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La dérive autoritaire en Équateur

Le 8 décembre, quatre enfants d'origine africaine ont été arrêtés puis ont disparu à Guayaquil, le plus jeune n'ayant que 11 ans, alors qu'ils avaient quitté leur domicile pour jouer au football. Dans la vidéo qui circule sur Internet, on peut voir comment au moins 10 soldats les ont fait monter dans une camionnette et les ont maltraités. Quinze jours plus tard, leurs corps ont été retrouvés brûlés près d'une caserne militaire.
9 janvier 2025 | tiré d'Inprecor Raúl Zibechi
Les tribunaux ont déclaré que les garçons avaient été victimes d'une « disparition forcée » et ont tenu l'État équatorien pour responsable. Il n'y avait aucune preuve qu'ils avaient commis des crimes, contrairement à ce que les autorités avaient déclaré. Les forces armées se contredisent. Elles ont d'abord affirmé qu'ils avaient été libérés dans de parfaites conditions. Ensuite, elles ont placé en détention 16 officiers en uniforme faisant l'objet d'une enquête du bureau du procureur général, responsable des événements.
Une campagne contre les enfants a été déclenchée en haut lieu : « Le 24 décembre, sur les réseaux sociaux et les groupes WhatsApp, des centaines de comptes, récemment créés et vraisemblablement faux, ont commencé une campagne de diffamation contre les mineurs, affirmant que leur disparition était nécessaire et qu'ils étaient liés à des groupes criminels » (« Infobae », 24/12/2024). Le gouvernement et les institutions publiques ont tenté de dissimuler les faits.
Le 31 décembre, le ministère public équatorien a confirmé que les quatre corps retrouvés correspondent au groupe d'enfants portés disparus le 8 décembre. Une vague d'indignation secoue le pays. L'Alliance des organisations pour les droits humains de l'Équateur a déclaré que cette affaire s'inscrivait « dans une pratique d'abus d'autorité et de force, de discrimination, de stigmatisation et de profilage racial » de la part des forces de sécurité de l'État.
La société équatorienne découvre qu'il s'agit d'une guerre contre ceux d'en bas, conséquence du racisme structurel et de la militarisation croissante du pays, un processus aussi récent qu'intense. L'état d'urgence est en vigueur en Équateur presque sans interruption depuis janvier, dans le cadre de la prétendue guerre contre le crime organisé, un argument avancé par le président Daniel Noboa, mais en réalité il s'agit de contenir les secteurs populaires.
Le collectif féministe et anti-prison Mujeres de Frente, qui travaille dans les prisons, affirme que l'Équateur est devenu « un État paramilitaire » dont l'épicentre se trouve dans les prisons. » Depuis 2015, l'État, par l'intermédiaire de la police, avec le soutien des grandes entreprises et de l'ambassade des États-Unis, a armé les prisonniers et les a “ organisés ” en groupes criminels pour faciliter le mode d'accumulation par dépossession au service des pouvoirs d'en haut. »
Ce à quoi nous devons répondre, c'est pourquoi un pays comme l'Équateur, qui était il y a encore cinq ans l'un des plus pacifiques et des plus stables du continent, a entamé cette dérive vers la militarisation et l'effondrement des institutions démocratiques. Je vois deux raisons principales : l'une géopolitique et l'autre intérieure, toutes deux liées entre elles.
L'Équateur est un acteur important de la géopolitique régionale. C'est le premier point décisif pour comprendre les raisons qui poussent les États-Unis, le Pentagone et le Commandement Sud à tisser des liens étroits avec le gouvernement Noboa. Un gouvernement rejeté par la population, qui n'est pas capable d'être gouverné par la légalité et la légitimité de ses actions. Ce gouvernement a obtenu la cession des îles Galápagos pour que les États-Unis y établissent une base militaire permanente, fournissant des installations pour le fonctionnement de la flotte et de la force aérienne du Commandement Sud. C'est la position géographique idéale pour répondre à la présence croissante de la Chine, qui a inauguré il y a quelques semaines le port de Chancay, dans le nord du Pérou, qui aspire à devenir un lien clé dans le commerce entre l'Asie et l'Amérique du Sud.
La deuxième question concerne la réaction des élites équatoriennes au soulèvement indigène et populaire de 2019. Cette action collective des peuples indigènes et des secteurs populaires a abouti à une victoire politique sur le gouvernement de Quito, un triomphe aux yeux de l'opinion publique, mais aussi à la défaite des forces de police, qui ont dû reculer face aux peuples organisés.
Pendant les treize jours du soulèvement, ils ont réussi à arrêter plus de 200 policiers, qui sont restés sous la garde des indigènes et de la population jusqu'à ce que leur libération soit négociée avec les organisations internationales de défense des droits humains. Il est clair qu'aucune classe dirigeante ne peut accepter une telle situation sans réagir violemment, comme l'ont fait plus tard les élites en créant un État paramilitaire lié au trafic de drogue.
Deux processus se combinent ici : la militarisation interne et l'alignement externe sur le Pentagone. La Maison Blanche a tout intérêt à avoir un gouvernement soumis en Amérique du Sud, tandis que les classes dirigeantes équatoriennes ont intérêt à la tutelle d'un allié capable de soutenir le militarisme interne tout en restant neutre face aux violations flagrantes des droits humains.
Enfin, la nouvelle réalité de la militarisation du pays pose un énorme défi aux forces sociales populaires, en particulier au mouvement indigène. Depuis son apparition publique dans les années 1980, la Conaie (Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur) à toujours évolué dans un cadre démocratique, ses droits d'organisation et de manifestation ont toujours été respectés, bien qu'elle ait parfois été durement réprimée. La douzaine de soulèvements indigènes qui ont eu lieu depuis 1990 se sont soldés par des victoires ou des échecs, mais la Conaie a généralement été reconnue par l'État comme un interlocuteur légitime.
Aujourd'hui, il devra agir dans de nouvelles conditions, sous la pression du militarisme et de la société pour la sécurité et l'ordre. Les gouvernements ne permettront pas de nouveaux soulèvements, comme ceux qui, par le passé, ont modifié l'équilibre des pouvoirs dans le pays. Les mouvements d'en bas ne seront pas interdits mais étroitement contrôlés, leurs dirigeants surveillés et soumis à un chantage à la collaboration avec le système. Ils devront se réinventer pour faire face aux nouveaux défis.
Publié dans naiz le 5 janvier 2024
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Trump, l’Europe et la vertu outragée : malaise dans le suprémacisme impérial

Trump annonce la couleur avec des déclarations de politique extérieure fracassantes : annexion du canal de Panama, colonisation pure et simple du Groenland et, pour le Canada, publication sur son réseau social d'une carte de l'Amérique du Nord intégralement recouverte de la bannière étoilée.
Hebdo L'Anticapitaliste - 737 (16/01/2025)
Par Thierry Labica
Comme inspiré par Netanyahou brandissant la carte d'un seul grand Israël devant l'assemblée générale de l'ONU, voici donc Trump, saison 2.
De vrais projets ?
Stratégie de l'imprévisibilité et de la menace généralisée ? Symptômes de sénescence d'un vieillard autoritaire se rêvant en maître d'empire ? On peut toujours spéculer sur les ressorts de telles provocations. Quelles que soient ses intentions ultimes en la matière, ce coup d'éclat fait entendre nombre de motifs familiers. En premier, l'agressivité viriliste, désormais marqueur privilégié de l'identité politique de la nouvelle extrême droite planétaire, de Trump à Duterte en passant par le bolsonarisme. Un autre motif est l'antiféminisme, celui déclaré de l'ex-président sud-coréen (Yoon Suk Yol, maintenant déchu) en passant par celui du mouvement Vox en Espagne et la version française de « l'anti-wokisme ». De ce point de vue, ces sorties sont pleinement en cohérence avec les signaux adressés par Musk en direction des dirigeants de l'extrême droite européenne.
On y reconnaît aussi un signe de la très nette tendance à la concentration du pouvoir présidentiel américain, en cours depuis une quarantaine d'années. La posture de Trump n'en est à présent que la manifestation la plus caricaturale.
Retour à la tradition
Un registre un peu plus ancien encore : l'argument de la « sécurité nationale », dont ne dépendraient rien moins que le bon ordre et la liberté du monde, fait écho mot pour mot à celui des dirigeants américains à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Soucieux de pérenniser le déploiement d'ampleur inédite de bases militaires à travers le monde, ceux-là faisaient déjà de la « sécurité » la clé de toutes leurs justifications : au nom de la « sécurité », le Pacifique, débarrassé de la puissance japonaise défaite, avait vocation à devenir « notre lac » ; certains, et pas des moindres, se « foutaient de l'appellation choisie, dès lors que nous avons un contrôle absolu, incontesté de nos besoins en bases militaires ».
Les indignés
Le « meilleur » de toute cette affaire est ailleurs. On le doit avant tout au spectacle offert par des « partenaires européens » en plein émoi, en pleine « incompréhension » face au mépris affiché par l'allié, l'ami, le protecteur, emblème universel de « nos valeurs occidentales ». On apprend que la France et l'Allemagne officielles se sont montrées « catégoriques » : « Les frontières ne doivent pas être déplacées par la force ». Pour Scholz (chancelier allemand), au côté du président du Conseil européen (A. Costa) : « Le principe de l'inviolabilité des frontières s'applique à tous les pays, qu'ils soient à l'est ou à l'ouest ». « Ce principe ne peut et ne doit pas être ébranlé. » « Les États-Unis doivent appliquer les principes des Nation unies, tout le monde s'y tient et cela restera certainement ainsi. », selon un porte-parole du gouvernement allemand. Enfin, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, déclare que l'UE ne tolérerait pas une intervention militaire américaine : « Il n'est pas question que l'Union européenne laisse d'autres nations du monde, quelles qu'elles soient […], s'en prendre à ses frontières souveraines ». De son côté, Sophie Primas, porte-parole du gouvernement, a dénoncé « une forme d'impérialisme », carrément. Sens des valeurs, grands principes, ardente indignation : on tremble à la Maison Blanche, c'est sûr.
