Derniers articles

Argentine : la jeunesse entre massivement en lutte contre Milei et l’austérité

30 avril 2024, par Antoine Chantin — , ,
Face au plan d'austérité de Milei qui pousse les universités d'Argentine au bord du gouffre, la mobilisation en défense de l'enseignement public a été massivement suivie ce (…)

Face au plan d'austérité de Milei qui pousse les universités d'Argentine au bord du gouffre, la mobilisation en défense de l'enseignement public a été massivement suivie ce mardi. Une entrée de la jeunesse dans la lutte contre Milei qui pourrait constituer un point d'appui majeur face au président d'extrême-droite.

24 avril 2024 | tiré de Révolution permanente | Photo : La Izquierda Diario
https://www.revolutionpermanente.fr/Argentine-la-jeunesse-entre-massivement-en-lutte-contre-Milei-et-l-austerite

Alors que le nouveau chef d'État de la République d'Argentine est en poste depuis le 10 décembre 2023, la situation des établissements de recherche et d'enseignement public a atteint un point de crise majeur. Ce mardi 23 avril, une nouvelle mobilisation massive est attendue à Buenos Aires et dans la plupart des grandes villes du pays pour défendre le droit à l'éducation publique dans les universités. Appelée par la quasi-totalité des forces politiques du pays (au-delà du PRO, le parti de Macri, et du parti de Milei, La Libertad avanza), la mobilisation concentrera la majorité des fédérations étudiantes et des centres étudiants, ainsi que des recteurs et des directeurs d'universités, y compris des universités privées.

« Augmenter le budget oui, piller les pensions et les salaires pour satisfaire le FMI et les grandes entreprises non ». C'est derrière ce mot d'ordre que les Jeunesses du Parti des travailleurs socialistes (PTS) appelaient l'ensemble de la jeunesse argentine et toutes celles et ceux qui souhaitent faire front contre les politiques mortifères du libertaire président argentin, Javier Milei, à se rendre massivement dans la rue ce 23 avril, à Buenos Aires et dans une dizaine de localités.

Les universités publiques touchées de plein fouet par l'inflation

Une situation dramatique qui n'est que le reflet de la politique de la « tronçonneuse » que revendique le nouveau président. Alors que la situation économique du pays est extrêmement dégradée, à l'image du taux de pauvreté qui a explosé depuis l'arrivé au pouvoir du dirigeant d'extrême-droite, passant de 45% à 57% de la population, et d'une hausse de l'inflation de 240% prévue en 2024, les universités du pays sont elles aussi en première ligne face à cette situation de paupérisation accélérée. En ce sens, face à la hausse de 700% des prix de l'électricité, suite à la dérégulation des prix de l'énergie voulue par Milei, certaines universités ont été contraintes de réduire à peau de chagrin leurs consommations énergétiques, à l'image de la Faculté de Médecine de Buenos Aires, dispensant des cours dans le noir une fois la nuit tombée.

Et pour cause, malgré l'inflation incontrôlée qui touche l'Argentine, le gouvernement de Milei a alloué, en 2024, aux établissements d'enseignement supérieur le même budget que l'année 2023. « Cela représente une contraction de pratiquement 70 % des budgets dans tous les domaines de l'éducation supérieure », dénonce Emiliano Yacobitti, vice-recteur de l'université de Buenos Aires, interrogé par Le Monde. En ce sens, les établissements doivent faire face à une hausse massive de leurs frais de fonctionnement, avec le quart du budget qui leur avait été alloué pour l'année 2023. Comme le souligne la Izquierda Diario, une augmentation de 300% des budgets universitaire serait nécessaire pour faire face à l'inflation prévue pour cette année. Un besoin qui contraste avec la récente annonce du gouvernement d'une hausse de 140% des seuls budgets de fonctionnement, budgets qui ne représentent que 5% des dépenses totales de universités.

Dans le même sens, alors que les sénateurs ont récemment augmenté leur revenu de 170%, les personnels du secteur doivent se contenter de salaires devenus faméliques. Comme le souligne un professeur de la Faculté d'architecture et d'urbanisme de La Plata, « beaucoup de professeurs viennent travailler pour trois fois rien. C'est grâce à eux que l'université survit ». Représentatif de cette situation, l'enseignant ne touche que 127 000 pesos par mois, soit 137 €. Un appauvrissement généralisé à l'image, là encore, de la situation nationale, alors que le pouvoir d'achat des argentins a été réduit de plus de 20% depuis le choc austéritaire mené par Milei.

Vers mobilisation générale contre Milei ?

Pourtant face au tollé national mais également international provoqué, à l'image de la lettre ouverte de soixante-huit Prix Nobel internationaux s'inquiétant que « le système de sciences et de technologies argentin s'approche d'un dangereux précipice », la présidence d'extrême droite ne répond que par le mépris.Réagissant à la lettre des nobels, le porte-parole du gouvernement, Manuel Adorni, affirmait que « L'Argentine est un pays paupérisé avec la moitié de sa population vivant sous le seuil de pauvreté. La science qui n'apporte pas de bénéfice direct pour la société ne sera pas financée ». Une déclaration qui illustre le dessein que réserve Milei à l'enseignement et à la recherche publique, faire table rase des domaines relevant des sciences humaines et sociales, accusés de mener une « bataille culturelle », et la privatisation.

Une posture qui pourrait couter cher au président Argentin, qui a été contraint, face à la montée de la contestation d'organiser une allocution télévisée pour vanter réformes largement impopulaires. En effet, comme le souligne RFI, « l'éducation et l'université publique et gratuite sont une fierté pour beaucoup d'Argentins, et la mobilisation de ce mardi pourrait être l'une des plus importantes depuis son élection ». De nombreux secteurs ont appelé à la mobilisation ce mardi, des franges du perronisme, en passant par les radicaux à l'extrême-gauche. Un appel qui n'est pas propre au secteur de l'enseignement supérieur, à l'image du syndicat d'enseignants du primaire et du secondaire Ademys, qui a appelé à la grève pour cette journée de mobilisation, et qui a poussé la principale centrale syndicale du secteur, l'UTE/Ctera à en faire de même. Un mouvement qui a été également suivi par des nombreux comités de quartier et par les principales centrales syndicales, comme la CGT.

En plus des enseignants se sont également des larges couches des secteurs étudiants qui se sont mobilisés en amont du 23 avril, afin de préparer la mobilisation. En ce sens, les Jeunesses du PTS se sont réunis ou ont directement appelé dans différents lieux d'études à des assemblées, rassemblant plusieurs milliers de jeunes. Un début d'auto-organisation du secteur étudiant, qui au travers des mots d'ordres revendiqués à l'issu des assemblées, illustre la colère qui traverse l'ensemble de la société et qui dépasse largement le seul cadre de l'enseignement supérieur. À l'université de Buenos Aires, l'assemblée de la faculté des sciences sociales a ainsi voté la mobilisation avec le slogan : « Contre la loi omnibus, l'austérité budgétaire et la réforme du travail », tandis que l'assemblée de la faculté d'architecture a elle voté un appel avec le slogan : « Budget de l'université OUI au pillage des retraités et des travailleurs pour se conformer au FMI et aux grandes entreprises, NON au DNU, à la nouvelle loi omnibus et à la contre-réforme du travail qui attaque le droit de grève des travailleurs de l'éducation. »

La mobilisation de ce 23 avril pourrait donc figurer comme un véritable tournant dans la mobilisation et la résistance contre les politiques de Milei, en mobilisant de nombreux secteurs, mais également en faisant finalement entrer la jeunesse dans la bataille contre le dirigeant d'extrême droite. Une combativité que les étudiants membres du PTS, souhaitent maintenir au-delà de la mobilisation de ce mardi, tel qu'ils le revendiquent dans leur appel : « Après la marche, nous devons continuer à développer l'organisation dans chaque faculté et la coordination avec les travailleurs en lutte et les assemblées de quartier ».

Les attaques à l'université doivent être comprises comme un pas supplémentaire dans une politique de mise en dépendance du pays au capital international et d'attaque contre l'accès à l'université pour tous, et ce en sapant un système universitaire déjà profondément défaillant et attaqué de toutes parts par les gouvernements qui se sont succédé ces dernières décennies. Si le mouvement étudiant argentin n'a pas été particulièrement présent ces dernières années en matière de mobilisation, il pourrait être amené à jouer un rôle central pour infliger une défaite à Milei et ses alliés.

Une perspective d'autant plus nécessaire alors que deux journées de mobilisation d'ampleur se profilent en Argentine. Le 1er mai d'une part, et le 9 mai d'autre part. Il y a en effet un enjeu important à ce que cette dernière date, appelée par les principales directions syndicales du pays, devienne l'épicentre et le début d'un front large de combat contre Milei. Cette journée de grève contre la réforme du code du travail, finalement appelée par une CGT sous la pression de sa base. Une mobilisation d'ampleur ce mardi, et l'entrée du secteur étudiant dans la mobilisation contre les politique du président d'extrême droite pourraient permettre de contraindre les direction syndicales à ne pas se contenter d'une journée de lutte contre la réforme du droit du travail, mais également contre l'ensemble des législation réactionnaire de l'exécutif argentin, au premier rang desquels le méga DNU ou la nouvelle loi omnibus prochainement discutée au Parlement. Cette position, refusant le dialogue social entretenu par les directions syndicales, et pour une direction combative de la mobilisation contre Milei, est clairement revendiqué par l'appel jeunes militants du PTS : « A bas la nouvelle loi omnibus, la réforme du travail écrite par le radicalisme et le DNU ! Que la CGT, le CTA et les organisations appelant à la marche sur la 23 avril appellent à se mobiliser le jour de la discussion de la loi ! Pour la grève appelée le 9 mai, nous exigeons une grève nationale active ! ».

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Stratégie d’annihilation de la culture en Argentine

30 avril 2024, par Jérémy Rubenstein — , ,
Des centaines de milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs villes d'Argentine cette semaine contre la politique du président Javier Milei qui tente d'assécher (…)

Des centaines de milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs villes d'Argentine cette semaine contre la politique du président Javier Milei qui tente d'assécher l'enseignement supérieur, la recherche, le journalisme, la culture, tous les secteurs qui se dédient à établir des vérités, par la connaissance, l'information ou l'exploration artistique et sont considérés comme peuplés de parasites par le nouveau gouvernement argentin.

26 avril 2024 tiré de la lettre AOC media
https://aoc.media/analyse/2024/04/25/strategie-dannihilation-de-la-culture-en-argentine/

Depuis l'investiture de Javier Milei à la présidence de la République argentine le 10 décembre dernier, son gouvernement s'est employé à bloquer les financements d'à peu près tous les services, directs ou délégués, de l'État. Cet assèchement s'est accompagné d'une rhétorique sur une supposée gabegie antérieure des finances publiques, ainsi que d'un lot quotidien d'invectives et d'insultes qui constituent désormais une bonne part de la parole publique du haut de l'État.

À la fois cibles de coupes budgétaires remettant en cause leurs existences et des insultes présidentielles, les institutions culturelles – au sens large, depuis l'Éducation publique jusqu'à celles dédiées aux arts – sont particulièrement détestées par le nouveau pouvoir. Au-delà la violence verbale, souvent délirante, cette hargne relève d'une stratégie d'une droite qui se dit nouvelle.

Abattre les fondements de l'établissement de vérités

Recherche, journalisme, art, tous les secteurs qui se dédient à établir des vérités, par la connaissance, l'information ou l'exploration artistique, sont considérés comme peuplés de parasites et mis au pilori par le nouveau gouvernement argentin. Durant sa campagne, Milei a promis de fermer le CONICET (l'équivalent du CNRS en Argentine), probablement l'organisme de recherche le plus performant d'Amérique latine. Une fois à la tête de l'État, effectivement, le CONICET est asphyxié financièrement et de nombreux chercheurs sont contraints de prendre la route d'un exil « économique » (la distinction entre « migration économique » et exil politique n'a jamais été très convaincante du fait de politiques économiques forçant à la migration, son ineptie est flagrante dans ce cas).

L'agence de presse nationale, Télam, a brutalement été fermée. Du jour au lendemain, ses travailleurs ont trouvé porte close, dont l'accès était protégé par des clôtures et des policiers. Enfin, l'ensemble des financements des arts et de la culture ont été sévèrement sabrés, y compris l'emblématique INCAA (Institut National du Cinéma et des arts audiovisuels) qui permet à l'Argentine de compter parmi les meilleures productions de cinéma mondial. Bref, l'ensemble des professions qui ont pour raison d'être d'établir et discuter des vérités, questionner, vérifier, mettre en perspective, sont mis à l'index par le nouveau pouvoir.

Détruire les organismes qui ont pour vocation d'établir des vérités (questionnables, par nature) s'inscrit dans un agenda où le brouillage des vérités et leur recouvrement par une propagande permanente sont essentiel à ce pouvoir. Cela se comprend de la part d'un gouvernement qui vit dans une « vérité alternative », selon l'indétrônable expression de l'administration Trump. Il a cependant un acharnement particulier contre tout ce qui ressemble, de près ou de loin, au monde culturel qui interroge.

Les insultes en surplus

Tout d'abord, une telle hargne ne peut s'expliquer par le seul discours officiel, centré sur le budget et l'objectif de « déficit zéro », dont l'effet est un très rapide appauvrissement de la population bien au-delà des seuls secteurs culturels nommés. Lorsqu'il est question de recherche scientifique, de journalisme ou d'art, le gouvernement accompagne ses mesures d'asphyxie financière d'insultes ou de dénigrements envers les professions affectées.

Ainsi, Patricia Bullrich (ministre de la Sécurité) a justifié la fermeture de Télam car « les informations parviennent aujourd'hui par Twitter. Twitter est bien plus important qu'avoir une agence de presse ». Ironiquement, le chef de Reuters pour la région avait dû corriger la ministre. En effet, dans la même déclaration, elle a affirmé que l'agence britannique employait 250 journalistes à travers le monde afin de faire croire, par comparaison, que le millier de journalistes pour la seule Argentine de Télam fussent des fainéants ou des inutiles. (En réalité, Reuters emploie plus de 2500 journalistes et Télam était présent dans de nombreux pays). Quoiqu'il en soit, outre sa bêtise, Bullrich a exprimé tout le mépris dans lequel elle tient le journalisme. Mépris qu'il était tout à fait inutile d'exposer s'il ne s'agissait que d'une question d'économie budgétaire.

Plus cynique et insultant, le communiqué officiel du ministère du Capital Humain[1], annonçant des coupes drastiques dans le budget de l'INCAA, se félicitait que « les années où les festivals de ciné se finançaient avec la faim de milliers d'enfants sont terminées ». Sachant que ce même ministère a littéralement coupé les vivres à des centaines de milliers de personnes qui dépendaient de la distribution de nourritures fournies par l'État, le message est abject. Pour ce qui nous intéresse, néanmoins, il est surtout inutilement insultant à l'endroit du monde du cinéma. De nouveau, il y a une hargne particulière qui s'exprime, cette fois de la part d'une ancienne figure de second rang de la télévision. (Sandra Pettovello, ministre du Capital Humain, était auparavant « journaliste » d'une émission d'infotainment au travail plus assimilable à de la propagande que de la mise à la connaissance publique de faits).

Enfin, dans une belle confusion faite de comparaisons absurdes Milei a estimé que le CONICET avait un personnel pléthorique pour des résultats médiocres par rapport à ceux de la NASA. Il existe bien une agence dédiée aux activités spatiales en Argentine (la CONAE) mais elle n'emploie que 288 personnes. D'ailleurs, le CONICET est mieux noté que la NASA (avec un financement soixante-douze fois inférieur) dans la catégorie des organismes gouvernementaux de recherche, selon l'indicateur SCMimago (qui se dédie à cette activité particulièrement imbécile – et néfaste – de classer les institutions de recherche et l'influence de chaque revue scientifique).

Plus généralement, l'éducation publique est considérée comme une machine à « laver les cerveaux », selon l'expression maintes fois répétée par Milei qui réactive ainsi le mythe et la grande peur anticommuniste des années 1950 octroyant au camp communiste la capacité d'intervenir sur les cerveaux afin de les téléguider[2]. Milei est totalement embarqué dans une fantasmagorique croissante contre le communisme, bien résumé par le communiqué annonçant son déplacement au Forum économique mondial de Davos : « L'objectif du voyage est de promouvoir les idées de Liberté dans un forum contaminé par l'agenda socialiste 2030 qui n'apportera que misère au monde » (16 janvier 2023).

Une stratégie réfléchie mise en œuvre par des marginaux

La hargne verbale qui accompagne le démantèlement des institutions culturelles peut certes être considérée comme la forme habituelle de Milei et ses proches de s'exprimer, souvent ordurière presque toujours insane. Il est en effet rare que vingt-quatre heures ne se passent sans que Milei n'insulte une personne ou un groupe. Par ailleurs, cette détestation des espaces culturels se comprend de la part de personnes marginales, et souvent méprisées, à l'intérieur de ces mêmes espaces. Milei est un professeur d'économie d'une université peu prestigieuse, qui a adopté un crédo totalement discrédité, aussi bien par les keynésiens que les néolibéraux. Pentocaveo provient d'une émission, qui se prétend de journalisme, méprisée par la profession. La sœur de Milei – surnommée par son frère « le chef » – s'est spécialisée dans la télépathie avec des animaux, y compris morts, afin de permettre à Javier de communiquer avec son défunt chien, Conan (baptisé en l'honneur au barbare). Bref, ce sont des gens moqués et méprisés par le monde des sciences, de la culture et des arts. En retour, il est assez compréhensible qu'ils nous détestent, artistes, intellectuels, scientifiques.

Cette explication, entre le sociologique (un secteur marginal de la sphère culturelle) et le psychologique (une réaction de personnes particulièrement méprisées dans leurs œuvres), reste très incomplète et assez frustre (ils nous haïssent car nous les méprisons). Il convient surtout de comprendre ces attaques dans une stratégie à l'intérieur de ce que l'idéologue de la « nouvelle droite » et proche de Milei, Agustín Laje, appelle « la bataille culturelle »[3]. Le raisonnement de Laje, à l'instar d'une Maréchal-Le Pen en France, consiste à réduire la pensée de l'émancipation de Gramsci à une stratégie de prise du pouvoir par la culture. Et, dans un renversement, il propose aux droites, une méthode inspirée de ce Gramsci (format très réduit), afin de conquérir le pouvoir ou le consolider. Dans ce cadre de pensée, rien de plus logique que d'abattre toutes les institutions faisant vivre les arts et la réflexion intellectuelle.

Le rassemblement des droites contre la vision critique

Le même Agustín Laje (qui a une influence sur l'ensemble du monde ibérico-américain) appelle à « articuler les différents courants droitiers ». Il précise ainsi son souhait : « Une Nouvelle Droite pourrait se former dans l'articulation de libertaires non-progressistes, de conservateurs non-immobilistes, de patriotes non-étatistes et de traditionalistes non-intégristes. Le résultat serait une force résolue dans l'incorrection politique qui pourrait se traduire dans une opposition radicale à la caste politique nationale et internationale »[4].

Cet extrait provient d'un ouvrage paru en 2022. Entre temps, le candidat de cet auteur est parvenu à la présidence, si bien que l'on peut désormais observer que Milei attire bien au-delà de l'« incorrection politique » et puise essentiellement dans le personnel politique de la « caste », dont son gouvernement offre l'exacte synthèse de ce que pourrait être ce concept. Or, au-delà de l'opportunisme de ce personnel politique, on le retrouve uni dans sa croisade contre le monde de la culture. Ainsi, le gouvernement de la ville de Buenos Aires (gérée par une administration au profil de droite plus classique) souhaite fermer la seule école publique de photographie. Ici, c'est probablement moins une haine contre les savoirs qu'une vision de classe de ceux-ci : arts et sciences devraient être des activités réservées à qui a les moyens de payer des écoles privées. Nous sommes dans la logique qui a dirigé la présidence de Mauricio Macri (2015-2019), le chef du gouvernement de la Ville de Buenos Aires est son cousin, Jorge Macri. Les Macri sont l'une des familles les plus fortunées du pays. Cette logique de classes et la stratégie des miléïstes se combinent parfaitement.

Jérémy Rubenstein
HISTORIEN

Notes

[1] Il ne s'agit pas d'une invention dystopique d'un film d'anticipation mais du ministère qui a absorbé les anciens ministères du Travail, des Affaires sociales de l'Éducation et de la Culture.

[2] Si cette expression de « lavage de cerveau » est assez courante aujourd'hui, elle a une histoire notamment racontée par Grégoire Chamayou qui rapporte la grande peur du Pentagone qui, suite aux procès de Moscou, était persuadé que les Soviétiques possédaient une technique ou une substance permettant de guider les cerveaux. Un film tel que The Mandchourian Candidat (sorti en France sous le titre Un crime dans la tête, 1962) illustre cette grande peur occidentale des années 1950. Voir l'introduction de Grégoire Chamayou au Collectif, Kubark. Le Manuel secret de manipulation mentale et de torture [1963], Zones/La Découverte, 2012.

[3] Agustín Laje, La batalla cultural. Reflexiones críticas para una Nueva Derecha, HarperCollins, 2022. En France, cette même maison d'édition mondiale a édité la rigoureuse enquête de Christine Dupont de Ligonnès qui prouve que son frère n'a pas tué sa famille dans un mélange de délires et de fantasmes, le tout tissé dans une logique qui échappe à la raison. Bref, il s'agit d'une maison d'édition qui ne peut qu'avoir une très bonne santé financière dans le marché éditorial actuel et un fort impact. Dans le cas qui nous intéresse, Laje rencontre un succès dans l'ensemble du monde hispanophone.

[4] Ibid, pp. 477 et 484

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Jordanie. La rue gronde contre les ambiguïtés de la monarchie

Alors que la Jordanie est intervenue pour protéger Israël contre les drones et les missiles iraniens, dans la nuit du 14 avril, des défilés quotidiens de soutien à Gaza ont (…)

Alors que la Jordanie est intervenue pour protéger Israël contre les drones et les missiles iraniens, dans la nuit du 14 avril, des défilés quotidiens de soutien à Gaza ont marqué la seconde moitié du mois de ramadan à Amman et les étudiants de toutes les universités s'apprêtent à se mobiliser ce mardi 30 avril. Les manifestants, durement réprimés, dénoncent l'ambivalence de la position des autorités qui tentent de reprendre la main.

Tiré d'Orient XXI.

Le ciel d'Amman la tranquille s'est embrasé. Dans la nuit du 14 avril 2024, les habitants de la capitale jordanienne ont été témoins d'un spectacle inhabituel, dans cette cité réputée pour son calme. Des dizaines de drones et de missiles iraniens sont venus rompre la torpeur de la ville, avant d'être interceptés par les forces armées jordaniennes, sous les yeux ébahis des citadins.

Après une journée de balbutiements, les autorités jordaniennes ont reconnu leur responsabilité dans la défense d'Israël, par la voix du ministre des affaires étrangères, Ayman Safadi, interrogé par CNN, le 15 avril.

  • Les projectiles qui violent notre espace aérien constituent une menace pour la Jordanie, et nous avons fait ce qu'il fallait pour neutraliser cette menace. Et permettez-moi d'être très clair : nous ferons la même chose, quelle que soit la provenance de ces drones, d'Israël, d'Iran ou de n'importe où ailleurs. Notre priorité est de protéger la Jordanie (1).

Cet épisode se déroule dans un contexte déjà tendu pour la monarchie hachémite, qui abrite des bases militaires britanniques, françaises et états-uniennes notamment. Déjà fin janvier, l'attaque mortelle d'un avant-poste américain dans le nord-est du pays par une milice Kataeb Hezbollah irakienne soutenue par l'Iran avait fait craindre une escalade régionale.

L'embarras des autorités à reconnaitre leur rôle dans cette nuit de tension souligne l'ambiguïté de la position de la monarchie sur la guerre à Gaza entre d'un côté, le soutien affiché aux Gazaouis et de l'autre, le respect de l'accord de paix avec Israël (2). Oscillant entre circonspection, déception et compréhension, la rue jordanienne est relativement divisée sur l'action des forces armées dans la nuit du 14 avril.

« Sous le couvert de défendre le territoire national, les autorités protègent Israël »

Selon Abdel Rahman, un coiffeur dans la trentaine, « la Jordanie a défendu son territoire cette nuit-là ». Même son de cloche chez Leila qui se présente comme une jeune web-designeuse : « un geste logique pour tout pays qui se sent menacé ». De nombreux témoignages soulignent l'impuissance de la Jordanie, embarquée dans un conflit qui la dépasse. Pieds et poings liés aux décisions de ses alliés américains et israéliens, Amman n'aurait pas son mot à dire.

Pourtant un discours critique vis-à-vis de cette interception semble l'emporter. Aux yeux de Mohamed, chauffeur de taxi en âge d'être retraité, le gouvernement a agi tel un « traitre » en défendant Israël, oubliant ainsi ses obligations morales de soutien aux Palestiniens. Tout comme ce fringant travailleur du secteur banquier, Chérif, qui considère : « La Jordanie a fait une erreur en tentant de stopper les frappes iraniennes. Nous aurions dû laisser Israéliens et Iraniens se battre, car tous deux méritent d'être frappés ». Abondant dans le sens de ses concitoyens, Farah dénonce l'hypocrisie des autorités qui, « sous couvert de défendre le territoire national, protègent Israël ».

