémites, qui se comportent comme ceux qui ont facilité l'Holocauste ! Nous avons l'armée la plus morale dans le monde entier ! Rien ni personne ne nous empêchera de nous défendre !
*************
De toute évidence, Israël se trouve de plus en plus isolée sur la scène internationale. Plus ces gestes concrets la noircissent, plus elle s'affirme pure et innocente et se présente comme LA victime du monde entier, que seul le géant étatsunien protège.
Dans ce qui suit, j'aimerais illustrer à lectrices et lecteurs un côté obscur d'Israël que m'a permis de découvrir la lecture d'un livre qui apparaissait à peine quelques semaines avant l'attaque violente d'Israël par le Hamas le 7 octobre dernier, The Palestine Laboratory : How Israel Exports the Technology of Occupation around the World.
Rédigé par le journaliste juif australien Antony Loewenstein, ce livre montre comment Israël, dont la population dépasse à peine celle du Québec, est devenue, grâce à son appareil de sécurité et de technologies et tactiques sophistiquées développés pour maintenir le contrôle sur la population palestinienne, le dixième plus grand exportateur d'armes au monde ainsi qu'un leader dans l'exportation d'outils de surveillance, de répression et de contrôle. Drones, caméras de surveillance, logiciels comme Pegasus qui espionnent les cellulaires, reconnaissance faciale, systèmes de sécurité aux frontières, armes de contrôle des foules, etc., tous ces outils, affirme Loewenstein, ont été perfectionnés dans le creuset du conflit palestinien et sont désormais commercialisés et vendus aux gouvernements et aux forces de sécurité du monde entier. Que ces gouvernements bafouent systématiquement les droits de la personne, cela importe peu à Israël.
« Il existe aujourd'hui en Israël plus de trois cents multinationales et six mille start-ups qui emploient des centaines de milliers de personnes, » rappelle Loewenstein. « Les ventes sont en plein essor, les exportations de matériel de défense atteignant en 2021 un niveau record de 11,3 milliards de dollars, soit une augmentation de 55 % en deux ans. Les entreprises israéliennes de cybersécurité sont également en plein essor, avec 8,8 milliards de dollars US obtenus dans le cadre de cent transactions en 2021. La même année, les entreprises israéliennes de cybersécurité ont reçu 40 % du financement mondial dans ce secteur. »
Les exemples que donne Loewenstein sont nombreux et fort troublants. En voici quelques-uns.
Afrique du Sud
L'Afrique du Sud représente sans doute le cas le plus spectaculaire. Si Israël a été le plus grand et fidèle allié du régime d'apartheid dans ce pays, ce n'est pas seulement, rappelle Loewenstein, parce que ce dernier achetait beaucoup de ses armes. C'est aussi et surtout, insiste-t-il, en raison de la très forte communauté de pensée qui existait entre les deux. Ici, les Afrikaners se percevaient comme les civilisés, et ne voyaient chez les Noirs que barbarie, méchanceté, et terrorisme. Là, les Israéliens se perçoivent comme les civilisés, et ne voient chez les Palestiniens que barbarie, méchanceté, et terrorisme.
Il est assez révélateur que Nelson Mandela, dans son discours du 4 décembre 1997, affirmait : « Notre liberté ne saura être complète sans celle du peuple palestinien ».
Il est assez révélateur, aussi, que ce soit l'Afrique du Sud qui prenait l'initiative, décembre dernier, d'accuser Israël, auprès de la Cour internationale de justice, de génocide à Gaza.
Chili
J'étais au Chili au moment où la junte militaire renversait le gouvernement de Salvador Allende en septembre 1973. J'ai pu voir de mes yeux, au jour le jour pendant un an, la répression impitoyable – censure, torture, exécution sommaire, camps de concentration - qui s'abattait sur le peuple chilien. La dictature a duré 17 ans, a fait plus de 3 000 victimes, et a torturé plus de 40 000 Chiliens et Chiliennes. De centaines de milliers, afin de fuir la terreur, se sont réfugiés à l'étranger.
Ce n'est qu'aujourd'hui, grâce à Loewenstein, que j'apprends qu'Israël vendait des armes à la dictature. En 1976, le Congrès étatsunien décrétait un embargo sur les armes à destination du Chili. Loewenstein cite un télégramme, provenant de l'ambassade étatsunienne à Santiago le 24 avril 1980, où on reconnait qu'Israël, malgré l'embargo de son grand allié, non seulement continue à vendre des armes à la dictature, mais est même un de ses principaux fournisseurs !
L'Inde
Une communauté de pensée existe, selon Loewenstein, entre l'ethno nationalisme d'Israël et celui du régime de Narendra Modi en Inde, où les Musulmans sont perçus comme des citoyens inférieurs. À la suite d'un accord conclu en 2014 entre Israël et l'Inde, ces deux pays se sont engagés à collaborer en matière de sécurité publique et intérieure. Par la suite, plusieurs officiers, forces spéciales, pilotes et commandos indiens se sont rendus en Israël pour y suivre une formation. Entre 2015 et 2020, le principal marché d'exportation d'armes d'Israël est l'Inde, avec 43 % des ventes totales. Les drones israéliens Heron survolent le Cachemire, tout comme ils survolent les territoires occupés de la Palestine, affirme Loewenstein. Plusieurs militants israéliens des droits de l'homme, notamment Eitay Mack, ont adressé une pétition à la Cour suprême d'Israël en 2020, exigeant qu'Israël cesse de former des policiers indiens qui « aveuglent, assassinent, violent, torturent et font disparaitre des civils dans le Cachemire ».
Guatemala
Dans les années 1970s et 1980s, Israël a collaboré avec les États-Unis pour fournir un appui militaire, diplomatique et idéologique au régime génocidaire du Guatemala, affirme Loewenstein. Dans un pays où la majorité de la population est indigène, le gouvernement, poursuivant l'objectif intitulé ‘pacification des campagnes', a construit des ‘villages modèles' où les populations indigènes furent forcées de vivre. Celles-ci ont lutté contre cette répression, et environ 200 000 personnes, presque tous indigènes, ont été tuées entre 1960 et 1996.
L'un des moyens les plus efficaces utilisés par Israël pour aider le régime guatémaltèque a été l'installation d'un centre d'écoute informatique par la société privée israélienne Tadiran Israel Electronics Industries, poursuit Loewenstein. Devenu opérationnel à la fin de 1979, ce centre contenait les noms d'au moins 80 % de la population et pouvait détecter les changements dans l'utilisation de l'électricité ou de l'eau dans les maisons privées, ce qui permettait de repérer les activités antigouvernementales – par exemple, si une presse d'imprimerie était utilisée. Les médias israéliens rapportaient, précise Loewenstein, que l'objectif de ce centre était de « suivre les mouvements de la guérilla indigène dans la capitale ».
On sait que Ríos Montt, qui a géré le Guatemala de 1982 à 1983, a été condamné en 2013 à 80 ans de prison pour génocide et crimes contre l'humanité. Or, lorsqu'il a pris le pouvoir par un coup d'État le 23 mars 1982, les médias israéliens ont rapporté que des conseillers militaires israéliens avaient participé à ce coup. Et Montt a lui-même déclaré à un journaliste d'ABC, souligne Loewenstein, que si le coup d'État avait été un succès éclatant, c'est « parce que beaucoup de nos soldats avaient été formés par les Israéliens ».
La collaboration d'Israël avec Montt ne se limitait pas, cependant, à n'offrir que conseils et formation à ses militaires, poursuit Loewenstein. Le 6 décembre 1982, Montt commettait, dans le petit village indigène de Dos Erres, un des massacres les plus horribles et notoires de son règne. Environ trois cents personnes furent massacrées avec une brutalité choquante – crânes fracassés à coups de masse et corps jetés dans un puits.
« Toutes les preuves balistiques retrouvées correspondaient à des fragments de balles provenant d'armes à feu et de cosses de fusils Galil, fabriqués en Israël, » déclarait en 1999, la Commission vérité des Nations unies, après s'être rendue sur place pour exhumer les cadavres.