Sinistres menteurs
Il nous vient une petite question, en même temps qu'une nausée : s'agit-il bien là des mêmes dirigeants qui ont applaudi et activement contribué à plus d'une année de génocide israélien en Palestine, massivement armé par les États-unis de Biden-Harris, et ont laissé piétiner le droit international ? qui ont réprimé férocement toutes les solidarités en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne ? Et dénié tout principe de souveraineté au Liban abandonné à la folie meurtrière sioniste ? Et qui laissent filer la guerre à travers le Moyen-Orient, comme si plus de trente années de carnages et d'échec abyssal ne suffisaient pas ? Les mêmes se livrent à présent aux grimaces sordides de la vertu outragée sur fond du racisme colonial qu'ils gardent en partage. L'hypocrisie ne tue pas, et c'est bien là leur chance.
Thierry Labica
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La Tech sur les chemins d’une contre-révolution

D'Elon Musk à Pierre-Edouard Stérin, en passant par Emmanuel Macron : que s'est-il donc passé en France comme aux États-Unis pour que la Tech s'apparente à une révolution conservatrice ? Pour analyser cette évolution, il faut suivre le chemin des différentes promesses du secteur, celles d'une société ouverte, fondées sur l'information, la désintermédiation, la dématérialisation et l'augmentation des richesses.
10 juillet 2024 | tiré d'AOC media
https://aoc.media/analyse/2024/07/09/la-tech-sur-les-chemins-dune-contre-revolution/ ?
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Sidération. C'était l'État dominant à San Francisco au soir de l'élection de Donald Trump le 8 novembre 2016. Le candidat Républicain s'était pendant des mois attiré les railleries des techies de la Bay area, pour la moitié nés dans un autre pays que les États-Unis, ayant l'habitude ne pas voter et se désintéressant le plus souvent de la vie politique locale, mais hautement diplômés et attachés à l'esprit scientifique.
Dans les mois précédents l'élection, les entrepreneurs et investisseurs mettaient quelques minutes de côté les actualités Tech au moment du déjeuner et dans les meetups de fin de journée pour se demander comment un tel personnage avait pu être investi. Des petits regroupements étaient organisées pour s'en moquer les soirs de débats présidentiels comme certains en avaient l'habitude pour leurs émissions de TV réalité préférées. Un même état de sidération s'est emparé de la French Tech aux soirs du résultat des élections européennes et au premier tour des législatives face à la montée électorale du Rassemblement national.
À Paris comme à San Francisco, la Tech se vit comme un secteur résolument progressiste. Les historiens et essayistes firent la part belle aux hippies, aux universitaires et aux hackers des années 1970-1980 dans le récit de ses origines[1]. Ce récit trouva une continuité dans le boom Internet des années 1990. Internet incarnait et réalisait la promesse libérale d'un monde sans guerre et sans crise économique[2]. En France, la thèse d'Henri Bourguinat triomphait : celle des 3D, désintermédiation, dérégulation et décloisonnement[3].
Bureaucraties et règlements étaient appelés à perdre du terrain au profit de l'information et de la libre entreprise. Aux États-Unis, Francis Fukuyama célébrait la fin de l'histoire et Al Gore invitait à s'engager sur les autoroutes de l'information. Grâce à Internet, le monde devait entrer dans une période de paix, de démocratie, marquée par un accroissement des connaissances et des richesses. La célébration du partage et de la contribution du Web 2.0 emboita le pas à cette promesse dans les années 2000. Les réseaux d'information devaient participer à l'avènement de sociétés ouvertes.
Contrairement à l'idée reçue d'une Tech tout entière libertarienne, cette vision explique l'affinité historique liant la Silicon Valley et le parti démocrate depuis les années 1990. Le secteur de la Tech a très majoritairement soutenu successivement les candidats Clinton en 1992 et 1996, Al Gore en 2000, John Kerry en 2004, Obama en 2008 et 2012, Clinton en 2016 et Biden en 2020. Les donations des salariés de grandes entreprises technologiques durant la campagne de 2012 l'illustrent : 91 % des donations des employés chez Apple au profit du candidat Obama, 97 % chez Google et 99 % chez Netflix[4].
Ce soutien n'est pas anodin alors que les big Tech ont détrôné l'industrie pétrolière comme premier financeur de la campagne présidentielle en 2016. En 2016, un seul diner de 20 convives organisé par la veuve de Steve Jobs avait permis à Hilary Clinton de repartir en campagne avec 20 millions de dollars. Eric Schmidt, ancien PD-G de Google, et Reid Hoffman, fondateur de LinkedIn, travaillent avec le parti Démocrate pour améliorer le ciblage électoral et la culture numérique de ses candidats depuis près de dix ans. L'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche fut donc logiquement vécue comme une catastrophe dans le nord de la Californie.
À l'inverse, celle d'Emmanuel Macron en 2017 fut perçue comme un signe d'espoir. Le jeune candidat, déjà marqué par plusieurs voyages aux États-Unis, était venu présenter avec conviction sa vision aux entrepreneurs français de la région, à San Francisco, en janvier 2016 en tant que ministre de l'Économie. Deux ans plus tôt, en 2014, alors qu'il réfléchissait à la création d'une start-up offrant des services de formation, il y rencontra des fondateurs de start-ups aux cotés de Brigitte Macron et Xavier Niel[5]. Il repartit de la Silicon Valley fasciné par ce modèle organisé autour du travail, de la jeunesse et de l'innovation.
Cette fascination fut la pierre de touche d'un programme de politique notamment présenté lors de l'inauguration de la Station F en juin 2017. L'objectif était de transformer le pays en une terre d'entrepreneurs, en leur donnant les moyens de leurs ambitions. Il annonça en mars 2018 au Collège de France le déblocage d'1,5 milliard d'euros de crédits publics au profit de l'intelligence artificielle, comprenant 400 millions d'appels à projets et de défis d'innovation de rupture financé par le Fonds pour l'innovation et l'industrie de 10 milliards d'euros récemment mis en place.
À l'automne de la même année, la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) était inscrite dans la loi de finances de manière à favoriser l'investissement. Fin 2019, une mission était confiée au cabinet de conseil McKinsey au sein de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (Cnav) pour planifier la réforme des retraites. L'une des hypothèses de travail était de glisser d'un système par répartition à un système par capitalisation, à l'image de la Californie, où les fonds de pension constituent l'un des principaux partenaires des capitaux-risqueurs. Au niveau Européen, le Président Macron pressa l'avancée de projets de grands investissements à l'image du supercalculateur Jules Verne devant voir le jour en 2025.
La Tech semble très éloignée des préoccupations de l'électorat à la différence des guerres, du pouvoir d'achat ou de l'immigration. Elle est pourtant aujourd'hui la première des industries[6]. Or, après avoir tenue une ligne progressiste, elle semble ces dernières années basculer vers le conservatisme. En mars 2024, Elon Musk s'est entretenu avec l'ancien Président à Palm Beach (Floride) au début du mois de mars, et ses relations avec Biden n'ont cessé de se tendre. Il multiplie depuis les déclarations contre « l'immigration illégale et non-contrôlé », le « virus woke » ou encore les « médias traditionnels » coupables de biaiser l'information. Au début du mois de juin dernier, David Sachs (cofondateur de PayPal) et Chamath Palihapitiya (dont Facebook a fait la fortune en tant que l'un des premiers employés) ont invité Donald Trump dans la Silicon Valley pour une levée de fonds au profit de ce dernier. L'invitation avait valeur d'événement dans ce bastion progressiste[7]. Les organisateurs l'ont justifié par le fait que le candidat soit pro-business, favorable aux cryptomonnaies et aux baisses d'impôts.
En France, Otium Capital qui constitue un poids lourd de la French Tech, contrôlé par Pierre-Edouard Stérin, milliardaire catholique et conservateur, est devenu un des soutiens économiques les plus actifs du Rassemblement national[8]. Comme pour d'autres secteurs, l'objectif consiste à associer défense de valeurs traditionnelles avec la préservation d'un cadre réglementaire propice aux affaires[9]. Que s'est-il donc passé en France et aux États-Unis pour que la Tech s'apparente à une révolution conservatrice ? Il est possible d'analyser cette évolution en suivant le chemin des différentes promesses de la Tech, soit celles d'une société ouverte, fondées sur l'information, la désintermédiation, la dématérialisation et l'augmentation des richesses.
Pour mesurer l'écart de la Tech avec la promesse d'une société ouverte, il est commode de se référer à Peter Thiel qui comptait parmi les premiers soutiens du candidat Trump au sein de la Silicon Valley en 2015. L'entrepreneur-investisseur prédisait la victoire du « Lone Warrior » quand aucune élite intellectuelle du pays ne l'envisageait avec sérieux. Thiel est connu dans la Silicon Valley pour sa proximité au « Dark Enlightment », un mouvement qui considère que liberté et démocratie ne peuvent marcher de concert, la première devant primer sur la dernière. Il a cofondé en 2004 la société Palantir, une entreprise éditrice de deux logiciels dédiés à l'appariement et la visualisation de données : Palantir Gotham et Palantir Foundry. En 2015, le site d'information TechCrunch révélait que la firme avait comme principaux clients la CIA, la NSA, l'Air force, West Point et les US Marines[10].
Cette proximité entre armée et nouvelles technologies n'est pas une nouveauté. La seconde guerre mondiale puis la guerre froide profitèrent grandement au développement de l'informatique et de l'intelligence artificielle dans les régions de Boston et de San Francisco. Dans les années 1980, la Silicon Valley comptaient plusieurs centres de contrôle d'armement et de satellites de défense. La révolution Internet a fait oublier ce trait d'union liant le complexe militaro-industriel. Il est apparu avec netteté après le déclenchement de la guerre en Ukraine, au Moyen-Orient et l'ouverture de la crise taïwanaise.
Les cinq contrats militaires les plus importants attribués à Amazon, Microsoft et Alphabet entre 2019 et 2022 totalisaient près de 53 milliards de dollars[11]. Le projet Nimbus, un accord entre Google, Amazon et Israël datant de 2021 incluant des services de Cloud et d'intelligences artificielles (IA) prévoyaient des applications stratégiques. Les tensions entourant Taïwan entre les États-Unis et la Chine ont été également lues à travers le prisme de la guerre des semi-conducteurs[12].