Cette polémique vient s'inscrire dans un contexte de mobilisations populaires quotidiennes en faveur de Gaza et d'appels au cessez-le-feu. Parallèlement, les manifestants n'épargnent pas le pouvoir et exigent une position plus ferme à l'égard d'Israël. Les manifestations du ramadan mettent en évidence les contradictions de la position jordanienne. Les protestataires rassemblés au niveau de la mosquée Al-Kabouti, non loin de l'ambassade israélienne, scandent :

  • Ô lâches gouvernements arabes ! Au nom des sans-voix, nous protestons contre le pont terrestre. Le pont terrestre est une trahison. Nous aussi, nous sommes aux côtés de Gaza. Nous sommes assiégés.

Des informations, démenties par le gouvernement, font état de l'établissement d'un corridor à travers la Jordanie et par lequel les pays arabes du Golfe contourneraient le blocus des Houthis à l'encontre des navires israéliens en acheminant par camions des produits vers Israël.

Depuis le 18 mars et le début du siège de l'hôpital Al-Shifa par l'armée israélienne, des rassemblements organisés par le Forum national pour la solidarité avec la résistance et le mouvement Ataharrak contre la normalisation, rassemblent entre 3 000 et 5 000 personnes tous les soirs dans le quartier de Rabbié, au centre de la capitale.

Ces derniers condamnent le génocide en cours à Gaza, et appellent au cessez-le-feu que rend encore plus urgent la perspective d'une offensive israélienne sur Rafah. D'autant que la population jordanienne est composée en grande majorité de réfugiés palestiniens (entre 60 et 70 %), arrivés au lendemain de la Nakba puis dans la foulée de la guerre de 1967. Bien qu'intégrés à la population et disposant de documents d'identité jordaniens, à l'inverse des réfugiés palestiniens établis au Liban ou en Syrie, ils n'en oublient pas pour autant leurs racines, comme en témoigne la présence de nombreux keffieh et autres drapeaux palestiniens dans le cortège.

Outre un cessez-le-feu, les manifestants réclament la fermeture définitive de l'ambassade israélienne à Amman. Bien que celle-ci ait été vidée de son personnel en octobre 2023, et que l'ambassadeur jordanien en Israël ait été rappelé le mois suivant en guise de protestation, des rumeurs de reprise de l'activité du complexe diplomatique israélien font craindre ce que les manifestants perçoivent comme une énième trahison du royaume hachémite à l'égard de la cause palestinienne.

Ce n'est pas la seule demande, comme nous l'explique Ahmed (3) : « Nous demandons la fermeture du pont terrestre qui passe par la Jordanie pour alimenter les sionistes en marchandises ». Autres exigences : « Mettre fin à la normalisation avec Tel-Aviv, annuler le traité de paix avec Israël et l'accord sur le gaz, et enfin stopper les exportations de légumes jordaniens vers ce pays ».

De même, les manifestants rejettent catégoriquement tout éventuel élargissement des accords énergétiques entre les deux pays. En 2023, la Jordanie, frappée par un stress hydrique inquiétant, a formellement demandé à son voisin de lui fournir de l'eau en échange d'énergie. Toutefois, le ministre des affaires étrangères déclarait le 16 novembre 2023 : « Nous ne signerons pas cet accord. Pouvez-vous imaginer un ministre jordanien assis à côté d'un ministre israélien pour signer un accord eau contre électricité, alors qu'Israël continue de tuer des enfants à Gaza (4) ».

La réévaluation des relations de la monarchie avec les États-Unis, à la lumière de son indéfectible soutien à Israël, fait également partie des demandes des manifestants. Les deux pays sont liés par des traités qui assurent à la Jordanie le versement annuel d'une aide économique et militaire de 1,45 milliard de dollars jusqu'en 2029.

De nombreuses arrestations

Bien que pacifiques, les manifestations se terminent souvent par une répression violente. Selon une stratégie assez classique d'encerclement, les forces de l'ordre forment un cordon qui entoure les militants, puis les poussent en dehors de la place Al-Kalouti afin d'écourter les rassemblements.

Parallèlement, les autorités ont procédé à de nombreuses arrestations de journalistes, de manifestants et de personnalités politiques. Le Centre d'études sur les droits humains d'Amman (ACHRS) dénombre pas moins de 116 arrestations depuis le 18 mars 2024. Dans un communiqué publié le 3 avril, il dénonce :

  • la répression des manifestations pacifiques, exhortant le gouvernement à autoriser des rassemblements sûrs, légitimes et pacifiques, conformément aux droits civils des citoyens tels que garantis par la Constitution, ainsi que par le droit humanitaire international (5).

Reporters sans frontières a également fait état de « pressions croissantes envers les journalistes couvrant les manifestations contre la guerre à Gaza ».

Dans une interview télévisée à la chaine étatique Al-Mamlaka, Ayman Safadi a tenté de se dépêtrer des contradictions.

  • Entre le droit constitutionnel de manifester pacifiquement et le devoir constitutionnel du gouvernement et des institutions de l'État de faire respecter la loi, il y a de la place pour une complémentarité entre les positions officielles et populaires.

En marge des manifestations, de nombreux militants ont été arrêtés en vertu des dispositions de la récente « loi cyber » en application depuis septembre 2023. Cette dernière criminalise de nombreuses activités en ligne et limite fortement la liberté d'expression, au nom de l'unité nationale. C'est sur son fondement que près d'un millier d'individus ont été arrêtés depuis le 7 octobre, pour des publications critiquant la politique du gouvernement vis-à-vis d'Israël ou encensant le Hamas. Parmi eux, deux membres du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) en Jordanie.

Les symboles palestiniens ont progressivement été bannis des rassemblements, à commencer par le drapeau suivi, quelques jours plus tard par... le keffieh.

Les autorités jordaniennes ont blâmé l'appel de Khaled Mechaal, membre du bureau politique du Hamas en exil, fin mars, à descendre dans la rue, notamment en Jordanie, en Égypte, en Algérie et au Maroc, pour protester contre l'occupation israélienne. Elles ont accusé « les dirigeants du mouvement islamique à Amman de se coordonner avec les dirigeants du Hamas à l'étranger afin d'entraîner le public jordanien dans la guerre à Gaza ». Une enquête officielle a été ouverte sur ce que les autorités qualifient « d'appels exhortant le public jordanien à s'engager dans une escalade contre son propre gouvernement ».

De leur côté, les protestataires continuent à s'époumoner et à dresser les louanges du mouvement islamique. « Que la voix d'Amman se fasse entendre », « Nous faisons partie du déluge (6). Que chaque traître et collaborateur l'entende », ou encore « Avec le Hamas pour la libération », entend-t-on dans les manifestations. Le pouvoir craint une instrumentalisation de ces mouvements par la population palestinienne et leur détournement à des fins idéologiques. Par ailleurs, la commission des affaires étrangères de la chambre basse du Parlement a publié une note dans laquelle elle rejette « toute tentative menée par un petit groupe infiltré, qui cherche à saboter et à saper l'unité nationale ».

Ces mises en garde font écho aux déclarations du porte-parole de la milice irakienne pro-Iran Kataeb Hezbollah qui, après l'attaque israélienne contre le consulat iranien en Syrie, a menacé d'armer 12 000 combattants jordaniens pour combattre Israël. Cette menace a été suivie par des déclarations d'éminents dirigeants du Hamas soulignant l'importance des manifestations en Jordanie. Abou Hamza, porte-parole du mouvement du Djihad islamique palestinien, a également dédié un message de soutien aux manifestants d'Al-Kalouti.

Agiter la menace de la déstabilisation provoquée par l'étranger

La couverture médiatique des manifestations constitue une caisse de résonance des lignes de fracture régionale. Des médias tels que Sky News Arabia ou Al-Arabiya ont abordé les manifestations en donnant la parole à de nombreux invités critiquant les rassemblements, présentant ceux-ci comme des manœuvres de l'Iran qui aurait conspiré avec les Frères musulmans et le Hamas pour semer la confusion au sein du royaume hachémite.

Dans la même veine, un membre du Conseil national palestinien, Oussama Al-Ali, affilié au Fatah, a qualifié les manifestants Jordaniens de « vaches arriérées », alimentant ainsi le narratif hostile au Hamas, à l'Iran et aux Frères musulmans.

L'accent mis sur la thèse de la tentative de déstabilisation jordanienne marque un changement de ton eu égard à la couverture antérieure des grands médias du Golfe, qui étaient plus hésitants à critiquer le Hamas jusqu'à récemment.

Le soutien aux Palestiniens de Gaza est une question extrêmement sensible dans le pays, en raison de l'émotion qu'elle véhicule au sein de la population jordanienne et de l'attention médiatique qu'elle génère. Dès lors, une répression excessivement violente des manifestations parait difficilement envisageable. D'où la nécessité d'alimenter la thèse d'une tentative de déstabilisation par des forces extérieures, Hamas et Iran en tête. La sempiternelle menace à l'unité nationale devient donc une véritable raison d'État.

Ces manifestations soulignent néanmoins les contradictions et ambiguïtés de la position jordanienne dans le conflit en cours. La monarchie hachémite est certes engoncée dans une équation manifestement insoluble, entre la nature intrinsèquement pro-palestinienne de son opinion d'une part, et ses impératifs stratégiques et économiques d'autre part. Mais la hausse des tensions régionales expose le royaume au risque de se retrouver du mauvais côté de l'Histoire.

La monarchie hachémite marche sur des œufs, et le ministre des affaires étrangères a tenté le 15 avril 2024, tant bien que mal, de réconcilier les souhaits populaires et les nécessités du pouvoir.

  • La position officielle et la position populaire concernant la question palestinienne sont les mêmes, et il n'y a aucune différence entre les deux. Le peuple exprime sa colère face aux crimes commis contre les Palestiniens à travers des manifestations, et le gouvernement l'exprime à travers des actions et des efforts politiques et diplomatiques (7).

À cet égard, l'attaque iranienne de la nuit du 14 avril, apparaît comme une aubaine pour le régime jordanien. Elle donne corps à ladite « menace » iranienne de déstabilisation de la région et donc du royaume, servant ainsi de prétexte à la répression des manifestations.

Notes

1- « Jordan warns Iran against airspace violations », CNN, 15 avril 2024.

2- L'accord de Wadi Araba qui établit la paix entre le royaume hachémite et son voisin Israélien a été signé en 1994, ainsi que l'alliance militaire avec les États-Unis.

3- Son prénom a été modifié.

4- « Jordan says it won't sign energy and water exchange deal with Israel », Al-Jazeera, 16 novembre 2023.

5- « Repression of Pro-Palestinian Protests in Jordan », Centre d'études sur les droits humains d'Amman (ACHRS), 1-5 avril 2024.

6- En référence à l'opération du 7 octobre, Déluge d'Al-Aqsa.

7- Post du 15 avril 2024 sur X.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Élections en Inde : Modi dans une dangereuse “escalade” antimusulmane

30 avril 2024, par Courrier international — , ,
Alors que les élections générales viennent de débuter en Inde, le Premier ministre nationaliste hindou a multiplié cette semaine les attaques contre la minorité musulmane. Un (…)

Alors que les élections générales viennent de débuter en Inde, le Premier ministre nationaliste hindou a multiplié cette semaine les attaques contre la minorité musulmane. Un tournant sinistre dans la campagne électorale, mais guère surprenant, selon la presse indienne.

Tiré de Courrier international.

“Le parti du Congrès a déjà déclaré que les musulmans avaient la priorité sur les ressources du pays”, a lancé dimanche 21 avril le Premier ministre indien, Narendra Modi, rapporte The Hindu, après la première phase des élections générales, qui se tiennent en Inde depuis le 19 avril et jusqu'au 1er juin.

Le leader nationaliste hindou, en quête d'un troisième mandat consécutif, est allé encore plus loin dans sa rhétorique antimusulmane en promettant que le principal parti de l'opposition et sa coalition, l'Alliance nationale indienne pour le développement inclusif (India), n'autoriseraient pas, s'ils arrivaient au pouvoir, le port du mangalsutra, un collier traditionnel chez les femmes hindoues mariées.

“Ils vont voler l'or de nos sœurs et de nos mères et le redistribuer à tous ces intrus qui font plus d'enfants. Cela vous convient-il ?” a-t-il même asséné à la foule dans cet État du Nord où 88,5 % de la population est hindoue, un chiffre au-dessus de la moyenne nationale. Les nationalistes hindous affirment que les musulmans indiens ont plus d'enfants que leurs compatriotes hindous, pour attiser l'angoisse de la majorité quant à un possible futur où ils se retrouveront en minorité. Le parti de Modi, le Bharatiya Janata Party (BJP), utilise également souvent le terme “intrus” pour désigner les immigrants clandestins, et pour alimenter l'idée que nombre des musulmans de l'Inde sont en fait des étrangers.

Mardi 23 avril, Modi a encore enfoncé le clou en utilisant à nouveau la minorité musulmane, qui représente environ 14 % de la population, pour attaquer l'opposition. Le parti du Congrès aurait essayé dans le passé de réduire le quota des emplois et postes dans l'éducation réservée aux anciens intouchables et aux peuples tribaux “pour les donner aux musulmans”, a assuré le Premier ministre, toujours depuis le Rajasthan, signale The Indian Express.

“Attaques répétées”

Ces déclarations, répétées et amplifiées par d'autres figures importantes du cabinet du Modi lors de rassemblements, marquent “une escalade significative” du ton du BJP dans cette campagne, estime The Times of India. Le Premier ministre avait attaqué l'opposition, et le parti du Congrès en particulier, ces dernières semaines, mais sans aller jusqu'à cibler au passage les musulmans.

“Les attaques répétées du Premier ministre pourraient faire partie d'une offensive plus large contre la section ‘équité' du manifeste du [parti du] Congrès, selon le journal indien, ce qui pourrait pousser la compétition électorale désormais sur le terrain communautaire et sur celui de la laïcité.”

Apoorvanand, enseignant à l'université de Delhi, a pour sa part dénoncé cette pente dangereuse dans un article d'opinion paru sur le site qatari Al-Jazeera, alors que les élections générales vont encore durer plusieurs semaines, en rappelant que Narendra Modi était ministre en chef du Gujarat quand de violentes émeutes antimusulmanes avaient éclaté, en 2002.

“Modi est considéré comme un expert des appels du pied. Il est passé maître dans l'art d'insulter, de se moquer et d'attaquer les musulmans sans prononcer le mot ‘musulman'”, selon Apoorvanand.

Les élections indiennes en chiffres

986,8 millions : c'est le nombre officiel d'électeurs enregistrés, sur une population totale de 1,45 milliard d'Indiens.

Sept : c'est le nombre de semaines que prend l'ensemble du processus électoral pour que chaque électeur puisse exprimer son vote dans les 28 États et les huit territoires administrés qui composent l'Union indienne. Le scrutin débute le 19 avril ; les résultats seront connus le 4 juin.

543 : c'est le nombre de députés qui composent la Lok Sabha, ou “assemblée du peuple” en hindi, la chambre basse du Parlement indien.

334 : c'est le nombre de l'écrasante majorité de députés sortants appartenant à la coalition dirigée par le BJP et Narendra Modi, Premier ministre depuis 2014. Pour l'heure, les sondages lui prédisent une victoire aussi éclatante que lors des législatives précédentes, en 2019.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

« Le moment Modi », sa signification pour l’Inde et internationalement

30 avril 2024, par Aparna Sundar — , ,
La décision de l'Inde de s'abstenir lors du vote de l'Assemblée générale des Nations unies du 26 octobre 2023 appelant à un cessez-le-feu à Gaza – se rangeant ainsi aux côtés (…)

La décision de l'Inde de s'abstenir lors du vote de l'Assemblée générale des Nations unies du 26 octobre 2023 appelant à un cessez-le-feu à Gaza – se rangeant ainsi aux côtés d'Israël, des Etats-Unis et de leurs alliés du bloc occidental contre les 121 pays qui ont soutenu la motion – donne un aperçu des déclarations contradictoires du gouvernement de Narendra Modi, qui cherche à occuper une position de premier plan au sein d'un ordre mondial en pleine mutation.

Tiré d'À l'encontre.

Dans d'autres domaines, Modi s'est empressé de rejeter toute critique de son bilan en matière de droits de l'homme ou de son recul démocratique comme émanant de l'Occident impérialiste et colonial, tout en affirmant la prétention de l'Inde à être un leader du Sud. Il s'agit là d'un élément important de l'attrait que Modi exerce sur sa base socio-politique. Un récent sondage réalisé en Inde a montré que, si les gens ne sont pas optimistes quant à leur propre avenir en termes d'économie, de bien-être ou de conditions de sécurité des femmes, ils pensent que l'Inde se débrouille bien sur la scène internationale.

Le repositionnement vers l'axe états-unien n'est pas nouveau et a lieu depuis que l'Inde a ouvert son économie en 1991, s'éloignant du modèle protégé par l'Etat et se rapprochant économiquement du bloc occidental, mais aussi politiquement, se présentant comme la « plus grande démocratie du monde » avec des implications dans la « guerre contre la terreur ». C'est un positionnement que Washington a adopté dans sa nouvelle guerre froide avec la Chine, se tournant vers l'Inde en tant que « démocratie asiatique » à inclure dans des formations telles que le groupe des pays du Quad, soit avec le Japon et l'Australie. Lors d'une visite d'Etat aux Etats-Unis, en juin 2023, Modi a été accueilli par une salve de 21 coups de canon. Il été invité à un dîner à la Maison Blanche et a été convié à s'adresser aux deux chambres du Congrès. Entre-temps, pour la quatrième année consécutive, la Commission des Etats-Unis pour la liberté religieuse internationale (USCIRF-United States Commission on International Religious Freedom) a recommandé au département d'Etat de désigner l'Inde comme un pays particulièrement préoccupant (CPC-Country of Particular Concern) en raison de ses « violations systématiques, continues et flagrantes de la liberté de religion ». Le fondateur de Genocide Watch a mis en garde contre un génocide imminent contre les musulmans en Inde. Le Washington Post et leNew York Times n'ont cessé d'apporter des preuves de l'autoritarisme croissant de Modi. Et l'Inde continue de reculer dans presque tous les indicateurs mondiaux : démocratie, liberté des journalistes, pauvreté, etc.

Si la géopolitique est à la base des relations entre les Etats-Unis et l'Inde, d'autres facteurs expliquent également la proximité croissante sous Modi de l'Inde avec Israël, et plus particulièrement avec le gouvernement de Benyamin Netanyahou. Comme l'explique Azad Essa dans Hostile Homelands : The New Alliance Between India and Israel (Pluto Press, 2022), l'Inde a commencé à acheter discrètement des technologies de défense et des formations à Israël dans les années 1960, tout en maintenant sa position officielle en faveur de l'autodétermination palestinienne. Mais sous Modi, le partenariat de défense est renforcé et célébré, et le soutien à la Palestine est plus conditionnel. Modi et Netanyahou se reconnaissent et se respectent mutuellement en tant que dirigeants autoritaires ; le nationalisme hindou et le sionisme ont de fortes affinités en tant que mouvements de domination majoritaire. Les deux Etats se considèrent comme des défenseurs conjoints contre la « terreur islamique ». Et les capitalistes préférés [domine en effet une « économie capitaliste de connivence »] de Modi ont désormais des investissements importants en Israël. Ces caractéristiques découlent de trois éléments centraux et interdépendants de la « Nouvelle Inde » de Modi : la réussite du projet d'Hindutva (nationalisme hindou) visant à transformer l'Inde en une nation hindoue ; la capacité de Modi à s'assurer le soutien du capital en permettant une forme prédatrice d'accumulation accélérée pour ses copains et, plus largement, pour les capitalistes en tant que classe ; et sa capacité à lier la population par une combinaison astucieuse de charisme personnel [un statut à connotation divine], de mesures sociales populistes, de capture institutionnelle et de répression pure et simple.

Nationalisme hindou

Ce qui distingue Modi d'autres politiciens populistes autoritaires tels que Bolsonaro, Erdogan, Duterte [Philippine] ou même Trump, c'est l'ancienne et profonde base idéologique et organisationnelle du mouvement auquel lui et son parti, le Bharatiya Janata Party (BJP), appartiennent. Le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), l'organisation à la tête du mouvement Hindutva de nationalisme suprémaciste hindou, a été fondé en 1925 comme l'un des courants de la résistance nationaliste au colonialisme britannique, puisant sa vision suprématiste ethno-raciale de la nation [il n'est de vrai Indien d'hindou] dans les idéologies du fascisme européen.

Dès le départ, le mouvement s'est articulé autour de deux axes. Premièrement, il s'agit de construire une identité hindoue à partir des diverses sectes et pratiques du sous-continent, dans le cadre d'une définition patriarcale, brahmanique (caste privilégiée) et scripturale [les Quatre Védas] de l'hindouisme. Cela implique de résister aux défis lancés par les Dalits (castes opprimées) à son ordre de caste profondément hiérarchique et, simultanément, de les coopter, ainsi que les Adivasis (communautés indigènes), dans le giron hindou afin de constituer une majorité. Deuxièmement, il s'agit de créer des tensions dans cette identité en définissant les autres, tels que les musulmans et les chrétiens [14% de la population est musulmane, 2% chrétienne], comme étrangers à la nation. Le RSS dispose d'un vaste appareil organisationnel pour obtenir un large consentement culturel à ses doctrines, avec des milliers de structures [Fronts] à travers le pays, s'adressant à différents groupes sociaux : enfants, jeunes, femmes, étudiants universitaires, travailleurs (y compris la plus grande fédération syndicale centrale du pays), soldats, Adivasis, et différentes castes. Le RSS gère des écoles et mène des actions caritatives et de service, y compris des opérations de secours en cas de catastrophes naturelles. Le BJP, formé en 1984 à partir d'anciens partis affiliés au mouvement RSS, s'est imposé grâce à des campagnes de masse visant à s'opposer à l'extension des programmes de discrimination positive à un plus grand nombre de castes et à effacer les symboles de l'histoire musulmane de l'Inde au profit de son passé « authentiquement hindou ».

Depuis que Modi a été élu pour la première fois au niveau fédéral en 2014, l'intention génocidaire de ses efforts pour éradiquer la condition musulmane est devenue évidente. S'il est inconcevable que 196 millions de musulmans, soit 14% de la population indienne, puissent être éliminés, ils peuvent être soumis à la violence et à l'humiliation, réduits au silence, privés de leurs droits en tant que musulmans et de leurs droits humains fondamentaux. De la réécriture des manuels d'histoire au changement de nom des lieux, leur présence plus que millénaire dans l'histoire de l'Inde est systématiquement effacée.

Les moyens mêmes dont ils disposent pour « manger, prier, aimer » ont été criminalisés, à commencer en 2014 par un nombre croissant de lynchages d'hommes musulmans par des groupes d'autodéfense pour avoir mangé ou commercialisé de la viande de bœuf, ou pour avoir « séduit » des femmes hindoues en les mariant afin de les convertir à l'islam (ce qui est qualifié de « djihad de l'amour »). Les hommes musulmans pauvres ont été des cibles privilégiées, attaqués et battus par des groupes d'autodéfense qui leur ont demandé de réciter « Jai Sri Ram » (Vive le Seigneur Ram – héros de la mythologie hindoue). Même les stars de cinéma et les joueurs de cricket les plus appréciés, s'ils sont musulmans, n'ont pas été épargnés par les trolls et les menaces. Les appels au boycott économique des entreprises musulmanes ont aggravé la marginalisation économique et sociale qui était déjà une réalité omniprésente de la condition musulmane dans de nombreuses régions du pays, les musulmans étant incapables de trouver des logements à louer dans de nombreuses villes.

Dans un Etat gouverné par le BJP, des femmes portant le hijab ont été empêchées de s'inscrire à l'université, au motif que la Constitution interdit le port de symboles religieux dans les institutions publiques. Or, les prières et les pratiques hindoues restent monnaie courante dans ces établissements. Il est de plus en plus fréquent, lors des fêtes hindoues, de voir de grandes foules d'hommes hindous portant des bandanas safran, armés de bâtons et d'épées, marcher agressivement dans les quartiers musulmans en chantant des chansons et des slogans antimusulmans, en frappant des musulmans et en détruisant leurs biens. Il ne fait aucun doute qu'ils croient obéir aux chefs religieux hindous extrémistes qui ont fait du viol et du meurtre des musulmans un devoir religieux.

Modi et les membres de son parti sont restés silencieux face à cette violence, prenant parfois leurs distances, la qualifiant d'œuvre d'individus isolés, mais faisant le plus souvent des allusions en demi-teinte pour provoquer et intensifier la polarisation à des fins électorales. Presque aucun des auteurs de lynchages et d'autres agressions n'a été arrêté. Au contraire, les hommes impliqués dans le viol collectif d'une musulmane et le meurtre de plusieurs musulmans lors du pogrom contre les musulmans au Gujarat en février-mars 2002, lorsque Modi gouvernait l'Etat, ainsi que les hommes impliqués dans le lynchage d'un marchand de bétail musulman, ont été libérés et accueillis en héros par les députés du BJP. La police assiste régulièrement aux violences, et les musulmans qui se défendent ont vu leurs magasins et leurs propriétés détruits par les autorités municipales des Etats gouvernés par le BJP, sous le prétexte de « construction illégale ».

