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Kollontaï. Défaire la famille, refaire l’amour

31 mars 2024, par nathanbrullemans
Archives Révolutionnaires : À l’occasion de leur tournée des bonnes librairies de France dans le cadre du lancement de leur livre Kollontaï. Défaire la famille, refaire l’amour (…)

Archives Révolutionnaires : À l’occasion de leur tournée des bonnes librairies de France dans le cadre du lancement de leur livre Kollontaï. Défaire la famille, refaire l’amour (Éd. La Fabrique, 2024), Matthieu Renault et Olga Bronnikova nous ont fait parvenir un texte d’introduction à leur ouvrage. Tirées de leurs notes de présentation, l’autrice et l’auteur reviennent sur la contribution de la pensée d’Alexandra Kollontaï au féminisme révolutionnaire. Leur démarche se propose de situer Kollontaï dans son contexte historique, marqué par les Révolutions russes. Il et elle identifient les forces de son travail pionnier, notamment le thème de l’abolition de la forme-famille, sans manquer de pointer ce qui leur semble être des écueils aux yeux de la pensée féministe contemporaine, dont celui du « bioproductivisme ». Renault et Bronnikova font le pari d’un retour critique à Kollontaï, faisant valoir l’actualité de son œuvre, autant sur un plan intellectuel que stratégique.

Matthieu Renault et Olga Bronnikova

Pourquoi lire ou relire aujourd’hui une féministe du début du XXe siècle, russe, marxiste, bolchevique, comme Alexandra Kollontaï ? On peut pour commencer donner une double réponse. Premièrement, et tout simplement, parce qu’elle est une figure largement oubliée, et néanmoins nodale dans la longue généalogie mondiale du féminisme, et parce qu’au-delà de toute préoccupation d’antiquaire, l’immense tâche, en cours, de reconstitution des archives du féminisme est partie intégrante d’une lutte, à laquelle nous voulions modestement apporter notre contribution avec les connaissances dont nous disposions. Deuxièmement, parce qu’il suffit de feuilleter un livre de Kollontaï (disons par exemple le recueil Marxisme et révolution sexuelle, publié il y a déjà un demi-siècle aux éditions Maspero dans la foulée de Mai 68), pour se rendre compte qu’y est déjà formulé tout un ensemble d’idées, de mots d’ordre et de perspectives de lutte que les féminismes matérialistes et marxistes – des décennies 1960-1970 et suivantes, jusqu’aujourd’hui – reprendront, réactualiseront et approfondiront. Ne cachons cependant pas, et il convient de le reconnaître d’emblée, que si l’on s’en tient au seul point de vue d’une Kollontaï vue comme précurseure, au féminin, ou pionnière de la théorie féministe contemporaine, on sera peut-être déçu tant les développements de ladite théorie au cours du dernier siècle ont été prodigieux. Si on endosse de telles lunettes « progressistes », les thèses de Kollontaï pourront sembler lacunaires, parfois problématiques, du fait par exemple de leur hétéronormativité jamais remise en question, bref en partie datées, dépassées.

Cependant, et telle était notre hypothèse directrice, ce qui fait l’intérêt et toute l’originalité, aujourd’hui encore, de la pensée et de la trajectoire de Kollontaï se situe ailleurs. Ils résident d’abord dans le fait qu’on est, avec Kollontaï, en présence d’une contribution majeure à ce qu’on peut appeler la tradition des féminismes en révolution. Toutes choses égales par ailleurs, et pour prendre un exemple mieux connu, cela avait été le cas avec les écrits d’Olympe de Gouges au cours de la Révolution française. Le féminisme de Kollontaï émerge au lendemain de la révolution inachevée de 1905 et atteint son point culminant au cours de la Révolution de 1917 dont elle est une actrice de premier plan, occupant notamment la fonction de Commissaire du peuple à l’Assistance publique (ministre de la Santé) dans le premier gouvernement soviétique. On est plus précisément en présence d’une tentative, semée d’embûches, pour articuler étroitement révolution sociale – prolétarienne en l’occurrence – et lutte pour l’émancipation des femmes. Or, ce que nous avons trouvé chez Kollontaï, c’est une volonté indéfectible de faire du combat féministe une partie intégrante du processus révolutionnaire général, mais aussi, et non moins essentiellement une partie douée d’autonomie à la fois pratique et théorique ; perspective qui remettait fondamentalement en cause les rapports de subordination entre les luttes, la hiérarchie des priorités révolutionnaires, et l’idée aussi fruste que répandue que l’émancipation des femmes, conçue comme secondaire, découlerait mécaniquement de celle de la classe ouvrière.

Le Département des femmes du Parti bolchevique, le Jenotdel, fondé en 1919, fut l’incarnation même de cette volonté tenace. Mais cette dernière ne s’était pas moins continuellement heurtée aux résistances d’une majorité des hommes et d’une partie des femmes du Parti (social-démocrate d’abord, bolchevique ensuite) qui ne voyaient là que dangereuses concessions faites au féminisme en tant qu’idéologie bourgeoise. Notons que Kollontaï elle-même a toujours rejeté le terme de « féminisme », et ce qu’elle considérait être son principal mot d’ordre « femmes de toutes les classes de la population, unissez-vous ! ». Ce qui n’empêche pas a posteriori de lui appliquer le terme dans son acception contemporaine, autrement plus large, pour voir en elle, une instigatrice, aux côtés de Clara Zetkin, du féminisme socialiste. De ce point de vue, la trajectoire révolutionnaire de Kollontaï nous semblait potentiellement porteuse d’enseignements pour les débats qui animent aujourd’hui encore la gauche radicale, et ainsi dotée d’une puissante actualité sur le plan stratégique.

Mais, au-delà de cette dimension, un principe directeur de la conception et de la rédaction de notre livre a émané de la conviction qu’on ne pourrait pleinement saisir l’actualité de la pensée de Kollontaï qu’à condition d’en ressaisir l’inactualité, non bien sûr pour collectionner les fragments d’un passé dépassé, mais pour mettre au jour des idées et des projets que l’histoire a effacés, qui se sont érodés ou ont été refoulés avant même d’avoir pu se concrétiser, comme autant de « futurs passés » dans les termes de Reinhart Koselleck ; à condition autrement dit d’en révéler et d’en mettre en valeur l’intempestivité. Or, cela supposait d’en revenir à ce qui est le noyau autour duquel gravitent les thèses et les combats de Kollontaï dans leur hétérogénéité, à savoir l’impératif de l’abolition de la forme-famille, corollaire indispensable du processus de dépérissement de l’État – question qui a récemment fait l’objet d’un regain d’intérêt significatif dans la pensée féministe, en témoigne une série de publications comme l’ouvrage de Sophie Lewis, Abolish the Family. A Manifesto for Care and Liberation (2022) ou celui de M.E. O’Brien, récemment traduit en français aux Éditions de la Tempête, Abolir la famille. Capitalisme et communisation du soin (2023).