Les grandes entreprises de la Tech restent pourtant sur le plan des services un gage de liberté et de sécurité, vers lequel se tournent encore aujourd'hui des développeurs ukrainiens, des opposants russes, chinois ou turcs. À partir d'une étude des mouvements sociaux du tournant des années 2010, Zeyneb Tufekçi a souligné que si Internet a permis de contourner efficacement la censure des médias aux États-Unis, en Égypte, en Turquie ou à Hong Kong, ce pouvoir de contrôle glissait des instances politiques vers les grandes plateformes. Ces dernières délimitent en effet le cadre communicationnel des rassemblements et restructurent le pouvoir des groupes militants autour des figures masculines du développeur et du data analyst[13].
Les développeurs du monde entier continuent d'envisager les services de la Silicon Valley comme un gage de liberté, notamment en raison de la prévalence des outils open source, souvent rapportés à une vision libertaire[14]. Mais depuis quelques années, des piliers du logiciel libre telles que GitHub (service d'hébergement et de gestion logiciel créé en 2008 et racheté 7,5 milliards de dollars en 2018 par Microsoft) et Red Hat (premier fournisseur mondial de logiciel libre, fondé en 1993 et racheté par IBM en 2018 pour 34 milliards de dollars) ont intégré le pôle propriétaire de la Tech.
Les salariés des grandes entreprises sont devenus les principaux contributeurs aux projets de logiciels libres, seul 15 % du code Linux continuant d'être produit par des bénévoles[15]. Microsoft, entreprise naguère haïe des hackers en raison de ses solutions fermées, voit son écosystème triompher à force de rachats et de partenariats (LinkedIn, OpenIA, Blizzard, Mistral AI, etc.). Ce renversement trouve son point d'origine à la fin des années 1990 quand l'entreprise fondée par Bill Gates acta que l'open source était l'inévitable chemin de la domination industrielle dans le secteur informatique.
Cette stratégie de l'écosystème hégémonique se retrouve aujourd'hui au cœur du déploiement des services de Meta, d'Apple, d'Amazon et d'Alphabet. L'accès aux « interfaces de programmation (API) premium » qui constituait l'un des cœurs du Web 2.0 se ferme ou se monnaye chèrement, de 1 500 à 5 000 dollars par an. Parallèlement, il en coûte entre 20 000 et 50 000 dollars de services de Cloud aux développeurs pour mettre sur pied une application Internet, mettant à mal la promesse de décloisonnement du web. Là où Internet devait faire triompher la désintermédiation, c'est le modèle d'entreprises capitalistes et leurs stratégies d'écosystème hégémoniques qui prédominent.
Le boom des IA renforce la domination des « Magnificent 7 » (les 7 mercenaires, surnom des anciens GAFAM rejoints par Tesla et Nvidia) dans un contexte où l'accès aux ressources s'avère plus cher et plus contraint. Le traitement de larges bases de données suppose en effet des GPU, des services de Cloud et le recrutement de « cerveaux » pour accompagner la supervision et la modélisation. Les grands modèles de fondations nécessitent pour cette raison des investissements conséquents : il en a couté plus de 79 millions de dollars à OpenIA pour entrainer Chat-GPT4 en 2023, plus de 191 millions de dollars à Alphabet pour Gemini-Ultra[16].
En détrônant les entreprises du pétrole, de l'électricité, de l'agro-alimentaire et de l'assurance, le secteur de la Tech a redéfini la question sociale.
Les coûts environnementaux de la Tech croissent d'autant, même si le secteur continue à s'accrocher à la promesse de dématérialisation. Amazon vise la neutralité carbone en 2040. Google déclarait l'avoir atteint en 2007. Microsoft ambitionne de capter plus de carbone qu'il n'en émet. Or, ces déclarations sont rendues possibles par l'achat massif de crédits carbone et les jeux de compensation via des projets eco-labelisés. Dans les faits, entre 2013 et 2020, la consommation d'énergie du secteur a augmenté de 50 %[17].
Dans son rapport annuel sur l'environnement publié en 2024, Google a concédé que l'émission de gaz à effets de serre de l'entreprise s'était accrue de 50 % sur les cinq dernières années[18]. Sam Alman alerte régulièrement sur la nécessité de développer massivement de nouvelles sources d'énergie pour couvrir des besoins exponentiels de consommation des IA. C'est 15 à 35 % de quantité d'eau supplémentaire que les big Tech ont utilisé chaque année depuis 2021. Aux États-Unis plusieurs voix se sont levées pour exiger l'encadrement de cette fuite en avant via notamment la proposition de loi « Artificial Intelligence Environmental Impacts Act ».
Mais ce type d'initiative participe à la crispation politique du secteur face à des cadres de régulation renforcés, aux États-Unis comme en Europe. Outre Atlantique, la multiplication des audiences au Sénat, les menaces de mise en application du Sherman Act (loi AntiTrust), les coups de semonce de la Security and Exchange Commission (autorité de surveillance des marchés) ou encore la pression exercée par le Federal Trade Commission Office of Technology (créé en 2023) agace et inquiète le secteur.
En Europe, le Règlement général sur la protection des données (2016), Digital Service Act (2022) et l'IA Act (2024) se traduisent dans les faits : 500 millions de dollars d'amende infligés à Google en 2021 faisant suite au 2,42 milliards exigés en 2017 pour violation des règles antitrust de l'Union européenne ; 1,2 milliard d'euros réclamés à Meta par la Data Protection Commission, l'autorité de contrôle irlandaise des données en juin 2023 ; 1,8 milliard d'euros d'amende pour Apple en mars 2024 pour abus de position dominante sur le marché de la distribution d'applications de diffusion de musique en continu.
Des enquêtes pour non-conformité contre Apple, Alphabet et Meta sont également en cours au titre du règlement sur les marchés numériques. Cette pression réglementaire pousse les grands noms de la Tech vers des positions défensives et droitières considérées comme plus favorables à leur industrie. Elle est d'ailleurs devenue depuis dix ans le principal lobby à Washington (90 millions investis en 2017 selon Fondapol) comme à Bruxelles (113 millions d'euros en lobbying en 2022 selon le LobbyControl et Corporate Europe Observatory).
Dans le même temps, le statut de l'information sur laquelle repose l'économie de la Tech a changé. Dans les années 1990, une information équivalait à un savoir et une connaissance. Or, l'actuelle révolution des IA se traduit par un appauvrissement de la qualité de l'information, sous diverses formes (hallucinations, deepfakes, erreurs, etc.). Les différentes mesures réalisées situent le taux d'erreur de Chat-GPT entre 30 et 45 % en fonction des pays, là où Wikipédia ne comptent en moyenne que 3,5 erreurs par page. Une récente étude de chercheurs de Google DeepMind concluait à la montée des fausses informations sur Internet, liées aux détournements d'images de personnes et la falsification de preuves[19]. Alors que 80 % de la désinformation à base d'image sur Internet est généré par des IA, la plupart de ces faux viserait à influencer l'opinion, à escroquer et à réaliser des profits[20].
Dans cet écosystème, la valeur des données est dissociée de leur qualité informationnelle : vraies ou fausses, opinions ou informations sourcées, photos authentiques ou truquées, chacune est susceptible de participer à la chaîne de valeur. Cette dynamique explique le changement de position de la Tech vis-à-vis du journalisme. Meta supprima Facebook News en 2023 sans égard pour les conséquences de cette décision sur l'économie des médias, la plateforme se réjouissant de disposer d'une large base d'entrainement.
Elon Musk déclarait au Cannes Lions de juin 2024 que chaque citoyen devait désormais faire entendre sa vérité, sans passer par le contrôle des journalistes. OpenIA a multiplié les accords avec des grands groupes de presse (l'agence Associated Press, News Corp, le groupe de presse allemand Axel Springer ou Le Monde) en déclarant en privé qu'il lui reviendra de choisir quelle information serait mise en valeur et exploitée par ses services.
Or, qu'ils s'agissent du journalisme ou d'autres secteurs, les entreprises de la Tech ont montré qu'elles étaient peu à même de donner suite aux mobilisations sociales qui les visaient. La fronde des chauffeurs Uber en Californie, les oppositions internes au contrats militaires passées par Microsoft et Alphabet, les tentatives régulières d'organisation syndicale dans les usines Tesla et les entrepôts d'Amazon, ou encore le Google Walkouts, quand près de la moitié des employés protestait contre les inégalités dont les femmes étaient victimes au sein de l'entreprise en 2018, furent résolu par la direction de ces entreprises d'une même façon : le licenciement des organisateurs et porte-voix de la mobilisation. Cette position trouve une forme de cohérence historique dès lors que l'on interroge le modèle social de la Tech.
En détrônant les entreprises du pétrole, de l'électricité, de l'agro-alimentaire et de l'assurance, le secteur de la Tech a redéfini la question sociale[21]. Au 19e siècle, la révolution de l'énergie et des transports s'était accompagnée de lois assurantielles visant à couvrir les risques et développer l'éducation dans les pays industriels. Dans la première moitié du 20e siècle, l'essor de l'automobile déboucha sur la mise en place du fordisme, un modèle social posant pour principe que les ouvriers travaillant durement à l'usine seraient payés en conséquence et pourraient accéder aux biens de consommation produits. Avec la Tech, la promesse héritée des années 1990 fut toute autre : de nouveaux acteurs (Amazon, Napster, Google, Facebook, etc.) libéraient l'information et donnaient à chacun et chacune les moyens de devenir entrepreneur.
La contrepartie du cadeau de la Silicon Valley fut la précarisation du droit et des conditions de travail. Le statut hyperprivilégié des employés des big Tech ont pris la direction inverse des travailleurs précaires des plateformes, non seulement dans les pays riches, mais aussi ceux des pays du Sud global mobilisés dans le cadre de contrats de crowd et d'outsourcing[22].
Les grandes entreprises de la Tech concentrent les richesses, travaillent à abaisser le niveau d'imposition, et n'ont de cesse d'optimiser fiscalement leurs opérations. Le tout sans proposer de système de redistribution au-delà de leurs bureaux, autre que le revenu minimum universel, une mesure qui trouve sa source chez les conseillers libéraux de Richard Nixon dans les années 1970[23]. Or, le secteur s'avère peu propice à employer. Il ne représente que 2 à 3 % de la population active en France comme aux États-Unis. Son modèle est pourtant devenu hégémonique.
En effet, les traitements algorithmiques, les services dématérialisés, les mesures de performance et les valeurs d'agilité, ont été hissés au rang de nouveaux standards professionnels au sein des grandes bureaucraties privées et publiques. Comme l'a montré la sociologue Clara Deville au sujet de l'accès au revenu de solidarité active (RSA) en zone rurale[24], les services de l'État ont été présentés au cours des années 2010 comme plus simples, plus efficaces et plus rapides. La mise en place d'outils numériques devait faciliter les démarches administratives.
