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Christian Dubé devant la CCMM | Un comité d’accueil pour rappeler au ministre que sa réforme est tout, sauf santé !

18 juin 2024, par Collectif — , , ,
Profitant du passage du ministre de la Santé, Christian Dubé, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), les organisations syndicales en santé et services (…)

Profitant du passage du ministre de la Santé, Christian Dubé, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), les organisations syndicales en santé et services sociaux ont voulu lui rappeler que sa réforme est tout, sauf santé ! Depuis le dépôt du projet de loi créant l'agence Santé Québec, les organisations syndicales multiplient les dénonciations face à une réforme centralisatrice, antidémocratique et qui offre une place de choix au privé en santé.

« L'absence d'écoute et de dialogue social du ministre est déplorable. Sa réforme va à l'encontre de solutions qui font largement consensus de la part des intervenant-e-s du terrain et du milieu de la recherche », lancent d'une seule voix Robert Comeau de l'APTS, David Bergeron-Cyr de la CSN, Réjean Leclerc de la FSSS-CSN, Isabelle Dumaine de la FSQ-CSQ, Jessica Goldschleger de la FP-CSN, Isabelle Groulx de la FIQ, Fanny Demontigny du Conseil provincial des affaires sociales (CPAS-SCFP), Martin Trudel du SPGQ et Sylvie Nelson du SQEES-FTQ.

Plusieurs dizaines de militant-e-s et de membres des organisations syndicales en santé et services sociaux étaient aux abords du Palais des congrès de Montréal pour accueillir le ministre Dubé invité à prendre la parole devant des membres issu-e-s de la communauté des affaires. Le réseau de la santé et des services sociaux sera frappé de plein fouet par une énième réforme et les expériences du passé devraient allumer de nombreux voyants rouges sur le tableau de bord du ministre Dubé. « La visite du ministre Dubé devant la CCMM n'est pas sans intérêt. Alors que monsieur Dubé rencontre les gens du milieu des affaires, il refuse de rencontrer ceux et celles qui sont concerné-e-s au premier chef, les travailleur-euse-s du réseau. Par ailleurs, dans sa réforme, l'ouverture sans précédent du privé aux services publics est hautement préoccupante. Qu'est-ce que ça va lui prendre pour comprendre que ce n'est pas d'une réforme de structure que les Québécois-e-s ont besoin ? La population veut avoir accès à de meilleurs soins et services, et ce, dans un réseau public, gratuit et accessible », de poursuivre les porte-parole.

Pour les organisations syndicales, ni la voix des citoyen-ne-s ni celles des travailleur‑euse‑s ne sont prises en compte actuellement par le ministre Dubé. « Comment peut-il lancer une réforme d'une telle ampleur dans le réseau de la santé et des services sociaux en réfutant les nombreuses questions sur la centralisation accrue qui éloignera la prise de décisions du plancher, sur l'insuffisance des mécanismes de reddition de compte et sur l'ouverture inédite à la privatisation ? Ni l'offre de soins et de services, ni les listes d'attentes, ni les problèmes de pénurie de main-d'œuvre ou ni la capacité du réseau d'attirer et de retenir du personnel en santé et services sociaux ne seront améliorés dans la forme actuelle de sa réforme. Que le ministre se le tienne pour dit, nous ne lâcherons pas le morceau ! Pour le bien des travailleur-euse-s et celui des patient-e-s du Québec ».

Sources

Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)

Fédération de la Santé du Québec (FSQ–CSQ)

Fédération des professionnèles (FP–CSN)

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec – FIQ

Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-FTQ)

Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)

Syndicat québécois des employées et employés de service (SQEES-FTQ)

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Des chefs syndicaux internationaux affirment leur appui aux syndicats et au peuple palestiniens

18 juin 2024, par Congrès du travail du Canada (CTC) — , , ,
Cette semaine, des dirigeants de sept fédérations syndicales internationales (FSI) et de la Confédération syndicale internationale (CSI) se sont rendus à Ramallah pour (…)

Cette semaine, des dirigeants de sept fédérations syndicales internationales (FSI) et de la Confédération syndicale internationale (CSI) se sont rendus à Ramallah pour manifester leur solidarité aux syndicats de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Ces organisations représentent des personnes travaillant dans presque tous les secteurs de l'économie mondiale et ont plus de 200 millions de membres dans plus de 150 pays. De concert avec leur affiliés palestiniens et d'autres, ces FSI et tous les membres du Conseil des Syndicats mondiaux (CGU) se sont engagés à intensifier les efforts faits pour aider les syndicats locaux à traverser cette période difficile pour les travailleurs et travailleuses et à jouer leur rôle de facteurs clés de changement en Palestine.

La délégation, qui comprenait les secrétaires généraux de la CSI et des FSI ainsi que de nombreux dirigeants syndicaux principaux du monde entier, a rencontré des représentants de la Fédération générale des syndicats de Palestine (FGSP) et des dirigeants syndicaux représentant les travailleurs et travailleuses de Cisjordanie et de la bande de Gaza. Elle a aussi rencontré le président palestinien Mahmoud Abbas, le premier ministre Mohammad Mustapha et plusieurs ministres gouvernementaux pendant la mission du 28 au 30 mai 2024. Plusieurs syndicats mondiaux collaborent déjà étroitement avec leurs collègues palestiniens, tous engagés à appuyer la lutte des travailleurs et travailleuses de Palestine.

La délégation a indiqué clairement ce qui suit : « nous exprimons notre solidarité à l'égard des syndicats et des travailleurs palestiniens en ces temps difficiles. Nous nous inquiétons grandement de la grave crise humanitaire que vit la population de la bande de Gaza et nous épaulons les Palestiniens, les Israéliens et les gens du monde entier qui appellent à la paix, à l'égalité et à la justice ».

Les priorités immédiates doivent comprendre un cessez-le-feu immédiat et permanent et le plein respect du droit humanitaire international, l'accès immédiat à l'aide humanitaire, la libération de tous les otages et les autres personnes détenues sans qu'ait été suivie une procédure judiciaire appropriée et le retour chez eux en sécurité de tous les travailleurs et travailleuses piégés par le conflit.

La délégation a rappelé la politique de longue date de la CSI et d'autres syndicats mondiaux en faveur d'une solution à deux États et de l'appel à une paix juste et durable par la pleine mise en œuvre des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l'ONU pour faciliter un avenir économique valable dans une Palestine indépendante. Cela comporte la fin de l'occupation de la Cisjordanie, le démantèlement de toutes les colonies illégales et la reconnaissance des frontières d'avant 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale d'un État palestinien.

La délégation a incité les gouvernements à rétablir et à accroître le financement de l'UNRWA. « Le rôle de l'UNRWA est crucial pour la prestation de services essentiels et le soutien des Palestiniens à un moment où ils en ont le plus besoin. »

« Nous sommes venus renforcer et approfondir notre engagement à l'égard des travailleurs et travailleuses palestiniens et de leurs syndicats – nous faisons tous partie de la même grande famille. Notre objectif est d'instaurer une Palestine démocratique et souveraine, vivant en paix et en sécurité justes et durables aux côtés d'Israël. Nous savons que les syndicats sont un élément essentiel de toute démocratie et que des syndicats indépendants forts et démocratiques seront un des principaux facteurs de l'atteinte de cet objectif en Palestine. »

La délégation a indiqué qu'elle avait entendu d'émouvants témoignages de Palestiniens qui avaient payé un prix terrible pendant la guerre en cours. Outre la réalité déchirante des destructions et des pertes de vies dans la bande de Gaza, nous avons entendu parler de la violence des colons et de restrictions des droits de la personne tels que la liberté de circulation ainsi que de difficultés économiques en Cisjordanie.

Néanmoins, ce qui ressort, c'est l'engagement à l'égard du syndicalisme et de son potentiel d'aider à un juste règlement dans le chaos plus large de ce conflit.

« Notre responsabilité de syndicalistes mondiaux est de nourrir ce sentiment, et nous appelons le mouvement syndical mondial à mettre en pratique ses principes de paix, d'humanité, de démocratie et de solidarité. Il peut y arriver notamment en continuant à investir dans un dialogue constructif avec les syndicats tant d'Israël que de Palestine qui reconnaissent le rôle critique qu'ils sont appelés à jouer dans leurs sociétés respectives. »

« Les organisations syndicales internationales n'oublieront ni ne délaisseront leurs consœurs et confrères de Palestine. Nous redoublerons d'efforts pour soutenir vos syndicats et vous soutenir. Les syndicats sont restés constants – démocratiques, enracinés dans leurs communautés et bien équipés pour apporter un soutien concret pendant la reconstruction, qui devrait intégrer les principes du travail décent et des services publics de qualité. »

De nombreux syndicats internationaux ont déjà apporté une aide importante aux travailleurs et travailleuses par l'intermédiaire des syndicats de la bande de Gaza et de la Cisjordanie. L'Internationale de l'éducation a fourni une aide financière à plus de 1 000 enseignants en Palestine et des abris à plus de 5 000 enfants à Rafah. La Fédération internationale des journalistes apporte un soutien direct aux reporters de la bande de Gaza et gère un centre de solidarité doté d'un espace de travail et d'équipements à Khan Younis. La Fédération internationale des ouvriers du transport et l'Internationale des services publics ont toutes deux lancé des fonds de solidarité pour apporter une aide immédiate et un soutien à plus long terme aux travailleurs et travailleuses palestiniens des transports et des services publics et à leurs familles. L'Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois a fourni une aide humanitaire et des abris aux travailleurs de la construction et à leurs familles.

La délégation a conclu : « Les syndicats font partie du mouvement mondial pour la paix. Nous défendons la paix au même titre que des valeurs aussi importantes que la démocratie et l'humanité. C'est pourquoi nous sommes ici. »

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Déclaration (France) : Urgence face à la montée de l’extrême-droite

18 juin 2024, par MMF France — , ,
URGENCE, face à la montée de l'extrême-droite nous faisons le choix d'un espoir de construction sociale et politique libre, juste, solidaire, hors des dominations de l'argent (…)

URGENCE, face à la montée de l'extrême-droite nous faisons le choix d'un espoir de construction sociale et politique libre, juste, solidaire, hors des dominations de l'argent et du masculin triomphant, machiste et misogyne

Tiré de Europe Solidaire
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article71090
vendredi 14 juin 2024,
par MMF France

Depuis le 9 juin cette construction parait encore plus difficile, les forces d'extrême droite, fascistes, racistes, misogynes, ont fait passer tous leurs mensonges pour un futur rassurant.

Hier, nous avons toutes et tous subi un terrible choc. Comme une épidémie, le virus de l'extrême droite frappe dans un nombre impressionnant de pays. C'est un phénomène de société développé par le système d'individualisation extrême, où le collectif est dévalorisé. La pensée est niée, seuls comptent la satisfaction immédiate, le développement individuel, le moi démesuré, la consommation à outrance comme vecteur de bien être.

Cette société alimentée par les média aux mains des plus grandes fortunes, cette société s'est construite depuis une quarantaine d'années, pour ouvrir les portes au parti politique et au gouvernement qui servira le mieux les intérêts de ceux qui ne veulent pas perdre la domination des peuples.

Nous sommes face à une destruction, qui se veut massive, des acquis sociaux, sociétaux, économiques du plus grand nombre des citoyen.ne.s. Ce n'est pas seulement une erreur politique, une mauvaise passe, non, le phénomène est international, la peste brune s'installe en Europe, aux Etats-Unis, en Amérique Latine. La peste brune grandit partout et contamine l'esprit des femmes et des hommes.

L'urgence est grande, il faut absolument reconstruire une unité qui rassemble toutes les forces vives. Lorsque les citoyennes et des citoyens s'organisent pour construire un monde plus juste et solidaire, leur pouvoir est réellement efficient.

Nous souhaitons une vie juste et digne pour le plus grand nombre, plutôt que la richesse sans limite pour quelques-uns.

Nous voulons la solidarité et la sororité, plutôt que la division, l'empathie plutôt que la rivalité. Nous voulons une éducation laïque et non sexiste. La liberté de choisir la maternité ou pas, et donc le droit à l'IVG et le mariage pour toutes et tous quels que soient nos choix, ne doivent être mis en cause.

Nous devons dénoncer les double discours concernant les droits des femmes du Rassemblement National. Le RN est l'ennemi des femmes. Le retour de l'extrême droite au pouvoir c'est le retour à une société archaïque et masculiniste.

Le projet que nous portons, nous les féministes, est incontournable et indispensable aux changements, pour que les femmes participent enfin à la construction politique, sociale, économique.

Nous faisons le choix de nous battre, car en nous attaquant à la racine des inégalités, nous portons des solutions pour un avenir juste, solidaire, émancipateur, égalitaire.

AUJOURD'HUI IL EST PLUS QUE JAMAIS URGENT DE REFLECHIR ET D'AGIR ENSEMBLE.

MMF France

• Entre les lignes entre les mots. 17 juin 2024 :
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/06/17/contre-lextreme-droite-dans-la-rue-et-dans-les-urnes-divers-textes/
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La syndicalisation d’Amazon aux États-Unis : s’organiser face à la nouvelle barbarie capitaliste

Léo Palardy a participé à la délégation du Journal des Alternatives à la conférence No War, But Class War à New York. Il a rencontré Justine Medina, travailleuse au site Amazon (…)

Léo Palardy a participé à la délégation du Journal des Alternatives à la conférence No War, But Class War à New York. Il a rencontré Justine Medina, travailleuse au site Amazon JFK8 à New York et qui est impliquée dans l'organisation du syndicat Amazon Labor Union.

12 juin 2024 | tiré du site du Journal des alternatives
https://alter.quebec/la-syndicalisation-damazon-aux-etats-unis-sorganiser-face-a-la-nouvelle-barbarie-capitaliste/

Léo Palardy – JdA-PA. À quoi ressemblent les conditions de travail dans les entrepôts Amazon ?
Avant de joindre l'Amazon Labor Union, Justine Medina, à droite, fut organisatrice centrale de campagne d'Alexandria Ocasio-Cortez, à gauche, membre, députée de Democratic Socialists of America (DSA) sous la bannière démocrate.

Justine Medina : Les conditions de travail chez Amazon sont horribles. À Amazon JFK8, il y a sans cesse des blessures et des ambulances visitent l'entrepôt presque tous les jours. Et ce ne sont que les blessures qui sont déclarées, d'autres sont complètement ignorées par la compagnie.

Une enquête a démontré qu'il y a deux fois plus de blessures chez Amazon que le ratio normal de blessures dans un entrepôt semblable et qu'il est plus élevé que le ratio de blessures dans l'industrie moderne d'extraction du charbon.

Dans d'autres entrepôts, des gens sont littéralement morts au travail. Les quarts de travail sont de 10 à 12 heures, au moins quatre jours par semaine. Durant les périodes de pointe, nous sommes forcé·es à faire du surtemps. On doit alors travailler 60 heures par semaine en étant toujours debout. Amazon cherche constamment à accélérer la production et à imposer des rythmes très rapides. Les travailleur·euses ne sont pas en mesure de s'asseoir, même si ce sont des personnes âgées, voire handicapé·es ou enceintes.

Très souvent, Amazon viole la loi en refusant de donner des accommodements ou de les respecter s'il y en a. C'est un des principaux problèmes que le syndicat cherche à régler. Nous défendons les personnes lésées devant les ressources humaines afin qu'elles obtiennent les accommodements dont elles ont besoin. Nous veillons à ce qu'elles connaissent leurs droits, notamment celui de refuser de travailler si on leur demande d'exécuter un travail dangereux ou si leurs accommodements ne sont pas respectés.

L.P. À propos du cadre juridique, est-ce la législation qui est mauvaise ou est-ce plutôt qu'elle n'est pas appliquée ? Ou peut-être une combinaison des deux ?

J.M. : Un peu des deux. La législation n'est définitivement pas assez forte. Depuis Taft-Hartley, qui est une loi qui remonte à 1947, au début du Red Scare1, les pénalités envers les compagnies qui brisent le code du travail sont très légères : ce ne sont qu'une petite tape sur les doigts pour ces méga corporations. Il est aussi très difficile de les faire appliquer. Le Labor Department et le National Labor Relations Board ont tous les deux été sévèrement sous-financés. Ça prend des années pour faire appliquer ces lois par la Cour. En conséquence, les compagnies violent la loi constamment.

Le cadre légal est toutefois utile comme outil d'agitation et de sensibilisation. Dans l'État de New York, par exemple, nous avons soutenu l'adoption d'une loi appelée la Warehouse Worker Protection Act, qui assure le respect de droits de base. Par exemple, si vous travaillez dans un entrepôt, vous avez le droit d'aller aux toilettes ou d'aller boire de l'eau sans vous faire renvoyer. Ce qui vient en même temps réduire le rythme de la production bien entendu.

Avec le Warehouse Worker Protection Act, c'est aujourd'hui devenu plus difficile pour Amazon de mettre des gens à la porte pour avoir eu recours à un droit prévu dans la loi, surtout lorsqu'on demande son respect en affirmant : « Non, ce sont mes droits ! ». On se sert du code du travail comme un outil de lutte. Bien sûr, une application plus forte de la loi et des lois plus contraignantes seraient utiles aux travailleur·euses.

L.P. À propos du nombre d'heures de travail par jour, y a-t-il des restrictions aux États-Unis ? Et si oui, est-ce qu'Amazon les respecte ?

J.M. : Au niveau fédéral, après avoir travaillé 40 heures, vous devez être payé·es en temps supplémentaire et on ne peut pas travailler plus de 60 heures par semaine pour un travail unique. Certains États calculent le surtemps en fonction du nombre d'heures par jour, mais la plupart le font par semaine. C'est ainsi qu'Amazon réussit à imposer des journées de 12 heures. Ils respectent la loi de cette manière.

Cependant, Amazon est aussi très reconnu pour faire du vol de paye, surtout vis-à-vis de ses chauffeur·euses. Ils refusent de leur donner les bonus et les pourboires qui leur sont dus. Amazon trouve aussi des moyens d'éviter de payer quand il y a des blessures et travaille très fort à voler une partie des salaires des travailleur·euses tout en semblant respecter la loi.

L.P. Et face à cela vous vous organisez ?

J.M. : Oui, nous le faisons, ou du moins nous y travaillons.

L.P. Vous avez eu des succès ?

J.M. : Dans certains cas, oui. Amazon JFK8 a été le premier entrepôt Amazon en Amérique du Nord à réussir à se syndiquer2. La décision du National Labor Relations Board aux États-Unis est une très grande victoire considérant qu'il s'agit d'un entrepôt de plus de 5000 travailleur·euses. Plus récemment, un autre emplacement, un centre de livreur·euses a réussi à se syndiquer sous les Teamsters, ce centre emploie par sous-traitance environ 150 travailleur·euses.

Mais ce n'est pas tout, il y a beaucoup d'autres mobilisations qui ont lieu en même temps. Il y a présentement des comités dans près d'une centaine d'Amazon à travers les États-Unis. Certains essaient de se syndiquer, mais d'autres cherchent simplement à faire de l'agitation contre les politiques d'Amazon. Il peut s'agir d'enjeux de racisme, de sexisme, d'homophobie ou de transphobie. Il y a aussi la campagne du mouvement No Tech For Apartheid, qui lutte entre autres contre les politiques pro-guerres et pro-apartheids d'Amazon, qui supporte l'IDF par le biais de contrats avec l'armée américaine.

L.P. Avec cette lutte directe pour de meilleures conditions de travail, est-ce que la conscience de classe des travailleur·euses se développe ?

J.M. : Je peux définitivement dire qu'à mon entrepôt, le JFK8, la conscience de classe est beaucoup plus forte qu'il y a trois ans. Vous savez, même si le syndicat est toujours faible en termes de participation des membres, il y a une conscience de classe qui se développe chez les travailleur·euses. Certain·es commencent à dire qu'iels méritent d'être mieux payé·es. D'autres résistent individuellement à travailler dans des conditions dangereuses. D'autres encore commencent à refuser de travailler dans d'autres entrepôts par lesquels iels n'ont pas été embauché·es.

Parfois les travailleur·euses reprennent les arguments du syndicat, mais même si ce n'est pas toujours le cas, on sait que nous avons fait un bon travail sur le plan de l'éducation aux droits. Quand j'ai commencé à travailler à JFK8, j'allais voir les gens et je leur parlais du mouvement et du combat syndical. La plupart n'en n'avaient jamais entendu parler et ne savaient pas vraiment ce que voulait dire être syndiqué·e. Depuis ce temps, nous voyons définitivement une progression dans la conscience de classe ainsi que dans le combat collectif. La prochaine étape est simplement d'organiser ces travailleur·euses de manière à les unir et à passer à l'action.

L.P. Merci beaucoup pour votre disponibilité.

J.M. : Vous êtes le bienvenue.

Peur Rouge, expression qui veut caractériser le sentiment qui prévaut dans la population américaine durant la période de l'offensive anticommuniste et antisyndicale du sénateur McCarthy aux États-Unis. [↩]
Au Québec, c'est le 10 mai 2024 que fut reconnu un premier syndicat chez Amazon au Canada par le Tribunal administratif du travail, suite au dépôt de signatures majoritaires par la CSN : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2072208/syndicat-entrepot-amazon-laval-canada [↩]

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Nouveau Front Populaire : Contrat de législature

18 juin 2024, par Nouveau Front Populaire — ,
Voici le programme du Nouveau Front populaire, candidat à l'élection législative déclenchées par Macron en réponse à la poussée de l'extrême droite aux récentes européennes. (…)

Voici le programme du Nouveau Front populaire, candidat à l'élection législative déclenchées par Macron en réponse à la poussée de l'extrême droite aux récentes européennes.

14 juin 2024 | tiré du site alencontre.org |Photo : La présentation du programme du Nouveau Front populaire à Paris le 14 juin. © JULIEN DE ROSA / AFP

Partie 1

15 premiers jours

LA RUPTURE

Une seule priorité pour le gouvernement du Nouveau Front Populaire dès son installation : répondre aux urgences qui abîment la vie et la confiance du peuple français. Nous en finirons avec la brutalisation et la maltraitance des années Macron. Nous adopterons immédiatement 20 actes de rupture pour répondre à l'urgence sociale, au défi climatique, à la réparation des services publics, à un chemin d'apaisement en France et dans le monde. Pour que la vie change dès l'été 2024.

Décréter l'état d'urgence sociale

  • Bloquer les prix des biens de première nécessité dans l'alimentation, l'énergie et les carburants par décret, et renforcer le bouclier qualité-prix pour les outre-mer
  • Abroger immédiatement les décrets d'application de la réforme d'Emmanuel Macron passant l'âge de départ à la retraite à 64 ans, ainsi que la réforme de l'assurance-chômage
  • Augmenter le minimum contributif au niveau du SMIC et le minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté
  • Augmenter les salaires par le passage du SMIC à 1600€ net, par la hausse de 10% du point d'indice des fonctionnaire (intégralement compensée pour les collectivités territoriales), augmenter les indemnités des stagiaires, le salaire des apprentis et des alternants
  • Engager les négociations commerciales en garantissant un prix plancher et rémunérateur aux agriculteurs et en taxant les superprofits des agro-industriels et de la grande distribution
  • Revaloriser les APL [Aide personnalisée au logement] de 10%

Relever le défi climatique

  • Décréter un moratoire sur les grands projets d'infrastructures autoroutières
  • Adopter un moratoire sur les méga-bassines
  • Mettre en place des règles précises de partage de l'eau sur l'ensemble des activités

Défendre le droit au logement

  • Relancer la construction du logement social en revenant sur les coupes de Macron pour les organismes HLM de 1,4 milliard d'euros annuels
  • Créer les places d'accueil d'hébergement d'urgence permettant un accueil inconditionnel et procéder dans les situations d'urgence à la réquisition des logements vides nécessaires pour loger les sans-abris

Réparer les services publics

  • Organiser une conférence de sauvetage de l'hôpital public afin d'éviter la saturation pendant l'été, proposer la revalorisation du travail de nuit et du week-end pour ses personnels
  • Redonner à l'école publique son objectif d'émancipation en abrogeant le « choc des savoirs » de Macron, et préserver la liberté pédagogique
  • Faire les premiers pas pour la gratuité intégrale à l'école : cantine scolaire, fournitures, transports, activités périscolaires
  • Augmenter le montant du Pass'Sport à 150 euros et étendre son utilisation au sport scolaire en vue de la rentrée

Apaiser

  • Relancer la création d'emplois aidés pour les associations, notamment sportives et d'éducation populaire
  • Déployer de premières équipes de police de proximité, interdire les LBD et les grenades mutilantes, et démanteler les BRAV-M [brigade de répression de l'action violente motorisée]

Retrouver la paix en Kanaky-Nouvelle Calédonie

  • Abandonner le processus de réforme constitutionnelle visant au dégel immédiat du corps électoral. C'est un geste fort d'apaisement qui permettra de retrouver le chemin du dialogue et de la recherche du consensus. À travers la mission de dialogue, renouer avec la promesse du « destin commun », dans l'esprit des accords de Matignon et de Nouméa et d'impartialité de l'État, en soutenant la recherche d'un projet d'accord global qui engage un véritable processus d'émancipation et de décolonisation.

Mettre à l'ordre du jour des changements en Europe

  • Refuser les contraintes austéritaires du pacte budgétaire
  • Proposer une réforme de la Politique agricole commune (PAC)

L'urgence de la Paix

Promouvoir une diplomatie française au service de la paix

Faire des propositions en vue d'une diplomatie de promotion des biens communs planétaires :

  • Une diplomatie qui préserve notre environnement : reconnaissance du crime d'écocide, protection des fonds marins, défense de la gestion des pôles comme bien communs de l'humanité, soutenir la création d'un tribunal international de justice climatique et environnementale
  • Une diplomatie au service de la santé : défendre la levée des brevets sur les vaccins et les moyens médicaux de lutte contre les pandémies
  • Une diplomatie qui garantit la démilitarisation et la dépollution de l'espace

Adopter une diplomatie féministe en augmentant les financements internationaux pour les droits des femmes et en poussant l'adoption de la clause de la législation la plus favorisée en Europe

Faire respecter l'engagement de la France d'attribuer 0,7% de son RNB à l'aide publique au développement

Promouvoir une diplomatie française au service de la paix

Pour faire échec à la guerre d'agression de Vladimir Poutine, et qu'il réponde de ses crimes devant la justice internationale : défendre indéfectiblement la souveraineté et la liberté du peuple ukrainien ainsi que l'intégrité de ses frontières, par la livraison d'armes nécessaires, l'annulation de sa dette extérieure, la saisie des avoirs des oligarques qui contribuent à l'effort de guerre russe dans le cadre permis par le droit international, l'envoi de casques bleus pour sécuriser les centrales nucléaires, dans un contexte international de tensions et de guerre sur le continent européen et œuvrer au retour de la paix.

Agir pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza et pour une paix juste et durable

  • Rompre avec le soutien coupable du gouvernement français au gouvernement suprémaciste d'extrême droite de Netanyahu pour imposer un cessez-le-feu immédiat à Gaza et faire respecter l'ordonnance de la Cour Internationale de Justice (CIJ) qui évoque, sans ambiguïtés, un risque de génocide
  • Agir pour la libération des otages détenus depuis les massacres terroristes du Hamas, dont nous rejetons le projet théocratique, et pour la libération des prisonniers politiques palestiniens
  • Soutenir la Cour Pénale Internationale (CPI) dans ses poursuites contre les dirigeants du Hamas et le gouvernement de Netanyahu
  • Reconnaître immédiatement l'État de Palestine aux côtés de l'État d'Israël sur la base des résolutions de l'ONU
  • Décréter un embargo sur les livraisons d'armes à Israël
  • Infliger des sanctions contre le gouvernement d'extrême droite de Netanyahu tant que celui-ci ne respecte pas le droit international à Gaza et en Cisjordanie
  • Demander la suspension de l'accord d‘association Union européenne – Israël, conditionné au respect des droits humains
  • Permettre l'organisation d'élections libres sous contrôle international pour permettre aux Palestiniens de décider de leur destin
  • Faire respecter la souveraineté du Liban et la protection des 700 Français engagés sous casque bleu pour le droit international

Partie 2

100 premiers jours

L'ÉTÉ DES BIFURCATIONS

Passés les 15 premiers jours, une session extraordinaire s'ouvrira à l'Assemblée nationale, où les groupes du Nouveau Front Populaire sont majoritaires, puis une seconde à la rentrée, après la fin des Jeux Olympiques et Paralympiques. Le Parlement tient une place beaucoup plus importante dans le type de gouvernement promu par le Nouveau Front Populaire.

Les députés sont particulièrement associés et / ou à l'initiative de 5 paquets législatifs pour amorcer les grandes bifurcations dont le pays a besoin. D'abord, à la suite des mesures d'urgence par décret, la présentation d'une grande loi permet de rattraper et d'améliorer la situation sociale des Français grandement paupérisés par 7 ans de macronisme et 3 ans d'inflation. Deux grandes lois permettront d'entamer la reconstruction des deux services publics les plus cruciaux : santé et éducation.

Une loi énergie climat permettra de jeter les bases de la planification écologique. Enfin, le premier projet de loi de finances rectificative sera présenté pour abolir les privilèges des milliardaires.

Faire une grande loi pour le pouvoir d'achat

  • Organiser une grande conférence sociale sur les salaires, l'emploi et la qualification
  • Indexer les salaires sur l'inflation et porter l'Allocation d'Autonomie Handicapée (AAH) au niveau du SMIC
  • Abolir la taxe Macron de 10% sur les factures d'énergie, annuler la hausse programmée du prix du gaz au 1er juillet, plafonner des frais bancaires, faire la gratuité des premiers kWh, abolir les coupures d'électricité, de chaleur et de gaz (hors trêve hivernale), annuler les réformes Macron sur le revenu de solidarité active (RSA)

Faire une grande loi santé

  • Réguler l'installation des médecins dans les déserts médicaux et rétablir des permanences de soin des soignants libéraux dans les centres de santé
  • Conditionner l'ouverture des cliniques privées à la participation à la permanence des soins et à la garantie d'un reste à charge zéro
  • Engager un plan pluriannuel de recrutement des professionnels du soin et du médico-social (médecins, infirmiers, aides-soignants, personnels administratifs) et de revalorisation des métiers et des salaires
  • Créer un pôle public du médicament avec renforcement des obligations de stocks
  • Interdire tous les polluants éternels (PFAS) pour toutes les utilisations, notamment les ustensiles de cuisine

Faire une grande loi éducation

  • Réduire les effectifs par classe pour faire mieux que la moyenne européenne de 19 élèves
  • Moduler les dotations des établissements scolaires – y compris privés – en fonction de leur respect d'objectifs de mixité sociale
  • Démocratiser l'université en abolissant Parcoursup et la sélection dans l'université publique, instaurer le repas à 1 euro dans les Crous [Centre Régional des Œuvres Universitaires et Scolaires]
  • Investir dans l'Éducation nationale à hauteur des besoins en engageant la revalorisation des grilles de salaires, en réinvestissant dans les locaux scolaires, en renforçant les effectifs de la médecine scolaire – en garantissant le nombre de personnels par établissement – et de la vie scolaire en reconnaissant leur rôle pédagogique, en créant un service public d'accompagnement des élèves en situation de handicap, en formant et titularisant les actuelles accompagnantes d'élèves en situation de handicap (AESH)
  • Mettre en place une garantie d'autonomie qui complète les revenus des ménages situés sous le seuil de pauvreté (accessible dès 18 ans pour les personnes indépendantes fiscalement et dès 16 ans pour les élèves de l'enseignement professionnel)

Entamer la planification écologique

  • Faire voter une loi énergie-climat
  • Inscrire le principe de la règle verte
  • Mettre en place un plan climat visant la neutralité carbone en 2050
  • Assurer l'isolation complète des logements, en renforçant les aides pour tous les ménages et garantissant leur prise en charge complète pour les ménages modestes
  • Accélérer la rénovation des bâtiments publics (écoles, hôpitaux, etc)
  • Renforcer la structuration de filières françaises et européennes de production d'énergies renouvelables (de la fabrication à la production)
  • Faire de la France le leader européen des énergies marines avec l'éolien en mer et le développement des énergies hydroliennes
  • Revenir sur la fusion entre l'Agence de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de recherche sur la sûreté nucléaire (IRSN)
  • Refuser la privatisation des barrages hydroélectriques

Lutter contre toutes les formes de racismes, contre l'antisémitisme et l'islamophobie

Au moment où l'extrême droite menace, nous rappelons que la parole et les actes racistes, antisémites et islamophobes se propagent dans toute la société et connaissent une explosion inquiétante, sans précédent. Aucune tolérance n'est de mise face à ces menaces et à ces comportements d'où qu'ils viennent.

S'attaquer à nos compatriotes pour leur couleur de peau ou leur religion supposée ou réelle, c'est s'attaquer à la République. En voir certains quitter ou vouloir quitter notre pays est un échec collectif.

Nous nous engageons à :

  • Donner à la justice les moyens de poursuivre et de sanctionner les auteurs de propos ou actes racistes, islamophobes et antisémites
  • Instaurer un Commissariat à l'égalité doté d'un Observatoire des discriminations et de pôles spécialisés au sein des services publics et des cours d'appel
  • Adopter et mettre en œuvre un plan de lutte contre les discriminations, notamment à l'embauche, à la santé et au logement, et le renforcement des sanctions

L'antisémitisme a une histoire tragique dans notre pays qui ne doit pas se répéter. Tous ceux qui propagent la haine des juifs doivent être combattus.

  • Nous proposerons un plan interministériel pour comprendre, prévenir et lutter contre l'antisémitisme en France, notamment à l'école et contre ses effets sur la vie des populations qui le subissent.
  • Une autre haine cible particulièrement les musulmans ou les personnes assimilées à cette religion. Elle découle notamment de l'omniprésence des discours islamophobes dans certains médias, de presse écrite ou audiovisuelle.
  • Nous proposerons un plan interministériel pour comprendre, prévenir et lutter contre l'islamophobie en France, et contre ses effets sur ceux qui la subissent.
  • Nous assurerons la sécurité des lieux cultuels et culturels (juifs, musulmans, chrétiens) de notre pays en renforçant si nécessaire toutes les mesures de protection policières dont elles bénéficient.