Au cours du second mandat de Modi, qui a débuté en 2019, les gouvernements du BJP ont adopté une série de lois visant à priver les musulmans de leurs droits. Plusieurs Etats gouvernés par le BJP ont adopté des lois sur la protection des vaches et des lois interdisant les mariages interconfessionnels (censés n'être conclus qu'à des fins de conversion), en y ajoutant la force de la police et des tribunaux pour légitimer la violence des groupes d'autodéfense. En 2019, trois changements législatifs et juridiques majeurs, dont une loi d'amendement sur la citoyenneté, ont irrévocablement transformé la nature de la citoyenneté, faisant effectivement des musulmans des citoyens de seconde zone d'une nation hindoue.

L'une de ces lois, la loi sur la réorganisation du Cachemire, a institutionnalisé l'occupation du Cachemire par l'Inde. Cette loi a supprimé l'autonomie limitée accordée au Cachemire par la Constitution indienne. Elle a aboli la loi interdisant la vente de terres à des non-Cachemiriens, ouvrant ainsi la voie à une occupation à grande échelle et à une transformation démographique. Le Cachemire reste l'une des régions les plus militarisées du monde, avec de fréquentes coupures d'Internet, des arrestations aléatoires, notamment de journalistes et de militants des droits de l'homme, en vertu de lois « anti-terroristes » draconiennes, des disparitions et des « meurtres de rencontre » [extra-judiciaires] perpétrés par une police et une armée bénéficiant de l'impunité en vertu de la loi sur les pouvoirs spéciaux des forces armées, en vigueur au Cachemire depuis plus de trente ans maintenant.

La mobilisation totale de l'Etat et de la société pour faire la guerre à ce que les nationalistes hindous considèrent comme la « vieille Inde » – une nation multiethnique et multiconfessionnelle, à la fois en termes de tissu social et de garanties constitutionnelles de sécularisme, d'égalité et de non-discrimination – a également d'autres cibles. Les chrétiens (comme les musulmans, considérés comme des adeptes d'une foi née en dehors de la sphère continentale indienne) ont fait l'objet d'attaques violentes pour avoir prétendument mené des activités de conversion parmi les Adivasis et les Dalits (ce qui pourrait réduire la « majorité » hindoue). Des calculs électoraux sur les avantages de la création d'une base hindoue intrinsigeante ont également motivé la récente campagne de viols et de meurtres de membres de communautés chrétiennes dans l'Etat de Manipur, dans le nord-est du pays. On a cherché à délégitimer un vaste mouvement de protestation contre les lois agricoles néolibérales en alléguant que les agriculteurs sikhs qui le dirigeaient étaient des « séparatistes » et des « terroristes ». D'autres ont également été qualifiés d'« anti-nationaux » et ont fait l'objet de violences de la part des milices d'autodéfense et de l'Etat. Les intellectuels et les militants de gauche et libéraux, les journalistes, les professeurs d'université et les étudiants, les artistes, les féministes et les membres d'organisations de la société civile ont tous été dépeints comme des membres d'une élite mise en place, anglicisée et « pseudo-séculariste », contre laquelle le BJP se présente comme le représentant de la nation authentique.

Le capitalisme prédateur

Le taux de croissance relativement élevé de l'économie indienne (7,2% en 2022-23) masque les crises croissantes de l'inégalité, du chômage et de la paupérisation, qui se reflètent plus précisément dans les données relatives à la malnutrition, à la mortalité infantile et à la santé des femmes. Le gouvernement de Modi a échoué de manière spectaculaire à relever les plus grands défis économiques de l'Inde : augmenter les investissements dans l'industrie manufacturière, attirer les investissements étrangers, créer des emplois et développer les exportations [s'y ajoutent les investissements dans les infrastructures opérés par l'Etat fédéral et les Etats]. Les taux de croissance reflètent en partie le pouvoir de consommation d'une « classe moyenne » qui, bien qu'importante en termes absolus, ne représente qu'une petite partie de la population indienne de 1,4 milliard d'habitants [avec un âge médian de 28 ans]. Une grande partie de l'explication réside toutefois dans la nature de la croissance, générée par l'achat d'actifs en situation de faillite par des spéculateurs internationaux, l'acquisition de terres et de ressources à des coûts extraordinairement bas et l'accès privilégié au capital et aux marchés existants pour les capitalistes favorisés.

Le gouvernement a adopté une série de lois néolibérales visant à améliorer la « facilité de faire des affaires », y compris des réformes du travail décimant la réglementation et les normes concernant le droit du travail, et des modifications des lois et règlements concernant les effets négatifs sur l'environnement ainsi que de la législation sur la protection des forêts qui facilitent l'accès des entreprises aux ressources naturelles. Les plans visant à privatiser davantage les actifs publics comprennent l'autorisation de l'exploitation commerciale du charbon, le relèvement de la limite des investissements étrangers dans la fabrication de matériel militaire, la vente aux enchères d'aéroports à des partenariats public-privé et la cession d'actifs du secteur public à des acteurs privés sur la base d'un « bail à long terme ». Trois nouvelles lois sur l'agriculture, adoptées à la hâte par le Parlement en 2020, avec à peine le temps de débattre, auraient effectivement inversé les politiques qui garantissaient aux agriculteurs la possibilité de vendre une certaine quantité de leur production [avant de tout de riz, de blé et de canne à sucre] à un prix fixe et auraient ouvert l'agriculture aux marchés dominés par les entreprises, si les agriculteurs ne s'étaient pas défendus [voir sur ce site entre autres l'article publié le 24 novembre 2021].

Au cours de ses quatorze années en tant que ministre en chef de l'Etat du Gujarat, où il a peaufiné son modèle de gouvernement, Modi a noué des relations étroites avec les principaux acteurs du monde des affaires du Gujarat, qui ont financé sa campagne fédérale en 2014. Ces amis, en particulier les plus proches de lui, Gautam Adani et Mukesh Ambani, ont été richement récompensés, aidés à acquérir des terres à bas prix et ont reçu des licences pour construire tout ce qu'ils veulent, des ports aux universités. En mars 2022, Hurun Global Rich List [du Hurun Research Institute qui établit une liste des milliardaires analogue à celle de Forbes] a indiqué que Gautam Adani, qui était devenu la deuxième personne la plus riche d'Inde et d'Asie en 2020, avait ajouté 49 milliards de dollars à sa fortune en 2021, soit plus que les trois premiers milliardaires mondiaux Elon Musk, Jeff Bezos et Bernard Arnault, ce qui représente une augmentation de 153% de sa fortune au cours d'une année où l'Inde a été dévastée par la pandémie de Covid. Mukesh Ambani, qui reste l'Indien le plus riche, a vu sa fortune augmenter de 24% cette année-là. Au cours des dix années qui ont suivi l'accession de Modi au poste de premier ministre, la fortune d'Ambani a augmenté de 400% et celle d'Adani de 1830%, bien que, comme l'a révélé un rapport publié en janvier 2023 par Hindenburg Research [société de recherche en investissement centrée sur la vente à découvert, basée à New York], des manipulations d'actions et des fraudes comptables aient permis une surévaluation massive de la fortune d'Adani. Plus généralement, le nombre de milliardaires indiens a augmenté, tout comme la richesse qu'ils ont ajoutée au cours de la dernière décennie : le responsable de la Hurun Global Rich List a noté qu'au cours des dix dernières années, les milliardaires indiens ont ajouté quelque 700 milliards de dollars à leur richesse cumulée [en fin 2023, 1% des plus riches concentrent 40% des richesses], soit un peu moins (100 milliards) que le PIB de la Suisse et le double de celui des Emirats arabes unis.

Les riches se sont également enrichis grâce à des politiques telles que le passage à des impôts indirects, comme la taxe sur les biens et services, la réduction des taux d'imposition des sociétés et l'abolition de l'impôt sur la fortune pour les super-riches, contribuant ainsi à l'augmentation du déficit budgétaire du pays. Alors que le capitalisme prédateur que Modi a rendu possible a provoqué le déplacement, la dépossession et la paupérisation d'un grand nombre de personnes, les dépenses de l'Inde en matière de protection sociale restent parmi les plus faibles au monde. Les dépenses de santé se maintiennent entre 1,2 et 1,6% du PIB et ont même diminué en 2021, tandis que les dépenses d'éducation ont représenté en moyenne 3% du PIB au cours des deux dernières décennies. En 2022, Oxfam a indiqué qu'au cours de la pandémie, environ 46 millions d'Indiens sont tombés dans l'extrême pauvreté.

Une autocratie électorale

Dans son rapport de 2021 sur le statut de la démocratie, l'institut suédois V-Dem (Varieties of Democracy) a rétrogradé l'Inde au rang d'« autocratie électorale ». Cette formulation rend compte du rôle de plus en plus performant que jouent en Inde les rituels démocratiques pour démontrer la légitimité, alors même qu'une grande partie du processus de gouvernance échappe à l'obligation de rendre des comptes à la population. Comme la plupart des autres institutions publiques, la Commission électorale, historiquement respectée pour sa neutralité, est aujourd'hui sujette à la domination politique du BJP [ce qu'a reconnu la Cour suprême]. Le BJP dispose de fonds considérables, plus importants que ceux de tous les autres partis réunis, collectés, entre autres, par le biais d'instruments financiers opaques appelés « obligations électorales », qui attirent des dons massifs d'entreprises, effectués de manière anonyme depuis l'Inde et l'étranger. Le parti est constamment en mode électoral, et les fonds sont nécessaires pour entretenir sa formidable machine électorale ainsi que pour inciter les élus en place à changer de camp [lors des présentes élections, un nombre important d'élus de l'ex-opposition se trouvent sur des listes du BJP].

Modi le populiste semble également se régaler de la performance de la démocratie. A l'image de certains dieux hindous, Modi est un homme aux multiples avatars. Il est à la fois monarque – il édicte des politiques sous forme de décrets et lance des projets monumentaux pour marquer son règne – et homme du peuple, faisant constamment référence à ses origines modestes, contrairement aux Gandhi du parti rival, le Parti du Congrès, avec leur caste et leurs privilèges dynastiques. Il porte chaque jour une nouvelle tenue et des accessoires de marque, mais ses partisans (ou adorateurs, comme ses détracteurs les appellent) le décrivent comme un ascète. Ses décisions apparemment irréfléchies et erratiques, comme le fait de rendre sans valeur 87% de la monnaie indienne avec un préavis de quelques heures ou d'imposer un confinement national pour le Covid-19 pendant la nuit, ont été saluées comme des « coups de maître » et comme la preuve de la capacité à prendre des décisions difficiles qui exigent un dirigeant fort. Ses projets technocratiques – villes intelligentes, trains à grande vitesse, Inde numérique – même s'ils sont mal exécutés et incomplets, donnent une image d'action et de modernisation, tandis que ses discours intègrent habilement des images et des tropes nationalistes hindous.

Le type de programme « d'aide providence » de Modi partage ces caractéristiques populistes. Plutôt que des investissements à long terme dans l'alimentation, la santé et l'éducation, l'aide sociale qu'il propose prend la forme de petits transferts d'argent ciblés et de programmes limités de distribution de sanitaires, de bouteilles de gaz de cuisine, de logements et de raccordements à l'électricité et à l'eau, dont les femmes sont les principales bénéficiaires. Distribuée de manière centralisée, plutôt qu'en réponse aux besoins locaux, l'aide sociale est personnalisée, la photo de Modi figurant sur les bouteilles de gaz, les colis alimentaires [800 millions de personnes sont éligibles à ces colis, ce qui n'implique pas que 800 millions les reçoivent] et les panneaux publicitaires promouvant ces programmes.

Les projections populistes de Modi sont facilitées par sa mainmise efficace sur la sphère publique. En 2014 déjà, les médias appartenant à des entreprises l'avaient monté en épingle avant même son élection. Depuis lors, ces médias ont été maintenus dans le droit chemin en menaçant de retirer les recettes publicitaires du gouvernement, qui constituent une grande partie de leurs revenus, ou de mener des perquisitions pour violation de l'impôt sur le revenu. Entre-temps, de nouvelles filières de médias pro-gouvernementaux ont été créées, et ses copains capitalistes ont acheté les quelques médias indépendants. Les médias sociaux jouent un autre rôle important, avec une armée de personnes rémunérées pour générer des trolls qui diffusent la propagande du BJP et un nombre encore plus important de sympathisants qui diffusent des fausses nouvelles et des mèmes remplis de haine, tout en « trollant » ses opposants avec les menaces les plus viles. Parallèlement au contrôle et à la construction de ce qui est considéré comme des nouvelles, il y a la non-collecte, la suppression ou la falsification des données, combinées à l'affaiblissement systématique des universités et des instituts de recherche.

L'Etat est ainsi en guerre contre la société civile. Les organisations non gouvernementales ont été menacées de mesures policières ou de l'annulation de leur autorisation de recevoir des fonds étrangers. Parmi les pays qui ont déployé le logiciel de surveillance Pegasus de l'entreprise israélienne NSO, l'Inde a constitué des groupes cibles qui comptent parmi les plus importants internationalement ; ils comprenent des dirigeants de l'opposition, des journalistes et toute une série d'acteurs de la société civile. Les dissidents et ceux qui disent la vérité – manifestants, dirigeants de partis d'opposition, agriculteurs, journalistes, leaders étudiants – ont été arrêtés sur la base d'accusations forgées de toutes pièces et détenus, sans possibilité de libération sous caution, en vertu d'une législation antiterroriste draconienne. Même parmi ses adorateurs, on craint l'Etat de surveillance et l'effritement des protections juridiques et institutionnelles.

Résistance

Aucune des mesures prises par Modi n'a échappé à la contestation : les lois sur la réorganisation du Cachemire et sur l'amendement de la citoyenneté, les « obligations électorales », Pegasus, etc. ont été contestées devant les tribunaux. Des journalistes ont traité de ces délits, ont dévoilé les escroqueries, et des articles critiques continuent d'être publiés dans certains journaux de langue anglaise. Les partis non-BJP, au pouvoir dans près de la moitié des Etats, ont vivement protesté contre les tendances de plus en plus centralisatrices du gouvernement fédéral en matière de fiscalité et d'homogénéisation culturelle et linguistique. Certains juges de la Cour suprême et des tribunaux inférieurs ont fait preuve d'indépendance en contestant les arrestations arbitraires et d'autres mesures non constitutionnelles. Des mobilisations ont également eu lieu, en particulier au cours du premier mandat de Modi, contre la multiplication des actes de violence visant des minorités. Deux mouvements massifs en particulier, d'une ampleur sans précédent depuis le mouvement nationaliste des années 1940, sont porteurs d'espoir.

Le premier a débuté en novembre 2019 contre la loi d'amendement sur la citoyenneté (CAA), qui fait des musulmans de l'Inde des citoyens de seconde zone. Initié par des étudiants de l'université Jamia Millia Islamia à Delhi, le mouvement s'est étendu à tout le pays, avec des protestations et des manifestations organisées même dans des villes plus petites. Un grand nombre de musulmans auparavant apolitiques, ainsi qu'un nombre important de non-musulmans, se sont joints au mouvement. Un sit-in historique initié par les femmes de Shaheen Bagh, un quartier majoritairement musulman du nord-est de Delhi, a duré quelques mois jusqu'à ce qu'il soit fermé par le confinement pandémique de mars 2020 et que, simultanément, de nombreux militants anti-CAA soient arrêtés, prétendument pour incitation à la violence. Bien que le mouvement ait été dissous, le gouvernement a tardé à adopter des réglementations basées sur le CAA, signe de l'ampleur de l'opposition.

Le deuxième mouvement était une réponse aux trois lois agricoles visant à placer l'agriculture sous la domination du business [le secteur agricole emploie 45% de la main-d'œuvre du pays – une partie des populations paupérisées sont contraintes de rejoindre l'agriculture, comme journaliers, pour survivre, suite à l'inexistence effective d'un filet social – mais ne représente que 15% de son PIB et la masse des petits paysans est en situation permanente de survie, aggravée par la monoculture, le délabrement des sols, la crise climatiques… ].

A partir de novembre 2020, quelque 250 000 agriculteurs de trois Etats du Nord ont campé pendant un an sur trois sites situés à la frontière de Delhi, avec pour seule exigence l'abrogation des lois agricoles. Des organisations d'agriculteurs de tout le pays ont envoyé des contingents. L'action a été coordonnée démocratiquement par un comité national. Pendant l'année où les agriculteurs ont campé, la résistance à la domination de l'agriculture par l'agro-industrie et les firmes commerciales s'est développée pour relier les questions du travail et de la détresse agricole, du patriarcat et du travail des femmes, de la caste et de l'absence de terres, de l'Hindutva et de l'Etat répressif. Toutes ses tentatives de répression et de cooptation ayant échoué, Modi a finalement accepté de retirer les lois quelques semaines avant les élections au Pendjab et en Uttar Pradesh. [Depuis fin février 2024, une certaine relance du mouvement paysan – étant donné le non-respect des engagements pris en 2021, entre autres les prix garantis sur un marché étatique : les mandis – s'est produite, mais a suscité de suite une forte réaction du pouvoir.]

Ces deux grands mouvements, les manifestations précédentes et l'éventail des cibles de l'Hindutva – musulmans et chrétiens, Dalits, Adivasis, femmes, écologistes, libéraux, journalistes, étudiants et professeurs, artistes – ont créé des alliances bien au-delà de la gauche. En Inde, « la gauche » – qui désigne principalement les principaux partis de gauche, le Parti communiste indien (CPI) et le Parti communiste indien-marxiste (CPM) – était déjà critiquée pour son manque d'intégration des questions de caste et d'identité et pour son attachement historique au développement industriel. Depuis 2014, de nouvelles alliances bleues (mouvements d'opprimés de caste/dalits), rouges (communistes) et parfois vertes (écologistes) ont été forgées sur les campus et plus largement. Ils tendent à rejoindre les syndicats nationaux, les mouvements sociaux inspirés par Gandhi contre les expulsions de populations (agraires et urbaines paupérisées) provoquées par des dits développement, mouvements qui défendent les droits des communautés dépendantes des ressources naturelles. S'y ajoutent les organisations de défense des droits civils et démocratiques qui ont été une partie vitale du paysage démocratique depuis l'état d'urgence de 1975-77 [décidé par Indira Gandhi, alors première ministre]. Leurs efforts sont documentés et amplifiés par une petite mais influente section de médias numériques, dont la plupart ont moins de dix ans, qui continue à dire la vérité au pouvoir malgré les procès ainsi que la surveillance et l'arrestation de ses journalistes.

Une grande partie de cette résistance s'affronte à une répression sévère de la part du gouvernement. Une question cruciale est de savoir comment la résistance se traduira en termes électoraux lors des élections fédérales, qui se tiendront probablement en mai 2024. L'alliance I.N.D.I.A. (Indian National Developmental Inclusive Alliance, coalition de 26 partis) récemment formée [en juillet 2023], qui comprend tous les principaux partis d'opposition, y compris le Congrès national indien, le principal concurrent du BJP au niveau fédéral [en février, les comptes bancaires du Parti du Congrès ont été gelés !], est une initiative prometteuse. Mais il s'agit d'une « grande tente », selon leurs propres termes, et les interrogations abondent quant à sa cohésion et au fait qu'il est déjà trop tard pour offrir un défi efficace, étant donné que le BJP n'a jamais vraiment cessé d'être en mode électoral. Les élections qui viennent de se dérouler dans cinq Etats [Madhya Pradesh, Rajasthan, Chhattisgarh, Telangana et Mizoram] et qui ont vu le BJP remporter trois d'entre eux [Madhya Pradesh (163 sièges sur 230), Rajasthan (115 sièges sur 119) et Chhattisgarh (54 sièges sur 90)] confirment les doutes quant à la force de l'opposition [le Congrès a obtenu une victoire dans l'Etat du sud de Telangana (64 sièges sur 119) et un nouveau parti, le Zoram People's Movement a obtenu une victoire dans l'Etat de Mizoram, à l'extrême nord-est du pays avec 27 sièges sur 40].

Implications internationales

Lorsque l'on réfléchit aux implications mondiales du moment Modi, il faut d'abord prêter attention à la diaspora indienne en Occident. La VHP (World Hindu Organization), membre de la famille RSS, s'efforce depuis les années 1960 de renforcer la communauté hindoue dans le monde entier. Le mélange réussi par Modi de la « convivialité marchande » (market friendliness) et de la « culture hindoue » (yoga, tenue vestimentaire, etc.) représente un moment de réussite culturelle pour cette diaspora. Avec quelque quatre millions de personnes, les Indiens constituent aujourd'hui le deuxième groupe d'immigrés aux Etats-Unis. Une grande partie des plus prospères d'entre eux sont issus de castes hindoues privilégiées et constituent un groupe important pour l'Hindutva, contribuant financièrement au BJP et aux organisations caritatives qui canalisent des fonds vers le RSS, et adoptant de plus en plus les symboles et les pratiques violentes des foules hindoues en Inde [1].

Mais d'autres membres de la diaspora indienne les combattent activement. Des campagnes menées par des organisations dalits ont permis de faire reconnaître la caste comme une catégorie protégée dans des universités telles que California State, UC Davis, Harvard, Brandeis et Brown, et dans d'autres lieux tels que la ville américaine de Seattle, les villes canadiennes de Brampton et de Burnaby, et le conseil scolaire du district de Toronto. Les organisations progressistes de la diaspora, y compris celles qui représentent les minorités religieuses de l'Inde, s'efforcent de contester les flux de fonds destinés au BJP/RSS en Inde et d'essayer d'influencer les gouvernements et les opinions publiques états-uniens et canadiens pour qu'ils reconnaissent l'Inde pour ce qu'elle est. Ces efforts ont à leur tour donné lieu à une campagne des organisations de l'Hindutva, s'inspirant du manuel sioniste qui utilise l'« antisémitisme » pour détourner toute critique d'Israël, pour tenter de faire qualifier les critiques de l'Hindutva d'hindouphobie. Et c'est ainsi que le combat continue.

Des événements récents ont fait prendre conscience à la gauche nord-américaine des implications de certaines de ces batailles. En septembre 2023, le Premier ministre canadien Justin Trudeau s'est adressé au parlement pour annoncer de manière surprenante que l'Inde était derrière l'assassinat d'un militant séparatiste sikh au Canada, en juin 2023. En novembre de la même année, les services de renseignement des Etats-Unis ont indiqué qu'ils avaient averti un militant séparatiste sikh basé aux Etats-Unis qu'une menace similaire pesait sur sa vie, ce qui renforce l'inquiétude quant à la volonté de l'Etat indien d'étendre sa répression au-delà de ses frontières.

La droite indienne joue un rôle important dans le développement d'une extrême droite mondiale, pas nécessairement dans le sens d'une cohésion organisationnelle ou d'une conspiration mondiale, mais dans le sens où elle oriente le discours public dans cette direction, sape les valeurs démocratiques libérales, délégitime toute forme de mobilisation égalitaire, normalise les « fake news » et les perspectives anti-scientifiques [par exemple, la théorie de l'évolution est remise en question]. Elle s'aligne sur les suprémacistes blancs et les sionistes. Les fausses nouvelles et les images générées par l'univers de l'Hindutva ont joué un rôle majeur dans la désinformation des médias sociaux autour du génocide à Gaza [2]. Il a également été rapporté qu'Israël avait demandé à l'Inde d'envoyer jusqu'à 100 000 travailleurs pour remplacer les travailleurs palestiniens.

La gauche indienne et sa diaspora ripostent. Une pétition adressée aux représentants de l'Etat américain, déjà signée par quelque 3000 Indiens-Américains, appelle à un cessez-le-feu à Gaza. Elle met également en évidence les sources de désinformation de la droite hindoue qui contribuent à justifier l'attaque contre Gaza [3]. Et tous les principaux syndicats indiens, à l'exception du Bharatiya Mazdoor Sangh (Syndicat des travailleurs indiens) affilié au BJP, ont publié une déclaration annonçant qu'ils s'opposeraient à tout accord de travail Inde-Israël s'il était mis en œuvre [4] Mais pour faire reculer le fascisme qu'est l'Inde de Modi, il faudra une réponse internationale beaucoup plus forte et coordonnée que celle dont les forces progressistes mondiales ont fait preuve jusqu'à présent. (Article publié dans le magazine New Politics, n° 76, vol. XIX ; traduction rédaction A l'Encontre)

Aparna Sundar

Notes

[1] Max Daly, Sahar Habib Ghazi, and Pallavi Pundir, “How Far-Right Hindu Supremacy Went Global,” Vice, Oct. 26, 2022.

[2] Mohammed Asif Khan, “India is the Epicentre of Hate and Misinformation Against Palestinians,” Middle East Monitor, Nov. 10, 2023.

[3] Indian Americans for a Ceasefire Now.

[4] “Indian Trade Unions Stand with Palestine, Reject ‘export deal' to Replace Palestinian Workers in Israel,” People's Dispatch, Nov. 16, 2023.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

De l’inhumaine humanité du genre humain ou Comment éviter les risques de génocide à Gaza ?

On a voulu, depuis la dernière guerre mondiale, faire de l'holocauste des 6 millions de Juifs anéantis dans les camps d'extermination nazie, le paradigme par excellence de la (…)

On a voulu, depuis la dernière guerre mondiale, faire de l'holocauste des 6 millions de Juifs anéantis dans les camps d'extermination nazie, le paradigme par excellence de la barbarie et de l'inhumanité dont ont pu faire preuve les êtres humains. Et non sans quelque raison, puisque se sont combinées alors—au travers d'un génocide clairement planifié en Allemagne à la conférence de Wannsee de janvier 1942— la barbarie absolue d'une guerre totale avec la froide efficacité technique d'une civilisation industrielle aux moyens destructeurs considérables. Le tout, en utilisant et manipulant sordidement de tenaces préjugés racistes anti-sémites !