Colombie
Israël et les États-Unis ont formé et armé des escadrons de la mort en Colombie jusque dans les années 2000, affirme Loewenstein. « Les tristement célèbres fusils Galil de fabrication israélienne, autrefois utilisés dans le génocide guatémaltèque, se sont retrouvés chez des barons de la drogue colombiens à la fin des années 1980. Fabriquées par Israel Military Industries, rachetées par Elbit Systems en 2018, ces armes faisaient partie d'une présence israélienne beaucoup plus importante en Colombie, » poursuit-il. L'ancien trafiquant de drogue Carlos Castaño, qui dirigeait une force paramilitaire d'extrême droite, explique dans son autobiographie rédigée par un écrivain fantôme : « J'ai appris une quantité infinie de choses en Israël [dans les années 1980], et c'est à ce pays que je dois une partie de mon identité, de mes réalisations humaines et militaires. J'ai copié le concept des forces paramilitaires sur les Israéliens ».
L'ex-président colombien, Juan Manuel Santos a fait l'éloge de la société israélienne qui avait formé ses militaires, poursuit Loewenstein. Dans une émission de télévision israélienne, il déclarait : « On nous a même accusé d'être les Israélites de l'Amérique latine, ce qui me rend personnellement très fier. » L'émission mentionnait le raid colombien de 2008 en Équateur et l'assassinat du commandant en second des FARC, Paul Reyes.
Il est peu étonnant que le président progressiste de la Colombie, Gustavo Petro, soit un des critiques les plus virulents des actions génocidaires d'Israël à Gaza depuis le 7 octobre dernier. Le 1 mai 2024, il annonçait que son pays coupait tout lien diplomatique avec Israël.
La frontière entre les États-Unis et le Mexique
Les entreprises israéliennes de sécurité et de surveillance jouent un rôle important dans la protection de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Leur activité en Palestine s'avère, à cet égard, un outil précieux de promotion et commercialisation, affirme Loewenstein. La sécurisation de la frontière de 3 000 kilomètres bénéficie d'un grand soutien de la Maison Blanche, peu importe que celle-ci soit contrôlée par un Démocrate ou un Républicain. Et pour militariser cette frontière, on se sert fondamentalement de la technologie israélienne. L'objectif est de combiner la technologie de surveillance, l'infrastructure frontalière, les unités tactiques et le système de tours intégrées pour empêcher et dissuader les migrants d'entrer dans le pays et de traverser le désert mortel.
C'est l'objectif déclaré. Cependant, une telle militarisation de la frontière ne peut qu'aboutir à des morts, et en grand nombre, affirme Loewenstein. En constitue une preuve éloquente le fait que, depuis les années 1990, on ait retrouvé sept mille cadavres à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.
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Les Palestiniens dénoncent un “massacre” à Rafah

L'Autorité palestinienne a accusé Israël d'avoir perpétré “un massacre” dimanche, en frappant un centre pour personnes déplacées à Rafah. L'attaque, qui a fait au moins 35 morts selon les autorités de Gaza, a été confirmée par l'armée israélienne, qui assure avoir visé “un quartier général du Hamas”.
Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Un incendie fait rage dans un centre pour personnes déplacées à Rafah, dans la Bande de Gaza, après une frappe israélienne, le 26 mai 2024. Photo Reuters TV / Reuters.
La présidence palestinienne a accusé Israël d'avoir ciblé “délibérément” un centre pour personnes déplacées, géré par l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) au nord-ouest de Rafah, rapporte Middle East Eye.
“Cet atroce massacre perpétré par les forces d'occupation israéliennes est un défi à toutes les résolutions internationales”, a tonné l'Autorité palestinienne, trois jours après une décision de la Cour internationale de justice (CIJ) ordonnant à Israël de suspendre immédiatement ses opérations militaires à Rafah.
Sami Abu Zuhri, un haut responsable du Hamas, a lui aussi “qualifié l'attaque de Rafah de massacre, tenant les États-Unis pour responsables, compte tenu de leur aide militaire et financière à Israël”, ajoute Middle East Eye. Selon les autorités de Gaza, aux mains du Hamas, l'attaque aurait fait au moins 35 morts, dont une majorité de femmes et d'enfants.
“Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux montrent un énorme incendie sur le site, alors que les ambulanciers et les pompiers semblent avoir du mal à gérer la situation”, écrit CNN. “La zone ciblée comprenait un grand conteneur utilisé comme abri par des dizaines de familles, entouré de centaines de tentes”, ajoute la chaîne américaine.
Deux hauts responsables du Hamas tués
Selon Al-Jazeera, des dizaines de milliers de Palestiniens ont décidé d'installer leurs tentes dans cette zonne de Rafah, car le fait d'être “à côté d'un espace logistique de l'UNRWA” leur paraissait “plus sûr”. La chaîne qatarie précise que le feu s'est propagé à tout le secteur car “de nombreuses tentes sont en plastique et en tissu”.
“L'armée israélienne a confirmé l'attaque” mais a indiqué “avoir visé un quartier général du Hamas, où se tenait une réunion de haut niveau” du groupe armé, rapporte La Stampa. La décision de la CIJ publiée vendredi “semble donc avoir été inutile”, déplore le titre italien.
Le porte-parole de Tsahal a précisé que “deux hauts responsables du Hamas” avaient été tués lors de l'opération : “Yassin Rabia, responsable des opérations du Hamas en Cisjordanie, et Khaled Nagar, autre responsable du Hamas en Cisjordanie”, relève Ha'Aretz.
L'armée israélienne a également soutenu que les frappes avaient été menées “contre des cibles légitimes au regard du droit international, grâce à l'utilisation de munitions précises et sur la base de renseignements précis indiquant l'utilisation de la zone par le Hamas”. Elle a aussi concédé “avoir connaissance d'informations” selon lesquelles “un certain nombre d'individus non impliqués [avaient] été touchés” dans l'attaque et que “l'incident [était] en cours d'examen”.
“Isolement grandissant d'Israël”
Le New York Times souligne que les frappes israéliennes ont eu lieu “quelques heures après que le Hamas eut tiré plusieurs roquettes vers le centre d'Israël, déclenchant les sirènes d'alerte à Tel-Aviv pour la première fois depuis des mois”.
“Le Hamas se sent renforcé par l'isolement grandissant d'Israël et la pression internationale croissante pour que cesse l'offensive” sur Gaza, “malgré l'absence d'accord sur les otages”, analyse El Mundo. Un avis partagé par la BBC, pour qui “ce barrage de roquettes met en évidence la menace que le Hamas représente toujours pour la population d'Israël, même si aucun blessé n'a été signalé”.
La radiotélévision britannique remarque en outre que les événements de dimanche ont lieu “avant de nouvelles négociations de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, qui devraient reprendre la semaine prochaine”, sous l'égide des États-Unis, de l'Égypte et du Qatar.
Mais peu avant une réunion du cabinet de guerre dimanche soir à Tel-Aviv, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a assuré qu'il “[s'opposait] fermement” à la fin de la guerre dans les conditions actuelles.
Courrier international
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Israël / Cisjordanie : la génération Tik Tok ne baisse pas les armes

Benjamin Netanyahou est sur deux fronts simultanément. Il doit mener à bien sa réforme du système judiciaire israélien contre une opposition qui manifeste dans les rues, bloque les voitures de députés de la majorité et tente de dresser les Démocrates américains et les institutions juives américaines contre lui.
Tiré de MondAfrique.
Simultanément, le Premier ministre israélien doit affronter une tension croissante avec la génération islamiste Tik Tok en Cisjordanie. Ces jeunes qui affrontent les troupes israéliennes n'appartiennent à aucun groupe islamiste répertorié, mais sont armés et financés par le Hamas ou le Jihad Islamique quand ce n'est pas par les brigades al Aqsa de l'Autorité Palestinienne. Ils se distinguent du guérillero palestinien traditionnel en ce qu'ils ont renoncé à la mythologie nationale palestinienne et font volontiers des vidéos d'eux-mêmes en trans de brandir des armes, vidéos qu'ils mettent ensuite en ligne pour épater les jeunes filles.
Les troupes israéliennes à Naplouse
Les troupes israéliennes sont entrées mercredi à Naplouse pour arrêter ces miliciens Tik Tok qui planifiaient une attaque de type terroriste. Il en est résulté une fusillade qui a fait six morts parmi les hommes armés, mais en réalité beaucoup plus. Un Palestinien âgé serait décédé également ainsi que d'autres qui semblent ne faire partie d'aucun groupe. Le raid aurait ainsi fait en tout onze victimes. L'affrontement a eu lieu cette fois ci non pas dans un quartier isolé, mais au centre ville près d'un supermarché très fréquenté.
