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Trois réflexions et un souhait suite au débat Trump-Harris

Au lendemain du débat qui a opposé Kamala Harris et Donald Trump dans le cadre des élections présidentielles étasuniennes, notre camarade Daniel Tanuro a formulé plusieurs réflexions, que nous republions ici.
Tiré de Gauche anticapitaliste
18 septembre 2024
Par Daniel Tanuro
1) Tout observateur raisonnable de la chose politique admettra que Kamala Harris a gagné haut la main. Son langage corporel est celui d'une personne « normale », son propos est cohérent, elle s'exprime clairement, répond plus ou moins aux journalistes, regarde son adversaire, et l'interpelle sans ménagement mais avec le minimum de respect nécessaire. La prestation de Trump est à l'exact opposé : visage ferme, regard fixe, ton hargneux, propos incohérents, mépris, calomnies. Quelles que soient les questions posées, Trump ramène tout à quelques idées fixes (principalement la frontière, les migrants criminels importés par les démocrates pour s'assurer de leur vote en leur donnant l'emploi des américains, etc.). En définitive, il ramène tout au culte de sa propre personne, jusqu'au grotesque. Kamala Harris a bien réussi, par quelques piques, à énerver Trump, qui a vite perdu les pédales. Du coup, plus encore que dans ses meetings, l'ex-président putschiste est apparu pour ce qu'il est : un déséquilibre haineux qui dit n'importe quoi, outrageusement menteur et pathologiquement narcissique. Battu à plates coutures par une femme : quelle humiliation pour celui qui se vante d'en faire ce qu'il veut en les « attrapant par la chatte » !
2) Sur la question de l'avortement, Kamala Harris a défendu avec conviction une position de principe correcte (les femmes décident). Pour le reste, elle a surtout voulu se camper comme la candidate la plus responsable du point de vue des intérêts de la classe dominante US, à l'intérieur et sur la scène internationale. C'était très clair, par exemple, quand, tout en admettant la réalité et le danger du changement climatique, elle s'est vantée de la hausse de la production pétrolière US sous Biden et s'est enorgueillie du fait que son vote en tant que vice-présidente a permis l'adoption des objectifs de fracturation hydraulique inclus dans le plan Biden de capitalisme vert (Inflation réduction act). C'était encore plus clair lorsque Trump a rabâché ses délires sur les démocrates qui veulent « exécuter les nouveaux-nés », légaliser l'avortement jusqu'à 9 mois ou faire des opérations transgenres sur les illégaux en prison (!!!) : Harris a profité de ce moment de folie manifeste pour enfermer son adversaire dans la boite de « l'extrémisme ». Elle a enchainé en appelant les électeurs et électrices républicain.e.s à voter pour elle, en suivant l'exemple de Cheney, Bolton, Pence et autres serviteurs – très « extrémistes » ! – de l'impérialisme US, au nom de la défense de l'hégémonie étasunienne dans le monde (et du soutien à Israël). Idem sur les migrant·es : elle s'est campée en défenseure de la frontière et de la lutte contre les gangs internationaux, sans même dénoncer le monstrueux plan trumpien de traque, d'enfermement et de « déportation » de 20 millions de migrant·es par la police, l'armée et la garde nationale.
3) Il ne faut pas se faire d'illusion : la défaite de Trump dans le débat ne préjuge pas de sa défaite dans les urnes. Son grand atout est d'apparaitre comme l'outsider. Bien qu'il ait trumpisé le parti républicain, une part substantielle de la population continue à le voir comme extérieur au « marais » bipartisan de l'establishment. Il se présente comme une victime de ce « marais », et cette posture entre en écho avec le ressenti de millions de gens qui, du coup, passent allégrement au-dessus de ses condamnations en justice pour fraude ou pour viol. Le comble : sa manière même de s'exprimer, ses incohérences, sa grossièreté sont vues comme des gages d'authenticité. Il est à craindre que le débat n'ait rien changé à cet état de fait. Au contraire peut-être, dans la mesure ou, comme je l'ai dit, Harris s'est vraiment posée en candidate idéale de l'establishment bipartisan et fossile face a la menace de déstabilisation populiste… On verra l'évolution des sondages post-débat. Avant le débat, c'était 50-50, avec avantage à Trump dans 4 des swing states…
4) Le manque d'une alternative de gauche anticapitaliste est criant. Les forces nées autour de la campagne de Bernie Sanders, notamment les Democrat Socialists of America, sont en difficulté, du fait de leur alignement majoritaire sur la politique de Biden, en 2020. On ne peut que souhaiter qu'elles trouvent le moyen de s'orienter dans cette situation difficile où il faut battre Trump sans tomber dans le panneau de Harris. C'est indispensable aux luttes qui, de toute manière, arriveront rapidement. Le mouvement de solidarité avec la Palestine montre qu'il y a du potentiel.
Crédit photo : licence Creative Commons
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Alerte à l’action ! Les 27 et 28 septembre, célébrez les familles d’ouvriers agricoles de Cincinnati lors du Kroger Wellness Festival !

La célèbre marionnette de CIW, Esperanza, se rend à Cincinnati – et elle a besoin de vous pour amplifier l'appel à la justice des travailleurs agricoles, à la fois dans l'Ohio et au-delà.
Tiré du site de Coalition des travailleurs d'Immokalee (CIW)
Appel à tous les membres de la Fair Food Nation !
Les travailleurs agricoles et leurs alliés se réuniront pour célébrer le bien-être des familles d'ouvriers agricoles le week-end des 27 et 28 septembre, juste devant le siège social de Kroger à Cincinnati, dans l'Ohio !
Où : Siège social de Kroger, 1014 Vine St, Cincinnati, Ohio
Quand : 10 h - 5 h, 27 et 28 septembre 2024
La démonstration de CIW à Cincinnati coïncidera avec le festival annuel du bien-être de Kroger, qui se déroulera à quelques pâtés de maisons de là. Selon Kroger, le festival « célèbre la santé physique, mentale et émotionnelle de toute la famille ».
Et pourtant, alors même que Kroger vante son engagement pour la santé de votre famille, le géant de l'épicerie a été publiquement lié à l'opération « Blooming Onion » – l'un des cas de travail forcé les plus horribles et les plus vastes de l'histoire récente : d'innombrables ouvriers agricoles retenus contre leur gré, beaucoup soumis à une violence terrible et à une exploitation brutale, deux travailleurs ont travaillé jusqu'à la mort dans la chaleur tandis qu'un autre a été tenu en esclavage sexuel.
Malheureusement, ce n'est pas nouveau pour le géant de l'épicerie : les produits sur les étagères de Kroger ont été attribués non pas à un, mais à trois réseaux de travail forcédistincts au cours des quatre dernières années. Il semble que lorsqu'il défend le bien-être de « toute la famille », Kroger n'inclut pas encore les hommes et les femmes qui récoltent les fruits et légumes qu'il vend à vous et à votre famille.
Le silence retentissant de Kroger face à cette crise des droits de l'homme dans sa chaîne d'approvisionnement est d'autant plus scandaleux qu'il refuse de rejoindre le Fair Food Program, un programme de droits de l'homme dirigé par les travailleurs, lauréat de la médaille présidentielle et ayant fait ses preuves dans l'éradication du travail forcé en donnant aux travailleurs les moyens d'être les observateurs de première ligne de leurs propres droits.
Aujourd'hui, nous vous appelons à rejoindre Esperanza, les dirigeants des travailleurs agricoles et d'autres consommateurs conscients pour une véritable célébration au Festival du bien-être de cette année en appelant Kroger à rejoindre enfin le programme d'alimentation équitable et à faire sa part pour inaugurer une nouvelle journée des droits de l'homme pour les travailleurs agricoles du monde entier !
Vous ne pouvez pas vous rendre à notre célébration ? Aucun problème ! Voici 5 autres façons de contribuer à l'appel des travailleurs agricoles pour que Kroger rejoigne le programme d'alimentation équitable :
1. Appelez Kroger
Composez le 1-800-576-4377
Pour parler à un représentant du service, appuyez sur 8 puis sur 3 après avoir écouté les options du menu. Une fois qu'ils sont en ligne, faites-leur savoir qu'il est temps pour Kroger de rejoindre le programme d'alimentation équitable ! Nous avons une suggestion de script ici, que vous pouvez lire au représentant.
2. Démarrez un chat en direct avec Kroger et copiez/collez le script
Cliquez sur « Lancer le chat en direct » à https://www.kroger.com/hc/help/contact-us
Vous pouvez sauter les options du menu en tapant « parler à un humain » dans le chat jusqu'à ce que le service automatisé vous mette en relation avec un agent. Vous n'avez pas à fournir votre nom ou votre adresse e-mail. Vous pouvez appuyer sur « Ignorer » sur toutes les options concernant le département et le problème auxquels vous souhaitez diriger votre chat. Le service automatisé de Kroger vous mettra ensuite en relation avec un agent en direct. Vous devrez peut-être attendre quelques minutes avant de vous connecter à l'un d'entre eux, mais gardez l'onglet ouvert et restez en ligne ! Une fois que vous êtes connecté à quelqu'un, partagez simplement le message de la Fair Food Nation dans le chat ! Vous pouvez rester en ligne pour répondre à l'agent, ou vous pouvez simplement quitter l'onglet.
3. Envoyez un e-mail à Kroger
Envoyez un e-mail à customerservice@kroger.com avec le titre suggéré : « Il est temps pour Kroger de rejoindre le programme d'alimentation équitable » et incluez votre message dans le corps de l'e-mail. Nous avons suggéré un script, que vous pouvez copier/coller dans le corps de l'e-mail.
Vous pouvez également remplir ce formulaire rapide, qui enverra automatiquement un e-mail au service client de Kroger et aux dirigeants de Kroger avec le script.
4. Jetez un coup d'œil à nos publications Instagram et taguez Kroger ! @krogerco
Vous pouvez également commenter les publications de Kroger sur Facebook, Instagram, X (anciennement connu sous le nom de Twitter) et LinkedIn pour exiger qu'ils rejoignent le programme d'alimentation équitable !
5.Envoyez une lettre à votre Kroger local pour leur demander de rejoindre le programme d'alimentation équitable
Si vous faites vos achats dans un magasin Kroger ou si vous habitez à proximité, vous pouvez imprimer la lettre du CIWet la remettre au gérant de ce magasin. Vous voulez une version numérique ? Vous pouvez également demander qu'une copie vous soit envoyée par la poste en envoyant un e-mail à workers@ciw-online.org avec la ligne d'objet « Demande de lettre Kroger ». Vous pouvez le livrer à l'un des endroits suivants : Kroger, Baker's, City Market, Copps, Dillons, Food 4 Less, Foods Co, Fred Meyer, Fry's, Gerbes, Harris Teeter, Jay C Food Store, King Soopers, Mariano's, Metro Market, Pay-Less Super Markets, Pick 'n Save, Owen's, QFC, Ralphs, Roundy's, Ruler et Smith's Food and Drug.
La Coalition des travailleurs d'Immokalee (CIW) est une organisation de défense des droits humains basée sur les travailleurs reconnue internationalement pour ses réalisations dans la lutte contre la traite des êtres humains et la violence sexiste au travail. L'ICM est également reconnue pour avoir été l'avant-garde de la conception et du développement du paradigme de la responsabilité sociale des travailleurs, une approche de la protection des droits de la personne dirigée par les travailleurs et imposée par le marché dans les chaînes d'approvisionnement des entreprises.
Bâti sur une base d'organisation communautaire des travailleurs agricoles à partir de 1993, et renforcé par la création d'un réseau national de consommateurs depuis 2000, le travail de l'ICM n'a cessé de croître au cours de plus de vingt ans
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USA – La droite trumpiste cible les syndicats

Introduction
A l'approche du scrutin présidentiel américain de novembre 2024, il importe pour apprécier les enjeux du résultat, tant au niveau interne US qu'au niveau mondial, de se pencher sur une facette pas assez connue des projets réactionnaires du camp trumpiste.
Si le racisme illustré par l'intention d'édifier un gigantesque mur anti-migrants à la frontière avec le Mexique et d'expulser jusqu'à plusieurs millions de migrants, ou le sexisme incarné par la volonté talibanesque d'interdire nationalement le droit à l'IVG sont bien connus, le sujet des droits sociaux et notamment des droits syndicaux ne l'est pas autant.
21 septembre 2024 | tiré du site Arguments pour la lutte sociale
https://aplutsoc.org/2024/09/21/usa-la-droite-trumpiste-cible-les-syndicats/
Le candidat de Trump au poste de vice-président, J.D Vance, a réintroduit son projet de législation pour des organisations conjointes travailleurs-employeurs pour remplacer les syndicats. La proposition est également poussée par le groupe de réflexion américain Compass et dans le cadre du « Projet 2025 » pour une prochaine administration Trump.
Le projet de législation Vance n'interdirait pas les syndicats. Il vise à marginaliser les syndicats via des forums conjoints travailleurs-employeurs. La question de savoir si les syndicats épuisés seraient alors purement et simplement interdits ou autorisés à une existence marginale dépendra.
Le « Projet 2025 » propose de retirer les syndicats de certains secteurs de l'administration fédérale, tels que le Ministère de la sécurité du territoire, et demande que « le Congrès examine si tous les syndicats du secteur public sont… compatibles avec le gouvernement constitutionnel ».
Pour éclairer la réflexion, nous reproduisons deux documents. D'abord un communiqué de presse récent du sénateur Rubio qui agit de concert avec JD Vance contre les droits d'action collective des travailleurs. Ensuite, un article de 2023 de Martin Thomas sur le détail des ambitions trumpistes liberticides envers les travailleurs.
Document 1 Rubio et Vance réintroduisent un projet de loi visant à « renforcer la voix des travailleurs »
17 janvier 2024 – Communiqués de presse
Les employés qui considèrent la question de la syndicalisation en sont souvent dissuadés par les échecs du Big Labor (le syndicalisme historique), qui place trop souvent ses positions politiques avant l'intérêt supérieur des travailleurs. Malheureusement, la capacité des travailleurs à négocier efficacement avec les employeurs est entravée par un régime réglementaire qui n'a pas changé depuis la Grande Dépression.