29 avril 2024

Mais comment expliquer que les descendants des victimes de l'holocauste ayant avec l'appui des pays européens, migré en Palestine et bâti l'État d'Israël, se trouvent presque 80 plus tard, amenés à cautionner des politiques d'État guerrières agressives ? Des politiques sionistes pour lesquelles la Cour internationale de justice, la plus haute juridiction de l'ONU vient d'annoncer qu'elles relèvent —dans le cas de Gaza — d'une convention pour la prévention du crime de génocide !

Oui, vous avez bien lu : voilà que les descendants directs des victimes d'un génocide perpétré il y a seulement quelques décennies en arrière, se retrouvent sur la sellette, accusés de risquer d'en provoquer un à leur tour ? Le monde à l'envers ? Peut-on imaginer qu'un peuple qui a vécu dans sa chair l'horreur de l'anéantissement se retrouve entraîné dans une telle spirale ?

L'horreur de l'anéantissement

Face à une question aussi dérangeante, on comprendra que certains —cyniques ou désabusés— aient envie de jeter le blâme sur « l'inhumaine humanité du genre humain », ajoutant que ce n'est là qu'une autre de ces calamités déclenchées par l'être humain dont notre époque est aujourd'hui le théâtre.

Il faut pourtant se rappeler une vérité qui devrait servir de boussole. L'être humain n'existe pas en soi. Il n'est ni "bon, ni "mauvais", mais reste le fruit de circonstances historiques données, de conditions d'existence, économiques, sociales, politiques qui, pour une bonne part, façonnent son comportement.

Si l'Allemagne nazie, forte de l'appui tacite du gros de ses classes dirigeantes, s'est rendue coupables de génocide, c'est en raison de conditions bien précises. Mue par de puissants intérêts militaires et économiques, eux-mêmes stimulés par les dynamiques d'un capitalisme agressif, elle bénéficiait en leur faveur d'une formidable a-symétrie de pouvoir lui permettant, d'imaginer pouvoir imposer sa domination partout au monde, violence déchaînée de la guerre et arbitraire absolu en prime. Broyant pour longtemps les espaces et règles démocratiques existant, tout comme les souterraines aspirations à l'égalité sociale qui les rendaient effectives.

Une bulle cognitive aveuglante

Bien évidemment 8 décennies plus tard, les factions d'extrême-droite israéliennes qui aujourd'hui sont à la tête du gouvernement Netanyahou ne se trouvent pas dans une telle situation. Et sans doute –à la suite des massacres perpétrés [1] par le Hamas le 7 octobre dernier et hantées par le trauma de l'holocauste— ont-elles réussi à enfermer le peuple d'Israël dans une sorte de bulle cognitive aveuglante, lui interdisant de prendre la mesure de ce qui est en train de se passer à Gaza ; là où 2,4 millions personnes sont depuis des décennies parquées dans une prison à ciel ouvert, en passe cependant de se transformer en un cimetière dantesque [2] .

Il n'en demeure pas moins qu'en 2024, les factions intégristes du gouvernement Netanyahou peuvent compter, elles aussi, sur les avantages d'une formidable asymétrie de pouvoir, leur permettant de faire fi, violence de la guerre et arbitraire en prime [3] , de toutes les règles de droit internationales en vigueur, de tous les principes de coexistence pacifique hérités des traditions humanistes.

L'arrogance des tout-puissants

Étant devenus les alliés privilégiés de la première puissance économique et militaire mondiale et s'étant transformé –l'arme nucléaire en prime— en la bastille des intérêts pétroliers occidentaux au Moyen-Orient, les dirigeants israéliens, ont repris à leur compte cette arrogance des tout-puissants. Au fil du temps, ils se sont refusés, non seulement à prendre en compte le légitime droit à l'auto-détermination du peuple palestinien, mais aussi à saisir les occasions de paix offertes. Plus encore, ils se sont laissés peu à peu entraînés par leurs factions les plus extrêmes, dans des politiques d'apartheid et d'épuration ethniques —voire de duplicité machiavélique avec le Islamistes intégristes pour éviter tout compromis de paix possible—, pour finalement s'engager dans une guerre ouverte prenant des allures génocidaires.

La prévention des génocides commence chez nous

« L'inhumaine inhumanité du genre humain » a donc bien un nom, et son remède est avant tout d'ordre politique : combattre la montée de l'intégrisme identitaire, de l'autoritarisme et de la guerre, en réinstallant partout où elles vacillent, les exigences de la démocratie et de ses aspirations à l'égalité sociale. Partout : en Israël bien sûr, mais aussi ailleurs, aux USA, au Québec et au Canada tant le monde est aujourd'hui inter-relié.

Un peu comme ont cherché à le faire les internationalistes venus de 35 pays de la flottille de la liberté pour Gaza qui voulaient depuis Istanbul accompagner par bateau l'acheminement d'une aide humanitaire et demandaient pour cela, notamment un soutien effectif du Canada pour y parvenir. En vain !

Saura-t-on en ces temps si difficiles se souvenir de leur détermination et se rappeler que le combat pour la démocratie et la prévention de génocides commence aussi chez nous ?

Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste
Le 28 avril 2024

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre


[1] Il est pas inutile de rappeler à ce propos les chiffres exacts : « Selon les chiffres disponibles, le 7 octobre, 1 143 personnes, pour la plupart israéliennes, ont été tuées – 767 civils, dont 36 enfants et 71 étrangers, ainsi que 376 militaires et membres des forces de sécurité. Près de 250 personnes étaient enlevées. Le même jour, selon des sources israéliennes, plus de 1 600 combattants parmi les assaillants ont été tués sur place et près de 200 personnes arrêtées. » Voir https://www.yaani.fr/post/gaza-le-7-octobre-en-perspective-historique

[2] « (…) L'enclave est un vaste champ de ruines, où plus de 70 % des logements et de 80 % des commerces sont détruits (selon les experts de l'ONU), où s'entassent plus de 26 millions de tonnes de débris et
gravas (selon La Banque mondiale) et où des dizaines de milliers de Palestinien·nes ont été tué·es 34 262, selon les derniers bilans, qui n'incluent pas les cadavres encore sous les décombres ». (source : Médiapart :https://www.mediapart.fr/journal/international/260424/apres-six-mois-gaza-l-armee-israelienne-toujours-rafah-dans-le-viseur ?)
Voir aussi : « Depuis le 7 octobre, selon des sources gazaouies, plus de 34 000 Palestiniens ont été
tués, dont environ 40 % d'enfants, soit plus de 13 500, auxquels il faut ajouter jusqu'à 20 000 personnes qui seraient ensevelies sous les décombres, ainsi que près de 77 000 blessés, dont beaucoup très gravement. La grande majorité des 2,4 millions d'habitants de Gaza ont été déplacés et l'ensemble de la population de l'enclave souffre d'une famine croissante, qui lui est infligée par la sévère limitation par Israël du volume de l'aide entrant dans l'enclave. (…) En fait, alors que la bombe atomique larguée sur Hiroshima avait une puissance de 15 kilotonnes de TNT, les forces armées israéliennes ont déjà largué près de cinq fois ce tonnage sur les 365 kilomètres carrés de Gaza. (...) ». Gilbert Achcar : https://www.yaani.fr/post/gaza-le-7-octobre-en-perspective-historique

[3] Voir l'opération Lavender (Lavande en français !) : « on a appris récemment que l'armée israélienne avait mis au point un système de ciblage basé sur l'intelligence artificielle (IA), dénommé « Lavender », qui consacre environ 20 secondes à identifier des « cibles », sur la base de « vérifications » extrêmement ténues, occasionnant l'assassinat massif de personnes sans lien avéré avec le Hamas ou les autres groupes armés palestiniens ». (sources Médiapart ;https://www.mediapart.fr/journal/international/260424/apres-six-mois-gaza-l-armee-israelienne-toujours-rafah-dans-le-viseur ?) voir aussi la chronique de Jean-François Lisée à ce propos
dans Le Devoir du 27-28 avril 2024, L'IA au service de la mort à Gaza)

Gaza : le 7 octobre en perspective historique

Plus de six mois et demi après l'opération « Déluge d'Al-Aqsa » menée par le Hamas le 7 octobre 2023, par-delà la barrière qui entoure la bande de Gaza, et celle de l'armée (…)

Plus de six mois et demi après l'opération « Déluge d'Al-Aqsa » menée par le Hamas le 7 octobre 2023, par-delà la barrière qui entoure la bande de Gaza, et celle de l'armée israélienne nommée « Glaive de fer » sur l'enclave palestinienne, le bilan provisoire est effrayant. Alors qu'un narratif appréhendant l'attaque du 7 octobre comme une opération antisémite ne cesse d'être martelé, replacer cet évènement dans une perspective historique permet de le repolitiser et d'en comprendre les dynamiques.

Tiré de : Yaani
https://www.yaani.fr/post/gaza-le-7-octobre-en-perspective-historique
Par Gilbert Achcar, professeur en études du développement et relations internationales à la School of Oriental and African Studies (SOAS) de l'Université de Londres.

Selon les chiffres disponibles, le 7 octobre, 1 143 personnes, pour la plupart israéliennes, ont été tuées – 767 civils, dont 36 enfants et 71 étrangers, ainsi que 376 militaires et membres des forces de sécurité. Près de 250 personnes étaient enlevées. Le même jour, selon des sources israéliennes, plus de 1 600 combattants parmi les assaillants ont été tués sur place et près de 200 personnes arrêtées.

Depuis le 7 octobre, selon des sources gazaouies, plus de 34 000 Palestiniens ont été tués, dont environ 40 % d'enfants, soit plus de 13 500, auxquels il faut ajouter jusqu'à 20 000 personnes qui seraient ensevelies sous les décombres, ainsi que près de 77 000 blessés, dont beaucoup très gravement. La grande majorité des 2,4 millions d'habitants de Gaza ont été déplacés et l'ensemble de la population de l'enclave souffre d'une famine croissante, qui lui est infligée par la sévère limitation par Israël du volume de l'aide entrant dans l'enclave.

La plupart des habitations de Gaza ont été détruites dans ce qui est certainement la campagne de bombardement la plus destructrice de ce siècle, et probablement la plus destructrice de l'histoire en termes d'intensité (combinant étendue et vitesse), armes nucléaires exceptées. En fait, alors que la bombe atomique larguée sur Hiroshima avait une puissance de 15 kilotonnes de TNT, les forces armées israéliennes ont déjà largué près de cinq fois ce tonnage sur les 365 kilomètres carrés de Gaza. Tous ces chiffres sont provisoires, bien entendu, et continuent d'augmenter, jour après jour, au moment de la rédaction de cet article.

De quoi le 7 octobre a-t-il été la suite ?

La réaction immédiate d'Israël à l'attaque du 7 octobre a été non seulement de la qualifier de « plus grand massacre d'Israéliens commis en un seul jour », ce qui est indiscutable, mais aussi de « plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah » – une description beaucoup plus contestable, car chargée de sens politique implicite. Cette dernière description est pourtant devenue un mantra dans les pays occidentaux, repris par exemple par le président français Emmanuel Macron qui, le 7 février 2024, a qualifié le 7 octobre de « plus grand massacre antisémite de notre siècle » lors d'une cérémonie en hommage aux quarante-deux personnes de nationalité française tuées ce jour-là.

Pour quiconque garde à l'esprit le terrible bilan décrit ci-dessus, l'analogie implicite entre l'attaque du 7 octobre et le massacre des Juifs par les nazis doit paraître tout à fait inappropriée, car elle ignore complètement le rapport de forces réel ainsi que l'identité des oppresseurs et opprimés dans chaque cas. Comme le disent très justement les spécialistes de l'antisémitisme et de la Shoah signataires de la « Lettre ouverte sur l'utilisation abusive de la mémoire de l'Holocauste » (ci-dessous une traduction améliorée del'original) :

Il est compréhensible que de nombreux membres de la communauté juive évoquent l'Holocauste et les pogroms antérieurs lorsqu'ils tentent de comprendre ce qui s'est passé le 7 octobre – les massacres et les images qui ont été diffusées à la suite de ces événements ont puisé dans la mémoire collective profondément ancrée de l'antisémitisme génocidaire, motivée par une histoire juive bien trop récente.

Cependant, faire appel à la mémoire de l'Holocauste obscurcit notre compréhension de l'antisémitisme auquel les Juifs sont confrontés aujourd'hui et dénature dangereusement les causes de la violence en Israël-Palestine. Le génocide nazi impliquait un État – et sa société civile consentante – s'en prenant à une infime minorité, ce qui s'est ensuite transformé en un génocide à l'échelle d'un continent. C'est pourquoi les comparaisons de la crise qui se déroule en Israël-Palestine avec le nazisme et l'Holocauste – surtout lorsqu'elles émanent de dirigeants politiques et d'autres personnes capables d'influencer l'opinion publique – sont des échecs intellectuels et moraux.

Ceci sans compter que, quelles que soient les ressemblances que l'on puisse identifier entre le Hamas et les nazis, il existe certainement davantage de similitudes entre ces derniers et le gouvernement sioniste d'extrême droite d'Israël. La coalition est dominée par le Likoud, un parti au pedigree fasciste, et comprend des ministres que l'historien israélien de la Shoah Daniel Blatman, professeur à l'Institute for Contemporary Jewry de l'Université hébraïque de Jérusalem, n'a pas hésité à qualifier de « néo-nazis » dans le quotidien israélien Haaretz.

Le 7 octobre en contexte

Pour avoir constaté le 24 octobre le fait plutôt évident et banal que le 7 octobre « ne s'est pas produitdans le vide », le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a été accusé par Israël de « justifier le terrorisme », tandis que l'ambassadeur d'Israël à l'ONU exigeait sa démission. Évoquant l'occupation d'après 1967, Guterres avait expliqué que « le peuple palestinien a été soumis à 56 ans d'occupation étouffante. Ils ont vu leurs terres progressivement dévorées par les colonies et en proie à la violence ; leur économie asphyxiée ; leurs semblables déplacés et leurs maisons démolies. Leurs espoirs d'une solution politique à leur triste sort se sont évanouis ».

Guterres avait par ailleurs affirmé que « les griefs du peuple palestinien ne peuvent justifier les attaques épouvantables du Hamas. Et ces attaques épouvantables ne peuvent justifier la punition collective du peuple palestinien. » Et pourtant, même Benny Gantz, opposant politique à Benjamin Netanyahou et membre prétendument « modéré » du cabinet de guerre israélien de l'après-7 octobre, a déclaré que le secrétaire général de l'ONU « agrée le terrorisme », ajoutant que « les apologistes du terrorisme ne peuvent pas parler au nom du monde », approuvant ainsi tacitement la demande formulée par le représentant d'Israël.

Ces réactions de responsables israéliens ne sont que de nouveaux exemples du déni de la réalité commun à toutes les puissances occupantes des temps modernes, depuis que l'éthique et le droit international dominants des temps modernes condamnent l'occupation du territoire d'un autre peuple. En fait, non seulement il est vrai que le 7 octobre « ne s'est pas produit dans le vide », mais il était tout à fait prévisible qu'une flambée de violence allait se produire à un moment donné, en particulier dans la bande de Gaza.

En décembre 2009, deux ans après le blocus imposé par Israël à Gaza à la suite du retrait de ses troupes en 2005 et de l'arrivée au pouvoir du Hamas en 2007, et quelques mois après la première grande campagne israélienne de bombardement de l'enclave (2008-9), Larry Derfner posait les bonnes questions à ses compatriotes israéliens dans le Jerusalem Post :

La question que nous devons nous poser est la suivante : si quelqu'un nous traitait comme nous traitons les habitants de Gaza, que ferions-nous ? […] Ce n'est pas que nous ne pouvons pas imaginer la vie à Gaza. C'est que nous sommes déterminés à ne pas essayer de l'imaginer. Si nous le faisions, nous ne nous arrêterions peut-être pas là. Nous pourrions ensuite essayer d'imaginer comment ce serait si notre pays se trouvait dans la situation dans laquelle nous avons laissé Gaza. Et tôt ou tard, nous pourrions essayer d'imaginer ce que nous ferions si nous vivions ici comme eux vivent là-bas.

Ou même pas ce que nous ferions, juste ce que nous penserions – des gens et du pays qui nous ont fait cela et qui ne nous permettent même pas de commencer à nous relever une fois la guerre terminée. Qui ont imposé un blocus à nos frontières et n'ont permis l'entrée d'approvisionnements qu'à un niveau minimal pour notre subsistance, de sorte à éviter la famine et les épidémies de masse.

En vérité, décrire le Hamas comme étant principalement motivé par l'antisémitisme et apparenté aux nazis n'est que la continuation, dans le nouvel épisode intensif en cours de la guerre israélo-arabe des récits, d'un vieux stratagème narratif éprouvé, inauguré par l'exploitation après 1945 de la figure d'Amin al-Husseini afin de présenter la conquête sioniste de la terre palestinienne en 1948 comme ultime bataille de la Seconde Guerre mondiale. Le dernier épisode de conquête coloniale des temps modernes pouvait ainsi être présenté comme la dernière bataille contre le nazisme.

Ce stratagème fonctionne bien dans les régions du monde qui portent la culpabilité du génocide nazi des Juifs européens : parmi les populations dont les ancêtres ont été auteurs du crime, complices directs ou spectateurs impassibles, y compris les pays qui ont claqué leurs portes au nez des réfugiés juifs. Ce stratagème ne fonctionne cependant pas pour la majeure partie de l'humanité qui, située dans les pays du Sud mondial, n'avait que peu d'intérêt dans la Seconde Guerre mondiale et a toujours perçu les Palestiniens, non pas comme continuateurs de l'impérialisme nazi, mais comme continuateurs de la longue série sanglante des victimes coloniales.


Flashback historique : Angola 1961

Peu après le 7 octobre, mon ami Michel Cahen, spécialiste français de l'histoire de l'Afrique lusophone, attirait mon attention sur un épisode historique survenu en Angola en 1961, qui présente une ressemblance frappante avec les événements en cours au Moyen-Orient. Intrigué, j'ai effectué une recherche sur la question et découvert que le parallèle allait bien au-delà du seul moment du 7 octobre. Voici les faits.

En 1961, dans le contexte d'une avancée majeure de la décolonisation sur le continent africain, le ressentiment contre l'irréductible colonialisme portugais s'était considérablement accru en Angola, surtout après que la République du Congo voisine (qui deviendra plus tard la République démocratique du Congo) eut obtenu son indépendance de la domination coloniale belge l'année précédente, incitant les autorités coloniales portugaises à intensifier leur répression contre les indépendantistes angolais. La lutte armée anticoloniale progressait dans les derniers territoires coloniaux d'Afrique, et l'Angola ne faisait pas exception. L'un de ses mouvements anticoloniaux était l'Union des populations de l'Angola (UPA), dont le leader, Holden Roberto, avait des liens tant avec le Front de libération nationale algérien – dont il adoptera plus tard le nom pour devenir Front de libération nationale de l'Angola (FLNA) – qu'avec la CIA.

Le 15 mars 1961, les combattants de l'UPA traversèrent la frontière du Congo au nord de l'Angola, rejoints par un grand nombre d'autochtones locaux. Une masse hétéroclite de quatre à cinq mille hommes, quelques-uns armés de fusils et la plupart de machettes, se lancèrent dans une frénésie meurtrière, tuant avec une horreur indescriptible plusieurs centaines, voire un millier (il n'y a pas de chiffres précis), de colons blancs – hommes, femmes, bébés et enfants – ainsi que beaucoup plus d'Angolais d'autres ethnies et de métis. Comme l'a écrit Maria da Conceição Neto soixante ans plus tard, « les images de blancs, de métis et de noirs massacrés allaient devenir la pièce maîtresse de la propagande portugaise visant à discréditer les assaillants en les qualifiant de “terroristes” et de “barbares” sans objectif politique. À ce jour, ce sont les images les plus répandues sur “le 15 mars”, créant immédiatement une barrière devant la compréhension de ce qui s'est passé… ».

Le gouvernement portugais du dictateur d'extrême droite António de Oliveira Salazar – qui prit en main personnellement le ministère de la défense à cette fin – lança une campagne de représailles massives, avec un recours intensif à l'armée de l'air. En quelques mois, des dizaines de milliers de personnes (plus de 50 000 à la fin de l'année, selon Nkwelle Ekaney) furent tuées parmi la population noire, plusieurs villages ayant été incendiés et rasés sur un vaste territoire. Une arme majeure utilisée par l'armée de l'air portugaise pour perpétrer ce massacre génocidaire fut le napalm fourni par l'administration américaine de John F. Kennedy.

Deux autres éléments du dossier historique sont pertinents ici. Premièrement, l'UPA/FLNA allait continuer en tant que rival, soutenu par la CIA, du Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA), soutenu par l'URSS. Mais le Portugal d'extrême droite était membre fondateur de l'OTAN. Par conséquent, comme Roberto l'a expliqué lui-même plus tard à un chercheur suédois :

« Nous n'avons pas pu recevoir d'aide des pays occidentaux, à cause de l'OTAN et des relations avec le Portugal. Nous n'avions aucun soutien. Le peu de soutien sur lequel nous pouvions compter provenait de pays africains et arabes, comme la Tunisie. Et Israël, qui était très important pour nous. Le gouvernement israélien nous a aidé à cette époque.

Tor Sellström : Avec des armes ?

Holden Roberto : Avec des armes. C'était avec l'aide de Golda Meir. »

Deuxièmement, Frantz Fanon, qui avait encouragé Roberto à lancer la lutte armée, a commenté les événements angolais dans le chapitre intitulé « Grandeur et faiblesses de la spontanéité » de son célèbre livre de 1961 Les Damnés de la Terre dans les termes suivants :

« On se souvient que, le 15 mars 1961, les paysans angolais se sont lancés par groupe de deux ou trois mille contre les positions portugaises. Hommes, femmes et enfants, armés ou non armés, avec leur courage, leur enthousiasme, se sont rués en masses compactes et par vagues successives sur des régions où dominaient le colon, le soldat et le drapeau portugais. Des villages, des aérodromes ont été encerclés et ont subi des assauts multiples, mais aussi des milliers d'Angolais ont été fauchés par la mitraille colonialiste. Il n'a pas fallu longtemps aux chefs de l'insurrection angolaise pour comprendre qu'ils devaient trouver autre chose s'ils voulaient réellement libérer leur pays. Aussi, depuis quelques mois, le leader angolais Holden Roberto a-t-il réorganisé l'Armée nationale angolaise en tenant compte des différentes guerres de libération et en utilisant les techniques de guérilla. »

Laquelle des deux séquences historiques suivantes ressemble le plus aux attentats anti-israéliens du 7 octobre menés par le Hamas et à l'offensive qui s'en est suivie, menée par le gouvernement israélien d'extrême droite : un massacre anti-juif commis par les nazis suivi de la destruction des Juifs européens perpétrée par les mêmes nazis ; ou le massacre anti-portugais commis par l'UPA et l'offensive qui s'en est suivie, menée par le gouvernement portugais d'extrême droite avec la complicité des États-Unis ?

Les Angolais menés par l'UPA le 15 mars étaient-ils principalement motivés par le racisme antiblanc ou par la haine de l'oppression coloniale portugaise ? De même, les Palestiniens menés par le Hamas le 7 octobre étaient-ils principalement motivés par l'antisémitisme ou par la haine de l'oppression coloniale israélienne ? Les réponses à ces questions devraient être évidentes pour quiconque n'est pas aveuglé par un racisme antipalestinien, anti-arabe ou antimusulman et par la « compassion narcissique » avec les Israéliens perçus comme blancs.

Gilbert Achcar, Professeur à l'École des études orientales et africaines (SOAS) de l'Université de Londres. Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Les Arabes et la Shoah. La guerre israélo-arabe des récits (2009) ; Le peuple veut : une exploration radicale du soulèvement arabe (2013) ; Symptômes morbides : la rechute du soulèvement arabe (2016) ; La Nouvelle Guerre froide. Etats-Unis, Russie et Chine, du Kosovo à l'Ukraine (2023).

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

L’attaque israélienne reportée contre l’Iran

30 avril 2024, par Gilbert Achcar — , , ,
Israël achèvera la guerre génocidaire qu'il mène contre Gaza depuis six mois et demi, avant de diriger inexorablement ses efforts militaires contre l'Iran et son auxiliaire (…)

Israël achèvera la guerre génocidaire qu'il mène contre Gaza depuis six mois et demi, avant de diriger inexorablement ses efforts militaires contre l'Iran et son auxiliaire libanais, le Hezbollah. (Traduit de l'arabe.)

Tiré du blogue de l'auteur.

Gilbert Achcar
Professeur, SOAS, Université de Londres

Le gouvernement israélien s'est contenté d'une attaque très limitée sur le territoire iranien vendredi dernier – si limitée que la nature même de l'attaque a été entourée de mystère. Tandis que Téhéran certifiait que l'attaque impliquait uniquement de petits drones lancés depuis l'intérieur de l'Iran, des sources américaines ont affirmé qu'en plus de drones lancés afin de saturer les radars, l'attaque comprenait un à trois missiles lancés depuis un avion qui s'est approché de l'espace aérien iranien. Toutefois, les images satellite ont confirmé que la frappe a touché un système de défense aérienne dédié à la protection du réacteur d'enrichissement d'uranium de Natanz, réacteur le mieux protégé d'Iran, enfoui sous d'épaisses couches de béton et de sable, et considéré comme le lieu où se déroulent les préparatifs pour doter l'Iran en armes nucléaires. Autrement dit, Israël voulait transmettre au régime iranien le message qu'il peut pénétrer ses défenses aériennes et frapper ce réacteur stratégiquement important.