Le processus d'intervention de l'armée israélienne est souvent le même : des véhicules civils transportant des soldats sans uniforme ou des policiers en civil arrivent sur le lieu de l'affrontement et fixent les combattants, puis les véhicules de transport blindés débarquent et ceinturent le périmètre de combat, généralement une maison ou un immeuble. Aisément reconnaissables, ces véhicules blindés déchainent la fureur de la population qui les inonde de projectiles en tous genres tout au long de leur déplacement dans les rues de Naplouse ou Jenine.
Les deux derniers mois ont été le début d'année le plus meurtrier en Cisjordanie depuis au moins 2000. Selon un décompte du Wall Street Journal, au moins 60 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie et à Jérusalem-Est depuis soixante jours.
Ces jeunes qui meurent
Selon la journaliste Amira Hass du journal Haaretz, ces jeunes qui meurent en Cisjordanie, ne sont pas des combattants très aguerris et ne pèsent pas lourd face aux snipers et aux voitures de transports de troupes blindées de l'armée israélienne.
Après le raid meurtrier, la police israélienne a relevé son niveau d'alerte dans tout le pays mercredi soir, craignant des représailles. Une opération israélienne similaire à Jenine fin janvier qui a fait 10 morts a été rapidement suivie par l'attaque d'une synagogue à Jérusalem ou sept Israéliens ont trouvé la mort, soit l'attaque la plus meurtrière dans la ville depuis 2008. Le gouvernement israélien a promis une répression sévère contre l'activisme palestinien à l'approche du mois de Ramadan, à fin mars.
Les tensions en Cisjordanie ont aussi réveillé les tensions avec le Hamas. Le mouvement islamiste qui contrôle Gaza a tiré six roquettes en direction du territoire israélien. Ces roquettes ont été interceptées part Iron Dome, le système de défense anti-missile des Israéliens. Néanmoins, en riposte contre ces tirs de roquette contre la population civile israélienne, l'aviation israélienne est intervenue. Une usine de fabrication d'armes et un site militaire du Hamas à Jabalia, dans le nord de Gaza ont été détruits.
Les responsables palestiniens à Gaza n'ont signalé aucun blessé, bien que le site soit situé dans un quartier résidentiel près d'une école et d'un dispensaire.
Des « boucliers humains »
L'armée israélienne a dénoncé l'utilisation de « boucliers humains » par le Hamas qui « place ses moyens militaires au milieu de la population civile ». Le Hamas a juré que les frappes n'arrêteraient pas ses actions contre Israël et a déclaré que « la réponse à l'agression de l'occupation demeurera ».
L'envoyé des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, Tor Wennesland, s'est rendu dans la bande de Gaza jeudi matin. M. Wennesland rencontrera des responsables du Hamas dans le cadre des efforts visant à éviter que le conflit ne devienne incontrôlable, a déclaré un diplomate.
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Une interdiction des livres au « pays de la liberté »

Les États-Unis sont le pays qui se proclame le royaume de la liberté et dont l'histoire est marquée par des agressions contre sa propre population et celle du reste du monde pour imposer, dans le sang et le feu, ses prétendus idéaux de justice, de liberté et de droits de l'homme. Ces dernières années, les livres ont été interdits, la censure culturelle et éducative a été imposée, et des enseignant-e-s ont été expulsés des écoles et des universités pour ne pas se soumettre aux diktats des parents, des entreprises ou des groupes de pression, à la tête desquels se trouve le puissant lobby sioniste.
18 mai 2024 | tiré de Rebelion.org | Sources : El Colectivo (Medellín) - Rebelion
https://rebelion.org/prohicion-de-libros-en-el-pais-de-la-libertad/
De telles pratiques de la censure a été déclenchée en 1982, lorsqu'un conseil scolaire de New York a retiré es livres au motif que leurs auteurs étaient « anti-américains, antichrétiens, antisémites et tout simplement dégoûtant." À partir de ce moment, l'interdiction de livres et auteurs à travers les États-Unis, a été tel qu'en 2023, 4240 titres ont été retirés des bibliothèques scolaires, ce qui représente une augmentation de 65 % par rapport à 2022, année où ont été interdits 2571 titres. Des livres ont été interdits dans 41 États, ce qui affecte des millions d'enfants et de jeunes.
L'attaque contre les livres fait désormais partie du programme politique des groupes organisés, qui sont liés au Parti Républicain. Dans une moindre mesure, il y a de la censure au nom de la politique concernant certaines questions de genre et le sexe.
Plusieurs États, notamment le Texas, l'Oklahoma et la Floride, ont promulgué des lois restreignant officiellement les livres dans les écoles dont le contenu est considéré comme obscène ou dangereux en termes de race, de genre, de classe ou de sexe. Les livres qui traitent du racisme, de l'exclusion de la population noire, de la violence sexuelle ou qui parlent simplement de relations sexuelles, de consommation d'alcool ou d'inégalités sociales sont interdits.
Ceux qui promeuvent la censure s'organisent en groupes, en principe composés de quelques belligérants et ignorants, qui Ils pointent du doigt les livres qu'ils veulent retirer des écoles. Ces nouveaux Inquisiteurs ont développé une sorte de livre noir, dans lequel une liste de livres dont on a souligné les « passages obscènes ou offensants », qui devraient être retirées de la circulation dans les établissements d'enseignement. Quand Un parent signale un livre comme inapproprié, pornographique ou dangereux. il doit être immédiatement retiré de la bibliothèque de l'école, jusqu'à ce que le Le conseil scolaire détermine si le texte est inapproprié ou non.
Le mouvement national qui a commencé comme un groupe de Facebook en Floride s'appelle « Moms for Freedom ». Son objectif est de pour lutter « pour la survie de l'Amérique (États-Unis), unifier, éduquer et donner aux parents les moyens de défendre leurs droits parentaux à tous les niveaux des institutions d'enseignement. Et cela signifie choisir des candidats pour les représenter dans les comités Éducatif dans chaque école. Leurs intérêts sont ceux de l'extrême droite, avec leurs conceptions rétrogrades en matière sociale, culturelle et éducative, fondées sur ceux et celles qui défendent le racisme, la discrimination, l'inégalité, la violence et l'oppression sous toutes ses formes et expressions.
Les censeurs modernes, qui utilisent le technologies numériques sophistiquées, invitent les parents à créer un compte sur (anti)réseaux sociaux dans lesquels ils documentent des exemples d'endoctrinement pour faire connaître à la communauté les idées « méchantes et maléfiques » qui se retrouvent dans ces œuvres. Ils leur fournissent un modèle de lettre à envoyer à différents représentant-e-s. Cela a des effets immédiats, puisque, par exemple, dans les écoles de Floride, n'importe qui peut demander de retirer un livre et de le retirer immédiatement de l'étagère.
L'interdiction des livres est devenue une partie des manifestes électoraux des candidats au poste de gouverneur du GOP (les Républicains), et certains d'entre eux ont gagné. Ainsi, en 2020, Glenn Youngkin a été élu gouverneur de Virginie. Il a annoncé pendant la campagne électorale qu'il interdirait les cours sur le racisme dans le programme scolaire de l'État. Cet exemple a ensuite été repris par d'autres candidats, puis par des gouverneurs.
Ron DeSantis, actuel gouverneur de Floride, et qui était le candidat présidentiel du Parti républicain, est en tête dans sa campagne contre les livres et l'éducation. En mars 2022, il a promulgué les Droits parentaux dans l'éducation, mieux connue sous le nom de loi Don't Say Gay, Gay, qui interdit la distribution d'information et la discussion sur l'orientation sexuelle avant l'âge de onze ans. Lles discussions sur le racisme et l'esclavage ont été restreintes, et un poste de professeur d'histoire afro-américaine pour les enfants de moins de 18 ans est interdit. La loi stipule que les parents peuvent poursuivre les enseignants qui ne se conforment pas aux prescriptions énoncées dans la loi.
Cela génère de la peur et de l'autocensure parmi les des enseignants qui ne peuvent plus parler de pratiquement rien ou montrer des objets qui peuvent être considéré comme inapproprié. À cet égard, et dans une affaire tragi-comique, une école de Tallahasee, la capitale de l'État de Floride, a été expulsée de sa position un enseignant qui a montré des photographies du David de Michel-Ange, dans un cours d'art.