Abolir les privilèges des milliardaires

Adopter un projet de loi de financement rectificative le 4 août, pour se doter d'une politique fiscale juste avec notamment les mesures suivantes :

  • Accroître la progressivité de l'impôt sur le revenu à 14 tranches
  • Rendre la CSG [Contribution sociale généralisée] progressive
  • Rétablir un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) renforcé avec un volet climatique
  • Supprimer la flat tax et rétablir l'exit tax [peut s'appliquer lorsqu'un contribuable français transfère son domicile fiscal hors de France]
  • Supprimer les niches fiscales inefficaces, injustes et polluantes
  • Réformer l'impôt sur l'héritage pour le rendre plus progressif en ciblant les plus hauts patrimoines et instaurer un héritage maximum
  • Instaurer une taxe kilométrique sur les produits importés

Partie 3
Les mois suivants

LES TRANSFORMATIONS

Une fois ces grands chantiers lancés, tout reste à faire pour tout changer ! Ce sera la tâche du gouvernement et des députés du Nouveau Front Populaire, en lien constant avec la société mobilisée, notamment les syndicats, associations, collectifs.

L'ambitieux programme législatif de transformation que le Nouveau Front Populaire se fixe pour les mois suivants est largement issu des propositions et revendications produites par cette société mobilisée. Sa cohérence globale c'est l'application pleine et entière du programme suivant : liberté, égalité, fraternité. Son cap c'est l'harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature.

Le service public est de retour

  • Lancer le rattrapage des postes manquants de fonctionnaires à l'hôpital public, dans le soin et le médico-social, à l'école publique, dans la justice, dans les services et les agences de l'État, en revalorisant les métiers et les salaires
  • Garantir l'accès aux services publics à toutes et tous sans condition de nationalité et sur tout le territoire par un plan d'investissement : personne ne doit habiter à plus de trente minutes d'un accueil physique des services publics
  • Garantir l'accès à chaque famille à un mode de garde adapté grâce à un service public de la petite enfance ouvrant 500 000 places en crèches ou autre solution de garde
  • Organiser des états généraux des quartiers populaires et des états généraux des espaces ruraux pour construire une véritable égalité territoriale, notamment dans les services publics
  • Lancer un plan Grand âge en rénovant les EHPAD, en augmentant et en formant les professionnels du grand âge
  • Interdire des placements hôteliers dans le cadre de l'Aide Sociale à l'Enfance et interdire les sorties sèches à 18 ans
  • Faire une loi de programmation de la recherche plus ambitieuse

Garantir le droit au logement

Construire 200 000 logements publics par an pendant cinq ans aux normes écologiques les plus ambitieuses

Adopter une grande loi pour garantir le droit au logement effectif comprenant notamment :

  • L'abrogation de la loi Kasbarian qui criminalise les locataires et l'interdiction des expulsions locatives pour impayés sans proposition de relogement
  • L'encadrement des loyers de manière obligatoire dans les zones tendues ainsi que des prix du foncier
  • La garantie universelle des loyers pour sécuriser les propriétaires et les locataires
  • Aucune remise en cause de la loi SRU [Loi relative à la solidarité et au renouvellement urgain] et l'aggravation des sanctions contre les communes hors la loi
  • L'ouverture du prêt à taux zéro à tous les ménages primoaccédants sans distinction géographique ou entre neuf ou ancien

Le nouveau droit à la retraite

Réaffirmer l'objectif commun du droit à la retraite à 60 ans

  • Rétablir les facteurs de pénibilité supprimés par Emmanuel Macron
  • Prendre en compte le RSA pour valider des trimestres en vue de la retraite
  • Indexer le montant des retraites sur les salaires
  • Soumettre à cotisation les dividendes, la participation, l'épargne salariale, les rachats d'action, les heures supplémentaires
  • Augmenter de 0,25 point par an pendant 5 ans les cotisations vieillesse et moduler les cotisations sociales patronales
  • Créer une surcotisation sur les hauts salaires

Vers une 6e République

Abolir la monarchie présidentielle dans la pratique des institutions :

  • Instaurer la proportionnelle
  • Revitaliser le parlement
  • Abroger le 49.3
  • Défendre la décentralisation effective en renforçant la démocratie locale dans l'unité de la République

Instaurer le référendum d'initiative citoyenne (RIC) et renforcer le référendum d'initiative partagée en abaissant notamment le seuil de signatures citoyennes pour son déclenchement

Passer à une 6e République par la convocation d'une assemblée constituante citoyenne élue

Sûreté, Sécurité et Justice

  • Assurer la sécurité de la population par le rétablissement de la police de proximité, la suppression de la réforme Darmanin qui a affaibli la police judiciaire, le maintien de l'ensemble des gendarmeries, l'augmentation des effectifs de police judiciaire, technique, scientifique, du renseignement, des unités en charge du narcotrafic, de la délinquance financière, du trafic d'êtres humains et du démantèlement des réseaux mafieux
  • Revoir et allonger la formation des policiers
  • Mettre en place un nouveau code de déontologie, supprimer l'IGPN [Inspection générale de la police nationale] et l'IGGN [Inspection générale de la gendarmerie nationale] et les remplacer par un nouvel organisme indépendant, rattaché à la Défenseure des droits
  • Augmenter les moyens de la justice pour garantir un traitement juste et dans un délai raisonnable de l'ensemble des procédures, notamment par l'embauche de magistrats, greffiers, agents de la protection judiciaire de la jeunesse
  • Agir contre la surpopulation carcérale, assurer des conditions dignes de détention et donner les moyens à l'administration pénitentiaire et judiciaire de réaliser sa mission en toute sécurité
  • Mettre en place les récépissés pour les contrôles d'identité

Faire bifurquer l'économie et réindustrialiser la France

  • Engager un plan de reconstruction industrielle pour mettre fin à la dépendance de la France et de l'Europe dans les domaines stratégiques (semi-conducteurs, médicaments, technologies de pointe, voitures électriques, panneaux solaires, etc.)
  • Réaliser un diagnostic préalable des ressources naturelles avant implantation industrielle
  • Encadrer la sous-traitance, garantir la responsabilité du donneur d'ordre et mettre en place des quotas de sous-traitants issus du tissu de TPE/PME et de l'artisanat local
  • Conditionner les aides aux entreprises au respect de critères environnementaux, sociaux et de lutte contre les discriminations au sein de l'entreprise. Les inscrire dans une stratégie industrielle publique. Exiger le remboursement des aides en cas de non-respect des contreparties
  • Faire des salariés de véritables acteurs de la vie économique, en leur réservant au moins un tiers des sièges dans les Conseils d'Administration et en élargissant leur droit d'intervention dans l'entreprise
  • Réglementer la banque et la finance pour éviter de nouvelles crises et financer l'économie réelle :
    • Augmenter les réserves des banques pour faire face aux risques climatiques
    • Zero financement des banques pour les énergies fossiles en commençant par les nouveaux projets
    • Taxation renforcée des transactions financières
  • Créer un droit de préemption pour permettre aux salariés de reprendre leur entreprise sous la forme d'une coopérative
  • Accompagner les reprises des entreprises en SCOP par les salariés
  • Créer un pôle public bancaire s'appuyant sur la caisse des dépôts et des consignations et la banque publique d'investissement qui aura notamment pour tâche d'affecter la collecte de l'épargne réglementée vers les besoins sociaux et écologiques

Défendre les droits des travailleurs

  • Organiser une conférence nationale sur le travail et la pénibilité visant au rétablissement de la durée effective hebdomadaire du travail à 35 heures, au passage aux 32 heures dans les métiers pénibles ou de nuit immédiatement et son extension par la négociation collective
  • Adopter un plan d'action « zéro mort au travail » par le rétablissement des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), l'embauche d'inspecteurs du travail et de médecins du travail, la mise à jour du tableau des maladies professionnelles en intégrant notamment le burn-out

Développer les transports publics et écologiques

  • Garantir des tarifs accessibles et des mesures de gratuité ciblée (jeunes, précaires, etc.) dans les transports publics et baisser la TVA sur la tarification des transports en commun à 5,5%
  • Mettre en place un plan rail et fret, créer des services express régionaux, adopter un moratoire sur la fermeture des petites lignes et les rouvrir dès que possible, revenir sur la privatisation de Fret SNCF

Conserver la biodiversité

  • Défendre les zones agricoles, naturelles et les zones humides, doubler et améliorer la protection des aires maritimes protégées
  • Protéger la forêt en garantissant la diversité des essences, avec une filière sylvicole respectueuse de la biodiversité et des sols, garantissant les qualifications et les emplois des forestiers
  • Rétablir les milliers de postes supprimés dans le service public de suivi et de protection de la nature : à l'Office national des forêts, à l'Office français de la biodiversité, à Météo France, au Cerema [Centre d'études et d'expertise sur les risques, la mobilité et l'aménagement]

L'eau, notre bien commun

  • Passer à la gestion 100% publique de l'eau en régies locales : pour la gratuité des premiers mètres-cubes indispensables à la vie et la tarification progressive et différentielle selon les usages
  • Atteindre durant le mandat le très bon état écologique et chimique de tous les cours d'eau (fleuves, rivières, ruisseaux) et réserves souterraines et faire contribuer les industriels à la dépollution des nappes et des sols
  • Mailler le territoire de fontaines à eau, de douches et de sanitaires publics et gratuits

Pour une agriculture écologique et paysanne

  • Annuler l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne (CETA) ; renoncer à l'accord du Mercosur et protéger nos agriculteurs de la concurrence déloyale
  • Interdire l'importation de toute production agricole ne respectant pas nos normes sociales et environnementales
  • Lutter contre l'accaparement des terres et permettre à chaque agriculteur qui souhaite s'installer d'accéder à une exploitation pour préserver le modèle agricole familial
  • Soutenir la filière du bio et l'agroécologie, encourager la conversion en bio des exploitations en reprenant leur dette dans une caisse nationale et garantir un débouché aux produits bio dans la restauration collective
  • Rétablir le plan Ecophyto, interdire le glyphosate et les néonicotinoïdes avec accompagnement financier des paysans concernés

Pour l'émancipation de la jeunesse

  • Arrêter le Service National Universel (SNU) pour soutenir à nouveau les associations de jeunesse et d'éducation populaire
  • Créer un dispositif de billet unique ouvert aux jeunes permettant d'accéder à l'ensemble des trains, transports en commun ainsi qu'aux vélos et voitures en libre service du territoire français

Étendre les droits des femmes et des personnes LGBTQI

  • Adopter une loi intégrale pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles en portant le budget à 2,6 milliards d'euros comme demandé par les associations
  • Instaurer l'égalité salariale et créer un congé menstruel dans les entreprises et administrations
  • Prendre en charge par la Sécurité sociale les protections menstruelles et sanctionner les fabricants qui ne respectent pas le contrôle sanitaire et la régulation des prix
  • Établir la filiation par reconnaissance comme principe par défaut, rembourser la procréation médicalement assistée (PMA), la rendre accessible aux personnes trans
  • Mettre en œuvre un plan d'éradication des violences à l'encontre des personnes LGBTQI
  • Autoriser le changement d'état-civil libre et gratuit devant un officier d'état civil
  • Faire face à l'offensive transphobe : lutter contre la transphobie et augmenter les moyens dans la santé pour les transitions

Rompre avec la maltraitance animale

  • Sortir des fermes-usines, améliorer le bien-être animal et interdire l'élevage en cages d'ici la fin de mandature

Un service public des arts et de la culture et des médias au service de l'émancipation

  • Renforcer le budget public consacré à l'art, la culture et la création pour le porter à 1% du PIB par an
  • Limiter strictement la concentration dans les industries culturelles et les médias dans les mains de quelques propriétaires et exclure des aides publiques les médias condamnés pour incitation à la haine ou atteinte à la dignité des personnes
  • Défendre l'indépendance des rédactions face à leurs propriétaires
  • Garantir la pérennité d'un service public de l'audiovisuel en instaurant un financement durable, lisible, socialement juste et en garantissant son indépendance
  • Étendre la gratuité dans tous les musées nationaux, garantir une tarification abordable dans les institutions publiques et encadrer les tarifs abusifs des lieux privés
  • Défendre et améliorer le régime des intermittents et aller vers la création d'un nouveau régime pour les artistes-auteurs

Une République laïque

  • Engager un vaste plan de formation des fonctionnaires à la laïcité, aux principes juridiques de la loi de 1905, renforcer la pédagogie de la laïcité dans l'Éducation nationale pour accompagner les professeurs
  • Augmenter les moyens de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) et élargir son domaine d'intervention au domaine de la formation professionnelle et de la santé publique
  • Refuser les financements publics pour la construction de nouveaux édifices religieux, dédiés aux activités cultuelles ou d'établissements confessionnels

Pour un sport populaire

  • Fixer la pratique de l'EPS à quatre heures hebdomadaires tout au long de la scolarité et créer une association sportive dans tous les établissements scolaires du premier degré
  • Porter un plan de 10 000 équipements sportifs supplémentaires, pensé pour favoriser la pratique du sport féminin et du parasport.
  • Rénover les équipements sportifs existants, notamment dans les universités
  • Porter les moyens du ministère des sports à 1% du budget de l'État
  • Développer des maisons de Sport-Santé dans tout le pays et rembourser le sport sur ordonnance

Les Outre-mer, avant-postes de la planification écologique

  • Réglementer les tarifs de desserte aérienne
  • Mettre en place un taux maximal de sucre dans les aliments transformés
  • Organiser un congrès général des territoires éloignés et insulaires pour établir un plan d'action partagé pour l'égalité et l'autonomie dans les Outre-mer sur la base des cahiers de revendications et des « plans pays » et la mise en place d'un plan quinquennal d'investissement
  • Organiser la distribution de bouteilles d'eau et plafonner le prix de l'eau partout où le service d'eau potable est défaillant via modification du plan ORSEC-eau, et mettre en place de grands travaux de rénovation des canalisations
  • Créer un fonds d'indemnisation et de prévention contre les pollutions pour indemniser et assurer la prise en charge médicale des victimes du chlordécone et des sargasses et investir dans la dépollution et la décontamination des sols et des eaux (chlordécone et glyphosate aux Antilles, mercure en Guyane, essais nucléaires en Polynésie…)
  • Cesser de faire de Mayotte un territoire de seconde zone de la République. Étendre l'aide médicale d'État, aligner les niveaux du RSA et du SMIC sur le reste du pays et scolariser systématiquement tous les enfants
  • Prendre systématiquement en compte les outre-mers dans chaque texte législatif
  • Lutter contre les situations de monopole dans les Outre-mer
  • Proposer un principe de faveur des ultra-marins sur les postes à responsabilité et favoriser le retour des fonctionnaires d'État
  • Favoriser l'enseignement des langues régionales en outre-mer
  • Lancer un plan spécifique de rattrapage en matière de désenclavement routier et ferroviaire en Guyane

Garantir un accueil digne

  • Abroger les lois asile et immigration de Macron
  • Mettre en place une agence de sauvetage en mer et sur terre, dans l'attente de sa création au niveau européen et en appui de l'agence de l'Union européenne pour l'asile
  • Assurer un accompagnement social et une autorisation de travailler pour les demandeurs d'asile
  • Faciliter l'accès aux visas, régulariser les travailleurs, étudiants, parents d'enfants scolarisés et instituer la carte de séjour de dix ans comme titre de séjour de référence
  • Créer un statut de déplacé climatique
  • Améliorer les conditions d'accueil des exilés à Mayotte et supprimer les conditions empêchant le déplacement entre Mayotte et le reste du territoire
  • Créer des voies légales et sécurisées d'immigration
  • Réviser le pacte asile immigration européen pour un accueil digne des migrants
  • Mettre fin aux mesures dérogatoires sur l'étude de la demande d'asile
  • Renforcer les politiques de co-développement aux services des populations
  • Garantir l'accès à l'aide médicale d'État
  • Garantir le droit du sol intégral pour les enfants nés en France et faciliter l'obtention de la nationalité française

Défendre les libertés publiques

  • Abroger le contrat d'engagement républicain liberticide pour les associations
  • Organiser des États généraux sur les libertés publiques
  • Abroger les dispositions liberticides des lois sécurité globale, séparatisme, et les lois qui instaurent un état d'urgence permanent et portent atteinte à nos libertés individuelles et collectives, et réviser la loi et la doctrine sur l'ouverture du feu pour que cessent les morts pour refus d'obtempérer
  • Interdire la reconnaissance faciale et évaluer de manière indépendante les dispositifs de vidéosurveillance en lien avec le défenseur des droits
  • Protéger les lanceurs d'alerte
  • Défendre et renforcer les libertés syndicales et associatives et en finir avec leur répression

Europe

  • Refuser le pacte de stabilité budgétaire
  • Proposer un pacte européen pour le climat et l'urgence sociale
  • Proposer une réforme de la Politique agricole commune (PAC)
  • Mettre fin aux traités de libre-échange
  • Instaurer un protectionnisme écologique et social aux frontières de l'Europe
  • Adopter un mécanisme d'harmonisation sociale par le haut entre les États pour mettre fin aux politiques de dumping social et fiscal
  • Réindustrialiser l'Europe : numérique, industrie du médicament, énergie, etc.
  • Instaurer une règle verte pour prioriser des investissements verts
  • Taxer les plus riches au niveau européen pour augmenter les ressources propres du budget de l'Union européenne
  • Généraliser la taxation des superprofits au niveau européen
  • Modifier le droit de la concurrence en Europe pour garantir le droit de monopole public au niveau national
  • Passer au vote à la majorité qualifiée au conseil pour les questions fiscales

Conformément à ce que nos groupes ont voté à l'Assemblée nationale, nous refuserons, pour l'application de notre contrat de législature, le pacte budgétaire, le droit de la concurrence lorsqu'il remet en cause les services publics et nous rejetterons les traités de libre-échange.

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« Emmanuel Macron voulait nous diviser, il nous a en réalité rassemblé. Maintenant tous en campagne ! » – Manon Aubry

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Le « Sud global » avec Poutine ?

https://www.pressegauche.org/IMG/pdf/photo-2024-06-10-15-16-16_46_.pdf?46927/8e5b5d0242c84241a8534adf69b38c99ab7b7caf166ccd77bfc64e02e19494ae https://www.pressegauche.org/IMG/pdf/ilc112-record-1-_relmeetings-240520-001_-web-fr.pdf?46928/d157e56b2fcd99a5647ef984d8945c9abe41939df4c10ac04aed847ddc255be518 juin 2024, par Martin Gallié — ,
Le 10 juin 2024, les résultats sont tombés ; le délégué de la principale centrale syndicale Russe, la FNPR, est élu comme membre adjoint au Conseil d'administration du Bureau (…)

Le 10 juin 2024, les résultats sont tombés ; le délégué de la principale centrale syndicale Russe, la FNPR, est élu comme membre adjoint au Conseil d'administration du Bureau international du travail (BIT), avec 65 voix sur 126 votant·es (voir document joint).

À deux voix près, le représentant de la centrale ouvertement pro-Poutine et soutien affiché à « l'Opération spéciale » en Ukraine, n'aurait donc pas été élu. Cela aurait été une première au sein de l'OIT, une « humiliation », selon Frédéric Koller un journaliste Suisse qui a suivi ces élections. De fait, les candidat·es, préalablement identifiés et sélectionnés par les syndicats, « sont habituellement élus avec une centaine de voix ou sans opposition lors d'un scrutin à bulletins secrets ».

Dans le même sens, le journaliste relève que le représentant Chinois de la Fédération nationale des syndicats de Chine (FNSC-ACFTU), une autre gigantesque centrale syndicale (plus de 130 millions de membres) complètement inféodée au pouvoir, a été élu plus difficilement qu'à l'accoutumé : « [a]vec 88 voix, le candidat chinois, autre surprise, est lui aussi l'un des plus mal élus » des représentants des travailleurs et des travailleuses.

Un syndicaliste ukrainien a quant à lui été élu sans contestation, par consensus, comme membre suppléant au Conseil d'administration du BIT ; c'est également une première. Un représentant des syndicats du « territoire palestinien occupé », selon la formule de l'OIT a également été élu.

Trois éléments ressortent en particulier de ce résultat.

En premier lieu ce vote rappelle une nouvelle fois que, comme ailleurs, les positions politiques des travailleurs et des travailleuses du « Sud » ne sauraient être mécaniquement associées à celles de leur dirigeant·es. De fait, nombre de dirigeant·es du « Sud global » soutiennent ouvertement Poutine ou Xi Jinping, au nom d'une prétendue solidarité anticoloniale, d'une lutte contre l'impérialisme occidental ou, plus surement encore, de la promotion d'un « monde multipolaire », c'est-à-dire d'un monde aux multiples régimes autoritaires. A contrario, le vote des délégué·es syndicaux à l'OIT - à bulletin secret - révèle que nombre d'entre eux et elles ne sont pas dupes et que la classe ouvrière n'a rien à gagner à les soutenir. Il est donc faux de marteler, comme le font certain-es à gauche, que la « moitié de l'humanité » appuie Poutine et la colonisation de l'Ukraine par exemple [1].

Le nouveau représentant syndical ukrainien à l'OIT, Vasyl Andreyev, souligne en ce sens :

« On nous disait qu'il y aurait un vote du Sud global contre le Nord global. La réalité est différente. Le faible résultat du candidat russe montre qu'il y a de moins en moins de soutien aux va-t-en-guerre. »

Dans le même sens, Luca Cirigliano, un syndicaliste suisse également élu au CA, relève :

« Le score russe surtout, mais aussi le chinois sont une immense gifle. Cela démontre que la diplomatie du chéquier, pratiquée par Moscou et Pékin, n'a pas fonctionné. C'est un très bon signe pour l'OIT et le syndicalisme international. »

Le deuxième élément à retenir est beaucoup moins réjouissant pour le syndicalisme international. Ce vote a en effet été l'occasion d'apprendre que la Confédération syndicale internationale (CSI-ITUC) a ouvertement déconseillé au candidat Ukrainien de déposer sa candidature face à celle du candidat Russe de la FNPR ; celui-là même qui a finalement été élu de justesse au poste d'adjoint au Conseil d'administration. La CSI craignait une vague d'opposition du « Sud global » et la remise en cause de la solidarité internationale. C'est du moins ce qu'affirme Vasyl Andreyev, après le vote, regrettant alors de ne pas avoir déposé sa candidature malgré tout :

« C'est notre faute, explique-t-il, nous n'avons pas osé le faire. » Pourquoi ? Parce que les dirigeants de la Confédération syndicale internationale ont fait comprendre aux Ukrainiens qu'ils n'auraient aucune chance en raison du soutien du « Sud global » à la Russie et qu'il valait mieux « ne pas rompre la solidarité internationale ». « C'était prendre le risque de perdre dans un vote de blocs ».

Ainsi, au nom d'une présumée « solidarité internationale » des syndicalistes du « Sud global » avec la Russie coloniale, la direction de la CSI aurait demandé au représentant de travailleurs et travailleuses ukrainien·nes, qui vivent quotidiennement sous les bombes de Poutine, de retirer sa candidature au profit d'une centrale syndicale qui milite ouvertement pour coloniser l'Ukraine. Il est difficile de penser que la solidarité syndicale internationale sorte grandie d'une telle prise de position qui n'est ni plus ni moins qu'un renoncement à l'internationalisme et à la solidarité de la classe ouvrière au profit de calculs stratégiques pusillanimes.

Enfin, dernièrement, ce vote révèle à quel point au Québec et au Canada, comme ailleurs, la démocratie syndicale a des progrès à faire. À notre connaissance, aucune centrale canadienne n'a communiqué sur le sujet. Nous ne savons donc toujours pas quelles positions ont été défendues par nos représentant.es lors du vote à l'OIT, comme auparavant lors des discussions à la Confédération syndicale internationale (CSA-ITUC) et encore avant à la Confédération syndicale des Amériques (CSA-TUCA). Tout au plus, grâce à l'OIT cependant, on sait que Mme Lily Chang, ancienne trésorière du Congrès du travail canadien (CTC), a été élue membre permanente du Conseil d'administration de l'OIT comme représentante des travailleurs et travailleuses.

Reste maintenant à savoir quelles positions politiques elle défendra en notre nom et ce que revendiqueront nos directions syndicales à l'OIT au nom de l'internationalisme.

Martin Gallié
Le 14 juin 2024

Ce texte fait suite à un premier texte paru dans l'édition précédente de presse toi à gauche.

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[1] Voir par exemple l'intervention de Jean-Luc Mélenchon à l'Assemblée nationale française en 2022 : « A l'ONU, dans le vote sur la résolution à propos de l'Ukraine, notant l'abstention de l'Inde et de la Chine, c'est-à-dire de 50 % de l'humanité. C'est un signal d'une extrême importance. Un autre ordre géopolitique du monde s'installe déjà, à partir de l'Asie. Il est temps alors d'actualiser nos conceptions ». https://lafranceinsoumise.fr/2022/02/28/guerre-en-ukraine-intervention-de-jean-luc-melenchon-a-lassemblee-nationale/

Législatives (France) - Nouveau Front populaire : un programme économique d’alternative au macronisme

18 juin 2024, par Romaric Godin — , ,
Présenté le 14 juin, le programme économique de l'alliance de gauche est classiquement social-démocrate : il met l'accent sur le rôle de l'État, la lutte contre les inégalités (…)

Présenté le 14 juin, le programme économique de l'alliance de gauche est classiquement social-démocrate : il met l'accent sur le rôle de l'État, la lutte contre les inégalités et le détricotage des réformes macronistes.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
14 juin 2024

Par Romaric Godin

La part économique du « contrat de législature » du Nouveau Front populaire (NFP) n'est pas à proprement parler un programme. On n'y trouvera pas d'éléments de chiffrage, mais c'est le corollaire naturel d'une campagne courte. En revanche, ce contrat dessine un certain nombre d'actions prévues selon un calendrier en trois phases : dans les deux premières semaines, dans les cent jours et dans le reste de la législature.

Cette division chronologique permet de distinguer les priorités et de déployer une action en posant les fondements de décisions plus profondes. En cela, ce projet n'abandonne pas une ambition de transformation qui constitue sa troisième partie. Mais il prend en compte la situation politique et sociale qui impose d'abord de réparer un pays soumis à la violence néolibérale depuis près de quinze ans.

Soutien au niveau de vie

La première étape pourrait donc être qualifiée de « défensive », il s'agit d'en finir avec la violence néolibérale de l'ère Macron, en prenant des mesures de protection et en revenant sur certaines réformes. Il y aura donc une abrogation dela réforme des retraites de 2023et de la réforme de l'assurance-chômage (rien n'est précisé concernant les trois précédentes réformes).

La protection, elle, passe par une tentative de maîtrise de l'inflation par « le blocage des prix des biens de première nécessité dans l'alimentation, l'énergie et les carburants ». Dans le domaine agricole, la garantie du prix plancher est ainsi compensée par une taxation des superprofits de l'agro-industrie et de la grande distribution, empêchant le cercle vicieux de l'effet d'aubaine pour les profits qui a enflammé les prix en 2022 et 2023.

Mais la question du niveau de vie est moins aujourd'hui l'augmentation actuelle des prix que leur niveau depuis trois ans au regard de l'évolution des salaires. C'est pour cette raison que les mesures proposées sont d'abord centrées sur le renforcement des revenus : augmentation du minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté, l'augmentation du Smic à 1 600 euros net, hausse de 10 % du point d'indice des fonctionnaires.

Cette politique peut être qualifiée de « réparatrice » pour venir compenser la baisse du niveau de vie que l'inflation a induite depuis 2021. Ces premières mesures peuvent paraître relativement modestes et elles le sont, mais elles sont aussi les seules qui peuvent être prises rapidement par la décision d'un gouvernement. Compte tenu de l'état désastreux du secteur du commerce en France, ces mesures ne peuvent cependant qu'être un soutien, au moins provisoire, à l'activité dans les premières semaines.

Le projet de loi de finances rectificative du 4 août viendra rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) « renforcé avec un volet climatique ».

Les cent premiers jours du gouvernement de ce Nouveau Front populaire verront l'élargissement des mesures de soutien à l'économie. L'union de la gauche propose ainsi le rétablissement dans les trois mois de l'indexation des salaires sur l'inflation en parallèle d'une grande « conférence sociale sur les salaires, l'emploi et la qualification ». L'articulation de ces deux mesures reste en grande partie à construire et le projet ne précise pas quels seront les objectifs de ladite conférence. Une chose est certaine : après quatre décennies de néolibéralisme, l'État devra soutenir fermement les intérêts du travail contre la tentation du chantage à l'emploi que le capital ne manquera pas d'entonner rapidement.

L'indexation des salaires sur l'inflation arrivera sans doute un peu tard, mais c'est une garantie minimale de protection de leur niveau de vie pour les salariés. Une telle mesure sera-t-elle inflationniste ou récessive dans la mesure où elle pèsera sur les profits ? pas nécessairement. Elle permettra d'éviter tout recul de la consommation comme ce fut le cas en 2023 en France et donc assurera des débouchés sur le marché intérieur pour les entreprises nationales.

Certes, sans augmentation de la productivité, il pourrait y avoir un effet inflationniste. Mais là encore, l'indexation des salaires sur l'inflation, en faisant pression sur la rentabilité des entreprises, est une incitation directe pour les entreprises à investir et à améliorer leur productivité pour, précisément, réduire la part du travail dans leurs coûts.

Rappelons que quarante ans de politiques néolibérales ont prétendu améliorer les gains de productivité alors même qu'elles ont conduit à une réduction de ces gains. Concernant la France, les aides massives au capital et la baisse du coût du travail ont même eu un effet désincitatif qui a conduit à privilégier les emplois peu productifs, conduisant à un fait inédit depuis plusieurs décennies, une baisse notable et durable de la productivité.

Planification écologique et égalité fiscale

Bref, le projet du NFP n'est pas « anti-économique » ni « absurde » économiquement, même si, on le verra, il convient d'apporter quelques réserves. C'est un pari que le moteur du redressement de la productivité réside non pas dans un soutien aveugle au capital, mais dans un appui aux salaires et dans une politique ambitieuse d'investissements publics.

À ce sujet, le NFP entend mettre en place des investissements ambitieux, notamment dans la transformation écologique. Les aides aux ménages seront « renforcées », permettant d'assurer « l'isolation complète des logements », la rénovation des bâtiments publics sera « accélérée », les « filières françaises et européennes de production d'énergies renouvelables » seront « renforcées ». Ce dernier point reste assez flou, il sera déployé dans la phase suivante, après les cent jours.

Dans cette phase, le NFP propose une politique de « reconstruction industrielle pour mettre fin à la dépendance de la France et de l'Europe dans les domaines stratégiques », qui sera accompagnée d'une inscription dans cette stratégie industrielle des aides publiques aux entreprises, lesquelles seront conditionnées à des critères environnementaux et sociaux. Un pôle public bancaire viendra collecter l'épargne pour le financement de cette politique. Ce dernier élément mis à part, on n'est pas très loin d'une ambition proche des plans de Joe Biden aux États-Unis, qui a mis en place un fléchage des investissements et des aides, accompagné de mesures protectionnistes (défendues par le NFP sous la forme d'une « taxe kilométrique sur les produits importés »). Tout cela est totalement différent des « arrosages massifs » de la politique défendue par Emmanuel Macron.

Ce pôle bancaire public n'est alors pas anecdotique. Il permet précisément de contourner le « privilège exorbitant » que représente le dollar pour les États-Unis. Il s'agit de passer le moins possible par les marchés financiers pour financer des mesures cruciales et urgentes et bien plutôt de piocher dans l'abondante source de l'épargne des ménages.

Le projet du RN, fondé sur l'exploitation économique des minorités et la discrimination, […] s'inscrit largement dans la continuité néolibérale.

Logiquement, pour rendre ce pôle public attractif, le NFP doit brider la finance et propose d'encadrer les investissements bancaires et de mettre en place une taxe sur les transactions financières. En parallèle, les finances publiques seront renforcées, dès les cent jours (le projet évoque la date symbolique du 4 août) par une remise en cause des politiques fiscales anti-redistributives de l'ère Macron.

Ce projet de loi de finances rectificative du 4 août viendra ainsi rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) « renforcé avec un volet climatique » qui pourrait venir frapper les activités les plus écocides. L'« exit tax », venant taxer les plus-values de cession des entreprises délocalisées, détricotée par Emmanuel Macron, sera aussi rétablie. Le projet du NFP propose aussi de supprimer les « niches fiscales inefficaces, injustes et polluantes ».

Ces mesures ne visent pas qu'à financer la politique proposée, mais aussi à réduire les inégalités dont les conséquences néfastes sur l'économie ont été largement documentées. Ainsi, il sera proposé de renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu avec quatorze tranches (contre cinq aujourd'hui), ce qui rendra les effets des hausses de salaires moins violents. La CSG deviendra aussi plus progressive (il existe aujourd'hui seulement quelques taux différenciés dans certains cas). Enfin, l'impôt sur l'héritage sera plus progressif et ciblera les plus hauts patrimoines, avec la mise en place d'un héritage maximum.

Un projet irréaliste ?

Ce projet mériterait encore d'être précisé, la campagne le permettra peut-être, mais il a le mérite de fixer un cap. Et il convient d'emblée d'écarter les critiques venant de la droite et de l'extrême droite et jouant sur les ressorts classiques de l'impossibilité et du caractère dangereux de ce projet. Ce levier classique a déjà été activé par le ministre de l'économie et des finances Bruno Le Mairele 14 juin sur France Info qui, sans avoir vu l'ébauche du programme, publié trois heures plus tard, a déjà promis « le retour du chômage de masse » dans le cas de son application.

La réalité est que, face à ce projet, les deux alternatives ne sont pas plus raisonnables, loin de là. Passons rapidement sur le projet du Rassemblement national, fondé sur l'exploitation économique des minorités et la discrimination et qui ne finance aucune dépense sérieusement et s'inscrit largement dans la continuité néolibérale. Mais le camp macroniste est-il en condition de donner des leçons ?

L'actuelle majorité présidentielle passe son temps à se gargariser de son « succès économique », mais celui-ci est une chimère. La baisse du chômage s'explique en grande partie par la baisse de la productivité et des aides publiques qui financent des bas salaires. La politique menée depuis 2017 a conduit à une dégradation nette et constante des finances publiques par l'affaiblissement des recettes à coups de cadeaux fiscaux pour les entreprises. La croissance, pourtant élevée au rang de vertu cardinale par la majorité sortante, est en berne : le PIB du dernier trimestre se situe encore 1,8 % en deçà de ce qu'aurait été son niveau si la tendance 2009–2019 s'était poursuivie. Et cela, malgré les milliards déversés. Mais, on l'a vu, la crise du niveau de vie est passée par là.

Pour régler cette situation inextricable et compte tenu d'une dégradation historique de la productivité, la seule proposition de la majorité sortante est la répression sociale par l'austérité et par la réduction des droits des travailleurs. C'est la seule façon de rétablir une forme de politique consensuelle au sein du capital entre ceux qui bénéficient des aides publiques et ceux qui veulent des garanties de remboursement de la dette publique. Cette politique a d'ailleurs commencé : après la réforme des retraites en 2023 et la coupe de 10 milliards d'eurosdans le budget en début d'année 2024, le gouvernement n'a d'autres promesses qu'une nouvelle réforme de l'assurance-chômage et de nouvelles coupes budgétaires massives.