Le contraste était clair entre l'attaque iranienne massive contre l'État sioniste, avec son impact limité, et la « frappe chirurgicale » israélienne contre l'Iran. Téhéran avait lancé au moins 320 drones, missiles de croisière et missiles balistiques, parmi lesquels Israël avait initialement affirmé que seuls quatre missiles balistiques avaient frappé son territoire, ce qui représente pour ses défenses un taux de réussite de 99 %. Cependant, des sources américaines ont rapporté plus tard que neuf missiles avaient pénétré les défenses aériennes israéliennes, et non quatre seulement. Cela a amené un chercheur israélien interrogé par le journal israélien Maariv (17 avril 2024) à affirmer que le taux d'interception réel était de 84 %, étant donné qu'il doit être mesuré par rapport aux seuls missiles balistiques, la véritable source de danger, et parce que la moitié des missiles lancés par l'Iran, dont le nombre total est estimé à 110 par le même expert, sont tombés en Irak, en Syrie et en Jordanie (9 missiles constituent ainsi 16 pour cent des 55 missiles entrés dans l'espace aérien israélien selon l'estimation de l'expert).

Il convient de noter comment le même expert a terminé son entretien avec le journal israélien. Estimant que l'Iran a utilisé dans son attaque entre 10 et 15 pour cent de sa flotte de missiles capables d'atteindre le territoire israélien, il a affirmé que ces engins manquent de précision et ont un taux d'échec élevé, et a conclu qu'ils ne constituent pas une menace existentielle pour l'État sioniste, à moins qu'ils ne soient équipés de têtes nucléaires. C'est ce qui nous a fait affirmer précédemment que « la logique stratégique incite Téhéran à accélérer son acquisition de l'arme nucléaire et à le faire savoir une fois que ce sera fait, car c'est le moyen de dissuasion le plus efficace que l'Iran puisse acquérir ». En effet, pour la première fois jeudi dernier, un jour avant l'attaque israélienne, le général Ahmed Haq Talab, commandant de la Brigade de protection et de sécurité des installations nucléaires des Gardiens de la révolution iraniens, a déclaré que « si Israël tente d'utiliser la menace d'attaquer des installations nucléaires pour faire pression sur l'Iran, une révision de la doctrine nucléaire et un écart par rapport aux considérations annoncées précédemment sont probables » (Agence de presse iranienne Tasnim).

C'est la première fois que Téhéran affirme explicitement sa disposition à acquérir des armes nucléaires, après avoir souligné pendant des années que ses intentions dans le domaine nucléaire étaient uniquement pacifiques et qu'il considérait même les armes nucléaires comme religieusement illicites. Avant le général, le chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique, Mohammad Eslami, avait déclaré en début d'année que « la dissuasion a été obtenue avec l'aide de Dieu », une déclaration qui a retenu l'attention des observateurs car le terme « dissuasion » est généralement utilisé pour décrire la fonction des armes nucléaires. Après avoir réaffirmé la position officielle, Eslami a ajouté : « Il ne s'agit pas d'un manque de capacités… Il ne faut pas sous-estimer ce que nous avons accompli en pensant que nous n'y sommes pas encore. » Le mois suivant, son prédécesseur à la tête de l'OIEA, Ali Akbar Salehi, déclarait que l'Iran possédait les composants des armes nucléaires et qu'il n'aurait besoin que de les assembler s'il le voulait. Alors que les sources américaines reconnaissent que Téhéran dispose désormais de suffisamment d'uranium enrichi pour pouvoir produire en quelques jours du combustible de qualité militaire pour au moins trois bombes nucléaires, elles ajoutent que l'Iran aurait besoin de quelques mois pour fabriquer des bombes et d'environ deux ans pour parvenir à équiper des missiles de têtes nucléaires.

Cependant, il est probable que ces estimations, répétées par les sources américaines depuis un certain temps déjà, visent à rassurer les alliés israéliens et éviter qu'ils ne fassent pression sur Washington pour qu'il entreprenne une action militaire, ou n'agissent eux-mêmes, entraînant ainsi Washington dans une guerre régionale à un moment qu'il n'a pas choisi. Les milieux du renseignement israélien contestent constamment les estimations américaines. Ils ont raison dans leurs craintes, car l'Iran a développé des missiles balistiques à longue portée d'un type que seuls les pays dotés d'armes nucléaires possèdent, et il a certainement plus de savoir-faire technologique que le Pakistan n'en avait lorsqu'il s'est doté d'armes nucléaires il y a un quart de siècle, sans parler de la coopération militaire actuelle entre l'Iran, d'une part, et la Corée du Nord et la Russie, d'autre part, toutes deux dotées de l'arme nucléaire. Il suffit en outre que l'Iran possède un ou deux missiles nucléaires pour avoir une pleine capacité de dissuasion contre l'État sioniste, compte tenu de la petite superficie de ce dernier.

Le message qu'Israël a envoyé à l'Iran vendredi dernier n'est donc rien d'autre que la menace d'une action de bien plus grande envergure. Le gouvernement Netanyahu a choisi de reporter la date d'une frappe à grande échelle visant à neutraliser les capacités nucléaires de l'Iran, conformément au souhait de Washington et pour des considérations économiques et militaires connexes. En effet, Israël a besoin de l'aide américaine pour remplacer le matériel utilisé pour faire face à l'attaque iranienne dans la nuit du 13 au 14 avril, et les États-Unis eux-mêmes doivent remplacer ce que leurs forces locales ont utilisé pour défendre leur allié israélien le même soir. Ces deux reconstitutions de stocks sont en effet deux dispositions des crédits supplémentaires que la Chambre des représentants américaine a approuvés samedi dernier, au lendemain de la frappe israélienne limitée. De plus, selon les médias américains et israéliens, le président américain Biden a donné le feu vert à Netanyahu pour l'offensive sur Rafah en échange du renoncement d'Israël à lancer une frappe majeure contre l'Iran pour le moment. Cela indique que l'État sioniste achèvera la guerre génocidaire qu'il mène contre Gaza depuis six mois et demi, avant de diriger inexorablement ses efforts militaires contre l'Iran et son auxiliaire libanais, le Hezbollah.

Traduction de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est paru le 23 avril en ligne et dans le numéro imprimé du 24 avril. Vous pouvez librement le reproduire en en indiquant la source avec le lien correspondant.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Fabrication de la famine : Israël commet le crime de guerre de la famine dans la bande de Gaza

Au début du mois d'avril 2024, une frappe aérienne israélienne sur un convoi de la World Central Kitchen (WCK) qui s'apprêtait à livrer de l'aide humanitaire dans la bande de (…)

Au début du mois d'avril 2024, une frappe aérienne israélienne sur un convoi de la World Central Kitchen (WCK) qui s'apprêtait à livrer de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza a tué sept travailleurs de l'organisation. WCK, qui joue un rôle clé dans les efforts d'aide humanitaire dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre, a interrompu ses activités à la suite de l'incident. Plusieurs autres organisations ont également annoncé qu'elles suspendaient leurs activités dans la bande de Gaza parce qu'elles craignaient pour la vie de leurs travailleurs.

Tiré d'Europe solidaire sans frontière. Article publié à l'origine par B'Tselem.

L'assassinat des travailleurs humanitaires, dont six étaient des ressortissants étrangers, a suscité de vives critiques à l'égard d'Israël de la part de hauts responsables de la communauté internationale, en particulier du président américain Joe Biden. Dans une déclaration spéciale publiée par la Maison Blanche, le président Biden a affirmé qu'Israël ne faisait pas assez pour éviter de blesser les civils et les travailleurs humanitaires qui tentent d'apporter une aide « désespérément nécessaire » à la population affamée de la bande de Gaza, et qu'il ne s'agissait pas d'un « incident isolé ». Tout cela fait suite aux mesures provisoires prises par la Cour internationale de justice à la fin du mois de janvier, enjoignant à Israël d'autoriser l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza.

Répondant à la pression internationale, les responsables israéliens, y compris le porte-parole des FDI et la Coordination des activités gouvernementales dans les territoires COGAT), se sont engagés à travailler à l'amélioration des conditions humanitaires dans la bande de Gaza, ont publié des chiffres à ce sujet et ont même annoncé la réouverture du point de passage d'Erez et l'augmentation du nombre de camions autorisés à entrer dans Gaza. Le porte-parole de l'IDF est allé jusqu'à annoncer à la presse étrangère « l'expansion des efforts pour faciliter l'aide humanitaire à Gaza ».

Il est trop tôt pour déterminer comment le changement de politique d'Israël affectera la réalité sur le terrain. Cependant, il est clair que c'est trop peu, trop tard, et qu'Israël est le principal responsable de la crise humanitaire qui, depuis le début de la guerre il y a environ six mois, s'est transformée en la catastrophe dont nous sommes témoins aujourd'hui. Pendant des mois, Israël a refusé de laisser entrer l'aide humanitaire par les points de passage terrestres situés sur son territoire, limitant ainsi la quantité d'aide qui pouvait entrer. Même lorsque, à la suite de pressions internationales, Israël a accepté de laisser entrer l'aide sur son territoire, les quantités étaient loin de répondre aux besoins de la population, et Israël s'est même abaissé jusqu'à essayer de donner une fausse image selon laquelle il n'y avait pas de crise alimentaire grave à Gaza. Le changement de politique actuel ne peut exonérer Israël de sa responsabilité dans la crise de la faim dans la bande de Gaza, et il est douteux que les « nouvelles mesures » qu'il a récemment annoncées – dont il est trop tôt pour analyser l'effet sur le terrain, dans la mesure où elles existent réellement – puissent répondre aux besoins actuels de la population civile de la bande de Gaza.

Dans ce document, nous examinons l'ampleur actuelle de la crise de la faim dans la bande de Gaza, ses conséquences à court et à long terme, le comportement d'Israël à cet égard et les implications juridiques de ce comportement. Nous nous appuyons sur les chiffres et les données les plus récents disponibles.

Sur la base de divers rapports d'organismes internationaux sur la situation à Gaza et des témoignages recueillis par les chercheurs de B'Tselem sur le terrain, nous concluons malheureusement que depuis des mois, Israël commet le crime de famine au regard du droit international dans la bande de Gaza.

L'état de la faim dans la bande de Gaza au cours des derniers mois

Le rapport de l'IPC, une initiative impliquant plus de 15 organisations internationales d'aide humanitaire dirigée par l'ONU et publiée fin mars, a déterminé que la bande de Gaza était au bord de la famine. Il s'agit de la phase 5 de l'IPC, ou classification intégrée des phases de sécurité alimentaire, la moitié des habitants de Gaza souffrant d'une insécurité alimentaire catastrophique. Selon la norme internationale reconnue, une région est en état de famine lorsqu'au moins 20% des ménages sont confrontés à des carences alimentaires extrêmes et qu'au moins 30% des enfants souffrent de malnutrition sévère.

Selon le rapport, en février et mars 2024, l'ensemble de la bande de Gaza se trouvait en phase 4 de l'échelle de la faim, certains ménages se trouvant déjà en phase 5 d'insécurité alimentaire aiguë : 55% des ménages dans le nord, 25% dans le centre de la bande de Gaza et 25% dans le sud. Le rapport prévoit que la situation se détériorera encore dans les mois à venir et que 70% des ménages dans le nord, 50% dans le centre de Gaza et 45% dans le sud atteindront la phase 5.

Des chiffres et des mises en garde similaires ont été publiés ces dernières semaines par l'Organisation mondiale de la santé, l'USAID, Human Rights Watch, le Programme alimentaire mondial, le Global Nutrition Cluster et d'autres responsables humanitaires internationaux. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), en mars 2024, 2,2 millions de personnes (près de 100% de la population) à Gaza étaient en situation d'insécurité alimentaire de phase 3 ou pire, 1,17 million étaient en phase 4 et près d'un demi-million de personnes étaient en situation d'insécurité alimentaire de phase 5, le niveau le plus élevé.

« Il n'y a ni eau ni nourriture ici. En fait, il n'y a rien ici. Il n'y a pas non plus de nourriture au marché – pas de conserves, de farine ou de riz. Il n'y a même plus d'orge. Parfois, nous parvenons à trouver des khubeiza qui poussent au bord de la route ou dans les champs et nous les cueillons. Si nous parvenons à trouver du carton ou du bois pour faire du feu, nous le faisons cuire dans de l'eau et nous le mangeons pendant un jour ou deux, ce qui nous permet au moins de mieux dormir la nuit. Nous avions l'habitude de manger de la khubeiza peut-être une fois par an, et maintenant c'est presque notre seule source de nourriture. Ces quatre derniers jours, nous n'avons pas dormi du tout tellement nous avions faim. Nous n'avons rien mangé. Nous n'avons pas pu trouver de nourriture. Je ne fais que chercher de la nourriture, tout le temps, et je n'arrête pas d'y penser la nuit non plus. Ici, dans le camp, tout le monde est pâle de faim et tient à peine sur ses jambes. »
Khamis al-A'araj, 52 ans, camp de déplacés d'al-Falujah. Lire le témoignage complet ici.

Début avril, Samantha Power, qui dirige l'Agence américaine pour le développement international (USAID), a estimé que la famine sévissait déjà dans le nord de la bande de Gaza. Cette évaluation a été faite lors d'une audition de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis. C'est la première fois qu'un fonctionnaire américain déclare que la famine est déjà présente à Gaza, après des mois d'avertissements sur l'escalade de la crise de la faim.

De nombreux fonctionnaires font état de l'impact sur le terrain. Les équipes médicales internationales qui ont visité l'hôpital Kamal Adwan, le seul établissement médical du nord de la bande de Gaza spécialisé en pédiatrie, ont fait état d'une véritable catastrophe humanitaire. Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé a déclaré que 10 enfants étaient morts à l'hôpital à cause de la faim. L'OCHA a indiqué que 32 personnes, dont 28 enfants, sont mortes de malnutrition ou de déshydratation depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza. Il a également été rapporté qu'environ 16% des enfants de moins de deux ans dans le nord de Gaza souffrent de malnutrition sévère, et 5% à Rafah. L'Organisation mondiale de la santé a également déclaré que tous les ménages de Gaza « sautent » des repas en raison de la grave pénurie alimentaire, les adultes se retenant de manger pour que leurs enfants puissent le faire. Le rapport sur la situation humanitaire publié par le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) indique que, dans la semaine du 29 février au 6 mars, la ligne d'urgence de l'UNICEF a reçu plus de 1 000 appels concernant des pénuries alimentaires ou la faim, principalement dans le nord de la bande de Gaza.

« Yazan est né avec une maladie musculaire et a été traité dans des hôpitaux de Gaza et de Jérusalem. Au cours des quatre dernières années, il a bénéficié d'une physiothérapie et d'un régime alimentaire spécial, ce qui lui a permis d'avoir une vie normale. […] Nous ne pouvions pas fournir à Yazan la nourriture dont il avait besoin – ni œufs, ni fruits, ni légumes. Il n'y en avait pratiquement pas et ce qui était disponible, nous ne pouvions pas l'acheter. Il n'y a pas eu beaucoup d'aide sur place. Ils ont surtout distribué des conserves et des céréales. En dehors de cela, nous avions surtout du pain et du thé. À l'heure du déjeuner, nous lui préparions de la bouillie de semoule, et comme il était impossible de se procurer du lait frais, nous utilisions du lait en poudre. Parfois, j'allais jusqu'à Rafah pour chercher de la semoule pour lui, et quand je n'en trouvais pas, je lui achetais du halva. Nous ne pouvions pas non plus obtenir les médicaments qu'il prenait avant la guerre, et il n'a évidemment pas bénéficié de physiothérapie. Il n'y avait ni eau ni électricité et c'était sale. Tous nos enfants avaient des maux d'estomac à cause de la mauvaise alimentation.

Yazan pesait 15 kilos avant la guerre et perdait rapidement du poids. Nous avons décidé de déménager à Rafah il y a 35 jours, dans l'espoir de trouver des médicaments et des aliments plus sains pour lui, ainsi qu'un environnement plus propre. […] Mais même à Rafah, nous ne pouvions pas fournir à Yazan des médicaments ou de la nourriture appropriée et son état continuait à empirer. Je l'ai emmené à l'hôpital Abu Yusef a-Najar. Les médecins l'ont examiné et ont dit qu'il devait être hospitalisé pour malnutrition et perte de poids sévère. Il avait également des mucosités dans la poitrine. Ils l'ont nourri par voie intraveineuse et l'ont mis sous inhalation et oxygène, mais son état n'a cessé d'empirer.

Le 2 mars 2024, je lui ai apporté des vêtements propres. Lorsque nous l'avons habillé, je l'ai regardé et mon cœur s'est brisé. Il n'avait plus que la peau sur les os. Il ne pesait plus que la moitié de son poids.

Le 3 mars, à 4 heures du matin, ma femme m'a appelé pour me dire que Yazan était décédé. Je suis allé immédiatement à l'hôpital. Je l'ai pris dans mes bras.
Sharif al-Kafarneh, 31 ans, camp de déplacés à Rafah. Lire le témoignage complet ici.

Une équipe médicale d'urgence composée de volontaires de plusieurs organisations humanitaires du monde entier a signalé des patients mourant d'infections dues à la malnutrition aiguë. Les travailleurs et les travailleuses humanitaires qui arrivent dans les hôpitaux de la bande de Gaza rencontrent des équipes médicales épuisées et affamées qui ont désespérément besoin de nourriture et d'eau. Les patient·es des hôpitaux – des personnes souffrant de maladies chroniques telles que le cancer ou le diabète, des personnes se remettant de blessures graves, d'opérations chirurgicales et de la perte de membres due aux combats, ainsi que des femmes ayant récemment accouché et des nouveau-nés – souffrent tous de la faim, ce qui entrave leur rétablissement.

Le président du Conseil national de sécurité alimentaire d'Israël, le professeur Roni Strier, s'est récemment exprimé sur l'état de la sécurité alimentaire à Gaza :

« Il existe de solides témoignages d'organisations internationales avec lesquelles nous travaillons en permanence, telles que la Banque mondiale, l'Organisation mondiale de la santé et le Programme alimentaire mondial, ainsi que de diverses institutions telles que les organisations d'aide internationale et la presse mondiale, qui attestent de l'exceptionnelle catastrophe humanitaire, notamment de la faim extrême de la population locale. »

L'impact de la faim sur la santé de la population

La malnutrition peut accroître la vulnérabilité aux maladies et aux infections, en particulier chez les enfants, ainsi que le risque de décès [1] ; elle prolonge considérablement le temps de guérison des maladies et des blessures existantes et augmente le risque d'effets à long terme sur la santé. Le taux de mortalité des enfants de Gaza est déjà élevé en raison de la combinaison de la malnutrition et des maladies existantes.

« Nous sommes neuf dans la tente, sans eau, sans électricité, sans médicaments et presque sans nourriture. La vie ici ressemble à un désastre. Nous vivons dans le désert, dans des conditions impropres à l'habitation humaine. Il est difficile d'obtenir de l'eau potable ou même de l'eau pour le nettoyage. Il n'y a pas moyen de se laver, et nous ne faisons pas de lessive non plus. Nous avons très froid car nous n'avons pas de vêtements chauds. Il y a des insectes partout ici – des moustiques et des mouches, et des reptiles aussi. Nous avons tous perdu beaucoup de poids et nous nous sentons toujours faibles et épuisés. Nous dormons à peine la nuit.

Nos enfants ont des problèmes de santé. Kinan souffre d'une carence en calcium et doit recevoir une injection une fois par mois. Je n'ai réussi à faire les injections que deux fois pendant la guerre, parce qu'elles coûtent 30 shekels ( USD 8) par mois et que nous ne pouvons même pas nous le permettre. [Muhammad est atteint d'une hépatite incurable. Il a besoin d'un régime alimentaire sain, mais nous ne pouvons pas le lui fournir. »
Fatimah Baker, 37 ans, camp de déplacés à Rafah. Lire le témoignage complet ici.

Outre ses effets dévastateurs à court terme, la faim a des conséquences funestes à long terme. La malnutrition et ses effets secondaires ont des conséquences considérables sur le développement neurologique et cognitif des enfants, en particulier au cours des deux premières années de leur vie. Les bébés qui naissent avec une insuffisance pondérale et les enfants qui souffrent de malnutrition ont un quotient intellectuel inférieur, et leurs performances et résultats scolaires sont moindres. La faim contribue également de manière significative à l'augmentation des problèmes comportementaux et psychologiques chez les enfants.

En outre, la malnutrition au cours des premières années de la vie interfère avec le développement du système musculo-squelettique, ainsi qu'avec le développement des bactéries intestinales, dont l'absence augmente le risque de maladies chroniques à un âge avancé. La malnutrition pendant la grossesse entrave le développement cognitif et augmente le risque de diabète et d'obésité plus tard dans la vie. La faim et la malnutrition peuvent même contribuer au développement de troubles de la santé chez les générations futures, y compris, entre autres, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l'obésité et une tendance accrue à transmettre des maladies infectieuses et des infections, telles que la tuberculose [2].

Difficultés d'acheminement et de distribution de l'aide humanitaire

Après six mois de combats et de bombardements incessants (qui font suite à des années de blocus et d'opérations militaires fréquentes), il est pratiquement impossible de cultiver des aliments ou de produire des aliments à base de produits locaux. Une grande partie des zones agricoles de Gaza ont été détruites par les bombardements, et celles qui restent constituent toujours un risque pour les agriculteurs et agricultrices palestiniennes car elles sont exposées aux tirs d'obus. Toutes les branches du secteur de la production alimentaire ont été lourdement endommagées et les destructions massives causées par les bombardements israéliens ont presque complètement mis hors service les usines de production alimentaire, les boulangeries, les entrepôts alimentaires et les marchés. En outre, les centaines de milliers de personnes déplacées de leurs maisons ont peu ou pas d'accès à l'eau courante et aux fournitures et provisions nécessaires à la cuisine.

Les témoignages donnés à B'Tselem indiquent que le prix de la nourriture et des autres articles encore disponibles dans la bande de Gaza a augmenté de centaines de pour cent ou plus, entraînant des coûts exorbitants que la grande majorité de la population ne peut pas se permettre. Dans ce contexte choquant, les posts répétés de la Coordination israélienne des activités gouvernementales dans les territoires COGAT) montrant des photos de stands débordant de nourriture à Gaza sont révoltants. Au vu des prix de ces stands, décrits dans les témoignages, il s'agit clairement d'une tentative de l'armée israélienne de faire croire qu'il y a suffisamment de nourriture à Gaza, alors que la réalité est tout autre.

« Un sac de farine qui coûtait 30 shekels ( 8 USD) avant la guerre est passé à 600 shekels ( 168 USD). Nous devions nous contenter d'un repas par jour et il y avait des jours où nous ne mangions pas du tout. Parfois, les voisins nous donnaient de l'eau et de la nourriture. Il était également très dangereux de sortir pour s'approvisionner en nourriture à cause des tirs et des bombardements. […] Une fois tous les 10 à 15 jours, nous recevons de l'eau, et parfois, il est possible d'obtenir de la farine et de faire du pain pita, mais la plupart du temps, nous n'avons vraiment rien à manger. Au cours du dernier mois, nous avons eu moins d'un repas par jour. À cause de la faim, ma femme peut à peine allaiter notre fils de neuf mois, Yamen, et le lait maternisé est introuvable. Il y a peu, nous avons réussi à acheter un kilo de dattes pour 40 NIS ( X USD), ce qui nous a permis de survivre. Nous vivons de ce que nous parvenons à obtenir – un peu de riz, un peu de maïs que nous avons moulu, et aussi de l'orge, qui est destiné à nourrir les animaux de la ferme. Le prix de l'orge s'est également envolé. Aujourd'hui, même l'orge est épuisé et les gens ont commencé à moudre de la nourriture pour oiseaux et lapins. Mais il n'y en a pas beaucoup non plus. Il n'y a pas de nourriture pour les humains ni pour les animaux ».
Ibrahim a-Ghandur, 38 ans, Gaza City. Lire le témoignage complet ici.

Pour se procurer de la nourriture, les habitant·es de la bande de Gaza dépendent aujourd'hui presque entièrement de l'aide fournie par les États et les organisations internationales. Cependant, les camions d'aide passent par un processus long et ardu avant d'atteindre leur destination à l'intérieur de Gaza. La plupart des fournitures d'aide sont stockées à Al-Arish, en Égypte. De là, elles sont transportées à Gaza dans des camions via l'un des deux seuls points de passage, tous deux situés dans le sud de la bande de Gaza. L'accès à ces points de passage est difficile et prend du temps, avec de nombreux arrêts en cours de route. La cargaison des camions est contrôlée plusieurs fois, généralement à la fois au point de passage de Rafah et à Nitzana ou à Kerem Shalom, ce qui entraîne des retards importants. La cargaison est déchargée aux points de passage, puis chargée dans d'autres camions et acheminée vers des installations de stockage à l'intérieur de la bande de Gaza. De là, l'aide est distribuée dans différentes parties de Gaza, en coordination avec Israël. En raison des restrictions imposées par Israël et des graves dommages causés aux infrastructures par les bombardements israéliens, seule une fraction de l'aide atteint le nord de la bande de Gaza, où, comme le montrent les chiffres, la situation humanitaire en général, et la faim en particulier, sont particulièrement graves.