Comme cherche à le démontrer Kollontaï dans un souci permanent d’historiciser les structures familiales pour dénaturaliser leur forme bourgeoise, monogamique et patriarcale, le processus de dissolution de la famille avait été entamé au sein même du monde capitaliste avec la « mise au travail » massive des femmes, des classes populaires d’abord, qui minait de l’intérieur la division sexuelle du travail productif et du travail reproductif. La société bourgeoise ne pouvait toutefois consentir à abandonner cette division qui lui fournissait ses assises. La femme épouse-mère, d’un côté, travailleuse de l’autre, se voyait imposer un double fardeau, raison pour laquelle ledit processus de dépérissement ne pourrait s’achever qu’avec l’avènement, par la révolution, de la société communiste. C’est la problématisation par Kollontaï de ce processus, et ses inlassables efforts pour y intervenir qui constitue le fil rouge de notre livre, lequel suit chronologiquement son itinéraire révolutionnaire. Le livre se donne comme premiers matériaux de travail les textes que nous a légués Kollontaï. Il repose essentiellement, pour les aspects plus strictement biographiques, sur des fragments autobiographiques de l’autrice et sur une littérature de seconde main de langue anglaise, d’une grande richesse quoique datant déjà de plusieurs décennies (Cathy Porter, Barbara Clements, Beatrice Farnsworth[1]). Ce que nous voulions faire, c’est la biographie d’une pensée, plutôt qu’une biographie intellectuelle en un sens plus classique.

Sans reprendre un par un le contenu des différents chapitres du livre, et en tâchant de le restituer de manière plus transversale, on pourrait synthétiser le programme théorique et politique d’abolition de la famille portée par Kollontaï, en disant qu’il se développe dans deux directions principales qui correspondent aux deux types de liens constitutifs de la famille. Il s’agit d’une part de révolutionner les rapports parents-enfants, et plus spécifiquement le rapport mère-fils/fille en transformant radicalement la maternité. L’objectif est d’apporter aux femmes-mères la plus grande aide dans le soin des nourrissons et des jeunes enfants et de déléguer la responsabilité de l’ensemble des tâches d’éducation et d’instruction au collectif ouvrier tout entier. Cet impératif s’inscrit dans celui plus général d’une socialisation intégrale de la reproduction, corollaire du processus de socialisation de la production et qui implique non le partage des tâches domestiques entre hommes et femmes, que Kollontaï et les Bolcheviks considèrent au mieux comme un pis-aller, que leur entière prise en charge par la société communiste en tant que telle : « Dans l’histoire de la femme, la “séparation de la cuisine et du mariage” est une réforme non moins importante que la séparation de l’Église et de l’État[2]». Il s’agit, d’autre part, de révolutionner les rapports homme-femme, en œuvrant à la destruction des relations de dépendance, non seulement matérielle-économique, mais aussi et indissociablement spirituelle-psychique qui enchaînent un sexe à l’autre. Esquissant de manière précoce une théorie du point de vue ou du positionnement, Kollontaï défend l’idée que, du fait de leur expérience intime des ressorts de l’oppression masculine et dans une situation où les hommes, aussi révolutionnaires soient-ils en politique, demeurent pour l’extrême majorité, des bourgeois en amour, les femmes sont destinées à être les fers de lance d’une révolution sexuelle en l’absence de laquelle le communisme restera un vain mot. C’est dans cette perspective qu’elle en appelle à substituer à l’amour-un du couple monogamique, ce qu’elle appelle un amour-camaraderie, fondé sur la pluralité des liens érotiques, non moins psychiques que physiques, et dont Michael Hardt a parfaitement résumé la formule : « un amour défini par la multiplicité selon deux axes : aimer beaucoup de monde de beaucoup de manières[3]».

Cette « camaraderie », Kollontaï n’en mobilise pas le nom comme élément d’une vulgate marxiste. Elle la thématise scrupuleusement jusqu’à en faire le fondement de la « morale communiste » ou de ce qu’elle appelle encore l’« éthique prolétarienne » en tant que celle-ci ne s’impose pas verticalement, mais se construit, se tisse horizontalement, de proche en proche. Selon Kollontaï, le principe de camaraderie se teste, s’éprouve d’abord dans le domaine des rapports intimes, amoureux, lesquels forment en quelque sorte le laboratoire de la société communiste toute entière. Ce que dit Kollontaï, en substance, c’est que la camaraderie, c’est d’abord de l’affect. Or, c’est également, et de manière non moins importante, sur ce plan affectif-sensible que la logique de la propriété privée qui gouverne la société capitaliste doit être combattue. En effet, cette logique régule les structures familiales bourgeoises au même titre que la sphère économique et sociale : les rapports conjugaux y sont fondés sur l’idée de la possession exclusive, en corps mais aussi en esprit, du partenaire amoureux et sexuel. À cette structure monogamique, doit se substituer selon Kollontaï un vaste réseau amoureux s’étendant tendanciellement à tout le collectif ouvrier. Similairement, il faut transformer radicalement les rapports parentaux qui, en contexte capitaliste, réservent la sollicitude et l’intérêt des parents à leur seule progéniture, et qui sont en ce sens encore des rapports de propriété : « Désormais, la travailleuse mère […] doit s’élever à ne point faire de différence entre les tiens et les miens, elle doit se rappeler qu’il n’y a que nos enfants, ceux de la cité communiste, commune à tous les travailleurs[4]». C’est par conséquent en un sens littéral qu’il faut entendre une notion qu’affectionne particulièrement Kollontaï, et dans laquelle elle voit le terme de la révolution socialiste comme révolution psychique, affective, celle de « grande famille prolétarienne ». Or, il apparaît à l’examen que, pour Kollontaï, cette famille d’un tout autre type fait retour, rejoue à une tout autre échelle l’organisation qui prévalait au sein du supposé « communisme primitif » dans laquelle la famille élargie, clanique, s’identifiait à la société tout entière. En empruntant l’hypothèse matriarcale ou gynocratique – tirée de Bachofen et Engels et en vogue à l’époque dans les mouvements féministes et au-delà –, elle soutient que les femmes occupaient dans tous les domaines (économie, politique, savoirs) une position égale, voire supérieure à celle des hommes.