La rhétorique des « réformes douloureuses, mais nécessaires » est un classique du néolibéralisme, mais après sept ans d'Emmanuel Macron à l'Élysée, elle est clairement émoussée. S'il est une chose que prouve cette dissolution en panique, c'est bien l'échec patent de cette politique et son rejet massif par la population française. En cela, les leçons d'économie des partisans du chef de l'État traduisent davantage les positions de classe de ceux qui les formulent qu'une réalité quelconque.

Le projet du Nouveau Front populaire prend acte de cet échec et cherche en partie son inspiration dans la politique de Joe Biden. C'est un projet keynésien et social-démocrate cherchant à rééquilibrer la distribution de richesses et à stimuler l'investissement par la demande et la dépense publique.

Les obstacles

Un tel chemin n'est cependant pas sans obstacles. Compte tenu de l'état du capitalisme, il est difficile d'envisager qu'une quelconque politique économique se résume à une promenade de santé. La question n'est pas réellement là, mais bien plutôt dans les priorités qui sont posées. Doit-on protéger d'abord les salariés et, parmi eux, les plus faibles, ou favoriser l'accumulation du capital ? Doit-on faire de l'écologie une priorité absolue face à la croissance ? Ces questions vont inévitablement se poser à un potentiel gouvernement de gauche.

La politique préconisée par le NFP vient rompre l'alliance scellée par le macronisme entre le capital financier et le capital industriel que l'on vient de décrire. Inévitablement, le premier et une partie du second, effrayés par la politique de redistribution, entreront en conflit avec le gouvernement français. Ce dernier, comme durant la période 1981-1983 ou celle du quinquennat Hollande, sera sous la pression des classes dominantes qui, se sentant attaquées, vont riposter par des fuites de capitaux et par un chantage à l'emploi.

Si la Banque centrale européenne (BCE) dispose désormais des moyens de contrer une véritable crise de la dette publique, on a vu dans le cas grec voici dix ans que cette institution pouvait n'être pas aussi neutre politiquement qu'elle le prétend. Francfort pourrait faire pression sur Paris et, là encore, il faudra tenir et placer la BCE face à ses responsabilités.

Il en sera de même avec Bruxelles. Le projet du NFP insiste sur son rejet de l'austérité et des nouvelles règles budgétaires européennes. Mais là encore, cela implique de ne pas se soumettre aux demandes de la Commission et d'en assumer les conséquences. La France est un pays clé de la zone euro et une source de matière première incontournable pour les marchés financiers.

Une crise de la dette française risquerait de tourner en une crise financière généralisée. Il faudra donc tenir le cap et ne pas céder à la panique et aux pressions. Pour cela, il semble indispensable que se construise un mouvement social fort en soutien à cette politique et conscient des sacrifices à faire pour construire un avenir durable hors du néolibéralisme.

Il reste un autre écueil à ce projet. Le pari qui est fait ici est celui d'une possibilité du « capitalisme vert et social ». C'est ce qui fait que ce projet est authentiquement social-démocrate, il entend donner une chance au système actuel d'être, avec l'appui de l'État, plus vertueux socialement et écologiquement. Le projet n'évoque aucun projet de dépassement de la croissance comme horizon, ni de renforcement majeur du pouvoir des travailleurs (ni même de l'État).

Or, il existe une hypothèse que ce projet soit au-delà des forces du capitalisme actuel et qu'il faille engager une transformation beaucoup plus profonde du système économique pour faire face aux crises écologiques et sociales, notamment remettre en cause la logique des besoins capitalistes et l'accumulation même du capital. Dans ce cas, quel sera le chemin choisi par cette alliance politique ? Tout retour en arrière supposera une aggravation de l'exploitation de la nature et du travail.

L'urgence de ces élections législatives a conduit l'alliance de gauche à favoriser un projet permettant de lisser ses divergences internes sur l'économie, notamment sur la question de la croissance, essentielle pour faire face aux crises actuelles. Mais l'exercice du pouvoir ne manquera pas de ramener ces questions au premier plan. L'enjeu sera alors de construire un nouveau compromis, permettant d'affronter ces difficultés.

Il faut noter cependant que ces difficultés, contrairement à ce que l'on entend souvent, ne sont pas le signe d'un irréalisme de la politique proposée, mais bien plutôt du fait que les priorités énoncées permettent de se confronter réellement à la situation concrète du capitalisme contemporain. C'est donc une option difficile, mais profondément réaliste. À l'inverse, l'option néolibérale se berce dans l'illusion que faciliter l'accumulation du capital permettra de résoudre l'ensemble des problèmes sociaux et écologiques.

Le projet du Nouveau Front populaire n'est donc pas la caricature que ses adversaires en font. Mais si l'on considère que son esprit est la priorité donnée à la résolution de la double crise environnementale et sociale, son principal obstacle réside bien davantage dans sa détermination politique que dans de supposées « lois économiques » immuables.

Romaric Godin

P.-S.

• Mediapart, 14 juin 2024 à 19h01 :
https://www.mediapart.fr/journal/politique/140624/nouveau-front-populaire-un-programme-economique-d-alternative-au-macronisme

Législatives (France) - Nouveau Front populaire : un programme économique d'alternative au macronisme

vendredi 14 juin 2024, par GODIN Romaric

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programme (économique)
Alternatives (Fr)
Nouveau Front Populaire (France)

Présenté le 14 juin, le programme économique de l'alliance de gauche est classiquement social-démocrate : il met l'accent sur le rôle de l'État, la lutte contre les inégalités et le détricotage des réformes macronistes.
Sommaire

Soutien au niveau de vie
Planification écologique (...)
Un projet irréaliste ?
Les obstacles

La part économique du « contrat de législature » du Nouveau Front populaire (NFP) n'est pas à proprement parler un programme. On n'y trouvera pas d'éléments de chiffrage, mais c'est le corollaire naturel d'une campagne courte. En revanche, ce contrat dessine un certain nombre d'actions prévues selon un calendrier en trois phases : dans les deux premières semaines, dans les cent jours et dans le reste de la législature.

La présentation du programme du Nouveau Front populaire à Paris le 14 juin. © JULIEN DE ROSA / AFP

Cette division chronologique permet de distinguer les priorités et de déployer une action en posant les fondements de décisions plus profondes. En cela, ce projet n'abandonne pas une ambition de transformation qui constitue sa troisième partie. Mais il prend en compte la situation politique et sociale qui impose d'abord de réparer un pays soumis à la violence néolibérale depuis près de quinze ans.
Soutien au niveau de vie

La première étape pourrait donc être qualifiée de « défensive », il s'agit d'en finir avec la violence néolibérale de l'ère Macron, en prenant des mesures de protection et en revenant sur certaines réformes. Il y aura donc une abrogation de la réforme des retraites de 2023 et de la réforme de l'assurance-chômage (rien n'est précisé concernant les trois précédentes réformes).

La protection, elle, passe par une tentative de maîtrise de l'inflation par « le blocage des prix des biens de première nécessité dans l'alimentation, l'énergie et les carburants ». Dans le domaine agricole, la garantie du prix plancher est ainsi compensée par une taxation des superprofits de l'agro-industrie et de la grande distribution, empêchant le cercle vicieux de l'effet d'aubaine pour les profits qui a enflammé les prix en 2022 et 2023.

Mais la question du niveau de vie est moins aujourd'hui l'augmentation actuelle des prix que leur niveau depuis trois ans au regard de l'évolution des salaires. C'est pour cette raison que les mesures proposées sont d'abord centrées sur le renforcement des revenus : augmentation du minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté, l'augmentation du Smic à 1 600 euros net, hausse de 10 % du point d'indice des fonctionnaires.

Cette politique peut être qualifiée de « réparatrice » pour venir compenser la baisse du niveau de vie que l'inflation a induite depuis 2021. Ces premières mesures peuvent paraître relativement modestes et elles le sont, mais elles sont aussi les seules qui peuvent être prises rapidement par la décision d'un gouvernement. Compte tenu de l'état désastreux du secteur du commerce en France, ces mesures ne peuvent cependant qu'être un soutien, au moins provisoire, à l'activité dans les premières semaines.

Le projet de loi de finances rectificative du 4 août viendra rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) « renforcé avec un volet climatique ».

Les cent premiers jours du gouvernement de ce Nouveau Front populaire verront l'élargissement des mesures de soutien à l'économie. L'union de la gauche propose ainsi le rétablissement dans les trois mois de l'indexation des salaires sur l'inflation en parallèle d'une grande « conférence sociale sur les salaires, l'emploi et la qualification ». L'articulation de ces deux mesures reste en grande partie à construire et le projet ne précise pas quels seront les objectifs de ladite conférence. Une chose est certaine : après quatre décennies de néolibéralisme, l'État devra soutenir fermement les intérêts du travail contre la tentation du chantage à l'emploi que le capital ne manquera pas d'entonner rapidement.

L'indexation des salaires sur l'inflation arrivera sans doute un peu tard, mais c'est une garantie minimale de protection de leur niveau de vie pour les salariés. Une telle mesure sera-t-elle inflationniste ou récessive dans la mesure où elle pèsera sur les profits ? pas nécessairement. Elle permettra d'éviter tout recul de la consommation comme ce fut le cas en 2023 en France et donc assurera des débouchés sur le marché intérieur pour les entreprises nationales.

Certes, sans augmentation de la productivité, il pourrait y avoir un effet inflationniste. Mais là encore, l'indexation des salaires sur l'inflation, en faisant pression sur la rentabilité des entreprises, est une incitation directe pour les entreprises à investir et à améliorer leur productivité pour, précisément, réduire la part du travail dans leurs coûts.

Rappelons que quarante ans de politiques néolibérales ont prétendu améliorer les gains de productivité alors même qu'elles ont conduit à une réduction de ces gains. Concernant la France, les aides massives au capital et la baisse du coût du travail ont même eu un effet désincitatif qui a conduit à privilégier les emplois peu productifs, conduisant à un fait inédit depuis plusieurs décennies, une baisse notable et durable de la productivité.
Planification écologique et égalité fiscale

Bref, le projet du NFP n'est pas « anti-économique » ni « absurde » économiquement, même si, on le verra, il convient d'apporter quelques réserves. C'est un pari que le moteur du redressement de la productivité réside non pas dans un soutien aveugle au capital, mais dans un appui aux salaires et dans une politique ambitieuse d'investissements publics.

À ce sujet, le NFP entend mettre en place des investissements ambitieux, notamment dans la transformation écologique. Les aides aux ménages seront « renforcées », permettant d'assurer « l'isolation complète des logements », la rénovation des bâtiments publics sera « accélérée », les « filières françaises et européennes de production d'énergies renouvelables » seront « renforcées ». Ce dernier point reste assez flou, il sera déployé dans la phase suivante, après les cent jours.

Dans cette phase, le NFP propose une politique de « reconstruction industrielle pour mettre fin à la dépendance de la France et de l'Europe dans les domaines stratégiques », qui sera accompagnée d'une inscription dans cette stratégie industrielle des aides publiques aux entreprises, lesquelles seront conditionnées à des critères environnementaux et sociaux. Un pôle public bancaire viendra collecter l'épargne pour le financement de cette politique. Ce dernier élément mis à part, on n'est pas très loin d'une ambition proche des plans de Joe Biden aux États-Unis, qui a mis en place un fléchage des investissements et des aides, accompagné de mesures protectionnistes (défendues par le NFP sous la forme d'une « taxe kilométrique sur les produits importés »). Tout cela est totalement différent des « arrosages massifs » de la politique défendue par Emmanuel Macron.

Ce pôle bancaire public n'est alors pas anecdotique. Il permet précisément de contourner le « privilège exorbitant » que représente le dollar pour les États-Unis. Il s'agit de passer le moins possible par les marchés financiers pour financer des mesures cruciales et urgentes et bien plutôt de piocher dans l'abondante source de l'épargne des ménages.

Le projet du RN, fondé sur l'exploitation économique des minorités et la discrimination, […] s'inscrit largement dans la continuité néolibérale.

Logiquement, pour rendre ce pôle public attractif, le NFP doit brider la finance et propose d'encadrer les investissements bancaires et de mettre en place une taxe sur les transactions financières. En parallèle, les finances publiques seront renforcées, dès les cent jours (le projet évoque la date symbolique du 4 août) par une remise en cause des politiques fiscales anti-redistributives de l'ère Macron.

Ce projet de loi de finances rectificative du 4 août viendra ainsi rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) « renforcé avec un volet climatique » qui pourrait venir frapper les activités les plus écocides. L'« exit tax », venant taxer les plus-values de cession des entreprises délocalisées, détricotée par Emmanuel Macron, sera aussi rétablie. Le projet du NFP propose aussi de supprimer les « niches fiscales inefficaces, injustes et polluantes ».

Ces mesures ne visent pas qu'à financer la politique proposée, mais aussi à réduire les inégalités dont les conséquences néfastes sur l'économie ont été largement documentées. Ainsi, il sera proposé de renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu avec quatorze tranches (contre cinq aujourd'hui), ce qui rendra les effets des hausses de salaires moins violents. La CSG deviendra aussi plus progressive (il existe aujourd'hui seulement quelques taux différenciés dans certains cas). Enfin, l'impôt sur l'héritage sera plus progressif et ciblera les plus hauts patrimoines, avec la mise en place d'un héritage maximum.
Un projet irréaliste ?

Ce projet mériterait encore d'être précisé, la campagne le permettra peut-être, mais il a le mérite de fixer un cap. Et il convient d'emblée d'écarter les critiques venant de la droite et de l'extrême droite et jouant sur les ressorts classiques de l'impossibilité et du caractère dangereux de ce projet. Ce levier classique a déjà été activé par le ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire le 14 juin sur France Info qui, sans avoir vu l'ébauche du programme, publié trois heures plus tard, a déjà promis « le retour du chômage de masse » dans le cas de son application.

La réalité est que, face à ce projet, les deux alternatives ne sont pas plus raisonnables, loin de là. Passons rapidement sur le projet du Rassemblement national, fondé sur l'exploitation économique des minorités et la discrimination et qui ne finance aucune dépense sérieusement et s'inscrit largement dans la continuité néolibérale. Mais le camp macroniste est-il en condition de donner des leçons ?

L'actuelle majorité présidentielle passe son temps à se gargariser de son « succès économique », mais celui-ci est une chimère. La baisse du chômage s'explique en grande partie par la baisse de la productivité et des aides publiques qui financent des bas salaires. La politique menée depuis 2017 a conduit à une dégradation nette et constante des finances publiques par l'affaiblissement des recettes à coups de cadeaux fiscaux pour les entreprises. La croissance, pourtant élevée au rang de vertu cardinale par la majorité sortante, est en berne : le PIB du dernier trimestre se situe encore 1,8 % en deçà de ce qu'aurait été son niveau si la tendance 2009–2019 s'était poursuivie. Et cela, malgré les milliards déversés. Mais, on l'a vu, la crise du niveau de vie est passée par là.

Pour régler cette situation inextricable et compte tenu d'une dégradation historique de la productivité, la seule proposition de la majorité sortante est la répression sociale par l'austérité et par la réduction des droits des travailleurs. C'est la seule façon de rétablir une forme de politique consensuelle au sein du capital entre ceux qui bénéficient des aides publiques et ceux qui veulent des garanties de remboursement de la dette publique. Cette politique a d'ailleurs commencé : après la réforme des retraites en 2023 et la coupe de 10 milliards d'euros dans le budget en début d'année 2024, le gouvernement n'a d'autres promesses qu'une nouvelle réforme de l'assurance-chômage et de nouvelles coupes budgétaires massives.

La rhétorique des « réformes douloureuses, mais nécessaires » est un classique du néolibéralisme, mais après sept ans d'Emmanuel Macron à l'Élysée, elle est clairement émoussée. S'il est une chose que prouve cette dissolution en panique, c'est bien l'échec patent de cette politique et son rejet massif par la population française. En cela, les leçons d'économie des partisans du chef de l'État traduisent davantage les positions de classe de ceux qui les formulent qu'une réalité quelconque.

Le projet du Nouveau Front populaire prend acte de cet échec et cherche en partie son inspiration dans la politique de Joe Biden. C'est un projet keynésien et social-démocrate cherchant à rééquilibrer la distribution de richesses et à stimuler l'investissement par la demande et la dépense publique.
Les obstacles

Un tel chemin n'est cependant pas sans obstacles. Compte tenu de l'état du capitalisme, il est difficile d'envisager qu'une quelconque politique économique se résume à une promenade de santé. La question n'est pas réellement là, mais bien plutôt dans les priorités qui sont posées. Doit-on protéger d'abord les salariés et, parmi eux, les plus faibles, ou favoriser l'accumulation du capital ? Doit-on faire de l'écologie une priorité absolue face à la croissance ? Ces questions vont inévitablement se poser à un potentiel gouvernement de gauche.

La politique préconisée par le NFP vient rompre l'alliance scellée par le macronisme entre le capital financier et le capital industriel que l'on vient de décrire. Inévitablement, le premier et une partie du second, effrayés par la politique de redistribution, entreront en conflit avec le gouvernement français. Ce dernier, comme durant la période 1981-1983 ou celle du quinquennat Hollande, sera sous la pression des classes dominantes qui, se sentant attaquées, vont riposter par des fuites de capitaux et par un chantage à l'emploi.

Si la Banque centrale européenne (BCE) dispose désormais des moyens de contrer une véritable crise de la dette publique, on a vu dans le cas grec voici dix ans que cette institution pouvait n'être pas aussi neutre politiquement qu'elle le prétend. Francfort pourrait faire pression sur Paris et, là encore, il faudra tenir et placer la BCE face à ses responsabilités.

Il en sera de même avec Bruxelles. Le projet du NFP insiste sur son rejet de l'austérité et des nouvelles règles budgétaires européennes. Mais là encore, cela implique de ne pas se soumettre aux demandes de la Commission et d'en assumer les conséquences. La France est un pays clé de la zone euro et une source de matière première incontournable pour les marchés financiers.

Une crise de la dette française risquerait de tourner en une crise financière généralisée. Il faudra donc tenir le cap et ne pas céder à la panique et aux pressions. Pour cela, il semble indispensable que se construise un mouvement social fort en soutien à cette politique et conscient des sacrifices à faire pour construire un avenir durable hors du néolibéralisme.

Il reste un autre écueil à ce projet. Le pari qui est fait ici est celui d'une possibilité du « capitalisme vert et social ». C'est ce qui fait que ce projet est authentiquement social-démocrate, il entend donner une chance au système actuel d'être, avec l'appui de l'État, plus vertueux socialement et écologiquement. Le projet n'évoque aucun projet de dépassement de la croissance comme horizon, ni de renforcement majeur du pouvoir des travailleurs (ni même de l'État).

Or, il existe une hypothèse que ce projet soit au-delà des forces du capitalisme actuel et qu'il faille engager une transformation beaucoup plus profonde du système économique pour faire face aux crises écologiques et sociales, notamment remettre en cause la logique des besoins capitalistes et l'accumulation même du capital. Dans ce cas, quel sera le chemin choisi par cette alliance politique ? Tout retour en arrière supposera une aggravation de l'exploitation de la nature et du travail.

L'urgence de ces élections législatives a conduit l'alliance de gauche à favoriser un projet permettant de lisser ses divergences internes sur l'économie, notamment sur la question de la croissance, essentielle pour faire face aux crises actuelles. Mais l'exercice du pouvoir ne manquera pas de ramener ces questions au premier plan. L'enjeu sera alors de construire un nouveau compromis, permettant d'affronter ces difficultés.

Il faut noter cependant que ces difficultés, contrairement à ce que l'on entend souvent, ne sont pas le signe d'un irréalisme de la politique proposée, mais bien plutôt du fait que les priorités énoncées permettent de se confronter réellement à la situation concrète du capitalisme contemporain. C'est donc une option difficile, mais profondément réaliste. À l'inverse, l'option néolibérale se berce dans l'illusion que faciliter l'accumulation du capital permettra de résoudre l'ensemble des problèmes sociaux et écologiques.

Le projet du Nouveau Front populaire n'est donc pas la caricature que ses adversaires en font. Mais si l'on considère que son esprit est la priorité donnée à la résolution de la double crise environnementale et sociale, son principal obstacle réside bien davantage dans sa détermination politique que dans de supposées « lois économiques » immuables.

Romaric Godin
P.-S.

• Mediapart, 14 juin 2024 à 19h01 :
https://www.mediapart.fr/journal/politique/140624/nouveau-front-populaire-un-programme-economique-d-alternative-au-macronisme
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Le sport et les jeux olympiques de Paris

18 juin 2024, par Gary Libot, Jean-Marie Brohm — , ,
Par souci de clarté et à l'invitation de Jean-Marie Brohm, nous avons parfois réécrit et précisé des éléments de réflexion en s'inspirant de formules qu'il emploie dans son (…)

Par souci de clarté et à l'invitation de Jean-Marie Brohm, nous avons parfois réécrit et précisé des éléments de réflexion en s'inspirant de formules qu'il emploie dans son ouvrage « Théorie critique du sport », Quel sport ?, 2017.

Propos recueillis par Gary Libot, journaliste au Chiffon.

30 décembre 2023 | tiré du site Le chiffon
https://www.lechiffon.fr/entretien-avec-jean-marie-brohm-presque-plus-personne-ne-critique-lideologie-et-la-pratique-sportive/

Le Chiffon – Quand le sport apparaît-il ? Est-il consubstantiel à l'activité physique humaine ?

Jean-Marie Brohm – Il y a deux réponses possibles. La première provient de l'idéologie sportive traditionnelle. Des auteurs très sérieux expliquent que depuis des temps immémoriaux l'homme est un sportif qui pratique la natation, la course, la lutte, la boxe, etc.

La seconde réponse cherche à distinguer plusieurs choses. D'une part, elle rappelle qu'il y a des « activités corporelles » constitutives de l'humain depuis son hominisation. C'est ce que le grand anthropologue Marcel Mauss va appeler les « techniques du corps ». C'est le fait de savoir marcher, sauter, courir, nager, faire l'amour, accoucher, etc. Ces techniques du corps sont en partie variables d'une culture à l'autre et peuvent être considérées comme des activités physiques.

D'autre part, il y a le « sport » proprement dit, c'est-à-dire l'institution de la compétition physique codifiée. On le voit apparaître dans l'Antiquité. Mais il y a une césure très nette entre le sport dit « antique » (Grec) qui était un acte cultuel et le sport dit « moderne ».

Globalement, le sport moderne commence à se forger vers 1750 en Angleterre, c'est-à-dire là où le capitalisme s'ébauche . Les premiers sports institués avec des fédérations, des règlements, des records, vont être le rugby, le football, l'athlétisme, l'équitation et le tennis.

Le sport s'organise autour de trois caractéristiques majeurs. Primo, la compétition systématique comme finalité. Secundo, l'entraînement régulier comme préparation à la compétition. Tertio, l'insertion dans une structure institutionnelle organisant et contrôlant l'activité sportive (fédérations, clubs, comités, etc.) selon des règles strictes (classes d'âge et de poids, licences, conditions d'accès aux épreuves, etc.). Mais les frontières entre activités physiques et pratiques sportives peuvent être perméables. En outre, il y a une tendance à la professionnalisation (via le salariat) des sportifs, c'est-à-dire leur transformation en capital. C'est ce qu'entament les premiers clubs anglais de football qui vont ensuite s'exporter en France, notamment au Havre.

En somme, je distinguerais les « techniques du corps » spécialisées de l'être humain – que l'éducation physique contemporaine permet de stimuler – et le sport proprement dit qui est éminemment lié au capitalisme.

Pouvez-vous revenir sur les fondamentaux de la critique du sport ?

Rentrons un peu plus dans le détail. Le sport s'est avant tout organisé autour de la compétition qui est chronométrage (dimension temporelle) et mesure au millimètre près (dimension spatiale). Il faut la distinguer de l'agôn grecque qui était une confrontation dans l'effort physique sans découpage mesuré des performances.

Le sport moderne commence en Angleterre avec la chronométrie. Soit dit en passant, c'est pour cela que nous avions pour épigraphe de la revue Chrono enrayé « Les chronomètres n'ont fait jusqu'ici que mesurer les efforts aliénés de l'humanité, il s'agit à présent de les briser ». Cette compétition implique la lutte contre soi (dépassement de soi), contre les concurrents (dépassement des limites, quête de l'exploit suprême) et contre la nature (maîtrise des éléments et des situations).

Chez les Grecs, ce cadre compétitif n'était pas clairement défini. Même s'il faut noter que l'on a très peu d'information sur le déroulé des Jeux olympiques antique qui sont supposés avoir commencé au VIIe siècle avec J.C. dans la ville d'Olympie. Au début du XXe siècle, Pierre de Coubertin a profité de ce flou pour le combler par son imagination, forgeant l'idéologie olympique. Mais il a créé une vision imaginaire et fantasmée d'Olympie et des Grecs1.

Puis, il y a la professionnalisation. Dans les années 1920, il y avait des débats pour savoir si un sportif amateur pouvait être un vrai sportif. Les réponses apportées par les Étasuniens, les Anglais, les Allemands ou les Français ont tendu à dire que non. Lorsque Juan Antonio Samaranch, ex-franquiste, prend les rênes du Comité international olympique en 1980, il dit en gros « l'amateurisme c'est terminé », alors les sportifs vont de plus en plus être des salariés rémunérés pour faire carrière. Ça, c'est la structure globale du sport.

Ensuite, il y a ce que j'ai appelé la « sportivisation » de la société. C'est-à-dire que toutes les activités physiques aujourd'hui sans exception ont tendance à être transformées en sport. Par exemple les balades à vélo, la course à pied, le badminton, le ping-pong, etc. tendent à passer sous la coupe de la compétition. De plus en plus souvent, lors d'un jeu il faut savoir qui est le meilleur.

Le sport a en définitive pour caractéristique de cliver à l'infini le corps social : pratiquants et non pratiquants, hommes et femmes, jeunes et vieux, valides et invalides, vainqueurs et perdants, dopés et non dopés, professionnels et amateurs, masse et élite, experts et débutants, etc.

Je tiens à ajouter qu'en plus de cela, le sport a trois piliers idéologiques. À savoir : « Quel est le meilleur sportif de tous les temps ? », et ce pour chaque discipline. C'est ce sur quoi spécule très bien le journal L'Équipe par exemple. Ensuite : « Jusqu'où pourront aller les records ? » (« Plus vite – Plus haut – Plus fort », comme le dit bien devise olympique). Enfin : « Le potentiel du corps humain est-il illimité ? ».

C'est sur ce dernier point que se greffe entre autre la pratique du dopage qui cherche à augmenter les potentialités biologiques, psychologiques, alimentaires, cardiaques, respiratoires de l'être humain. Aujourd'hui, le dopage se prolonge dans les discours sur le « post-humain » qui s'appuient sur la recherche scientifique et technologique pour poursuivre avec de nouveaux moyens (prothèses, biotechnologies, etc.) l'« amélioration » des performances physiques.

La Théorie critique du sport a pour but de rappeler que le sport, c'est avant tout cela. Et il faut notamment le faire comprendre aux professeurs d'éducation physique et sportive (EPS). J'ai essayé d'expliquer à mes collègues à l'École émancipée2 que l'éducation physique ce n'est pas le sport. Que le sport n'est pas un moyen privilégié d'éducation physique puisque précisément, il consiste à éviter la solidarité, à augmenter la violence de la compétition et le narcissisme égotique.

L'une des objections que l'on pourrait vous faire consisterait à dire que le sport n'est pas le problème en prenant l'exemple de la danse ou des échecs qui sont eux aussi soumis à la compétition et à la professionnalisation de la pratique. Cela est-il pour autant néfaste ? Peut-on dire que la danse et les échecs sont des sports ?

Là, il faut revenir à des questions fondamentales. Que produit un sportif ? Pas grand-chose, à part de la sueur et du spectacle. Alors, vous me direz que les danseurs ou les joueurs d'échec produisent aussi sueur et spectacle. Mais la différence essentielle, c'est que les danseurs sont au service d'une œuvre. Si l'on prend un danseur du Sacre du Printemps mis en scène par Maurice Béjart, par exemple, il participe à une œuvre immortelle.

En contre-point, que produit du point de vue esthétique et culturelle le sportif ? Presque rien. Ce dernier tend à être oublié rapidement après son apogée, englouti dans le renouvellement incessant des champions.

À ce moment-là, il faudrait distinguer sport et culture. Quels seraient les critères pour séparer l'un de l'autre ?

Le sport n'est pas une culture. C'est comme si l'on disait que la guerre, c'est une culture. Nous pourrions aussi dire cela après tout ! Qu'il y a une « culture guerrière », une « culture militaire ». Mais si tout est culture, plus rien n'est culture.

Nombreux sont les philosophes, notamment Platon, à avoir fait la distinction entre ce qui élève l'intelligence (la noblesse d'âme, nous pourrions dire) et la culture de masse. Je dis qu'une culture de masse est rarement une culture. C'est un pléonasme. À contrario, le sport est aujourd'hui un élément de contrôle social massif.

Herbert Marcuse écrit dans Éros et Civilisation que l' « Éros » ce n'est pas seulement faire l'amour, mais que cela a à voir avec la culture comme force de pacification générale des sociétés. Il y a certes un côté utopique là-dedans. Nous sommes en tout cas bien loin de l'affrontement institué par la pratique sportive. La culture, c'est autre chose que l'affrontement de bovins qui font 120 kilos dans la première ligne de rugby en se rentrant dans le lard avec une violence inouïe. C'est autre chose que le rassemblement de meute de spectateurs. C'est autre chose que la violence et l'infantilisation émotionnelle des supporters. Ce n'est pas cela la culture.

Le sport est aussi un instrument de massification totalitaire. Aujourd'hui il n'y a pas un État, qu'il soit dit « libéral », autoritaire ou totalitaire, qui n'utilise massivement le sport. Et ce grâce à une homologie structurelle entre le défilé militaire et défilé sportif. Le tout pour la pérennisation des régimes en place. Le sport est un instrument d'asservissement politique et cela est vrai mondialement : à l'Est comme à l'Ouest (avec le sport dit « socialiste » comme « capitaliste » au XXe siècle), au Nord comme au Sud. Le sport joue le même rôle de stabilisateur de l'ordre établi, quels que soient les régimes politiques des sociétés qui sont toutes sous l'hégémonie du capital financier international. Cela ne fait pas du sport une culture.

Si l'on prend le Sacre du Printemps ou la cinquième symphonie de Beethoven, elle peut être utilisée par les pouvoirs en place (les nazis l'ont fait par exemple) mais l'œuvre transcende, dépasse largement ces régimes. Alors que la « culture de masse » dont fait partie le sport s'épuise dans le moule des régimes politiques, elle ne peut les dépasser. Elle en est le produit. C'est une des raisons pour laquelle c'est une culture abrutissante, une culture Prisunic. Ce qui est terrible, c'est qu'une grande partie de la jeunesse – et notamment gauchisante – passe une partie de son temps à la consommer, par l'intermédiaire des écrans entre autre.

Quels pourraient être selon vous les progrès dans l' « aliénation sportive » observables depuis dix ans ?

Aujourd'hui la critique du sport est ultra-minoritaire. Presque plus personne ne critique l'idéologie et la pratique sportive : nous passons pour des hurluberlus ! En 1980 aux Jeux olympiques de Moscou, ou en 2008 aux Jeux de Pékin, il y avait encore des comités de boycott. Aujourd'hui, ce type d'action et de critique me semble plus marginale. C'est ce qui me fait notamment dire que – par exemple – le passage de la flamme olympique dans les différentes bourgades françaises ne sera pas contesté.

Pour la quasi totalité des observateurs des pratiques sportives le sport serait en effet ni aliénation, ni émancipation, ni de gauche, ni de droite, ni répressif, ni permissif, ni réactionnaire, ni progressiste, mais tout cela à la fois dans un melting pot idéologique « à la carte ». Actuellement, nous pourrions évoquer les réflexions de Pascal Boniface, de Stéphane Beaud ou George Vigarello.

De la même manière, tous les syndicats sans exception [NDLR : la Confédération nationale du travail (CNT) et l'Union syndicale Solidaires s'opposent à la tenue des JO] ont accompagné l'accueil des JO de Paris et diront que cet événement est magnifique. Le problème dans tout cela c'est que l'idéologie sportive demeure largement impensée. Les gens peuvent admettre que le fascisme ou le libéralisme sont des idéologies politiques contestables. Mais le sport, lui, paraît propre, pur et universel. Et Pierre de Coubertin, je le rappelle, est la mère pondeuse de cette idéologie.

Votre analyse repose sur une vision du corps modelée par le freudo-marxisme, courant intellectuelle qui se structure dans les années 1950. Pouvez-vous nous en dire plus sur la manière dont vous définissez le corps et un quoi la pratique sportive l'aliène selon vous ?

Ma vision s'appuie sur celle de penseurs très importants comme Sigmund Freud, Herbert Marcuse ou Wilhem Reich. La question du corps est une question, au fond, philosophique. Il n'y a pas de corps en dehors d'une subjectivité. Et la subjectivité du sportif en tant que sportif n'existe pas, il ne fait que travailler sa capacité d'obéissance et de « résilience ». Sa subjectivité est atrophiée parce que le sportif est sous les ordres d'un entraîneur et contraint à un effort morcelé et rationalisé qui ne lui appartient pas.

Le corps se construit aussi dans l'intersubjectivité : dans le rapport aux autres. Et donc dans l'interculturalité, dans le rapport aux cultures dont sont porteur les autres. Le corps est une histoire, une singularité. La pratique sportive alliée à la publicité qui en est faite tend à homogénéiser les corps. La préoccupation devient la forme des muscles, le tracé des abdominaux, etc. Dans ce cadre, la subjectivité s'homogénéise, la dimension culturelle du corps est niée. Les corps perdent petit à petit leur histoire propre.

Dans la perspective du corps sportif, la question n'est plus : « Comment puis-je explorer mon corps, et m'épanouir à son contact ? », elle devient : « Comment peut-on augmenter mon corps ? ». Question qui a à voir avec les recherches menées dans le cadre du transhumanisme et du post-humain dont je viens de parler3. Ces dernières tendent aussi à nier le caractère biologique du corps, en plus de son caractère culturel. Le transhumanisme pense le corps comme une construction sociale modifiable à volonté pour se mettre au service des fins recherchées. Alors que le corps a un aspect biologique irrécusable. Il est en réalité un entremêlement de dimensions biologique, médical, psychologique, culturelle, spirituelle et philosophique. Et il faut bien dire que la pratique sportive encadre les pratiques corporelles et les aliènent à son principe de rendement.