La liste des livres et auteurs interdits est et les raisons invoquées pour restreindre la lecture de certaines ou de toutes ces œuvres sont frappants par leur ridicule et leur stupidité, ce qui éclaire leurs intentions et le niveau intellectuel atteint les États-Unis, le pays de la « liberté ». Entre Les auteurs qui ont été bannis dans ce pays forment une liste qui n'a rien à envier à celle de la Sainte Inquisition. Ce sont des auteurs de la stature de William Shakespeare, Gabriel García Márquez, Mark Twain, Gustave Flaubert, John Milton, Aldous Huxley, Fiodor Dostoïevski qui sont visés. La plupart des auteurs interdits viennent des États-Unis. Parmi les cas les plus tristement célèbres, il y a celui de Toni Morrison, une femme et une femme noire qui a remporté le prix Nobel de littérature en 1992.
Le niveau des censeurs se mesure aux raisons invoquées pour interdire des livres, comme le montrent quelques exemples : Le Petit Chaperon Rouge parce qu'elle a du vin dans le panier qu'elle porte pour Mamie ; Les Aventures de Tom Sawyer de Mark Twain, parce qu'il est moralement discutable ; "Trop de sexe" est invoqué pour interdire Roméo et Juliette de Shakespeare ; Blue Eyes, écrit par Toni Morrison, a été censuré parce qu'il était considéré comme sexuellement explicite et parce qu'il parle d'abus sexuels sur des enfants... En revanche, Mein Kampf d'Adolf Hitler n'a jamais été retiré de la circulation, ni interdit dans les écoles.
L'interdiction des livres visent particulièrement les livres qui parlent de la pauvreté, de la différence de classe, du racisme et regardent l'histoire et la société des États-Unis avec des perspectives critiques. Dans la logique des censeurs, ni le capitalisme, ni le marché libre, ni les diverses formes d'oppression qui existent aux États-Unis et que ce pays impose au reste du monde ne peuvent être remis en question. La plupart des parents d'élèves sont convaincus, sur la base de leurs croyances conservatrices et de leurs préjugés idéologiques et culturels, que des points de vue alternatifs ne peuvent être offerts aux élèves qui remettent en question la façon dont l'Amérique fonctionne et les informent sur cette autre histoire du « pays de la liberté », c'est-à-dire celle de l'oppression, de l'injustice et de l'inégalité.
Publié en version imprimée dans El Colectivo (Medellín), avril 2024
Rebelión a publié cet article avec l'autorisation de l'auteur sous une licence Creative Commons, dans le respect de sa liberté de le publier dans d'autres sources.
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Génocide à Gaza : Biden prêt à sanctionner la Cour pénale internationale pour protéger Netanyahou

Le secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken veut un accord bipartisan avec les Républicains pour prendre des sanctions contre la Cour pénale internationale, après que le procureur ait requis des mandats contre Benjamin Netanyahou et son ministre de la Défense.
22 mai 2024 | tiré de Révolution permanente
Ce lundi, le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), M. Khan a demandé plusieurs mandats d'arrêt contre le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ministre de la défense, Yoav Gallant, ainsi que contre des membres du bureau politique du Hamas. Si cette demande doit encore être examinée par les juges de la CPI, le président américain n'a pas tardé à réagir. Le jour même de l'annonce, Joe Bidena condamné en conférence de presse la décision du procureur de poursuivre des responsables israéliens : « Permettez-moi d'être clair : nous rejetons la demande de la Cour pénale internationale de délivrer des mandats d'arrêt contre des dirigeants israéliens. Contrairement aux allégations de la Cour internationale de justice à l'encontre d'Israël, ce qui se passe n'est pas un génocide. Nous rejetons ces allégations ».
Ce mardi, c'était au tour du secrétaire d'Etat Anthony Blinken de menacer la CPI d'éventuelles sanctions de l'Etat américain. L'administration de Joe Biden va ainsi travailler avec le Congrès américain pour sanctionner la Cour pénale internationale pour être intervenu dans les affaires des États-Unis. Si la nature des sanctions n'a pas encore été annoncée, elles pourraient être similaires à celles imposées par l'administration Trump à Fatou Bensouda, alors procureur en chef de la CPI, et à Phakiso Mochochoko, chef de juridiction de la Cour, pour leur enquête sur les crimes de guerre présumés des États-Unis en Afghanistan : un gel de leurs avoirs et une interdiction de déplacement aux États-Unis.
Des mesures qui vont nécessiter une étroite collaboration entre l'administration démocrate et les Républicains, majoritaires au Congrès, comme l'a assumé Anthony Blinken dans des propos rapportés par le Financial Times : « Nous voulons travailler avec vous sur une base bipartisane pour trouver une réponse appropriée ». Une nouvelle démonstration de l'unité de l'establishment étatsunien derrière la politique du gouvernement israélien, le soutien inconditionnel à l'Etat d'Israël étant un axiome commun aux Républicains comme aux Démocrates, et de la continuité de la politique étrangère de Trump et de Biden.
Pourtant, les attaques contre la Cour pénale internationale pourraient aiguiser encore davantage les contradictions qui fissurent le camp démocrate, déjà affecté par la mobilisation étudiante contre les massacres à Gaza et la complicité de Genocide Joe. Sous la pression du mouvement propalestinien, la position de l'aile gauche du parti démocrate a grandement évolué ces derniers mois. Si les démocrates ne parviennent pas à instrumentaliser les mobilisations, l'aile gauche tente de se distinguer pour capitaliser sur le mouvement : Bernie Sanders a ainsi annoncé « soutenir la CPI et ses actions ».
Si l'administration étatsunienne tente toujours de pousser le gouvernement israélien à abandonner son projet d'invasion à Rafah, la décision de la Cour décrédibilise la diplomatie étatsunienne qui espérait pouvoir convaincre Netanyahou de renoncer à prendre Rafah en contrepartie de la fin de l'enquête de la CPI. Si le gouvernement étatsunien joue de la menace pour empêcher la suite de la procédure, l'émission de mandats d'arrêt à l'encontre des gouvernants israéliens affaiblirait encore davantage Joe Biden, déjà dans une situation particulièrement délicate.
Pour autant, ces mandats d'arrêt ne forceraient pas le gouvernement étatsunien à arrêter Benjamin Netanyahou ou Yoav Gallant, les Etats-Unis n'étant pas signataires des statuts de Rome. Même dans l'hypothèse où la CPI parviendrait à ne pas céder à la pression, il est très improbable que les mandats soient exécutés. La CPI dépend en effet de la bonne volonté des Etats membres pour arrêter les personnes ciblées par un mandat, puisqu'elle ne dispose d'aucune force indépendante. La CPI ne peut pas non plus juger les accusés par coutumace, c'est-à-dire en leur absence, et il y a donc fort à parier que les dirigeants israéliens ne répondront jamais aux accusations qui les visent devant la CPI. Si la position de la CPI est pour le moment la plus « dure » exprimée à l'encontre du gouvernement israélien, elle ne devrait pas avoir d'impact sur la situation à Gaza et la politique menée par Benjamin Netanyahou.
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Israël armé par les Etats-Unis : comment et avec quelle ampleur Biden contourne les procédures établies ?

Les Etats-Unis sont depuis longtemps le plus grand fournisseur d'armes d'Israël. Au cours des quatre dernières années, les Etats-Unis ont fourni à Israël 69% de ses importations d'armes : des F-35 aux munitions chimiques (phosphore blanc), en passant par les obus de chars et les bombes de précision. Malgré cela, l'administration Biden prétend ne pas savoir comment ces armes sont utilisées, même lorsqu'elles mutilent et tuent des citoyens américains [référence à la frappe ayant causé la mort de sept employés de World Central Kitchen, le 1er avril].
Tiré d'À l'encontre.
Depuis le début de la dernière guerre contre Gaza, des fonctionnaires du ministère de la Défense et de la CIA se trouvent en Israël pour aider les Israéliens dans les domaines du renseignement, de la logistique, du ciblage et de l'évaluation des dommages causés par les bombes. Pourtant, l'administration Biden affirme n'avoir aucune preuve tangible que les armes qu'elle a transférées à Israël ont été utilisées pour massacrer des civils, torturer des détenus ou restreindre l'acheminement de l'aide humanitaire aux civils palestiniens affamés, déshydratés et malades.