Mais dès le début des années 1920, les idées de Kollontaï sont ardemment combattues après avoir été réduites à une prétendue « théorie du verre d’eau » selon laquelle, dixit Lénine brandissant le spectre d’un communisme sexuel grossier, la « satisfaction des besoins sexuels sera, dans la société communiste, aussi simple et sans plus d’importance que le fait de boire un verre d’eau[5]». Pour contrer cette pseudo-théorie du verre d’eau, des cadres du Parti et du gouvernement, comme Anatoli Lounachartski, prônent les vertus de l’abstinence sexuelle tandis qu’un psychiatre comme Aron Zalkind énonce, caricaturalement certes, « les douze commandements sexuels du prolétariat révolutionnaire » en recommandant d’œuvrer à une planification de la vie sexuelle de la population soviétique. La contre-révolution sexuelle est en cours et elle triomphera définitivement avec le Thermidor stalinien. Cette morale puritaine, antisexe, est nourri par un discours hygiéniste qui prolifère pendant et au lendemain guerre civile (1917-1921), à une période où la « santé de la population » et la lutte contre la propagation des maladies vénériennes, est considéré comme un enjeu révolutionnaire à part entière. Allant toutefois à contre-courant d’interprétations à notre sens trop binaires, nous avons cherché à montrer que les positions révolutionnaires de Kollontaï trouvaient aussi, ponctuellement, à se traduire en un néo-moralisme prônant la soumission des intérêts individuels à ceux du collectif et revendiquant les impératifs de l’« hygiène de la race ». Si c’est au nom de celle-ci que Kollontaï, renversant la rhétorique bourgeoise, défend subversivement la pratique d’une sexualité libre et épanouie, car bonne pour la santé, elle lui sert également à dénoncer ses « excès » et les formes de sexualité qu’elle qualifie de « contre-nature », sans qu’on ne sache précisément à quoi elle se réfère. De manière plus problématique encore, Kollontaï, sur la base de thèses anti-malthusiennes, assigne aux femmes un devoir de maternité, de procréation, une obligation de répondre à leur prétendue vocation naturelle, qui est aussi une tâche sociale : donner des enfants à la patrie du communisme. La reproduction de l’espèce est ainsi conçue par elle comme partie intégrante du processus de production, selon ce que nous avons appelé un bioproductivisme dont témoignent les formules suivantes, particulièrement inquiétantes :

La femme doit observer […] toutes les règles d’hygiène prescrites pendant la grossesse et se rappeler que, pendant neuf mois elle cesse d’une certaine manière de s’appartenir. Elle est en somme au service de la collectivité, et son corps “produit” un nouveau membre pour la république ouvrière. [6]

Si nous citons ici ces mots, c’est pour bien signifier que nous n’avons pas cherché dans notre livre à dissimuler les « zones d’ombre » de la pensée de Kollontaï, très rarement mises en avant dans la littérature qui lui est consacrée. Et il y en a d’autres. On ne saurait certes reprocher qu’anachroniquement à Kollontaï ne pas avoir su concevoir la prostitution comme un travail du sexe, et on peut lui reconnaître le mérite d’avoir identifié dans sa condamnation morale un pur symptôme de la duplicité hypocrite d’une bourgeoisie qui en a besoin comme d’un « paratonnerre contre la débauche ». Il n’en reste pas moins perturbant de voir Kollontaï concevoir la prostitution comme une forme, parmi d’autres il est vrai, de « désertion du travail », et partant de parasitisme, même si c’est pour déclarer que cette désertion n’est pas différente, et pas plus ni moins répréhensible que celle pratiquée par les « femmes entretenues par leur mari ou leur amant »[7]. De même, on ne peut qu’être rétrospectivement critique vis-à-vis de la stratégie-femme élaborée par Kollontaï et le Jenotdel dans les périphéries « orientales » de l’ex-empire russe : une stratégie qui consistait à éveiller la conscience soi-disant assoupie depuis des siècles des femmes musulmanes pour la retourner contre leurs oppresseurs de l’intérieur : affermir les femmes pour affaiblir les hommes. Cette stratégie faisait des femmes musulmanes un « prolétariat de substitution » ; elle réduisait symboliquement leur libération à l’acte cérémoniel du dévoilement et faisait dépendre cette émancipation, à venir, de l’émancipation, déjà actée, des féministes blanches du centre. Une hétéro-émancipation en somme qui s’oppose terme à terme à l’impératif d’auto-émancipation des femmes que n’avait pourtant cessé de prôner Kollontaï selon laquelle il ne pourrait y avoir d’émancipation effective des femmes qu’à condition que celles-ci prennent une part active, dirigent même les organisations œuvrant à cette émancipation. 

En tant que membre de l’Opposition ouvrière, Kollontaï avait courageusement étendu, contre les leaders du Parti, cette position « autonomiste » à l’ensemble de la classe ouvrière lors du débat de 1921 sur les syndicats. Celui-ci allait entériner sa marginalisation au sein des instances du pouvoir soviétique et la contraindre à quitter la Russie deux ans plus tard pour endosser des fonctions diplomatiques à l’étranger, où elle deviendra, en Norvège, la première femme ambassadrice du monde. Destin exceptionnel, sur lequel les biographes de Kollontaï aiment mettre l’accent, mais dont il ne faut pas oublier qu’il fut la conséquence d’un « exil » douloureuxqui l’avait presque entièrement privée du pouvoir d’influer sur les politiques internes du régime soviétique et l’avait forcé à mettre entre parenthèses ses aspirations les plus authentiquement révolutionnaires.