À quoi pourrait ressembler une pratique physique qui soit émancipatrice ?

Je crois qu'il n'y en a pas pour l'instant. Pourquoi ? Parce que le fondement de la subjectivité corporelle, c'est d'une part la famille et d'autre part le travail. Tant que ce socle constitutif du corps n'aura pas été transformé en son fond, il n'y aura pas de libération de notre rapport à notre corps parce qu'il continuera d'être soumis à un principe de rendement, comme Herbert Marcuse en a d'ailleurs ébauché une critique remarquable.

En revanche, il est possible de trouver ici ou là des pratiques de transition qui ne soit pas totalement inféodées à la société capitaliste. À vrai dire, cela n'a rien de rédhibitoire de faire une partie de ping-pong entre copains, un peu de natation ou du canoë-kayak.

Mais si vous prenez une bande de potes qui jouent au foot le dimanche, très vite il va falloir trouver un arbitre parce que les deux équipes vont se chamailler pour gagner. Le principe compétitif est tellement implanté dans nos cervelles qu'il réapparaît automatiquement. Si on joue au ping-pong, c'est jamais marrant de se faire balader à gauche, à droite. On va alors rapidement se rebiffer et chercher à écraser l'autre.

Il faut bien comprendre que l'humain est porteur d'un principe de concurrence. Il faut l'accepter pour chercher à le détourner. C'est ce que le sport fait pour placer les uns vis-à-vis des autres en contradiction, en opposition. Il faut détourner cette concurrence – comme l'avaient fait les Grecs avec l'agôn – et tenter de la mettre au service de pratiques physiques imaginatives et profondément sociales.

Vous parlez dans l'un de vos ouvrages de la nécessité d'une transition d'un « corps fonctionnel » à un « corps ludique », que les aspects sensoriels du corps doivent primer sur les aspects moteurs, pouvez-vous revenir sur ces points ? Que pourrait donner ces pratiques physiques imaginatives ?

J'ai été pendant 25 ans professeur d'éducation physique et sportive. J'avais à m'affronter à des lycéens, globalement porteurs de l'idéologie de la compétition. J'essayais de leur faire comprendre, par le jeu, que l'on pouvait manipuler des ballons autrement que dans les règles instituées de la compétition, que c'est bien plus marrant et d'une certaine manière plus difficile.

Par exemple, je leur proposais de jouer au volley-ball avec un ballon de rugby, ce qui est loin d'être évident. Ou bien, je les faisais jouer au football (garçons et filles mélangées, ce qui n'était pas facile à l'époque) sur un terrain de basket. L'objectif était alors de toucher le poteau de basket avec la balle. Cela les stimulaient. Ensuite, je leur expliquais pourquoi nous explorions ces pratiques et cherchions à remettre en question le cadre. Vous imaginez que tout cela n'était pas très bien vu par mes collègues et surtout par l'inspection.

Ce qu'il faut bien avoir à l'esprit, c'est que le sport et le sportif sont aujourd'hui programmés. Il y a les catégories d'âge : minime, cadet, junior, senior, etc. avec un volume d'entraînement correspondant. Tel entraînement et régime alimentaire le matin, tel autre le soir. Cela n'est plus une vie. Nous retrouvons des logiques similaires avec les pratiques de coaching sportif où les gens forcent l'effort comme des malades mentaux, et se marrent bien peu . Il faut s'opposer dans notre vie quotidienne à cette programmation.

Mais tout cela est très difficile à critiquer. Il faut comprendre que le sport est un fait social total qui demande un certain nombre de références théorique pour être bien compris. Cela n'est pas évident, mais c'est cette compréhension que nous devons viser.

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Pas de Jeux olympiques ordinaires. Rejoignez la campagne pour #BanIsraël

Plus de 300 équipes sportives palestiniennes demandent l'exclusion d'Israël des Jeux olympiques en raison du génocide perpétré contre les Palestiniens de Gaza. Comme l'a dit le (…)

Plus de 300 équipes sportives palestiniennes demandent l'exclusion d'Israël des Jeux olympiques en raison du génocide perpétré contre les Palestiniens de Gaza. Comme l'a dit le journaliste sportif Dave Zirin, « le Comité international olympique (CIO) n'agira pas tant que nous ne l'aurons pas fait ». Alors faisons-le.

20 février 2024 | Auteur : By Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel (PACBI)

Rejoignez la campagne mondiale pour perturber pacifiquement la route vers Paris 2024 en appelant le CIO à #BanIsraël jusqu'à ce qu'il mette fin à ses crimes contre les Palestiniens et reconnaisse nos droits stipulés par l'ONU.

Inscrivez votre groupe pour participer à la campagne

Il ne peut y avoir de Jeux olympiques ordinaires tant qu'Israël continue d'intensifier son génocide contre les Palestiniens de Gaza et d'asseoir son régime d'apartheid. Les organismes internationaux dominés par l'Occident, comme le CIO, qui avaient exclu l'Afrique du Sud par le passé, autorisent aujourd'hui non seulement Israël, un Etat d'apartheid, à participer aux Jeux olympiques, mais ils défendent également sa participation avec véhémence ! L'hypocrisie coloniale n'a jamais été aussi grande.

Voici ce que vous pouvez faire.

Protester devant les bureaux olympiques

Répondez à l'appel des équipes palestiniennes à votre Comité national olympique, aux Fédérations sportives internationales et aux Fédérations sportives reconnues. Organisez des manifestations, des sit-in, des perturbations pacifiques ou des événements de sensibilisation aux attaques israéliennes contre les sports palestiniens. Inscrivez votre groupe pour plus d'informations.

Qualifications et épreuves olympiques

D'ici au début des Jeux olympiques en juillet, la route vers Paris sera jalonnée d'occasions de rappeler au CIO que les auteurs de génocides n'ont pas leur place aux Jeux olympiques. Au début du mois, quatre coureurs ont porté le message #CeasefireNow au marathon olympique de Floride, franchissant la ligne d'arrivée avec des drapeaux palestiniens. Trouvez des informations sur les épreuves olympiques chronométrées et les épreuves de qualification (également ici) ou d'autres événements liés aux Jeux olympiques dans votre région. Inscrivez votre groupe pour plus d'informations.

Chassez l'apartheid israélien du sport

Votre pays est-il signataire de la Convention internationale contre l'apartheid dans les sports ? Si c'est le cas, il a l'obligation de « prendre toutes les mesures appropriées pour obtenir l'expulsion d'un pays pratiquant l'apartheid des organismes sportifs internationaux et régionaux ». Inscrivez votre groupe pour savoir ce que vous pouvez faire.

Signez la pétition DiEM25 pour bannir Israël du sport mondial

Rejoignez plus de 92 000 personnes du monde entier qui ont signé la pétition appelant à bannir Israël du sport international.

Ajoutez votre signature ici

Signez la pétition Eko pour l'exclusion d'Israël des Jeux olympiques et de la FIFA

Rejoignez les 140 000 personnes qui ont demandé l'exclusion d'Israël du sport international, y compris des Jeux olympiques et de la FIFA.

Demandez à ce qu'il n'y ait pas de Jeux olympiques ordinaires tant qu'Israël, pays génocidaire, n'est pas banni.

Utilisez les hashtags #BanIsrael et #Paris2024. Partagez le texte ci-dessous à partir de vos comptes.

Dans le cadre de son #GazaGenocide, Israël commet également un sporticide, en tuant les entraîneurs et les athlètes palestiniens des @Olympiques et en détruisant les stades.

Joignez-vous et demandez « Pas de Jeux olympiques ordinaires » #BanIsrael

https://bdsmovement.net/banisrael

À Gaza, Israël a tué l'entraîneur de football olympique palestinien Hani Al Masdar, détruit les bureaux du Comité olympique palestinien et transformé des installations sportives en centres honteux de détention de masse et de torture.

Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que le CIO permet à Israël d'utiliser les Jeux olympiques pour laver sportivement son génocide à Gaza et son régime d'apartheid contre les Palestiniens partout dans le monde. Soutenez l'appel des équipes palestiniennes. Rejoignez la campagne pour #BanIsraël des Jeux Olympiques et perturbez pacifiquement la route vers les Jeux de Paris 2024.

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Les Jeux olympiques n’ont pas eu lieu

18 juin 2024, par Marc Perelman — , ,
Décortiquant la Charte olympique et les documents liants le Comité international olympique à ses partenaires, Marc Perelman décrypte ce qui s'avère être une idéologie (…)

Décortiquant la Charte olympique et les documents liants le Comité international olympique à ses partenaires, Marc Perelman décrypte ce qui s'avère être une idéologie autoritaire et plus soucieuse de profits que d'écologie, de santé publique, de respect des territoires, d'éducation, malgré des promesses vertueuses. Il analyse « le coeur du projet olympique et de ses valeurs, ainsi que les conséquences sociopolitiques sur nos territoires et dans nos vies ».

Non seulement les Jeux olympiques et paralympiques prévus à Paris en 2024 occupent d'ores et déjà une partie de l'actualité mais aussi le « terrain » avec pas moins de 7000 points de travaux en cours dans la capitale et la Seine-Saint-Denis, pour le plus vaste et le plus long chantier depuis Hausmann. Marc Perelman consacre un long chapitre à la confiscation mémorielle opportunément réalisée par la concordance décidée entre la date de l'ouverture des jeux et celle de la fin de la restauration de Notre-Dame de Paris. C'est toute la ville qui sera ainsi « durablement colonisée par l'olympisme » puisque cette « olympisation » (le terme est de Coubertin) s'étendra à d'autres monuments : compétitions d'équitation au château de Versailles, d'escrime au Grand Palais, de beach-volley près de la Tour Eiffel, de vélo sur les Champs Élysée, de tir à l'arc aux Invalides, de triathlon au Trocadéro, de nage libre dans la Seine,… La rénovation de l'île de la Cité préconise sa « mise en tourisme » pour la rendre « conforme à l'urbanisme de la capitale du XXIe siècle » c'est-à-dire en transformant « l'actuel piéton en superconsommateur ».

Le Dossier de candidature de Paris 2024 ne s'embarrasse pas d'euphémismes. Il s'engage « à réduire tout risque potentiel de perception négative des Jeux » ! Les quelques opposants politiques ne remettent jamais en question l'idéologie des Jeux, ni n'analysent « les JO comme une institution intégrée à l'ordre capitaliste, structurellement liée à la compétition qui en est la seule matrice ». Les Insoumis se contentent de dénoncer le mercantilisme et les écologistes parisiens proposent d'organiser des Jeux écolos. L'auteur s'attarde peu sur le budget annoncé, fixé à 6,8 milliards. Même s'il rappelle que ceux des Jeux précédents dépassaient en moyenne de 179% les prévisions. Il s'intéresse surtout à « la façon dont les JO parviennent à faire partager l'idéologie de la compétition des uns contre les autres au nom du bonheur d'être ensemble, de la citoyenneté partagée, de la santé, de l'éducation, de la culture pour tous, etc. » « Dans le sport, personne ne conteste la compétition, qui en est aussi le moteur et reste surtout son “point aveugle“. Et pourtant le sport de compétition ne ressemble en rien au jeu ou à l'activité ludique, qui eux font appel à la liberté de se mouvoir quand on veut et où on veut, à la gratuité, à la non discrimination entre les sexes, à l'accueil de corps différents, à l'indifférence quant aux résultats, aux refus de la performance, du record et de la prouesse, au rapport libre, organique et plastique avec une nature non artificialisée. » « Les JO fabriquent un monde à l'image d'une immense compétition. Ils fabriquent ou plutôt redoublent le monde de la compétition économique capitaliste par une compétition, pour le coup, musculaire entre les individus censés représenter leurs nations (il est pourtant précisé dans la Charte olympique que les compétitions se déroulent entre athlètes ou entre équipes, et non entre nations). »

La Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), créée en février 2017, s'est engagée à ce que les nouvelles constructions protègent et développent la biodiversité, atténuent le réchauffement climatique. Marc Perelman, architecte de formation, y voit surtout une « architecture sans âme, (…) subordonnée à l'urbanisme actualisé du greenwashing » et une smart city dont la consommation d'énergie ne sera certainement pas en baisse. Les organisateurs ne parlent que des « 100% de spectateurs se déplaçant en transports en commun », sans tenir compte des moyens utilisés pour rejoindre la capitale. Il est également permis de douter des promesses de « zéro imperméabilisation » des sols, de « 100% de l'alimentation » en filière locale (avec Coca Cola comme partenaire officiel !).

La lecture du contrat liant la ville hôte au CIO est affligeante : la ville est responsable de tout tandis que le CIO empoche des royalties, y compris sur l'utilisation des symboles olympiques, sans être jamais redevable d'impôts directs ou indirects. Aucun autre événement ne peut avoir lieu, avant ou après les Jeux, sans l'accord préalable du CIO. Le projet de loi relatif à l'organisation des Jeux a été voté en mars 2018 et se présente comme « l'ultime ordre de soumission aux oukases du CIO ». Article 10 : « les constructions, installations et aménagements directement liés à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des Jeux olympiques et paralympiques 2024 et ayant un caractère temporaire constituent des réalisations dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme ».

La Charte olympique, véritable « codification de l'olympisme », défend une « philosophie de la vie, exaltant et combinant en un ensemble équilibré les qualités du corps, de la volonté et de l'esprit. Alliant le sport à la culture et à l'éducation, l'olympisme se veut créateur d'un style de vie fondé sur la joie dans l'effort, la valeur éducative du bon exemple et le respect des principes éthiques fondamentaux universels », dans le complet déni d'un olympisme « entaché de tant et tant de méfaits, de forfaitures, de mensonges réguliers, de dissimulations, de ruses, de mascarades, quand ce ne sont pas prévarications, concussions et malversations ». Quand elle évoque le « sport », elle ne parle que de compétition, « c'est-à-dire d'une activité codifiée, institutionnalisée, développant sa propre logique avec ses records, sa violence partout déployée », l'inverse du jeu, « une activité désintéressée, sans but lucratif, ludique, libre ».

Si toute forme de discrimination est proscrite, les JO ont bel et bien renforcé le régime nazi en 1936 et à Mexico, en 1968, quelques jours après le massacre de trois cents étudiants, Tommie Smith et John Carlos ont été exclus pour avoir levé leurs poings gantés de noir en signe de protestation contre le racisme aux États-Unis.

Si la Charte stipule donc bel et bien que les compétitions voient s'affronter des athlètes, « en épreuves individuelles ou par équipes et non entre pays », tout dans leur déroulement, depuis l'ouverture « quasi militaire », les hymnes nationaux, les classements, prouve le contraire.

L'auteur étudie ensuite l'impact des Jeux en Seine-Saint-Denis où la construction du village olympique, par exemple, implique le « déménagement » de vingt-cinq entreprises, d'une école d'ostéopathes, d'un foyer de migrants, d'un lycée professionnel, du réfectoire et de l'internat d'une école d'ingénieurs. Il rappelle le coût exorbitant de l'entretien du Stade de France pour 20 à 30 événements par an, réglé par les habitants, jusqu'à ce que la société d'e-sport Team Vitality (dont l'équipe de jeu vidéo de football Fifa !) ne s'engage comme club résident.

Pierre de Coubertin étant déjà l'objet de nombreuses études, l'auteur nous propose quelques échantillons significatifs de ses déclarations pour découvrir le personnage. Extraits :

« La théorie de l'égalité des droits pour toutes les races conduit à une ligne politique contraire à tout progrès colonial. Sans naturellement s'abaisser à l'esclavage ou même à une forme adoucie de servage, la race supérieure a parfaitement raison de refuser à la race inférieure certains privilèges de la vie civilisée. »
« Ô sport, tu es la Fécondité ! Tu tends par des voies directes et nobles au perfectionnement de la race en détruisant les germes morbides et en redressant les tares qui la menacent dans sa pureté nécessaire. »

Suivent vingt-et-une « thèses », série de réflexions philosophiques ou sociologiques sur les « ressorts structurels du sport », parmi lesquelles nous avons glané quelques bribes pour donner le ton et aussi envie d'en lire plus :

« Intégrée à l'ensemble des institutions que les hommes se sont donnés, et jusque dans l'école, la compétition assigne les individus de leur naissance à leur mort à une société dont la matrice politique est la lutte de tous contre tous. »
« Le sport nait à la fin du XIXe siècle et se déploie en tant que projet politique et idéologique dans un cadre économicopolitique capitaliste structuré par la forme compétitive de l'organisation globale des rapports sociaux. »
« Les manifestations sportives déversent sans interruption des flots de résultats, de statistiques et d'anecdotes qui saturent l'espace comme le temps. “Le sport ne s'arrête jamais“ afin qu'on “oublie la politique“, comme l'énonce la chaîne de télévision quatari BeIN sport ».
« Le dopage, la violence ou encore le racisme (antisémitisme inclus) sont consubstantiels au sport. Ils ne l'altèrent pas ; ils n'en sont pas des excroissances monstrueuses : ils sont la vérité du sport. »
« La critique du sport n'a pas de projet et elle n'est pas un projet puisque son seul objectif est la disparition de son objet : le sport. »

N'en doutons pas, cet ouvrage suscitera de nombreuses réactions. Il a l'immense mérite de pulvériser un discours dominant.

2024 – LES JEUX OLYMPIQUES N'ONT PAS EU LIEU
Marc Perelman
192 pages – 18 euros
Éditions du Détour – Bordeaux – Janvier 2021
editionsdudetour.com/index.php/2024-les-jeux-olympiques-nont-pas-eu-lieu

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État d’urgence olympique

18 juin 2024, par Julien Le Mauff — , ,
Derrière la mise en place, pour la tenue des JO 2024, de mesures dites « exceptionnelles » visant au bon déroulement de l'exception, se profile un « état d'urgence olympique ». (…)

Derrière la mise en place, pour la tenue des JO 2024, de mesures dites « exceptionnelles » visant au bon déroulement de l'exception, se profile un « état d'urgence olympique ». Sécurités, libertés et droits se voient reconfigurés, la « fête » olympique constituant avant tout la célébration d'un certain ordre, nouvelle étape de l'imposition d'un projet autoritaire, sous couvert de célébration sportive.

10 juin 2024 | tiré de la lettre d'AOC.media

« Exceptionnel ». Le mot est partout : à moins de deux mois des JO 2024. Fête exceptionnelle, cérémonies exceptionnelle, sites exceptionnels, ferveur exceptionnelle… Cette volonté d'ériger les Jeux de Paris en célébration de l'exception, affirmée dès l'origine (le mot figurait déjà 58 fois dans le dossier de candidature), se retrouve aujourd'hui dans une formule à la tournure proverbiale, dont la pauvreté langagière masque mal l'autoritarisme : « À événement exceptionnel, mesures exceptionnelles ».

Peut-être faut-il voir dans cette récurrence un aveu. On peut s'étonner en effet d'entendre qualifier aussi souvent d'exceptionnel un événement organisé tous les quatre ans, prévu depuis près de dix ans, planifié à la minute près, et qui n'a donc, en fait, rien d'un « événement » au sens propre du terme, du fait dont l'irruption nous surprend, du major event derridien déchirant la toile de nos jours.

Or, derrière cette maxime maintes fois répétée se cache aussi une équivalence entre les Jeux eux-mêmes, décrits d'avance comme un moment unique par ses dimensions et son retentissement, et les « mesures » adoptées depuis la désignation de Paris comme ville hôte et que l'on peut mieux décrire, selon une acception plus étroitement juridique, comme des mesures d'exception.

Il faut dire que la France a fait depuis près de dix ans l'expérience de l'extension progressive, et quasiment irrésistible, de l'exception au service du pouvoir. La vague d'attentats vécue au mitan des années 2010 – tout particulièrement ceux de Paris en janvier et novembre 2015 – a souvent été invoquée comme moment fondateur de l'unanimité autour de l'organisation de JO. Jusque-là, le projet suscitait en effet plutôt les doutes, voire les résistances (celle de la maire de Paris notamment, tardivement ralliée au projet). Or, ces mêmes attentats constituent aussi le point de départ d'une politique de l'urgence qui n'a pas seulement traduit une réponse au terrorisme, mais aussi, et peut-être d'abord, la généralisation d'une véritable technique de gouvernement, pour la mise en ordre d'un certain nombre de mouvements sociaux. On le sait en effet, les lois votées dans le cadre de l'état d'urgence antiterroriste et, par la suite, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, ont largement accru les pouvoirs dont disposent les préfets et les forces de l'ordre : des pouvoirs exceptionnels en matière d'interdiction de rassemblements publics, ainsi que de contrôle et de restriction des déplacements, y compris individuels.

Très rapidement, les pouvoirs ouverts par l'état d'urgence déclaré au soir du 13 novembre furent ainsi très largement utilisés pour empêcher un certain nombre de manifestations et de rassemblements publics, politiques ou syndicaux. On peut ainsi rappeler que l'usage des pouvoirs d'urgence contre des mobilisations populaires a été observé dès la fin de 2015 lorsque, à l'occasion de la Conférence des Nations unies sur le climat (COP 21), organisée à Paris du 30 novembre au 12 décembre, de nombreux militants écologistes se sont vus touchés par des assignations à résidence, avec obligation de pointer plusieurs fois par jour au poste de police. Même chose en 2016, pour endiguer l'opposition à la loi travail (ou « loi El Khomri ») portée par le président Hollande et le gouvernement Valls, étape majeure dans la destruction des droits des salariés. Contre la contestation syndicale et populaire, le gouvernement, par l'intermédiaire de ses préfets, a alors pris, en s'appuyant sur les pouvoirs exceptionnels ouverts par l'état d'urgence, pas moins de 574 mesures individuelles à l'encontre de militants, pour empêcher leur participation aux rassemblements prévus.

Ces usages ont persisté, et ont été amplifiés sous la présidence Macron, dont le premier quinquennat s'est déroulé en majeure partie (35 mois sur 60) sous régimes d'état d'urgence – celui régi par la loi de 1955, activé au lendemain des attentats et resté en vigueur jusqu'au 1er novembre 2017, et l'état d'urgence sanitaire créé en mars 2020. Le recours à l'état d'urgence et aux possibilités qu'il offre aux autorités est d'ailleurs souvent évoqué pour contrer des vagues de protestations populaires, comme à l'époque du mouvement des « gilets jaunes », ou encore pour répondre aux émeutes consécutives à l'assassinat du jeune Nahel Merzouk lors d'un contrôle de police en juin 2023, même si sa mise en œuvre la plus récente est plus localisée, retrouvant les origines coloniales du dispositif, dans le cadre du regain de tensions en Nouvelle-Calédonie.

Surtout, ces pouvoirs exceptionnels ont été pour leur plus grande partie intégrés au droit commun après l'adoption de la loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » en octobre 2017, et celle de la loi dite « sécurité globale » en mai 2021. C'est donc bien une transformation des mesures exceptionnelles en pouvoirs permanents qui a eu lieu, et cet arsenal juridique permet d'assurer de façon courante la restriction des libertés, en ciblant les mouvements sociaux et écologistes, souvent touchés par ces mêmes mesures de surveillance accrue, d'assignation à résidence, ou d'interdiction de déplacement. Ce fut de nouveau le cas à l'encontre des manifestations faisant suite au projet de réforme des retraites au printemps 2023, et violemment réprimées tandis que la loi était adoptée par recours à l'article 49.3 de la constitution. Ainsi appliqué, l'état d'urgence en France, et l'ensemble des mesures auxquelles il ouvre, souvent elles-mêmes rendues après coup permanentes, ont en premier lieu visé à saper les moyens de lutte sociale et de contestation contre différents projets d'inspiration néolibérale.

Or, après l'état d'urgence sécuritaire et l'état d'urgence sanitaire, la caractérisation des JO de 2024 comme un événement « exceptionnel » requérant des mesures « exceptionnelles » aboutit aujourd'hui à la formulation discrète, mais politiquement et juridiquement tangible, de ce que l'on pourrait appeler « état d'urgence olympique ».

Les JO sont l'occasion de l'instauration d'un véritable autant que discret régime d'état d'urgence.

Comme souvent par le passé, et d'une façon parfois particulièrement tragique, comme à Pékin ou à Rio – et quoi que l'on aurait pu espérer autre chose dans le cadre d'un État à référentiel démocratique – c'est dans le cadre des chantiers pour l'organisation des Jeux que l'exception a fait son entrée. En mars 2018, déjà, une loi avait allégé les procédures d'urbanisme pour les constructions des JO, que le président Macron lui-même avait décrite comme une « loi d'exception ». À cela s'ajoutent, de façon tout aussi classique (ce qui ne les rend pas moins discutables) un certain nombre de dérogations accordées pour l'occasion aux organisateurs, au Comité international olympique, aux sponsors, comme diverses exonérations fiscales, ou encore l'autorisation plus triviale de consommer de l'alcool dans les stades dans les espaces « VIP », en contradiction avec la loi Evin s'appliquant aux spectateurs lambda.

Mais pour les Jeux de Paris, l'exception olympique ne s'arrête pas là et a investi d'autres domaines, au point de produire un effet profond et durable sur la démocratie française elle-même. La loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux olympiques et paralympiques (ou « loi JO ») a ainsi ajouté un grand nombre de mesures dérogatoires à celles existantes, y compris d'ailleurs des dérogations concernant le droit du travail, par exemple pour l'assouplissement des règles sur le travail dominical pendant la durée des Jeux. Les « besoins exceptionnels » résultant des Jeux permettront ainsi aux commerçants des communes où sont situés les sites, ou dans les communes limitrophes, de ne pas respecter l'interdiction du travail dominical, y compris dans le domaine de l'habillement, de l'électronique, ou encore pour les coiffeurs, même si l'on ne voit pas trop en quoi le repos dominical dans ces secteurs doit garantir la bonne tenue des Jeux olympiques.

D'autres mesures surtout concernent de façon importante la sécurité et le maintien de l'ordre, renforçant l'arsenal juridique formé cette dernière décennie et justifiant de reconnaître dans le contexte actuel un véritable « état d'urgence olympique » – alors même que le caractère organisé, planifié des JO, aurait dû nous préserver de toute la « suspension » de la normalité, de la rationalité, de la légalité, qu'ont pu entraîner les actes terroristes ou la pandémie de Covid, épisodes à côté desquels l'été olympique parisien tient plutôt du simulacre d'événement.

À ainsi été adoptée dans cette « loi JO 2024 » une technologie de « vidéosurveillance intelligente » permettant de détecter des comportements suspects grâce à un traitement algorithmique des images collectées par les caméras installées dans l'espace public, et par les drones équipant les forces de l'ordre. En somme, c'est bien une forme dite « atténuée » de reconnaissance faciale qui entre en vigueur, pour la première fois dans l'Union européenne d'ailleurs, un système dont les dangers pour la vie privée et la liberté d'expression ont été largement soulignés. Rappelons en particulier que tout système de vidéosurveillance algorithmique tend à renforcer des biais discriminatoires et racistes déjà très largement à l'œuvre dans les pratiques de maintien de l'ordre.

Ce dispositif annoncé comme « exceptionnel », c'est-à-dire en théorie temporaire, est entré en vigueur dès sa promulgation, et peut donc d'ores et déjà être utilisé (et il l'est) pour toute manifestation (sportive ou non), dans à peu près tout lieu fréquenté par le public. Elle restera par ailleurs applicable bien au-delà de la fin des Jeux olympiques, c'est-à-dire jusqu'à la fin mars 2025. Le temps, peut-être, sans doute même, d'en rendre l'usage définitif. Bien évidemment, il est en effet question que ce dispositif « temporaire », « exceptionnel », lié aux besoins « spécifiques » des Jeux olympiques soit rendu permanent, comme tant d'autres dispositifs exceptionnels avant lui. On peut imaginer (et frémir d'ailleurs à cette idée) l'usage très large qui pourrait être fait de ces technologies dans le cadre de la surveillance des manifestations contre les réformes économiques ou sociales du gouvernement, ou pour « encadrer » toutes sortes d'événements politiques et de rassemblement militants.

Le gouvernement français a d'ailleurs très rapidement après l'adoption de la loi JO évoqué, par la voix de la ministre des Sports et brièvement de l'Éducation nationale, Mme Oudéa Castera, son souhait de pérenniser ce dispositif s'il « fait ses preuves » pendant la période d'expérimentation. Cette condition est évidemment suffisamment floue pour ne pas manquer d'être remplie : qu'est-ce qu'un dispositif de sécurité qui fait ses preuves ? Si la sécurité est assurée, on pourra assurer que les caméras dites « intelligentes » y sont pour quelque chose. Si un quelconque événement survient, on y verra une raison de pérenniser ce moyen supplémentaire dans les mains des forces de l'ordre. Et si des excès surviennent dans les usages de cette technologie, voire des bavures, bien évidemment nous n'en saurons rien, et cela ne changera rien, puisque c'est là le quotidien de la police en France.

On peut aussi ajouter que si la vidéosurveillance « biométrique » a ainsi été autorisée par la loi JO de 2023, celle-ci ne constitue d'une certaine façon qu'une occasion pour la mettre en œuvre, puisque ce type de technologie lui-même était déjà connu, ayant été acheté depuis une dizaine d'années déjà par l'Intérieur comme par de nombreuses collectivités territoriales. La reconnaissance faciale a ainsi été expérimentée hors de tout contrôle et de tout encadrement juridique – la CNIL a lancé à ce sujet une procédure de contrôle en novembre 2023, dont les résultats restent attendus. Il ne restait donc plus qu'à autoriser cette technologie. Or, si les textes se limitent à la « vidéosurveillance intelligente », le logiciel Briefcam utilisé par les forces de l'ordre comprend aussi une fonction de reconnaissance faciale dont l'activation ne peut être totalement contrôlée. La France, premier pays de l'UE à autoriser ce type de technologie, a par ailleurs largement poussé, lors des débats sur l'IA Act (adopté par le Parlement européen le 13 mars dernier), contre toute interdiction totale de la reconnaissance faciale dans l'espace public. Que l'autorisation de la reconnaissance faciale ait vocation à être mise à l'ordre du jour ne fait donc aucun doute, et les mesures sécuritaires exceptionnelles adoptées pour les Jeux de Paris constituent, sur ce chemin, une étape décisive.

La cérémonie évoque les entrées royales qui élaboraient une représentation codifiée du pouvoir.

N'oublions pas enfin, parmi les mesures d'exception liées aux JO, les restrictions de circulation étendues à l'échelle de la région-capitale dans son ensemble, ainsi que quelques mesures notables de police sociale : les étudiants qui ont récemment dû libérer leur logement en pleine période d'examens, et trouver à se loger ailleurs jusqu'à l'automne ; ou encore la multiplication ces dernières semaines des actions des forces de l'ordre contre les campements de migrants, contre les sans domicile fixe, les personnes marginales, pauvres, qui dorment dans leur voiture, dans des squats ou des abris de fortune, et qui sont aujourd'hui victimes d'un nettoyage social silencieux mais méthodique et systématique, partout à Paris et en proche banlieue. La ville et ses habitants se trouvent ainsi soumis à Paris à une « violence olympique » récemment soulignée par la journaliste Jade Lindgaard dans son livre sur le sujet, Paris 2024 (éd. Divergences).

En cela, les JO sont bien l'occasion de l'instauration d'un véritable autant que discret régime d'état d'urgence propre au caractère artificiellement engendré de l'« exception » olympique. Au profit de qui ? Qu'est-ce qu'une fête populaire tournée contre les citoyens censés constituer cette fiction du peuple français ?

Toute fête est assurément politique. L'affirmation tient de la tautologie, en même temps qu'elle reste vague. La grande machinerie olympique ne peut quant à elle se défaire d'une logique de démonstration, de représentation d'un pouvoir pour lequel les Jeux représentent avant tout l'opportunité d'accroître les moyens légaux d'un autoritarisme de plus en plus affirmé. En cela d'ailleurs, la décision visant à faire sortir la cérémonie inaugurale du cadre habituel du stade (et qui ne faisait pas partie des plans annoncés dans la candidature parisienne) participe aussi d'un détournement de l'événement sportif vers une politisation radicale. Dans moins de deux mois, en effet, glissera sur la Seine le spectacle par lequel la ringardise du récit national, masquée pour l'occasion sous un accoutrement pop, s'offrira au reste du monde.

Par quelques aspects, la cérémonie prévue évoque quelques exemples historiques plus particuliers. Elle paraît tenir des entrées royales qui, à partir de la fin du Moyen Âge, avaient élaboré une représentation codifiée du pouvoir, comme l'ont jadis montré Bernard Guenée et Françoise Lehoux dans leur anthologie sur le sujet : à la fois « spectacle bruyant et coloré » et véritable « Fête-Roi », mettant en scène la rencontre du monarque et du peuple pour mieux asseoir, sous l'apparence du serment et de l'échange, la souveraineté du premier s'affirmant sur le second. Ou encore, de la festivité louisquatorzienne, véritable continuation de la politique (et de la guerre) par d'autres moyens, selon Louis Marin dans Le Portrait du roi, et moment par lequel « le coup d'État du Prince est représenté dans le miracle de la fête » – moment de révélation du pouvoir, de retour à son fondement, « apocalypse de son origine » retrouvée par le spectacle de la force.

Voilà donc ce à quoi l'on peut s'attendre, ce qui nous sera bientôt donné à voir : la représentation de l'ordre même, spectacle du pouvoir et de la fiction nationale s'imposant aux spectateurs conviés, chacun tenu à sa place et selon son rang social, depuis les spectateurs munis de billets gratuits et qui seront massés sur les quais haut, jusqu'aux ponts privatisés pour l'occasion, à 9 500 euros la place. Chacun, filmé, analysé par les algorithmes policiers, occasion vivante de mettre en œuvre à grande échelle les nouvelles mesures d'exception issues de cet « état d'urgence olympique » introduit clandestinement – et de faire la preuve de leur efficacité dans la perspective de leur intégration permanente au droit.

NDLR : Julien Le Mauff a récemment publié L'Empire de l'urgence, ou la fin de la politique aux PUF

Julien Le Mauff

HISTORIEN, POLITISTE, ATER EN SCIENCE POLITIQUE À L'UNIVERSITÉ DE LILLE

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Le RES avec le Front populaire

18 juin 2024, par Réseau écosyndicalistes — , ,
Le réseau éco-syndicaliste est né en 2021 à la suite d'un appel signé par plus d'une centaine de syndicalistes. Aujourd'hui plus que jamais, la mobilisation de toutes les (…)

Le réseau éco-syndicaliste est né en 2021 à la suite d'un appel signé par plus d'une centaine de syndicalistes. Aujourd'hui plus que jamais, la mobilisation de toutes les forces progressistes, à commencer par les forces syndicales, alliées aux forces de l'écologie, dans un front populaire uni, est indispensable pour faire barrage au rassemblement national.