Or, pour nombre de personnes, cette numérisation fut synonyme de fermetures des guichets et de difficultés accrues pour obtenir des rendez-vous. L'obtention du RSA, et l'accès de bien d'autres services, est devenue plus complexe pour les personnes reléguées géographiquement et socialement. La montée de l'extrême droite peut être ainsi lue comme l'envers d'une start-up Nation, pensée uniquement à partir des centres urbains et des catégories sociales privilégiées.
Ainsi donc, pour chaque promesse de la révolution Internet des années 1990 (société de l'information, désintermédiation, dématérialisation, enrichissement) correspond aujourd'hui une tendance inverse (désinformation, domination des big Tech, coûts environnementaux, croissance des inégalités). Ces évolutions expliquent son changement de cap politique, et interroge sur la direction que cette industrie prendra et fera prendre à l'avenir si elle continue d'ignorer sa portée sociale.
NDLR : Olivier Alexandre a récemment publié La Tech. Quand la Silicon Valley refait le monde aux éditions du Seuil
Olivier Alexandre
SOCIOLOGUE, CHERCHEUR AU CNRS
Notes
[1] Cf. Patrice Flichy, L'Imaginaire d'Internet, Paris, La Découverte, 2001Fred Turner, Aux sources de l'utopie numérique, Caen, C&F Editions, 2012 ; Benjamin Loveluck, Réseaux, libertés et contrôle. Une généalogie politique d'Internet, Paris, Armand Colin, 2015 ; Félix Treguer, L'utopie déchue, Paris, Fayard, 2019 ; Anne Bellon, L'État et la toile, Paris, La Dispute, 2023.
[2] Voir notamment Manuel Castells, L'Ère de l'information. La Société en réseaux, Paris, Fayard, 1998 et Yochai Benkler, The Wealth of Networks. How Social Production Transforms Markets and Freedom, New Haven (CO), Yale University Press, 2006.
[3] Henri Bourguinat, Michel Dupuy, Jérome Teïletche, Finance internationale, Paris, PUF, 1992.
[4] Nate Silver, « In Silicon Valley, Technology Talent Gap Threatens G.O.P. Campaigns », FiveThirtyEight, November 28th 2012.
[5] François Clémenceau, « Quand Emmanuel Macron découvrait l'Amérique à 29 ans », Journal du Dimanche, 22 avril 2018
[6] En 2023, le secteur information et technologie représente 4,5 % du PIB, 900 000 employés et 65 milliards d'euros en 2023. Aux États-Unis, le secteur représente près de 1.9 trilliards, soit 10 % du PIB (source : International Trade Administration).
[7] Voir Corine Lesnes, « En Californie, des milliardaires prennent parti pour Donald Trump », Le Monde, 18 juin 2024.
[8] En 2023, il a déployé près de 190 millions d'euros, là où la BPI a engagé au cours des dernières années 400 millions d'euros d'investissements et où Kima, le fonds de Xavier Niel, engage près de 20 millions d'euros par an.
[9] Théo Bourgeron, « Finance, énergies fossiles et Tech : ce patronat qui soutient l'extrême droite par intérêt », AOC, 5 juillet 2024.
[10] Matt Burns, « Leaked Palantir Doc Reveals Uses, Specific Functions And Key Clients », TechCrunch, January 11, 2015.
[11] Roberto J. Gonzalez, « How Big Tech and Silicon Valley are Transforming the Military-Industrial Complex », Watson Institute, April 17, 2024.
[12] Voir Chris Miller, La guerre des semi-conducteurs : Un conflit mondial pour une technologie, Paris, L'artilleur, 2024.
[13] Zyneb Tufekci, Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée, Caen, C&F Éditions, 2019.
[14] Voir notamment Gabriella Coleman, Gabriella Coleman, Coding Freedom : The Ethics and Aesthetics of Hacking, Princeton Princeton (NJ), University Press, 2013 et Sébastien Broca, Utopie du logiciel libre. Du bricolage informatique à la réinvention sociale, Neuvy-en-Champagne, Éd. Le passager clandestin, 2013.
[15] Laure Muselli, Fred Palier, Mathieu O'Neil, Stefano Zacchiroli, « Les employés des GAFAM, plus gros contributeurs du logiciel libre », Polytechnics Insights, 2021.
[16] Source : Stanford AI Index, May 2024.
[17] Voir notamment Mélodie Pitre, « Cloud carbon footprint : Do Amazon, Microsoft and Google have their head in the clouds ? », Carbone 4, 2 november 2022 et Nastasia Hadjadji, « L'insoutenable coût écologique du boom de l'IA », Reporterre, 4 juillet 2024.
[18] « Google environmental Report », 2024.
[19] Nahema Marshal and al., « Generative AI Misuse : A Taxonomy of Tactics and Insights from Real-World Data », Google DeepMind, July 6, 2024.
[20] Nahema Marshal and al., « Generative AI Misuse : A Taxonomy of Tactics and Insights from Real-World Data », Google DeepMind, July 6, 2024.
[20] Nicolas Dufour and al., « AMMEBA : A Large-Scale Survey and Dataset of Media-Based Misinformation In-The-Wild », May 21, 2024.
Sur la thématique des usages politiques de la désinformation, voir notamment Giuliano da Empoli, Les ingénieurs du chaos, Les États à la conquête de nos esprits, Paris, JC Lattès, 2019 ; David Colon, La guerre de l'information, Paris, Taillandier, 2023 ; David Chavalarias, « Minuit moins dix à l'horloge de Poutine. Jusque-là tout se passe comme prévu », 30 juin 2024.
[21] Pour une mise en perspective historique, voir notamment Jacques Donzelot, L'invention du social, Essai sur le déclin des passions politiques, Paris, Fayard, 1984 et Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, 1995.
[22] Voir notamment Antonio Casilli, En attendant les robots, Paris, Seuil, 2019 Sarah T. Roberts, Derrière les écrans. Les nettoyeurs du web à l'ombre des réseaux sociaux, Paris, La Découverte, 2020, et Kate Crawford, Contre-Atlas de l'intelligence artificielle, Paris, Zuma, 2021.
[23] Anton Jager and Daniel Zamora Vargas, Welfare for Markets : A Global History of Basic Income, Chicago, University of Chicago Press, 2023.
[24] Clara Deville, L'État social à distance. Dématérialisation et accès aux droits des classes populaires rurales, Paris, Éditions du Croquant, 2023.
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Il est temps de mettre fin au programme d’exploitation des travailleurs et des travailleuses étrangèr.e.s

The Maple, le 13 janvier 2015
https://www.readthemaple.com/its-time-to-end-the-exploitative-foreign-worker-program/?ref=maple-digest-news-newsletter
Les données publiées en ligne par le gouvernement du Canada montrent que le montant des amendes infligées aux employeur.e.s qui embauchent des travailleurs et travailleuses dans le cadre du Programme des travailleurs, travailleuses étranger.e.s temporaires (PTET) a augmenté de façon marquée en 2024.
Selon les données d'Immigration, Réfugié.e.s, et Citoyenneté Canada, le gouvernement du Canada a imposé 153 amendes aux entreprises qui emploient des travailleurs et travailleuses étranger.e.s temporaires au cours de la dernière année civile. Prises ensemble, ces sanctions pécuniaires ont totalisé $4,030,250, l'amende moyenne s'élevant à $26,341.
Il semble que cette tendance s'inscrit dans la continuité de celle observée ces dernières années, qui est celle de la hausse des amendes et des sanctions. Selon un reportage du Globe and Mail de mai 2024, 194 entreprises ont été pénalisées pour avoir enfreint les règles du PTET en 2023 et ont reçu des amendes totalisant $2,7 millions. Ainsi, bien que le nombre total d'amendes ait légèrement diminué en 2024, leur valeur monétaire a sensiblement augmenté.
De plus, la valeur moyenne des amendes augmente depuis plusieurs années. En 2023, l'amende moyenne était de $13,841, contre $11,606 en 2022, $9,761 en 2021 et $3,077 en 2020.
Les amendes peuvent varier considérablement en fonction de la nature et de l'ampleur des infractions et du dossier de conformité de l'entreprise. Par exemple, la plus petite pénalité infligée en 2024 était de $750, tandis que la plus élevée concernait une amende de $365,750 imposée en avril dernier à une entreprise de transformation de homards basée au Nouveau-Brunswick pour une série d'infractions, dont la plus grave incluait le fait de n'avoir pris des mesures contre des abus de toutes sortes. Dans ce cas, l'entreprise s'est également vu interdire l'embauche de travailleurs et de travailleuses par l'intermédiaire du PTET pendant deux ans.
Il semble que les interdictions imposées - dans presque tous les cas temporaires - aux employeur.e.s deviennent également plus nombreuses. En 2024 31 entreprises ont été temporairement exclues du PTET pour des périodes allant d'un à dix ans, tandis que dans un cas, une entreprise a été définitivement exclue. Cette entreprise, un vignoble en Colombie-Britannique, a également reçu une amende de $118,000 pour des infractions liées au fait de ne pas avoir empêché les abus sur le lieu de travail.
L'abus des travailleurs et des travailleuses étranger.e.s temporaires n'est pas bien sûr chose nouvelle. Mais le nombre croissant de ces travailleurs et travailleuses vulnérables employé.e.s au Canada a rendu le problème encore plus répandu.
Alors que les entreprises se plaignaient d'une pénurie généralisée de main-d'œuvre après la pandémie, le gouvernement fédéral a réagi en assouplissant les règles régissant le PTET et d'autres programmes facilitant l'accès aux travailleurs et travailleuses immigrant.e.s et migrant.e.s.
Après les changements apportés au PTET en 2022, la plupart des employeur.e.s pourraient embaucher jusqu'à 20 % de leurs travailleurs et travailleuses comme migrant.e.s temporaires, contre 10 % auparavant. De plus, les employeur.e.s de sept secteurs identifiés comme connaissant d'importantes pénuries de main-d'œuvre, notamment la fabrication de produits alimentaires, les services de restauration et d'hébergement et la construction, pourraient embaucher jusqu'à 30 % de leur main-d'œuvre grâce au PTET.