Force est cependant de reconnaître que – suivant une tension caractéristique du bolchevisme, mais nulle part plus exacerbée que chez Kollontaï, nous a-t-il paru – cet impératif d’auto-émancipation « par le bas » avait été contrebalancé par la conviction que l’État soviétique, incarné par le Parti communiste et ses idéologues, était appelé à accompagner et diriger, au sens d’abord d’orienter, « par le haut », le processus révolutionnaire, et cela en matière de transformation des rapports entre les sexes et de morale sexuelle comme ailleurs. Si une telle contradiction, encore dialectiqueau tournant des années 1920, allait bientôt se résoudre au profit du second terme, étatique, de l’opposition, il est légitime de penser que Kollontaï, quant à elle, entrevoyait et espérait une issue inverse. C’est ce que suggère un court récit utopique de 1922, le seul du genre émanant de sa plume à notre connaissance, intitulé « Bientôt (dans 48 ans) ». La scène se déroule en 1970, dans un monde qui est dépeint comme une fédération de communes autogérées, où l’État s’est évanoui au même titre que le foyer familial ; des communes où les enfants et les jeunes ont leurs propres habitations dédiées, et où les adultes « vivent de manière communale des différentes façons qui leur conviennent [8]», c’est-à-dire selon la multiplicité des combinaisons affectives et érotiques possibles, sans imposition d’un modèle unique. Ce schème communaliste, puisant des racines profondes dans l’œuvre et la vie de Kollontaï, cette dernière aura en définitive voulu l’appliquer à la nature humaine elle-même, pour qu’il régule jusqu’à la vie la plus intime, corporelle, sexuelle, psychique, des individus, et libère cette même nature, et ses « instincts » des pesantes chaînes que lui avait imposées le capitalisme ; perspective authentiquement révolutionnaire de renaturalisation de la société qui n’en était pas moins sans porter la menace d’un renversement en son contraire, une biologisation de la communauté aux conséquences potentiellement dévastatrices, ainsi que les décennies suivantes le démontreraient.


[1] Barbara E. Clements, Bolshevik Feminist. The Life of Aleksandra Kollontai, Bloomington et Londres, Indiana University Press, 1979 ; Beatrice Farnsworth, Aleksandra Kollontai. Socialism, Feminism, and the Bolshevik Revolution, Stanford, Stanford University Press, 1980 ; Cathy Porter, Alexandra Kollontai. A Biography, Londres, Virago, 1980 .

[2] Alexandra Kollontaï, Conférences sur la libération des femmes, trad. B. Spielman, Paris, La Brèche, 2022 (1921), p. 251.

[3] Michael Hardt, « Red Love », in Maria Lind, Michele Masucci et Joanna Warsza (dir.), Red Love. A Reader on Alexandra Kollontai, Stockholm et Berlin, Konstfack Collection et Sternberg Press, p. 81.

[4] Alexandra Kollontaï, « Communism and the Family » (1920), in Selected Writings, éd. et trad. A. Holt, New York et Londres, W. W. Norton & Company, 1977, p. 210.

[5] Clara Zetkin, « Souvenirs sur Lénine (suite) », Cahiers du bolchevisme, n° 29, 15 octobre 1925, p. 1995.

[6] Alexandra Kollontaï, Conférences sur la libération des femmes, op. cit., p. 258-261.

[7] Ibid., p. 219.

[8] Alexandra Kollontaï, Soon (in 48 Years’ Time), in Selected Writings, op. cit., p. 232-233.

12 à 15 ans d’attente pour des assurances à la SAQ

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S’il est minuit dans le siècle

30 mars 2024, par Rédaction
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ÉDITORIAL[1]  — Malgré les nombreuses protestations à travers le monde et dans leur propre pays, émanant de divers groupes, y compris d’organisations rassemblant des Juifs[3], plusieurs gouvernements occidentaux continuent de soutenir le gouvernement israélien. Pourtant, ils ont, et les États-Unis en particulier, les moyens de faire pression afin de faire cesser immédiatement le génocide en cours du peuple palestinien. Ce génocide accompagne les volontés de recolonisation de la bande de Gaza par l’extrême droite israélienne[4] qui a pris le prétexte des représailles des crimes inhumains commis par le Hamas le 7 octobre dernier pour la mettre en œuvre à grande échelle.

Ce constat sur l’attitude de puissances occidentales en dit long sur l’époque que nous vivons, alors que les classes dirigeantes gagnées par le néolibéralisme ont perdu le sens de l’intérêt collectif et qu’elles préfèrent continuer leurs calculs stratégiques en défense de leurs intérêts à court terme. Car qui peut ignorer que la haine et la violence alimentent le désespoir et la haine et la violence ? D’une certaine façon, Israël en est l’illustration, avec sa population prise en tenaille par un gouvernement sioniste d’extrême droite, qui instrumentalise la Shoah et prétend parler au nom des Juifs de la planète.

Les élites néolibérales, y compris lorsqu’elles flirtent avec l’extrême droite et mettent en œuvre des politiques autoritaristes, n’ignorent pas qu’une part de consentement de certaines couches de la société est nécessaire pour gouverner. Comme disait Talleyrand à Napoléon : « On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus[5] ». Les refus de certains pays, dont le Canada et le Québec, de voter une résolution appelant au cessez-le-feu à l’Assemblée des Nations unies est un non-sens criminel. Mais le soutien inconditionnel à Israël est sans doute une façon d’alléger la culpabilité de l’Europe et des États-Unis. Car, dès 1942, Roosevelt, Churchill et d’autres savaient ce qui se passait dans les camps d’extermination, mais n’ont rien fait pour arrêter la Shoah. Depuis, on laisse le sionisme développer son récit de l’histoire sur le thème : « Seul Israël peut assurer la sécurité des Juifs ». Ce qui ressemble à une gigantesque tartufferie quand on regarde la montée de l’antisémitisme un peu partout dans le monde depuis le début des représailles génocidaires[6].

Mais les classes dirigeantes n’ont-elles jamais eu une vision du bien commun quand les populations du Sud global sont en jeu ? Plus de cinq cents ans d’histoire faite de génocides des Autochtones, de traite des Noirs africains et de l’esclavage, de colonialisme, de racisme et d’antisémitisme nous ont démontré le contraire.

Aujourd’hui, lorsque l’on compare les réponses occidentales à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et celles suivant la destruction en cours de Gaza et de ses habitants par Israël, on constate qu’il n’y a aucun support gouvernemental digne de ce nom des Palestiniens et Palestiniennes. Pire, plusieurs pays occidentaux, dont le Canada, les États-Unis, l’Italie et la Grande-Bretagne ont immédiatement coupé le financement de l’UNRWA[7], un organisme des Nations unies, sur les seules allégations d’Israël au sujet d’une participation d’employés de cet organisme aux attaques du Hamas le 7 octobre. Pourtant, dans d’autres situations où des employés d’organismes de l’ONU ou des Casques bleus étaient accusés de viols et d’autres atrocités lors d’interventions, les sanctions n’ont pas été dirigées contre les organismes[8], car on arguait, avec raison, qu’il ne fallait pas confondre leur raison d’être avec le personnel employé ou mobilisé. En outre, ces allégations sont intervenues juste après qu’ait été confirmé, le 26 janvier dernier, le risque de génocide des Palestiniens par la Cour internationale de justice, qui avait été saisie par des avocats de l’Afrique du Sud, ce pays où la population noire a mis fin à l’apartheid. Or, l’arrêt du financement de l’UNRWA va transformer le risque de génocide des Palestiniens en réalité.