En raison des nombreux obstacles aux efforts d'aide humanitaire sur le terrain, les initiatives et les plans d'acheminement de l'aide par voie aérienne et maritime ont pris de l'ampleur. Outre le corridor d'aide maritime établi au large des côtes de Gaza, neuf pays (Jordanie, Égypte, États-Unis, Émirats arabes unis, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, France et Singapour) ont reçu, début avril, l'autorisation de larguer de l'aide à partir d'avions-cargos survolant la bande de Gaza. Ces solutions permettent de contourner la lourdeur de la bureaucratie israélienne, mais les experts estiment qu'elles sont lentes, coûteuses et très limitées en quantité par rapport à l'aide acheminée par camion. L'aide acheminée par avion a également causé des dommages et des blessures, tuant cinq personnes depuis le début du mois de mars, selon les médias palestiniens.

Comme si la myriade d'obstacles qu'Israël dresse sur le chemin de la réponse humanitaire à la crise qu'il a créée ne suffisait pas, Israël rend également difficile la distribution efficace de l'aide à la population, qui lutte pour survivre. Par exemple, malgré le rôle essentiel joué par l'Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA) dans la collecte et la distribution de l'aide, depuis le début des hostilités, Israël a pris des mesures pour restreindre les opérations de l'UNRWA et même pour l'expulser de la bande de Gaza, parce que certains de ses employés auraient participé à l'attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre. Ces mesures sont prises en dépit du fait qu'aucun autre organisme ne peut assumer les nombreux rôles civils et humanitaires de l'agence.

L'UNRWA et un grand nombre d'organisations d'aide humanitaire de premier plan affirment que depuis de nombreux mois, Israël ne respecte pas ses obligations légales et morales et ne fournit en pratique qu'une aide nutritionnelle limitée et réduite qui est loin de répondre à l'ampleur actuelle de la faim. Les chiffres de la faim croissante dans la bande de Gaza corroborent ces affirmations. En mars, Josep Borrell, chef de la politique étrangère de l'UE, a déclaré qu'Israël provoquait la faim et utilisait la famine comme méthode de guerre. Israël refuse également d'accorder des visas aux travailleurs humanitaires qui cherchent à se rendre à Gaza et se vante même de refuser les demandes.

L'État d'Israël, pour sa part, rejette sa responsabilité dans la situation, affirmant notamment que le Hamas est responsable de la perturbation des convois d'aide et du vol de l'aide. Que ces affirmations soient fondées ou non, Israël reste responsable de prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre aux besoins humanitaires de la population occupée.

« Notre situation est très difficile. Nous dépendons maintenant entièrement de la charité, mais il n'y a pas assez de nourriture. Les seules choses que l'on peut acheter ici sont des conserves et des céréales qui coûtent très cher. Il n'y a rien de sain à manger. Cela fait des mois que nous n'avons pas mangé de légumes ni de fruits. Ils sont très rares et chers. La viande est hors de question. Je me souviens à peine de ce à quoi elle ressemble. Lorsque la viande arrive dans les magasins, elle coûte 120 shekels ( 32 USD) le kilo. Les œufs sont également rares et coûtent 100 shekels le paquet ».
Hanan Abu Rabi', 30 ans, camp de personnes déplacées à Rafah. Lire le témoignage complet ici.

Les envois d'aide qui parviennent à surmonter les nombreux obstacles, y compris ceux imposés par Israël, se heurtent parfois à la machine de guerre israélienne, qui continue d'opérer à Gaza. À la mi-mars, le ministère palestinien de la santé a déclaré qu'au moins 21 personnes avaient été tuées et 150 blessées par les tirs des FDI alors qu'elles se pressaient sur la place Koweït, à Gaza, pour recevoir de l'aide. Un incident similaire s'est produit plus tôt, fin février, lorsque plus de 100 personnes ont été tuées et plus de 700 blessées lorsque des milliers de personnes ont pris d'assaut des camions d'aide arrivant dans la rue a-Rashid dans la ville de Gaza. Israël a affirmé que la plupart des décès étaient dus aux camions eux-mêmes et à la foule, et que les troupes avaient respecté les règles relatives aux tirs à découvert. Le ministère palestinien de la santé, quant à lui, a déclaré que les tirs étaient à l'origine d'un grand nombre de blessures. Les témoignages reçus par B'Tselem vont dans le même sens.

« Mais ce qui s'est passé sur la place a-Nabulsi le 29 février 2024 est quelque chose que je n'oublierai jamais. J'y suis allé avec des milliers d'autres personnes pour chercher des sacs de farine, et lorsque nous nous sommes approchés des camions, nous avons essuyé des tirs massifs. De nombreuses personnes ont été blessées par les tirs, et certaines ont été tuées. C'était un spectacle choquant. Horrible. Le sang s'est infiltré dans la farine et l'expression « pain trempé dans le sang » est devenue une réalité.

Les gens n'y allaient que pour chercher de la nourriture pour leur famille. Certains sont revenus blessés, d'autres ne sont pas revenus du tout. Tout ce que je veux, c'est survivre à la faim qui nous tue tous dans le nord de Gaza. Au moins, sauvez les enfants, qui meurent de faim ici depuis si longtemps. »
Ahmad Abu Ful, 40 ans, camp de réfugiés de Jabalya. Lire le témoignage complet ici.

Le crime de guerre qu'est la famine

Le droit international des droits de l'homme contient une interdiction générale de la famine. Il interdit notamment aux États de prendre des mesures qui auraient pour effet de priver des personnes de l'accès à la nourriture, même lorsqu'elles vivent en dehors du territoire de l'État [3].

L'interdiction d'utiliser la famine comme méthode de guerre découle de l'obligation générale, énoncée dans le droit de la guerre, de protéger la population civile en temps de guerre et de l'interdiction qui en découle de porter atteinte aux biens nécessaires à la survie de la population [4].

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) prévoit une interdiction pénale concrète de la famine. La privation de nourriture des civils en tant que méthode de guerre est définie dans le Statut comme un crime de guerre, qui relève de la compétence de la CPI en matière d'enquête et de poursuites.

Le Statut de Rome définit le crime de famine comme suit :

« Le fait d'utiliser intentionnellement la famine comme méthode de guerre en privant des civils d'objets indispensables à leur survie, y compris en entravant délibérément l'acheminement des secours… ».
(Statut de Rome de la CPI, art. 8(2)(b)(xxv))

L'infraction comporte quatre éléments : le comportement, l'intention, le contexte et la conscience du contexte. Si ces quatre éléments sont réunis, le crime a été commis. Ci-dessous, nous examinons brièvement les quatre éléments par rapport à ce que nous savons des actions d'Israël dans la bande de Gaza au cours des derniers mois.

Le comportement interdit consiste à priver la population d'objets indispensables à sa survie (ou à lui en fournir délibérément des quantités insuffisantes). Les objets nécessaires à la survie peuvent être divers et inclure différents éléments, en fonction des circonstances spécifiques. Les actions qui ont un impact indirect sur l'accès aux objets nécessaires à la survie peuvent également être considérées comme de la famine, lorsque le résultat contribue à empêcher l'accès à ces objets.

Comme nous l'avons vu, depuis de nombreux mois, Israël empêche l'aide humanitaire nécessaire, notamment la nourriture et les médicaments, d'entrer dans la bande de Gaza et en particulier dans le nord de la bande de Gaza. La destruction qu'Israël a semée pendant les combats a pratiquement réduit à néant la capacité de cultiver localement des denrées alimentaires ou de s'en procurer pour la production. Dans ces conditions, le régime alimentaire de la population dépend presque entièrement de l'aide extérieure, qui est contrôlée par Israël. Comme décrit ci-dessus, Israël manque à ses obligations à cet égard en n'autorisant pas l'entrée d'une aide suffisante dans la bande de Gaza et en ne garantissant pas l'arrivée en toute sécurité de l'aide à destination, même dans les zones qu'il dit être sous son contrôle.

Le deuxième élément est l'utilisation intentionnelle de la famine comme méthode de guerre, c'est-à-dire pour obtenir un avantage militaire ou affaiblir l'ennemi. L'interdiction s'applique aux comportements dont on sait qu'ils provoquent la famine et qui sont destinés à servir l'effort de guerre. Par conséquent, il n'est pas nécessaire qu'un résultat (comme la mort de civils ou une malnutrition massive) découle directement du comportement qui relève de la définition de la famine.

L'intention d'Israël d'utiliser la famine pour obtenir un avantage militaire se reflète dans les déclarations de hauts responsables politiques et de commandants militaires, selon lesquelles le fait de priver les habitant·es de nourriture et d'eau fait partie des méthodes de guerre d'Israël dans la bande de Gaza. Par exemple, le ministre de la défense Yoav Gallant, membre du cabinet de guerre, qui est la plus haute instance dirigeant la politique d'Israël dans sa guerre à Gaza, a explicitement déclaré que le fait de priver les habitant·es d'eau et de nourriture faisait partie des combats : « Nous imposons un siège total à la ville de Gaza. Il n'y a pas d'électricité, pas de nourriture, pas d'eau, pas de carburant. Tout est fermé. Nous combattons des bêtes et nous agissons en conséquence ». Le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a établi un lien entre les efforts déployés pour libérer les otages israéliens et le fait d'empêcher l'aide humanitaire d'entrer dans la bande de Gaza : « Tant que le Hamas refusera de libérer les otages qu'il détient, seules des centaines de tonnes d'explosifs de l'armée de l'air devraient entrer à Gaza, et pas un gramme d'aide humanitaire. » Le ministre des affaires étrangères, Yisrael Katz, a déclaré :

« Pendant des années, nous avons fourni à Gaza de l'électricité, de l'eau et du carburant. Au lieu de nous remercier, ils ont envoyé des milliers de bêtes pour massacrer, violer et kidnapper des bébés, des femmes et des personnes âgées. C'est pourquoi nous avons décidé d'arrêter l'approvisionnement en eau, en électricité et en carburant, et maintenant leur centrale électrique locale s'est effondrée et il n'y a plus d'électricité à Gaza. Nous continuerons à renforcer le siège jusqu'à ce que la menace que le Hamas fait peser sur Israël et sur le monde soit écartée. Le passé ne sera pas l'avenir ».

Quant à la conscience qu'a Israël que ses actions provoquent la famine, il ne fait aucun doute que les responsables israéliens sont conscients de la faim qui se développe dans la bande de Gaza et en particulier dans le nord, que le Premier ministre Netanyahou dit avoir été « conquis » par Israël. Cette prise de conscience est le résultat de nombreux rapports et chiffres publiés par des organismes internationaux, ainsi que d'un recours devant la Cour suprême israélienne déposé par plusieurs organisations israéliennes de défense des droits de l'homme, Gisha en tête. En outre, Israël impose un blocus à Gaza depuis des années et, dans le cadre de cette politique, s'est attaqué aux « besoins économiques » de Gaza, c'est-à-dire au calcul des besoins minimaux nécessaires à la subsistance de la population.

Le crime doit être commis dans le cadre d'un conflit armé international. Il est incontestable que les combats dans la bande de Gaza constituent un conflit armé international.

L'auteur du crime doit être conscient du contexte et des circonstances qui constituent un tel conflit. À cet égard, il est également incontestable que les responsables israéliens sont conscients de l'existence d'un conflit armé, étant donné qu'une guerre a été déclarée.

L'examen des éléments qui font de la famine un crime de guerre au regard du droit pénal international – à la lumière des informations dont dispose B'Tselem à partir des rapports de divers organismes internationaux et des témoignages recueillis par nos enquêteurs sur le terrain – montre qu'Israël commet ce crime de guerre depuis des mois.

Nous rappelons qu'en vertu du droit international, les crimes graves considérés comme des crimes de guerre, tels que la famine, peuvent engager la responsabilité individuelle de leurs auteurs. L'article 27 du Statut de Rome stipule que la responsabilité personnelle s'applique indépendamment de la qualité officielle, telle que celle de chef d'État, ou de toute immunité dont une personne pourrait bénéficier en vertu d'un poste ministériel ou de toute autre fonction.

L'article 28 du Statut de Rome stipule la responsabilité personnelle des chefs militaires et des supérieurs civils effectifs.

« Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des forces placées sous son commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, du fait qu'il n'a pas exercé le contrôle voulu sur ces forces ».

Cette responsabilité s'applique aux commandants dans l'un des trois cas suivants : (1) le commandant en tant qu'auteur direct de l'infraction, (2) le commandant ayant ordonné la commission de l'infraction, (3) le commandant en tant que complice de l'infraction.

Le nombre de hauts responsables de Tsahal et d'institutions publiques qui ont pris part au refus d'apporter une aide humanitaire adéquate aux habitants de Gaza au cours des derniers mois est important, et nombre d'entre eux étaient vraisemblablement conscients de leurs actes et de leurs conséquences. Les remarques faites par le colonel Yogev Bar-Sheshet, chef adjoint de l'administration civile, lors d'une interview télévisée depuis l'intérieur de la bande de Gaza, prouvent que les forces sur le terrain sont conscientes de la destruction généralisée d'objets nécessaires à la survie : « Il n'est pas rentable de faire du mal à notre peuple. Tel est le message. Il n'y a plus rien là-bas. Ceux qui reviendront ici, s'ils reviennent après, trouveront de la terre brûlée. Pas de maisons. Pas d'agriculture. Ils n'ont pas d'avenir. »

Conclusion

« La guerre actuelle contre les assassins du Hamas est un nouveau chapitre de l'histoire de notre résilience nationale à travers les générations. Souvenez-vous de ce qu'Amalek vous a fait ». C'est ce qu'a écrit Binyamin Netanyahou dans un message aux soldats israéliens le 3 novembre 2023, dans un sifflement de chien que toute personne ayant suivi le système éducatif israélien reconnaîtra comme signifiant une réponse à une attaque d'une manière qui effacerait tout souvenir de cette nation, femmes et enfants compris. Lorsque la lutte contre le Hamas est comparée à la guerre contre Amalek, la conclusion est claire : l'ordre est d'anéantir Gaza.

Israël opère depuis sept mois dans cet esprit, et il y parvient : des villes réduites à l'état de ruines, un nombre insondable de morts, un système de santé dysfonctionnel et un avenir incertain. Poussé par une soif de vengeance pour les crimes commis par le Hamas le 7 octobre, Israël ignore toute norme morale fondamentale et viole grossièrement ses obligations en vertu du droit international.

Parmi la multitude de mesures inacceptables auxquelles Israël a recours, affamer la population de Gaza est particulièrement horrible. Depuis des mois, Israël poursuit une politique de blocus total, de destruction complète des possibilités de production alimentaire locale par l'agriculture ou la pêche, et de restriction de l'acheminement de l'aide. Le résultat de cette politique est que des millions de personnes meurent de faim.

La grave famine qui s'est installée ces derniers mois dans la bande de Gaza n'est pas le fruit du hasard, mais le produit d'une politique israélienne délibérée et consciente. Elle a été ouvertement déclarée par les décideurs, y compris un membre du cabinet de guerre israélien, dès le début de la guerre. Au cours des années de blocus de Gaza, Israël a étudié la quantité de nourriture dont les habitant·es de Gaza ont besoin pour survivre. Israël a élaboré des formules mathématiques et des tableaux caloriques à cette fin. Cela signifie qu'Israël est entré en guerre en connaissant parfaitement les besoins de la population de Gaza et qu'il a délibérément choisi de les lui refuser.

Pousser des centaines de milliers de personnes à la famine et utiliser la famine comme méthode de guerre exige une déshumanisation totale. Malheureusement, la déshumanisation des Palestiniens·ne aux yeux des Israélien·nes s'est accélérée au cours des derniers mois.

Nous espérons que la mise en évidence des implications destructrices de cette politique, ainsi que la responsabilité personnelle des hommes politiques impliqués dans la prise de décision et des commandants militaires chargés de les mettre en œuvre, amèneront Israël à comprendre ce qui devrait être évident : la famine ne peut jamais être utilisée comme méthode de guerre. Affamer une population est un crime. La tache morale, ainsi que la responsabilité criminelle créées par la conduite israélienne de ces derniers mois, ne peuvent être effacées.

B'Tselem

Pour les témoignages complets figurant dans ce document et d'autres témoignages provenant de la bande de Gaza, voir le blog Voices from Gaza sur le site web de B'Tselem.

Notes

[1] Fenêtres de vulnérabilité : Consequences of Exposure Timing during the Dutch Hunger Winter, septembre 2022 ; Organisation mondiale de la santé. La famine à Gaza est imminente, avec des conséquences immédiates et à long terme sur la santé, mars 2024 ; UNICEF. Les enfants de Gaza ont besoin d'une aide vitale

[2] Historic famine leaves multiple generations vulnerable to infectious disease, Université de Californie, Berkeley, octobre 2020.

[3] Article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948) ; art. 2(1) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) ; Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 12 (1999), paragraphe 36.

[4] Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) (1977), Art. 54, intitulé : « Protection des biens indispensables à la survie de la population civile » ; Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II) (1977), Art. 14, intitulé : « Protection des biens indispensables à la survie de la population civile ».

Le régime israélien d'apartheid et d'occupation est inextricablement lié aux violations des droits de l'homme. B'Tselem s'efforce de mettre fin à ce régime, car c'est la seule façon d'avancer vers un avenir où les droits de l'homme, la démocratie, la liberté et l'égalité seront garantis à toutes les personnes, tant palestiniennes qu'israéliennes, vivant entre le Jourdain et la mer Méditerranée.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Informations insistantes sur des mandats d’arrêt de la CPI : Netanyahu met en garde contre « un précédent dangereux »

Réagissant aux informations persistantes sur des mandats d'arrêt imminents délivrés par la Cour pénale internationale (CPI) contre lui et plusieurs dirigeants politiques et (…)

Réagissant aux informations persistantes sur des mandats d'arrêt imminents délivrés par la Cour pénale internationale (CPI) contre lui et plusieurs dirigeants politiques et sécuritaires israéliens, le Premier ministre de l'Etat hébreu, Benyamin Netanyahu, met en garde en disant : « Sous ma direction, Israël n'acceptera jamais une tentative, de la part de la CPI, de saper le droit fondamental du pays à se défendre (…). »

Tiré d'El Watan.

Alors que des informations persistantes sur l'imminence du lancement de mandats d'arrêt internationaux par la Cour pénale internationale (CPI) contre les dirigeants israéliens, le Premier ministre de l'Etat hébreux, Benyamin Netanyahu, sort de sa réserve pour avertir, dans un message publié sur Telegram, que « toute décision n'aurait aucun effet sur les actions entreprises par Israël, mais pourrait être un précédent dangereux ».

Le Premier ministre a lancé une véritable mise en garde en déclarant : « Sous ma direction, Israël n'acceptera jamais une tentative, de la part de la Cour pénale internationale, de saper le droit fondamental du pays à se défendre (…). » Et d'ajouter : « Alors que les décisions prises par la Cour, à La Haye, n'affecteront pas les actions qui sont celles d'Israël, elles viendront établir un précédent dangereux qui menace à la fois les soldats et les personnalités publiques. »

La déclaration de Netanyahu est intervenue juste après la publication, par la Chaîne 12, l'une des chaînes d'information les plus suivies en Israël, faisant état « d'inquiétudes de plus en plus » pesantes « de la possibilité que des mandats d'arrêt soient émis par la CPI à l'encontre de Netanyahu, de son ministre de la Défense, Gantz Gallant, ainsi que son chef d'état-major, Herzi Helvi, et d'autres hauts responsables politiques et sécuritaires, pour des violations présumées du droit international à Ghaza ».

Le média avait également révélé que ces informations ont fait l'objet d'« une discussion en toute urgence » au niveau du bureau du Premier ministre israélien, sans pour autant donner plus de détails.

Même s'il n'est pas membre de la CPI et qu'il ne reconnaît pas cette juridiction, Israël a fait l'objet de nombreuses plaintes déposées par des ONG et des Etats signataires du Statut de Rome, dont l'Autorité palestinienne, pour des « crimes de génocide », « de guerre », « d'agression » et « contre l'humanité » commis par l'entité sioniste lors de l'assaut menée contre Ghaza, au lendemain de l'attaque du 7 octobre.

Ces plaintes se sont ajoutées à une même procédure qui était pendante depuis 2018. La Chaîne 12 a précisé également que les mandats d'arrêt attendus seront probablement émis dans le contexte de la crise humanitaire dans la bande de Ghaza, en plus des déclarations internationales concernant la violation par Israël du droit international, en faisant référence à la guerre dévastatrice contre Ghaza et aux violations du droit international.

Citant des spécialistes du droit, la même source a estimé que « les professionnels du droit qui ont assisté à la réunion d'urgence limitée, à laquelle ont pris part les ministres des Affaires stratégiques Ron Dermer, le juge Yariv Levin et le ministre des Affaires étrangères Israël Katz, ont tenté de faire obstacle à la décision en prenant des mesures urgentes de dernière minute, devant le tribunal lui-même et devant des partis politiques influents, mais il apparaît que ces efforts n'ont pas porté leurs fruits ».

Note interne

Révélations réaffirmées samedi dernier par le journal israélien Maariv en citant des « sources bien informées » sans les nommer. « Netanyahu était anormalement effrayé et nerveux à l'idée d'un mandat d'arrêt émis contre lui par la Cour pénale internationale », a écrit le journal en soulignant qu'« au cours des derniers jours, Netanyahu a noué de nombreux contacts avec des dirigeants et responsables internationaux dans le but de faire pression pour empêcher l'émission du mandat d'arrêt, notamment auprès du président américain, Joe Biden ».

Selon les sources du journal, « Netanyahu se rend compte que le mandat d'arrêt international pourrait faire de lui une personne persécutée, c'est pourquoi il s'investit chaque jour dans des efforts pour le contrecarrer ».

Pour les mêmes sources, « il n'est pas improbable que la flexibilité de la position israélienne concernant la question de l'accord d'échange de prisonniers et de détenus entre le mouvement Hamas et l'Etat occupant, y compris l'ouverture à la question de la fin définitive de la guerre à Ghaza, fasse partie des tentatives visant à contrecarrer la publication du mémorandum ».

L'Etat hébreu semble se rendre à l'évidence que les graves violations du droit international par ses forces armées, encouragées par de nombreux dirigeants politiques à Ghaza, depuis presque sept mois, ne peuvent passer inaperçues ou jouir de l'impunité. Même à Washington, un des pays les plus liés à Israël et celui qui le défend et vient de lui accorder une aide militaire de 26 milliards de dollars, de plus en plus de voix s'élèvent contre la manière avec laquelle Tel-Aviv mène la guerre contre Ghaza.

En effet, selon une note interne, consultée par l'agence britannique de presse Reuter, « de hauts responsables du département d'Etat américain ont informé le secrétaire Anthony Blinken qu'Israël aurait violé le droit international dans sa guerre contre la bande de Ghaza ». Cependant, a indiqué l'agence, « ils n'ont pas trouvé d'assurances crédibles ou documentées de la part d'Israël selon lesquelles celui-ci utilise des armes américaines conformément au droit humanitaire international.

Cela a donné lieu à une présentation conjointe de quatre bureaux du département d'Etat américain, à savoir : démocratie, droits de l'homme et travail, population, réfugiés et migrations, justice pénale mondiale et affaires des organisations internationales, sérieusement préoccupés par le non-respect du droit international humanitaire pendant la poursuite par Israël de la guerre à Ghaza ». Reuters a écrit que « l'évaluation menée par les quatre bureaux a révélé que les assurances israéliennes ne sont ni crédibles ni fiables ».

Cette évaluation, a ajouté l'agence, « cite huit exemples d'actions militaires israéliennes » qui, selon les responsables, soulèvent de sérieuses questions sur de potentielles violations du droit humanitaire international.

Ces violations comprenaient : « Des frappes répétées sur des sites et des infrastructures protégés, ainsi que des niveaux déraisonnablement élevés de dégâts civils pour des gains militaires, et peu de mesures ont été prises pour enquêter sur les violations ou pour demander des comptes aux responsables des dommages civils massifs et du meurtre de travailleurs humanitaires et des journalistes à un rythme sans précédent. »

Cette évaluation a précisé l'agence, cite également 11 cas d'actions militaires israéliennes « qui, selon les responsables, ont vu des restrictions arbitraires sur l'aide humanitaire, y compris le refus d'admettre des camions entiers d'aide en raison d'un seul article à double usage, des restrictions artificielles sur les inspections, ainsi que des attaques répétées contre des sites militaires. L'humanitaire n'aurait pas dû être attaqué ».

Reuters a écrit en outre que « d'autres responsables du département d'Etat américain ont soutenu les affirmations d'Israël selon lesquelles il adhère au droit international », avant d'évoquer « une autre évaluation », que l'agence dit avoir consultée, émanant du Bureau des affaires politiques et militaires, qui s'occupe de l'aide militaire américaine et des transferts d'armes, qui a averti Blinken sur le fait que « la suspension des ventes d'armes américaines limitera la capacité d'Israël à faire face aux menaces potentielles en dehors de son espace aérien et exiger que Washington reconsidère toutes les ventes actuelles et futures à d'autres pays de la région ».