Les Sénateurs Marco Rubio (R-FL) et J.D. Vance (R-OH) ont réintroduit la proposition de Teamwork for Employees and Managers Act of 2024 afin de donner aux employés la possibilité volontaire de négocier avec les employeurs à leurs propres conditions et sans crainte d'une action en justice ou d'une ingérence bureaucratique, une pratique actuellement interdite par les lois existantes en matière de travail. La loi TEAM donnerait également aux travailleurs une présence au sein des principaux conseils d'administration en tant que membres sans droit de vote.
« Notre système de négociation collective est censé garantir de bonnes conditions et des compensations pour les travailleurs. Au lieu de cela, il met des millions de travailleurs entre un roc et une place difficile : avoir à choisir entre rester sans représentation et une direction syndicale « woke ». Les employés méritent une autre option. Cette législation donnerait aux travailleurs cette option, améliorerait les relations entre les travailleurs et les directions et aiderait à trouver de bons lieux de travail. » – Sénateur Rubio
Document 2 – Une analyse des projets de la droite conservatrice La droite trumpiste cible les syndicats
Les groupes de réflexion aux États-Unis travaillent d'arrache-pied pour esquisser les politiques et préparer le personnel d'une administration Trump en 2025-9. Certains ont des propositions alarmantes concernant le remplacement des syndicats par une organisation de travailleurs « non conflictuelle ».
Le mandat de Trump en 2017-21 a été chaotique. Bien que Trump se soit rallié une grande partie de la base républicaine de droite incrustée depuis des décennies dans les églises, les clubs de détenteurs d'armes à feu et les organisations républicaines locales, la plupart des cadres politiques de haut niveau de la droite n'ont pas fait confiance à Trump et ne s'attendaient pas à ce qu'il remporte l'élection de 2016.
Trump n'avait pas d'équipe cohérente pour traduire sa démagogie en politiques détaillées et les faire passer à travers la machine gouvernementale, délabrée et à forte inertie, des États-Unis.
Après la tempête du 6 janvier 2021 du Capitole, il semblait d'abord que les hauts fonctionnaires de la droite américaine effaceraient Trump comme un embarras. En fait, Trump a ré-hégémonisé le parti républicain, y compris un plus grand nombre de ses cadres de haut niveau.
L'American Enterprise Institute et le Cato Institute, deux organismes partisans du marché libre, se tiennent à distance de Trump. La Heritage Foundation est plus proche. L'America First Policy Institute de Brooke Rollins et l'American Compass, dirigé par Oren Cass, jouent un rôle plus important.
L'AFPI est la plus alignée sur Trump, et dispose d'une rubrique sur son site web qui propose des « fondements bibliques » à leurs projets politiques. Sa prétention « pro-travailleurs » repose en grande partie sur l'affirmation selon laquelle la déréglementation favorise l'emploi. Cass, ancien conseiller du républicain anti-Trump Mitt Romney, a viré pro-Trump, il compte d'anciens responsables de Trump dans son équipe et offre plus de détails.
American Compass, soulignant les limites des marchés libres, fait des propositions détaillées pour « de nouvelles formes d'organisations des travailleurs qui pourraient offrir des avantages, travailler en collaboration avec la direction et négocier à l'échelle de l'industrie des conditions d'emploi de base ».
Elle propose des « comités patronaux-salariés non syndiqués » sur les lieux de travail, « des comités d'entreprise (parfois financés par l'employeur) où les représentants des salariés seraient habilités à discuter des questions d'intérêt commun avec la direction, dans une attitude non conflictuelle ». Elle prône des organisations de travailleurs plus larges dont la fonction principale est la distribution des prestations financées par l'État : « les États-Unis devraient établir des paramètres pour la création, la gouvernance et la composition des organismes de prestations aux travailleurs et les rendre éligibles à recevoir des fonds publics par l'administration des programmes publics ».
Son rapport ne dit pas explicitement que les syndicats actuels doivent être supprimés, mais seulement qu'ils doivent être exclus du champ de l'action politique. Il affirme toutefois que « la plupart des travailleurs disent préférer une organisation des travailleurs gérée conjointement par les travailleurs et la direction de l'entreprise » et suggère « une forme alternative de syndicat apolitique que les travailleurs préféreraient probablement » aux syndicats existants.
Tout cela est présenté comme une poussée en faveur des salariés, dans un style similaire à celui des mouvements d'extrême droite des années 1920 et 30 qui prétendaient que leur organisation de collaboration de classe forcée était plus avantageuse pour les travailleurs que les syndicats existants « trop politiques ».
La droite américaine ne s'inquiète pas pour l'instant du risque de voir la classe ouvrière prendre le pouvoir politique à brève échéance, comme l'extrême droite européenne s'en inquiétait dans les années 1920 et 1930. Elle diabolise le « Big Ed » (les universités), le « Big Government », considérés comme les moteurs de l'idéologie libérale ou progressiste et de réglementations gouvernementales qui entravent les affaires, et « le dirigeant syndical qui fait l'éloge de l'accès à l'avortement ou des mesures environnementales qui réduisent l'emploi [ou] qui verse les cotisations syndicales dans les caisses de guerre progressistes ».
Néanmoins la menace portée à la liberté des travailleurs d'organiser leurs propres syndicats et de déployer la force syndicale pour des causes sociales et politiques est grave.
Martin Thomas, 25/07/2023
Source : https://www.workersliberty.org/story/2023-07-25/trumpist-right-targets-unions
Traduction : aplutsoc
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Etats-Unis. Trump se déclare comme « le parti de la classe ouvrière ». Qu’en est-il ?

Le Labor Day aux Etats-Unis [qui est fixé le premier lundi du mois de septembre, le 2 septembre cette année ; le premier a été « célébré » à New York en 1882] est traditionnellement considéré comme la fin de l'été et le début de la période la plus importante des campagnes politiques nationales. Il est l'occasion de parler beaucoup des travailleurs et des travailleuses et de l'emploi. 2024 n'a pas fait exception à la règle, et les discussions ont fusé des deux grands partis.
Tiré de A l'Encontre
22 septembre 2024
Par Lance Selfa
Shawn Fain lors de la Convention démocrate.
Du côté du Parti démocrate, cette aile du système politique états-unien promet des mesures visant à aider les travailleurs et travailleuses « non seulement à survivre, mais aussi à avancer ». Bien que la vice-présidente Kamala Harris et la plupart des politiciens démocrates affirment qu'ils font campagne pour la « classe moyenne », leurs porte-parole syndicaux ne sont pas aussi retenus. Après avoir qualifié l'ancien président Trump de « briseur de grève », le président de l'UAW (United Auto Workers), Shawn Fain, a qualifié Kamala Harris de « championne de la classe ouvrière » lors de son discours à la Convention nationale du Parti démocrate (DNC), en août [DNC réunie du 19 au 22 août à Chicago].
Du côté du GOP (Grand Old Party), l'aile républicaine, conservatrice, du système politique états-unien, la prétention est différente : le Parti républicain s'affirme désormais le « parti de la classe ouvrière ». Comment cela se fait-il ? Cela provient de sondages d'opinion et d'enquêtes à la sortie des urnes, le jour de l'élection. Ils « démontrent » que Trump et les Républicains ont rallié près de deux tiers des électeurs qui n'ont pas le baccalauréat. Il s'agit là de la définition médiatique standard de la « classe ouvrière » aux Etats-Unis.
D'un point de vue socialiste, il est plus juste de dire qu'aucun des deux grands partis – les deux partis capitalistes – n'est un parti de la « classe ouvrière », même si la plupart des personnes qui votent pour les deux partis sont, de par leur profession, des travailleurs et travailleuses non syndiqués [1]. Mais aucun des deux partis ne défend les intérêts de la classe ouvrière, même si la plupart des syndicats – à quelques exceptions notables près [2] – soutiennent les démocrates et s'efforcent de faire voter pour eux.
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Mais commençons là où le gros des médias et la plupart des commentaires libéraux commencent : c'est-à-dire par les affirmations républicaines selon lesquelles le soutien de Trump repose sur une classe ouvrière « laissée pour compte » qui considère les démocrates comme les représentants d'une élite de la côte Est « branchée » qui les dédaigne.
Le premier point à souligner est que nous ne parlons certainement pas de la classe ouvrière états-unienne dans son ensemble. La classe ouvrière états-unienne est multiraciale et composée de manière plus que proportionnelle de personnes de couleur. Elle comprend des hommes et des femmes, des personnes aux identités sexuelles différentes, de religions différentes (et, de plus en plus, sans religion). Elle se compose de différents groupes d'âge.
Commençons donc par nous concentrer sur les membres blancs de cette classe ouvrière. Mais, dès lors, nous nous heurtons dans la foulée à d'autres problèmes de définition. Pour les experts et les chercheurs, la définition la plus courante de la « classe ouvrière blanche » est celle des Blancs qui n'ont pas obtenu le baccalauréat ou un diplôme supérieur. Bien que le niveau d'éducation soit certainement lié aux types d'emplois occupés, il est beaucoup plus facile de saisir le niveau d'éducation que la profession dans les enquêtes. Selon cette définition, les « Blancs de la classe ouvrière » représentent environ 44 % de la population états-unienne âgée de 18 ans et plus.
Le fait d'assimiler le niveau d'éducation à la classe sociale pose de nombreux problèmes. Le plus évident est que cette définition ne tient pas compte de ce qu'un marxiste considérerait comme la norme de base pour déterminer l'appartenance de classe d'une personne : son emploi et sa relation au capital (le rapport social capital-travail). En outre, comme l'a écrit Larry M. Bartels, politologue à l'université de Princeton, dans une critique [3] de l'ouvrage de Thomas Frank, paru en 2004 (Ed. Metropolitan Books), What's the Matter with Kansas ? How Conservatives won the Heart of America, la population non diplômée des Etats-Unis reflète la répartition des revenus de la population.
Mais il existe d'autres problèmes plus patents liés aux deux points ci-dessus. Le plus important est que l'exclusion [dans ce type de sondages] des personnes titulaires d'une licence ou d'un diplôme supérieur exclut des travailleurs et travailleuses tels que la plupart des infirmières et autres employé·e·s du secteur de la santé, ainsi que la plupart des enseignant·e·s de la maternelle à la terminale. Les travailleurs et travailleuses des secteurs de l'éducation et de la santé ont été parmi les plus actifs dans l'action collective ces dernières années. Deuxièmement, si la main-d'œuvre non diplômée reflète la répartition des revenus de la population, les revenus supérieurs à la médiane sont très probablement associés aux propriétaires de petites entreprises et aux agents de maîtrise de niveau inférieur.
La partie de la population qui n'a pas de diplôme universitaire est également plus fortement représentée par les personnes plus âgées, qui ont tendance à être plus traditionnelles d'un point de vue culturel. Pour un chercheur du Beltway [région délimitée par l'autoroute périphérique qui encercle Washington] cependant, tous les Blancs de la classe ouvrière – et de plus en plus de Latinos et d'Afro-Américains non diplômés – sont facilement catalogués dans la « base » conservatrice, avec tous les stéréotypes que cette image implique : adeptes de la NASCAR (National Association for Stock Car Auto Racing), misogynes, détenteurs d'armes à feu et téléspectateurs de Fox News. Mais au-delà de la caricature, la réalité est bien plus complexe.
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Même parmi les électeurs blancs, l'éducation n'est pas une ligne de démarcation à toute épreuve, surtout si l'on tient compte du revenu (un indicateur insuffisant, mais un peu plus direct que le baccalauréat, de la classe sociale). Les électeurs et électrices à faible revenu, toutes origines ethniques confondues, sont encore plus susceptibles de voter pour les démocrates, malgré la préférence bien documentée du parti pour les suburbains de la classe moyenne.
Pour cette raison, les responsables politiques ont toujours reconnu que le point de vue de la classe ouvrière était divisé. En fait, le service de prospection de l'AFL-CIO (American Federation of Labor and Congress of Industrial Organizations) identifie trois groupes de travailleurs et travailleuses : les réactionnaires/conservateurs qui pourraient être considérés comme faisant partie de la base de Trump ; les libéraux/progressistes (souvent des membres actifs de syndicats) qui sont des partisans du Parti démocrate, et le reste dont les opinions politiques se situent quelque part entre les deux. Près de trois électeurs/électrices démocrates sur cinq aux élections présidentielles de 2020 n'étaient pas titulaires d'un bachelor.
Cette insistance sur les moins-éduqués, les bas-revenus comme fraction de la base électorale de Trump obscurcit le fait que le trumpisme a trouvé un fort écho chez les secteurs des classes moyennes et élevées des Etats-Unis. Il n'y a pas que les milliardaires de Wall Street et de la Silicon Valley qui ont fait parler d'eux en soutenant Trump, et il est clair qu'une « gentry » de la dite classe moyenne compte parmi ses plus fervents partisans. Le profil professionnel des plus de 1000 personnes arrêtées à la suite de l'attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole a révélé un pourcentage élevé de membres des forces de l'ordre, d'anciens militaires, de professions libérales et de propriétaires de petites entreprises.
S'il est vrai que la formule : « partisans de Trump = travailleurs » obscurcit plus qu'elle n'explique, cela signifie-t-il que les démocrates sont les champions de la classe ouvrière ? En un mot, non. Malgré le soutien de la plupart des dirigeants syndicaux, y compris le soutien non critique du président de l'UAW, Shawn Fain, à la vice-présidente Kamala Harris lors de la Convention démocrate du mois dernier, le Parti démocrate reste un parti entrepreneur néolibéral dont les orientations sont plus proches de la démocratie chrétienne d'après la Seconde Guerre mondiale que de la social-démocratie de l'après-guerre.