L’UNRWA joue en effet un rôle essentiel dans la survie du peuple gazaoui qui, en plus des bombardements, subit la soif, la famine et les épidémies en raison du blocus en eau, nourriture, électricité et essence imposé par Israël. Car Israël contrôle tout dans la bande de Gaza. C’est son gouvernement et son administration, ses services secrets, son armée qui décident de tout ce qui se passe à Gaza, et même de qui peut travailler pour l’UNRWA ou bénéficier d’une autorisation pour rejoindre sa famille en France ou au Canada !

Pour les gouvernements occidentaux qui ont choisi de refuser de réclamer un cessez-le-feu immédiat, toutes les vies n’ont pas la même valeur. C’est ce qu’on retiendra au-delà des calculs stratégiques de Biden et de ses conseillers qui ne veulent pas donner l’impression qu’ils ne soutiennent plus Israël – ce qui risque par ailleurs de saper les chances que le Parti démocrate l’emporte sur Trump. Les États-Unis ont, il est vrai, durci leur discours, puis annoncé des sanctions contre les colons israéliens qui, profitant du chaos régnant, sévissent brutalement et souvent mortellement en Cisjordanie. Mais selon cette stratégie des petits pas diplomatiques, qui demande du temps, les Palestiniens font figure de « dommages collatéraux ». Cela est inadmissible, même si Biden et son administration prennent soin de ne pas confondre la population israélienne avec son gouvernement, et préfèrent attendre que Netanyahou soit obligé de partir pour mettre en œuvre un cessez-le-feu et la solution à deux États prévue par l’ONU depuis 1947 et prémisse des accords d’Oslo en 1993. Si tant est que cette solution soit encore viable, alors que c’est Netanyahou lui-même et sa clique d’extrême droite qui ont aidé le développement du Hamas – dont on ne peut ignorer les méthodes de gestion par la terreur sur la bande de Gaza[9] – parce qu’ils misaient sur le fait que le Hamas, qui était comme eux opposé à ces accords, les fasse échouer. Ces accords représentaient pourtant d’importants reculs par rapport aux aspirations des Palestiniens à reconquérir leur territoire de 1967[10]. Ils résultaient notamment du soutien inconditionnel des États-Unis et d’autres puissances occidentales pour Israël, mais aussi du manque de vision politique de Yasser Arafat, dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine, majoritaire à l’époque parmi les Palestiniens, et de l’absence d’un réel appui des gouvernements des pays arabes. Malgré de grandes déclarations, ces derniers ont plus souvent laissé les Palestiniens à leur sort, quand ils ne les ont pas réprimés, préférant normaliser leurs relations avec Israël et l’Occident.

Combien de temps encore avant que les Israéliennes et les Israéliens ne mettent Netanyahou à la porte ? Car la majorité enrage contre leur premier ministre depuis leur mobilisation massive contre un projet de réforme judiciaire antidémocratique, bien avant le 7 octobre. Mais critiquer les politiques n’était plus dans les priorités depuis le 7 octobre, hormis pour celles et ceux qui risquent leur propre vie pour documenter et défendre les Palestiniennes et les Palestiniens de Cisjordanie contre les crimes qui se multiplient de la part des colons israéliens. En partie sous l’emprise d’un Netanyahou qui gouverne « par la peur[11] », la population est surtout focalisée sur les otages encore détenus par le Hamas et ses satellites, et sur les crimes commis le 7 octobre dernier, que certains vont jusqu’à qualifier de nouvelle Shoah, pratiquant aussi du coup une « autre forme de révisionnisme », comme le remarque Laurel Leff dans Haaretz[12], le seul journal israélien qui maintient une volonté critique d’information. Mais dans leur majorité, les Israéliens semblent indifférents au sort des Palestiniens. Quelques centaines ont toutefois manifesté le 18 janvier dernier à Tel-Aviv, pour réclamer un cessez-le-feu, expliquant notamment que « la guerre est mauvaise pour les Israéliens et pour les Palestiniens », mais « bonne pour le Hamas et pour Bibi[13] ». On est loin cependant des dizaines de milliers de manifestantes et manifestants qui défilaient au cours d’époques précédentes pour la paix avec les Palestiniens[14]. Selon un manifestant, le 18 janvier, la plupart des Israéliens « soit ne veulent pas comprendre ce qui se passe à Gaza, soit préfèrent détourner les yeux[15] ». Cela changera-t-il avec la reprise, début février, de manifestations contre le gouvernement Netanyahou, dont les prises de position reposent sur les mêmes soubassements racistes, xénophobes et colonialistes que les discours ou des lois anti-immigrants portés par une partie de l’extrême droite européenne ?

Dans un message (post) qui circulait sur Facebook en ce début d’année, il était écrit : « Ce qui est mort à Gaza, c’est l’idée que l’Occident incarnait l’humanité et la démocratie[16] ». Historiquement parlant, cette idée est morte avant, en 1942, et encore avant, pendant les siècles de domination coloniale qui ont précédé. La différence aujourd’hui, c’est que le génocide se déroule en direct, documenté par des journalistes palestiniens qui perdent la vie[17], les uns après les autres, dans ce combat destiné à informer et à restituer un nom, une voix et une histoire à ces dizaines de milliers d’êtres humains, femmes et enfants en premier lieu, qui sont morts ou mutilés.

La différence tient aussi dans le fait que les populations, qu’elles soient au Sud ou au Nord, sont plus sensibles aux enjeux. Les aspirations à l’égalité et à la démocratie se sont élargies pour intégrer une vision intersectionnelle des dominations et une conscience des rapports de pouvoir Nord-Sud – en témoigne l’ampleur des manifestations pour le cessez-le-feu, notamment dans ces pays occidentaux conduits par un néolibéralisme ravageur pour les pauvres, les minorités ou groupes minorés et les femmes. Dès lors, on peut croire en la capacité des êtres humains à se saisir de cette relativisation de l’héritage occidental pour poursuivre et mettre en pratique d’autres visions du monde.

En attendant, nous sommes dans ce moment dont parlait Gramsci lorsque l’Italie était dirigée par Mussolini et que le fascisme faisait des émules : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaitre et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Cela, avec des conséquences désastreuses en termes de vies humaines.