A ce titre, a souligné l'agence, « le bureau a déclaré dans son évaluation que toute suspension des ventes d'armes américaines susciterait des provocations de la part de l'Iran et de ses groupes alliés », alors que « le mémorandum n'aborde pas directement les garanties qu'Israël doit fournir ».

L'agence a rappelé qu'au mois de février de l'année en cours, le président Joe Biden a publié un mémorandum sur la sécurité nationale exigeant que Blinken soumette un rapport au Congrès d'ici le 8 mai, déterminant s'il avait trouvé des « garanties israéliennes crédibles » selon lesquelles son utilisation d'armes américaines ne viole pas la loi américaine ou internationale.

Le 24 mars 2024, au moins sept bureaux du département d'Etat américain avaient envoyé à Blinken leurs contributions à un « mémorandum d'options » préliminaire, et « certaines parties du mémorandum, qui n'avaient pas été divulguées auparavant, ont été scellées ».

Multiplication des plaintes

Le procureur de la CPI, Karim Khan, avait déclaré au mois d'octobre dernier que le tribunal avait « l'autorité nécessaire pour examiner tout crime de guerre potentiel » commis par les Israéliens à Ghaza.

Moins d'un mois après, l'Afrique du Sud a lancé devant la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction onusienne, sa plainte contre Israël pour « génocide » et sa demande d'indications de mesures provisoires contre Tel-Aviv contre les mêmes faits.

La Cour a déjà statué sur les mesures, alors que sur le fond, l'examen est toujours pendant. D'autres plaintes pénales pour les mêmes faits ont été déposées, au mois de mars dernier, par « plusieurs personnes » en Suisse, contre le président israélien, Isaac Herzog, alors qu'il était sur le sol helvétique, pour prendre part au WEF (Forum économique mondial), à Davos.

La procédure a été engagée auprès du procureur cantonal de Bâle-Ville, et des polices cantonales de Bâle-Ville, Berne et Zurich. Le procureur avait alors indiqué que ces plaintes « étaient examinées selon la procédure habituelle » et a expliqué être « en contact » avec le ministère suisse des Affaires étrangères « afin d'examiner la question de l'immunité » du président israélien.

Dans leur communiqué, les plaignants ont expliqué que l'immunité pouvait être levée dans des « circonstances précises » lorsqu'il s'agit de « crimes contre l'humanité ».

Pour leur plainte, ils ont affirmé que « les conditions sont remplies » et révélé avoir demandé « la mise en place d'une procédure pénale approfondie » en Suisse contre le président israélien pour « génocide » et « crimes contre l'humanité », en parallèle aux accusations de « génocide contre le peuple palestinien à Ghaza », portées par l'Afrique du Sud contre Israël devant la CIJ. -S. T."

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Israël : crimes de guerre, mensonges et impunité

Les images retransmises par la télévision Al Jazeera et les réseaux sociaux ont révélé l'ampleur des massacres perpétrés contre des femmes, des enfants et des hommes sans (…)

Les images retransmises par la télévision Al Jazeera et les réseaux sociaux ont révélé l'ampleur des massacres perpétrés contre des femmes, des enfants et des hommes sans défense, ensevelis au bulldozer, à l'intérieur du complexe hospitalier Al Shifa, par les militaires israéliens.

Tiré d'El Watan.

Plus le mensonge est gros, plus il passe. » Le sinistre ministre de la propagande nazie Joseph Goebbels avait résumé dans cette formule toute la ligne de conduite du régime hitlérien depuis ses débuts jusqu'à sa chute en 1945. C'est la même démarche qu'adopte le régime génocidaire israélien dans la guerre qu'il mène contre les Palestiniens de Ghaza et de Cisjordanie.

Après plus de 200 jours d'une sauvage agression contre Ghaza provoquant la mort de plus de 34 000 personnes, des milliers de blessés et de disparus, on découvre avec effroi le degré d'inhumanité dont fait preuve l'armée d'occupation à l'égard des populations civiles palestiniennes.

Les images retransmises par la télévision Al Jazeera et les réseaux sociaux ont révélé l'ampleur des massacres perpétrés contre des femmes, des enfants et des hommes sans défense, ensevelis au bulldozer, à l'intérieur du complexe hospitalier Al Shifa, par les militaires israéliens.

Tout comme la découverte aux alentours de charniers, d'où ont été retirés des centaines de cadavres, ne peut que susciter des sentiments de colère contre les auteurs de telles violations du droit humanitaire international. Et comble de cynisme, la propagande sioniste avait affirmé au moment où de tels massacres étaient commis que tous les malades et les civils avaient été évacués sains et saufs avant les bombardements !

Inspirés, sans aucun doute, par l'attitude du chef de la propagande nazie, les dirigeants de Tel-Aviv, Netanyahu en tête, se sont empressés d'accuser le Hamas d'être à l'origine de ces exactions contre la population civile palestinienne.

Deux semaines plus tard, c'est un autre crime de guerre qui vient d'être dévoilé à l'hôpital Al Nasser de Khan Younès. Plusieurs centaines de corps déchiquetés, d'hommes menottés de femmes éventrées et d'enfants tués par des éclats d'obus ont été exhumés par les secouristes de la Défense civile palestinienne. Face à une telle succession de crimes de guerre, on est saisi par le manque de réaction de la part des gouvernements des pays occidentaux, pourtant si prompts à réagir en d'autres circonstances face à des cas de violation du droit international humanitaire.

Les recommandations de la CIJ bafouées

Alors que le monde entier assiste à un véritable nettoyage ethnique en Palestine, ordonné par le gouvernement génocidaire de Tel-Aviv, pas la moindre condamnation n'émerge des capitales occidentales. Ce qui confirme une fois de plus que l'occupant sioniste bénéficie, aujourd'hui plus que par le passé, d'une totale complaisance dans le camp occidental.

Et pourtant, la Cour internationale de justice (CIJ), suite à la saisine par la République d'Afrique du Sud, avait ordonné, le 26 janvier dernier, des mesures conservatoires, mais non moins contraignantes, qui exigent qu'Israël « empêche tout acte de génocide à l'égard des Palestiniens et permette la fourniture de services de base et d'assistance humanitaire ».

Trois mois plus tard, l'entité sioniste persiste à ignorer l'ordonnance de la CIJ, poursuit sa politique génocidaire en commettant quotidiennement des crimes de guerre dans la bande de Ghaza et tente d'affamer toujours la population qui s'y trouve. Tout comme elle a ignoré depuis 1949 toutes les résolutions des Nations unies condamnant ses violations du droit international et des Conventions de Genève vis-à-vis des Palestiniens.

Aucune sanction, ni mesure de rétention n'a été prise contre Israël au sein des instance de l'ONU. Toute disposition qui peut nuire ou susceptible d'être hostile à Tel-Aviv est immédiatement vouée à l'échec de par l'attitude des Etats-Unis. Ceux-ci n'hésitent pas à user de leur droit de veto au sein du Conseil de sécurité de l'ONU empêchant ainsi l'application de la moindre sanction.

Et ce, même en cas de violation de droit humanitaire international, comme on l'a vu après le meurtre de sept agents de l'organisation américaine d'aide WKC. Depuis que ce crime de guerre a été perpétré, Tel-Aviv n'a fourni aucune explication, agissant comme s'il ne devait rendre de compte à personne, pas même à la communauté internationale.

Bien au contraire, le gouvernement Netanyahu a pris pour cible l'Organisation des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), immédiatement après les conclusions de la CIJ, accusant l'agence onusienne d'héberger une douzaine de « terroristes qui auraient participé à l'attaque du 7 octobre sur le territoire israélien », déroulant ainsi un nouvel épisode de son récit victimaire.

Des accusations sans preuve

En pointant ses attaques contre l'agence onusienne, accusée de détourner l'aide internationale destinée aux Palestiniens au profit du Hamas, de former des terroristes dès l'école, d'encourager des programmes scolaires antisionistes prônant la disparition de l'Etat d'Israël, des juifs et d'autres allégations de ce genre, le gouvernement Netanyahu pensait pouvoir détourner l'attention de l'opinion publique internationale du génocide qu'il commet depuis plus de 200 jours dans la bande Ghaza.

Il n'empêche que devant l'insistance déployée par la propagande sioniste contre l'Unrwa, comme le faisait jadis celle de Goebbels contre les juifs rendus coupables de tous les maux auxquels était confrontée l'Allemagne nazie, le secrétariat général des Nations unies a fait appel à une commission indépendante chargée d'enquêter sur les accusations portées contre l'agence d'aide aux Palestiniens.

La commission présidée par Catherine Colonna a rendu ses conclusions : Israël n'a fourni aucune preuve pouvant étayer ses accusations. L'on comprend dès lors pourquoi les résultats de la commission d'enquête n'ont pas, ou presque pas été commentés dans les médias des pays occidentaux, dès lors qu'ils s'inscrivent en porte-à-faux contre les allégations israéliennes. Et surtout, quand ils contredisent le récit victimaire israélien. Le flagrant délit de mensonge d'Etat est plus qu'évident.

Face à ce retour de flammes, Tel-Aviv s'est empressé d'accuser la commission d'enquête d'avoir été manipulée. Pourtant de l'aveu même de sa présidente, qui a déclaré avoir supplié les autorités israéliennes de tenir compte des conclusions de l'enquête pour améliorer le fonctionnement de l'Unrwa, leur position n'a pas changé d'un iota.

Ils maintiennent toujours leurs accusations graves portées contre une organisation onusienne qui a de surcroît payé le prix le plus cher de son engagement sur le terrain au profit des Palestiniens depuis 1947. Faut-il rappeler que plus de 170 de ses agents sont morts dans l'exercice de leurs fonctions sous les bombardements israéliens depuis l'agression du 7 octobre 2023, certains d'entre eux étaient des fonctionnaires, membres d'une organisation internationale et censés être protégés par leur statut de diplomates.

En outre, plus de 150 bâtiments et structures de l'agence ont été détruits par les Israéliens. Si le rapport de la commission remis au secrétaire général de l'ONU insiste sur le renforcement de la neutralité dans le fonctionnement de l'Unrwa et sur les questions d'éthique dans le recrutement de ses personnels à l'avenir, par contre, il ne souffle aucun mot sur comment renforcer la sécurité des personnels de l'agence dans l'exercice de leurs fonctions et la protection de ses structures : écoles, centres de santé, de distribution d'aide alimentaire et d'accueil de réfugiés en situation de guerre imposée par Israël à Ghaza et Cisjordanie.

Sur tous ces aspects malheureusement, le rapport de la commission d'enquête reste muet, même s'il s'est appuyé sur des travaux qui ont épluché des centaines de livres scolaires palestiniens pour déceler la moindre allusion antisémite. En vain et au grand dam du gouvernement ultraconservateur et suprémaciste de Netanyahu. Lequel a rejeté immédiatement les conclusions du rapport remis au secrétaire général de l'ONU.

Poursuite de la politique de la terre brûlée

Dans de telles conditions, rien n'indique pour l'instant qu'Israël ne va pas commettre d'autres crimes de guerre. Tout comme il est à craindre, malheureusement, que d'autres charniers soient découverts dans les jours qui viennent.

Et ce, en dépit des quelques rares appels au niveau de la commission des droits humains et d'autres instances des Nations unies à dépêcher des enquêtes internationales sur le terrain pour faire toute la lumière sur ces exactions en violation du droit humanitaire international et des Conventions de Genève. Animé par une hostilité et une haine chronique à l'égard des Palestiniens, il entend poursuivre sa « politique de la terre brûlée » sur la bande de Ghaza, que rien, ni personne ne semble pouvoir arrêter.

Ni même, surtout, vouloir arrêter – et c'est là le plus inquiétant – eu égard à l'attitude complaisante américaine et des pays occidentaux envers Israël. On doit donc s'attendre, dans les jours qui viennent, à la poursuite des massacres de civils ghazaouis et des tentatives d'affamer les femmes et les enfants.

La destruction des hôpitaux, des écoles, des universités et de toutes les infrastructures socioéconomiques n'a d'autre objectif que de rendre d'ores et déjà invivable la bande de Ghaza pour les populations qui s'y trouvent.

Selon les Nations unies, on estime jusqu'à présent à 40 millions de tonnes de gravats conséquence des 70 000 tonnes de bombes lancées ou larguées sur cette enclave palestinienne. En l'état actuel des dommages matériels, il faudra 14 années pour tout déblayer. On a du mal à imaginer l'état de dévastation dans lequel va se retrouver cette partie des Territoires palestiniens, suite à l'agression sioniste entamée voilà plus de 200 jours.

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

États-Unis - Victoire historique dans le Tennessee pour le syndicat UAW

Le 20 avril, les travailleurs de l'usine Volkswagen (VW) de Chattanooga, dans le Tennessee, ont voté à une écrasante majorité pour rejoindre le syndicat UAW, remportant la (…)

Le 20 avril, les travailleurs de l'usine Volkswagen (VW) de Chattanooga, dans le Tennessee, ont voté à une écrasante majorité pour rejoindre le syndicat UAW, remportant la première élection depuis les années 1940 pour former un syndicat dans cette industrie dans le sud du pays. Une formidable victoire qui pourrait commencer à restaurer le poids des syndicats en Amérique.

Hebdo L'Anticapitaliste - 705 (25/04/2024)

Par Dan La Botz

Crédit Photo
Capture d'écran vidéo UAW

« Vous venez tous de faire la chose la plus importante qu'un membre de la classe ouvrière puisse faire, à savoir se lever
», a déclaré le président du syndicat, Shawn Fain, aux travailleurEs qui célébraient la victoire.

Quelque 2 628 salariéEs ont voté pour et 985 contre, soit 73 % en faveur du syndicat. Au total, 4 326 personnes avaient le droit de voter et environ 84 % d'entre elles l'ont fait.

Le sud, bastion rétrograde

Jusqu'à présent, le Sud était un bastion des patrons avec des entreprises sans syndicat, où les travailleurs n'ont ni droit de vote ni voix au chapitre sur leur lieu de travail. Si cette victoire en appelle d'autres, comme on s'y attend, elle modifiera l'équilibre des forces entre les entreprises et la classe ouvrière en Amérique. Le Sud, fondé sur l'esclavage jusqu'à la fin des années 1860 et sur la ségrégation des lois Jim Crow, la privation de droits et le lynchage jusqu'aux années 1960, est resté la région des États-Unis où l'on trouve le moins de syndicats, les salaires les plus bas, le niveau d'éducation le plus médiocre, la santé publique la plus mauvaise et les attitudes politiques les plus rétrogrades du pays. Cette victoire de l'UAW pourrait commencer à changer tout cela.

Pendant des décennies, l'UAW n'a pas réussi à organiser cette usine et d'autres usines automobiles dans le Sud, en dépit des millions de dollars dépensés pour organiser des élections malgré les pressions des patrons.

Des victoires qui donnent confiance pour s'organiser

Pourquoi cette victoire aujourd'hui ? Sous la direction de Shawn Fain, président de l'UAW, le syndicat a mené l'année dernière une grève de 45 jours contre Ford, Stellantis et General Motors et a obtenu en octobre un contrat prévoyant de fortes augmentations de salaire, la remise en cause des différences de statuts entre salariéEs et une certaine représentation syndicale dans les usines de batteries pour les véhicules électriques. Pour la première fois, l'UAW a frappé les trois entreprises en même temps, en recourant à une grève progressive d'usines stratégiquement choisies, qui a fini par impliquer 50 000 travailleurEs dans tout le pays et a contraint les entreprises à céder. Cela faisait des décennies que les États-Unis n'avaient pas vu un syndicat mener une telle grève de travailleurEs industriels. Les travailleurs de l'usine VW non syndiquée, voyant désormais une direction prête à se battre, ont décidé qu'ils devaient eux aussi adhérer au syndicat.

Après avoir remporté cette grève, l'UAW a consacré 40 millions de dollars à l'organisation des usines non syndiquées de l'industrie. Il vient ainsi de remporter sa première victoire. Après avoir gagné chez VW, l'UAW tentera le mois prochain d'obtenir le vote des 5 200 travailleurEs de l'usine Mercedes-Benz en Alabama. La force de l'UAW sera essentielle pour défendre les travailleurEs lorsque l'industrie passera aux véhicules électriques.

Opposition des Républicains

Les gouverneurs républicains du Sud ont pris fermement position contre les syndicats dans leur région. Le gouverneur du Tennessee, Bill Lee, et les gouverneurs du Texas, de la Caroline du Sud, du Mississippi, de la Géorgie et de l'Alabama ont signé une déclaration commune affirmant que le vote en faveur du syndicat pourrait menacer l'économie de l'État, les emplois des travailleurs et « les valeurs qui nous animent ». Leur déclaration dénonce l'UAW : « Ils se qualifient fièrement de socialistes démocratiques et semblent plus soucieux d'aider le président Biden à se faire réélire que de s'occuper des emplois d'ouvriers de l'automobile supprimés dans les usines qu'ils représentent déjà ».

Vague de syndicalisation

Le président Biden, quant à lui, est devenu l'année dernière le premier président à participer à un piquet de grève avec les travailleurEs de l'UAW en grève. Il a félicité les travailleurs en déclarant : « J'ai été fier de me tenir aux côtés des travailleurEs de l'automobile lors de leur lutte victorieuse pour obtenir des contrats records, et je suis fier de me tenir aux côtés des travailleurEs de l'automobile aujourd'hui, alors qu'ils réussissent à s'organiser chez Volkswagen ». L'UAW, soutient la candidature de Biden à la présidence tout en ayant appelé à un cessez-le-feu à Gaza.

Nous sommes au début de ce qui pourrait devenir une vague de syndicalisation telle que nous n'en avons pas connu depuis les années 1960. Les pétitions pour la tenue d'élections syndicales ont augmenté de 35 % en 2024 par rapport à l'année précédente et quelque 67 % des Américains se disent aujourd'hui favorables aux syndicats. Les syndicats sont désormais prêts à organiser le Sud. Un jour nouveau est peut-être en train de se lever.

Dan La Botz, traduction Henri Wilno

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Aux États-Unis, la mobilisation pro-Palestine sur les campus s’étend

30 avril 2024, par Courrier international — , , ,
De la côte Est à la côte Ouest en passant par la Géorgie, le Texas, l'Indiana ou l'Arizona, les manifestations et les occupations contre la guerre à Gaza se multiplient sur les (…)

De la côte Est à la côte Ouest en passant par la Géorgie, le Texas, l'Indiana ou l'Arizona, les manifestations et les occupations contre la guerre à Gaza se multiplient sur les campus américains.

Tiré de Courrier international.

La contestation contre la guerre à Gaza a gagné de nombreux campus aux États-Unis, souligne The New York Times en rappelant que cette “vague de militantisme étudiant a été déclenchée par l'arrestation d'au moins 108 manifestants à l'université Columbia le 18 avril dernier”, après que la présidente de l'université, Nemat Shafik, a demandé à la police de New York d'intervenir pour démanteler un premier campement.

Depuis lors, souligne le quotidien new-yorkais, des interventions de police sur plusieurs campus ont conduit “à plus de 800 arrestations”. Si la plupart des manifestations et des occupations se déroulent dans le calme et si de nombreuses universités, publiques ou privées, ont opté pour le laisser-faire, des affrontements ont pu avoir lieu à certains endroits entre manifestants et contre-manifestants, ou avec la police.

Des étudiants pro-israéliens estiment que les campements de soutien à la Palestine “alimentent l'antisémitisme et que leurs universités ne font pas assez pour assurer leur sécurité sur les campus”, note également le journal.

Parmi les universités où un grand nombre de personnes ont été arrêtées au cours de la semaine du 22 au 28 avril, le quotidien cite l'université Yale, dans le Connecticut (60 arrestations), l'université de Californie du Sud à Los Angeles (USC, 93 arrestations) ou encore l'université Emory, en Géorgie (plus de 28 arrestations), où la police “aurait fait usage de gaz lacrymogène et de tasers contre les manifestants”, souligne de son côté The Guardian.

Courrier international

Rencontrez Asna Tabassum, major de promotion de l’USC : L’école annule le discours de remise des diplômes d’une étudiante pro-palestinienne

30 avril 2024, par Democracy now ! — , ,
Au milieu de la répression généralisée des voix pro-palestiniennes sur les campus à travers les États-Unis, nous nous sommes entretenus avec Asna Tabassum, major de promotion (…)

Au milieu de la répression généralisée des voix pro-palestiniennes sur les campus à travers les États-Unis, nous nous sommes entretenus avec Asna Tabassum, major de promotion de l'Université de Californie du Sud, dont le discours de remise des diplômes a été annulé pour ce que l'université a prétendu être des raisons de « sécurité » après que Tabassum soit devenu le sujet d'une campagne de haine anti-palestinienne en ligne menée par des groupes pro-israéliens. « Lorsque j'ai demandé des détails sur les problèmes de sécurité », a déclaré Tabassum à propos de l'annulation, « on ne m'a offert aucune information et on m'a dit qu'il n'était pas approprié pour moi de le savoir. » Tabassum, une musulmane américaine d'origine sud-asiatique de première génération, diplômée d'une majeure en génie biomédical et d'une mineure en résistance au génocide, a déclaré que l'annulation sans précédent de son discours avait été « déchirante ».

18 aril 2024 | tiré de democracy now !
https://www.democracynow.org/2024/4/18/asna_tabassum_censored

NERMEEN SHAIKH : Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur la répression des voix pro-palestiniennes sur les campus à travers les États-Unis. Dans un instant, nous nous pencherons sur les audiences du Congrès de mercredi, où le président de l'Université Columbia a été interrogé pendant des heures sur des accusations d'antisémitisme sur le campus. Mais commençons par l'Université de Californie du Sud, qui continue d'être secouée par la controverse après avoir annulé le discours d'ouverture de sa major de promotion pour ce qu'elle a prétendu être des raisons de « sécurité » après qu'elle ait fait l'objet d'une campagne de haine anti-palestinienne en ligne.

Le co-animateur de Democracy Now !, Juan González, et moi-même avons interviewé mercredi Asna Tabassum, qui est une musulmane américaine d'origine sud-asiatique de première génération. J'ai commencé par lui souhaiter la bienvenue à Democracy Now !

ASNA TABASSUM : Merci de m'avoir invité. Je l'apprécie.

AMY GOODMAN : Alors, pourquoi ne nous donnez-vous pas la chronologie de ce qui s'est passé ? Je veux dire, être le major de promotion de cette université d'élite, l'Université de Californie du Sud, est un accomplissement énorme. Pouvez-vous nous parler du moment où vous avez appris que vous seriez major de promotion et du moment où vous avez appris que vous prononceriez le discours lors de la remise des diplômes ? Et que s'est-il passé ensuite ?

ASNA TABASSUM : Absolument. Ainsi, une partie du processus de sélection pour devenir major de promotion est la volonté de prononcer un discours lors de la cérémonie de remise des diplômes. Et donc, quand j'ai reçu l'appel, je crois que c'était la deuxième semaine de mars, c'était pendant le Ramadan, et j'étais incroyablement heureuse de recevoir cet honneur et incroyablement reconnaissante. Et c'est à ce moment-là que j'ai su que j'aurais la chance et l'occasion de m'adresser à mes pairs lors de la remise des diplômes.

JUAN GONZÁLEZ : Et quand avez-vous appris que l'université avait changé d'avis ? Et qui vous a contacté ?

ASNA TABASSUM : Bien sûr. Donc, j'ai été contacté par l'administration lundi, en fait, lundi dernier, peu de temps avant la publication de la déclaration, que je ne serais malheureusement plus autorisé à donner le discours de remise des diplômes de la classe de 2024.

AMY GOODMAN : N'est-ce pas typique, Asna ? Est-ce que le major de promotion prononce toujours le discours ?

ASNA TABASSUM : Oui, pour autant que je sache, dans l'histoire de l'University South California (USC). Et en fait, j'ai posé la question suivante au prévôt lui-même, vous savez : est-ce que cela est déjà arrivé à un major de promotion de l'USC ? Et en fait, je pense que nous étions tous les deux d'accord pour dire que, à notre connaissance, cela ne s'était jamais produit auparavant.

AMY GOODMAN : Et qu'a-t-il dit exactement lorsqu'il vous a expliqué que c'était pour des raisons de sécurité ? Vous a-t-il parlé des menaces ?

ASNA TABASSUM : Donc, c'est exactement la question ici, c'est que je n'ai reçu aucun détail sur les menaces à la sécurité ou sur les préoccupations en matière de sécurité. Vous savez, j'ai entendu dire qu'il y avait des centaines et des milliers de courriels envoyés à l'université, mais on ne m'a donné aucune idée du contenu de ces courriels, et l'université a dit, par exemple, qu'il y avait d'autres problèmes de sécurité liés à la tenue d'un grand événement comme la remise des diplômes. Mais, vous savez, même les détails n'étaient pas clairs. Et donc, quand j'ai demandé des détails concernant les problèmes de sécurité – par exemple, s'agissait-il de problèmes de sécurité pour moi ou mes camarades de classe ? — On ne m'a donné aucune information et on m'a dit qu'il n'était pas approprié que je le sache.

JUAN GONZÁLEZ : Maintenant, saviez-vous que des groupes d'étudiants pro-Israël vous ciblaient sur les réseaux sociaux, qu'un groupe appelé We Are Tov a posté une photo de vous sur son compte Instagram et a affirmé que vous étiez, je cite, « ouvertement » – que vous « promouvez ouvertement des écrits antisémites » ?