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Le programme économique de Kamala Harris, un vague appel à la construction d'une « économie des opportunités », comprend jusqu'à présent un ensemble de politiques (sans doute testées par les sondages) : aide à l'accession à la propriété pour les primo-accédants, crédits d'impôt pour les familles avec enfants, et une déduction fiscale de 50'000 dollars pour les petites entreprises en phase de démarrage. Il est révélateur que la plus généreuse de ces mesures s'adresse aux propriétaires de petites entreprises [4]. Lors du débat qui l'a opposée à Donald Trump le 10 septembre, Kamala Harris a à peine évoqué la question de la santé, se contentant de promettre de protéger la loi sur les soins abordables (Affordable Care Act, dit aussi Obamacare). Et si la défense du droit à l'avortement est certainement une question qui concerne la classe laborieuse, il en va de même pour le soutien des droits des immigré·e·s, qui constituent une part essentielle de la classe ouvrière des Etats-Unis. Mais Joe Biden et Kamala Harris ont essentiellement sacrifié la question de l'immigration (ainsi que celle de la délinquance) à la droite trumpiste [5]. Tout cela ne constitue pas un programme solide pour la classe laborieuse.
Comme toujours, les démocrates espèrent que la peur de Trump et du « Projet 2025 » [de la très conservatrice Heritage Foundation] suffira à maintenir leurs partisans dans le rang. Mais le fait que Trump reste en tête parmi les personnes qui déclarent que l'économie est leur principale préoccupation et que les inquiétudes concernant l'inflation [entre autres, les prix de l'alimentaire, de l'énergie, du logement] – qui frappe le plus durement les personnes à faible revenu – sont toujours d'actualité, cela joue en défaveur de la vice-présidente sortante.
Trump s'est peut-être approprié le créneau des racistes de la classe moyenne et de la classe ouvrière. Mais pour les millions de personnes qui ne sont pas idéologiquement engagées et qui attendent de l'establishment politique qu'il s'attaque aux vrais problèmes de leur vie, Kamala Harris n'a proposé que le thé le plus léger. Il n'est pas étonnant que le « parti des non-votants » continue d'être majoritairement composé de membres de la classe ouvrière et que, malgré le programme anti-classe ouvrière de Trump, le scrutin reste trop serré pour être tranché. (Article reçu le 19 septembre 2024 ; traduction par rédaction A l'Encontre)
Lance Selfa est l'auteur de The Democrats : A Critical History (Haymarket, 2012) et éditeur de U.S. Politics in an Age of Uncertainty : Essays on a New Reality (Haymarket, 2017).
[1] En 2020, 10,8% de salarié·e·s étaient syndiqué·e·s ; en 2023, le taux de syndicalisation se situait à 10%, soit la moitié moins de ce qu'il était au début des années 1980. Dans le secteur privé, le taux s'élève à 6%, soit quelque 7,4 millions de salarié·e·s, mais le nombre de syndiqués a toutefois augmenté, de quelque 200'000. Le secteur public réunit presque la moitié des syndiqué·e·s (au total à peu près 12,5 millions), leur nombre a stagné ou reculé de 50'000 selon certaines recherches. Néanmoins, des enquêtes indiquent qu'au cours des quatre dernières années le pourcentage de salarié·e·s qui manifestent la volonté de disposer d'un syndicat a fortement augmenté, en passant de 48% à 70%. Le patronat, avec ses relais politico-judiciaires, multiplie les obstacles à la syndicalisation. (Réd.)
[2] Les Teamsters (International Brotherhood of Teamsters) organisant, entre autres, les chauffeurs routiers, ont annoncé, le 18 septembre, qu'ils ne soutenaient aucun des deux candidats. Cela en rupture avec une « tradition » remontant à 2000 : ils appuyaient depuis lors le candidat démocrate. Certes, en 1984, la direction a appuyé Ronald Reagan et en 1988 Georges H.W. Bush. Selon deux sondages, la base du syndicat semblait favorable à Trump. (Réd.)
[3] « What's the Matter with What's the Matter with Kansas », in Quarterly Journal of Political Science, 2006. (Réd.)
[4] Le quotidien français Les Echos du 5 septembre écrit : « Mardi [3 septembre], à Portsmouth dans le New Hampshire, elle [Kamala Harris] a réaffirmé son vœu de bâtir une « économie des opportunités », et expliqué comment cela profitera aux petits entrepreneurs. L'objectif est de parvenir à 25 millions de créations d'entreprises pendant son mandat si elle est élue – encore plus que le score de 19 millions sous Joe Biden. La candidate démocrate a promis de décupler la déduction fiscale applicable aux dépenses liées à la création d'entreprise, à 50'000 dollars, et de réduire les tracasseries administratives pour les entrepreneurs. Surtout, elle a annoncé une hausse de la taxation des gains en capital bien moins élevée que celle que promettait Joe Biden avant de quitter la course présidentielle. » (Réd.)
[5] Voir sur cette question, en langue français, les études de Loïc Wacquant et Didier Fassin. (Réd).
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Kamala Harris s’attaquera-t-elle à la cupidité des entreprises ? Les commentaires de Ralph Nader et de Joe Stiglitz sur le débat, les tarifs douaniers de Trump et d’autres questions

Nous nous entretenons avec Ralph Nader, défenseur des consommateurs, et Joseph Stiglitz, économiste lauréat du prix Nobel, au sujet du débat de mardi entre la vice-présidente Kamala Harris et l'ancien président Donald Trump.
Tiré de Democracy Now
Democracy now https://www.democracynow.org/2024
Part I : Will Harris Take on Corporate Greed ? Ralph Nader & Joe Stiglitz on
Debate, Trump's Tariffs & More
traduction Johan Wallengren
Le 11 septembre 2024
Invités
• Joseph Stiglitz
Économiste lauréat du prix Nobel, professeur à l'université Columbia, président du Council of Economic Advisers (CEA, littéralement « Conseil des conseillers économiques ») sous l'administration Clinton, il est actuellement économiste en chef de l'Institut Roosevelt.
• Ralph Nader
Défenseur des consommateurs et critique de la grande entreprise, il a été quatre fois candidat à l'élection présidentielle.
Stiglitz estime que les projets politiques de Trump, qui comportent notamment de fortes hausses des droits de douane, entraîneraient « une plus forte inflation et une croissance plus lente » et feraient des ravages dans l'économie américaine. M. Nader considère qu'il est facile de faire bonne figure à côté de M. Trump, mais que Madame Harris ne remet pas fondamentalement en question la cupidité des entreprises, le rôle du complexe militaro-industriel, la destruction de l'environnement, ainsi que bien d'autres maux.
Transcription
Ceci est une traduction de la version la plus immédiate de la transcription, qui pourrait ne pas être finale.
AMY GOODMAN : Bienvenue à Democracy Now !, democracynow.org. Mon nom est Amy Goodman. Avec Juan González, nous continuons de nous pencher sur le débat de mardi soir. Voyons voir ce qui s'est dit au sujet de l'économie. Voici la vice-présidente Kamala Harris qui s'exprime lors du débat présidentiel sur ABC News.
KAMALA HARRIS : Donald Trump n'a pas de plan pour vous. Et quand vous regardez son plan économique, il ne s'agit que d'allègements fiscaux pour les plus riches. Je propose ce que j'appelle une économie offrant tout un éventail de possibilités. Les meilleurs économistes de notre pays, voire du monde entier, ont examiné nos plans portant sur l'avenir de l'Amérique. Ce que Goldman Sachs a dit, c'est que le plan de Donald Trump ferait du mal à l'économie, tandis que le mien la renforcerait. Ce que la Wharton School a dit, c'est que le plan de Donald Trump ferait exploser le déficit. Seize lauréats du prix Nobel ont décrit son plan économique comme quelque chose qui ferait augmenter l'inflation et paverait la voie à une récession d'ici le milieu de l'année prochaine.
DONALD TRUMP : Nous allons encaisser des milliards de dollars, des centaines de milliards de dollars. Je n'ai pas eu d'inflation, pratiquement pas d'inflation. Ils ont eu l'inflation la plus élevée qu'on ait vue de toute l'histoire de notre pays peut-être, parce que je n'ai jamais vu une période où les choses sont allées plus mal que ça. Les gens ne peuvent pas aller acheter des céréales, du bacon, des œufs ou quoi que ce soit d'autre. Les citoyens de notre pays sont tout simplement en train de mourir avec ce que nos adversaires ont fait. Ils ont détruit l'économie. Et il suffit de regarder un sondage. Les sondages disent à 80, 85 et même 90 % que l'économie de Trump était formidable, que leur économie a été épouvantable.
AMY GOODMAN : Se joint maintenant à nous Joseph Stiglitz, économiste lauréat du prix Nobel, professeur à l'université de Columbia, qui a été président du Conseil des conseillers économiques. Professeur Stiglitz est également l'économiste en chef de l'Institut Roosevelt et compte parmi les 16 économistes lauréats du prix Nobel qui ont mis en garde contre les politiques de Trump. Et nous sommes aussi rejoints par Ralph Nader, défenseur des consommateurs de longue date et critique de la grande entreprise qui a été candidat à l'élection présidentielle. Son dernier livre est Let's Start the Revolution : Tools for Displacing the Corporate State and Building a Country That Works for the People (traduction non officielle : Commençons la révolution : des outils pour extirper les grandes entreprises de l'appareil d'état et construire un pays qui répond aux aspirations du peuple).
Professeur Stiglitz, quelle est votre réaction à ce que nous venons de voir ?
JOSEPH STIGLITZ : Eh bien, le fait est qu'il n'a pas de plan pour l'économie. Il a fait des propositions qui conduiront à plus d'inflation et à une croissance plus lente. Non seulement il y a les problèmes à court terme, mais à long terme, il va saper la croissance du pays et faire perdre ainsi aux États-Unis leur avantage stratégique. Permettez-moi de vous donner deux exemples.
Il a proposé des droits de douane énormes. Or, les droits de douane ne sont qu'une taxe. Ils portent sur des produits que les gens achètent tous les jours. Et ces droits de douane énormes feront augmenter l'inflation. Il s'est opposé à l'Inflation Reduction Act (loi sur la réduction de l'inflation) dont une disposition importante vise à faire baisser les prix des médicaments. Cette disposition prévoit que le gouvernement peut négocier avec les entreprises pharmaceutiques pour faire baisser les prix. Or, il va abroger cette disposition. Résultat, les prix des médicaments vont grimper.
D'un autre côté, à long terme, ce qui est important, la raison pour laquelle notre économie est plus forte que celle d'autres pays, c'est notre innovation technologique, nos universités, nos activités scientifiques. Qu'a-t-il proposé ? Nous l'avons vu à l'œuvre quand il était président, avec ses coupes sombres dans les budgets consacrés à la science. L'une des raisons pour lesquelles les économistes s'accordent à dire que l'économie américaine se porte bien est l'État de droit. Il a fait tout ce qu'il pouvait pour saper l'État de droit, y compris en menaçant la banque centrale de lui enlever son indépendance.
Donc, si vous examinez l'ensemble de ses propositions, vous constaterez qu'il s'agit d'un ensemble de propositions bien bonnes et bien belles pour les très riches, parce qu'il va réduire les impôts des milliardaires et des grandes entreprises qui amassent les profits, mais pour l'économie en général, il y aura une augmentation des prix, une augmentation de l'inflation, un ralentissement de la croissance, une augmentation du chômage. Pour reprendre un mot qu'il utilise lui-même, ce serait un désastre.
JUAN GONZÁLEZ : Mais, Professeur Stiglitz, sur la question des droits de douane, l'administration Biden n'est-elle pas dans une position un peu plus faible, étant donné qu'elle a maintenu les droits de douane que Trump avait imposés à la Chine, comme il l'a mentionné dans le débat, et que Biden propose, par exemple, des droits de douane encore plus élevés sur les véhicules électriques et d'autres sortes de biens en provenance de Chine ?
JOSEPH STIGLITZ : Eh bien, vous savez, l'une des différences majeures entre Trump et Harris est la modération et le sens de l'équilibre dont fait preuve cette dernière. Il y a bien des situations où on a des objectifs multiples et on doit faire très attention à trouver un équilibre entre eux. L'un de nos objectifs est de devenir moins dépendants de la Chine. Vous savez, lors de la pandémie, nous ne pouvions même pas produire les masques dont nous avions besoin. Nous avons dû les faire venir de Chine. Nous achetons des transistors à Taïwan. Nous devons devenir plus indépendants dans ce domaine également. Mais nous recevons des quantités affolantes de choses de la Chine et nous devons devenir plus indépendants, plus résilients. Et c'est là que les droits de douane imposés à la Chine envoient à nos entreprises un signal important : il faut rendre nos chaînes d'approvisionnement plus robustes. Et c'est ce qu'ils essaient de faire.
Que veut faire Trump ? Il veut augmenter ces droits de 50, 60 %. Cela entraînerait un blocage. Et qui paierait le prix de ce blocage ? Les consommateurs et les travailleurs américains. Nous recevons beaucoup de pièces détachées dont nous ne pouvons nous passer. L'industrie manufacturière en souffrirait. Toute notre économie serait mise à rude épreuve.
AMY GOODMAN : Ralph Nader, je voudrais vous faire intervenir à ce moment de la conversation. Vous avez écrit Let's Start the Revolution - Tools for Displacing the Corporate State and Building a Country That Works for the People (traduction non officielle : Commençons la révolution - des outils pour extirper les grandes entreprises de l'appareil d'état et construire un pays qui répond aux aspirations du peuple). Vous avez parlé des deux partis comme d'un duopole. Pensez-vous que le débat a couvert les sujets, les questions économiques qui comptent pour le plus grand nombre ?
RALPH NADER : Non, en fait, ça a été une occasion manquée pour Kamala Harris. Il est facile de faire bonne figure à côté de Trump. Il ment. Il fulmine. Il répète huit fois les mêmes mensonges sur l'immigration, par exemple, comme Juan l'a signalé. Mais à la base, elle a dit qu'elle voulait être la présidente de l'ensemble du peuple. Évidemment, bon, il n'y a pas grande différence entre ce qu'elle a dit ou non, par rapport à Biden.
Elle a répété encore une fois qu'Israël avait le droit de se défendre. Israël est l'auteur d'un massacre de plus de 300 000 Palestiniens déjà, procède à des bombardements au Liban, agit à sa guise en se servant d'armes américaines. Et elle n'arrive pas à dire que les Palestiniens ont le droit de se défendre. Ce sont eux qui sont occupés et opprimés depuis toutes ces décennies. Donc on voit très peu de différence.