Par Carole Yerochewski, pour le comité de rédaction[2]


NOTES

  1. Ce titre est celui d’un livre écrit en 1939 par Victor Serge, anarchiste gagné au trotskysme pendant la Révolution russe, qui a été emprisonné par Staline et qui dénonce cette machine à broyer les êtres humains, en redonnant un visage et un nom à ces opposantes et opposants qui mourraient dans l’anonymat, comme meurent aujourd’hui tant de Palestiniennes et de Palestiniens broyés par les bombes de l’armée israélienne.
  2. Carole Yerochewski et le comité de rédaction remercient Rabih Jamil pour sa participation à la réflexion qui a conduit à l’écriture de cet éditorial.
  3. Comme Voix juives indépendantes Canada, et d’organisations ou représentants et représentantes de Juifs sionistes, selon les pays, notamment aux États-Unis.
  4. Rania Massoud, « En Israël, l’extrême droite rêve tout haut à la recolonisation de Gaza », Radio-Canada, 22 décembre 2023.
  5. « Sauf s’asseoir dessus » exprimait le fait qu’on ne peut se reposer sur la force, c’est-à-dire gouverner sans craindre ou risquer des protestations et des contre-réactions à cette violence.
  6. L’antisémitisme et le racisme anti-arabe ont décuplé ces derniers mois un peu partout. Voir à ce sujet :Tamara Alteresco, « Montée de l’antisémitisme en France », reportage de Radio-Canada, 6 novembre 2023 ; Oona Barrett, « Comprendre la montée de l’antisémitisme », Pivot, 17 novembre 2023 ; « Deux expertes de l’ONU dénoncent la montée de l’antisémitisme et de l’islamophobie dans le monde », ONU info, 22 décembre 2023.
  7. UNRWA : United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East; en français, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient.
  8. Human Rights Watch, « République centrafricaine : Des viols commis par des Casques bleus », 4 février 2016, <https://www.hrw.org/fr/news/2016/02/04/republique-centrafricaine-des-viols-commis-par-des-casques-bleus>.
  9. Voir un état des lieux par Amnistie internationale ; Voir aussi : AFP et Le Figaro, « Gaza : un émissaire de l’ONU condamne la répression par le Hamas de manifestations », 17 mars 2019.
  10. Voir l’analyse d’Edward Saïd, « Au lendemain d’Oslo », 1993, dans lequel il rappelle les conditions pour mettre en œuvre une autodétermination palestinienne, un objectif oublié dans les discours actuels : <https://blogs.mediapart.fr/t-allal/blog/260124/pour-memoire-au-lendemain-doslo-dedward-said>.
  11. Netanyahou a été désigné comme « le plus grand marchand de peur de l’histoire d’Israël » par le journal Haaretz, qui sous-titre « Comment les tactiques de peur de Netanyahou manipulent les Israéliens », 27 janvier 2024.
  12. Laurel Leff, « Comment la Nakba a éclipsé l’Holocauste dans les médias américains depuis le 7 octobre », Haaretz, 10 décembre 2023.
  13. Surnom du premier ministre Benjamin Netanyahou.
  14. Voir La Paix maintenant, un mouvement extra-parlementaire israélien : <https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Paix_maintenant>.
  15. Voir Aya Batrawy, « Israeli protesters demand Gaza cease-fire in rare anti-war march through Tel-Aviv », Wamu 88.5, 19 janvier 2024, < https://wamu.org/story/24/01/19/israeli-protesters-demand-gaza-cease-fire-in-rare-anti-war-march-through-tel-aviv/>.
  16. Notre traduction.
  17. Plus de 80 journalistes sont morts depuis le début des représailles. Voir Yunnes Abzouz et Rachida El Azzouzi, « Journalistes tués en Palestine : comment et pourquoi Mediapart a enquêté », 11 février 2024, <https://www.mediapart.fr/journal/international/110224/journalistes-tues-en-palestine-comment-et-pourquoi-mediapart-enquete>. Une veillée en leur honneur a été organisée le 11 janvier dernier à Montréal par Palestinian Youth Movement avec la participation de plusieurs organisations dont Voix juives indépendantes.

 

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KOLLONTAÏ. Défaire la famille, refaire l’amour

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Archives Révolutionnaires : À l’occasion de leur tournée des bonnes librairies de France dans le cadre du lancement de leur livre Kollontaï. Défaire la famille, refaire l’amour (Éd. La Fabrique, 2024), Matthieu Renault et Olga Bronnikova nous ont fait parvenir un texte d’introduction à leur ouvrage. Tirées de leurs notes de présentation, l’autrice et l’auteur reviennent sur la contribution de la pensée d’Alexandra Kollontaï au féminisme révolutionnaire. Leur démarche se propose de situer Kollontaï dans son contexte historique, marqué par les Révolutions russes. Il et elle identifient les forces de son travail pionnier, notamment le thème de l’abolition de la forme-famille, sans manquer de pointer ce qui leur semble des écueils en regard de la pensée féministe contemporaine, dont celui du « bioproductivisme ». Renault et Bronnikova font le pari d’un retour critique à Kollontaï, faisant valoir l’actualité de son œuvre, autant sur un plan intellectuel que stratégique.

Matthieu Renault et Olga Bronnikova

Pourquoi lire ou relire aujourd’hui une féministe du début du XXe siècle, russe, marxiste, bolchevique, comme Alexandra Kollontaï ? On peut pour commencer donner une double réponse. Premièrement, et tout simplement, parce qu’elle est une figure largement oubliée, et néanmoins nodale dans la longue généalogie mondiale du féminisme, et parce qu’au-delà de toute préoccupation d’antiquaire, l’immense tâche, en cours, de reconstitution des archives du féminisme est partie intégrante d’une lutte, à laquelle nous voulions modestement apporter notre contribution avec les connaissances dont nous disposions. Deuxièmement, parce qu’il suffit de feuilleter un livre de Kollontaï (disons par exemple le recueil Marxisme et révolution sexuelle, publié il y a déjà un demi-siècle aux éditions Maspero dans la foulée de Mai 68), pour se rendre compte qu’y est déjà formulé tout un ensemble d’idées, de mots d’ordre et de perspectives de lutte que les féminismes matérialistes et marxistes – des décennies 1960-1970 et suivantes, jusqu’aujourd’hui – reprendront, réactualiseront et approfondiront. Ne cachons cependant pas, et il convient de le reconnaître d’emblée, que si l’on s’en tient au seul point de vue d’une Kollontaï vue comme précurseure, au féminin, ou pionnière de la théorie féministe contemporaine, on sera peut-être déçu tant les développements de ladite théorie au cours du dernier siècle ont été prodigieux. Si on endosse de telles lunettes « progressistes », les thèses de Kollontaï pourront sembler lacunaires, parfois problématiques, du fait par exemple de leur hétéronormativité jamais remise en question, bref en partie datées, dépassées.