Alors que le marché du travail commençait à s'affaiblir, les employeur.e.s ont intensifié leurs efforts pour embaucher des migrant.e.s temporaires, notamment dans la restauration rapide et la construction, mais aussi dans le secteur de la santé. À mesure que les employeur.e.s ont eu un meilleur accès aux travailleurs et travailleuses migrant.e.s temporaires vulnérables, le gouvernement a détecté davantage de cas d'abus.
Les expériences négatives des travailleurs et travailleuses migrant.e.s employé.e.s dans l'agriculture ont retenu l'attention des médias. Mais les abus dans le cadre du PTET s'étendent bien au-delà de ce seul secteur, comme le montre clairement l'examen des données du gouvernement.
Le gouvernement fédéral ayant à la fois élargi l'éventail des secteurs pouvant accéder aux travailleurs et travailleuses étranger.e.s temporaires et assoupli les règles imposées aux employeur.e.s qui cherchent à recruter ces travailleurs et travailleuses, l'exploitation et les abus des migrant.e.s ont désormais lieu dans davantage de secteurs de l'économie.
Le gouvernement libéral a pourtant fait preuve de grandes inconséquence et incohérence en ce qui concerne les travailleurs et travailleuses migrant.e.s temporaires. Après avoir déjà élargi le recours au PTET et à d'autres programmes de migration en réponse aux pressions exercées par les entreprises, le gouvernement a brusquement changé de cap l'an dernier et a indiqué qu'il allait limiter le nombre de travailleurs et trvailleuses temporaires.
Сette réorientation politique s'inscrit en partie dans un effort global visant à réduire la migration et l'immigration au Canada, qui faisait souvent des nouveaux immigrants, nouvelles immigrantes, des étudiants étrangers, étudiantes étrangères et des travailleurs et travailleuses migrant.e.s des boucs émissaires pour des problèmes, tels que la hausse des coûts du logement et le manque de ressources dans les services de santé. Pourtant, les nouvelles restrictions sur la migration de main-d'œuvre temporaire étaient également une réponse à une inquiétude généralisée concernant l'exploitation et les abus des travailleurs et travailleuses migrant.e.s temporaires.
Tout au long de la seconde moitié de 2024, l'attention s'est renouvelée sur les abus généralisés des migrant.e.s travaillant au Canada dans le cadre du PTET et d'autres programmes. En particulier, un rapport accablant du rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines d'esclavage, Tomoya Obokata, qui critiquait fortement le programme, a reçu une attention médiatique considérable.
Lorsque le gouvernement fédéral et les député.e.s conservateurs et conservatrices de l'opposition ont remis en question la caractérisation du PTET par le fonctionnaire de l'ONU comme « un terreau fertile pour les formes contemporaines d'esclavage », Obokata a maintenu ses commentaires, bien qu'il ait déclaré qu'il devait rassembler davantage de preuves avant de publier le rapport final.
Lorsque le rapport a été publié en juillet, sa principale recommandation – mettre fin au système de permis de travail fermés qui lie les travailleurs et travailleuses à des employeur.e.s particulier.e.s – a été largement ignorée.
Au lieu de cela, le débat s'est porté sur le nombre de travailleurs étrangers, travailleuses étrangères temporaires plutôt que sur la conception du programme et sur la manière dont il génère systématiquement des risques d'exploitation et d'abus.
Les permis de travail fermés laissent les travailleurs et travailleuses migrant.e.s temporaires entièrement dépendant.e.s des employeur.e.s pour le travail, le logement, l'accès aux soins de santé et de nombreux autres besoins. Une fois au Canada, ces travailleurs et travailleuses ne sont pas « libres » de changer d'emploi, mais sont plutôt lié.e.s à l'employeur.e qui les a embauché.e.s et a facilité leur entrée au pays. De plus, comme la perte d'emploi entraîne généralement l'expulsion, les travailleurs et travailleuses sont réticent.e.s à se plaindre des abus et des mauvais traitements. La structure même du programme, qui se concentre sur des permis fermés qui lient les travailleurs et travailleuses à des employeurs particuliers, employeures particulières, génère une vulnérabilité et un potentiel d'exploitation.
Dans ces circonstances, les inspections gouvernementales et l'application de la loi axée sur la dissuasion constituent la dernière ligne de défense, même si elles ne sont pas suffisantes.
Le fait que le gouvernement impose un plus grand nombre d'amendes d'une valeur monétaire plus substantielle est une mesure positive, bien qu'insuffisante. Comme le soulignent depuis longtemps les spécialistes de la conformité aux normes du travail, une dissuasion efficace nécessite des sanctions significatives. Pourtant, malgré les sanctions plus sévères mises en place ces dernières années, de nombreux cas de maltraitance des travailleurs et travailleuses restent probablement non détectés.
Les entreprises qui emploient des migrant.e.s dans le cadre de programmes de permis de travail fermés sont censées être inspectées pour s'assurer qu'elles respectent les règles du programme. Mais en réalité, les services d'inspection du gouvernement ne disposent tout simplement pas des ressources suffisantes pour détecter tous les cas de non-conformité et d'abus de la part des employeur.e.s.
De plus, les employeur.e.s sont souvent informés à l'avance des inspections et ont généralement la possibilité de corriger leurs actes répréhensibles afin de rester admissibles à participer au programme et à embaucher des migrant.e.s.
Même les employeur.e.s qui reçoivent des sanctions pécuniaires relativement importantes peuvent payer leurs amendes, s'engager à corriger les infractions passées et continuer à employer des migrant.e.s. Par exemple, une entreprise qui a été condamnée à une amende de 78,000 $ en mars de l'année dernière pour avoir enfreint les règles relatives au paiement (le gouvernement ne divulgue pas de détails précis sur les cas individuels) est désormais à nouveau autorisée à participer au PTET. En effet, 38 entreprises qui ont été sanctionnées par des amendes de différents montants en 2024 sont désormais autorisées à embaucher des travailleurs et travailleuses migrant.e.s.
En fin de compte, la seule façon de véritablement résoudre les problèmes au cœur du PTET est de supprimer le système de permis de travail fermé du programme. Lier les travailleurs et travailleuses à des employeur.e.s spécifiques est une forme de travail non libre qui génère l'exploitation, les mauvais traitements et les abus.
En outre, les travailleurs et les travailleuses en général ont intérêt à ce que ce système d'exploitation cesse. Permettre aux permis de travail fermés et au travail temporaire migrant de perdurer sous leur forme actuelle porte atteinte aux normes sociales de tous les travailleurs, toutes les travailleuses. Comme le dit si bien le vieux slogan syndical, une atteinte à l'un.e est une atteinte à tous et à toute.
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*« Elles ont choisi la voie de la révolte,...

*« Elles ont choisi la voie de la révolte, parfois au péril de leur vie. Pourquoi et comment ? ».*
Je me permets de vous adresser quelques pages du livre « Elles ont désobéi », paru en décembre dernier aux éditions Lapérouse. *« Ce livre raconte l'histoire de femmes qui se sont illustrées par leur désobéissance à un ordre établi. Une histoire qui continue de s'écrire aujourd'hui, avec plus de vigueur que jamais. »*
Contre l'oppression, contre l'injustice, pour la planète, pour exister en tant que femmes, pour le respect du corps des femmes, pour l'égalité des genres…
– Carola Rackete, sauveteuse illégale en méditerranée, au secours des migrants
– Angela Davis, féministe et grande figure des luttes contre les injustices raciales et sociales
– Alessandra Horap, de l'ethnie Mundukuru, contre les projets de déforestation et d'extraction minière qui empoisonnent l'Amazonie
– Sophie Scholl, militante allemande exhortant ses concitoyens à se lever contre Hitler et la barbarie nazie
– Anna Politkowskaïa, dénonçant inlassablement le régime de Vladimir Poutine et de ses méthodes criminelles
– Nawal el Saadawi, égyptienne, initiant la lutte contre la pratique de l'excision en Afrique
– Ranjana Kumari contre la coutume de la dot - pour que naître femme en Inde ne soit plus une malédiction
– Bobbi Gibb, première marathonienne - a contribué à balayer les préjugés sexistes dans le sport
– Malala Yousafzai, défiant les talibans avec son « Journal d'une écolière pakistanaise » témoignant du régime de terreur infligé aux femmes
– Leymah Gbowee, militante libérienne, qui par un combat pacifiste avec les femmes de son pays, a réussi à faire tomber un tyran et à mettre fin à quatorze ans de guerre civile
Et bien d'autres femmes célèbres ou moins connues … Gisèle Halimi, Greta Thunberg, Rosa Parks, Masha Amini, Marielle Franco … artistes, sportives, suffragettes, pirates, militantes MeToo, collectif Pussy Riot, guérilleras zapatistes, pionnières de l'écologie, … un hymne au courage, à la créativité et à l'engagement des femmes à travers le monde et au fil de l'Histoire. Une histoire qui continue de s'écrire aujourd'hui, avec plus de vigueur que jamais.
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Préface de l’ouvrage « Islam et Capitalisme » de Maxime Rodinson par Omar Benderra

Maxime Rodinson est l'auteur d'une double rupture idéologique et politique, d'une part avec l'orientalisme en tant que modalité spécifique aux cultures arabo-islamiques de l'anthropologie coloniale et d'autre part avec la théorie critique développée par les dogmes marxistes en vogue dans les années soixante et soixante-dix du siècle dernier. Islam et capitalisme est publié en 1966 dans un contexte mondial dominé par deux blocs politiques, celui de l'Ouest capitaliste dirigé par les États-Unis et celui de l'Est communiste piloté par l'URSS.
L'époque est aussi celle de l'émergence des pays du Tiers Monde dans le fil des guerres de libération et des indépendances des années 1950 et 1960. Les États arabes, pour la plupart récemment libérés de la férule coloniale française ou britannique, relevaient de cette catégorie intermédiaire et se situaient dans l'orbite de l'un ou l'autre des blocs géopolitiques concurrents. La rivalité planétaire entre les États-Unis et l'Union soviétique était propice à une confrontation intellectuelle riche et diversifiée entre théoriciens libéraux de différentes écoles et marxistes de courants parfois clairement antagoniques. Les débats sou- vent très vifs et les controverses soutenues ne se limitaient évidemment pas aux pays des deux blocs opposés et concernaient d'importantes catégories d'intellectuels, de chercheurs ou d'activistes du Tiers Monde.