Elle a flatté l'industrie pétrolière et gazière dans le sens du poil en soulignant que la production de pétrole et de gaz a atteint un niveau record. Elle n'a guère fait que mentionner la question de la violence climatique, sans s'encombrer de détails à ce sujet. Elle ne s'est pas prononcée en faveur d'une assurance maladie complète, rejoignant M. Biden sur ce point. Ce dernier n'aime pas l'idée d'un système complet d'assurance-maladie. Elle a rassuré le complexe militaro-industriel en affirmant qu'elle disposerait de la meilleure force de frappe au monde. Elle n'a pas vraiment abordé la question des impôts à récupérer auprès des sociétés géantes qui sont loin d'en payer assez, qui… vous le savez, nombre d'entre elles réalisent des milliards de bénéfices aux États-Unis et ne paient pas d'impôts, ou si peu.
Elle ne s'est même pas attaquée à Trump pour ses violations majeures de la loi fédérale et même de la Constitution. C'est ce qui peut nuire le plus à la réputation à Trump. C'est un violeur de lois en série.
Et le plus étonnant, Amy, c'est qu'elle n'a même pas mis le salaire minimum au cœur du débat. Les démocrates n'ont nulle considération authentique pour le salaire minimum. Il y a 25 millions de personnes dans ce pays qui gagnent moins de 15 dollars de l'heure.
C'est donc sur de tels tabous que je me concentre, et c'est pourquoi j'ai écrit ce livre et c'est pour cette raison que nous avons CapitolHillCitizen.com, ce site à partir duquel les gens peuvent obtenir par poste prioritaire un exemplaire de notre bulletin. En effet, si nous laissons tous ces tabous perdurer, si nous ne parlons pas des centaines de milliards de dollars d'aide aux entreprises ni des pratiques capitalistiques, des renflouements, des subventions et des cadeaux assortis de garanties du gouvernement, si nous passons sous silence la vague de criminalité d'entreprise dont la presse grand public révèle le caractère abusif, donc en l'absence de répression dirigée contre les escrocs au sein des entreprises – bien qu'elle se vante de son passé de procureure – on ne parle pas de redonner du pouvoir aux travailleurs au sein des syndicats, ce n'est pas le propos de Kamala Harris, on ne parle pas de mettre fin à l'influence du grand capital sur le jeu politique, bien sûr.
Et tout le monde se répétait dans ce débat. Voilà ce qu'il a fait… c'est le perroquet des débats. Il ne fait que parler à sa base.
AMY GOODMAN : Eh bien, Ralph, nous allons…
RALPH NADER : Mais elle a eu beaucoup d'occasions de porter les discussions à un autre niveau. Si on n'élargit pas l'horizon, si on ne structure pas le dialogue public pour lui donner plus de portée, alors on ne peut pas prêter attention aux dommages qui sont infligés à notre société démocratique...
AMY GOODMAN : Eh bien, Ralph…
RALPH NADER : … et au rôle des travailleurs et des consommateurs.
AMY GOODMAN : Ralph, nous allons poursuivre ce débat - et c'est sûr que ce sera tout un débat - entre vous et le professeur Stiglitz et après l'émission, nous publierons les échanges en ligne sur democracynow.org.
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Ralph Nader et Joseph Stiglitz se prononcent sur les plans économiques de Kamala Harris et l’opposition au pouvoir de la grande entreprise

Democray now https://www.democracynow.org/2024
Part II : Ralph Nader & Joseph Stiglitz on Kamala Harris's Economic Plans &
Confronting Corporate Power
Traduction Johan Wallengren
Le 11 septembre 2024
Invités
• Joseph Stiglitz
Économiste lauréat du prix Nobel, professeur à l'université Columbia, président du Council of Economic Advisers (CEA, littéralement « Conseil des conseillers économiques ») sous l'administration Clinton, il est actuellement économiste en chef de l'Institut Roosevelt.
• Ralph Nader
Défenseur des consommateurs et critique de la grande entreprise, il a été quatre fois candidat à l'élection présidentielle.
AMY GOODMAN : Bienvenue à Democracy Now !, democracynow.org, volet « Guerre, paix et présidence ». Mon nom est Amy Goodman.
À huit semaines seulement de l'élection présidentielle, nous continuons d'examiner la course présidentielle et le débat de mardi soir sur ABC News entre la vice-présidente Kamala Harris et Donald Trump. Ce débat était animé par Linsey Davis et David Muir d'ABC. Voici le président Trump.
DONALD TRUMP : J'ai construit l'une des plus grandes économies de l'histoire du monde et je vais le faire à nouveau. Elle sera plus grande, meilleure et plus forte. Mais ils sont en train de détruire notre économie. Ils n'ont aucune idée de ce qu'est une bonne économie. Leurs politiques pétrolières, chacune de leurs politiques… et souvenez-vous de ceci : elle est Biden. Vous savez, elle essaie de se dissocier de Biden. « Je ne connais pas ce monsieur », dit-elle. Elle est Biden. La pire inflation que nous ayons jamais eue, une économie horrible parce que l'inflation l'a rendue si mauvaise, elle ne peut pas juste s'en laver les mains.
DAVID MUIR : Monsieur le Président, merci. Votre temps est écoulé. Linsey ?
KAMALA HARRIS : Je voudrais répondre à ça, par contre. Je voudrais juste répondre brièvement.
Il est clair que je ne suis pas Joe Biden et que je ne suis certainement pas Donald Trump. Et ce que je présente, c'est une nouvelle génération de dirigeants pour notre pays, des gens qui croient aux réalisations dont nous sommes capables, qui amènent un vent d'optimisme par rapport à ce que nous pouvons faire, au lieu de toujours dénigrer le peuple américain.
AMY GOODMAN : Toujours avec nous, nous avons l'économiste Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel, professeur à l'université de Columbia, ancien président du Conseil des conseillers économiques. Le professeur Stiglitz est également l'économiste en chef de l'Institut Roosevelt et l'un des 16 économistes lauréats du prix Nobel qui ont lancé une mise en garde à l'égard des politiques de Trump. Dans cette deuxième partie de notre discussion sur l'économie et le débat présidentiel, nous avons aussi à nos côtés Ralph Nader, défenseur des consommateurs de longue date, critique de la grande entreprise et ancien candidat à l'élection présidentielle. Son dernier livre s'intitule Let's Start the Revolution : Tools for Displacing the Corporate State and Building a Country That Works for the People (traduction non officielle : Commençons la révolution : des outils pour extirper les grandes entreprises de l'appareil d'état et construire un pays qui répond aux aspirations du peuple). Il est également le fondateur du mensuel Capitol Hill Citizen (citoyen de Capitol Hill).
Merci à vous deux d'être restés avec nous. Professeur Stiglitz, pouvez-vous élargir la discussion – en réagissant déjà à ce qui est dit dans le clip – et dire si vous pensez que soit Harris, soit Trump présente une approche économique qui aidera réellement l'Américains moyen ?
JOSEPH STIGLITZ : Eh bien, tout d'abord, l'une des choses que Trump prétend est qu'il a construit l'économie et que Biden l'a détruite. Chaque président est confronté à des événements qui échappent à son contrôle, et il hérite d'une économie qui… dont les fondations sont ce qui été laissé par son prédécesseur.
Dans le cas de Trump, il a hérité d'une économie qui se remettait d'une récession très profonde causée par la mauvaise gestion du secteur financier par Bush lorsqu'il était président. Lorsque Trump est arrivé dans le paysage, nous étions finalement en train de nous remettre de cette récession. Il a ensuite fait passer une loi fiscale qui était censée donner un coup de fouet à l'économie. Ce qu'elle a fait, c'est donner un coup de fouet aux rachats d'actions. Il s'agissait d'une réduction d'impôts pour les milliardaires et les grandes entreprises. Elle a exacerbé l'un des principaux problèmes de l'Amérique : l'inégalité. Vous vous souvenez certainement de sa formule : « abroger et remplacer » ; il promettait d'abroger l'Obamacare et de le remplacer par autre chose. Il n'y est pas parvenu. Il n'a pas réussi à le faire, parce qu'il n'avait aucune solution de remplacement. Et à sa grande surprise, les Américains ont apprécié l'Obamacare. Ce n'était pas parfait, mais c'était tellement mieux que ce qu'il y avait avant.
Lorsque M. Biden a pris ses fonctions, il a hérité d'un véritable gâchis, parce que – sans chercher à blâmer Trump pour la pandémie, nous pouvons cependant blâmer Trump pour la façon dont il a géré la pandémie. Et le résultat de sa mauvaise gestion à cet égard a été la mort de plus d'un million d'Américains. Biden a donc dû construire à partir du gâchis dont il a hérité. À cause de la mauvaise gestion préalable, il y a eu d'énormes interruptions de l'offre, la demande s'est déplacée, et c'est ce qui a provoqué l'inflation. Ce n'était pas le fait de Biden. Ce que Biden a fait, c'est mettre en place un certain nombre de politiques pour remédier à la situation. Et s'il avait bénéficié de la coopération – d'une plus grande coopération du Congrès -, il aurait pu faire beaucoup plus. Par exemple, l'un des problèmes au départ était la pénurie de main-d'œuvre. Lorsqu'on est confronté à une pénurie de main-d'œuvre, que fait-on ? On cherche à augmenter la population active. Comment s'y prend-on ? Eh bien, l'une des caractéristiques les plus frappantes de l'Amérique est la faible participation de la main-d'œuvre au marché du travail. Ce qu'il voulait faire, c'était créer des congés familiaux, des services de garde d'enfants. Ces mesures auraient augmenté l'offre de main-d'œuvre et auraient modéré les hausses de salaires. Cela aurait permis de réduire, de tempérer l'inflation. Or, du fait d'avoir gardé le bon cap en se concentrant sur le bon diagnostic, l'inflation a bel et bien chuté.
Il y a eu un autre élément qui a fait flamber l'inflation – encore une fois, on ne peut pas blâmer Biden pour ça – et c'est l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Celle-ci a entraîné une flambée des prix des denrées alimentaires, du pétrole et de l'énergie. Là encore, une main ferme, des sanctions, une forte expansion de l'énergie, ont eu pour résultat que les prix élevés du pétrole n'ont pas duré.
Ce qui est frappant à propos de Madame Harris jusqu'à présent, c'est qu'elle a gardé le bon cap sans perdre de vue les problèmes sous-jacents. Permettez-moi d'en évoquer quelques-uns. Les gens s'inquiètent toujours au sujet de l'inflation. Oui, les prix ne sont pas redescendus à leur niveau antérieur, et ils ne retomberont pas à ce point. Mais le taux d'inflation a fortement baissé, à la surprise générale. Les coûts des soins de santé constituent une part importante de l'inflation. La loi de réduction de l'inflation (Inflation Reduction Act ou IRA) a fait baisser ces coûts. Nous sommes enfin en mesure de négocier avec les laboratoires pharmaceutiques pour faire baisser les prix des médicaments.
Elle a parlé du logement. L'un des problèmes en la matière est que nous devons construire plus de maisons. Une partie du problème du logement est que nous n'avons pas eu droit au type d'innovation dont nous aurions besoin. Toutes nos ressources en matière d'innovation ont été canalisées vers la construction d'un meilleur système publicitaire. C'est ce à quoi s'emploie la majeure partie de la Silicon Valley : construire un meilleur système publicitaire permettant de cibler les gens de manière personnalisée. Nous avons besoin de plus d'innovation pour réduire le coût de la construction, et ça fait partie de ce qu'elle a proposé.
Je pourrais creuser le sujet, mais un autre problème important est celui du pouvoir sur le marché. C'est un très gros problème et l'administration Biden-Harris a mis en place un programme concerté pour briser, limiter l'exercice du pouvoir sur le marché. Une initiative très, très importante. Si nous brisons la mécanique du pouvoir sur le marché, alors il y aura plus de concurrence et, encore une fois, les prix diminueront. Donc, si vous regardez l'ensemble des mesures prévues, ce que je vois dans le programme de Harris, c'est un diagnostic des problèmes, ainsi que des propositions concrètes pour résoudre ces problèmes aujourd'hui et construire les fondations qui prépareront une meilleure économie à l'avenir.
AMY GOODMAN : Ralph Nader, voyez-vous avec autant d'optimisme le potentiel d'une administration Harris, d'une présidence Harris, pour ce qui est de prendre soin de l'économie ?
RALPH NADER : Pour ma part, non. Je veux dire qu'elle diagnostique certains des problèmes, mais elle ne diagnostique pas les obstacles, comme la mainmise de la grande entreprise sur le Congrès, qui a fait que la machine s'est grippée, a cessé de tourner rond, de telle sorte qu'un très grand nombre de propositions que les gens de ce pays appelaient de leurs vœux, qu'il s'agisse d'assurances ou de salaire minimum vital ou de budgets de lutte contre la criminalité des entreprises ou encore de l'audit du budget militaire et de l'élimination de l'énorme gaspillage dans ce secteur et de la réattribution des fonds, ont été bloquées. C'est donc toujours ça le problème. Vous savez, ils disent qu'ils vont faire ceci et qu'ils ont un plan pour cela, mais ils ne parlent pas des obstacles que cela implique. C'est donc sur ça que je me concentre.
Et il ne s'agit pas seulement des obstacles liés au pouvoir des entreprises et à leurs agissements criminels, au financement des campagnes électorales par celles-ci et à leur influence sur les médias. Il s'agit aussi du fait que les entreprises accélèrent leur hégémonie et leur suprématie dans tous les secteurs de notre pays. Ce sont elles qui élèvent nos enfants, vous savez, dans le goulag de la Silicon Valley, cinq à sept heures par jour, en s'interposant avec l'autorité parentale. Alors c'est dire à quel point elles ont le bras long, sans parler de leur contrôle stratégique du système fiscal. Une grande partie des budgets de dépenses sont faussés. Tout travail efficace sur le dérèglement climatique est bloqué par les compagnies pétrolières et gazières. Elles pillent les terres publiques. Elles portent atteinte aux pensions privées. Elles bloquent le salaire minimum.
On ne peut donc pas se contenter de dire « j'ai un plan ». Il faut parler d'un transfert de pouvoir. Il faut donner aux électeurs, aux petits contribuables, aux consommateurs, aux travailleurs le pouvoir de s'organiser, de s'exprimer, d'avoir accès aux tribunaux et aux législateurs de leur État et de leur pays. Il y a une grande tendance au verrouillage à Washington, au Congrès et dans les organismes exécutifs. Ils ne prennent même plus la peine de répondre aux lettres et aux pétitions. Il s'agit donc d'une crise démocratique de premier ordre.