Tiré du blogue de l'auteur.

Le réseau éco-syndicaliste est né en 2021 à la suite d'un appel signé par plus d'une centaine de syndicalistes. C'est un réseau intersyndical qui fait le lien entre syndicalisme et écologie, entre justice sociale et justice environnementale, à partir des premier.es concerné.es, les travailleurs et travailleuses eux mêmes.

Aujourd'hui plus que jamais, la mobilisation de toutes les forces progressistes, à commencer par les forces syndicales, alliées aux forces de l'écologie, dans un front populaire uni, est indispensable pour faire barrage au rassemblement national et l'empêcher d'accéder au pouvoir dans les institutions, mais aussi dans la rue, sur nos lieux de travail, dans nos écoles, dans nos vies.

Depuis 3 ans, nous avons été aux côtés des travailleurs et des travailleuses les plus concernées par les questions sociales écologiques : soutien à la mobilisation des salarié.es de l ONF, tribune et aide logistique aux salarié.es des déchets pendant la réforme des retraites, participation active à la mobilisation des travailleurs sans papiers face à la loi immigration, soutien aux agricultrices et agriculteurs en colère face à l agro-industrie et aux supermarchés, soutien aux travailleurs de la logistique, campagne sur les accidents et les morts au travail avec les travailleurs de la construction, notamment dans la demande de justice pour Amara Dioumassy sur le chantier d'Austerlitz.

Ces salarié.es sont à la fois les premiers acteurs et les premier.es impacté.es par la destruction du vivant causée par l'activité humaine. Soumis à l'agrobusiness qui tue la terre et qui finira par tous nous affamer si nous ne faisons rien, les travailleurs et travailleuses agricoles sont aussi les premières victimes des cancers liés aux pesticides. Les salarié.es des déchets et de la propreté se mettent chaque jour en danger pour rendre vivables nos villes, face aux conséquences terribles de la croissance infinie qui engendre un telle production de déchets qu'elle pollue l'eau, le sol, et l'ensemble de la vie. Une semaine de grève des éboueurs et tout notre système sanitaire s'affole. Les travailleurs de la construction sont les premiers témoins de l'artificialisation des terres, mais aussi les premières victimes des accidents, morts au travail et maladies professionnelles liées aux produits toxiques et à l'usure des corps.

Ces trois secteurs d'activité : agriculture industrielle, déchets, construction, ont un impact considérable sur la qualité de l'air, de l'eau et des sols dont dépend notre survie pour boire, manger, et respirer. On ne fera pas d'écologie sans le monde du travail. C'est évident. C'est la raison d'être du RES.

On constate aussi que ces secteurs, les plus pénibles, sont particulièrement concernés par la division raciale du travail et le racisme environnemental : les travailleurs agricoles, des déchets, de la propreté, de la construction, sont souvent immigrés ou descendants de la colonisation française. Avec la catastrophe climatique, certain.es sont déjà des réfugié.es climatiques. Ils seront aussi les bouc émissaires et les premières victimes des actes racistes qui se multiplieront si l'extrême droite arrive au pouvoir.

Aujourd'hui l'extrême droite a gagné en partie la bataille des idées : elle reprend à son compte le slogan du front populaire de 1936 : pain, paix, liberté. Face aux ravages du néolibéralisme, elle promet aux travailleurs pauvres, aux laissé.es pour compte, que la vie sera plus facile si les entreprises produisent plus, et si les gouvernants instaurent la préférence nationale et le racisme en acte, renforcent la liberté d'opprimer.

L'extrême droite au pouvoir, c'est le productivisme à outrance, le soutien à l'agrobusiness, aux énergies fossiles, à la destruction de la planète

C'est la répression syndicale et politique, la casse du code du travail, l'impunité face aux discriminations

C'est enfin le soutien à toutes les forces réactionnaires dans la rue et dans nos vies, les ratonnades, la peur de l'autre

Plus que jamais, il est indispensable que le syndicalisme, les forces de l'écologie et les forces anti racistes se conjuguent pour lutter contre l'extrême droite, dans la rue, dans les urnes, dans les entreprises, mais aussi dans dans la bataille des idées, avec nos familles, nos collègues qui sont tentés par les sirènes de Bardella.

Pour toutes ces raisons, le RES se tient aux côtés des travailleurs, travailleuses et des forces progressistes ce samedi 15 juin, mais aussi dans toutes les initiatives qui se tiendront par la suite.

L'assemblée de rentrée du RES aura lieu le samedi 21 septembre à Paris, et nous déterminerons ensemble, en fonction de la situation politique, la meilleure façon de contribuer à la lutte pour le respect de l'égalité des droits, du monde du travail et de la planète, notamment à travers les questions de racisme et de santé au travail.

Le RES, le 15 juin 2024

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EXISTANTES Pour une philosophie féministe incarnée

18 juin 2024, par Cécile Gagon, Les Éditions du remue-ménage, Marie-Anne Casselot — , ,
Cécile Gagon Marie-Anne Casselot Remettre à l'ordre du jour des sujets traditionnellement boudés par la philosophie occidentale : voilà le mandat que se donne cet essai (…)

Cécile Gagon
Marie-Anne Casselot

Remettre à l'ordre du jour des sujets traditionnellement boudés par la philosophie occidentale : voilà le mandat que se donne cet essai écrit à quatre mains par des philosophes féministes. Elles y dévoilent les dynamiques de domination à l'œuvre dans les concepts classiques tels que la raison, la justice ou l'autonomie, et remettent en question le prétendu sujet universel.

Explorant une philosophie du quotidien, ancrée dans l'expérience sensible, les autrices tracent de multiples chemins vers une autre subjectivité politique. Ainsi se construit une pensée à la fois critique, vulnérable et incarnée, qui fait écho aux grandes idées qui traversent un champ en pleine effervescence.

Plusieurs théoriciennes sont ici présentées, notamment Simone de Beauvoir, Judith Butler, Elsa Dorlin, Kristie Dotson, Camille Froidevaux-Metterie, Emilie Hache, Patricia Hill Collins, Monique Wittig et Iris Marion Young.

Originaire de Québec, CÉCILE GAGNON est chargée de cours et doctorante en philosophie à l'Université de Montréal.

MARIE-ANNE CASSELOT est doctorante en philosophie à l'Université Laval. Elle a codirigé l'ouvrage Faire partie du monde : réflexions écoféministes.

photo ©Katya Konioukhova

En librairie le 28 mai 2024 | 22,95$ | 184 pages

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La crise du logement

18 juin 2024, par David Madden, Peter Marcuse — , ,
La crise du logement fait régulièrement les manchettes depuis des mois, et pour cause, elle s'avère particulièrement aiguë depuis quelques années, en Europe comme en Amérique (…)

La crise du logement fait régulièrement les manchettes depuis des mois, et pour cause, elle s'avère particulièrement aiguë depuis quelques années, en Europe comme en Amérique du Nord.

Que ce soit le récent moratoire de trois ans sur les évictions, mis de l'avant par la ministre de l'Habitation du Québec France-Élaine Duranceau, ou le mépris du gouvernement Macron pour la question du logement, les gouvernements ne s'attaquent pas aux causes du problème.

Selon David Madden et Peter Marcuse, auteurs de Défendre le logement. Nos foyers, leurs profits, (à paraître le 4 juin), la crise du logement est l'état normal, voire optimal, du marché immobilier en régime capitaliste. Les « solutions » temporaires ou technocratiques, comme le développement de meilleures technologies de construction ou l'accès facilité à la propriété, bien que parfois utiles, ne suffiront donc jamais. Le logement doit être considéré comme un besoin vital et exige des réponses radicales de réappropriation des espaces. Une lecture essentielle pour penser la crise en cours et la marchandisation sans précédent du logement.

À l'occasion de la parution de cet essai incontournable, la librairie La Livrerie (Montréal) et Écosociété organisent une causerie le mardi 11 juin avec Marcos Ancelovici (préfacier du livre) et ses invité⋅es.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la crise du logement n'est pas causée par le manque d'unités locatives, des taux d'intérêt élevés ou une conjoncture économique défavorable. Selon l'urbaniste Peter Marcuse et le sociologue David Madden, c'est l'état normal – voire optimal – du marché immobilier en régime capitaliste. Cela fait cent ans qu'il y a une « crise », notamment pour les plus vulnérables. Il s'agit d'une conséquence logique et prévisible de notre système économique : « [...] l'habitation n'est pas produite et répartie afin de fournir un toit à chacun, mais comme une marchandise destinée à enrichir une minorité. »

Défendre le logement nous plonge dans un conflit opposant deux conceptions du logement. D'un côté, on le considère – à juste titre – comme un droit fondamental, un foyer défini par sa valeur d'usage ; de l'autre, il devient sans problème un privilège, un bien immobilier qui possède d'abord et avant tout une valeur d'échange.

Cet ouvrage essentiel met ainsi le doigt sur les processus de marchandisation du logement qui, au cours des dernières années, ont atteint des sommets inégalés, notamment avec l'essor des plateformes comme Airbnb et l'utilisation de l'immobilier comme instrument d'accumulation financière. Une situation qui ne fait que creuser les inégalités dans la ville : quand le profit prend le pas sur le droit de se loger, les loyers augmentent, leur qualité diminue et les communautés sont confrontées à la violence des expulsions, de la gentrification, de la stigmatisation et de la honte. Voilà ce que Madden et Marcuse nomment l'aliénation résidentielle.

Essai incontournable pour comprendre les causes et conséquences du problème du logement, il fait aussi le point sur les solutions progressistes et montre combien cet enjeu ne peut être résolu par des solutions technocratiques : meilleures technologies de construction, aménagement plus intelligent du territoire, nouvelles techniques de gestion, accès facilité à la propriété... Parfois utiles, ces changements ne suffiront jamais. La crise du logement a des racines politiques et économiques profondes et nécessite une réponse radicale de réappropriation des espaces, une réponse qui dépasse la reconnaissance symbolique d'un droit. Le logement est d'abord politique.

David Madden est professeur assistant au département de sociologie et au programme des villes de la London School of Economics. Auteur de nombreux ouvrages, Peter Marcuse (1928-2022) était professeur émérite en urbanisme à la Graduate School of Architecture, Planning and Preservation de l'Université Columbia. Tous deux ont été publiés dans de nombreux journaux et magazines.

En librairie le 4 juin au Canada / 30 août en Europe
Préface de Marcos Ancelovici
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Julien Besse

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Résistances et ripostes contre l’ordre du monde

18 juin 2024, par Centre internationaliste Ryerson Fondation Aubin (CIRFA) — , ,
Nous avons le plaisir de vous présenter le No 17 de la revue l'internationaliste sur le thème Résistances et ripostes contre l'ordre du monde Mai 2024 G7 et Sud global (…)

Nous avons le plaisir de vous présenter le No 17 de la revue
l'internationaliste sur le thème

Résistances et ripostes contre l'ordre du monde

Mai 2024

G7 et Sud global « philosophiques » : les conditions d'un dialogue juste et
équitable

*Nkolo Foé *

RASA, une initiative inspirant des stratégies et la réflexion prospective
aux souverainistes africains

*Cheikh Gueye *

Référentielles pour comprendre la crise actuelle en Ayiti

*James Darbouze *

« DU BLOCUS RENFORCÉ À LA RÉSISTANCE CRÉATRICE ». In-

interview du Président cubain Miguel Díaz-Canel

*Ignacio Ramonet *

Le Sahel africain entre attaques terroristes, crise de la démocratie et
revendications de souveraineté

*Téguewindé Sawadogo*

https://centreinternationalisterfa.org/wp-content/uploads/2024/06/Linternationaliste-N017-mai-2024.pdf

*CIRFA*

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PALESTINE Un féminisme de libération

18 juin 2024, par Les Éditions du remue-ménage, Nada Elia — , ,
Nada Elia Pour reconnaître que la lutte palestinienne pour la liberté et l'autodétermination est, plus que jamais, un enjeu féministe. Comment expliquer qu'Israël, malgré (…)

Nada Elia
Pour reconnaître que la lutte palestinienne pour la liberté et l'autodétermination est, plus que jamais, un enjeu féministe.

Comment expliquer qu'Israël, malgré ses attaques meurtrières à Gaza et sa violation du droit international, reste à l'abri de toute véritable critique ? Pourquoi de nombreuses féministes du Nord global, si promptes à dénoncer l'impact du « fondamentalisme islamique » sur les femmes palestiniennes, restent-elles silencieuses quand il s'agit de décrier l'occupation et le génocide que perpétue l'État israélien en Palestine ?

En déconstruisant les associations fallacieuses entre antisionisme et antisémitisme, la professeure et militante palestinienne Nada Elia rappelle la place des femmes et des personnes queers dans la lutte pour la libération de la Palestine, et revendique le démantèlement des structures coloniales qui écrasent la population à Gaza et en Cisjordanie.

Palestinienne de la diaspora née en Irak, 𝗡𝗔𝗗𝗔 𝗘𝗟𝗜𝗔 vit aux États-Unis, où elle enseigne les études culturelles et arabo-américaines au Fairheaven College de l'Université
Western Washington.

Elle est notamment l'autrice
de 𝐺𝑟𝑒𝑎𝑡𝑒𝑟 𝑡ℎ𝑎𝑛 𝑡ℎ𝑒 𝑆𝑢𝑚 𝑜𝑓 𝑂𝑢𝑟 𝑃𝑎𝑟𝑡𝑠 : 𝐹𝑒𝑚𝑖𝑛𝑖𝑠𝑚, 𝐼𝑛𝑡𝑒𝑟/𝑁𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑎𝑙𝑖𝑠𝑚, 𝑎𝑛𝑑 𝑃𝑎𝑙𝑒𝑠𝑡𝑖𝑛𝑒 (Pluto Press, 2023).

En librairie le 11 juin 2024 | 15,95$ | 128 pages

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Travailleuses de la résistance

18 juin 2024, par Daria Saburova — , ,
Tiré de Entre les lignes et les mots https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/06/04/travailleuses-de-la-resistance/ Contre les attentes de Kremlin, qui espérait (…)

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/06/04/travailleuses-de-la-resistance/

Contre les attentes de Kremlin, qui espérait que son opération militaire spéciale ne durerait que trois jours, l'Ukraine continue à présent à résister efficacement aux forces d'occupation. Si le rôle de la mobilisation populaire, à travers les innombrables initiatives bénévoles qui ont parsemé le pays, a souvent été souligné, nous ne disposons encore que de peu de travaux sur l'organisation concrète de cette résistance sur le plan local, ainsi que sur les rapports de classe et de genre qui la traversent.

En s'appuyant sur une enquête de terrain menée à Kriviy Rih, grand centre d'extraction minière et de métallurgie situé en Ukraine centrale, ce livre s'intéresse à la manière spécifique dont les hommes et les femmes des classes populaires, souvent russophones et anti-Maïdan, s'engagent dans le mouvement de solidarité avec l'armée et les populations civiles touchées par la guerre. Comment s'organisent-ils face à l'agression russe, quelles sont leurs motivations, leurs préoccupations, leurs activités et leurs modes de fonctionnement ? Quel est le degré d'autonomie de leurs initiatives et quels rapports entretiennent-elles avec l'Etat et les pouvoirs locaux, les partis politiques, les syndicats, les ONGI et les organisations des classes moyennes et supérieures ? Le choix méthodologique d'aborder le bénévolat sous l'angle de la sociologie du travail permet en outre d'interroger l'articulation entre le travail bénévole, le salariat et le travail domestique, et de montrer comment l'Etat s'appuie sur cet élan spontané de solidarité, qui met à sa disposition des masses colossales de travail gratuit, pour assurer les services publics cruciaux tout en poursuivant les réformes néolibérales entamées en 2014.

Le livre s'intéresse enfin plus largement aux points de vue exprimés par les membres des classes populaires sur la situation économique, sociale et politique de leur pays. Que pensent-ils des évènements qui secouent l'Ukraine depuis 2013 ? Comment évaluent-ils les réformes de ces dix dernières années, les batailles autour de la mémoire historique et de la question linguistique ?

Points fort : S'éloignant des approches géopolitiques de la guerre en Ukraine, l'ouvrage en éclaire les enjeux du point de vue de l'expérience de la résistance.

L'ouvrage s'appuie sur un travail de terrain de trois mois qui a permis de réaliser une quarantaine d'entretiens individuels et collectifs à Kriviy Rih et à Kiev. L'auteure a pu également observer et participer au travail de deux organisations bénévoles, et les accompagner dans plusieurs missions humanitaires. En se donnant pour objet l'activité bénévole des classes populaires à Kriviy Rih, l'auteure a voulu étudier un cas-limite de la résistance ukrainienne.

Les enquêtés étaient en effet en grande partie opposés au soulèvement de l'Euromaidan en 2013-2014 ; ils continuent à parler russe ou un mélange de russe et d'ukrainien, et ont de la famille en Russie ; la référence à l'URSS reste ancrée dans leur mémoire collective. L'ouvrage remet ainsi en question le stéréotype de la division profonde de l'Ukraine entre l'Ouest pro-européen à l'Est pro-russe. Grâce à l'apport méthodologique de la sociologie du travail bénévole, l'ouvrage aborde la résistance ukrainienne comme un phénomène social hétérogène traversé par des rapports de classe et de genre, ce que les approches en termes d'« engagement citoyen » ignorent généralement.

Biographie : Daria Saburova est née à Kiev en 1989. Elle est doctorante en philosophie au laboratoire Sophiapol (Université Paris Nanterre) et membre du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine.

*-*
Mon livre « Travailleuses de la résistance » est parti chez l'imprimeur !
À paraître bientôt aux éditions du Croquant.

Ce livre est issu d'une enquête de terrain que j'ai menée entre janvier et mars 2023 à Kryvyï Rih. En prenant du recul par rapport aux approches géopolitiques de la guerre, je pose la question des rapports de classe et de genre qui traversent la résistance ukrainienne, en m'intéressant spécifiquement aux organisations bénévoles des femmes des classes populaires.

Merci à celles et ceux qui ont contribué à ce livre par les récits qui l'ont nourri, par les lectures et les relectures, les discussions et les encouragements !

Daria Saburova
https://www.facebook.com/people/Ukraine_CombArt/100090567559766/

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« Abécédaire de la forêt »

18 juin 2024, par Collectif — ,
Information publiée le 5 juin 2024 par Marie Berjon < fabula.cnrs[a]fabula.org > sur le site internet « Fabula – La Recherche en littérature » < (…)

Information publiée le 5 juin 2024 par Marie Berjon < fabula.cnrs[a]fabula.org > sur le site internet « Fabula – La Recherche en littérature » < www.fabula.org/actualites/121193/pascale-auraix-jonchiere-frederic-calas-christiane-connan-pintado-agata-jackiewicz-et-catherine.html <http://www.fabula.org/actualites/12...> >
Source : Honoré Champion < champion[a]honorechampion.com >

L'/Abécédaire de la forêt/n'est pas un dictionnaire comme les autres : le genre y est en parfaite harmonie avec l'objet d'étude. Telle la forêt, où s'ouvrent sentiers et chemins de traverse, l'Abécédaire croise les analyses de biologistes, littéraires, linguistes, juristes, écologues et vétérinaires sur un espace qui ne semble unique qu'en apparence : la forêt et ses composantes, végétales ou animales, visibles ou invisibles, que scrutent des regards croisés entre disciplines artistiques et scientifiques. Il s'agit d'un kaléidoscope raisonné, non exhaustif mais éclectique, miroir des questionnements actuels sur la forêt, aussi merveilleuse que menacée.

Le lecteur peut à son goût suivre l'alphabet, qui le mène d'« Album » à « Zoonoses », trouvant sur sa route aussi bien les réalités de l'écosystème forestier ( Arbre, Champignons, Essences, Mycorhize…) que les fictions et inventions de nos imaginaires ( Baba Yaga, Blanche-Neige, Loup, Perché, Sorcières et fées… ). Libre à lui de tracer son propre parcours et, comme les auteurs, d'emprunter une première allée avant d'en suivre une autre, qui bifurque.

Il (re)découvre ainsi les univers boisés, leur histoire, leur actualité, les risques que présente leur avenir. Il enrichit son expérience et sa représentation de la forêt, immense et mystérieux domaine de nos rêves.

Avec les contributions de : Pascale Auraix-Jonchière, Sandra Barantal, Sébastien Baudoin, Fabienne Bercerol, Katia Blairon, Frédéric Calas, Marie Chanderlier, Christiane Connan-Pintado, Corinne Fournier Kiss, Anne-Marie Garagnon, David Gomis, Agata Jackiewicz, Caroline Lardy, Esther Laso y Leon, Françoise Laurent, Camila Leandro, Aurore Leocadie, Catherine Lenne, Jacques Marckert, Jordan Martel Lanneyn, Xavier Morin, Guillaume Papuga, Catherine Tauveron, Frédérique Toudoire sur la Pierre.

Extrait de l'introduction... <https://www.honorechampion.com/fr/i...>

Table des matières... <https://www.honorechampion.com/fr/e...>

« Abécédaire de la forêt » par Pascale Auraix-Jonchière, Frédéric Calas, Christiane Connan-Pintado, Agata Jackiewicz et Catherine Tauveron (dir.), Éditions Honoré Champion, collection "Champion les dictionnaires", Paris, 2024. EAN : 9782380960822. 400 pages, Prix : 25 euros. Date de publication : 23 mai 2024 < www.honorechampion.com/fr/book/9782380960822 <http://www.honorechampion.com/fr/bo...> >.

*Une suggestion de lecture de André Cloutier, Montréal, le 11 juin 2024*

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"La machine à tricoter. Écrits sur les femmes et le travail"

18 juin 2024, par Jacob Lachat — ,
Dès le mois de septembre 1944, Alice Rivaz écrit pour l'hebdomadaire "Servir" une série d'enquêtes consacrées à des métiers féminins. Elle y décrit les conditions de travail de (…)

Dès le mois de septembre 1944, Alice Rivaz écrit pour l'hebdomadaire "Servir" une série d'enquêtes consacrées à des métiers féminins. Elle y décrit les conditions de travail de femmes de ménage et de travailleuses à domicile dont elle rapporte les propos. Le ton de ces articles est résolument empathique : il s'agit, comme le titre de la série l'indique, de se mettre « à l'écoute de celles qui travaillent », autrement dit à l'écoute de celles dont la parole n'est guère entendue ou considérée.

« La machine à tricoter. Écrits sur les femmes et le travail, par Alice Rivaz, éditions Héros-Limite, collection "Tuta Blu", Genève, 2024.EAN : 9782889550999. 192 pages. Prix : 18 euros. https://heros-limite.com/livres/la-machine-a-tricoter/

Information publiée le 10 juin 2024 par Faculté des lettres - Université de Lausanne < marc.escola[a]unil.ch >, sur le site internet « Fabula – La Recherche en littérature ».

Source : Jacob Lachat < Jacob.Lachat@unil.ch >

L'écrivaine ne se contente pas d'exposer des parcours de vie laborieuse de manière impartiale ; elle s'implique dans le portrait des femmes qu'elle rencontre tout en donnant à voir leurs gestes et leurs savoir-faire. Elle les interroge aussi sur les aspects les plus matériels de leurs tâches ( activités, emploi du temps, revenu chiffré, budget familial, etc. ) en cherchant à mettre au jour la réalité matérielle de leurs métiers précaires.

Dans ses articles, Alice Rivaz s'essaie à différentes formes d'écriture et se confronte à des enjeux politiques et sociaux qui ne cesseront de faire retour dans la plupart de ses livres : la condition ouvrière, la question sociale, la guerre, le suffrage féminin, ou encore la situation des femmes dans le monde des lettres.

Sur 20 pages***=> Parcourir la Table des matières et lire la Préface de Jacob Lachat… <https://www.fabula.org/actualites/d...> *

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* *Une suggestion de lecture de André Cloutier, Montréal, Québec, le
16 juin 2024 *

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Préface de Silyane Larcher au livre de Philomena Essed : Comprendre le racisme au quotidien

18 juin 2024, par Suzanne Larcher — , ,
Madeline est directrice du département juridique de la filiale française d'une multinationale japonaise1. Près d'une vingtaine de personnes, secrétaires, analystes financiers (…)

Madeline est directrice du département juridique de la filiale française d'une multinationale japonaise1. Près d'une vingtaine de personnes, secrétaires, analystes financiers et avocat·es, travaillent sous ses ordres. À l'exception du personnel de sécurité et de ménage, elle est la seule salariée noire de l'entreprise. Les personnes qui l'ont embauchée sont étasuniennes et japonaises. Ses employeurs sont très satisfaits de ses compétences et de son travail. Pourtant lorsqu'elle se déplace en Suisse ou au Luxembourg pour représenter le groupe afin d'établir de gros contrats, elle rencontre toujours des réactions spontanées, souvent contenues, parfois explicites, d'étonnement. Elle n'est jamais celle à laquelle client·es ou collaborateur·trices s'attendaient a priori. Ce qui dans ce monde très socialement privilégié peut occasionner quelques quiproquos. Les contrôleurs de train inspectent méthodiquement ses papiers d'identité lorsqu'elle voyage en classe business. Un matin où elle se rendait plus tôt qu'à l'accoutumée au bureau, habillée en leggings et en baskets afin de profiter de la salle de sport du dernier étage de l'immeuble de l'entreprise, l'un des gardiens l'intercepte avant qu'elle ne monte dans l'ascenseur. Il craignait une intrusion inopportune dans les lieux. Pourtant, elle avait utilisé son badge pour entrer… Comme ses revenus confortables le lui autorisent, il lui arrive de se rendre dans des boutiques de luxe de l'avenue Montaigne à Paris pour faire du shopping. Elle est très souvent suivie de près par les vigiles qui anticipent un possible vol ou alors les vendeuses s'adressent spontanément à elle en anglais, persuadées qu'elle est Africaine-Américaine. Pourtant, Madeline est d'origine guadeloupéenne, donc Française.

Maman d'une petite Ana de 10 ans, elle reçoit aussi les plaintes de sa fille qui s'est vue écartée d'un concours très sélectif de danse classique en raison de ses courbes, jugées trop « généreuses pour une fillette de son âge », et de sa coiffure, tenue pour non conforme aux exigences de la scénographie d'un prestigieux ballet ; sans parler de ces moments d'amusements où les petits camarades d'Ana lui intiment, dans des jeux de rôles, d'occuper la position de servante « pour rigoler », entraînant chez cette dernière incompréhension et désolation. Ces situations saturent la vie quotidienne de cette Française cadre supérieure racialisée comme noire dans ses activités les plus ordinaires, qu'elles soient professionnelles, familiales ou de loisir. Leur accumulation et leur caractère routinier décrivent ce que Philomena Essed qualifie de « racisme quotidien », objet du présent livre, qui définit aussi ce que c'est d'être « racisé·e », terme issu de la sociologie française entré au dictionnaire de la langue française en 2019.

Dans un contexte français où les notions d'« intersectionnalité » et de « racisme systémique » se banalisent dans le vocabulaire politique courant, autant qu'elles font l'objet de controverses politiques et universitaires, il faut se réjouir que les lectrices et lecteurs français·es et francophones puissent découvrir le travail pionner de Philomena Essed. Rendu désormais accessible par une remarquable traduction de Damien Trawalé et Patricia Bass, sous le titre Comprendre le racisme quotidien. L'étude que l'on va lire ici a une histoire et une postérité particulières à l'étranger d'abord, mais aussi en France dans une certaine mesure. J'y reviendrai. Pour comprendre le caractère en son temps pionnier de la recherche dont ce livre est tiré, il faut néanmoins dire quelques mots du contexte dans lequel elle a vu le jour.

Sociologue née aux Pays-Bas de parents de la classe moyenne supérieure, originaires du Suriname (ou Guyane Hollandaise), Philomena Essed a passé sa vie entre cette ex-colonie2néerlandaise d'Amérique du Sud où elle a grandi, les Pays-Bas où elle arrive avec sa famille à l'âge de 14 ans, et les États-Unis où elle réside depuis plus de vingt ans3. Dans ces circulations transatlantiques, le racisme et l'analyse critique de la race, les engagements féministes et en faveur de la justice sociale, ont été indissociablement au cœur de ses préoccupations politiques, sociales et scientifiques. C'est comme étudiante en anthropologie sociale, à la frontière entre monde immigré – condition qui ne fut pas vraiment la sienne, mais définissait plutôt celle de ses parents et de son entourage – et monde intellectuel néerlandais, c'est-à-dire national et bourgeois, qu'elle s'est intéressée à la question raciale, et plus singulièrement à l'expérience vécue du racisme aux Pays-Bas. Basé sur une enquête qualitative par entretiens approfondis et non-directifs conduits à la fin des années 1980 auprès de 55 femmes afro-descendantes diplômées du supérieur, réparties entre les Pays-Bas et les États-Unis (la Californie),Comprendre le{} racisme quotidien est devenu un classique de la sociologie du racisme et des études de genre outre-Atlantique en raison de son approche novatrice du racisme et des dynamiques de racialisation. Après une précédente recherche menée à une plus petite échelle auprès de femmes migrantes de milieux sociaux variés, originaires du Suriname vivant aux Pays-Bas, Philomena Essed a étendu son exploration de l'expérience vécue du racisme auprès de femmes de même origine migratoire, mais de classes moyennes supérieures, et auprès de femmes Africaines-Américaines, également de classes moyennes supérieures. En s'inscrivant au croisement de la psychologie sociale, de la sociologie et de l'analyse de discours, ce travail venait bousculer les approches dominantes du racisme et des relations entre groupes racialisés qui se concentraient le plus souvent soit sur l'étude des préjugés et des croyances raciales, soit sur l'étude des manifestations institutionnelles du racisme, notamment sous le prisme de l'approche par les discriminations et les politiques publiques. Autre élément majeur du début des années 1990, Philomena Essed venait défier le consensus politico-moral, ancré dans l'opinion majoritaire néerlandaise, qui affirmait que les Pays-Bas étaient – en dépit d'une histoire coloniale qui embrassait la traite esclavagiste atlantique et la colonisation de l'Afrique du Sud ! – un pays de traditions culturelles pluralistes peu touché par le racisme, alors identifié à une réalité historique des États-Unis. Le choix de comparer, au niveau de la recherche doctorale dont sera plus tard tiré ce livre, l'expérience vécue de femmes afro-descendantes diplômées des Pays-Bas et des États-Unis ne doit rien au hasard. Il s'agissait pour la jeune chercheuse, d'une part de contourner l'idée admise que le racisme relevait d'une idéologie du rejet ou de la haine peu présente parmi les élites occidentales cultivées, dites éclairées et progressistes, et d'autre part, de contester l'autre idée de sens commun selon laquelle le racisme se traduirait essentiellement par des discriminations, c'est-à-dire l'inégal accès à des droits et à des opportunités (logement, travail, accès à la santé, etc.).

En se penchant prioritairement sur des femmes noires et métisses de classe moyenne supérieure, souvent universitaires, la sociologue s'est de surcroît donné les moyens d'abstraire l'interprétation de l'expérience de la racisation de logiques d'infériorisation d'emblée déterminées par les conditions socio-économiques de vie des personnes qu'elle a interrogées. De manière très heuristique, cette stratégie méthodologique vient opposer un démenti à la thèse, très en vogue en France – où la recherche s'est longtemps concentrée sur le vécu des travailleuses et travailleurs issu·es de l'immigration postcoloniale, surreprésenté·es dans les classes populaires –, qui assimile les logiques de racialisation à des mécanismes symboliques, parmi d'autres, de mise à l'écart des classes subalternes. Ainsi, là où d'aucuns voudraient voir des logiques de race dans la production des discriminations et des inégalités sociales se trouverait en vérité une reconfiguration de la lutte des classes4. À l'instar de l'expérience de Madeline présentée en ouverture de ce texte, les résultats des travaux de Philomena Essed nous enseignent que les classes supérieures diplômées non-blanches n'échappent pas à des logiques de racialisation, de minorisation, de contrôle, de mise à l'écart et de subalternisation, donnant toute son épaisseur, sa multi-dimensionnalité et son hétérogénéité au « racisme quotidien ». Enfin, focaliser l'analyse sur les femmes a pour autre vertu heuristique d'inscrire la compréhension du racisme de facto dans sa relation coextensive avec le genre. Sans que Philomena Essed forge le concept à peu près contemporain d'« intersectionnalité » – que l'on doit à Kimberlé Crenshaw (1989) –, elle théorise toutefois l'imbrication du genre et de la race dans les rapports sociaux de pouvoir qu'elle qualifie de « racisme genré » (gendered racism). Il faut en effet souligner la dimension véritablement imbriquée, indissociable, de l'identité genrée et de l'assignation raciale dans l'approche du racisme menée ici, tant une réception devenue courante de l'intersectionnalité en France tend à laisser croire que l'analyse intersectionnelle consisterait en l'analyse d'une concaténation ou combinatoire de segments sociaux (classe, race, genre, âge, etc.) juxtaposés dont l'élucidation permettrait de rendre compte de la domination sociale5. Il n'y a donc pas d'un côté le racisme et de l'autre, le sexisme que les chercheur·euses devraient se donner pour tâche de démêler. Au contraire, l'autrice considère qu'il est analytiquement difficile – sinon impossible – de distinguer dans l'expérience de la racisation les aspects qui relèveraient strictement de l'assignation raciale et à l'opposé, ceux qui ne relèveraient que de l'oppression sexiste. Ainsi, uniment race et genre procèdent ensemble des modalités par lesquelles la racisation, dans un contexte spécifique, inscrit un sujet social identifié à un groupe essentialisé dans une place, un rôle ou une fonction fantasmée et généralement à la fois subalterne et genrée.