***
Sous la pression de Bernie Sanders [sénateur indépendant du Vermont], Chris Van Hollen [sénateur démocrate du Maryland], Jeff Merkley [sénateur démocrate de l'Oregon]et d'autres démocrates du Congrès, le président a publié en février le mémorandum de sécurité nationale 20 (NSM-20, ou « mémorandum de sécurité nationale sur les garanties et la responsabilité concernant les articles de défense et les services de défense transférés »). Ce dernier demande au département d'Etat d'« obtenir certaines assurances écrites crédibles et fiables de la part des gouvernements étrangers recevant des équipements de défense [américains] et, le cas échéant, des services de défense » qu'ils respecteront le droit américain et le droit international. La NSM-20 exige également que les départements d'Etat et de la Défense fassent rapport au Congrès dans les 90 jours sur la mesure dans laquelle ces partenaires respectent leurs assurances. Il souligne « l'évaluation de tout rapport ou allégation crédible selon lequel des équipements de défense et, le cas échéant, des services de défense, ont été utilisés d'une manière non conforme au droit international, y compris le droit international humanitaire ». Le rapport NSM-20 demandait également à l'administration Biden d'évaluer si Israël avait pleinement coopéré avec les efforts internationaux et soutenus par le gouvernement des Etats-Unis pour fournir une assistance humanitaire dans la zone de conflit. Le délai de 90 jours a été dépassé de deux jours [le 17 mai], ce qui a probablement repoussé la publication du rapport à la fin de l'après-midi d'un vendredi, moment traditionnellement creux pour les nouvelles que l'on voudrait enterrer.
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Depuis le 7 octobre, l'administration Biden a approuvé plus de 100 transferts d'armes à Israël dans le cadre des ventes de matériel militaire à l'étranger. Deux de ces transferts ont fait l'objet d'une autorisation d'urgence afin de contourner l'examen du Congrès. La vague de transferts d'armes vers Israël a commencé au début du mois d'octobre et la quantité de matériel expédié était telle que le Pentagone a eu du mal à trouver suffisamment d'avions-cargos pour les acheminer. Alors que le Pentagone fournit régulièrement des informations détaillées sur les armes envoyées en Ukraine, il n'a publié que deux mises à jour sur le type et la quantité d'armes envoyées en Israël. Mais ces deux rapports, publiés en décembre 2023, suggèrent que les armes comprenaient des obus d'artillerie, des obus de chars, des systèmes de défense aérienne, des munitions guidées de précision, des armes légères, des missiles Hellfire utilisés par des drones, des obus de canon de 30 mm, des dispositifs de vision nocturne PVS-14 et des roquettes à épaulement jetables (mais probablement pas biodégradables). Fin octobre, une vente à Israël comprenait des kits JDAM (Joint Direct Attack Munition) d'une valeur de 320 millions de dollars, destinés à convertir des bombes « muettes » non guidées en munitions guidées par GPS. Cette vente s'ajoutait à une autre, d'une valeur de 403 millions de dollars, portant sur les mêmes systèmes de guidage. Entre le 7 octobre et le 29 décembre, les livraisons d'armes américaines à Israël comprenaient 52 229 obus d'artillerie M795 de 155 millimètres, 30 000 charges propulsives M4 pour obusiers, 4792 obus d'artillerie M107 de 155 millimètres et 13 981 obus de chars M830A1 de 120 millimètres.
Depuis des années, les Etats-Unis conservent en Israël un stock d'armes secrètes destinées à être utilisées dans le cadre d'opérations américaines au Moyen-Orient. Dans un geste extraordinaire, l'administration Biden a donné aux FDI (Forces de défense israéliennes) l'accès à ces munitions, y compris les bombes de 2000 livres qui ont été utilisées pour détruire les villes de Gaza. Les Etats-Unis auraient transféré au moins 5000 « bombes muettes » de 2000 livres à Israël depuis le 7 octobre.
Ces transferts et ventes d'armes s'inscrivent en grande partie dans le cadre d'un accord conclu en 2016 par l'administration Obama, qui engageait les Etats-Unis à fournir à Israël au moins 38 milliards de dollars d'armes sur dix ans. En mars, alors que le nombre officiel de morts à Gaza avait déjà dépassé les 30 000, le département d'Etat a autorisé le transfert de 25 avions de combat F-35A et de leurs moteurs, d'une valeur d'environ 2,5 milliards de dollars. Cet accord a été rapidement suivi, en avril, par l'approbation par Biden de la vente de 50 chasseurs F-15 à Israël, pour un prix de vente total de 18 milliards de dollars. Plus tard, en avril, Biden a signé un programme d'aide qui permettra à Israël de bénéficier d'une aide militaire supplémentaire de 15 milliards de dollars.
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Aucun de ces transferts n'a été assorti de conditions quant à l'utilisation des armes. En effet, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de Joe Biden, John Kirby, a déclaré à plusieurs reprises que la Maison-Blanche n'avait imposé « aucune ligne rouge » pour les offensives d'Israël à Gaza et au Sud-Liban. Selon une analyse du Washington Post, les FDI ont largué plus de 22 000 munitions sur Gaza au cours des 45 premiers jours de la guerre, munitions qui ont été fabriquées aux Etats-Unis.
L'administration Biden s'était enfermée dans un carcan, car les « lignes rouges » étaient déjà fixées. Et ce n'est pas seulement le droit international, pour lequel l'administration Biden fait régulièrement preuve de mépris lorsqu'il s'applique aux Etats-Unis et à leurs alliés, qui interdit les ventes d'armes aux pays qui violent le droit humanitaire, mais aussi plusieurs lois américaines, ainsi que les procédures internes de l'exécutif de Biden.
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La loi, les règlements et la politique de transfert d'armes conventionnelles des Etats-Unis exigent la suspension de l'assistance militaire lorsque nos transferts d'armes sont utilisés en violation du droit humanitaire international :
– La « loi Leahy » (22 U.S. Code § 2378d) exige l'interruption automatique de l'aide américaine à la sécurité des unités militaires étrangères impliquées de manière crédible dans des violations flagrantes des droits de l'homme.
– La section 502B de la loi sur l'assistance aux pays étrangers interdit aux Etats-Unis de fournir une assistance en matière de sécurité à tout gouvernement qui se livre à des violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme [ce que tendent à confirmer les dernières conclusions de la CIJ et de la CPI].
– La section 620I de la loi sur l'aide à l'étranger « …interdit aux Etats-Unis de fournir une assistance en matière de sécurité ou de vendre des armes à tout pays lorsque le président est informé que le gouvernement interdit ou restreint, directement ou indirectement, le transport ou l'acheminement de l'aide humanitaire des États-Unis ».
– La politique de transfert d'armes conventionnelles de l'administration Biden, publiée en 2023, stipule que les Etats-Unis ne transféreront pas d'armes lorsqu'il est « plus probable qu'improbable » que ces armes seront utilisées pour commettre, faciliter la réalisation ou aggraver le risque de violations graves des droits de l'homme ou du droit humanitaire international, parmi d'autres violations spécifiées.
– En 2022, l'administration Biden a signé, avec plus de 80 autres pays, une déclaration commune sur les armes explosives dans les zones peuplées (EWIPA-Explosive Weapons in Populated Areas), dans laquelle les signataires « condamnent fermement toute attaque dirigée contre des civils, d'autres personnes protégées et des biens civils, y compris les convois d'évacuation de civils, ainsi que les bombardements aveugles et l'utilisation aveugle d'armes explosives », qui sont incompatibles avec le droit humanitaire international.
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Comment Biden pourrait-il se sortir de ce dilemme ?
Bien que le département d'Etat américain ait prudemment admis qu'il était « raisonnable d'estimer » qu'Israël utilisait des armes fournies par les Etats-Unis dans des cas qui, selon lui, pourraient être « incompatibles » avec les obligations du droit humanitaire international et avec le mémorandum américain sur la sécurité nationale de février 2024 qui exige des gouvernements étrangers qu'ils garantissent qu'ils ne violeront pas les droits de l'homme avec des armes achetées aux Etats-Unis, il a conclu qu'il ne disposait d'aucune preuve tangible que c'était le cas. Plus risible encore, le rapport du département d'Etat a déclaré qu'il acceptait comme « crédibles et fiables » les assurances d'Israël selon lesquelles il utiliserait les armes américaines conformément à la loi, étant donné l'absence d'informations complètes permettant de vérifier que les armes américaines ont bien été utilisées dans des cas spécifiques. L'administration n'a pas non plus constaté qu'Israël avait intentionnellement entravé l'aide humanitaire à Gaza, du moins pas pendant la semaine où le rapport a été publié, ce qui semble être à peu près tout ce qu'elle a pris en compte.