Cependant, et telle était notre hypothèse directrice, ce qui fait l’intérêt et toute l’originalité, aujourd’hui encore, de la pensée et de la trajectoire de Kollontaï se situe ailleurs. Ils résident d’abord dans le fait qu’on est, avec Kollontaï, en présence d’une contribution majeure à ce qu’on peut appeler la tradition des féminismes en révolution. Toutes choses égales par ailleurs, et pour prendre un exemple mieux connu, cela avait été le cas avec les écrits d’Olympe de Gouges au cours de la Révolution française. Le féminisme de Kollontaï émerge au lendemain de la révolution inachevée de 1905 et atteint son point culminant au cours de la Révolution de 1917 dont elle est une actrice de premier plan, occupant notamment la fonction de Commissaire du peuple à l’Assistance publique (ministre de la Santé) dans le premier gouvernement soviétique. On est plus précisément en présence d’une tentative, semée d’embûches, pour articuler étroitement révolution sociale – prolétarienne en l’occurrence – et lutte pour l’émancipation des femmes. Or, ce que nous avons trouvé chez Kollontaï, c’est une volonté indéfectible de faire du combat féministe une partie intégrante du processus révolutionnaire général, mais aussi, et non moins essentiellement une partie douée d’autonomie à la fois pratique et théorique ; perspective qui remettait fondamentalement en cause les rapports de subordination entre les luttes, la hiérarchie des priorités révolutionnaires, et l’idée aussi fruste que répandue que l’émancipation des femmes, conçue comme secondaire, découlerait mécaniquement de celle de la classe ouvrière.

Le Département des femmes du Parti bolchevique, le Jenotdel, fondé en 1919, fut l’incarnation même de cette volonté tenace. Mais cette dernière ne s’était pas moins continuellement heurtée aux résistances d’une majorité des hommes et d’une partie des femmes du Parti (social-démocrate d’abord, bolchevique ensuite) qui ne voyaient là que dangereuses concessions faites au féminisme en tant qu’idéologie bourgeoise. Notons que Kollontaï elle-même a toujours rejeté le terme de « féminisme », et ce qu’elle considérait être son principal mot d’ordre « femmes de toutes les classes de la population, unissez-vous ! ». Ce qui n’empêche pas a posteriori de lui appliquer le terme dans son acception contemporaine, autrement plus large, pour voir en elle, une instigatrice, aux côtés de Clara Zetkin, du féminisme socialiste. De ce point de vue, la trajectoire révolutionnaire de Kollontaï nous semblait potentiellement porteuse d’enseignements pour les débats qui animent aujourd’hui encore la gauche radicale, et ainsi dotée d’une puissante actualité sur le plan stratégique.

Mais, au-delà de cette dimension, un principe directeur de la conception et de la rédaction de notre livre a émané de la conviction qu’on ne pourrait pleinement saisir l’actualité de la pensée de Kollontaï qu’à condition d’en ressaisir l’inactualité, non bien sûr pour collectionner les fragments d’un passé dépassé, mais pour mettre au jour des idées et des projets que l’histoire a effacés, qui se sont érodés ou ont été refoulés avant même d’avoir pu se concrétiser, comme autant de « futurs passés » dans les termes de Reinhart Koselleck ; à condition autrement dit d’en révéler et d’en mettre en valeur l’intempestivité. Or, cela supposait d’en revenir à ce qui est le noyau autour duquel gravitent les thèses et les combats de Kollontaï dans leur hétérogénéité, à savoir l’impératif de l’abolition de la forme-famille, corollaire indispensable du processus de dépérissement de l’État – question qui a récemment fait l’objet d’un regain d’intérêt significatif dans la pensée féministe, en témoigne une série de publications comme l’ouvrage de Sophie Lewis, Abolish the Family. A Manifesto for Care and Liberation (2022) ou celui de M.E. O’Brien, récemment traduit en français aux Éditions de la Tempête, Abolir la famille. Capitalisme et communisation du soin (2023).

Comme cherche à le démontrer Kollontaï dans un souci permanent d’historiciser les structures familiales pour dénaturaliser leur forme bourgeoise, monogamique et patriarcale, le processus de dissolution de la famille avait été entamé au sein même du monde capitaliste avec la « mise au travail » massive des femmes, des classes populaires d’abord, qui minait de l’intérieur la division sexuelle du travail productif et du travail reproductif. La société bourgeoise ne pouvait toutefois consentir à abandonner cette division qui lui fournissait ses assises. La femme épouse-mère, d’un côté, travailleuse de l’autre, se voyait imposer un double fardeau, raison pour laquelle ledit processus de dépérissement ne pourrait s’achever qu’avec l’avènement, par la révolution, de la société communiste. C’est la problématisation par Kollontaï de ce processus, et ses inlassables efforts pour y intervenir qui constitue le fil rouge de notre livre, lequel suit chronologiquement son itinéraire révolutionnaire. Le livre se donne comme premiers matériaux de travail les textes que nous a légués Kollontaï. Il repose essentiellement, pour les aspects plus strictement biographiques, sur des fragments autobiographiques de l’autrice et sur une littérature de seconde main de langue anglaise, d’une grande richesse quoique datant déjà de plusieurs décennies (Cathy Porter, Barbara Clements, Beatrice Farnsworth[1]). Ce que nous voulions faire, c’est la biographie d’une pensée, plutôt qu’une biographie intellectuelle en un sens plus classique.