Ce sont les limites de sa socialisation d'étudiante féministe qui ont confronté Philomena Essed à ses premières interrogations touchant spécifiquement au racisme. Cette précision est importante. Car depuis cette position singulière, la conscience des points aveugles du « nous » rassembleur du mouvement féministe néerlandais a conduit la jeune chercheuse, au début des années 1980, à interroger l'expérience des femmes afro-surinamaises des classes populaires et moyennes parmi lesquelles elle gravitait. On aurait pu croire que l'analyse féministe aurait conduit à l'analyse antiraciste. Tout autre chose s'est pourtant joué dans cette position à la fois politique et épistémique ou « positionnalité » (positionality) selon le terme anglophone, condition d'un regard spécifique et d'émergence d'une question sur le monde social. L'isolement expérientiel, donc intellectuel, parmi des féministes aveugles à l'ampleur de l'expérience du racisme et des discriminations dans la vie des femmes surinamaises a imposé l'investigation du racisme en tant que tel, autrement dit à investir l'invisible pour un regard ou « point de vue » majoritaire. La construction de l'objet de recherche a ainsi soigneusement découlé de la rencontre intime avec l'hégémonie des luttes politiques progressistes aveugles à la race et les discours de déni quant aux formes diverses d'expression du racisme dans le tissu social lui-même. Indissociable de sa socialisation régulière avec des immigré·es du Suriname de classes sociales variées et de sa propre expérience en tant qu'afro-descendante et militante féministe, la démarche de Philomena Essed, qu'il faut donc comprendre comme une véritable entreprise de dévoilement, s'est fondée sur une hypothèse forte : le racisme traverse l'ordre social et imprègne, à divers degrés et de manière différenciée, la vie sociale des personnes noires ou non-blanches plus largement. Et pour démontrer qu'il n'est pas une « affaire étasunienne », il fallait apprécier l'expérience de femmes noires et métisses des Pays-Bas à l'aune de celle de femmes Africaines-Américaines et ainsi donner à lire ce qu'elles ont en partage, mais aussi de distinct, dans leur confrontation ordinaire à la racisation. Paru initialement en anglais chez un éditeur étasunien distribué en Grande-Bretagne et en Inde car l'autrice avait délibérément fait le choix de ne pas écrire sa thèse en néerlandais, Understanding Everyday Racism, a d'abord fait l'objet d'un accueil controversé aux Pays-Bas tout en étant loué aux États-Unis pour son inventivité méthodologique, en même temps que pour son originalité et son audace compte tenu de l'approche comparative inédite qu'il proposait. Venant enrichir les approches courantes de la race et du racisme, il s'est aujourd'hui imposé dans bien des bibliographies de sociologie du racisme et d'études de genre de par le monde.

Traduit en français plus de trente ans après sa publication à l'attention d'un lectorat francophone, les analyses de Philomena Essed font étrangement écho à des débats français incessants. On trouvera en effet de nombreux traits communs entre ce qu'elle décrit de la société néerlandaise du tournant des années 1980-1990 et la société française d'aujourd'hui, plus de vingt ans après le début du 21e siècle. Pourtant, sans doute en raison de sa forte dimension méthodologique qui peut lui donner une apparence aride, en France l'ouvrage est resté connu essentiellement des spécialistes sans qu'il n'ait été jugé utile d'envisager sa traduction, donc de lui offrir une vie au-delà des milieux scientifiques. On le trouve ainsi régulièrement cité dans les travaux de sociologie des discriminations6, entre l'interprétation du racisme comme épreuve morale et comme vécu des « micro-agressions », terme du registre psycho-émotionnel qui n'apparaît pas sous la plume de Philomena Essed7. Il fait partie de l'attirail méthodologique de nombreuses thèses de sociologie consacrées à la race et aux discriminations racistes. Mais cette connaissance ancienne de l'ouvrage ne semble pas avoir entraîné de prise au sérieux des résultats de la recherche ni de discussion large de ses enjeux pour la conceptualisation même de l'objet « racisme » dans un pays comme la France8. Certes, le mot même de « racisme » se révèle ductile dès lors qu'il désigne aussi bien une idéologie ou une doctrine, généralement assimilée aux théories pseudo-scientifiques du 19e siècle, que l'hostilité à l'égard d'un ou plusieurs membres d'un groupe situé au bas d'une hiérarchie entre groupes humains en cela constitués en races. Cette hostilité elle-même fondée sur la croyance dans la supériorité d'une « race » par rapport à d'autres se trouve par exemple cristallisée dans des pratiques institutionalisées (en particulier juridiques), telles qu'on peut l'observer dans la ségrégation du Sud des États-Unis ou dans l'apartheid de l'Afrique du Sud, mais aussi dans la mise en œuvre du code de l'Indigénat dans les colonies françaises ou même dans la division de couleur entre libres et esclaves qui régit les sociétés de plantation des Amériques (Caraïbe, Amériques du Sud et du Nord).

Dans le fond, la notion de « racisme quotidien » théorisée par Philomena Essed perturbe un consensus d'ordre psychologique, en même temps qu'un dogme moral – fruit de l'éthos des démocraties dites « modernes » –, en vertu duquel le racisme serait une réalité du passé et ses résurgences, la pure expression de l'attachement anachronique à de « vieilles idées » antimodernes, à des « passions tristes » dont les groupes minoritaires construits en bouc-émissaires seraient les cibles privilégiées. Ce mot de « racisme » serait donc bien malvenu dans une république qui fonde son pacte social sur le lien civique entre des individus abstraits, toutes et tous membres d'une même communauté d'égaux. Pour peu qu'on veuille lire Comprendre le racisme quotidien autrement que comme un ouvrage offrant un protocole d'enquête à des chercheur·euses, que l'on consente encore à se départir des définitions étroites – et rassurantes – du racisme pour mieux le sociologiser, on se rendra vite compte que la démonstration confronte à l'idée dérangeante que le racisme est une réalité prégnante du présent, qu'il est mobile, voire ubiquitaire. C'est sans doute l'une des difficultés théoriques et épistémologiques de l'analyse : si le racisme est partout, c'est qu'il n'est peut-être nulle part après tout ! Or l'intérêt de l'ouvrage, qui explique sa postérité, est d'offrir l'appareillage théorique permettant d'identifier et d'analyser, donc de comprendre, les manifestations contemporaines du racisme dans des démocraties hétérogènes ou pluriethniques en raison des legs sociaux de l'esclavage et des migrations venues des anciennes colonies. Le racisme quotidien n'est pas ici celui de l'insulte, du trait d'humour sans équivoque ou de l'agression raciste susceptible de faire l'objet d'un dépôt de plainte, ni celui de l'interpellation policière fondée sur le délit de faciès, ni même celui du militantisme politique ou médiatique de groupuscules d'extrême droite inquiets du « grand remplacement ». La contemporanéité du racisme que décrit Essed s'inscrit dans l'étoffe même du social, dans la banalité du quotidien, et à ce titre se caractérise, non par son éclat ni son bruit, mais bel et bien par son invisibilité, par son caractère microscopique. Ni racisme idéologico-politique ni racisme institutionnel stricto sensu, le racisme quotidien « est l'intégration du racisme dans des situations quotidiennes par le biais de pratiques (cognitives et comportementales […]) qui activent des relations de pouvoir sous-jacentes9 ». Défini de la sorte, il est un racisme actif ou en acte, processuel et relationnel, produit dans les relations sociales elles-mêmes, celles-ci impliquant des rapports de pouvoir entre individus appartenant à des groupes minoritaires et majoritaires. Plus encore, précise la sociologue, « le racisme quotidien n'existe pas au singulier, mais seulement au pluriel, en tant que complexe de pratiques et de situations cumulatives et liées les unes aux autres10 ».

Le livre restitue en une analyse longuement détaillée l'expérience de Rosa N., afro-surinamaise, médecin gériatre en établissement hospitalier, présentée en cas idéal-typique de la réalité hétérogène du « racisme quotidien ». « L'histoire de Rosa N., explique Essed, ne rapporte pas d'idéologies racistes ou de mouvements racistes ou fascistes organisés. Elle relate simplement ses expériences quotidiennes dans des situations de routine impliquant des personnes “normales”11. » Il ne s'agit pas pour l'autrice de restituer le vécu au sens simplement émotionnel ou moral des personnes enquêtées dont Rosa N., mais bel et bien de reconstituer de l'intérieur, c'est-à-dire à partir de leur perspective (donc de leur point de vue et de leur position sociale), le savoir expérientiel qu'elles élaborent à titre personnel et par interconnaissance à propos de situations accumulées, répétées dans la vie de tous les jours et contextualisées rendant compte du maillage socio-racial qui les enserre et dessine les contours de ce racisme spécifique qu'est le racisme quotidien. Les détails et éléments de contexte rapportés par Rosa N. permettent à la sociologue de resituer l'enquêtée dans une structure relationnelle et institutionnelle plus large qui la dépasse et sans laquelle il ne serait pas possible de comprendre les enjeux et la nature de son expérience sociale. Ainsi, précise Essed :

En raison de sa profession, un nombre proportionnellement élevé de membres du groupe dominant auxquels elle est confrontée dans ses interactions quotidiennes appartiennent à l'« élite » néerlandaise éduquée. Les relations entre Rosa N. et les membres du groupe dominant sont racialisées parce qu'elles sont structurées par les stratifications plus larges de la société.

Dans le même sens, l'expérience de Madeline évoquée précédemment n'est pas réductible à sa seule interaction, prise isolément, avec l'agent de sécurité de l'immeuble de son entreprise par exemple, ni encore à l'étonnement de la vendeuse qui découvre qu'elle n'est pas Africaine-Américaine. Elle ne peut être comprise qu'au regard de la position de Madeline dont l'identité de femme, noire, en outre isolée dans son milieu social et professionnel élitiste, la singularise par rapport à la norme définie par le groupe majoritaire, implicitement blanche. Le racisme quotidien dans la vie de Madeline ne se comprend qu'à l'aune de cette accumulation routinière de circonstances qui l'inscrivent à côté de la place qu'elle occupe socialement et qui ce faisant, définissent la place à laquelle elle est a priori attendue, sa place, supposément « naturelle » et généralement inférieure à celle du groupe majoritaire – ceci pouvant arriver par exemple, même quand le vigile dans l'immeuble ou le contrôleur est une personne noire comme elle, car il n'appartient pas à la norme de majorité. On comprend par-là, et Philomena Essed y insiste plusieurs fois dans le livre, que le racisme quotidien n'est pas un phénomène individuel ni psychologique, simple affaire de préjugés ou d'hostilité à l'égard d'un·e autre, ni même un phénomène étroitement institutionnel, mais bel et bien un processus fluide et relationnel qui traverse les interactions sociales, celles-ci étant sous-tendues par des dynamiques de pouvoir et des hiérarchies sociales historiquement construites. En effet, Rosa N. et Madeline ne correspondent pas à l'idée préconçue, tenue pour évidente, au préjugé donc, de l'expert dans un cas et de la femme fortunée, dans l'autre. Parce qu'elles ne sont pas à leur place présumée, elles sont rappelées à l'ordre racial par des tiers (supérieurs hiérarchiques, collègues, interlocuteurs ordinaires) sous la forme, selon Essed, de la marginalisation, de la « problématisation » (le fait par exemple que leur présence soit remise en cause ou tenue pour incongrue ou qu'elles soient encore sous-estimées) et de la neutralisation (containment). Pour le dire autrement, leur présence « détonne » dans des milieux sociaux dont la hiérarchie n'est pas seulement socio-économique, mais aussi, on le voit à travers ces interactions, en dernière instance racialisée (et genrée).

La force du travail de Philomena Essed fut de saisir, sans doute avec plus de finesse que ne le permet la notion englobante de « racisme systémique », les intrications entre micro-interactions et macrostructures dans le cours ordinaire de la quotidienneté et de les analyser dans leur interdépendance. En déconstruisant les modalités de formation de la connaissance interne du racisme par les personnes qui le vivent au quotidien – des femmes afro-descendantes –, le livre montre de manière détaillée que les routines de pensée (cognitions) qui associent mécaniquement et régulièrement une couleur de peau, un genre, des traits ou phénotypes, à des comportements, des places ou fonctions sociales, et qui sont elles-mêmes indissociables de pratiques sociales exercées par des acteurs tant individuels qu'institutionnels, sont enracinées dans des représentations sociales dominantes héritées. Ces routines de pensées, manières ordinaires de voir le monde et d'interagir avec lui, font en effet peser sur des corps des attentes sociales spécifiques déterminées par des préjugés historiques. Il en découle que dans des sociétés façonnées, même à des degrés divers, par l'histoire coloniale, l'ordre social se présente nécessairement comme un ordre racial. Toute la tâche de la recherche est alors d'aider à discerner l'ampleur de ces effets d'héritage dans les représentations sociales et surtout leur part agissante dans les relations sociales, nécessairement inscrites dans des situations sociales spécifiques et contextualisées. De manière plus cruciale et au-delà du monde universitaire, dans un pays où l'idéal universaliste se confond en pratique avec le déni du caractère racial de l'ordre social ou avec le tabou de la race comme rapport social, on peut faire le pari que l'ouvrage de Philomena Essed offrira à ses lectrices et lecteurs français·es, les outils intellectuels pour dessiller les yeux et décrypter les ressorts cachés de la domination raciale dans leur quotidien comme dans celui de leur entourage. S'il n'est pas possible de combattre le racisme quotidien sans interroger le caractère d'évidence des valeurs hégémoniques de l'ordre social, une telle entreprise réclame au moins de recouvrer la vue sur l'ordinaire des relations sociales.

Silyane Larcher
Chargée de recherche au CNRS en sciences politiques et professeure associée en Études de genre et des sexualités à l'université Northwestern (États-Unis).

Philomena Essed : Comprendre le racisme au quotidien
Edition établie par Damien Trawalé
Traduit de l'anglais par Damien Trawalé et Patricia Bass
https://www.syllepse.net/comprendre-le-racisme-quotidien-_r_22_i_1072.html

Notes

1. NdÉ. Madeline est ici le prénom fictif d'une connaissance proche qui existe réellement et dont j'ai toutefois modifié quelques caractérisations pour protéger l'anonymat. Cette situation ordinaire permet d'introduire le sujet de l'ouvrage ici donné à lire, mais aussi les effets très concrets de socialisation des femmes universitaires afrodescendantes, également objet du texte d'Essed.

2. Le territoire devient largement autonome en 1954, puis officiellement indépendant en 1975.

3. Pour en savoir plus sur le parcours biographique et intellectuel de l'autrice, voir Philomena Essed et Silyane Larcher, « Conversation avec Philomena Essed », Raisons politiques : revue de théorie politique, n° 89, février, 2023, p. 77-95.

4. Ce problème fut au cœur de la controverse qui opposa Gérard Noiriel, historien de l'immigration, et Éric Fassin, sociologue du genre, sur la pertinence du recours à la catégorie analytique de race et à l'usage de l'intersectionnalité dans la sociologie française. Voir Abdellali Hajjat et Silyane Larcher (dir.), « Intersectionnalité », Mouvements, 2019, https://mouvements.info/intersectionnalite/. Voir aussi Sarah Mazouz, Race, Paris, Anamosa, 2021.

5. Pour une analyse plus détaillée de cette réception on lira avec profit Evélia Mayenga, « Les traductions françaises de l'intersectionnalité : race, mondes académiques et profits intellectuels », Marronnages : les questions raciales au crible des sciences sociales, n° 2 (1), https://doi.org/10.5281/zenodo.10246750. Contre l'appauvrissement de l'intersectionnalité dans ses usages et circulations, voir, par Jennifer, Nash, une des figures montantes du féminisme noir étatsunien, Réinventer le féminisme noir : au-delà de l'intersectionnalité, Nantes, Aldéia, 2022. Voir également Jules Falquet, Imbrication : femmes, race et classe dans les mouvements sociaux, Vulaines-sur-Seine, Le Croquant, 2019.

6. Voir Didier, Fassin, « Nommer, interpréter : le sens commun de la question raciale », dans Didier Fassin et Éric, Fassin (dir.), De la question sociale à la question raciale ? Représenter la société française, Paris, La Découverte, p. 35 ; François Dubet et col., Pourquoi moi ? L'expérience des discriminations, Paris, Le Seuil, 2013, p. 11 ; Julien Talpin et col., L'épreuve de la discrimination : enquête dans les quartiers populaires, Paris, Alpha, 2023, p. 29. Sur les microagressions, terme forgé en 1970 par un psychologue africain-américain, voir plus largement Derald Wing Sue, Microagressions in Everyday Life. Race, Gender and Sexual Orientation, New York, Wiley Press, 2010.

7. Un article récent souligne cette mésinterprétation de la recherche consistant à assimiler le « racisme quotidien » aux « micro-agressions », deux concepts pourtant distincts, les secondes ne constituant qu'une dimension du premier. Voir Dounia Bourabain et Pieter-Paul Verhaeghe, « Everyday Racism in Social Science Research. A Systematic Revie », Du Bois Review. Social Science Research on Race, n° 18-2, 2021, p. 221-250.

8. Chose que saisit très bien la sociologue africaine-américaine Trica Keaton dans un ouvrage récent, explicitement inspiré des travaux de Philomena Essed. Voir Trica Keaton, #You Know You're Black in France When : The Fact of Everyday Antiblackness, Cambridge, MIT Press, 2023.

9. Philomena Essed, Understanding Everyday Racism. An Interdisciplinary Theory, Newbury Park, Sage, 1991, p. 50.

10. Ibid., p. 147.

11. Ibid., p. 164.

Deux peuples pour un État ? Relire l’histoire du sionisme de Shlomo Sand

La création d'un État binational où Israéliens et Palestiniens seraient citoyens du même État a jadis été l'aspiration de nombreux intellectuels juifs critiques, de gauche (…)

La création d'un État binational où Israéliens et Palestiniens seraient citoyens du même État a jadis été l'aspiration de nombreux intellectuels juifs critiques, de gauche comme de droite. Les prises de position en faveur du binationalisme, d'Ahad Haam dès la fin du xıxe siècle à Léon Magnes en passant par Hannah Arendt et beaucoup d'autres, pour qui le désir de créer un État juif exclusif sur une terre peuplée en majorité par des Arabes entraînerait un conflit violent et insoluble, se sont révélées tout à fait exactes. Avec l'arrivée aux affaires de l'extrême droite en Israël, les massacres perpétrés par le Hamas et les bombardements de la bande de Gaza, la question d'un État binational est devenue une urgence pour toute la région. Lui tourner le dos n'y changera rien.

Deux peuples pour un État ? Relire l'histoire du sionisme

par Shlomo Sand

Traduit par : Michel Bilis

Éd. du Seuil

Paru le 05/01/2024

Le binationalisme ne relève pas seulement du vœu pieux, mais aussi de la réalité présente : 7,5 millions d'Israéliens-juifs dominent, par une politique d'expulsion, de dépla­cement, de répression et d'enfermement, un peuple palestinien-arabe de 7,5 millions de personnes, dont une grande partie est privée de droits civiques et des libertés politiques élémentaires. Il est évident qu'une telle situa­tion ne pourra pas durer éternellement.

Shlomo Sand est un historien israélien, professeur émérite à l'université de Tel-Aviv, et auteur de nombreux livres, dont certains ont suscité de vifs débats (Comment le peuple juif fut inventé, Fayard, 2008). Son dernier ouvrage au Seuil, Une race imaginaire. Courte histoire de la judéophobie, a été publié en 2020.

Traduit de l'hébreu par Michel Bilis

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Sommaire

Avant propos

1. « Terre des ancêtres » ou terre des indigènes

Le foyer ancestralÀ propos de la nationEthnocentrismeBinationalisme ?

2. « Un esclave qui vient à régner » : une question cachée

L'amant d'autres ?Centre spirituel ?Ignorer l'autre

3. Alliance pour la Paix contre « Muraille d'acier »

Les débuts de l'AllianceLa fraction « extrémiste »Hans Kohn et la fin de l'Alliance

4. Martin Buber, Hannah Arendt et le binationalisme

Du Volkisme à Je et TuVers l'idée binationaleHannah Arendt et l'antisémitismeUn État-nation juif ?

5. Théopolitique et l'association Ihoud

Un Américain pas tranquilleLe chancelier prophèteL'association IhoudLe dernier des Mohicans

6. La gauche et « La fraternité entre les peuples »

Le marxisme sionisteCommunistes en PalestineFin d'une idée

7. L'Action sémite et un État arabo-hébraïque

Le contexte « cananéen »Une gauche « sémite »La Charte hébraïque

8. 1967 : un pays à partager ou un pays à unifier ?

Trois pétitionsMenahem Begin contre l'apartheidLa détresse du sabra blancFissures à gaucheLa désillusion : suiteLa sensibilité s'aiguise

9. « On ne peut pas applaudir d'une seule main »

Curiosité et réconciliationL'idée nationale palestinienneÉtat démocratique unique ?Le paradigme binational

10. Conclusion. Apartheid, transfert ou État binational ?

La patrie s'élargit. Les nouveaux pionniers. Hégémonie sur le terrain. Stychie et catastrophe. L'option cachée. Alternatives imaginaires. Utopies et calamités.

L’État d’Israël contre les Juifs de Sylvain Cypel

18 juin 2024, par Éditions La Découverte — , , ,
Après le massacre commis par le Hamas près de Gaza le 7 octobre 2023, ayant causé la mort de 1 140 personnes, la guerre menée par Israël a fait plusieurs dizaines de milliers (…)

Après le massacre commis par le Hamas près de Gaza le 7 octobre 2023, ayant causé la mort de 1 140 personnes, la guerre menée par Israël a fait plusieurs dizaines de milliers de victimes chez les Palestiniens et déplacé par la force 80 % d'entre eux, suscitant des plaintes internationales pour crimes " de génocide " et " contre l'humanité ". Ce livre explique en quoi les agissements de l'armée israélienne sont l'aboutissement d'une longue maturation.

Imagine-t-on en France une loi qui établirait deux catégories de citoyens : par exemple, les " Français de souche " et les autres, qui ne bénéficieraient pas de droits égaux ? Une telle loi a été votée par le Parlement israélien en 2018, au bénéfice des seuls citoyens juifs. De par le monde, les dirigeants " illibéraux " plébiscitent désormais Israël, fascinés par sa capacité à imposer une idéologie " identitaire ", où xénophobie et islamophobie bénéficient d'un large soutien populaire. Avec quelles conséquences, pour les Palestiniens comme pour les Israéliens ?

En France, le CRIF, représentant du judaïsme et lobby pro-israélien, promeut un soutien sans faille aux actions des gouvernants d'Israël. Mais, aux États-Unis, des responsables juifs et plus encore la jeunesse juive dénoncent l'occupation indigne des Territoires palestiniens. Va-t-on vers un divorce irrémédiable entre Juifs israéliens, engoncés dans le tribalisme, et Juifs américains, qui redécouvrent les attraits de la diaspora ?

Sylvain Cypel a été directeur de la rédaction de Courrier international et rédacteur en chef au Monde. Il a couvert la seconde Intifada en 2001-2003 et a été correspondant du Monde aux États-Unis de 2007 à 2013.

Table des matières

Préface. Dahiya – " Le destin de notre génération "

La politique comme continuation de la guerre
Le point Godwin du débat
Le Hamas, la résistance et l'échec
Une société démembrée, une autre ensauvagée
" Génocide ", " crime contre l'humanité "... Les mots et les faits,
Biden, Macron et la faillite de l'" Occident "

Introduction

" Ce qui ne s'obtient pas par la force s'obtient en usant de plus de force "
La fascination pour Israël des nouveaux dirigeants identitaires

1. " L'imposition de la frayeur ". La réalité de l'occupation militaire
L'armée la plus morale du monde
L'enseignement du mépris
" L'épanouissement d'un Ku Klux Klan juif "
Israël, champion de la " guerre au terrorisme "

2. " Uriner dans la piscine du haut du plongeoir ". Ce qui a changé en Israël en cinquante ans
La fin du déni
L'affaire Azaria
L'impunité et la brutalisation de la société
L'" odeur du fascisme "

3. " Mais quel est ton sang ? ". L'État-nation du peuple juif
" Une loi mauvaise pour Israël et mauvaise pour le peuple juif "
Le triomphe de l'ethnocratie
" L'espace vital du peuple juif "

4. " Ils ne comprennent pas que ce pays appartient à l'homme blanc ". Une idée émergente : la pureté raciale
Haro sur les " infiltrés " noirs
Les liens avec les " suprémacistes " blancs
La quête du gène juif

5. " Localiser, pister, manipuler ". La cybersurveillance, nouvelle arme politico-commerciale d'Israël
La tradition des ventes d'armes
La cybersurveillance dernier cri
" Agir sous les radars "
Israël et l'affaire Khashoggi
Après les Palestiniens, la surveillance des Israéliens déviants

6. " L'État du Shin Bet est arrivé ". Quand le peuple plébiscite la " démocratie autoritaire "
Des Palestiniens, Israël étend ses filets aux Juifs mal-pensants
BTS, l'ennemi intérieur
BDS, la " menace stratégique "
L'État sécuritaire en action

7. " Une espèce en voie de disparition ". La société civile israélienne en souffrance
Qui a encore besoin d'une Cour suprême ?
Le désarroi de l'opposition citoyenne

8. Quand Hitler " ne voulait pas exterminer les Juifs ". Netanyahou, l'histoire " fke " et ses amis antisémites
Le mufti de Jérusalem instigateur de la Shoah ?
Le ciment de l'islamophobie
L'alliance avec le vieil antisémitisme d'Europe de l'Est
Le cas Soros : Trump est-il antisémite ?

9. " Il n'est pas nécessaire ni sain de se taire ". Crise au sein du judaïsme américain
Ces Juifs américains qui tournent le dos à Israël
Pourquoi ce tournant intervient-il aujourd'hui ?
Crise au parti démocrate
La contestation du statut d'Israël aux États-Unis

10. " Pas ça ! Vous ne me citez pas là-dessus... ". L'aveuglement des Juifs de France
De l'adhésion à la Révolution française au sionisme d'extrême droite
Le CRIF, organisme communautaire ou lobby pro-israélien ?
L'entre-soi ethnique et le poids de la couardise

11. " Je suis épuisé par Israël, ce pays lointain et étranger ". Schisme dans le judaïsme ?
" Quel Israël soutenez-vous, exactement ? "
" Là se situe la faiblesse qui nous fera choir "
" Renouveau diasporique " aux États-Unis
Vers une scission dans le judaïsme ?

12. La " relation spéciale " avec Israël, jusqu'à quand ?
L'affligeant legs de Donald Trump
Un État d'apartheid
Biden a-t-il une stratégie crédible ?

Conclusion. " Israël contre les Juifs ".

Tony Judt, in memoriam

Remerciements.

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Des lectures à propos du Front populaire de 1936 en France

18 juin 2024, par Edition Agone, Éditions La Découverte, Éditions les Bons Caractères — , ,
Voici quelques suggestions de lectures pour comprendre les résonances du passé qui ne manqueront pas d'être évoquées dans les prochaines semaines à l'occasion des législatives (…)

Voici quelques suggestions de lectures pour comprendre les résonances du passé qui ne manqueront pas d'être évoquées dans les prochaines semaines à l'occasion des législatives en France et la mise sur pied du Nouveau Front populaire. Une occasion pour renouer avec une mobilisation extraordinaire qui s'est malheureusement terminée sans avoir atteint son plein potentiel. Bonne lecture.

La France du Front populaire
Jacques Kergoat, 2006, Éd. La Découverte, 420 p. ISBN : 9782707148629

La mémoire collective des Français conserve présentes les images du Front populaire : grèves, occupations d'usines, manifestations, accords Matignon, semaine des 40 heures, congés payés, etc. Grâce à des archives inédites et de nombreux entretiens avec des acteurs de ces événements, Jacques Kergoat s'est efforcé de montrer dans ce livre les incertitudes, les hésitations, les rêves et les passions des Français des années 1930.

C'est une France provinciale et rurale, qui semble se réveiller d'un long sommeil tranquille et découvre avec stupeur les nouvelles contraintes de ce temps de crise. La jeunesse revendique une place ; les femmes travaillent, manifestent et font grève ; la seconde génération d'immigrés italiens et polonais s'intègre tant bien que mal dans une France composite, qui accueille alors les réfugiés espagnols.

Les partis politiques et les syndicats vivent des clivages, des scissions ou des recentrages. Ainsi toute la société amorce une profonde mutation. De l'empire colonial aux nouvelles industries, de la musique au cinéma, tout exprime ce remue-ménage. Le Front populaire est l'instant privilégié de ces changements : signe de santé sociale, élan d'optimisme, volonté d'un mieux-être.

Jacques Kergoat (1939-1999), sociologue, historien du socialisme, a milité au Parti socialiste unifié avant de rejoindre la Ligue communiste révolutionnaire, dont il était devenu l'un des dirigeants. Fondateur de la Fondation Copernic, il a co-dirigé l'ouvrage Le Monde du travail (La Découverte, 1998).

Table des matières

1. Les années hésitantes
La mutation morose
La crise
Les choix du patronat
Le parti radical à la croisée des chemins
Le temps des ligues
La flambée verte
Les stratégies syndicales
Le PCF : sectarisme et ultra-gauchisme
Socialistes : reconstruction et nouvelles divisions
Paysans, ouvriers : même combat ?

2. La naissance du Front populaire
Le scandale Stavisky et le 6 février
Les appareils hésitent
Le 12 février
Premières initiatives unitaires
L'affaire Doriot
Le pacte d'unité d'action
Remous radicaux
L'Internationale communiste et le tournant du PCF
Les répercussions à gauche
Plan, catalogue ou programme ?
Doriot et Bergery
Une droite sans politique
Pacifisme et nationalisme face au pacte Laval-Staline
Un 14-Juillet tricolore

3. La victoire électorale
Émeutes à Brest et à Toulon
Exclusions en chaîne
La " gauche révolutionnaire "
L'adhésion radicale
Le programme du Front populaire
Un seul parti ouvrier ?
La réunification syndicale
La gauche paysanne reste divisée
Tensions internationales
Un climat social et politique perturbé
La campagne électorale
Premier tour : poussée à gauche
Une majorité " Front populaire "

4. Les grèves de juin
L'exemple de l'aéronautique
La première vague de la métallurgie parisienne
PC et PS : ébranlés à gauche
Il n'y aura pas de ministres communistes
Le premier gouvernement Blum
La deuxième vague
L'accord Matignon
Les grèves repartent de plus belle
Il faut savoir arrêter une grève...
Une très lente " deffervescence "
Bilan statistique
La mue de la CGT
La CFDT aussi
Socialistes et communistes : des adhérents par milliers
Un mouvement ouvrier en recomposition

5. La Révolution française a-t-elle commencé ?
Des grèves " payantes "
L'origine des grèves
La signification de juin 36
À l'aube de la révolution ?
Le rôle de l'extrême gauche
Les contradictions des militants du PCF
La droite se ressaisit
Jacques Doriot et le PPF
Le parti social français
Un rapport de forces incertain

6. Pour l'Espagne
Il y a toujours des Pyrénées
Léon Blum et la non-intervention
La gauche hésitante
L'organisation de la solidarité
Les Brigades internationales
Une non-intervention " relâchée " ?
La gauche divisée

7. Les premières lézardes
Le PCF et le " front des Français "
La dévaluation
Les radicaux divisés
Patronat et bourgeoisie à l'offensive
Un budget militaire renforcé
Le gouvernement Blum et l' Église
La pause
Les afrrontements de Clichy
La chute du gouvernement Blum
Le tour de Chautemps
La Cagoule
Les élections cantonales
La gauche et les colonies
L'évolution de la politique coloniale
L'isolement des socialistes anticolonialistes
Les grèves de l'hiver 1937 et la démission de Chautemps
Les combinaisons parlementaires à l'ordre du jour
La droite traditionnelle sur le devant de la scène
L'impossible union nationale
Le second gouvernement Blum
Les grèves de la métallurgie parisienne
La nouvelle politique économique de Blum
Et Blum tombe pour la seconde fois

8. L'agonie
L'heure de Daladier
Marceau Pivert s'en va
Une situation sociale instable
Munich
Les décrets Reynaud
Le congrès de Nantes de la CGT
Les grèves sauvages
Vers l'affrontement
La grève du 30 novembre
Les raisons de l'échec
La répression patronale
La répression gouvernementale
La répression judiciaire
Faibles réactions ouvrières

9. Le paysage de la défaite
Organisation du travail et nouvelles qualifications professionnelles
Le mouvement de la jeunesse
La place des femmes
Les immigrés exclus

10. Repères pour un bilan
Une incontestable réussite : les congés payés
La réforme scolaire s'enlise
L'Office du blé et la condition paysanne
Des nationalisations en trompe l'oeil
Une progression inégale du pouvoir d'achat
L'application des 40 heures

11. Le mouvement culturel
Le monde irréel de la chanson
Du sport rouge au sport populaire
Écrivains engagés et lectures ouvrières
Le cinéma, miroir du Front populaire

Bibliographie

Livres

Articles

Travaux universitaires

Index géographique

Index des noms.


Juin 36
par Jacques Danos et Marcel Gibelin, 1986, Ed. Bons caractères, 320 p. ISBN : 2915727082

Les 2 et 3 juin, ce sont des entreprises appartenant à l'industrie chimique, à l'alimentation, au textile, aux industries graphiques, à l'ameublement qui sont paralysées par la grève et occupées (...) Le 4 juin, les grèves s'étendent encore : les camionneurs, la distribution des journaux, les restaurants et hôtels, le livre, la serrurerie, l'orfèvrerie, la distribution d' essence, les laboratoires pharmaceutiques, l'habillement, le bâtiment, le gaz, l'agriculture (...)

Partout où elles éclatent, les grèves s'accompagnent d'occupation, partout elles rassemblent la quasi-totalité du personnel ; partout elles sont immédiatement appuyées par la sympathie active de la population (...) Le désordre apparent des mouvements dispersés peut se transformer en une manifestation puissante, en un mouvement général les conséquences seront peut-être Redoutables. ".

La réalité de juin 1936 que nous faisons découvrir cet ouvrage est bien différent de la version forgée par les dirigeants des partis du Front populaire, et reprise par leurs héritiers politiques. Jacques Danos et Marcel Gibelin montrent que ce ne fut pas le gouvernement du Front populaire de Léon Blum qui accorde à la classe ouvrière les 40 heures, les congés payés, le droit d'élire des délégués, ou les importantes augmentations de salaires. Tout cela fut arraché par la grève.

Les accords Matignon ne furent pas un cadeau offert à la classe ouvrière pour la récompenser d'avoir bien voté, mais un contre-feu mis en place à la hâte par le patronat et le gouvernement Blum soutenu par la CGT et les partis de gauche, animés par même une préoccupation : tenter de ramener dans son lit le torrent de la grève. Ils y réussirent, mais difficilement.

Ce livre a été édité pour la première fois en 1952. Son intérêt est d'abord historique. Les auteurs ont su nous faire revivre cette période et le mouvement gréviste de manière enthousiasmante et détaillée. Tous ceux qui sont partie prenante des combats des travailleurs y retrouveront l'atmosphère, l'élan de ce grand moment du mouvement ouvrier. Ils y trouveront aussi des leçons qui éclairent la période actuelle.


Front populaire, révolution manquée
par Daniel Guérin, 2013, Ed, Agone, 504 p. ISBN 9782748901733

« À travers tout le pays, les travailleurs étaient en grève, et ils occupaient les usines. Ils avaient trouvé une nouvelle forme d'action directe : la grève sur le tas. Ils l'avaient choisie eux-mêmes, en dehors et contre la bureaucratie syndicale, parce qu'ils estimaient à juste titre que ce moyen de pression serait plus sensible aux capitalistes que les simples grèves d'antan “ dans le calme et la dignité “.