Alors que le NSM-20 demandait au département d'Etat d'enquêter sur « tout rapport ou allégation crédible » concernant une éventuelle utilisation abusive d'armes américaines par le gouvernement israélien, l'équipe d'Antony Blinken n'a examiné que dix incidents, et encore, de manière superficielle. Lorsqu'il s'est agi de déterminer si Israël avait mis en œuvre les « meilleures pratiques » pour limiter les dommages causés aux civils lors de ses opérations militaires dans des zones urbaines densément peuplées, le rapport de Blinken n'a pas identifié ni examiné de cas spécifiques, se contentant de citer la conclusion anodine de la Communauté du renseignement des Etats-Unis selon laquelle Israël « pourrait faire plus » pour éviter les pertes civiles.
Selon Akbar Shahid Ahmed, du Huffington Post (le 9 mai), deux des principaux collaborateurs de Joe Biden, Jack Loew (ambassadeur en Israël) et David Satterfield (envoyé humanitaire à Gaza), ont joué un rôle décisif dans l'édulcoration des critiques formulées par le rapport conter Israël, en particulier en ce qui concerne la restriction des flux d'aide à Gaza. Un fonctionnaire du département d'Etat a déclaré à Amar : « C'était la tâche de Satterfield de défendre Israël. »
Les preuves du massacre massif de civils par Israël, du bombardement de cibles non militaires et d'infrastructures civiles, de l'assassinat de travailleurs humanitaires et de personnel médical, ainsi que du retard, de l'obstruction et de la restriction de l'aide humanitaire sont accablantes et ont été méticuleusement documentées depuis octobre par l'ONU, ainsi que par des organisations humanitaires et de défense des droits de l'homme, dont Amnesty International, Oxfam et Human Rights Watch. Si le département d'Etat ne pouvait pas obtenir les évaluations de la CIA et du Pentagone, il aurait pu consulter et évaluer les rapports préparés par ces organisations. Mais, comme l'a noté Chris Van Hollen, « ces rapports indépendants soulignent une tendance inquiétante : l'administration cite l'important travail de ces organisations lorsque cela lui convient, mais l'ignore lorsque cela ne lui convient pas ».
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Pour mémoire, examinons le dossier depuis le 7 octobre en suivant simplement le cheminement des missiles.
Le 7 octobre, jour des attaques du Hamas, Israël a coupé l'électricité qu'il fournit à Gaza, la principale source d'énergie de la bande. L'électricité est restée coupée au moins jusqu'au mois de mars.
Le 7 octobre 2023, Nidal al-Waheidi et Haitham Abdelwahed, journalistes palestiniens de Gaza, ont été arrêtés par les FDI alors qu'ils couvraient l'attaque menée par le Hamas dans le sud d'Israël. Plus de sept mois plus tard, les autorités israéliennes refusent toujours de révéler le lieu où ils se trouvent, ainsi que les motifs légaux et les raisons de leur arrestation.
En octobre, Israël a utilisé des munitions d'attaque directe conjointes (JDAM-Joint Direct Attack Munitions) fabriquées aux Etats-Unis lors de deux frappes meurtrières sur des maisons palestiniennes dans la bande de Gaza occupée, tuant 43 civils – 19 enfants, 14 femmes et 10 hommes.
Le 9 octobre, une frappe aérienne des Forces de défense israéliennes sur le camp de réfugiés de Jabalia a détruit plusieurs bâtiments à plusieurs étages, tuant au moins 39 personnes. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) a constaté qu'il n'y avait pas d'objectif militaire spécifique et qu'aucun avertissement n'avait été donné avant l'attaque.
Le 9 octobre 2023, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a annoncé un « siège complet » de Gaza : « Nous imposons un siège complet à [Gaza]. Pas d'électricité, pas de nourriture, pas d'eau, pas de carburant – tout est fermé. Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence. » La politique de blocus a été réaffirmée le 18 octobre 2023 par le Premier ministre Benyamin Netanyahou, qui a déclaré que « nous n'autoriserons pas l'aide humanitaire sous forme de nourriture et de médicaments à partir de notre territoire vers la bande de Gaza ». Pendant les douze jours qui ont suivi, Israël a fermé tous les points d'accès à Gaza et a bombardé à plusieurs reprises le poste-frontière de Rafah avec l'Egypte. Le blocus complet impose une punition collective à tous les habitants de Gaza et viole la section 620I du Foreign Assistance Act.
Le 10 octobre, une frappe aérienne des FDI a démoli un bâtiment dans le quartier Sheikh Radwan de la ville de Gaza, tuant au moins 40 civils. Selon Amnesty International, un membre du Hamas vivait à l'un des étages de l'immeuble, mais il n'était pas présent au moment du bombardement. Le même jour, une frappe aérienne des FDI sur une maison à Deir al Balah a tué 21 membres de la famille al Najjar ainsi que trois voisins. L'enquête d'Amnesty International a permis d'établir qu'une bombe de 2000 livres équipée d'une munition d'attaque directe conjointe (JDAM) et d'un kit de guidage avait été utilisée lors de cette frappe meurtrière. Rien n'indique qu'il y ait eu des cibles militaires légitimes dans la zone.
Le 11 octobre, la seule centrale électrique de Gaza s'est retrouvée à court de réserves de carburant, après qu'Israël a bloqué l'entrée du carburant dans la bande.
Le 13 octobre, une attaque de chars israéliens dans le sud du Liban a tué le journaliste de Reuters Issam Abdallah, grièvement blessé la photographe de l'AFP Christina Assi, et blessé cinq autres reporters, dont un citoyen américain. Selon une enquête de Human Rights Watch, les tirs des Israéliens étaient « apparemment une attaque délibérée contre des civils, ce qui constitue un crime de guerre ».
Le 16 octobre, les forces israéliennes ont utilisé du phosphore blanc de fabrication américaine lors d'une attaque à Dhayra, dans le sud du Liban, d'une manière incompatible avec le droit humanitaire international, qui a blessé au moins neuf civils et endommagé des bâtiments civils. Le ministère libanais de l'Environnement a déclaré qu'au moins 6,82 kilomètres carrés de terres ont été brûlés lors des attaques des forces israéliennes, en grande partie à cause du phosphore blanc. Une enquête menée par le Washington Post a révélé que l'armée israélienne avait utilisé des munitions au phosphore blanc fournies par les Etats-Unis lors de ces attaques.
Le 19 octobre, une frappe aérienne israélienne a détruit un bâtiment dans l'enceinte de l'église orthodoxe grecque Saint Porphyre, au cœur de la vieille ville de Gaza, où s'abritaient environ 450 personnes déplacées de la petite communauté chrétienne de Gaza. La frappe a tué 18 civils et en a blessé au moins 12 autres.
Le 19 octobre, les FDI ont mené deux frappes aériennes sur la maison de la famille Saqallah à Sheikh Ajleen près de Tal-Hawa, à l'ouest de la bande de Gaza, où la famille élargie s'était réunie pour s'abriter de l'attaque. Tous les occupants de la maison ont été tués, dont 4 enfants et 4 médecins.
Le 20 octobre, 28 civils, dont 12 enfants, ont été tués par une frappe israélienne qui a détruit la maison de la famille al-Aydi et gravement endommagé deux maisons voisines dans le camp de réfugiés d'al-Nuseirat. Les maisons se trouvaient dans une zone du centre de la bande de Gaza où l'armée israélienne avait ordonné aux habitants du nord de la bande de Gaza de se déplacer.
Le 21 octobre, Israël n'a autorisé que 20 camions d'aide humanitaire, contenant des denrées alimentaires, de l'eau, du fourrage pour les animaux, des fournitures médicales et du carburant, à passer par le point de passage de Rafah pour entrer dans la bande de Gaza. En revanche, avant le 7 octobre, la population de Gaza dépendait en moyenne de 500 camions chargés de nourriture, d'eau, de médicaments et d'autres produits essentiels chaque jour. Des mois plus tard, lorsqu'Israël a finalement ouvert les points de passage de Rafah et de Kerem Shalom, les FDI ont imposé un système d'inspection arbitraire et restrictif qui a entraîné des embouteillages massifs et de longues files d'attente pouvant aller jusqu'à 2000 camions. Aujourd'hui encore, il faut en moyenne 20 jours aux camions humanitaires pour se rendre du point d'inspection israélien d'Al Arish à Gaza.