ASNA TABASSUM : Honnêtement, c'est déchirant, oui. Une fois que j'ai été annoncé sur les réseaux sociaux, par les médias étudiants de l'USC, il n'a fallu que quelques heures avant que de tels messages ne commencent à circuler. Et une campagne très généralisée a été lancée et, honnêtement, très haineuse et décevante pour me destituer en tant que major de promotion, oui.

AMY GOODMAN : Je veux revenir sur la question qui n'a pas été soulevée par le prévôt, mais dans votre biographie Instagram, vous faites un lien vers une page d'accueil pro-palestinienne qui dit, en partie, « renseignez-vous sur ce qui se passe en Palestine et comment aider ». Certains étudiants se sont tournés vers les médias sociaux pour exprimer leur opposition en raison du langage utilisé sur la page d'accueil. Le site Web déclare, je cite, que « le sionisme est une idéologie coloniale raciste qui prône un État ethnique juif construit sur la terre palestinienne ». Le site Web indique également, je cite, « un État palestinien signifierait la libération de la Palestine et l'abolition complète de l'État d'Israël », fin de citation. Pouvez-vous nous en parler et nous parler du moment où vous avez créé un lien vers cette page, et de ce que vous en pensez ?

ASNA TABASSUM : Sûr. Il y a donc quelques points que j'aimerais clarifier. La première est qu'une université et les étudiants ont la responsabilité de s'engager dans des discussions productives et significatives. Et nous avons le droit d'apprendre des idées des autres et d'exprimer ces idées afin que nous puissions tous grandir. Et je pense que c'est la beauté d'une institution universitaire.

Mais un autre facteur que j'aimerais soulever, c'est qu'il y a d'autres formes — il y a d'autres éléments d'information dans ce lien. Vous savez, il y a aussi des paragraphes et des informations relatifs à la solution à deux États, ainsi qu'à la solution à un État. La phrase juste après celle que vous venez de citer parle de la coexistence entre les Arabes et les Juifs. Vous savez, il y a beaucoup de facteurs ici. Et mon objectif en mettant le lien dans ma biographie est simplement d'informer mes pairs de la plus rapide façon possible. Mais, en fin de compte, ce que je veux que les gens retiennent, c'est qu'ils s'informent, tirent leurs propres conclusions, puis défendent ce en quoi ils croient.

Et donc, en aucun cas, je ne prône la haine. Je ne fais que plaider en faveur de l'égalité humaine et du caractère sacré de la vie humaine lorsque je dis que les Palestiniens, ainsi que les Juifs, ainsi que les musulmans et les Arméniens et tous ceux qui sont investis dans ce conflit, ont le même droit à la vie et le même privilège de la pleine mesure de la vie.

JUAN GONZÁLEZ : Pouvez-vous nous en dire plus sur vous ? Vous vous spécialisez en génie biomédical et vous vous spécialisez en résistance au génocide. Qu'est-ce qui vous a incité à suivre ces cursus ?

ASNA TABASSUM : C'est ma question préférée, surtout parce que, vous savez, comme vous le savez peut-être, j'ai fait beaucoup d'entrevues récemment, et j'aimerais que les gens parlent davantage de ma majeure en génie biomédical, parce que je pense que c'est une partie importante de qui je suis et de ma vision du monde.

Cela étant dit, la façon dont je vois ma majeure et ma mineure travailler ensemble, pour le même objectif, c'est que, vous savez, ma mineure en résistance au génocide me permet d'étudier la condition humaine dans l'une de ses pires conditions, et puis le génie biomédical est ma façon d'apprendre techniquement comment nous pouvons améliorer la condition humaine en augmentant l'accessibilité aux soins de santé.

Et donc, les façons dont je vois spécifiquement cela sont, par exemple, lorsque j'apprends sur le génocide rwandais ou l'Holocauste ou diverses autres formes de génocides et de conflits à travers ma mineure, je regarde les façons dont les soins de santé et la santé sont entravés et les façons dont la qualité de vie est entravée. afin que je puisse construire des dispositifs et des technologies de la santé, en utilisant ma majeure et en utilisant l'éducation et l'information que j'apprends dans ma majeure en génie biomédical, pour voir comment nous pouvons développer des dispositifs de point de service peu coûteux et accessibles, afin que nous puissions améliorer la façon dont les gens vivent les soins de santé lorsqu'ils en ont le plus besoin.

AMY GOODMAN : Pouvez-vous nous dire si, si vous prononciez le discours — je veux dire, ce discours serait prononcé en mai —, n'est-ce pas ? — à la remise des diplômes. N'y a-t-il donc pas encore une possibilité que l'USC change d'avis ? Quel serait votre discours ? Que diriez-vous à la communauté de l'USC ?

ASNA TABASSUM : Donc, vous savez, je n'ai pas réfléchi et je n'ai pas commencé à écrire mon discours. Mais, bien sûr, cette expérience m'informe sur la façon dont je veux m'y prendre. Mais, en fin de compte, mon message est un message d'espoir. Je pense qu'une chose en laquelle je crois vraiment, compte tenu de mes antécédents familiaux et, vous savez, de la façon dont j'ai été élevé, c'est que l'éducation est un privilège. Et en utilisant les façons dont nous avons appris à apprendre, il nous incombe de regarder le monde et de voir ce que nous voyons, puis de prendre des informations et de tirer des conclusions afin que nous puissions changer le monde de la manière dont nous le voulons. Et donc, conformément à mon message d'espoir, je veux aussi faire un message inspirant, afin que nos diplômés et mes pairs puissent se sentir habilités à s'attaquer à des questions d'intérêt mondial et à se voir dans des positions de changement.

AMY GOODMAN : Vous avez parlé d'une campagne de haine en ligne contre vous. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous avez reçu ?

ASNA TABASSUM : Bien sûr. Vous savez, j'ai reçu des commentaires incroyablement décevants. Et je pense que c'est une partie malheureuse, vous savez, d'exprimer qui vous êtes et d'exprimer ce en quoi vous croyez. Mais je tiens à attirer l'attention sur le soutien écrasant. Et je pense que tous ceux qui regardent cela se dérouler voient que diverses communautés, des communautés musulmanes aux communautés juives en passant par les communautés sud-asiatiques et américaines de première génération, se réunissent pour voir cela comme quelque chose de plus grand et comme quelque chose de représentatif d'une voix collective. Et donc, vous savez, bien qu'il y ait de la haine là-bas, je veux féliciter les gens qui ont vu l'inspiration et l'espoir au fur et à mesure que cela se déroule.

AMY GOODMAN : Asna Tabassum, major de promotion de l'Université de Californie du Sud. Elle s'est jointe à nous mercredi sur Democracy Now ! après que l'USC ait annulé son discours de remise des diplômes pour ce qu'elle prétend être des raisons de « sécurité » après qu'Asna ait fait l'objet d'une campagne de haine en ligne.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

De l’inhumaine humanité du genre humain

30 avril 2024, par Pierre Mouterde
Comment éviter les risques de génocide à Gaza? Pierre Mouterde On a voulu, depuis la dernière guerre mondiale, faire de l’holocauste des 6 millions de Juifs anéantis dans les (…)

Comment éviter les risques de génocide à Gaza? Pierre Mouterde On a voulu, depuis la dernière guerre mondiale, faire de l’holocauste des 6 millions de Juifs anéantis dans les camps d’extermination nazie, le paradigme par excellence de la barbarie et de l’inhumanité dont ont pu faire preuve les (…)

La vie a-t-elle du sens ?

29 avril 2024, par Marc Simard
Moi, sincèrement, l’environnement je m’en fous pas mal! Puisqu’au fond, que veut-on vraiment sauver? Notre confort délétère? Les humains? Notre néocolonialiste des plages dans (…)

Moi, sincèrement, l’environnement je m’en fous pas mal! Puisqu’au fond, que veut-on vraiment sauver? Notre confort délétère? Les humains? Notre néocolonialiste des plages dans le Sud? L’allée des décorations dégueulasse au Wal-Mart ? Ne serait-ce pas plutôt pour sauver la vie – dans son ensemble (…)

« Près de 5 décès au travail par jour au Canada »

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/04/image-1-4.png28 avril 2024, par Southern Ontario Committee
Il y a plus de 40 ans, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a adopté une résolution visant à faire du 28 avril un jour de deuil pour les travailleurs blessés ou (…)

Il y a plus de 40 ans, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a adopté une résolution visant à faire du 28 avril un jour de deuil pour les travailleurs blessés ou tués. Quelques décennies plus tard, plus de 100 pays ont adopté la résolution, marquant officiellement le 28 avril comme (…)

Les travailleurs britanniques d’Amazon votent sur la reconnaissance de leur syndicat

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/04/Amazon-east-midlands-GMB-WEB-Copy.jpg27 avril 2024, par International
Il y a environ deux ans, des centaines de travailleurs d'Amazon à l'entrepôt BHX4 de Coventry, en Angleterre, débrayaient spontanément pour protester contre une augmentation de (…)

Il y a environ deux ans, des centaines de travailleurs d'Amazon à l'entrepôt BHX4 de Coventry, en Angleterre, débrayaient spontanément pour protester contre une augmentation de salaire dérisoire. Aujourd'hui, après plus de 30 jours de grève cumulés, une tentative infructueuse de reconnaissance (…)

Si le jardin est un monde, pourquoi le monde ne devient-t-il pas jardin ?

27 avril 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La région du Bas-Saint-Laurent a la chance de receler un bon nombre de jardins extérieurs, dont leur agencement relève (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local La région du Bas-Saint-Laurent a la chance de receler un bon nombre de jardins extérieurs, dont leur agencement relève de l’art, de la culture et des sciences. Tous ces jardins mettent en avant la flore colorée et abondante que recèle la (…)

Le Syli d’Or 2024 de Nuits d’Afrique va à Less Toches

27 avril 2024, par Luna Choquette Loranger
Luna Choquette Loranger La 17e édition des Syli d’Or de la Musique du Monde a atteint son apogée, jeudi 25 avril dernier, lors de la grande finale tenue à La Tulipe. Cette (…)

Luna Choquette Loranger La 17e édition des Syli d’Or de la Musique du Monde a atteint son apogée, jeudi 25 avril dernier, lors de la grande finale tenue à La Tulipe. Cette compétition annuelle, mise de l’avant par les Productions Nuits d’Afrique, a réuni des talents émergents issus des quatre (…)

Israël se prépare à prendre d’assaut la flottille de la liberté

Des centaines de militants, d'hommes politiques et de journalistes attendent en Turquie d'escorter 5 500 tonnes d'aide humanitaire vers la bande de Gaza. À 700 km de là, la (…)

Des centaines de militants, d'hommes politiques et de journalistes attendent en Turquie d'escorter 5 500 tonnes d'aide humanitaire vers la bande de Gaza. À 700 km de là, la marine israélienne se prépare à prendre d'assaut la flottille.

Par Emilia G. Morales

24 avril 2024 - 10:53 a.m.

Traduit avec deepl.

Ne pas regarder les militaires dans les yeux, ne pas se séparer du groupe, ne pas résister. Tel est le mandat clair donné par l'organisation de la flottille de la liberté aux participants de l'expédition maritime qui vise à briser le blocus naval imposé par Israël à la bande de Gaza depuis 2007. L'objectif est d'apporter 5 500 tonnes d'aide humanitaire aux Gazaouis. "Si vous vous apprêtez à embarquer et qu'Israël attaque le navire, il existe des paramètres très clairs de non-violence", a expliqué l'organisation. "Ne pas les accepter peut vous exposer personnellement et affecter votre vie et celle de ceux qui vous entourent".

Une cinquantaine de participants écoutent avec courage les instructions des orateurs qui défilent devant eux et qui expliquent les stratégies possibles d'Israël pour boycotter la mission humanitaire. Il s'agit de la troisième formation à l'action non-violente organisée ces jours-ci à Istanbul (Turquie) pour les plus de 500 personnes qui attendent le départ du convoi maritime, composé d'un cargo et de deux bateaux de passagers. Le départ des navires était initialement prévu pour le dimanche 21 avril. Mais des problèmes administratifs et la pression internationale ont repoussé la date au mercredi 24 avril. Ce mardi, la Flottille de la Liberté a fixé une nouvelle date de départ au vendredi 26 avril. Un nouveau retard.

Comme l'a rapporté le Washington Post dimanche, Israël prépare ses forces de sécurité à agir si nécessaire. Tel Aviv a confié cette mission à Shayetet 13, une unité d'élite de sa marine. Le répertoire d'armes dont ils sont censés disposer est varié. Il est question de gaz lacrymogènes, de tasers et de grenades incapacitantes. Cette dernière émet une lumière puissante qui empêche de voir pendant quelques secondes, tout en émettant des sons aigus (plus de 170 décibels) qui gênent l'audition.

La formation mentionne également des drones de reconnaissance dotés d'une intelligence artificielle, capables d'enregistrer les visages des passagers et de les comparer à une base de données de membres et de collaborateurs du Hamas. Ils préviennent que certains de ces drones pourraient être qualifiés pour tirer s'ils trouvent une correspondance ou s'ils perçoivent une menace.

Les passagers sont donc vivement encouragés à ne pas tenir dans leurs mains un objet que le drone pourrait considérer comme une arme, tel qu'une matraque, un trépied ou un bâton de selfie. Une visite visuelle de la salle où se déroule la formation révèle qu'au moins deux personnes portent des bâtons. Beaucoup de ceux qui ont décidé d'embarquer ont plus de 50 ans.

L'utilisation de ces armes contre des civils est limitée par le droit international. "Israël se moque du droit international, sinon il ne bloquerait pas illégalement Gaza depuis 2007", a déclaré à Público Nerea Fernández, membre espagnole de l'IU. "Pourquoi avons-nous des lois internationales si Israël et les États-Unis les violent tout le temps ? Si l'UE se dit démocratique, elle doit les arrêter", ajoute-t-il. M. Fernández est arrivé à Istanbul la semaine dernière, prêt à embarquer avec d'autres fonctionnaires, Martina Velarde, députée de Podemos, Ada Colau, ancienne maire de Barcelone et aujourd'hui conseillère municipale, et Nicolás Sgiglia, conseiller municipal du parti violet à Malaga.

Aucun d'entre eux n'exclut d'être détenu par les forces militaires israéliennes. "Nous mettons nos fonctions publiques à la disposition des luttes sociales si cela peut contribuer à assurer une plus grande sécurité à la flottille. Nous parlons de l'une des armées les plus criminelles au monde et il est évident que le fait qu'il y ait un conseiller ou des députés ne garantit pas qu'il n'y aura pas de répression de l'initiative, mais cela lui donne une plus grande sécurité et une plus grande portée afin que la répression soit moindre ou qu'ils réfléchissent à deux fois avant d'agir", a déclaré Nicolás Sgiglia à Público.

Selon la Flottille de la Liberté, Israël pourrait garder les détenus au secret jusqu'à trois jours. L'organisation garantit des conseils juridiques par la suite, grâce aux accords de collaboration qu'elle a conclus avec des organisations juridiques spécialisées dans les droits de l'homme.

14 ans après le Mavi Marmara

Des médias israéliens comme le Jerusalem Post se sont également fait l'écho de l'intention de Tel Aviv d'empêcher l'arrivée de l'aide humanitaire sur les terres palestiniennes, et bien que cela soit perçu comme faisant partie de sa manœuvre marketing, les passagers savent qu'ils doivent se préparer psychologiquement à la rencontre avec ses militaires. Ce n'est pas pour rien qu'il s'agit de la huitième flottille à partir pour Gaza depuis 2010. Cette année-là, Israël a attaqué le navire de passagers Mavi Marmara, à bord duquel environ 750 personnes voyageaient avec 10 000 tonnes d'aide humanitaire collectée par des organisations européennes et turques. Dix militants ont été tués dans les eaux internationales lors du raid du 31 mai.

Israël a payé cher cette opération, critiquée dans le monde entier. Pour ces faits, plusieurs membres du gouvernement israélien ont été dénoncés devant la Cour pénale internationale, dont son président actuel, Benjamin Netanyahu. C'est ce qu'a confirmé à Público Jaume Asens, candidat de Sumar aux élections européennes du 9 juin. Ces procédures judiciaires sont toujours en cours.

"Depuis le Mavi Marmara, lorsqu'Israël a attaqué des navires, il l'a fait de manière moins violente", certifient-ils lors de la formation. L'organisation estime qu'ils seront particulièrement bienveillants à l'égard des Européens, alors que la situation pourrait être plus tendue pour les Palestiniens et les Turcs. "Nous devrons contenir notre colère, afin qu'ils ne se vengent pas sur nous et nos proches restés au pays", a déclaré à ce journal une Palestinienne présente dans la salle. Elle et quatre autres femmes disent être exilées en Jordanie. Elles partent du principe que tout geste de résistance physique à l'égard des militaires peut être considéré comme une provocation, et que la réponse à ce geste peut être imprévisible.

C'est pourquoi la flottille de la liberté s'est fermement engagée à mener des actions non violentes. Jamila Raqit, chercheuse sur cette pratique à l'Albert Einstein Institution, a expliqué à l'auditoire que cela n'équivaut pas à de la passivité. Bien au contraire. L'utilisation de la non-violence dans des actions politiques d'envergure dans des contextes d'oppression (où la force militaire est largement supérieure à celle des civils) les confronte à un dilemme important : si les civils perdent, ils perdent. De cette manière, "nous ne pouvons pas être vaincus", explique Raquit, "parce que nous aurons laissé nos armes à la maison".

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d'avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d'avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Les travailleurs occupent le Palais des congrès en pleine réunion de la direction

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/04/SAQ-Manif-10-of-11-cropped-1024x528.jpg26 avril 2024, par Comité de Montreal
Les 24 et 25 avril, les employées de la Société des alcools du Québec (SAQ) ont débrayé dans plusieurs régions à travers le Québec. Les grévistes souhaitaient dénoncer (…)

Les 24 et 25 avril, les employées de la Société des alcools du Québec (SAQ) ont débrayé dans plusieurs régions à travers le Québec. Les grévistes souhaitaient dénoncer l'inefficacité de l'employeur aux tables de négociation, revendiquer la fin de la précarité des travailleurs à temps partiel (…)

L’autoroute 20 est une décision couteuse et incohérente

25 avril 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Depuis plus de 40 ans, le projet autoroutier du prolongement de l’A20 incluant la construction d’un pont s’élevant à (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Depuis plus de 40 ans, le projet autoroutier du prolongement de l’A20 incluant la construction d’un pont s’élevant à plus de 2 milliards de dollars d’argent public, fait partie de la culture régionale. Il existait et continue d’exister (…)

UN LOCAL POUR ARCHIVES RÉVOLUTIONNAIRES – Campagne de sociofinancement

25 avril 2024, par Archives Révolutionnaires
Notre campagne de sociofinancement est maintenant lancée ! Celle-ci nous permettra d’ouvrir un local public à Montréal afin d’y accueillir la jeunesse engagée et de pérenniser (…)

Notre campagne de sociofinancement est maintenant lancée ! Celle-ci nous permettra d’ouvrir un local public à Montréal afin d’y accueillir la jeunesse engagée et de pérenniser l’activité d’Archives Révolutionnaires. Aidez-nous à atteindre notre objectif de 10 000 $ !

Vos contributions permettront de meubler le local, de rendre accessibles nos archives inédites et d’organiser six ateliers éducatifs en 2024-2025 destinés aux étudiant(e)s et travailleur(euse)s de 15 à 29 ans. Cet espace d’échange et d’apprentissage que nous mettons sur pied permettra aux jeunes – et moins jeunes – de découvrir l’héritage des luttes populaires et de développer leur esprit critique. Contribuez à former une nouvelle génération consciente de son histoire et prête à transformer le monde en soutenant notre projet. Aidez-nous à assurer notre avenir !

Cette campagne est d’autant plus importante que si nous n’atteignons pas différents objectifs (dons cumulés de 10 000 $, au moins 50 contributeurs, au moins une entreprise contributrice), l’organisme qui encadre notre campagne (La Ruche) rétrocédera les dons et nous n’obtiendrons rien ! Autrement dit, c’est quitte ou double pour nous.

Pour chaque contribution, vous aurez droit à une contrepartie, qu’il s’agisse d’autocollants, de livres, d’une affiche exclusive ou d’un sac en tissu en édition limitée. Il est aussi possible de simplement donner, sans rien attendre en retour.

C’est votre chance de contribuer maintenant !

Abonnez-vous à notre site web et suivez-nous sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, X) pour être tenus au courant de l’avancée des travaux au local et de la progression de notre campagne !

En bonus, voici quelques photos de notre local, enfin prêt pour la peinture et l’aménagement !

1717344000

  jours

  heures  minutes  secondes

jusqu’à

LA FIN DE NOTRE CAMPAGNE DE FINANCEMENT

« La crise planétaire surdétermine tout » – Pierre Rousset

25 avril 2024, par Pierre Rousset
Nous publions une entrevue avec Pierre Rousset, animateur du site Europe solidaire sans frontière (ESSF), sur la crise planétaire et l’internationalisme. Nous publions la (…)

Nous publions une entrevue avec Pierre Rousset, animateur du site Europe solidaire sans frontière (ESSF), sur la crise planétaire et l’internationalisme. Nous publions la première partie qui porte sur la notion de crise planétaire et de ses différentes dimensions. Il met en perspective la (…)

Deux syndicalistes haïtiens :« pour régler de manière concrète et définitive l’insécurité, il faut résoudre le problème du chômage et donner de l’emplois. »

25 avril 2024, par Frederic Thomas
Depuis le 29 février 2024, Haïti est en proie à une nouvelle vague de violence orchestrée par les bandes armées. Le Premier ministre, Ariel Henry, en voyage à l’étranger et (…)

Depuis le 29 février 2024, Haïti est en proie à une nouvelle vague de violence orchestrée par les bandes armées. Le Premier ministre, Ariel Henry, en voyage à l’étranger et dans l’incapacité de rentrer dans le pays, puis lâché par Washington qui le soutenait à bout de bras jusque-là, a annoncé (…)

Alain Deneault : repenser l’écologie dans un monde en « polycrise »

25 avril 2024, par Théa Lombard
Théa Lombard, stagiaire à Alternatives et correspondante au journal De passage à Montréal pour le lancement de son nouveau livre sur l’économie de la pensée, Alain Deneault (…)

Théa Lombard, stagiaire à Alternatives et correspondante au journal De passage à Montréal pour le lancement de son nouveau livre sur l’économie de la pensée, Alain Deneault était l’invité des Amis du Monde Diplomatique pour une conférence à l’UQAM sur le thème de l’écologie. Pour l’occasion, il (…)

Haïti : la voix du peuple ne doit pas être réduite au silence par la terreur !

24 avril 2024, par Romario R. Saintus
Dans la nuit du jeudi au vendredi, 19 avril 2024, un acte ignoble a plongé le cœur d’Haïti dans une torpeur invraisemblable. Les locaux des Presse nationales d’Haïti, héritage (…)

Dans la nuit du jeudi au vendredi, 19 avril 2024, un acte ignoble a plongé le cœur d’Haïti dans une torpeur invraisemblable. Les locaux des Presse nationales d’Haïti, héritage sacré datant des premières lueurs de l’indépendance et qui sont aussi les locaux et le siège du journal Le Moniteur, ont (…)

Le syndicat des enseignants de Nouvelle-Écosse pousse le gouvernement à conclure un accord

https://etoiledunord.media/wp-content/uploads/2024/04/20240415_171610-topaz-1024x576.jpg24 avril 2024, par L'Étoile du Nord
La semaine dernière, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et le syndicat représentant les 10 000 enseignants de la province ont conclu un accord de principe sur une nouvelle (…)

La semaine dernière, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et le syndicat représentant les 10 000 enseignants de la province ont conclu un accord de principe sur une nouvelle convention collective. Un vote de grève quasi unanime pesait sur le gouvernement depuis le 11 avril et a rapidement (…)

Aujourd’hui, 23 avril, nous échangeons avec Nimâ Machouf et Jean-Pierre Roy

23 avril 2024, par Martin Gallié, Jean-Pierre Roy, Nimâ Machouf — , , ,
Elle et il nous parlent de la délégation internationale, sa composition, ses représentants et surtout de leur représentantes. Les porte-paroles et organisatrices sont (…)

Elle et il nous parlent de la délégation internationale, sa composition, ses représentants et surtout de leur représentantes. Les porte-paroles et organisatrices sont principalement des femmes. Jean-Pierre et Nimâ reviennent également sur la formation obligatoire reçue par tous les membres de la délégation, sur la solidarité exceptionnelle des turcs et des stambouliotes en particulier avec les palestinien·nes et les membres de la délégation, sur le fait qu'il est impossible d'avoir des nouvelles de Gaza, sur leurs craintes que les bateaux ne puissent pas apporter l'aide humanitaire sous la pression des Gouvernements israélien et occidentaux.

Aujourd'hui, 23 avril 2024, nous échangeons avec Nimâ Machouf, épidémiologiste et Jean-Pierre Roy, infirmier, tous les deux membres de la Flottille de la liberté pour Gaza

Version audio de l'entrevue du 23 avril 2024

9359 résultat(s).
Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG)

gauche.media

Gauche.media est un fil en continu des publications paraissant sur les sites des médias membres du Regroupement des médias critiques de gauche (RMCG). Le Regroupement rassemble des publications écrites, imprimées ou numériques, qui partagent une même sensibilité politique progressiste. Il vise à encourager les contacts entre les médias de gauche en offrant un lieu de discussion, de partage et de mise en commun de nos pratiques.

En savoir plus

Membres