Au lendemain du 1er mai, passant aux actes, les ouvriers de l'usine Bréguet, au Havre, avaient occupé les ateliers. Latécoère à Toulouse, Bloch à Courbevoie avaient suivi l'exemple. Le mouvement avait pris très vite le caractère d'une vague de fond. Le pays que Blum s'apprêtait à gouverner n'était déjà plus celui qui, quelques semaines plus tôt, avait porté le Front populaire au pouvoir. Le rapport des forces sociales était renversé.

Cette grève générale avait surgi spontanément de la conscience ouvrière et elle avait des mobiles élémentaires : la crise économique et les décrets-lois déflationnistes qui avaient durement frappé une partie des salariés. L'unité syndicale enfin scellée, l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement populaire ouvraient aux masses paupérisées la perspective d'un changement radical. »

Comme pour tout grand mouvement social, comprendre les raisons de son échec alimente la mémoire des luttes afin d'en tirer les leçons. En ce sens, ce livre est un véritable classique de l'histoire sociale du XXe siècle.


Les GES ne plafonnent pas mais croissent à un taux croissant

18 juin 2024, par Marc Bonhomme — , , ,
Régulièrement les grands médias annoncent le plafonnement ou la baisse des émanations des gaz à effet de serre (GES), La Presse pour le Canada, le Washington Post pour la (…)

Régulièrement les grands médias annoncent le plafonnement ou la baisse des émanations des gaz à effet de serre (GES), La Presse pour le Canada, le Washington Post pour la Chine, The Economist pour l'Europe, le New York Times pour le monde. Et pourtant il n'en est rien.

Cette baisse ou ce plafonnement ou tout simplement une décélération de la hausse du CO2, le principal GES, on ne la voit pas quand on examine l'évolution de l'étalon de mesure par excellence soit celle de l'observatoire de Mauna Loa à Hawaï qui enregistre la densité du CO2 depuis 1958. Au XXIe siècle, la réalité a plutôt été une accélération du taux de croissance de chaque décennie (ligne noire). La baisse du taux de croissance des premières années de la présente décennie s'explique par l'effet de la pandémie. Mais le record de 2023 vient effacer toute illusion :

Source : Trends in CO2, Global Monitoring Laboratory, Earth System Research Laboratories, NOAA

Est-ce que les autres GES compenseraient ? Le taux de croissance du méthane, même en baisse annuelle depuis le début de la présente décennie, reste en moyenne pour le début de celle-ci le plus élevé depuis la décennie 1980 :

Source :Annual Increase in Globally-Averaged Atmospheric Methane, Global Monitaring Laboratory, NOAA

Quant aux émissions d'oxyde nitreux atmosphérique et de l'hexafluorure de soufre atmosphérique, les deux autres GES en importance, elles sont tendanciellement en nette croissance depuis l'an 2000 :

Source : Annual Increase in Globally-Averaged Atmospheric Nitrous Oxide and Atmospheric Sulfur Hexafluoride, Global Monitoring Laboratory, NOAA

Ce mensonge systématique — en comparaison, les « fake news » de l'extrêmedroite sont de la petite bière — est propagé par les grands médias et corroboré par les grandes gueules de ce monde, intellectuels organiques du capitalisme.

L'embêtant pour leur politique de communication c'est que les démocraties parlementaires qui s'accrochent vaille que vaille aux droits fondamentaux n'ont pas encore réussi à faire taire leurs scientifiques. Ce n'est pas pour avoir tenté de le faire tel le canadien gouvernement Harper ultra-conservateur qui en plus a saboté le recensement de 2011. On imagine ce que font ou pourraient faire les démocraties dite illébérales et les régimes carrément dictatoriaux qui commencent à être légion. Une présidence Trump, encore plus déterminée que ne l'était le gouvernement Harper, ne pourrait-elle trouver le moyen de faire taire les scientifiques de l'observatoire de Mauna Loa ?

Feux de forêt et guerres en rajoutent à la « fake news » du plafonnement des GES

Cependant, s'il est difficile de faire mentir les données provenant directement d'une lecture instrumentale de la densité des gaz atmosphériques, il n'en est pas de même pour celles provenant des émanations à la source soit celles colligées en grande partie par les entreprises elles-mêmes souvent sans supervision selon des méthodologies variées puis regroupées par les gouvernements, dont l'intérêt est de les minimiser, et enfin centralisées à l'ONU. Évidemment, ces données restent essentielles car elle sont les seules à pouvoir être distribuées par pays et par secteurs. Mais elles ne passent pas le test de la comparaison des grands totaux mondiaux par type de gaz dont l'arbitre est la croissance de la température terrestre qui ne décélère pas et est peut-être en accélération si l'on se fie à l'année 2023 :

Selon Copernicus, « la température mondiale moyenne sur les 12 derniers mois (juin 2023-mai 2024) est la plus élevée jamais enregistrée » soit « 1,63 °C au-dessus de la moyenne préindustrielle de 1850-1900 » nettement au-dessus du 1.5°C. Alors, qui ment effrontément ? Le mensonge ne provient pas seulement de données tordues mais aussi d'émanations de GES non rapportées qui sont de plus en plus substantielles. L'an dernier, selon la chronique Down to Earth du 13 juin 2024 de The Guardian, « les incendies dévastateurs ont émis environ 6,5 milliards de tonnes de dioxyde de carbone, annulant les efforts de lutte contre les émissions… » soit 17% des émanations officiellement rapportées de CO2 » pour 2023. L'année en cours est mal partie avec des incendies dévastateurs en Méditerranée et qui débutent en Californie.

Les guerres en rajoutent. Selon The Guardian,

[l]e coût climatique des deux premières années de la guerre de la Russie contre l'Ukraine est supérieur aux émissions annuelles de gaz à effet de serre produites individuellement par 175 pays… […] L'invasion russe a généré au moins 175 millions de tonnes d'équivalent dioxyde de carbone (tCO2e), en raison de l'augmentation des émissions dues à la guerre directe, aux incendies de paysages, aux vols détournés, aux migrations forcées et aux fuites causées par les attaques militaires sur les infrastructures de combustibles fossiles, ainsi que du coût futur de la reconstruction en termes de carbone. […] Cela équivaut à faire rouler 90 millions de voitures à essence pendant une année entière - et c'est plus que le total des émissions générées individuellement par des pays comme les Pays-Bas, le Venezuela et le Koweït en 2022.

Les émanations de GES de la guerre-massacre contre Gaza durant les 120 premiers jours dont 30% proviennent des avions cargo étatsuniens connus pour avoir transporté des bombes, des munitions et d'autres fournitures militaires vers Israël, toujours selon un autre article du Guardian, ont été équivalentes à celles annuelles d'un micro-état comme le Vanuatu sans prendre en compte la reconstruction :

Le coût en carbone de la reconstruction de Gaza sera supérieur aux émissions annuelles de gaz à effet de serre générées individuellement par 135 pays. […] Historiquement, les gouvernements ont mal pris en compte le coût climatique de la guerre et, plus largement, du complexe militaro-industriel. […] Dans l'ensemble, les conséquences de la guerre et de l'occupation sur le climat sont mal connues. Grâce en grande partie à la pression exercée par les États-Unis, la déclaration des émissions militaires est volontaire, et seuls quatre pays soumettent des données incomplètes à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

On peut se consoler, au moins pour les émanations de méthane, grâce au développement récent des satellites en mesure de détecter le pot aux roses des grands émetteurs qui ne peuvent plus se cacher :

Source : The European Space Agency

La grande bourgeoisie fonce droit devant jusqu'à l'absurde réactionnaire

À qui et pourquoi cette gargantuesque « fake news » globale et durable peut-elle être utile ? Évidemment à ce 1%, cette grande bourgeoisie, s'appuyant sur la moyenne bourgeoisie du 9%, qui mène l'économie à la tête de quelques centaines de transnationales, dont le noyau stratégique financier de quelques dizaines « too big to fail », quelques centaines de grandes universités et think-tanks et une dizaine de gouvernements-clefs. Contraints par la loi d'airain de la compétition entre capitaux qui pousse à la centralisation-concentration des entreprises et son corollaire au niveau de la hiérarchie des États, ce 1% n'en a que pour la maximisation des profits et la puissance dominatrice des États jusqu'à la guerre.

Pour le reste c'est « Après moi, le déluge ».

« L'industrie mondiale du pétrole et du gaz a engrangé environ 4 000 milliards de dollars de bénéfices en 2022, contre une moyenne de 1 500 milliards de dollars ces dernières années. Le secteur pourrait dépenser cet argent de bien des manières, mais jusqu'à présent, les entreprises semblent vouloir rembourser leurs dettes et reverser une bonne partie de ces bénéfices à leurs actionnaires. » Au Canada, ces superprofits n'ont pas empêché Shell de gagner« plus de 200 millions de dollars en vendant des crédits carbone pour des réductions qui n'ont jamais eu lieu, le tout en faisant du lobbying contre les réglementations visant à plafonner les émissions. » Quant aux cinq grandes banques canadiennes, selon Greenpeace, elles « continuent à injecter plus de 100 milliards de dollars par an dans les combustibles fossiles… ».

Si le gouvernement canadien ne cesse de tergiverser à propos du contrôle des émanations de l'industrie pétrolière au point d'en être ridicule, il n'hésite pas une seconde à se conformer aux ordres des ÉU et de l'OTAN eu égard au niveau de son budget militaire. Faut-il pleurer ou rire des frasques de la CAQ à propos du troisième lien, scandale écologique doublé d'absurdité économique drapé par l'empoisonneuse sécurité qui fait avaler une dose léthale de racisme et de sexisme à une populace figée par la peur, ce pour quoi la CAQ est passé maître avec le PQ pas loin derrière. Jusqu'au soi-disant progressiste Projet-Montréal qui déroule le tapis rouge à l'archi-polluante Formule 1, dans tous les sens du mot, occasion d'enrichissement autant pour la transnationale responsable que pour les petits commerces, au point de devoir s'auto-humilier parce que la pluie abondante a gâché la fête.

La grande « fake news » du soi-disant progrès de la lutte climatique sert à perpétuer le train-train capitaliste de l'absurde petite politique politicienne jusqu'au risque d'une troisième guerre mondiale dont le terrain est labouré par deux guerres génocidaires auxquelles il faudrait ajouter les deux guerres civiles hautement meurtrières du Soudan et de la Birmanie et bien d'autres. Quand les grandes puissances de l'OTAN dénoncent à juste titre la guerre génocidaire ukrainienne mais qu'ils arment l'État sioniste perpétrant un plus important génocide tout en traitant d'antisémites ceux et celles qui dénoncent le sionisme qui en est la cause, quitte à renier les droits fondamentaux sensés porter notre civilisation, l'absurde devient incommensurable. Faut-il se surprendre que dans un tel contexte, le grand public perde de vue l'enjeu central à la survie de l'humanité, soit les crises conjointes des courses folles vers la terre-étuve et vers la sixième grande extinction.

Il est certainement rationnel de stratégiquement bloquer la montée des extrêmes droites qui surfent sur l'absurdité du monde mais non pour revenir au libéralisme parlementaire qui leur a pavé la voie avec son austérité néolibérale.

À la recherche de la stratégie unificatrice contre la marginalité toujours vaincue

Afin de tenter de se sortir de la marginalité, une bonne partie de la nébuleuse québécoise écologiste, à l'invitation de Mob6600, s'est réunie en une « rencontre inter-luttes » le 15 juin sous la thématique « Quels moyens pour la lutte sociale et écologiste ? » dans le cadre du « Camp climat » dans la forêt Steinberg. Une quinzaine de groupes, en cinq minutes chacun, s'y sont présentés. Ces présentations et la discussion qui s'ensuivit ont permis de souligner points forts et points faibles à corriger. La grande majorité des groupes étaient petits et même groupusculaires à l'exception de deux, Fondation Suzuki et le CCMM-CSN, qui se donnent une vocation de « soutien à la mobilisation citoyenne », par exemple construire des coalitions dans un bassin de 140 organisations ou le soutien logistique, en plus de tâches qui leur sont propres vis-à-vis le grand public ou le mouvement syndical comme des campagnes, de la représentation et de l'éducation. Chacun se démarquait pas ses caractéristiques soit de domaine d'intervention (Northvolt, friche L'Assomption, pipeline 9B, feux de forêt, extension du Port de Montréal à Contrecœur, transport collectif) et la particularité de ses méthodes (diversité des tactiques, désobéissance civile, procès politique, réunions d'information, blocages, représentation, mémoires, rapports scientifiques, comités paritaires, sites web et Facebook, actions clandestines en soutien, podcasts).

Ressortaient deux groupes. Mères au front est une fédération d'une trentaine de groupes locaux comptant environ 8 000 membres. Chaque groupe mène ses propres luttes mais le centre donne la priorité à certaines comme les enjeux de la Fonderie Rouyn-Noranda, Northvolt et les caribous. Mob6600, étant donné son attache territoriale reconnue dans la discussion comme facteur facilitant la mobilisation, a amorcé la transition vers l'action de masse par des manifestations et des activités culturelles ce qui ne l'empêche pas dans un cadre de diversité des tactiques de faire de la représentation et de l'action directe tels des blocages.

La discussion a permis de souligner les défauts du fonctionnement en petits groupes exigeant la super-militance tels l'éparpillement et l'épuisement militant. Les victoires sont rares. Même les victoires contre l'exploitation des hydrocarbures ouvraient la voie à la filière batterie quoique ce n'était pas le cas du projet de pipeline Énergie-est. La moindre des choses est de ne pas se condamner les uns les autres, plutôt se faire résonnance, tout en ne fermant pas la porte à l'indispensable critique mutuelle et en reconnaissant l'avantage de la diversité d'opinions et des tactiques qui permettent de rejoindre différents milieux. Constamment réagir dans l'urgence peut faire perdre de vue le fondement anticapitaliste et décolonial des luttes et faire oublier le ralliement des personnes opprimées, premières victimes de la crise climatique, et l'unité avec les peuples autochtones, fer de lance de la lutte climatique.

La grande difficulté reste la transcroissance vers les mobilisations de masse d'autant plus que l'ennemi est puissant monétairement comme légalement, et n'hésite pas à s'unir du fédéral au municipal (Mob6600, Northvolt) malgré leurs chicanes par ailleurs. Des initiatives rassembleuses s'annoncent comme la coalition d'une quarantaine de groupes « La suite du monde » pour la manifestation climatique de la fin septembre qui n'a pas eu lieu l'an dernier. Mais la gent étudiante, en ce moment démobilisée quant à la lutte climatique, et le mouvement syndical, dont la mobilisation a déjà déçu, seront-ils de la partie en masse ? Rien n'est moins certain.

On remarque aussi le projet « Les soulèvements du fleuve » comme « volonté de mettre en branle un mouvement de résistance au développement industriel, colonial et extractiviste. De mettre en résonnance ce qui résiste et s'organise. Une tentative qui rassemble de multiples groupes, initiatives et usages. […] On pourrait ainsi résumer cette ultime lubie du gouvernement : éventrer le Nord, bétonner le Sud et transformer le fleuve Saint-Laurent en autoroute. » Voilà qui est bien dit mais y aura-t-il une suite et une croissance de cette coalition anti-décroissance ? Il est certainement exact que Contrecœur, Ray-Mont Logistique, Northvolt et les mines qui l'approvisionnent, l'élargissement du Port de Québec veulent faire du fleuve et de ses affluents une autoroute de la marchandise comme jamais aux dépends des bélugas et de la préservation des berges riches en source de vie. Les soulèvements du fleuve pourrait être la coalition en opposition au Projet Saint-Laurent de François Legault.

Le volet politique Québec solidaire et sa dissidence aux abonnés absents

Manque à ce panorama de la lutte climatique le volet proprement politique tout comme il faisait défaut au Festival de la décroissance conviviale dans la même forêt Steinberg il y a deux semaines. Depuis le dernier Conseil national de Québec solidaire, on sait que le nouveau programme de facto a balancé par-dessus bord tant le cadre général de la décroissance que la priorité à la production de batteries pour le transport collectif de la part de l'usine Northvolt. La dissidence à cette orientation semble penser que la simple lutte contre la privatisation d'HydroQuébec et la nationalisation des entreprises exploitant les ressources naturelles suffiraient à corriger le tir. Le bilan du socialisme du XXe siècle a plus que démontrer que la nationalisation mur à mur sans démocratisation de la planification afférente, telle en Union soviétique, peut faire pire en dommage environnemental. Hydro-Québec, nationalisée depuis plus d'un demi-siècle, ne poursuit-elle pas une politique croissanciste de capitalisme vert ?

On peut penser qu'une planification démocratique d'une économie socialisée et décentralisée du XXIe siècle opterait sans hésiter pour une décroissance matérielle réduisant drastiquement le niveau moyen de consommation tout en élevant celui du 50% mondial le plus pauvre.

En bénéficierait grandement le niveau de bien-être de tout le monde grâce à une société de sobriété solidaire et égalitaire. Ce qui signifie au moins la fin du règne de l'auto solo et du bungalow avec son corollaire d'étalement urbain au bénéfice de logements collectifs dans des quartiers et villages quinze minutes reliés par des parcs nature et un réseau de transport actif et public. Mais il semble que le mouvement écologique québécois devra se passer de l'outil essentiel d'une orientation dite écosocialiste sur la scène politique autrement qu'en vain discours du dimanche. Québec solidaire et sa dissidence en restent à se chamailler pour la meilleure chaise sur le pont du Titanic.

Marc Bonhomme, 16 juin 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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Le nouvel âge des fléaux du capitalisme. Les machines à pandémie (V)

18 juin 2024, par Ian Angus — ,
Les nouvelles zoonoses sont inextricablement liées à l'industrialisation des volailles, des porcs et des bovins. En mars, Cal-Maine Foods [Ridgeland, Mississippi], le plus (…)

Les nouvelles zoonoses sont inextricablement liées à l'industrialisation des volailles, des porcs et des bovins. En mars, Cal-Maine Foods [Ridgeland, Mississippi], le plus grand producteur d'œufs des Etats-Unis, a signalé que des poules de l'une de ses usines d'œufs du Texas avaient contracté l'influenza aviaire hautement pathogène de type A, mieux connue sous le nom de grippe aviaire. Pour éviter que la maladie ne se propage, l'entreprise a abattu 1,6 million de volailles. Il ne s'agit là que du dernier abattage massif dans le cadre de l'épidémie actuelle de grippe aviaire : plus de 100 millions de volailles d'élevage et d'innombrables oiseaux sauvages sont morts aux Etats-Unis et au Canada depuis le début de l'année 2022 [2].

« Le système alimentaire mondial est un désastre à évolution lente, mais il n'est pas cassé. Il fonctionne précisément comme un système alimentaire capitaliste est censé fonctionner : il se développe constamment, concentrant les richesses dans quelques monopoles puissants, tout en transférant tous les coûts sociaux et environnementaux à la société. » Eric Holt-Giménez [1]

Aux Etats-Unis, Cal-Maine exploite 42 « installations de production » dans lesquelles 44 millions de poules pondent plus de 13 milliards d'œufs par an. En 2023, ses bénéfices bruts s'élevaient à 1,2 milliard de dollars pour un chiffre d'affaires de 3,1 milliards de dollars [3]. Dans ce contexte, la perte de 1,6 million de volailles au Texas est un inconvénient mineur – d'autant plus que le gouvernement états-unien (en réponse au lobbying de l'agro-industrie) paie pour les volailles abattues lors d'épidémies de grippe aviaire. Des millions de poulets morts, c'est le prix à payer pour faire des affaires, et ce n'est pas très grave.

Les virus de la grippe ont été transportés par les oiseaux aquatiques pendant des siècles sans les rendre malades, mais lorsqu'une variante appelée H5N1 s'est propagée aux canards d'élevage dans le sud de la Chine, en 1996, elle a rapidement évolué vers une forme à la fois hautement infectieuse et mortelle pour les volailles. Cette version s'est ensuite propagée aux oiseaux sauvages et a continué à muter tout en se répandant dans le monde entier. La maladie touche principalement les volailles, mais, entre 2003 et 2019, 861 cas humains ont été signalés dans 17 pays, et 455 des patients sont décédés [4].


  • Appellation des virus
  • Il existe quatre types de virus de la grippe : A, B, C et D. Le type A est le plus courant et provoque les symptômes les plus graves. Les sous-types ayant des caractéristiques et des effets différents sont nommés d'après les propriétés des protéines Hemagglutinin (H) et Neuraminidase (N) présentes à leur surface. Par exemple, A(H7N2) est un sous-type de virus de la grippe A qui possède les protéines H-7 et N-2. Plus de 130 sous-types de type A ont été identifiés, et chacun d'entre eux se présente sous des formes multiples, appelées clades (groupes d'organismes) ou groupes.

Une variante de la grippe apparue pour la première fois chez les porcs aux Etats-Unis et au Mexique en 2009 a ensuite infecté des millions de personnes dans le monde entier, tuant entre 150 000 et 575 000 personnes.

Depuis la fin des années 1990, une nouvelle variante hautement pathogène du H5N1 est devenue la principale cause de grippe aviaire en Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique du Nord, causant la mort de millions de volailles. En avril 2024, le département états-unien de l'Agriculture a signalé que, pour la première fois, le virus avait infecté des vaches laitières. Le 8 mai, le CDC (Centers for Disease Control and Prevention) a indiqué que 36 troupeaux de vaches laitières dans 9 Etats étaient touchés par le H5N1, mais il s'agit certainement d'une sous-estimation, car de nombreux exploitants refusent de tester le bétail ou de signaler les infections.

Un ouvrier de laiterie du Texas est le premier exemple connu de transmission du H5N1 d'un mammifère à l'homme, mais là encore, il est possible que d'autres cas n'aient pas été signalés, d'autant plus que les symptômes de cette grippe chez l'homme sont légers et de courte durée. Le risque pour la santé humaine est actuellement considéré comme faible, mais comme le souligne l'épidémiologiste Michael Mina, « la transmission incontrôlée parmi le bétail signifie que le virus se trouve de plus en plus en contact avec l'homme. Chaque exposition humaine, à son tour, offre la possibilité de nouvelles mutations qui pourraient permettre une transmission interhumaine. Bien que le risque d'une pandémie de H5N1 soit actuellement faible, les conséquences de l'inaction pourraient être catastrophiques. » [5]

Les usines à grippe

Jusqu'au troisième quart du XXe siècle, un virus de la grippe aviaire qui se serait propagé à un poulet ou à un porc domestique se serait rapidement retrouvé dans une impasse. Presque tous les poulets étaient élevés dans des fermes familiales, dans des troupeaux de quelques dizaines d'unités : 400 formait déjà un très grand élevage. Les porcs étaient élevés en nombre beaucoup plus restreint. Par conséquent, même si le virus était très contagieux, il aurait rapidement manqué de nouveaux hôtes à infecter.

Les choses ont changé avec ce que l'on a appelé « l'altération la plus profonde de la relation entre l'animal et l'homme depuis 10 000 ans » [6], à savoir l'expansion rapide d'exploitations d'alimentation animale concentrée (CAFO), plus précisément appelées « fermes industrielles ».

Aujourd'hui, une poignée d'entreprises géantes contrôlent la production de poulets de chair (poulets élevés pour la viande) et de poules pondeuses (poulets élevés pour les œufs). Dans une installation typique, des centaines de milliers de volailles sont entassées dans des bâtiments sans fenêtres, avec peu d'espace pour se déplacer. A la fin du XXe siècle, l'industrie de la volaille en Amérique du Nord a été complètement transformée et ses méthodes ont été largement copiées, notamment en Asie du Sud-Est et en Chine.

La transformation de l'élevage porcin a été encore plus rapide à partir des années 1990.

  • « En 1992, moins d'un tiers des porcs des Etats-Unis étaient élevés dans des fermes de plus de deux mille animaux, mais en 2004, quatre porcs sur cinq provenaient de l'une de ces exploitations géantes, et en 2007, 95% d'entre eux en provenaient. Une analyse réalisée par Food & Water Watch a révélé qu'entre 1997 et 2007, 4600 porcs ont été ajoutés chaque jour à un élevage industriel, portant le total à plus de 62 millions d'animaux. » [7]

Dans le monde, les trois quarts des vaches, poulets, porcs et moutons sont élevés dans des installations industrielles confinées. Aux Etats-Unis, la proportion d'animaux élevés dans des fermes industrielles est bien plus élevée, avec plus de 99% des poulets et 98% des porcs.

Les volailles et les animaux de ces systèmes industriels ont été élevés pour croître rapidement et produire des quantités constantes de viande ou d'œufs tout en consommant un minimum d'aliments. Grâce à des programmes de sélection axés sur le profit, les volailles commerciales ont perdu plus de la moitié de la diversité génétique de leurs ancêtres sauvages [8]. Les élevages industriels sont peuplés d'animaux génétiquement identiques qui réagissent de la même manière aux nouvelles infections – un virus qui rend un animal malade peut faire de même pour les autres sans qu'il soit nécessaire de procéder à d'autres mutations. Si un poulet d'une méga-ferme contracte la grippe aviaire, la plupart des autres mourront en quelques jours.

Si l'on voulait construire une machine à créer des pandémies, on pourrait difficilement faire mieux que le système des fermes industrielles. Comme l'écrit Rob Wallace : « Notre monde est encerclé par des villes de millions de porcs et de volailles en monoculture, pressés les uns contre les autres, un écosystème presque parfait pour l'évolution de multiples souches virulentes de grippe. » [9]

  • « Même si cela n'est pas intentionnel, l'ensemble de la chaîne de production est organisé autour de pratiques qui accélèrent l'évolution de la virulence des agents pathogènes et la transmission qui s'ensuit. Les monocultures génétiques – animaux et plantes alimentaires dont le génome est presque identique – suppriment les pare-feu immunitaires qui, dans des populations plus diversifiées, ralentissent la transmission. Les agents pathogènes peuvent désormais évoluer rapidement autour des génotypes immunitaires communs de l'hôte. Par ailleurs, la promiscuité diminue la réponse immunitaire. L'augmentation de la taille des populations d'animaux d'élevage et la densité des élevages industriels favorisent la transmission et les infections récurrentes. Le haut débit, qui fait partie de toute production industrielle, fournit un réservoir continuellement renouvelé en vulnérabilités au niveau de l'étable, de la ferme et de la région, supprimant ainsi le plafond de l'évolution de la mortalité des agents pathogènes. Le fait de loger un grand nombre d'animaux ensemble récompense les souches qui peuvent le mieux s'en débarrasser. L'abaissement de l'âge d'abattage – à six semaines pour les poulets – est susceptible de sélectionner des agents pathogènes capables de survivre à des systèmes immunitaires plus robustes. » [10]

De même, un groupe de travail pluridisciplinaire parrainé par le Council for Agricultural Science and Technology (Etats-Unis), organisme à but non lucratif, a conclu :

  • « L'un des principaux effets des systèmes modernes de production intensive est qu'ils permettent la sélection et l'amplification rapides d'agents pathogènes issus d'un ancêtre virulent (souvent par le biais d'une mutation ténue), ce qui accroît le risque de propagation et/ou de dissémination de la maladie. … En d'autres termes, en raison de la révolution de l'élevage, les risques mondiaux de maladie augmentent. » [11]

L'émergence accélérée des zoonoses est inextricablement liée à l'industrialisation de la « production » des volailles, des porcs et des bovins, elle-même inextricablement liée à la volonté d'expansion du champ soumis capital et à son accumulation, quels que soient les dommages causés. Des bénéfices annuels de 4,9 milliards de dollars (Cargill), 4,4 milliards de dollars (JBS Foods) et 4,1 milliards de dollars (Tyson Foods) [12] ne sont possibles que les coûts des pandémies et de la pollution sont reportés sur la société dans son ensemble. Tant que les élevages industriels généreront de tels bénéfices, l'agro-industrie continuera à considérer les maladies épidémiques comme un coût acceptable de son activité.

L'agro-industrie, comme le dit Rob Wallace, a conclu une alliance stratégique avec la grippe. Big Food est en guerre contre la santé publique, et la santé publique est en train de perdre [13]. (A suivre –Article publié sur le blog de Ian Angus Climate&Capitalism le 15 mai 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre. Voir les quatre premières contributions publiées sur ce site les 12, 16, 27 mars et le 24 avril)

Notes

[1] Eric Holt-Giménez, Can We Feed the World without Destroying It ?, Global Futures (Cambridge, UK ? ; Medford, MA : Polity Press, 2018), 86.

[2] Andrew Jacobs, “A Cruel Way to Control Bird Flu ? Poultry Giants Cull and Cash In.,” The New York Times, April 2, 2024, sec. Science.

[3] Cal-Maine Foods, “3Q 2024 Investor Presentation.”

[4] Centers for Disease Control and Prevention, “Highlights in the History of Avian Influenza (Bird Flu),” Centers for Disease Control and Prevention, July 8, 2022.

[5] Michael Mina and Janika Schmitt, “How to Stop Bird Flu From Becoming the Next Pandemic,” TIME, May 9, 2024.

[6] Michael Greger, Bird Flu : A Virus of Our Own Hatching (New York : Lantern Books, 2006), 109–10.

[7] Wenonah Hauter, Foodopoly : The Battle over the Future of Food and Farming in America (New York : New Press, 2012), 171.

[8] William M. Muir et al., “Genome-Wide Assessment of Worldwide Chicken SNP Genetic Diversity Indicates Significant Absence of Rare Alleles in Commercial Breeds,” Proceedings of the National Academy of Sciences 105, no. 45 (November 11, 2008) : 17312–17.

[9] Rob Wallace, Big Farms Make Big Flu : Dispatches on Infectious Disease, Agribusiness, and the Nature of Science (New York : Monthly Review Press, 2016), 38.

[10] Rob Wallace et al., “COVID-19 and Circuits of Capital,” Monthly Review 72, no. 1 (May 1, 2020) : 1–15.

[11] Council for Agricultural Science and Technology, “Global Risks of Infectious Animal Diseases,” Issue Paper, February 2005, 6.

[12] Warren Fiske, “‘Big Four' Meat Packers Are Seeing Record Profits”, Politifact, June 30, 2022.

[13] Wallace, Big Farms Make Big Flu, 11 ; “COVID-19 and Circuits of Capital,” 12.

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L’héritage de la seconde guerre mondiale

18 juin 2024, par Ernest Mandel — ,
Pour le 80e anniversaire du débarquement de Normandie (1944), les différents gouvernements impérialistes ont voulu souligner l'engagement des soldats, mais surtout les (…)

Pour le 80e anniversaire du débarquement de Normandie (1944), les différents gouvernements impérialistes ont voulu souligner l'engagement des soldats, mais surtout les résultats de la victoire des Alliés sur le type de société qui a résulté de cette victoire. Dans le chapitre du livre d'Ernest Mandel sur la Seconde Guerre mondiale, ce dernier tire un tout au bilan de cette guerre, bilan sur lequel il vaut la peine de revenir, surtout à la lumière de la remontée de l'extrême-droite à l'échelle mondiale.

(tiré du livre : Sur la Seconde Guerre mondiale, une interprétation marxiste, Ernest Mandel, Éditions La Brèche, 2018, pp. 196 à 204)

Les destructions laissées par la Seconde Guerre mondiale sont stupéfiantes. Quatre vingt millions de personnes ont été tuées, si l'on inclut celles qui sont mortes de faim et de maladies en rapport direct avec la guerre, huit fois plus que pendant la Première Guerre mondiale. Des douzaines de villes ont été totalement détruites, surtout au Japon et en Allemagne. Les ressources matérielles susceptibles de nourrir, habiller, loger, équiper tous les pauvres de ce monde ont été gaspillées à des fins purement destructives. Des forêts ont été dévastées et des terres agricoles laissées en friche à une échelle qu'on n'avait plus vue depuis la Guerre de Trente ans ou l'invasion mongole de l'Empire islamique.

Les ravages destructeurs sur les esprits et le comportement humain ont été les plus graves. Violence et mépris barbares à l'encontre des droits humains élémentaires, à commencer par le droit à la vie, se sont' répandus à un niveau jamais atteint durant et après la Première Guerre mondiale.

L'apogée de cette montée de la barbarie fut l'avènement de la Bombe, véritable quintessence de la force destructive fondamentale du capitalisme tardif. Depuis 1945, l'ombre de l'annihilation finale plane sur le destin de l'humanité sous la forme d'un sinistre nuage en forme de champignon. Cette ombre empoisonne déjà des centaines de milliers d'êtres humains, tant eux-mêmes que leurs descendants, elle empoisonne aussi leur esprit. Sans parler des effets, sur le long terme et largement méconnus, des retombées radioactives directes de la bombe nucléaire ou des explosions expérimentales.

Toutes ces destructions ont-elles été inutiles ? Le capitalisme international est-il sorti de la Seconde Guerre mondiale ayant résolu les contradictions fondamentales, structurelles et conjoncturelles, qui l'avaient mené au conflit ? Nombre d'observateurs l'auraient catégoriquement nié dix ans plus tôt, alors que contrairement à la période de l'entre-deux-guerres, on pouvait constater que l'économie capitaliste internationale avait fait l'expérience de deux décades [1](presque trois, dans les pays anglo-saxon) de croissance sans précédent, interrompue seulement par des récessions mineures et d'une longue période historique avec un bas niveau de chômage et une hausse impressionnante du niveau de vie des· masses travailleuses des pays impérialistes.

Aujourd'hui, il est évident que ces vingt à vingt-cinq années de boom économique ne furent qu'une parenthèse, « une onde longue expansive » de l'économie capitaliste, qui suivait la « longue dépression » de l'entre-deux-guerres, et qui sera elle-même suivie d'une « longue dépression » d'une durée encore plus longue que celles des années 1913-1939 [2]

Bien sûr, cette parenthèse a vu les forces productives opérer un nouveau bond en avant. La troisième révolution technologique a généré une énorme augmentation des biens matériels et des compétences et des connaissances de la classe ouvrière internationale, sans parler de l'explosion du nombre des salariés. Même si les progrès matériels et intellectuels furent inégalement répartis, suivant le développement des pays capitalistes, ils ont permis d'élargir la base à partir de laquelle construire le socialisme. Les conditions matérielles pour bâtir un socialisme mondial d'abondance et de dépérissement global de la division du travail entre patrons et travailleurs étaient bien plus importantes en 1970 qu'en 1939, sans parler de 1914. Elles le sont encore plus en 1985.