Le 22 octobre 2023, une frappe aérienne des FDI sur une maison à Deir al-Balah a tué 18 membres de la famille Mu'ei-leq – 12 enfants et 6 femmes – ainsi qu'un voisin. Amnesty International a établi que la maison avait été touchée par une bombe de 1000 livres équipée d'une munition d'attaque directe conjointe (JDAM) dotée d'un système de guidage.
Entre le 7 octobre et le 7 novembre, les forces israéliennes ont bombardé plusieurs hôpitaux et cliniques, notamment l'hôpital de l'amitié turco-palestinienne, l'hôpital indonésien et le centre international de soins ophtalmologiques. Les hôpitaux bénéficient d'un statut protégé en vertu du droit humanitaire international et ne perdent leur protection contre les attaques que s'ils sont utilisés pour commettre des « actes préjudiciables à l'ennemi », bien que les avertissements, la proportionnalité et la distinction soient toujours requis.
Le 25 octobre, des frappes aériennes israéliennes ont décimé le quartier d'Al Yarmouk, détruisant sept tours résidentielles. Dans la seule tour résidentielle Al Taj, le bombardement a tué 91 Palestiniens, dont 28 femmes et 39 enfants.
Le 31 octobre, une frappe aérienne des FDI a visé un immeuble d'habitation de six étages près du camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de Gaza. Au moins 106 civils, dont 54 enfants, ont été tués dans ce bombardement. Les autorités israéliennes n'ont fourni aucune justification pour cette attaque. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve de l'existence d'une cible militaire à proximité de l'immeuble au moment de l'attaque.
Le 5 novembre, les forces israéliennes ont frappé une famille dans une voiture dans le sud du Liban, tuant trois filles âgées de 10, 12 et 14 ans et leur grand-mère. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve de l'existence d'une cible militaire à proximité de la voiture qui a été frappée et qui ne contenait que des civils en fuite. Selon Human Rights Watch, l'attaque de la voiture montre « un mépris inconsidéré de l'armée israélienne pour son obligation de faire la distinction entre les objets civils et militaires et un manquement significatif à l'obligation de prendre des mesures de protection adéquates pour éviter la mort de civils ».
Le 3 novembre, une frappe aérienne israélienne sur une ambulance balisée à l'extérieur de l'hôpital al-Shifa a tué 21 personnes, dont 5 enfants, et en a blessé 60. Les ambulances sont des biens civils protégés en vertu du droit international humanitaire et ne peuvent être prises pour cible lorsqu'elles sont utilisées pour soigner des blessés et des malades, qu'il s'agisse de civils ou de combattants. Un porte-parole des FDI a justifié l'attaque lors d'une interview télévisée en déclarant : « Nos forces ont vu des terroristes utiliser des ambulances pour se déplacer. Elles ont perçu une menace et, en conséquence, nous avons frappé cette ambulance. » Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve que l'ambulance attaquée était utilisée à des fins militaires, mais a au contraire vérifié une vidéo montrant une femme sur un brancard dans l'ambulance.
En décembre 2023, des frappes aériennes des FDI ont détruit plusieurs bâtiments dans le camp de réfugiés d'Al Maghazi, tuant au moins 68 personnes. Un responsable militaire israélien a admis à la chaîne publique israélienne Kanque « [l]e type de munition ne correspondait pas à la nature d'un tel objectif, causant d'importants dommages collatéraux qui auraient pu être évités ».
Du 1er janvier au 12 février, plus de la moitié des missions d'aide humanitaire prévues dans le nord de Gaza ont été entravées par les autorités israéliennes. Les restrictions comprenaient : l'absence de garantie d'un passage sûr ; l'absence d'ouverture de routes supplémentaires vers le nord de Gaza ; des retards excessifs ; et le refus pur et simple de l'accès par l'armée israélienne.
Le 9 janvier 2024, une frappe aérienne israélienne a touché un immeuble d'habitation de cinq étages appartenant à la famille Nofal dans le quartier de Tal Al-Sultan à Rafah. L'attaque a tué 18 civils, dont 10 enfants, quatre hommes et quatre femmes. Au moins huit autres personnes ont été blessées. Une analyse des fragments de la bombe effectuée par Amnesty International a permis de déterminer qu'il s'agissait d'une bombe de petit diamètre GBU-39 à guidage de précision, fabriquée aux Etats-Unis par Boeing.
Le 29 janvier 2024, les FDI ont attaqué une voiture transportant la famille de Hind Rajab, une fillette palestinienne de 6 ans, dans la zone identifiée plus tard comme Tel Al-Hawa, dans la ville de Gaza. La plupart des membres de sa famille ont été tués lors de l'attaque initiale, laissant Hind en vie parmi les corps de ses six parents. Deux médecins du Croissant-Rouge palestinien ont été dépêchés pour secourir Hind, qui a peut-être été tuée par les tirs israéliens avant leur arrivée. Ils ont également été attaqués et tués. Leur ambulance a été écrasée par des chars israéliens. Le Washington Post a identifié sur les lieux un fragment d'obus de 120 mm de fabrication américaine.
Le 2 février, un navire israélien a tiré sur un convoi de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui attendait d'entrer dans le nord de Gaza par la route Al Rashid.
Le 13 février, il a été révélé que le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, bloquait la livraison d'une cargaison de farine financée par les Etats-Unis au port d'Ashdod depuis au moins le 19 janvier 2024, alors que Netanyahou avait assuré à Biden que la cargaison serait autorisée à entrer à Gaza.
Le 16 février, la production d'eau à Gaza n'était plus que de 5,7% de ce qu'elle était avant le début de la guerre, ce qui a entraîné des cas de déshydratation grave, ainsi que l'apparition de maladies, notamment l'hépatite A et la diarrhée. Depuis novembre, les habitants du nord de Gaza n'ont pas accès à l'eau potable, tandis que depuis mars, les habitants du sud de Gaza ne disposent en moyenne que de deux litres d'eau par jour.
Le 24 mars 2024, alors que le nord de Gaza est au bord de la famine, les autorités israéliennes déclarent aux Nations unies qu'elles n'autoriseront plus le passage de convois alimentaires de l'UNRWA dans le nord de Gaza. Le même jour, les forces israéliennes ont tiré sur des personnes qui attendaient la distribution de nourriture sur un site situé au rond-point de Koweït.
Le 1er avril, une frappe aérienne israélienne a tué sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen suite à trois frappes distinctes sur des véhicules portant le logo de la WCK dans une rue « désignée pour le passage de l'aide humanitaire ». Les trois voitures ont été frappées l'une après l'autre et ont été retrouvées détruites à près d'un kilomètre et demi de distance. Les frappes ont été autorisées par un colonel et supervisées par un major.
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Voici un extrait du rapport (publié le 18 avril) de l'Independent Task Force on NSM-20, rédigé par Noura Erakat et Josh Paul, ancien fonctionnaire du département d'Etat : « Bien qu'Israël ait attribué les 34 000 victimes palestiniennes, dont 70% sont des femmes et des enfants, à la prétendue utilisation de civils comme boucliers humains par le Hamas, nous avons constaté que dans 11 des 16 incidents que nous avons analysés, Israël n'a même pas défini publiquement une cible militaire ou tenté de justifier l'attaque. Sur les cinq incidents restants, Israël a publiquement désigné des cibles, avec vérification dans deux cas, mais aucun avertissement de précaution n'a été donné et nous estimons que les dommages civils anticipés étaient connus et excessifs. »
Depuis qu'Antony Blinken a publié son rapport réaffirmant sa confiance en Israël pour utiliser son arsenal américain de manière responsable, Israël a fermé le point de passage de Rafah, forcé plus de 500 000 personnes à quitter la ville [1], recommencé à bombarder le camp de réfugiés de Jabalia déjà dévasté, frappé un camion d'aide de l'ONU par un drone, laissé 20 médecins américains bloqués à l'hôpital sans eau. Et les forces de sécurité israéliennes se sont retirées alors que des centaines de colons et de paramilitaires israéliens détruisaient les fournitures d'un convoi humanitaire et incendiaient deux des camions.