Dogmatismes et principe de réalité
Cette période qui semble aujourd'hui fort lointaine a été marquée dans le monde arabe par des débats intenses et particulièrement animés entre économistes, sociologues et historiens autour des questions urgentes de l'édification des États postcoloniaux et du développement économique mais aussi de leurs histoires et de leurs formes d'organisation sociale. Dans ce florilège de publications concernant le monde arabe, y compris celles qui se paraient d'une caution académique, l'engagement politique l'emportait souvent sur la rigueur analytique. Les lignes de fractures entre ces diverses approches se caractérisaient par la primauté des convictions politiques et au respect discipliné de la ligne de leurs partis et relevaient pour l'essentiel d'une perspective occidentale, culturellement ethnocentrée, sur une civilisation étrangère.
C'est dans ce contexte d'affrontement idéologique intense, favorable aux réductions dogmatiques présentées comme vérités d'évidence, que Maxime Rodinson publie Islam et capitalisme, un livre-repère dont j'ai l'honneur de préfacer la réédition québécoise. En marxiste iconoclaste mais en universitaire rigoureux, Rodinson procède à un examen critique des thèses en présence et remet les pendules à l'heure du principe de réalité, par le développement d'un argumentaire systématiquement étayé. Sa démarche est fondée sur une indéniable rigueur scientifique, une connaissance encyclopédique des thèmes abordés et une réelle proximité avec les formations sociales appréhendées. Au-delà de l'économie et de la religion, ce que Maxime Rodinson éclaire précisément est un rapport occidental au monde musulman.
Le matérialisme historique dont se prévaut Maxime Rodinson est construit sur une démarche méthodique et largement inclusive, ne laissant pas de place à l'imprécision ni aux schématisations mécanistes, à la différence de nombre d'analystes se réclamant de l'héritage de Karl Marx, qui se risquaient à des considérations très incertaines, du « mode de production asiatique » aux « féodalités hydrauliques » en passant par les systèmes de relations interpersonnelles, pour décrire les sociétés et expliquer les retards socioéconomiques du monde arabo-musulman.
Le marxisme historiciste de Rodinson se démarque ainsi par sa volonté de comprendre le développement historique des sociétés musulmanes et de contextualiser les textes arabo- musulmans, ce qui le place en porte-à-faux avec les orientalistes, qui traitent le monde arabe comme une entité ontologiquement stable, mais aussi avec les staliniens, qui ont des modèles de développement très rigides.
Le colonialisme, matrice des régressions arabes
L'auteur est également en rupture avec les orientalistes qui tout en célébrant les avancées civilisationnelles observées dans leur lointain passé, attribuaient les stagnations et le recul des sociétés de cette région du monde à une religion obscurantiste. Pour nombre de ces observateurs, l'islam est la matrice de cultures archaïques, induisant des formes d'organisation figées et radicalement hostiles à toute évolution. Il ne faisait aucun doute pour beaucoup de ces experts ès islam que la religion portée par le Prophète Mohamed était l'obstacle fondamental à la modernisation économique et au progrès en général.
Pour Maxime Rodinson, ces interprétations fallacieuses masquent la réalité des effets de l'agression coloniale et de l'hégémonie impérialiste franco-britannique qui s'installe à la faveur de la dislocation de l'Empire Ottoman au cours du XIXe siècle et au début du XXe.
Pour l'historien et le sociologue, le retard des sociétés arabo-islamiques ne saurait être expliqué par de prétendus blocages culturels et une censure religieuse mais plutôt par les agressions multiformes et les occupations violentes dont elles ont été victimes. À mille lieues de cette reconnaissance de la responsabilité coloniale et dans une convergence apparemment paradoxale, les analyses du marxisme orthodoxe et davantage encore celles des orienta- listes ont pour commune caractéristique la formulation de représentations suprémacistes et essentialistes plus ou moins clairement exprimées dans une vision hiérarchique, assumée ou implicite, du monde.
Maxime Rodinson démontre que l'islam n'est en rien opposé au capitalisme (ou à une quelconque forme d'organisation économique a priori). Historiquement, les sociétés islamiques ont été largement façonnées par un capitalisme marchand pratiqué par le Prophète lui-même. Le commerce et la propriété privée n'ont jamais été, au contraire, remis en cause par l'islam. Ce sont bien les conditions sociopolitiques, somme de multiples facteurs, de la croissance démographique européenne à l'industrialisation de l'Angleterre en passant par les gigantesques pillages coloniaux inter alia, qui ont permis l'expansion dynamique du capitalisme occidental et qui, au contraire, ont joué en défaveur du développement économique du monde musulman, en détruisant les souverainetés des États qui le composaient et en cassant les dynamiques internes.
Ces conditions historiques ont permis l'invasion par vagues successives de vastes régions du monde par les puissances européennes, la destruction des sociétés locales, la dépossession et la clochardisation des populations autochtones. Ainsi, au bout de longues années de génocides et de spoliation de tous ordres, la narration élégiaque de la conquête de l'Algérie reprise notamment par une bonne partie de l'intelligentsia française a massivement scénarisé l'effroyable régression infligée aux sociétés indigènes, présentant leur immense misère comme un état naturel inhérent à une culture radicalement exotique, rétrograde, repliée et imperméable aux idées de progrès. L'apport « émancipateur » du colonialisme, issu de la « civilisation des Lumières » s'imposant de lui-même comme une nécessité, justifiant la « mission civilisatrice », fardeau que le colon blanc s'imposait très symboliquement, niant catégoriquement l'étendue de crimes imprescriptibles. Et c'est très exactement ce qui fut célébré en 1930 en grandes pompes républicaines et nationalistes lors du centenaire de la colonisation de l'Algérie.
Capitalisme, collectivisme ou économie socialiste de marché ?
La confrontation multiforme entre capitalisme et socialisme, extrêmement vive durant les années consécutives à la Seconde Guerre mondiale, s'est évaporée avec la disparition de l'Union soviétique en 1991 et l'échec avéré des diverses formes d'étatisation de l'économie. L'ensemble du monde arabe aujourd'hui est dirigé par des régimes de diverses natures mais unanimement libéraux et généralement peu efficaces. Mais de quel capitalisme s'agit-il ?
Si les économistes favorables à la collectivisation des moyens de production et au rôle de gestionnaire de l'État ne sont plus audibles, ceux qui prônent la dérégulation des marchés au nom du libéralisme n'ont pas gagné en crédibilité. De fait, le creusement vertigineux des inégalités par la concentration des richesses et la massification de la précarité dans les opulents pays industrialisés signe en effet les limites socialement et éthiquement destructrices du modèle. Au plan global, l'échec des politiques économiques libérales imposées par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale aux États défaillants illustre cruellement les limites d'une doxa antisociale imposée par les banques et les multinationales occidentales.
En contrepoint de ces échecs et crises à répétition, l'émergence extraordinairement rapide de la Chine au cours de ces vingt dernières années remet en cause les positionnements doctrinaires antérieurs. Pékin, en ouvrant son marché au secteur privé national et aux investissements étrangers, n'a pas abandonné pour autant ses instruments de souveraineté en termes de politique économique. La planification centrale ainsi que le contrôle strict des opérations bancaires et financières permettent au pouvoir central d'encadrer une dynamique de croissance soutenue sans précédent historique.
L'ordre du monde sous hégémonie occidentale est ainsi remis en cause par l'apparition d'un catalyseur global alternatif. Le capitalisme chinois sous la férule du Parti communiste explore un mode alternatif de commerce et de coopération avec le reste du monde sous des formes fort différentes de celles de l'Occident.
Pour autant, d'autres tentatives de maintenir autant que possible le rôle social de l'État tout en procédant à l'élimination des contraintes bureaucratiques au fonctionnement du marché ont bel et bien eu lieu. L'expérience brève et rapidement interrompue des Réformes en Algérie entre 1986 et 1991 était construite sur la nécessité du marché par l'ouverture à l'initia- tive privée tout en libérant la gestion des entreprises publiques des tutelles administratives. L'objectif des Réformateurs était de garantir le rôle de l'État en tant que régulateur dans le cadre institutionnel démocratique de l'État de droit. Mais très rapidement, les réformes, en éliminant les très opaques supervisions administratives, se sont heurtées aux intérêts du haut commandement de l'armée et de la police politique qui ont fini par casser définitivement cette dynamique en janvier 1992. La bourgeoisie militaire algérienne s'engagera quelques mois plus tard dans un contexte de violence inouïe dans la voie antisociale et antinationale de l'ajustement structurel sous tutelle du FMI.
L'impasse permanente du monde arabe
Les guerres et invasions occidentales, en Irak, en Syrie et en Libye expliquent en partie leurs impasses économiques mais l'image renvoyée par les économies des États arabes n'impressionne guère. De fait, si la manne des hydrocarbures venait brutalement à s'assécher, les opulents pays du Golfe persique s'effondreraient rapidement. Le libéralisme rentier des producteurs de pétrole, qui ne débouche jamais sur une économie industrielle, évolue, au mieux, vers un capitalisme d'intermédiation financière, uniquement susceptible d'abriter des hubs commerciaux et de services sans profondeur productive. L'illustration majeure de cette « modernisation » est celle des Émirats arabes unis, engagés dans un programme d'insertion active dans le marché global autour du commerce et des services adossés à une plateforme financière de recyclage de capitaux d'origine souvent non identifiable.
Le reste des économies du Machrek ou du Maghreb est en crise structurelle, à l'image de l'Égypte du maréchal Al-Sissi qui s'est très tôt, au milieu des années 1970, engagée dans une politique d'« Infitah », c'est-à-dire une politique d'ouverture des marchés et de privatisation. L'Égypte est plus que jamais dépendante des perfusions externes de ses bailleurs de fonds. Au bout d'un demi-siècle de politique libérale, l'économie égyptienne est sinistrée, écrasée par un endettement qui a massivement enrichi une classe compradore au détriment de l'immense majorité de la population qui survit dans des conditions épouvantables. À l'ouest du continuum arabo-musulman, le Royaume du Maroc, en dépit de législations très favorables, ne parvient pas à attirer les niveaux d'investissements qui lui permettraient de créer une base industrielle vitale et de répondre autant que possible à un écrasant chômage de masse. L'Algérie qui avait, au prix fort, construit les fondations d'une base industrielle substantielle l'a essentiellement bradée à vil prix en se soumettant aux diktats du FMI à la suite du coup d'État militaire du 11 janvier 1992. La non-gestion économique délibérée assumée par l'armée et la police politique a atteint des paroxysmes de gabegie et de corruption dans les années Bouteflika, privant le pays de ressources nécessaires à son développement, stérilisant durablement les capacités créatives et les compétences d'une jeunesse aujourd'hui sans perspectives.