AMY GOODMAN : Pouvez-vous nous donner votre avis, Professeur Stiglitz ?
JOSEPH STIGLITZ : Oui, je suis d'accord avec beaucoup de choses que Ralph a dites. Je pense que les contributions aux campagnes électorales doivent faire l'objet d'une réforme de premier ordre. Je pense que les problèmes liés à la Cour suprême et à sa structure nécessitent aussi un remaniement de premier ordre. Et s'ils ne peuvent pas faire adopter un amendement constitutionnel, ce qui est certes très difficile dans le cadre de la Constitution actuelle, ils peuvent ajouter des juges. Et je pense qu'il sera absolument nécessaire, en l'absence d'un amendement constitutionnel limitant la durée des mandats et les abus de la Cour suprême, d'augmenter le nombre de juges pour rétablir l'équilibre et faire en sorte que la Cour suprême reflète les opinions du peuple américain.
Mais bon nombre des problèmes qu'il a soulevés sont déjà traités au sein de l'administration Biden. Et je pense que Harris poursuivra le travail : briser le pouvoir des entreprises en rendant les marchés plus compétitifs, augmenter les impôts sur les sociétés – au lieu de les réduire comme le voudrait Trump – afin qu'elles n'aient plus autant d'argent pour faire avancer leurs priorités à elles. Les républicains comme les démocrates sont très favorables à une mesure équivalente à ce que l'Europe appelle la Loi sur les services numériques (Digital Services Act), afin de mettre un terme aux abus dans l'espace numérique, tels que ceux émanant de Facebook, Twitter et autres – X, comme on l'appelle maintenant. Je pense que ce type de structure réglementaire est à l'ordre du jour, car les abus ont été tellement, tellement grands ! Vous savez, une des constatations qu'on peut faire au sujet de l'Amérique de la grande entreprise (« corporate America ») est qu'elle a été si avide que même les Américains modérés ont dit : « savez-vous, attendez voir, il faut faire quelque chose à ce sujet ».
AMY GOODMAN : Ralph Nader, pouvez-vous répondre à cela et développer ce que vous avez dit dans la première partie de notre discussion sur la question de l'augmentation du salaire minimum ?
RALPH NADER : Oui. Vous savez, Joe, j'ai essayé de faire en sorte que les syndicats fassent du salaire minimum le thème principal de la fête du travail. Ce projet a été très bien accueilli par Liz Shuler, la fédération syndicale AFL-CIO et d'autres grands dirigeants syndicaux. Ils ont fait passer la proposition devant le Comité national démocrate (National Democratic Committee), qui l'a rejetée. Ils ne voulaient pas d'un grand nombre d'événements partout au pays qu'ils ne pourraient pas contrôler, avec un pacte pour les travailleurs américains – pas seulement le salaire minimum, mais aussi la sécurité des travailleurs et l'abrogation de la Loi Taft-Hartley, etc., toutes ces choses qui vous sont familières.
Mais le problème, c'est qu'ils ne vont pas jusqu'au bout. Elle aurait dû insister davantage sur la suppression de votants par les républicains et Trump, car c'est l'une des raisons pour lesquelles ils perdent ces courses serrées au Congrès. Et si vous ne contrôlez pas le Congrès, vous ne pouvez rien faire de toutes ces choses. Le Congrès est le principal rempart quand il s'agit de s'opposer et la voie royale quand il s'agit de légiférer. Et ils peinent à maintenir leurs positions au Congrès face à un parti républicain pourtant plus en retrait que jamais. Il faut donc parler du Congrès sans relâche. Ce qui signifie qu'il faut parler de l'argent des campagnes électorales.
Mais plus important encore, il faut parler de la nécessité d'inciter à voter ceux qui ne seraient pas portés à le faire. Il y aura environ 100 millions de non-votants en novembre. Il faut écouter des gens comme le révérend William Barber, qui vient d'écrire un livre qui a été totalement ignoré, Joe, intitulé White Poverty, (traduction non officielle : La pauvreté des Blancs) et qui essaie de dire que la question primordiale est celle des classes sociales. Ce n'est pas juste une question de race. C'en est aussi une de classes sociales. Et les problèmes de classes sociales alimentent la discrimination raciale. Donc, si vous ne parlez pas du Congrès lorsque vous évoquez l'avenir de notre pays, vous laissez de côté la principale source d'obstruction liée au pouvoir des entreprises dans notre pays.
AMY GOODMAN : Professeur Stiglitz...
RALPH NADER : Elles rôdent dans les couloirs du Congrès.
AMY GOODMAN : Votre réaction, Professeur Stiglitz ?
JOSEPH STIGLITZ : Non, je suis d'accord avec vous. L'appareil politique – la réforme de nos institutions politiques – est une question centrale. En fait, l'un des aspects qui me préoccupe le plus est le remaniement des circonscriptions électorales. Et nous avons une Cour suprême qui dit : « Oh, laissons les États décider ». Mais, bien sûr, le charcutage se passe dans les États – et ce serait à ceux-ci de résoudre le problème du charcutage ? C'est absurde. Et c'est un autre exemple de l'absurdité de notre Cour suprême. C'est pourquoi nous devons commencer par nous attaquer aux problèmes qui touchent la Cour suprême, qui a permis à l'argent de s'immiscer dans la politique de manière si corruptrice.
AMY GOODMAN : Je voulais poser une question sur Lina Khan (c'est une question qui a déjà été soulevée), qui est à la tête de la Commission fédérale du commerce, la FTC, et sur les milliardaires qui font pression pour que Kamala Harris nomme quelqu'un d'autre à sa place. Ralph Nader, pouvez-vous nous parler de l'importance de cette question, de ce qui est en jeu, des enjeux des deux côtés de la barrière ?
RALPH NADER : Eh bien, c'est le signe de l'activation de la Commission fédérale du commerce, après des années de calme plat, dans le domaine de l'antitrust (du côté de la protection des consommateurs, ça a malheureusement moins bougé). Mais elle a lancé de nombreuses poursuites contre le « trust » de la Silicon Valley, si on peut appeler ça comme ça, et en a fait de même pour des sociétés d'autres secteurs. Je pense que son mandat est assuré si Kamala Harris devient présidente. Elle bénéficie d'un très large soutien. Même J.D. Vance s'est prononcé en sa faveur par le passé.
AMY GOODMAN : Pouvez-vous également nous expliquer, Professeur Stiglitz, les pressions exercées par les partisans de Kamala Harris, comme par exemple Reid Hoffman, le fondateur de LinkedIn, pour ce qui est de se débarrasser de Lina Khan ?
JOSEPH STIGLITZ : Eh bien, Lina Khan a adopté une position très ferme contre le pouvoir sur le marché, contre les monopoles, contre les abus de position dominante. Et il n'est pas surprenant que, compte tenu de ces positions fermes, les gens qui ont gagné leur argent en exerçant un pouvoir sur le marché et en abusant de leur position dominante, en lésant les consommateurs, ne l'aiment pas. Ce n'est donc pas surprenant que de nombreux contributeurs aux deux partis soient considérés comme suspects.
Mais les économistes ont de façon générale choisi leur camp. Si nous voulons avoir une économie dynamique, nous avons besoin de concurrence. Elle est la plus fervente avocate de la concurrence. De fantastiques décisions de justice sont venues appuyer ses démarches : Google a été déclaré en situation de monopole sur le marché des moteurs de recherche, des procès sont en cours pour s'attaquer au monopole de Google dans la sphère de la publicité et de nombreux autres procès contre les situations de pouvoir sur le marché sont dirigés contre toutes ces entreprises puissantes.
Permettez-moi juste de prendre… une position qui diffère de celle de Ralph. Parmi les questions importantes en ce qui a trait à la protection des consommateurs, il y a les questions de protection de la vie privée. Et elle s'est également attaquée à ces questions de protection de la vie privée, de manière très importante. Je pense donc qu'il y a à la fois… c'est en fait étonnant de voir l'audace avec laquelle la Commission fédérale du commerce et le ministère de la Justice se sont attaqués à ces questions.
Et permettez-moi de rappeler à ceux qui pensent qu'il s'agit de questions très abstraites que la concurrence est vraiment importante pour notre économie, car elle conditionne son dynamisme, sa capacité d'innovation, et que la concurrence… le manque de concurrence a produit davantage d'inflation, sachant que les entreprises ont le pouvoir d'augmenter les prix, et elles ont exercé ce pouvoir durant l'ère post-pandémique. Et quand la concurrence est insuffisante, leur pouvoir sur le marché donne aux grandes entreprises la capacité de nous exploiter de toutes sortes de façons, ce qui se vérifie sans arrêt. Il suffit de regarder les abus des banques et des cartes de crédit, des sociétés pharmaceutiques ; cela se produit dans toutes les sphères, comme l'internet, toutes les sphères où nous nous sentons qu'on ne nous laisse pas le choix. Pourquoi ce manque de choix ? Parce qu'il n'y a pas de concurrence efficace.
AMY GOODMAN : Ralph Nader ?
RALPH NADER : Mais il y a, Joe… il y a une autre forme d'abus qui transcende la concurrence. Il s'agit de la fraude massive sur les factures. L'expert de Harvard, Malcolm Sparrow, spécialiste en mathématique appliquée, qui a étudié cette question, estime qu'au bas mot, rien que dans le secteur des soins de santé, 350 milliards de dollars par an, soit 10 % des dépenses, sont drainés par la fraude et la tricherie en matière de facturation. Et la Commission fédérale du commerce… j'espère pouvoir m'entretenir avec certains commissaires de la Commission fédérale du commerce à ce sujet – ils m'ont invité – n'a rien fait pour lutter contre la fraude sur les factures.
Un autre phénomène qui sape la concurrence, aussi réduite soit-elle, est que toutes les entreprises ont les mêmes clauses de contrat en petits caractères qui désavantagent les consommateurs de toutes sortes de façons. Le cas des compagnies aériennes est particulièrement flagrant : elles ont toutes les mêmes clauses unilatérales en petits caractères qui privent les consommateurs de la possibilité d'intenter des poursuites ; elles peuvent modifier les contrats à volonté, ce qu'on appelle la modification unilatérale, d'où l'arbitrage obligatoire. Tout ça a des conséquences économiques et engendre des exclusions juridiques et des injustices. Mais, vous savez, ce qui a été révélateur dans le cas des démocrates, c'est qu'ils ont abandonné le salaire minimum. Je sais que...
AMY GOODMAN : Avant de parler du salaire minimum, Ralph -
RALPH NADER : … vous avez réussi à convaincre Paul Krugman d'écrire sur le sujet, finalement.
AMY GOODMAN : Ralph, avant de parler du salaire minimum, pouvez-vous réagir à ce qui vient d'être dit ?
JOSEPH STIGLITZ : Oui, oui. Vous avez tout à fait raison. Et il y a d'autres dispositions, comme les ententes de non-divulgation, qui ont joué un rôle très important dans beaucoup d'autres cas, notamment ceux de discrimination. Mais il y a une autre chose que je tenais à souligner : les économistes ont enfin commencé à parler du pouvoir de monopsone, le pouvoir sur le marché du travail. De même que les situations de monopole permettent de hausser les prix, rendant les travailleurs, les citoyens ordinaires, plus pauvres, le pouvoir de monopsone exerce une pression à la baisse sur les salaires.
AMY GOODMAN : Pouvez-vous épeler « monopsone » ?
JOSEPH STIGLITZ : M-O-N-O-P-S-O-N-E. C'est le pouvoir sur les travailleurs, sur les fournisseurs. Ce mot désigne le pouvoir des grandes entreprises d'exploiter les petits fournisseurs, ou celui des grandes sociétés d'exploiter les travailleurs ordinaires. L'effet de ce...
RALPH NADER : Et les petits agriculteurs.
JOSEPH STIGLITZ : Ce pouvoir sur le marché qui s'exerce sur les fournisseurs a, selon les estimations, pour effet de réduire les salaires de 30, 35, 40 %, voire davantage. Là où nous voulons en venir, c'est que le ministère de la Justice et la Commission fédérale du commerce s'attaquent enfin au pouvoir de monopsone et à certaines des dispositions dont parlait Ralph, à savoir l'insertion dans les contrats de clauses qui renforcent le pouvoir de monopsone. Prenons un exemple : les clauses de non-concurrence. Si vous travaillez pour McDonald's ou Burger King et faites des hamburgers, votre contrat contient une clause propre à un territoire vous interdisant de travailler pour une autre entreprise – ce qui, bien sûr, affaiblit la concurrence sur le marché. L'affaiblissement de la concurrence fait baisser les salaires et augmente les profits des entreprises, accroît les inégalités et rend le marché moins efficace.
AMY GOODMAN : Ralph, vous alliez aborder la question du salaire minimum…
RALPH NADER : Oui. Eh bien, juste pour Joe, Joe, vous devriez cibler davantage les budgets d'application dérisoires de la loi de la Commission fédérale du commerce et du ministère de la Justice. Un grand cabinet d'avocats compte plus d'avocats que ceux qui travaillent sur ces questions au sein du ministère de la Justice et de la Commission fédérale du commerce, un seul cabinet d'avocats géant. Et sans budgets, il n'est pas possible de mettre en œuvre les politiques que vous préconisez.
Et la deuxième chose à laquelle il faut prêter attention, ce sont les délais. De la manière dont les tribunaux sont aujourd'hui structurés, quoi que fasse Lina Khan avec le ministère de la justice, les tribunaux peuvent laisser traîner les choses pendant des années. Tout le monde le sait. Ils peuvent les laisser traîner jusqu'à ce qu'il y ait une nouvelle administration ou une nouvelle Commission fédérale du commerce.