En réponse à ces nouvelles atrocités, Joe Biden a approuvé un nouveau transfert de 1,2 milliard de dollars d'armes (700 millions de dollars de munitions pour chars, 500 millions de dollars de véhicules tactiques et 60 millions de dollars d'obus de mortier) vers Israël, ce qui constituera certainement une récompense bienvenue lorsque les FDI franchiront une nouvelle ligne rouge de facto fictive dans leur assaut terrestre sur Rafah.
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Article publié dans Counterpunch le 17 mai 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre.
Jeffrey St. Clair est rédacteur en chef de CounterPunch. Son livre le plus récent est An Orgy of Thieves : Neoliberalism and Its Discontents (Counterpunch, novembre 2022, avec Alexander Cockburn).
Notes
[1] Déclaration de Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d'urgence, sur Rafah, le 24 mai
« La souffrance et la misère que l'opération militaire israélienne à Rafah a infligées à la population de Gaza n'ont rien de limité.
Comme on le craignait, il s'agit d'une tragédie sans nom.
L'incursion terrestre à Rafah a déplacé plus de 800 000 personnes, qui ont fui une fois de plus en craignant pour leur vie et sont arrivées dans des zones dépourvues d'abris adéquats, de latrines et d'eau potable.
Elle a interrompu l'acheminement de l'aide dans le sud de la bande de Gaza et paralysé une opération humanitaire déjà à bout de souffle.
Elle a interrompu les distributions de nourriture dans le sud et ralenti l'approvisionnement en carburant des éléments vitaux de Gaza – boulangeries, hôpitaux et puits d'eau – jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un mince filet d'eau.
Bien qu'Israël ait rejeté les appels de la communauté internationale à épargner Rafah, la clameur mondiale en faveur d'un arrêt immédiat de cette offensive est devenue trop forte pour être ignorée.
Avec l'adoption aujourd'hui de la résolution 2730 du Conseil de sécurité appelant à la protection des travailleurs humanitaires et l'ordre de la Cour internationale de justice d'ouvrir le point de passage de Rafah pour fournir une aide à grande échelle et mettre fin à l'offensive militaire, nous vivons un moment de clarification.
C'est le moment d'exiger le respect des règles de la guerre auxquelles tous sont tenus. Les civils doivent pouvoir se mettre à l'abri. L'aide humanitaire doit être acheminée sans obstruction. Les travailleurs humanitaires et le personnel des Nations unies doivent pouvoir accomplir leur travail en toute sécurité.
Alors que la population de Gaza est confrontée à la famine, que les hôpitaux sont attaqués et envahis, que les organisations humanitaires sont empêchées d'atteindre les personnes dans le besoin, que les civils sont bombardés du nord au sud, il est plus important que jamais de tenir compte des appels lancés au cours des sept derniers mois :
Libérer les otages. Accepter un cessez-le-feu. Mettez fin à ce cauchemar. » (Traduction rédaction A l'Encontre)
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États-Unis : À la Cour suprême, réaction et corruption

La Cour suprême des États-Unis (SCOTUS), la plus conservatrice depuis 80 ans, s'est totalement discréditée aux yeux de beaucoup d'AméricainEs par ses décisions antidémocratiques. Mais aussi la corruption de certains juges et l'identification de certains d'entre eux avec l'insurrection d'extrême droite et la tentative de coup d'État du 6 janvier 2021.
27 mai 2024 | Hebdo L'Anticapitaliste - 710
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/etats-unis-la-cour-supreme-reaction-et-corruption
La Cour suprême a toujours été composée en majeure partie de personnes issues de la classe dirigeante ou de son élite politique, mais cela faisait des décennies qu'elle n'était pas apparue aussi clairement partiale. Aujourd'hui, 60 % des AméricainEs disent désapprouver la Cour et beaucoup la méprisent totalement.
Les juges de la SCOTUS, qui siègent à vie, sont nommés par le président avec l'approbation du Sénat, une institution très peu démocratique qui tend à refléter d'abord les intérêts de la classe dirigeante. De la fin des années 1930 aux années 1960, des présidents démocrates – Franklin D. Roosevelt, Harry Truman, John F. Kennedy et Lyndon B. Johnson – ont pu nommer la plupart des juges, conférant à la Cour un caractère libéral. Au cours de ces années, certains droits des travailleurEs, des NoirEs et des femmes ont été renforcés et étendus. Avec la fin de l'expansion économique de l'après-guerre, la Cour est devenue plus conservatrice à partir des années 1980 et une cour de droite dans les années 2000.
L'orientation de la Cour suprême de plus en plus à droite
Les neuf juges de la SCOTUS reflètent le pays en termes de race, de religion et de sexe : six sont blancs, deux sont noirs, une est latina et deux sont juifs, ce qui en fait peut-être la cour la plus diversifiée de l'histoire des États-Unis. Mais c'est aujourd'hui la cour la plus conservatrice depuis quatre décennies, dominée par des membres nommés par les Républicains et qui ont adopté des décisions de plus en plus réactionnaires. Le président républicain George H. W. Bush a nommé le juge Clarence Thomas et George W. Bush a choisi le juge en chef John Roberts ainsi que Samuel A. Alito, tandis que Donald Trump en a nommé trois, Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett. La droite dispose désormais d'une majorité de six contre trois, ce qui a complètement modifié l'orientation de la Cour.
La décision la plus importante de la Cour a été l'affaire Dobbs vs. Jackson Women's Health Organization of 2022, qui a renversé Roe vs. Wade, l'arrêt de 1973 de la SCOTUS qui avait établi le droit constitutionnel des femmes à l'avortement. Mais dans d'autres décisions, la Cour a également défait des lois sur la discrimination raciale, sapé la protection du droit de vote, compromis la séparation de l'Église et de l'État, affaibli des agences fédérales de régulation et miné des lois sur le contrôle des armes à feu.
Corruption
Dans le même temps, a été révélée une grave corruption au sein de la Cour. Le juge Clarence Thomas a accepté des cadeaux financiers du milliardaire et donateur républicain Harlan Crow. Celui-ci a payé l'éducation en école privée du petit-neveu et du fils adoptif de Thomas, la maison où vivait la mère de Thomas, de nombreux voyages de vacances pour Thomas dans les jets et yachts privés de Crow ; il a donné un demi-million de dollars à l'épouse de Thomas, Ginni, pour sa fondation politique de droite et lui a versé un salaire annuel de 120 000 dollars. Ginni Thomas soutient le mouvement « Stop the steal » (« Arrêtez le vol ») de Trump qui prétend, faussement, que celui-ci a gagné la dernière élection présidentielle. Le juge Alito, lui, a accepté un voyage pour pêcher en Alaska d'une valeur de 100 000 dollars de la part du gestionnaire de fonds spéculatifs Paul Singer. Crow et Singer sont tous deux des hommes dont les affaires ont été portées devant la Cour, et ni Thomas ni Alito n'ont signalé leurs cadeaux ou se sont excusés.
On vient d'apprendre qu'Alito a fait flotter des drapeaux associés à l'expression « Arrêtez le vol » de Donald Trump et à l'insurrection du 6 janvier, l'un étant un drapeau américain renversé à son domicile et l'autre un drapeau nationaliste chrétien « Appel au ciel » dans sa maison de vacances. Au sein de la plus haute juridiction du pays, nous avons donc deux juges corrompus, tous deux liés à l'extrême droite, six conservateurs au total qui annulent des réglementations et des lois décidées démocratiquement au niveau des États et au niveau fédéral. Il n'est pas étonnant que la Cour soit désormais méprisée par tant de gens.
Dan La Botz, traduction Henri Wilno
Dan La Botz, enseignant, chauffeur routier, historien et journaliste, est l'auteur, entre autres, de What Went Wrong ? The Nicaraguan Revolution : A Marxist Analysis (Ce qui a mal tourné – la révolution nicaraguayenne, une analyse marxiste), Brill, Leiden 2016 et Haymarket Books, Chicago 2018. Il a été cofondateur de Teamsters for a Democratic Union (TDU). Militant de l'organisation socialiste Solidarity (section sympathisante de la IVe Internationale aux États-Unis) il est également membre de la branche de Brooklyn des Socialistes démocratiques d'Amérique (DSA).
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