L'échec économique des régimes arabes postindépendances
est d'autant plus cinglant que leurs pays disposaient pour certains de ressources et de moyens substantiels. Mais qu'il s'agisse de pays bénéficiant de ressources fossiles, pétrole et gaz, ou moins favorisés par la géologie, les performances économiques sont très en deçà des minima requis pour combler des retards considérables. Et c'est sous cet aspect que la démarche analytique de Maxime Rodinson, qui était conscient des limites de ces systèmes, s'avère encore pertinente. La caractéristique commune première des régimes arabes, quelle que soit leur forme ou nature, monarchie ou république, est leur caractère non démocratique et antipopulaire. Féodalités et dictatures militaires imposées par Londres ou Washington et soutenues par Paris, ces systèmes néocoloniaux de facto perpétuent la domination impérialiste et la misère de leurs peuples par l'inefficacité de leur gestion économique, leur corruption massive et le blocage de toute évolution. Ces autoritarismes qui écrasent leurs sociétés assurent l'insertion subalterne des économies arabes dans l'ordre mondial libéral et continuent de transférer les richesses vers l'Occident par les détournements et les malversations. Continuant en les renouvelant les modes de pillages instaurés par la domination coloniale directe. Ces systèmes de non-droit, derrière de vertueuses proclamations et la référence démagogique aux principes islamiques, empêchent le fonctionnement rationnel de leurs marchés internes, inter- disent le développement en organisant la captation privative des ressources publiques au profit de la caste au pouvoir et de ses protecteurs étrangers.
L'autoritarisme apatride contre le développement national
Maxime Rodinson, par sa lecture critique, déconstruit l'un des éléments constitutifs de la représentation occidentale du monde musulman en posant la question du rapport des superstructures culturelles et idéologiques à l'infrastructure économique. Et c'est bien à ce niveau que se situe encore le débat actuel dans un monde arabe qui depuis s'est profondément transformé. Dans les années 1960 et 1970, période de publication de son ouvrage, le choix d'un modèle de développement susceptible de permettre aux pays du Tiers Monde de rattraper leurs retards sur les pays industrialisés était au cœur des luttes politiques entre avocats du libre marché et partisans de la voie socialiste. Le socialisme, sous ses diverses déclinaisons, par administration directe de l'État ou par autogestion, était une hypothèse dont l'efficacité n'était pas encore remise en cause.
Dans le monde arabe, les pays qui avaient opté pour le socialisme, sous diverses significations, ont mis en avant les dimensions de justice sociale et de solidarité, nullement contradictoires avec le Coran et les textes de l'islam. De la même manière les autres pays arabes ayant opté pour le capitalisme justifiaient ce choix par la liberté de commerce dont le Prophète avait fait sa première profession. S'ils divergeaient en matière de choix économiques, ces systèmes politiques fort différents se retrouvaient tous dans l'autoritarisme : les uns et les autres n'ont pas réussi à construire des économies productives et viables. La religion musulmane n'a aucune part dans la faillite des gouvernances arabes, l'islam n'est en rien responsable des échecs de politique économique. Ce qui est clairement en cause est la dictature et la qualité désastreuse à tous égards de ses personnels cooptés dans les rangs d'un clientélisme de l'obéissance et de la soumission. À la différence de leurs homologues asiatiques dont le patriotisme ne peut être nié, les dictatures arabes sont des systèmes apatrides et prédateurs qui ne répondent à aucune règle, fondamentalement organisés autour de la corruption et de la fuite des capitaux, leur logique de fonctionnement est largement déconnectée des pays qu'ils dirigent.
Le tableau général qui s'impose à l'issue d'une analyse actualisée des économies du monde musulman laisse peu de place à l'incertitude s'agissant des gouvernances arabes héritières et continuatrices des tutelles coloniales. Il ressort que les régimes postindépendances ont, en traitant leurs peuples avec le même mépris, pour l'essentiel maintenu les conditions d'assujettissement installées par le colonialisme. Les habitants des États arabes aux indépendances circonscrites ne sont toujours pas des citoyens dans l'acception démocratique minimale du terme. L'impossibilité de mettre en place des structures politiques reconnues, légitimes et représentatives, a déterminé une situation permanente généralisée de non-droit. Les élites réelles sont marginalisées et éliminées des sphères de décision aboutissant de ce fait à une perte de confiance dans les représentants des pouvoirs et une démonétisation des institutions, à commencer par l'administration de la justice réduite à un service subalterne de l'exécutif. Aucune politique économique ne peut être valablement envisagée sans adhésion et confiance des acteurs sociaux à même de mobiliser les capacités de création de leurs sociétés.
Aujourd'hui comme hier, et en dépit de ce que prétendent les propagandistes de la guerre des civilisations, l'islam ne peut être incriminé dans l'échec socioéconomique du monde musulman. Les racines idéologiques des retards comme celles de tous les blocages sont à rechercher dans la réalité des structures sociales de pouvoir, dans l'identification des acteurs et de leurs alliances, internes ou externes et, in fine, dans la nature des enjeux économiques. Les peuples arabes, hier sous la botte coloniale, vivent aujourd'hui sous la férule de régimes soutenus par les ex-métropoles coloniales. L'une des illustrations les plus éloquentes de la soumission néocoloniale des États arabes est bien leur silence, ou même leur complicité pour certains, devant le génocide en cours à Gaza.
Maxime Rodinson a grandement contribué à situer les responsabilités des retards du monde arabo-islamique en écartant des théories mystifiantes et en imposant une démarche analytique à la fois savante, cohérente et limpide. La réédition d'Islam et capitalisme est plus que pertinente, elle est salutaire dans une période où les oligarchies atlantistes, par leurs médias, leurs maisons d'édition et leur ascendant sur les appareils d'État, accentuent un discours essentialiste et raciste visant à dresser les sociétés et les peuples les uns contre les autres. Il faut donc saluer le courage des universitaires, des chercheurs et des éditeurs qui reprennent et font connaitre les travaux d'un intellectuel qui incarnait l'éthique de l'engagement et l'esprit scientifique dans le respect de tous.
Omar Benderra – Algeria-Watch
Paris, 17 septembre 2024
* Omar Benderra est économiste et ancien président de banque publique. En exil en France depuis 1992, il est consultant indépendant, membre de l'association de défense des droits humains Algeria-Watch et a codirigé l'ouvrage collectif Hirak en Algérie. L'invention d'un soulèvement (La Fabrique, 2020).
Éditions de la rue Dorion
www.ruedorion.ca
1266, rue Dorion
Montréal, Qc
H2K 4A1

ChatGPT, une intelligence sans pensée, d’Hubert Krivine

Hubert Krivine, probablement pas le moins connu des lecteurs et lectrices de l'Anticapitaliste, sort un nouveau livre de vulgarisation et de débat scientifique sur ChatGPT.
Hebdo L'Anticapitaliste - 738 (23/01/2025)
Éditions Cassini, 2025, 192 pages, 12 euros.
Sur la forme, c'est assez court : une centaine de pages. Et un effort particulier a été fait sur l'accessibilité, avec des sections plus compliquées pouvant être omises et signalées par la mise en page, le renvoi en annexes de certains points et la construction générale qui n'hésite pas à reprendre des idées pour faciliter la compréhension générale. Tous les détails ne sont pas nécessairement évidents, mais si on ne s'y arrête pas, ça se lit très bien.
Vulgarisation scientifique
Sur le fond, commençons par dire que ce n'est pas à charge contre ChatGPT, ou plutôt le modèle de lecture et de génération de texte qu'il représente et encore moins sur l'IA en général, mais « [une tentative] d'en définir les limites, même à contre-courant ». Une des forces du livre est d'éviter de se concentrer sur les aspects spectaculaires des réussites ou échecs de ChatGPt, une autre est d'être écrit par quelqu'un qui n'est pas un spécialiste et qui, outre son expérience de scientifique, a déjà beaucoup produit en vulgarisation (ou médiation) et en réflexion sur les sciences. Il va ainsi surtout poser de bonnes questions qui aident à comprendre à quoi nous avons affaire et aux limites importantes de ce modèle d'IA, par-delà les réussites et l'emballement qu'il génère.
Partant d'un problème qui semble peut-être éloigné du quotidien — la conception de théorie scientifique — mais éclaire bien le problème principal de l'IA : celle-ci repose sur l'utilisation d'un grand nombre de données (big data) et donc la production des réponses par induction à partir de ces données. Ce qui peut être utile à la science, mais va à l'encontre d'une grande partie des avancées de la science. Le nombre de données est à la fois trop important — ce qui amène de nombreux problèmes — et trop faible pour la « compréhension » de l'environnement. D'où la question de l'intelligence et de la pensée.
Quelle utilisation pour l'IA ?
Évitant les affirmations péremptoires sur ces sujets et en posant de bonnes questions, le livre permet d'envisager ces concepts dans leur diversité en gardant pour fil directeur la question de leur utilisation, des trop nombreuses données que constituent notre environnement et la préoccupation de créer « du neuf à partir du vieux ». Intéressant au-delà des problèmes de l'IA. Ainsi il aborde, par la bande, la question de l'intelligence des animaux non humains, poursuit sur les problèmes économiques et écologiques que pose le nombre de données et de sa croissance, et termine avec la nécessité de ces modèles d'IA et l'horizon de leurs progressions.
Pour celleux qui peuvent craindre la difficulté de lecture, une nouvelle fois l'attention portée à l'accessibilité est grande et une conclusion prend le temps de récapituler et nous permet d'apprécier les questions soulevées.
Benjamin Mussat
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Notre résistance, entreprise depuis des années
22 janvier – Pierre Jasmin
https://www.artistespourlapaix.org/resistance-entreprise/
1- Ce salut hitlérien du 20 janvier, couplé à une grimace de défiance à l'ordre
établi, saluait la première mesure du président Trump qui fut de gracier l'immense majorité des complotistes du 6 janvier 2021 ayant envahi le Capitole pour tenter de renverser l'accession au pouvoir « démocratique » de Biden.