C'est pourquoi le Congrès doit être au centre des préoccupations. Le Congrès doit s'attacher à modifier la nature du pouvoir judiciaire, à déterminer quels juges sont confirmés ou rejetés. Et le Congrès doit être à la pointe de l'opposition aux cabinets d'avocats d'affaires qui bloquent les budgets d'application adéquats. C'est comme s'il fallait se contenter d'une centaine de policiers dans tout New York. Vous n'avez pas idée à quel point ces budgets sont faibles. Ils ne cessent de nous le dire… et nous, nous les questionnons : « pourquoi ne lancez-vous pas de poursuites suite à cette infraction à la loi antitrust ? Pourquoi ne vous attaquez-vous pas à ce monopole ? Pourquoi ne tombez-vous pas sur le dos des entreprises agroalimentaires qui écrasent les agriculteurs sur les marchés ? » Ils répondent : « Nous n'avons pas le personnel. Nous n'avons pas les avocats. Nous n'avons pas les procureurs. » Nous devons donc être attentifs à ces questions.
AMY GOODMAN : Joe Stiglitz...
RALPH NADER : En ce qui concerne le salaire minimum, je sais que Joe est un grand défenseur du salaire minimum vital. Mais Joe, n'êtes-vous pas étonné que cette campagne présidentielle ne mette pas – que les démocrates ne mettent pas – cette question à l'avant-plan ? Elle devrait être centrale, mais on la marginalise. Ils n'écoutent pas la parole des travailleurs quand ceux-ci expliquent ce que cela signifie d'obtenir plus d'argent par heure. Ils ne font pas vraiment d'efforts en la matière au Congrès. Elle n'en parle pas ; elle n'en parle quasiment jamais, Kamala Harris.
JOSEPH STIGLITZ : Je suis d'accord. Ils devraient parler du salaire minimum. Vous savez, les recherches menées ces dernières années par les économistes ont totalement changé notre vision de ce que signifierait un salaire minimum de 15 dollars de l'heure, voire un peu plus. On disait autrefois que le fait d'augmenter le salaire minimum créerait plus de chômage. Nous savons aujourd'hui que ce n'est pas vrai. Une augmentation du salaire minimum par rapport au niveau extraordinairement bas où il a stagné serait en fait bénéfique pour l'emploi. Cela mettrait plus d'argent dans les mains de gens qui sont prêts à le dépenser, ce qui augmenterait la demande globale, en particulier dans certaines des communautés parmi les plus pauvres. On le voit, les villes de notre pays, comme Seattle, qui ont déjà augmenté leur salaire minimum s'en sortent en fait très bien.
AMY GOODMAN : Je voulais juste citer un article paru dans le Times il y a à peu près une semaine, qui dit que les donateurs de la campagne de la vice-présidente Harris la poussent à reconsidérer son soutien à un projet d'impôt applicable aux Américains les plus riches, dans un contexte où certains dirigeants de Wall Street et de la Silicon Valley tentent de remodeler le programme de gouvernement de la candidate démocrate. On peut aussi y lire que l'équipe de campagne de Madame Harris (...) a déclaré qu'elle soutenait les augmentations d'impôts prévues dans (...) la plus récente proposition de budget de la Maison-Blanche de Biden. L'une des mesures envisagées consisterait à obliger les Américains disposant d'un patrimoine d'au moins 100 millions de dollars à payer des impôts sur les plus-values d'investissement, même s'ils n'ont pas vendu les actions, les obligations ou d'autres actifs qui se sont appréciés. Cette catégorie de contribuables payerait un impôt de 25 % sur une combinaison de leurs revenus réguliers, comme les salaires, et de ce que l'on appelle les plus-values non réalisées. L'impôt sur le revenu minimum pour les milliardaires pourrait entraîner une lourde facture fiscale pour les personnes fortunées qui tirent une grande partie de leur richesse des actions et autres actifs qu'elles possèdent ». J'aimerais avoir vos commentaires sur cette question dans cette dernière partie de notre conversation. Ralph Nader ?
RALPH NADER : Eh bien, je vais laisser la parole à Joe. Ma principale proposition est de rétablir les taux d'imposition qui s'appliquaient aux riches et aux entreprises dans les années de prospérité de la décennie 1960, avant que nous ne les réduisions de façon spectaculaire au cours des années qui suivirent ; nous avons alors écarté toute possibilité de réforme fiscale, c'est-à-dire exclu toute réforme fiscale de la base vers le sommet et avons toléré d'énormes déficits ou des budgets de services publics de plus en plus restreints parce que les entreprises et les super-riches étaient notoirement sous-imposés.
AMY GOODMAN : Vos derniers commentaires, Joe Stiglitz ?
JOSEPH STIGLITZ : Oui.
RALPH NADER : Joe, vous pouvez répondre à cette autre partie de la question mieux que moi.
JOSEPH STIGLITZ : Il est clair que nous sommes allés trop loin, puisque nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation où les ultrariches paient en fait une plus petite fraction de leurs revenus en impôts que les gens qui disposent de peu de moyens. Warren Buffett n'a pas mâché ses mots quand il a constaté que quelque chose ne va pas quand il s'en tire avec un taux d'imposition inférieur à celui de sa secrétaire.
La proposition particulière que vous avez mise sur la table s'appelle la réalisation constructive des plus-values, une solution que je préconise depuis très longtemps. Elle présente de nombreux autres avantages économiques. Ce sont des détails techniques, mais cela réduit le problème de l'immobilisation des fonds, une situation qui se produit lorsque le contribuable ne veut pas vendre un actif parce que s'il le fait, il payera un impôt prélevé lors de la réalisation du gain. Il s'agit donc d'une réforme qui rendrait l'économie plus efficace, tout en rendant le système fiscal plus équitable. Je suis donc très favorable à la question de la réalisation constructive. Ce que vous faites, c'est que vous payez la valeur estimée, puis, à la fin, lorsque vous vendez, vous pouvez faire toutes sortes de redressements, de sorte que vous ne payez jamais, jamais, trop d'impôts, dans les faits. Il s'agit simplement de vous les faire payer à l'avance, plutôt que de reporter et reporter.
Cette mesure doit être accompagnée d'une autre disposition qui est vraiment très mauvaise. Il s'agit de l'augmentation de la base d'imposition des plus-values. Il s'agit d'une disposition qui s'applique lorsque vous léguez un bien à vos enfants ou à quelqu'un d'autre. Lorsque les héritiers héritent, la valeur de référence est celle de la date de l'héritage. Cela signifie que toutes les plus-values, depuis le moment où le bien ne valait peut-être rien jusqu'au moment où vous le donnez, échappent totalement à l'impôt. Et c'est un ingrédient essentiel pour créer en Amérique cette ploutocratie d'héritiers qui sape tellement les valeurs fondamentales de notre pays.
AMY GOODMAN : Eh bien, je tiens à vous remercier tous les deux...
RALPH NADER : C'est pourquoi j'y reviens encore et encore, Amy, au Congrès, au Congrès, au Congrès. De la manière dont notre système est construit, le Congrès peut être le grand facilitateur ou le grand obstructeur. C'est pourquoi nous avons créé ce mensuel, Capitol Hill Citizen, pour lequel j'espère que vous écrirez, Joe. Les gens peuvent obtenir la version imprimée de notre bulletin en allant sur CapitolHillCitizen.com. Si vous faites un don de cinq dollars ou plus, vous recevrez sans délai un document de 40 pages par courrier prioritaire. CapitolHillCitizen.com.
AMY GOODMAN : Ralph Nader, je veux vous remercier d'avoir été avec nous. Vous êtes un défenseur des consommateurs de longue date, un critique de la grande entreprise, un ancien candidat à la présidence – quatre fois, je crois – auteur de nombreux livres, dont le plus récent est Let's Start the Revolution : Tools for Displacing the Corporate State and Building a Country That Works for the People (traduction non officielle : Commençons la révolution : des outils pour extirper les grandes entreprises de l'appareil d'état et construire un pays qui répond aux aspirations du peuple). Ralph est le fondateur du mensuel Capitol Hill Citizen. Professeur Stiglitz, économiste lauréat du prix Nobel, professeur à l'université Columbia, ancien président du Conseil des conseillers économiques, est actuellement économiste en chef à l'Institut Roosevelt. Son nouveau livre s'intitule The Road to Freedom : Economics and the Good Society (traduction non officielle : Le chemin vers la liberté : l'économie et la bonne société). Pour voir la première partie de notre discussion, rendez-vous sur democracynow.org. Mon nom est Amy Goodman. Merci beaucoup de nous avoir suivis.
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Un large débat citoyen s’impose !

Le projet de Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives (projet de loi 69) a été présenté sans débat public préalable véritable en juin dernier. Il a commencé à être discuté en commission parlementaire à partir du mardi 10 septembre. Le ministre Pierre Fitzgibbon, qui avait préparé ce projet de loi a démissionné avant l'ouverture de la commission parlementaire et a été remplacé par Christine Fréchette qui passe du ministère de l'Immigration au ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie. Legault a demandé au ministre Fitzgibbon de démissionner avant l'ouverture de ce débat. Il craignait que sa franchise mal placée (sur la nécessaire réduction du parc automobile, sur la probable hausse des tarifs d'électricité, sur le retour possible du nucléaire… ) n'eût pas sa place dans une période de débats qui s'annoncent difficiles alors que son incapacité d'améliorer les services publics pèse de plus en plus sur la popularité de son gouvernement.
A. Principales mesures du projet de loi 69
Rappelons en quelques mots les principales mesures du projet de loi 69. Il s'agit :
• De centraliser les pouvoirs dans les mains du responsable ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie (MÉIE).
• D'augmenter considérablement la production énergétique en doublant dans les 25 prochaines années les capacités de production d'électricité du Québec.
• D'inviter Hydro-Québec à investir des dizaines de milliards de dollars pour ce faire. [1]
• De prévoir l'élaboration d'un projet de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRE) qui établirait les orientations, les objectifs et les cibles à atteindre en matière d'énergie et d'efficacité énergétique sur un horizon de 25 ans.
• De privatiser une partie de la production et de la distribution de l'énergie renouvelable en favorisant l'autoproduction des entreprises privées.
• D'autoriser Hydro-Québec à se départir de davantage de ses centrales hydroélectriques au profit de petits intervenants comme les municipalités ou les communautés autochtones en rehaussant à 100 mégawatts la limite des projets de petites centrales hydroélectriques.
• De revoir le processus de tarification, particulièrement à partir de 2026, et d'ouvrir la possibilité de fixer un ou plusieurs tarifs pour les clients résidentiels d'Hydro-Québec afin d'amener les consommateurs à consommer moins. [2]
B. Les réactions au projet de loi 69 en commission parlementaire
Les interventions faites dans le cadre de la commission parlementaire méritent d'être examinées, car elles permettent de voir le caractère de classe de ce projet de loi qui apparaît comme un coup de force antidémocratique sous le couvert de la décarbonation et qui risque de se concrétiser par une régression démocratique de la société québécoise tout en évitant la discussion sur les politiques qui permettraient d'atteindre les objectifs de réduction de GES et d'engager une véritable lutte aux changements climatiques et à la perte de la biodiversité.
Les interventions des organisations patronales.
La communauté d'affaires s'est réjouie des mesures destinées à renforcer la production d'électricité et à accélérer la privatisation de la production et de la distribution d'énergie.
À l'intérieur de cette communauté, Energir a salué le dépôt du projet de loi 69 et la volonté du gouvernement du Québec d'inclure Énergir dans les travaux d'élaboration du plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRE). Le projet de loi selon Énergir permettra de faire avancer la filière GSR afin que le Québec maintienne son rôle de leader en Amérique du Nord.
Les Manufacturiers et Exportateurs du Québec, le Conseil du patronat, la Fédération canadienne des entreprises indépendantes et la Fédération des chambres de commerce du Québec [3], malgré diverses préoccupations et des propositions d'amendements différentes, accueillent ce projet de loi favorablement car il répond à plusieurs de leurs intérêts et objectifs :
• avoir accès à plus d'énergie en quantité suffisante pour répondre aux besoins actuels et à leur projet de croissance et d'augmentation de leurs profits ;
• assurer d'avoir des tarifs compétitifs. Si les organisations patronales représentant les PME comme la FCEI dénoncent l'interfinancement, soit le fait que la majorité des PME paient pour les plus grandes entreprises qui ont des tarifs préférentiels (tarif L) et les résidents, elles espèrent que le gouvernement se rendra à leurs demandes et leur offrira des mesures fiscales et des subventions leur permettant de faire face à d'éventuelles augmentations de tarifs.
• L'ensemble du patronat salue le projet de loi qui permettra d'accélérer et de faciliter l'autoproduction d'énergie. Il appelle à l'octroi des crédits d'impôt pour faciliter cette autoproduction. Les Manufacturiers et Exportateurs du Québec invitent même le gouvernement à permettre des projets comportant plus d'une entreprise et à ne pas limiter la possibilité de vente aux entreprises situées sur des terrains adjacents.
• Les organisations patronales insistent pour que le PGIR s'assure du soutien de l'ensemble des filières énergétiques et que tous les secteurs (secteurs gazier et pétrolier y compris) puissent être impliqués dans sa mise au point.
Unanimement, les représentants du patronat se font les défenseurs de l'augmentation considérable de la production, de la privatisation, de la production d'énergie par l'autoproduction et de leur implication dans la distribution. Ils ne semblent nullement préoccupés par le fait que le projet de loi ne fasse aucune place à un plan de décarbonation et de lutte aux changements climatiques. La croissance verte comme occasion d'affaires et d'enrichissement balaie toutes les réflexions sur les limites de la planète pour ne pas parler de réelles politiques de décroissance. Les organisations patronales ne semblent nullement préoccupées par le fait que la démarche du gouvernement n'a pas fait place à un large débat citoyen. Le premier ministre est complètement en phase avec les aspirations des propriétaires des entreprises, et particulièrement, avec les plus grandes d'entre elles.
Réactions des organisations syndicales, populaires et écologistes.