En même temps, cependant, le prix que le genre humain doit payer pour ce retard dans l'instauration du socialisme mondial, pour la survie de ce capitalisme pourrissant, devient de plus en plus en plus effrayant. La tendance des forces productives à se transformer en forces destructrices non seulement se manifeste par des crises périodiques de surproduction et des guerres mondiales, mais cela se manifeste de plus en plus implacablement dans le champ de la production, de la consommation, de rapports sociaux, de la santé (particulièrement la santé mentale) et, par-dessus tout, dans cette suite ininterrompue de guerres locales. À nouveau, le coût global de ces souffrances humaines, de ces morts et de ces menaces pour la survie physique de l'humanité est sidérant. Il dépasse tout ce qu'on a pu voir pendant la Première et la Seconde guerre mondiale. [3]
Deux excellents exemples suffisent à souligner ce point (beaucoup d'autres pourraient être cités). Depuis 1945, il ne s'est pas passé une seule année sans que des guerres "locales" n'éclatent quelque part sur le globe, et souvent simultanément. La plupart de ces guerres sont des guerres contre-révolutionnaires d'intervention contre des mouvements d'indépendance nationale ou contre des révolutions sociales. Le nombre des victimes égale ou dépasse, déjà, celui de la Première Guerre mondiale.

La perversion de la consommation et des besoins humains par la production de masse standardisée, fondée sur le profit, impose toujours plus de maladies et de morts à l'humanité. Non seulement elle implique à la fois augmentation de la surproduction et compression artificielle de la production de nourriture à l'Ouest, de même que faim et famine dans le Sud, mais elle génère aussi, en Occident même, un flot croissant de biens de consommation, dont la nourriture, inutiles, dangereux el empoisonnés. Le résultat en est la croissance dramatique des maladies dites de « civilisation », comme les cancers et les occlusions coronariennes, causées par l'air vicié, l'eau et le corps lui-même. De nouveau, un tribut stupéfiant est payé à la mort. La menace d'empoisonnement de l'air, des mers, de l'eau et des forêts pose la question de la survie physique de l'humanité dans les mêmes termes que la pose la guerre mondiale nucléaire.

En ce sens, la Seconde Guerre mondiale n'a rien résolu, c'est-à-dire n'a éliminé aucunes des causes de fond des crises de plus en plus intenses menaçant la survie de la civilisation et de l'humanité. Hitler a disparu, mais la vague de destruction et de barbarie continue de monter, quoique de façon plus diverse et moins concentrée (pour autant qu'on évite une troisième guerre mondiale) [4], car les causes destructrices sous-jacentes demeurent. C'est la dynamique expansionniste de la concurrence, l'accumulation du capital et un impérialisme de plus en plus autocentré, avec tout le potentiel destructeur que cette expansion recèle face à la résistance et la désobéissance croissante de millions, si ce n'est de centaines de millions d'êtres humains, qui opèrent en "boomerang", c'est-à-dire de la "périphérie", les peuples dominés, vers le " centre " impérialiste.

La militarisation des États-Unis traduit la permanence de cet expansionnisme et son pouvoir de destruction, nonobstant de particulières circonstances historiques. Joseph Schumpeter affirmait, contre les marxistes, que les racines de l'impérialisme étaient essentiellement précapitalistes, semi-féodales, de type absolutiste-militariste et non de la responsabilité du business capitaliste. [5]Il a essayé de le prouver en affirmant que le pays le plus puissant du monde, les États-Unis d'Amérique, n'avait ni armée ni establishment militaire à proprement parler. Il est allé jusqu'à réitérer ses arguments, qu'il avait déjà une première fois avancés juste après la Première guerre mondiale, dans son classique Capitalisme, socialisme, démocratie(datant de 1943, c'est l'une des rares études historiques bourgeoises dernières cinquante dernières années qu'il vaut la peine de mentionner, largement supérieure à la critique de Marx par Popper, sans parler des vociférations antisocialistes de Frederich A. Hayek. [6]

Il est vrai que les spécificités historiques du capitalisme US, ses limites et la faiblesse des États de sa sphère d'influence commerciale en Amérique latine, lui ont donné la possibilité de s'étendre géographiquement, tout en ne recourant que peu à la force (en tout cas, significativement moins que les puissances européennes ou le Japon.) Plus tard, après la Première Guerre mondiale, la gigantesque supériorité industrielle et financière de l'impérialisme US fit que gouverner « pacifiquement » (non sans utiliser le « gros bâton »ici ou là, bien sûr) était plus efficace que les occupations territoriales directes ou les aventures militaires à grande échelle.

L'issue de la Seconde Guerre mondiale a tout bouleversé. À commencer par l'avènement d'une complète hégémonie de l'impérialisme US impliquant qu'il pouvait, de plus en plus, jouer le rôle de gendarme mondial du capitalisme. En ce sens, les contradictions entre l'internationalisation des forces productives et la permanence de l'État-nation furent, partiellement et temporairement, surmontées. Mais il lui était impossible de jouer ce rôle sans un puissant establisment militaire en expansion. L'impérialisme US dut affronter littéralement toutes les contradictions du capitalisme international et de plus, les réduire puis les réprimer.

Sous le capitalisme, particulièrement l'impérialisme dans sa phase de « capitaliste tardif » caractérisé par de monstrueuses quantités de capitaux en recherche permanente de champs d'investissement, un establishment militaire en expansion signifie des firmes industrielles capitalistes en pleine croissance, tournées vers la production d'armes. Elles y ont un intérêt propre, car l'État se porte garant de l'augmentation permanente de la production et des profits ainsi générés. D'où l'apparition du « complexe militaro-industriel » pour citer les mots judicieusement choisis d'Eisenhower, général devenu président des États-Unis.

Ainsi, en définitive, Schumpeter avait complètement tort, et les marxistes avaient raison à propos du cas, exemplaire, des États-Unis. Au-delà de toutes ses spécificités historiques et de sa singularité, quoique avec un demi-siècle de retard sur la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, le Japon et l'Italie, la militarisation des États-Unis procédait directement des besoins du grand business et de l'impérialisme US.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Aussi puissant fût-il, l'impérialisme US ne pouvait affronter simultanément, avec ses seules ressources militaires, l'Union soviétique, le processus de révolution permanente dans les pays coloniaux et semi-coloniaux et une classe ouvrière périodiquement rétive et explosive dans plusieurs pays impérialistes. Il avait besoin d'alliés : il devait les soigner, au premier chef, financièrement. En conséquence, l'impérialisme US vit la loi du développement inégal et combiné [7] se manifester pour la première fois contre lui-même.

Quand les États-Unis entreprirent de reconstruire et de consolider l'impérialisme d'Allemagne de l'Ouest et du Japon (de la même façon qu'ils avaient précédemment présidé à la reconstruction et à la stabilisation de la France et de l'Italie), ils initièrent un processus qui offrit à ces pays l'opportunité d'atteindre une croissance de la productivité industrielle en moyenne plus rapide, ainsi qu'un profil industriel plus moderne, que ceux des États-Unis eux-mêmes. C'était la conséquence de la défaite et des destructions que ces pays avaient subies. Ainsi, la constitution de la machine de guerre américaine assura aussi la fonction de pressurisation d'alliés récalcitrants, de façon à ce qu'ils ne s'autonomisent pas trop sur les plans financier, commercial et industriel, fonction qui fut elle-même, petit à petit, sapée par les modifications des rapports de forces au détriment de l'impérialisme américain. Ainsi, en dépit de son hégémonie militaire, le « règne du dollar » et de la domination américaine sur la propriété et le contrôle des entreprises multinationales ne durèrent pas plus de vingt ans après la Seconde Guerre mondiale. Si l'on garde en tête la puissance industrielle et militaire soviétique, qui cassa dans les années cinquante, le monopole américain tant sur les armes nucléaires que sur les moyens de les utiliser, le « siècle américain » a à peine duré plus d'une décade. Bretton Woods [8] le « règne du dollar. [9], le « règne des multinationales contrôlées par les Américains, ont réellement permis après 1945-1948, au capitalisme américain et mondial d'éviter un effondrement économique comparable à celui de la grande Dépression [10] Mais ces mesures s'érodèrent et, finalement, aboutirent à la longue dépression qui a commencé à la fin des années soixante - début des années soixante-dix" [11]

Le boom d'après-guerre ne fut pas non plus la conséquence automatique du choix d'une expansion commerciale et financière « pacifique » de l'impérialisme US. La précondition du plan Marshall, donc des exportations massives de capitaux et de tout ce qui en découlait, était d'en finir avec la montée du mouvement ouvrier de l'après-guerre dans plusieurs pays impérialistes clés, particulièrement la France, l'Italie et le Japon où le militantisme était largement canalisé par les PC et, de ce fait, perçu comme une menace directe par l'impérialisme américain. Cette montée ouvrière eut lieu aussi aux États-Unis, bien qu'avec un niveau de politisation et de radicalisation moindre. [12]

Dans ces conditions, la lutte des classes dans les principaux pays capitalistes, comme à l'échelle internationale, se combina avec les rapports conflictuels entre les différentes grandes puissances et avec la guerre froide, d'une façon spécifique et discontinue. Certaines des principales grèves dans l'industrie doivent être distinguées de grèves plus tardives, par exemple la vague de grèves aux USA et les première grèves sauvages massives, en Belgique et en France, résultant du départ des PC des coalitions gouvernementales, sous la pression de la classe ouvrière (et non sous la pression de l'impérialisme américain ou des bourgeoisies européennes). Mais les défaites partielles de ces combats, combinées à un capitalisme de plus en plus répressif (dont le Taft Hartley Act [13] et l'érosion graduelle de la puissance syndicale aux États-Unis, fournissent les exemples les plus significatifs), ainsi que le tournant des PC d'une politique de participation à des gouvernements de coalition vers des positionnements ultragauches, conduisirent au déclin général du militantisme ouvrier - même en Grande-Bretagne où la désorientation politique avait le plus de chance d'être évitée grâce à la présence d'un gouvernement travailliste assis sur une large majorité parlementaire actrice d'importantes réformes législatives. Alors que la stabilisation du capitalisme dans les principaux pays impérialistes permettait au boom économique de démarrer sur des bases favorables - le déclin de la première vague de radicalisation et d'engagement des travailleurs de l'après-guerre - elle conféra au développement du rapport de forces entre les classes une orientation particulière, tout à fait différente de celle de 1923. [14]

Aucune classe ouvrière de pays impérialistes ne subit de défaite écrasante. Alors que la guerre froide occasionna de grosses divisions idéologiques et organisationnelles à l'intérieur du mouvement ouvrier, elle contraignit les impérialistes à payer le prix fort pour garder leur "front intérieur" relativement calme. En conséquence du boom économique de l'après-guerre dans la société occidentale - induisant une nouvelle augmentation du salariat, c'est-à-dire de l'industrialisation et, en conséquence, les attentes de plus en plus pressantes des travailleurs de voir leurs désirs réalisés par leurs luttes syndicales et leurs initiatives politiques (sauf aux USA) - le mouvement ouvrier organisé continua de se renforcer dans les pays impérialistes. Il atteignit des niveaux records, dans et hors des usines. Pendant un moment, cette croissance sembla réellement alimenter le boom en permettant aux masses de s'équiper de biens durables et d'acheter leur logement. Mais à partir d'un certain point, symbolisé par mai 68, les contradictions entre cette croissance et le fonctionnement normal de l'économie capitaliste devinrent évidentes.

D'un autre côté, les conditions mêmes dans lesquelles le « Siècle américain » avait été conçu : le règne des entreprises multinationales et les conséquences de la troisième révolution sur les matières premières (élimination graduelle du travail humain), facilitèrent le passage de l'impérialisme de la domination directe du "tiers monde" [15] à sa domination indirecte (du colonialisme au néocolonialisme) sans aucune redistribution significative des profits (la plus-value mondiale) en faveur des classes dirigeantes du tiers-monde.

Un flux constant de richesse du Sud vers le Nord, se maintint pendant toute la période de l'après-guerre, alimentant, à la fois, le boom lui-même et la révolte contre la surexploitation induite, prenant la forme de mouvements de libération nationale. Les vieux empires s'étaient effondrés. Mais la tentative de stabiliser un nouvel américain "indirect" tendait petit à petit vers l'échec. [16]

De ce point de vue, également, la Deuxième Guerre mondiale n'avait structurellement rien résolu pour le capitalisme. Le capitalisme s'était stabilisé et avait prospéré en Occident de 1948 à 1968. Mais le prix payé fut des crises continuelles dans le tiers monde et l'accumulation d'éléments de plus en plus explosifs en Europe occidentale - qui explosèrent en 1968. La crise de l'impérialisme n'avait pas été résolue.

Pas plus que la crise des rapports de production capitaliste. Le répit n'avait pas été utilisé pour réparer la digue. Les brèches s'élargissaient. Et, par ces brèches, les flots de la révolution pourraient recommencer à se déverser. Cela reste la meilleure chance, en fait la seule chance, d'éviter la troisième guerre mondiale. Le genre humain ne peut être sauvé de la destruction que par un contrôle rationnel, international et national, sur ses affaires, c'est-à-dire en abolissant les classes, les conflits entre nations et la concurrence.. Et seule une fédération mondiale démocratique et socialiste peut atteindre cet objectif.

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[1] Nous sommes en 1986. NDE

[2] À ce propos, voir Ernest Mandel, Late CapitalismLondres 1976. Le troisième âge du capitalisme, La Passion, Paris 1997) et The Long Waves of Capitalism Development, Cambridge 1981Les Ondes Longues du développement capitaliste, Syllepse, Paris, 2014

[3] Pendant le bombardement de l'Indochine par l'aviation américaine, entre 1964 et 1973, la puissance destructrice larguée fut trois fois plus importante que durant l'ensemble de la Seconde guerre mondiale en Europe et en Asie, guerre de Corée incluse : 7,5 millions de tonnes de bombes dont 400 000 tonnes de napalm.

[4] Selon Amnesty International, la torture est, aujourd'hui, régulièrement pratiquée (institutionnalisée] dans plus de 50 pays.

[5] Josef Schumpeter, Zur Soziologie der Imperialismen (1919) publié en anglais sous le titre Imperialism and Social Classes (en français Impérialisme et classes sociales, Flammarion 1999).

[6] Voir, par exemple, The Road to Serfdom, 1944. (La route de la servitude, PUF, 2013)

[7] Voir Michel Husson http://hussonet.free.fr/rouage4.pdf, p.4, qui cite Trotsky, Histoire de la révolution russe, t. 1,p.42, Seuil. Nde.

[8] Accords signés en juillet 1944, aux États-Unis, entre les 44 pays alliés pour organiser les grandes lignes du nouveau système financier mondial. nde.

[9] Bien sûr, ce ne fut possible que grâce aux dommages irréparables de la seconde guerre mondiale a causés aux finances et à la marine marchande et militaire britannique. Les autorités anglaises, dans un document très clair, disaient : alors que les transports commerciaux des Nations Unies s'améliorent, et cela va probablement continuer, les importations britanniques continuent régulièrement de se dégrader. »(cité par Howard, Grand Strategy pp. 632-636). En 1937, la Grande-Bretagne importait pour près de cinq millions de tonnes par mois, tous biens confondus. Les chiffres tombent à deux millions et demi de tonnes, fin 1940 - début 1941, puis à deux millions, en été 1942, enfin passent à un million et quart, entre novembre 1942 et février 1943. En 1941, les stocks de nourriture et de matières premières, sauf l'huile, étaient montés à quatre millions de tonnes au-dessus du niveau de sécurité minimum. En avril 1943, ils étaient à un million de tonnes sous ce niveau minimum. La situation financière était encore pire. Tous les placements avaient été pratiquement liquidés. Le solde de sa balance en dollars était débiteur de un milliard.

[10] La Grande Dépression commence en 1928, passe par le krach du 24 octobre 1929, dit le "jeudi noir" et s'achève avec la Seconde Guerre mondiale. nde.

[11] E.Mandel, The Second Slump, 3e édition. Londres 1986.

[12] Sur la vague de grèves d'après-guerre aux USA : Jeremy Breker, Strike, San Francisco 1972

[13] Loi américaine de 1947 qui interdit les grèves spontanées, impose un prévis de 60 jours, oblige les dirigeants syndicaux à se déclarer "non communistes", etc. nde.

[14] Caractérisé par le chômage de masse et la paupérisation de la population. nde.

[15] Vocable désuet désignant, globalement, les pays dominés : les pays n'appartenant pas à l'ensemble des pays impérialistes ni au bloc post-capitaliste, soviétique et chinois. nde

[16] La liquidation de l'Empire britannique en Inde offre une confirmation frappante de l'application de la théorie du matérialisme historique étendue au rôle de l'individu dans l'histoire de Plékhanov. Il affirme que lorsque la nécessité historique (de classe) d'un certain type de personnalité apparaît, les circonstances y pourvoient et de fait en produisent plusieurs. Afin de gérer le retrait de l'Inde aussi pacifique que possible, l'Empire britannique avait à sa disposition non seulement un "Lord de la gauche travailliste" descendant d'une famille noble et ami de Nehru et Gandhi, Sir Stafford Cripps, mais aussi un héritier de la famille royale elle-même, Lord Mountbatten. David Cannadine résuma sa participation tout à fait correctement : « Ses conceptions progressistes, son expérience à l'est de Suez, et ses liens étroits avec le roi lui-même, en firent l'homme idéal pour en finir avec la domination britannique en Inde en 1947 (...) Quand il est né, la reine Victoria était sur le trône, l'Empire britannique était le plus grand empire qu'on ai jamais vu et la livre ne valait pas seulement vingt shillings mais aussi cinq dollars. Quand il est mort, Mme Thatcher était au 10 Downing Street, la marine anglaise n'était plus que l'ombre d'elle-même, l'Empire britannique s'était désintégré dans le Commonwealth et la livre ne valait pas deux dollars »

Législatives en France : Communiqué de presse CFDT, CGT, Unsa, FSU, Solidaires

18 juin 2024, par CFDT, CGT, Unsa, FSU, Solidaires — , ,
L'abstention et l'extrême droite ont atteint un record lors des élections européennes de ce 9 juin. Cette tendance est à l'œuvre dans toute l'Europe mais la France est le pays (…)

L'abstention et l'extrême droite ont atteint un record lors des élections européennes de ce 9 juin. Cette tendance est à l'œuvre dans toute l'Europe mais la France est le pays dans lequel les listes d'extrême droite font le score le plus élevé.

Tiré de https://snjcgt.fr/2024/06/10/apres-le-choc-des-europeennes-les-exigences-sociales-doivent-etre-entendues/

Les organisations syndicales alertent depuis des années sur la crise sociale et démocratique qui traverse notre pays. Une politique qui tourne le dos au social et qui crée déclassement, abandon de nos industries et de nos services publics, le passage en force contre la mobilisation historique contre la réforme des retraites, l'absence de perspectives de progrès et la banalisation des thèses racistes, constituent le terreau sur lequel l'extrême droite prospère.

En décidant de dissoudre l'Assemblée nationale, et d'organiser des élections législatives en trois semaines, après les premiers départs en vacances et à la veille des Jeux Olympiques, le président de la République prend une lourde responsabilité.

Il faut un sursaut démocratique et social. A défaut, l'extrême droite arrivera au pouvoir. Nous l'avons vue à l'œuvre dans l'histoire et aujourd'hui en Italie ou en Argentine par exemple : austérité pour les salaires et les services publics, réformes constitutionnelles remettant en cause l'indépendance de la justice et le rôle des syndicats, attaques contre les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+, remise en cause du droit à l'IVG, politiques racistes qui mettent en opposition les travailleuses et les travailleurs en fonction de leur religion, de leur couleur ou de leur nationalité. Nous connaissons ses votes en France comme en Europe, ils sont toujours défavorables aux travailleuses et aux travailleurs.

Notre République et notre démocratie sont en danger. Il faut répondre à l'urgence sociale et environnementale et entendre les aspirations des travailleuses et des travailleurs et notamment :

Augmenter les salaires et les pensions ;

Revenir sur la réforme des retraites et sur celles de l'assurance chômage ;

Défendre nos services publics et en garantir l'accès à toutes et tous sans condition de nationalité et sur tout le territoire. Notre école, notre recherche, notre système de santé, de prise en charge de la dépendance, notre système de justice sont asphyxiés et ont besoin d'investissements massifs ;

Mettre fin à la verticalité du pouvoir en commençant par restaurer la démocratie sociale à tous les niveaux, entreprise, branche, territoire et interprofessionnel ;

Mettre en place des mesures de justice fiscale et notamment taxer les super profits, dividendes et rachats d'actions ;

Instaurer enfin l'égalité salariale et éradiquer les violences sexistes et sexuelles ;

Instaurer le droit à la régularisation pour tous les travailleurs et travailleuses étranger·es sur la base d'un certificat de travail ;

Relocaliser et transformer notre industrie pour répondre aux besoins sociaux en environnementaux en la protégeant du dumping social, fiscal et environnemental ;

Créer de nouveaux droits pour permettre aux travailleuses et aux travailleurs d'anticiper les transformations environnementales et de sécuriser leur emploi.

Dans l'immédiat, nous appelons le président de la République à la cohérence. L'Assemblée nationale est dissoute, les réformes doivent donc être interrompues étant donné qu'il n'y a plus aucun contrôle démocratique. Le gouvernement doit en particulier immédiatement renoncer à sa réforme de l'assurance chômage.


Nous appelons à manifester le plus largement possible ce week-end pour porter la nécessité d'alternatives de progrès pour le monde du travail.

Le 10 juin 2024.

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Communiqué de la CGT : Face à l’extrême droite, le front populaire !

18 juin 2024, par Confédération Général du Travail (CGT) — , ,
L'abstention et l'extrême droite ont atteint un record lors des élections européennes de ce 9 juin. Cette tendance est à l'œuvre dans toute l'Europe mais la France est le pays (…)

L'abstention et l'extrême droite ont atteint un record lors des élections européennes de ce 9 juin. Cette tendance est à l'œuvre dans toute l'Europe mais la France est le pays dans lequel les listes d'extrême droite font le score le plus élevé et progressent le plus.

10 juin 2024
Tiré de https://snjcgt.fr/2024/06/10/face-a-lextreme-droite-le-front-populaire/

C'est avec une énorme colère que la CGT accueille ces résultats alors qu'elle alerte, en vain, depuis des années. Emmanuel Macron en porte la première responsabilité. Il n'a cessé de banaliser le Rassemblement National, en reprenant ses thèses, et mène avec le patronat une politique sociale violente qui accrédite l'idée que la seule alternative serait l'extrême droite.

En décidant d'organiser des élections législatives en trois semaines à la veille des Jeux Olympiques et après les premiers départs en vacances, le président de la République joue, encore une fois, avec le feu, en faisant primer de petits calculs politiciens.

Nous ne le laisserons pas faire. Ni recul social, ni banalisation du racisme et de la xénophobie. Forte de son histoire, la CGT prend toutes ses responsabilités pour empêcher qu'à nouveau les travailleuses et les travailleurs ne soient enfermés dans une fausse alternative entre l'extrême droite et le néolibéralisme, dont les forces de l'argent seraient les plus grandes gagnantes.

Les résultats du 9 juin le démontrent. Sans sursaut immédiat, l'extrême droite arrivera au pouvoir. Notre République et notre démocratie sont en danger. Pour empêcher la catastrophe organisée par Emmanuel Macron et Marine Le Pen d'advenir, l'unité de la gauche est indispensable. Pour battre l'extrême droite, le monde du travail a besoin d'espoir et de perspectives en rupture avec la politique d'Emmanuel Macron. Il faut répondre à l'urgence sociale et environnementale, avec des propositions fortes pour augmenter les salaires et les pensions, défendre notre industrie et nos services publics et gagner le droit à la retraite à 60 ans. Un débat en profondeur doit être mené pour que les leçons soient vraiment tirées pour bâtir une alternative durable.

Quant au gouvernement, il doit immédiatement renoncer à sa réforme de l'assurance chômage et à toutes les contre-réformes en cours et notamment la réforme de la fonction publique.

La CGT appelle le monde du travail à se syndiquer, à s'organiser, à participer à toutes les initiatives de mobilisation contre l'extrême droite et contre la politique d'Emmanuel Macron, en commençant par l'appel des organisations de jeunesse à se rassembler dès ce lundi soir. La CGT appelle tous les travailleuses et travailleurs à prendre d'ores et déjà leurs dispositions pour pouvoir voter les 30 juin et 7 juillet prochains. Attachée à l'unité des salariés, la CGT échangera, ce soir, avec les autres organisations syndicales sur les possibilités d'actions communes et examinera toute proposition d'action unitaire.

Montreuil, le 10 juin 2024.

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Ukraine : syndicats contre guerre et libéralisme

Depuis le début de la guerre, le mouvement syndical ukrainien, y compris cheminot, se bat sur deux fronts. Il participe massivement à la lutte pour chasser l'occupant russe. Il (…)

Depuis le début de la guerre, le mouvement syndical ukrainien, y compris cheminot, se bat sur deux fronts. Il participe massivement à la lutte pour chasser l'occupant russe. Il doit aussi combattre les mesures gouvernementales qui utilisent la loi martiale pour fragiliser le Code du travail et les droits syndicaux pour préparer la thérapie de choc néolibérale de l'après-guerre.

Tiré de Entre lesl ignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/06/16/ukraine-syndicats-contre-guerre-et-liberalisme/

Depuis l'agression armée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine le 14 février 2022, « Ukrzaliznytsia » (les chemins de fer ukrainiens) a montré qu'elle était une entreprise d'infrastructure essentielle. Les cheminots contribuent à la capacité de défense de l'État par leur travail héroïque pendant les hostilités et les attaques à la roquette. Des dizaines de milliers se sont enrôlés dans l'armée ukrainienne. Il y a un an, selon les syndicats des chemins de fer ukrainiens, 353 d'entre eux ont été tués dans les combats ou les tirs croisés et 819 étaient blessés.

Démantèlement à bas bruit des droits sociaux

Alors que la guerre et la survie économique absorbent l'attention de la population, « un démantèlement à bas bruit des droits sociaux se poursuit » alertait Le Monde Diplomatique de novembre 2023. En mars 2022 déjà, un premier projet de loi visait la réglementation des relations de travail en temps de guerre. Ce projet a été adopté sans débat ni vote par le parlement ukrainien. « Une méthode, explique Mediapart (21.6.2023), facilitée par l'interdiction des grèves et des manifestations par la loi martiale, en vigueur depuis l'invasion russe. » Les employeurs peuvent désormais augmenter le temps de travail hebdomadaire de 40 à 60 heures, licencier leurs employé∙es dans un délai de dix jours ou suspendre temporairement leurs contrats de travail.

En juillet 2022, les parlementaires votaient un second projet de texte suspendant les accords collectifs d'entreprise et donnaient à l'employeur toutes marges de manœuvre pour modifier unilatéralement les conditions de travail. Le texte imposait cette fois des changements qui ne se cantonneront pas au temps de guerre. Le 9 août 2022, ETF, la Fédération européenne des travailleurs des transports qui représente à Bruxelles les syndicats de cheminot∙es de tous les pays européens et leurs membres dont ceux du SEV, avait tiré la sonnette d'alarme. ETF avait écrit aux plus hautes instances européennes pour leur faire part de ses préoccupations quant à ce projet de loi n°5371 qui prive quasiment 70% des salarié∙es de leurs droits. Elle leur demandait d'agir pour faire stopper les attaques contre le mouvement syndical en Ukraine.

Droit du travail, victime collatérale de la guerre

En vain. La loi était ratifiée le 17 août 2022 par le président Zelensky. Pour les entreprises de moins de 250 salarié∙es, plus aucun accord collectif ne s'applique : les contrats de travail sont « négociés » et signés directement entre l'employeur et l'employé. Dans une lettre du 19 août, les Confédérations internationale et européenne des syndicats avaient dénoncé, dans un courrier d'une rare fermeté, adressé à la Commission et au Conseil européen, une loi « antisociale », « motivée par des oligarques derrière le parti au pouvoir, qui se moquent des intérêts du peuple ».

Livia Spera, secrétaire générale de l'ETF, a exprimé clairement son mécontentement en février 2023 après un an de conflit : « Le sacrifice des travailleurs des transports ukrainiens ne doit pas être récompensé par la destruction de leurs droits par leur gouvernement. Nous faisons savoir aux décideurs ukrainiens que le mouvement syndical international est conscient des soi-disant « réformes » et des plans de privatisation qui sont poursuivis sous la couverture politique de cette guerre, et que nous ne l'accepterons pas. Les droits des travailleurs ukrainiens ne doivent pas devenir des dommages collatéraux dans cette guerre. »

Alors que la guerre se durcit, l'offensive néolibérale du gouvernement redouble fin 2023 avec un nouveau projet de réforme du Code du travail ukrainien élaboré par le ministère de l'Économie et publié par le gouvernement. Le document complet compte 264 articles et constitue une attaque antisociale centrale contre les droits des travailleurs. Le but est de perpétuer les restrictions « temporaires » des droits de la période de guerre après la victoire. L'idée est notamment de pouvoir encore réduire les primes en cas d'heures supplémentaires ou de travail de nuit et de simplifier les procédures de licenciement des travailleurs. Le syndicat des cheminots et travailleurs de la construction des transports d'Ukraine (Turtcu), membre de l'ETF, a réagi en janvier 2024 et a souligné la nécessité de le réviser. Il y a urgence, car si le nouveau code devait être adopté cette année, il entrerait en vigueur en 2025.

Après-guerre néolibéral

On peut se demander pourquoi l'État ukrainien attaque pareillement le service public et le droit du travail alors qu'il devrait se concentrer sur la guerre. Même si la perspective peut sembler lointaine, la réponse se trouve dans la reconstruction à travers un « plan Marshall », y compris pour le rail, qui aiguise les appétits. Fin 2022, la Banque mondiale estimait à 350 milliards d'euros le coût des dommages en Ukraine. La question était déjà à l'agenda lors de la conférence de Lugano à l'été 2022. Le « brouillon » du plan de reconstruction citait comme contrainte institutionnelle à un « marché du travail moderne » la « position de résistance des syndicats ». Jusqu'à présent, les plans suivent largement les traditions néolibérales en se basant sur les principes de déréglementation, libéralisation, soutien des secteurs d'exportation et privatisation pour attirer les capitaux.

Les élites ukrainiennes prennent donc les devants en assouplissant le Code du travail pour satisfaire l'Europe et le FMI qui avaient « offert » des prêts conditionnés en échange de « réformes » favorables aux entreprises, mais aussi pour attirer les capitaux européens et américains. Alexander Rodnyansky, principal conseiller économique du président ukrainien, ne cache pas que l'Ukraine doit devenir attractive par « un vaste programme de privatisations et une remise à plat du droit du travail » (The Guardian, octobre 2022).

Le peuple et les travailleur∙euses ukrainiens méritent toute notre solidarité. En Ukraine, guerre et capitalisme ne semblent malheureusement être que les deux faces d'une même médaille qui n'amène que morts, souffrance et régression sociale implacable.

Yves Sancey
yves.sancey@sev-online.ch

https://sev-online.ch/fr/aktuell/kontakt.sev/2024/syndicats-contre-guerre-et-libralisme-202405-280559/

Ucraina, i sindacati contro la guerra e il liberalismo
https://andream94.wordpress.com/2024/06/16/ucraina-i-sindacati-contro-la-guerra-e-il-liberalismo/

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Peste brune et continent noir

18 juin 2024, par Michaël Pauron — , ,
L'élection présidentielle française approche à grands pas. Le premier tour aura lieu le 10 avril et, selon les sondages, plus de 30 % des électeurs se disent prêts à voter pour (…)

L'élection présidentielle française approche à grands pas. Le premier tour aura lieu le 10 avril et, selon les sondages, plus de 30 % des électeurs se disent prêts à voter pour l'extrême droite, incarnée par deux candidats : Marine Le Pen et Eric Zemmour. Si l'on ajoute les électeurs de la candidate du parti Les Républicains, Valérie Pécresse, dont certaines de ses propositions sont directement empruntées à l'extrême droite, près d'un Français sur deux pourrait être tentés par ces idées.

Tiré d'Afrique XXI.

Et pour cause : avec la complicité d'une partie des médias (dont ceux possédés par l'homme d'affaires Vincent Bolloré), les thèses d'extrême droite dominent désormais la campagne électorale. L'immigration, l'islam et le « grand remplacement » sont devenus les sujets numéro 1 du débat public.

L'idéologie de l'extrême droite française, et plus largement européenne, a beaucoup évolué depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Si la hiérarchie raciale et l'antisémitisme restent de puissants ferments, l'islamophobie et le séparatisme culturel sont de nouveaux chevaux de bataille. Les Africains et la diaspora africaine sont en première ligne.

L'AFRIQUE AU CŒUR DE L'HISTOIRE DE L'EXTRÊME DROITE

Paradoxalement, l'Afrique - avec ses guerres d'indépendance, l'apartheid en Afrique du Sud ou encore les réseaux affairistes avec la France et l'Europe - a nourri l'idéologie d'extrême droite. Dès les années 1960, c'est sur le terreau des indépendances (et dans un mouvement de réaction) que naissent, en France, l'OAS, Occident et Ordre Nouveau - et en Belgique, le Cabda, puis le MAC.

Très vite, des militants de ces organisations s'engageront dans la voie du mercenariat et deviendront des « chiens de guerre » au service de la Françafrique. On les retrouvera dans tous les mauvais coups (au Katanga, au Biafra, aux Comores…), puis dans les rangs d'organisations politiques, parmi lesquelles le Front national, cofondé par Jean-Marie Le Pen en 1972.

La dynastie Le Pen fait une obsession de l'Afrique et de ses chefs d'État. Mais elle n'a que rarement réussi à s'y faire recevoir avec les honneurs. En revanche, certaines de ses idées ont bonne presse auprès de nationalistes africains. En critiquant la Françafrique (tout en en profitant), elle a cultivé des réseaux, comme au Congo Brazzaville, et gagné des partisans. En parallèle, des militants panafricanistes n'hésitent pas à se revendiquer de certains idéologues d'extrême droite, à l'image de Kemi Seba.

À quelques semaines du premier tour de l'élection présidentielle, nous proposons de revenir sur l'histoire complexe de l'extrême droite française avec le continent, sur son essence raciste et sur ses incompatibilités avec les luttes panafricaines contemporaines.

« Grand remplacement », le nouveau masque du racisme
STÉPHANE FRANÇOIS · FÉVRIER 2022

Le « moment congolais » de l'extrême droite européenne
NICOLAS LEBOURG · MARS 2022

Les pérégrinations africaines de la dynastie Le Pen
MICHAEL PAURON · FÉVRIER 2022

« Anjouan la rebelle », le rêve rattachiste des nostalgiques de l'Empire
RÉMI CARAYOL · MARS 2022

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