2- Les immigrants maltraités par Donald Trump dans tous ses discours de
campagne seront les cibles préférées du nouveau gouvernement américain.
3- Le pape appelle cela TURPITUDE et en fait la raison pour laquelle il n'a pas
accepté l'invitation de Macron à la réouverture de Notre-Dame-de-Paris, où il ne voulait pas être obligé de serrer la main à Donald Trump.
4- Une trêve fragilisée par Nétanyahou reconnu coupable, par le Tribunal
International de La Haye, de génocide contre la Palestine (aujourd'hui reconnue par 146 pays de l'ONU mais pas par le Canada !) permet néanmoins à quatre-vingt-dix Palestiniens et trois otages israéliens d'être libérés. Ils auraient dû être remis à l'UNRWA de l'ONU, ils sont heureusement saufs dans les mains du Croissant-Rouge.
5- Le froid de la météo nous fait oublier que selon les mots d'Antonio Guterres,
secrétaire général de l'ONU, notre planète est en feu en particulier à Los Angeles.
6- Le boycott des géants du numérique est entrepris avec le retrait de X (Elon
Musk) par le Collège des Médecins, les journaux encore à peu près respectables le Monde, The Guardian et Libération et les artistes Elton John et Barbra Streisand.
7- Le boycott d'Amazon antisyndical est bien entrepris au Québec,
malgré la bourde « jus d'orange » de mon oncle François Legault.
8- Méfiance accrue face aux opioïdes des pharmaceutiques.
9- PSPP fait de lui une Danielle Smith : « le Canada n'a pas été un bon voisin ».
10- Northvolt de M. Fitzgibbon fabriquera des batteries à 25% trop chères ?
11- Chrystia Freeland annulerait l'impôt sur les gains en capital, si elle devient
cheffe du parti conservateur 2.0, pardon, du parti libéral dont aucun candidat à la succession de Justin (ni lui-même) n'appelle à une solidarité avec le Mexique progressif de Claudia Sheinbaum (voir commentaire à notre dernier article (i).
12- L'ex-président de la Corée du Sud arrêté pour rébellion et abus de pouvoir ?
13- Le 23 décembre 2020, à la surprise générale, le président Trump, encore en
exercice, avait apposé son veto à un budget militaire en hausse « plaçant les intérêts de l'establishment de Washington au-dessus de ceux du peuple américain » et qui allait à l'encontre de ses « efforts pour ramener les troupes à la maison depuis l'Afghanistan, l'Allemagne et la Corée du Sud ». Quand réalisera-t-il sa promesse la plus spectaculaire et la plus urgente d'arrêter la guerre d'Ukraine ?
14- N'a-t-il fait que déplacer le génocide palestinien à Jénine en Cisjordanie ?
15- 217 policiers kényans arrivent en Haïti comme force de paix antigangs.
16- Le Nigéria rejoint le BRICS de la Chine et de la Russie. Le pays compterait
regagner son titre de 1ère économie d'Afrique en se soustrayant de l'influence du $, responsable de la baisse de ses recettes d'exportation, de l'augmentation du service de sa dette et de son inflation et d'une dépréciation de sa monnaie.
17- Cuba est à nouveau déclaré terroriste, comme le Venezuela.
18- La loi 21 sera débattue en Cour Suprême contre la majorité québécoise.
19- Trump congédie les fonctionnaires qui oeuvraient dignement pour la
diversité, l'équité et l'inclusion.
20- Les enseignants CPE veulent leur valeur être dignement rémunérée.
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Ci-joint la lettre que nous avons fait parvenir...
Ci-joint la lettre que nous avons fait parvenir hier après-midi au premier
ministre du Québec.
VRIc suggère au premier ministre, François Legault, de profiter de la
relance des discussions pour le renouvellement du traité de libre-échange
entre le Canada, le Mexique et les États-Unis en 2026 *pour adopter quatre
mesures pour le développement de l'économie circulaire dans le cycle du
carbone au Québec.
M François Legault,
Premier ministre
835 bd René-Lévesque E 3e étage,
Québec, QC G1A 1B4
Sujet : Option Québec pour le traité de libre-échange Canada-États-Unis 2026.
Monsieur,
Face à la position du président Trump d'établir une barrière tarifaire de 25 % sur les produits canadiens, comme vous le dites, il faut garder la tête froide et examiner toutes les options.
Le Québec doit profiter de la réouverture des négociations du traité de libre-échange États-Unis, Mexique, Canada, en 2026, pour développer l'économie circulaire dans le cycle du carbone. Dans ce contexte, une des options à privilégier est celle d'une économie compatible avec l'urgence climatique.
Ainsi, quatre mesures devraient être prises.
• La première serait de déterminer le cadre de la négociation en fixant la barrière tarifaire
canadienne à 30 % pour les produits américains qui entrent au Canada si elle est maintenue à 25 % pour nos produits qui entrent aux États-Unis, soit un différentiel de 5 % en notre faveur. Ce différentiel est accepté par l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) lorsque les parties démontrent que l'entente est désavantageuse à l'égard de l'une des parties. Il s'agit du même différentiel qui existait avant les négociations de l'Accord de libre-échange de 1989.
• La deuxième serait de choisir les produits sur lesquels nos tarifs s'appliqueraient, comme les électroménagers (poêle, réfrigérateurs, lave-vaisselle, laveuse, sécheuse). Ces appareils, fabriqués aux États-Unis, possèdent une trace carbone supérieure à ceux produits au Québec.
• La troisième serait d'abolir la TPS et la TVQ sur les mêmes produits usagés, l'idée est d'orienter le pouvoir d'achat des consommateurs vers des entreprises québécoises qui traitent et vendent des produits usagés. Ces derniers possèdent une trace carbone moindre que les produits neufs produits aux États-Unis.
• La quatrième serait de faire en sorte que les municipalités, les ministères et les organismes gouvernementaux achètent des produits usagés. À la fin des négociations de ce nouveau traité de libre-échange, il faut s'assurer que le différentiel des tarifs est de 5 % en faveur du Canada. Ce résultat équivaut à la taxe carbone à la frontière de l'Union
2 européenne. Ainsi, et particulièrement pour le Québec, nous serions assurés du décollage de l'économie circulaire dans le cycle du carbone, seule économie conciliable avec l'urgence climatique. Notre relation avec notre voisin est souvent comparée à celle d'un éléphant dans le même lit qu'une souris. Aujourd'hui, il y a un élément plus gros qui domine les bêtes : le réchauffement du climat.
Mahamadou Sissoko
Président
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Millionnaires dans la rue ! Millionnaires dans la rue !
Les différentes strates des classes dominantes, c'est-à-dire financières et économiques, ne sont plus tout à fait sur la même longueur d'ondes, si tant est qu'elles l'aient jamais été. Mais cette fois-ci, des divisions inédites apparaissent dans leurs rangs. Elles remettent en question le trumpisme et ce, dans un milieu (celui de la finance) reconnu pour sa grande discrétion.
En effet, rappelons que voici peu de temps, des millionnaires ont dénoncé publiquement le groupe des multimilliardaires qui entourent Donald Trump. En substance, ils redoutent que le régime Trump ne tourne le dos à un capitalisme "libéral et démocratique" au profit d'un modèle plus autoritaire, à la russe ou à la chinoise. Ils jettent donc un regard critique sur la "révolution conservatrice" qui s'amorce sous l'administration Trump.
Il peut être intéressant tout d'abord d'examiner succinctement les membres de l'entourage Trump. Les fortunes qu'ils possèdent donnent le tournis :
1- Elon Musk (pressenti pour diriger le Département de l'efficacité gouvernementale), propriétaire de Tesla : 434 milliards. Il joue un rôle de proche conseiller de Trump.
2- Jeff Bezos, propriétaire d'Amazon : 239 milliards.
3- Mark Zuckerberg, qui possède Meta : 212 milliards.
4- Sundar Pichai (google) : 63 milliards. Le "p'tit dernier", le "pauvre" du groupe. Pourquoi ne pas organiser une collecte en sa faveur ?
Passons maintenant à un niveau inférieur des capitalistes, celui des simples millionnaires Deux tiers de ceux-ci provenant de 22 pays (y compris des États-Unis) jugent que l'influence des ullrariches présentent une menace pour la stabilité mondiale. Ils appréhendent que cette concentration de richesse n'entraîne un nationalisme identitaire et que le capitalisme extrême ne rompe avec l'État de droit et la libre concurrence. 70% des millionnaires et même certains milliardaires appuient même une augmentation des impôts pour les multimilliardaires, et ils s'affirment prêts à faire leur part dans cet effort fiscal.
On peut en conclure, même avec toutes les nuances que cette affirmation nécessite, que la classe dirigeante financière mondiale se fragmente et que des capitalistes s'alarment de l'extrême concentration de la richesse aux mains de quelques-uns, sans doute par crainte de troubles sociaux et de la fragilisation du système économique qui a permis leur réussite.
En effet, le capitalisme libre-échangiste et mondialisé s'essouffle, vu les ravages sociaux qu'il a déjà causés et les déceptions qu'il a provoquées au sein des populations.
Il y a quelque chose d'ironique dans cette division qui se fait jour au sein des grands capitalistes financiers. Une frange d'entre eux estiment que le système va trop loin en mettant en lumière l'indécente richesse de la strate la plus élevée et l'influence politique qu'elle a conquise avec Donald Trump. Elle veut sauver le système en limitant ses abus les plus criants.
Cette montée de l'esprit critique peut rassurer jusqu'à un certain point, mais elle ne garantit nullement, du moins à court terme, un recul du trumpisme. Le "national-capitalisme" s'implantera-t-il durablement ou ne s'agit-il que d'un phénomène passager ? Chose certaine, même s'il devait s'affaiblir au fil des ans, il aura disposé du temps nécessaire pour infliger beaucoup de dégâts tant aux États-Unis mêmes qu'au Canada et au Québec.
À lire les dénonciations de millionnaires du trumpisme, il faut croire que la forme de capitalisme extrême et renfermé qui est sa marque de commerce ne convient pas à tout le monde, et pas seulement aux travailleurs.
Dans les manifs de protestation qui se produiront, verra-t-on quelques-uns de ces richards défiler dans la rue, pancartes à la main ?
Jean-François Delisle
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