Des groupes de la société civile ont demandé la suspension des travaux parlementaires entourant le projet de loi 69. [4]
La FTQ réitère dans son mémoire [5] sa « position ferme contre l'adoption du projet de loi no. 69 dans sa forme actuelle. Elle y dénonce la centralisation des pouvoirs dans les mains du ministre, le fait qu'il facilite la proposition de la privatisation et s'attaque ainsi au contrôle d'Hydro-Québec sur la production de l'énergie. Elle écrit :
La FTQ appelle à la suspension immédiate des travaux parlementaires sur le projet de loi et demande la mise en place d'un Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRE) avant toute reprise des discussions. Ce plan doit inclure une évaluation exhaustive des impacts environnementaux et économiques, garantir que les décisions énergétiques du Québec soient alignées avec les engagements internationaux en matière de biodiversité et de lutte contre les changements climatiques et assurer un processus décisionnel inclusif qui mettra de l'avant l'expertise des travailleuses et travailleurs ainsi que des nombreux acteurs de la société civile. »
La FTQ recommande de maintenir une gestion exclusivement publique des infrastructures énergétiques afin de préserver leur statut de bien commun, crucial pour la collectivité et propose même que le mandat d'Hydro-Québec soit étendu à l'ensemble de la production, du transport, et de la distribution électrique quelle qu'en soit la source et que les sources renouvelables soient nationalisées.
Ces dimensions sont effectivement absentes du projet de loi.]
La CSN dénonce le fait que le projet de loi 69 ouvre la porte à plus de production d'électricité privée par son article 38 qui permet à une entreprise de produire de l'électricité et de la distribuer à un client situé sur un terrain adjacent. La hausse à 100 mégawatts (MW) maximum, plutôt que les 50 MW actuels de la production hydroélectrique privée, va également dans le même sens. C'est une – autre voie par laquelle de nouveaux producteurs privés pourraient apparaître. Pour la CSN, Hydro-Québec doit être le seul maître d'œuvre pour le développement du secteur éolien au Québec. [6]
L'Union des Producteurs Agricoles (rappelle pour sa part) que la nationalisation de l'électricité a permis « l'industrialisation des campagnes et d'améliorer les méthodes de production et aussi de garantir un accès équitable et abordable à l'électricité pour tous les Québécois ». Elle dit craindre que le projet de loi 69 débouche sur un retour en arrière. Le mémoire souligne que les terres agricoles ne constituent que 2% du territoire du Québec et que la gestion gouvernementale actuelle face au développement des énergies renouvelables ne contribue pas à protéger la production agricole du Québec. [7]
Le mémoire de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador [Mémoire de l'Assemblée des Premières Nations [https://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ.Vigie.Bll.DocumentGenerique_202029&process=Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz]] demande une série d'engagements au gouvernement qui démontrent leur volonté que « les Premières Nations, leurs gouvernements, leurs savoirs et leurs expertises doivent être placés au premier plan de la transition énergétique et du développement économiques, c'est pourquoi, l'APNQL demande une série d'engagements : assurer une représentation des Premières Nations au sein de l'effectif d'Hydro-Québec, prévoir un financement dédié aux Premières Nations, contribuer à la réconciliation économique avec les ¨Premières Nations en précisant des exonérations fiscales, partager les décombres et compenser les domaines du passé et actuel, verser des dividendes d'Hydro-Québec aux Premières Nations, réaménager et restaurer à la fin de l'exploitation, alléger le processus de conclusion entre Hydro-Québec et les Premières Nations, interdire la production d'énergie nucléaire et cibler des entreprises des Premières Nations. Les engagements demandés sont mis en contexte et s'expriment dans des recommandations précises sur lesquelles il faudra revenir.
Réactions groupes écologistes. Les groupes écologistes déplorent que la sobriété énergétique ne soit pas une priorité. Les entreprises vampiriseront les mégawatts qui ne seront pas disponibles pour se libérer des hydrocarbures. Ils dénoncent également le fait le secteur privé joue un rôle plus significatif en matière d'énergie .
Le titre du mémoire du Front commun pour la transition énergétique est percutant : PL69 sur l'énergie devrait être reportée. [8] Cette proposition s'appuie sur une critique sans compromis.
Compte tenu de la nature des propositions du projet de loi, qui touchent 15 lois et 7 règlements, ainsi que de leurs profonds impacts sur la société et l'environnement, nous sommes d'avis que cette réforme législative, dans sa forme actuelle, serait mal avisée. C'est pourquoi nous demandons de suspendre les procédures menant à son adoption et de retourner à la planche à dessin à la suite d'un réel débat public sur l'avenir énergétique du Québec.
- Le PL-69 ne mène pas à la décarbonation puisqu'il ne contient aucune disposition assurant l'abandon des énergies fossiles
- Le PL-69 favorise un développement industriel énergivore effréné
- Le PL-69 reporte injustement le coût de ce développement industriel sur les tarifs d'électricité
- Ce qui est une injustice sociale
- Et une injustice environnementale
- Le PL-69 aide le secteur privé à s'approprier notre patrimoine énergétique en ouvrant de nouvelles portes vers la privatisation d'Hydro-Québec ou d'une grande partie de ses actifs
- Le PL-69 aurait des impacts catastrophiques sur le territoire
- Le PL-69 ignore les mesures pourtant incontournables à prendre pour favoriser la sobriété collective :
- Nécessaire pour une transition énergétique moins coûteuse.
- Nécessaire pour respecter les limites des territoires.
- Nécessaire pour éviter le nucléaire.
- Le PL-69 repose sur des orientations qui n'ont jamais été présentées à la population et n'ont jamais été débattues ;
Nous croyons que l'ensemble de ces considérations justifie de lancer rapidement le débat de société qui devrait servir de socle au plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRE) que le gouvernement s'est engagé à élaborer, et de déposer un projet de loi sur l'énergie fondamentalement remanié, une fois cet exercice complété.
C. Ouvrir un large débat citoyen pour élaborer une réponse solidaire pour la lutte aux changements climatiques
Le gouvernement Legault, malgré la volonté de verdir son discours, manifeste un manque de volonté politique pour rompre avec une croissance basée sur un modèle extractiviste incompatible avec la réduction nécessaire de la consommation énergétique. Si l'ensemble des organisations patronales appuient d'emblée ce projet, ce n'est nullement le cas, pour les organisations syndicales, écologiques, populaires et pour les Premières Nations.
Pour notre part, nous pensons que les axes de ce débat doivent aborder les questions suivantes ;
- Quels sont les fondements d'une politique solidaire de l'énergie et de la lutte aux changements climatiques ?
- Quelle est la place des nationalisations des entreprises produisant des énergies renouvelables ?
- Quelles politiques industrielles sera-t-il nécessaire de mettre en place pour décarboner l'économie et planifier des investissements qui répondent aux besoins de la population ?
- Comment assurer une véritable implication citoyenne dans la détermination des choix stratégiques dans la lutte aux changements climatiques ? [9]
Un vaste débat citoyen doit s'ouvrir. Le gouvernement Legault rejette maintenant cette perspective. Il est important que les organisations écologistes, syndicales et populaire entreprennent ce vaste débat en organisant des États généraux de la société civile pour impliquer le plus largement possible les citoyennes et les citoyens du Québec dans ces débats qui sont importants pour assurer la reprise en main de leur destin dans cette situation d'urgence climatique.
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[1] Québec se donne les coudées franches pour produire davantage d'énergie - https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2078587/reforme-energetique-quebec-depot-projet-loi-fitzgibbon
[2] Réforme énergétique : une hausse limitée pour les citoyens au détriment des PME ?, Journal de Montréal, 9 septembre 2024 - https://www.journaldemontreal.com/2024/09/09/reforme-energetique--une-hausse-limitee-pour-les-citoyens-au-detriment-des-pme
[3] Voir ces différents mémoires - https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CAPERN/mandats/Mandat-51809/memoires-deposes.html
[4] Démission du ministre Fitzgibbon : Des groupes de la société civile demandent la suspension des travaux parlementaires entourant le projet de loi 69 - https://www.pressegauche.org/Demission-du-ministre-Fitzgibbon-Des-groupes-de-la-societe-civile-demandent-la
[5] Mémire de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec - https://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ.Vigie.Bll.DocumentGenerique_201961&process=Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz
[6] CSN, 6 juin 2024 -
https://www.csn.qc.ca/actualites/il-faut-rester-completement-maitres-chez-nous/
[7] Mémoire de l'Union des Producteurs Agricoles -https://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ.Vigie.Bll.DocumentGenerique_201981&process=Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz
[8] Mémoire du Front commun pour la transition énergétique - https://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ.Vigie.Bll.DocumentGenerique_202247&process=Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz
[9] Pour quelques pistes, voir Les défis posés par la politique de l'énergie du gouvernement Legault et la nécessité d'élaborer une réponse solidaire

La Grande transition -

Avec la collaboration d'Alternatives et Historical Materialism
Tiohtià:ke/Montréal, Québec, Canada – 29 mai au 1er juin 2025
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Le Collectif La Grande transition appelle toutes les personnes souhaitant construire un avenir plus juste à proposer des activités pour la cinquième édition de sa conférence internationale. Celle-ci vise à réfléchir ensemble aux manières de renforcer les gauches, les mouvements sociaux et les groupes militants, tant dans leurs pratiques que dans leurs analyses théoriques. Cette année, La Grande transition s'inscrit dans le cadre du premier Forum social mondial des intersections, qui invite au décloisonnement des luttes, aux rencontres, aux alliances, aux fronts communs élargis.
Le monde brûle. Les feux de forêt, les sécheresses et les inondations se multiplient à travers le monde. L'État israélien massacre la population palestinienne avec la complicité des puissances occidentales, mettant à risque la région. Les inégalités augmentent un peu partout sur la planète. Des gens sont évincés de leur logement et d'autres peinent à payer leur loyer tandis que les propriétaires s'enrichissent. L'épicerie coûte de plus en plus cher alors que les grands commerces d'alimentation réalisent des profits records. Des migrant·e·s se noient en traversant le Rio Grande et la Méditerranée pendant que leurs confrères et leurs consœurs sont exploité·e·s et sous-payé·e·s dans les champs, les entrepôts et les hôpitaux du Nord global.
Il est de plus en plus urgent de mettre en œuvre des solutions de gauche radicale : socialiser les moyens de production ; créer des coopératives de travail et de consommation ; verdir et désasphalter nos milieux de vie ; développer des logements hors marché ; décentraliser le pouvoir ; partager collectivement le travail de soins ; démilitariser nos sociétés. Ces mesures apparaissent comme le minimum nécessaire pour créer les conditions d'une vie décente pour toutes et tous. Il semble évident que le capitalisme, le patriarcat et le colonialisme doivent être démantelés.
Pourtant, la droite autoritaire et l'extrême droite montent en puissance. Elles ont pris le pouvoir dans plusieurs pays ; elles sont aux portes du pouvoir dans plusieurs autres. Comme elles l'ont toujours fait, elles détournent l'attention des vrais problèmes en s'attaquant à des boucs émissaires comme les personnes racisées ou les personnes LGBTQ+. Même si elles poursuivent des politiques favorables au grand capital, elles se donnent parfois une image « sociale » ou se drapent dans un discours soi-disant anti-élite. Force est d'admettre qu'elles réussissent à convaincre une partie des classes populaires.
La gauche a connu récemment certains succès électoraux et certaines mobilisations importantes, mais ses propositions les plus fortes peinent à s'imposer. Souvent, les mouvements politiques de gauche se cantonnent à la protection des acquis sociaux. Comment reprendre l'offensive ? Comment contrer à la fois le discours néolibéral et celui de l'extrême-droite ? Comment changer le rapport de forces pour que les idées et les pratiques de gauche s'implantent durablement ?
La pandémie a brisé une vague de contestation qui semblait prendre de l'ampleur ; du Chili à Hong Kong, en passant par le Liban et le Soudan, des soulèvements populaires ébranlaient le pouvoir, et les manifestations climatiques rassemblaient de plus en plus de gens. Pour cette cinquième édition de la Grande transition, nous souhaitons retrouver cet élan et renouer avec l'énergie créatrice des mobilisations d'envergure.
Nous voulons aussi trouver des manières pour la gauche de rejoindre nos voisin·e·s, nos collègues et nos concitoyen·ne·s, de s'ancrer dans nos milieux de vie, de développer des liens de confiance avec ceux et celles qui nous entourent, de créer des communautés. Ces alliances seront nécessaires pour lutter contre l'exploitation et l'expropriation de masse, protéger nos espaces naturels et construire ensemble des quartiers et des villages vivants et habitables.
Raviver les solidarités post-capitalistes, c'est aussi reconnaître la richesse des expériences qui préfigurent le monde à bâtir. Il s'agit de s'inspirer par exemple des pratiques autochtones de protection du territoire, des communautés qui ont su mettre en œuvre une réelle autogestion ou encore des services publics démocratiques qui accroissent notre liberté et notre autonomie.
L'heure est venue de dépasser la critique pour s'organiser et aller de l'avant. Nous vous invitons à proposer pour la Grande transition 2025 des ateliers et des communications sur les tactiques, les stratégies, les bilans d'expériences passées et récentes et les modèles alternatifs qui nous aident à avancer vers un monde post-capitaliste.
Pour soumettre une activité : edito.lagrandetransition.net/fr-ca
La date limite est le 13 octobre 2024 à 23h59. Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à l'adresse info@lagrandetransition.net.
Comment contribuer ?
Nous encourageons les activités qui sortent du format « panel » classique : ateliers pratiques, partages d'expériences, discussions stratégiques, débats, mémoires de luttes, remue-méninges, performances artistiques et culturelles, actions militantes, etc. Les activités donnant la parole à plusieurs participant·e·s seront favorisées, mais les propositions individuelles seront aussi considérées. Nous accueillons avec un enthousiasme accru les soumissions provenant de personnes marginalisées et issues de la diversité. Il est possible que les propositions qui ne tiennent pas compte de cet idéal de diversité soient refusées. Notez aussi que nous encourageons les activités qui visent à initier le public à un thème dans une perspective d'éducation populaire. L'évènement sera principalement en français et en anglais. Nous avons hâte de lire vos idées les plus audacieuses !
Qu'est-ce que le Forum social mondial des intersections (FSMI) ?
Cette édition thématique du Forum social mondial promeut une conception de l'intersection en tant que démarche concrète pour favoriser des changements systémiques. Dans un contexte où l'intersectionnalité met en lumière les croisements entre oppressions et privilèges, il s'agit plutôt de créer des opportunités de co-apprentissage qui mènent à l'action, en décloisonnant les différents milieux tels que l'urbain et le rural, l'action environnementale et sociale, les féminismes et l'action climatique, l'académie et l'activisme, etc. Ce concept préconise une approche intergénérationnelle et relie les échelles locales et globales pour la multiplication de transformations profondes et inclusives.
Comme La Grande transition 2025 sera tenue dans le cadre du FSMI, nous vous invitons à soumettre des propositions qui s'inspirent de cette volonté de croiser des expériences et des expertises dans l'espoir de créer des solidarités post-capitalistes sans frontières.
Exemples de thèmes
- Transformation du capitalisme à l'ère des changements climatiques
- Décroissance, transition juste et création de nouveaux communs
- Mouvements de solidarité internationale (Boycott, désinvestissement, sanctions contre l'État d'Israël (BDS) ; Black Lives Matter ; mouvements anti-paradis fiscaux, Marche mondiale des femmes, etc.)
- Luttes syndicales et luttes pour le droit à la mobilité et à la dignité de travailleurs et travailleuses temporaires, de migrants et migrantes, de sans papiers
- Mouvements pour le droit au logement et pour le droit à la ville, résistance contre des mégaprojets urbains
- Initiatives locales et internationales d'émancipation, d'éducation populaire et de démocratisation
- Luttes contre la hausse du coût de la vie, réponses collectives contre la pauvreté et l'exclusion
- Coopératives d'habitation, squats, occupations et autres solutions contre la crise du logement
- Bilans des campements de solidarité avec la Palestine
- Mouvements pour la démilitarisation et contre la guerre
- Blocages et résistance contre des projets écocidaires et extractivistes
- Relations entre différents mouvements sociaux : créer des alliances, des convergences, élaborer des stratégies communes, mener ensemble des campagnes d'action
- Définancement de la police et opposition à la répression
- Réflexions sur le rapport de la gauche à l'État
- Alternatives féministes, queers, décoloniales, antiracistes et anticapitalistes au système actuel

La mise en action de la Loi 15 freinée par la FIQ

La Loi 15, adoptée sous le bâillon en décembre 2023, vise à rendre le système de santé plus efficace. Pour ce faire, la flexibilité de la main d'œuvre en est une pièce maitresse. Malgré les promesses et menaces gouvernementales, la FIQ, sans contrat de travail depuis mars 2023, n'a toujours pas convenu d'une entente avec le gouvernement.
Pourquoi cette résistance ?
Les membres de la FIQ vivent au quotidien depuis de nombreuses années les contraintes imposées par les gestionnaires locaux de leurs établissements. Cela s'est accentué avec la COVID-19, principalement en ce qui concerne le TSO(temps supplémentaire obligatoire) sans compter les congés de maladie de longue durée en augmentation et les postes vacants trop nombreux. Ainsi, plutôt que de valoriser le personnel en place, d'entendre leurs besoins de conciliation travail famille, leur appel à des ratios infirmières-patients, le gouvernement Legault s'est engagé dans une lutte contre ces travailleuses et leur syndicat. Elles doivent s'accommoder des exigences incontournables de flexibilité dictées par la réforme de la santé, la énième en cours où encore une fois, les structures de travail sont modifiées par des gestionnaires qui savent mieux que celles et ceux qui sont sur le terrain ce qui remettra le système de santé sur ses rails.
Non à la flexibilité imposée
Le rejet de l'entente par les membres de la FIQ indique clairement que la solution d'efficience souhaitée par le gouvernement n'améliorera pas leurs conditions de travail. Cette approche dite « Lean management » [1] qui a cours dans le système de santé québécois depuis plus de 10 ans n'a pas apporté les bénéfices escomptés. Les coûts des soins de santé ont augmenté tout comme les contraintes administratives et loin de s'améliorer, la rétention du personnel s'est effritée.
Le premier ministre indiquait cette semaine dans un point de presse que
« … la clé, si on veut vraiment changer le réseau de la santé, c'est qu'il faut changer les ententes avec la FIQ. … Tant qu'on n'aura pas plus de flexibilité pour demander aux infirmières de travailler là où les besoins sont les plus importants, puis ces besoins-là changent continuellement, ça va être difficile d'améliorer de façon importante le réseau de la santé. … Et l'autre chose qui est importante aussi, c'est : Il faut ramener l'équilibre budgétaire sur un certain nombre d'années. Donc, ça va demander des efforts. Ce ne sera pas facile. » [2]
Cette déclaration du premier ministre a de quoi inquiéter. Alors que des clauses de flexibilité existaient dans plusieurs conventions locales, la FIQ a vu l'entente de principe convenue en avril dernier être rejetée par ses membres. « Les professionnelles en soin ne veulent pas de cette mobilité-là, disait la présidente de la FIQ, Julie Bouchard. Les professionnelles en soin ne veulent pas mettre à risque la clientèle, mais aussi leur permis de pratique. » [3]
Mouvements de personnel
Le problème des postes vacants est une situation qui ne semble pas sur le point de se résorber. Les données de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) dévoilées le 5 septembre dernier, indiquent que le nombre de postes à temps plein vacants chez les infirmières est passé « d'environ 3500 en 2019 à environ 9900 en 2023 » [4]
Travailler là où les besoins sont les plus importants, tel que l'affirme le premier ministre, sous-entend que tous les postes ne pouvant être comblés, on déplacera une infirmière d'une équipe qui effectue un travail nécessaire pour remplir une vacance ailleurs. Loin de répondre à la demande d'un ratio infirmière-patient, c'est l'introduction du « va où je te le dis » comme au temps de la covid que l'on souhaite introduire dans la convention collective. Nous ne pouvons que constater que la résistance des membres de la FIQ à cette approche patronale est justifiée.
De plus, cette situation risque de se complexifier. La loi 15 permet dorénavant le déplacement volontaire du personnel qui souhaite travailler dans un autre établissement. Cet avantage pour celles et ceux qui perdent un précieux temps de voyagement entre la maison et le travail, permettra le transfert d'une personne vers un autre établissement où un besoin est affiché mais cela laissera un poste vacant difficile à combler dans l'établissement délaissé. Un poste non comblé laisse entrevoir des remplacements obligés et à la clé du TSO.
Tous les postes vacants à temps complet affichés entraineront des mouvements de personnel. Ils se compteront par centaines à la grandeur du Québec.
Salaire contre tâche
Mais, nous objecte le gouvernement, les salaires ont été bonifiés et les autres composantes santé du front commun ont accepté l'entente proposée. François Legault ne semble pas comprendre que des bonifications salariales ne sont pas la principale préoccupation des membres de la FIQ. Ainsi, tel que l'indique l'ISQ, l'augmentation salariale « la plus forte … a été constatée chez les aides-infirmières, les aides-soignantes et les préposées aux bénéficiaires. Leur salaire est passé de 17 $ en 2019 à 24,16 $ en 2023, une hausse de 42 %. [5] Ce sont les bas salariés de la CSN et de la FTQ qui en ont le plus profité. Pour les 80 000 membres de la FIQ, ce sont les conditions de travail qui doivent être améliorées.
Santé Québec, équilibre budgétaire et déséquilibre syndical
La déclaration de François Legault indiquant que les besoins en santé changent constamment ajoutée aux mesures d'austérité qui se mettent en place pour résorber le déficit de 11 milliards$ ne sont pas pour rassurer les membres de la FIQ. Et cela sans compter que sous prétexte de simplifier le processus des embauches et des paies pour le personnel, Santé Québec sera l'unique employeur. Souhaitons que le système de gestion des paies des 350 000 personnes concernées a déjà été testé et qu'il n'y aura pas de ratées lors de sa mise en application. Le gouvernement fédéral s'est déjà cassé les dents sur cette question.
François Legault n'est pas non plus explicite sur les effets qu'aura la mise en place de Santé Québec sur les organisations syndicales. Pourtant, c'est un portrait syndical chamboulé qui en résultera. Les 136 tables de négociation seront abolies pour faire place à 6 tables nationales, 2 catégories venant s'ajouter aux 4 existantes. Les composantes syndicales visées (APTS, CSN, CSQ, FIQ et FTQ), seront appelées à prendre la tête de l'une ou l'autre de ces composantes. Cette lutte de rangement entre les composantes visées rendra encore plus difficile la vie syndicale dans les établissements, les organisations syndicales étant appelées à changer, les officiers et conseillers syndicaux seront appelés à être réaffectés à la suite des votes d'allégeance qui se tiendront.
La loi 15 est en vigueur depuis janvier dernier, Santé Québec se met en place tout comme les mesures d'austérité qui contraignent à un financement des dépenses inférieur aux coûts de l'inflation.
Comptabilité et gestion managériale des ressources humaines sont des ingrédients explosifs en santé. Une proposition du conciliateur au dossier vient d'être déposée. C'est une solution qu'il considère être un équilibre raisonnable entre les parties pour le renouvellement des conditions de travail.
Une réponse syndicale à cette nouvelle hypothèse de règlement est attendue prochainement.
Ghislaine Raymond
15 septembre 2024
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[1] Lean management : C'est une philosophie de gestion centrée sur l'élimination des gaspillages ou des activités qui n'apportent pas de valeur ajoutée au client.
https://www.uqar.ca/543-lean-management-changer-la-culture-organisationnelle-dans-le-domaine-de-la-sante/
[2] Point de presse de M. François Legault, premier ministre, 12 septembre 2024, https://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-95263.html
[3] TVA Nouvelles, Les infirmières « tannées d'avoir à faire toujours plus avec moins », 13 avril 2024
[4] Katrine Desautels, Le taux de postes vacants en santé a doublé depuis quatre ans au Québec, Le Devoir, 5 septembre 2024
[5] Idem -N.B. Les aides-infirmières, les aides-soignantes sont des appellations de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) qui ne correspondent pas aux titres d'emplois existants qui se retrouvent sur le site du Comité patronal de négociations du secteur de la santé et des services sociaux(CPNSSS).

Bock-Côté et les sandwiches au jambon

« Ventre affamé n'a pas d'oreilles », dit la maxime. Mais il y a aussi ceux qui n'ont pas d'oreilles pour les ventres affamés. Dans sa chronique du Journal de Montréal du 6 septembre 2024, intitulée « Les lunchs de Québec solidaire et l'État-nounou », Mathieu Bock-Coté s'insurge contre la proposition voulant que « chaque enfant devrait avoir droit à un repas gratuit à l'école ».
Tiré de l'Aut' Journal.
Bien sûr, il reconnaît qu'il est scandaleux qu'un « enfant sur cinq se présenterait à l'école le ventre vide ». Mais c'est un scandale qui n'émeut pas beaucoup le « Gros Joufflu ». Aucune compassion pour cet abonné aux meilleures tables parisiennes et qui, récemment, organisait avec la revue d'extrême-droite française L'incorrect des visites guidées de Rome avec la promesse de « partager un gueuleton mémorable en compagnie de gens proches de vos idées ».
Pour justifier son opposition, il aligne deux raisons. La première est morale. La responsabilité incombe aux parents de « nourrir leur marmaille », lance-t-il. On veut bien, mais que doit faire l'enseignante qui se trouve devant des enfants affamés dont les parents sont irresponsables, déficients mentaux, drogués ou dans une pauvreté extrême ? Appeler la DPJ ?
Touche pas à mon portefeuille
L'autre raison invoquée est qu'un programme universel devrait être payé par l'impôt. Quel malheur pour le portefeuille de celui dont la rumeur veut qu'il encaisse plus d'un million de dollars par année pour ses innombrables chroniques dans les médias écrits, radiophoniques et télévisuels tant en France qu'au Québec !
« Gros portefeuille » est férocement contre l'instauration d'un régime universaliste – et, de façon générale l'État-providence – parce qu'il va de pair avec un régime d'imposition progressiste qui pige dans la poche des plus riches et exempte les plus pauvres. Pas question pour lui de payer pour ces pauvres, surtout, comme nous allons le voir, s'ils ne mangent pas de sandwiches au jambon !
Les sandwiches au jambon
Devant la levée de boucliers, MBC a pondu une deuxième chronique (10 septembre 2024) dans laquelle il se transforme en chef cuisinier, commandité par l'industrie du porc, en s'indignant que « le sandwich au jambon peut aujourd'hui faire scandale » pour les musulmans, les végétariens et les élèves souffrant d'allergies alimentaires. Aussi, il en déduit qu'un programme de repas gratuits pour l'ensemble des élèves serait « impraticable ».
On peut se demander comment font nos hôpitaux pour nourrir les patients de la « diversité ». Une petite recherche Internet permettrait à notre chef cuisinier un accès à une multitude de menus appropriés.
« Gros jambon » pourrait également faire appel à Riccardo pour les menus et consulter le projet de Lab-écoles dont il était un des promoteurs. Le projet a proposé 160 projets d'écoles primaires, mais à peine six ont été retenus, avant que Legault ne mette la hache dans le projet dans le cadre de sa politique d'austérité, qui ne dit pas son nom.
Le projet de Lab-écoles avait comme objectif de « permettre que chaque enfant ait accès à des repas quotidiens à l'école, le matin et le midi, pour favoriser la persévérance et la réussite scolaires. » Il voulait offrir aux enfants des écoles des « environnements et des contextes favorables à l'adoption d'attitudes positives envers les aliments, à l'acquisition de connaissances alimentaires et nutritionnelles, ainsi qu'au développement de compétences culinaires. » Il avait pour but de « positionner la littératie alimentaire comme priorité d'action contribuant ainsi à la réussite éducative de l'ensemble des élèves ».
Mais « la réussite éducative de l'ENSEMBLE DES ÉLÈVES » est la dernière des préoccupations de MBC, qui est un ardent défenseur du système élitiste des écoles privées.
Le gros Bock-Coté, y'é parfa !
L'omniprésence de MBC dans tous les médias de Québecor rappelle un sketch mémorable des Cyniques au cours des années 1960, dans lequel ils se moquaient de Télé-Métropole et de son animateur-vedette Réal Giguère.
Chaque fois qu'il y avait un « trou » dans la programmation, Marc Laurendeau, qui personnifiait le réalisateur, disait : « Passe le gros Giguère, y'é parfâ ! »
Aujourd'hui, en comptant les présences de MBC, on a l'impression que la direction de Québecor dit : « Passe le Gros Bock-Côté, y'é parfa ! »
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