Sans reprendre un par un le contenu des différents chapitres du livre, et en tâchant de le restituer de manière plus transversale, on pourrait synthétiser le programme théorique et politique d’abolition de la famille portée par Kollontaï, en disant qu’il se développe dans deux directions principales qui correspondent aux deux types de liens constitutifs de la famille. Il s’agit d’une part de révolutionner les rapports parents-enfants, et plus spécifiquement le rapport mère-fils/fille en transformant radicalement la maternité. L’objectif est d’apporter aux femmes-mères la plus grande aide dans le soin des nourrissons et des jeunes enfants et de déléguer la responsabilité de l’ensemble des tâches d’éducation et d’instruction au collectif ouvrier tout entier. Cet impératif s’inscrit dans celui plus général d’une socialisation intégrale de la reproduction, corollaire du processus de socialisation de la production et qui implique non le partage des tâches domestiques entre hommes et femmes, que Kollontaï et les Bolcheviks considèrent au mieux comme un pis-aller, que leur entière prise en charge par la société communiste en tant que telle : « Dans l’histoire de la femme, la “séparation de la cuisine et du mariage” est une réforme non moins importante que la séparation de l’Église et de l’État[2]». Il s’agit, d’autre part, de révolutionner les rapports homme-femme, en œuvrant à la destruction des relations de dépendance, non seulement matérielle-économique, mais aussi et indissociablement spirituelle-psychique qui enchaînent un sexe à l’autre. Esquissant de manière précoce une théorie du point de vue ou du positionnement, Kollontaï défend l’idée que, du fait de leur expérience intime des ressorts de l’oppression masculine et dans une situation où les hommes, aussi révolutionnaires soient-ils en politique, demeurent pour l’extrême majorité, des bourgeois en amour, les femmes sont destinées à être les fers de lance d’une révolution sexuelle en l’absence de laquelle le communisme restera un vain mot. C’est dans cette perspective qu’elle en appelle à substituer à l’amour-un du couple monogamique, ce qu’elle appelle un amour-camaraderie, fondé sur la pluralité des liens érotiques, non moins psychiques que physiques, et dont Michael Hardt a parfaitement résumé la formule : « un amour défini par la multiplicité selon deux axes : aimer beaucoup de monde de beaucoup de manières[3]».

Cette « camaraderie », Kollontaï n’en mobilise pas le nom comme élément d’une vulgate marxiste. Elle la thématise scrupuleusement jusqu’à en faire le fondement de la « morale communiste » ou de ce qu’elle appelle encore l’« éthique prolétarienne » en tant que celle-ci ne s’impose pas verticalement, mais se construit, se tisse horizontalement, de proche en proche. Selon Kollontaï, le principe de camaraderie se teste, s’éprouve d’abord dans le domaine des rapports intimes, amoureux, lesquels forment en quelque sorte le laboratoire de la société communiste toute entière. Ce que dit Kollontaï, en substance, c’est que la camaraderie, c’est d’abord de l’affect. Or, c’est également, et de manière non moins importante, sur ce plan affectif-sensible que la logique de la propriété privée qui gouverne la société capitaliste doit être combattue. En effet, cette logique régule les structures familiales bourgeoises au même titre que la sphère économique et sociale : les rapports conjugaux y sont fondés sur l’idée de la possession exclusive, en corps mais aussi en esprit, du partenaire amoureux et sexuel. À cette structure monogamique, doit se substituer selon Kollontaï un vaste réseau amoureux s’étendant tendanciellement à tout le collectif ouvrier. Similairement, il faut transformer radicalement les rapports parentaux qui, en contexte capitaliste, réservent la sollicitude et l’intérêt des parents à leur seule progéniture, et qui sont en ce sens encore des rapports de propriété : « Désormais, la travailleuse mère […] doit s’élever à ne point faire de différence entre les tiens et les miens, elle doit se rappeler qu’il n’y a que nos enfants, ceux de la cité communiste, commune à tous les travailleurs[4]». C’est par conséquent en un sens littéral qu’il faut entendre une notion qu’affectionne particulièrement Kollontaï, et dans laquelle elle voit le terme de la révolution socialiste comme révolution psychique, affective, celle de « grande famille prolétarienne ». Or, il apparaît à l’examen que, pour Kollontaï, cette famille d’un tout autre type fait retour, rejoue à une tout autre échelle l’organisation qui prévalait au sein du supposé « communisme primitif » dans laquelle la famille élargie, clanique, s’identifiait à la société tout entière. En empruntant l’hypothèse matriarcale ou gynocratique – tirée de Bachofen et Engels et en vogue à l’époque dans les mouvements féministes et au-delà –, elle soutient que les femmes occupaient dans tous les domaines (économie, politique, savoirs) une position égale, voire supérieure à celle des hommes.

Mais dès le début des années 1920, les idées de Kollontaï sont ardemment combattues après avoir été réduites à une prétendue « théorie du verre d’eau » selon laquelle, dixit Lénine brandissant le spectre d’un communisme sexuel grossier, la « satisfaction des besoins sexuels sera, dans la société communiste, aussi simple et sans plus d’importance que le fait de boire un verre d’eau[5]». Pour contrer cette pseudo-théorie du verre d’eau, des cadres du Parti et du gouvernement, comme Anatoli Lounachartski, prônent les vertus de l’abstinence sexuelle tandis qu’un psychiatre comme Aron Zalkind énonce, caricaturalement certes, « les douze commandements sexuels du prolétariat révolutionnaire » en recommandant d’œuvrer à une planification de la vie sexuelle de la population soviétique. La contre-révolution sexuelle est en cours et elle triomphera définitivement avec le Thermidor stalinien. Cette morale puritaine, antisexe, est nourri par un discours hygiéniste qui prolifère pendant et au lendemain guerre civile (1917-1921), à une période où la « santé de la population » et la lutte contre la propagation des maladies vénériennes, est considéré comme un enjeu révolutionnaire à part entière. Allant toutefois à contre-courant d’interprétations à notre sens trop binaires, nous avons cherché à montrer que les positions révolutionnaires de Kollontaï trouvaient aussi, ponctuellement, à se traduire en un néo-moralisme prônant la soumission des intérêts individuels à ceux du collectif et revendiquant les impératifs de l’« hygiène de la race ». Si c’est au nom de celle-ci que Kollontaï, renversant la rhétorique bourgeoise, défend subversivement la pratique d’une sexualité libre et épanouie, car bonne pour la santé, elle lui sert également à dénoncer ses « excès » et les formes de sexualité qu’elle qualifie de « contre-nature », sans qu’on ne sache précisément à quoi elle se réfère. De manière plus problématique encore, Kollontaï, sur la base de thèses anti-malthusiennes, assigne aux femmes un devoir de maternité, de procréation, une obligation de répondre à leur prétendue vocation naturelle, qui est aussi une tâche sociale : donner des enfants à la patrie du communisme. La reproduction de l’espèce est ainsi conçue par elle comme partie intégrante du processus de production, selon ce que nous avons appelé un bioproductivisme dont témoignent les formules suivantes, particulièrement inquiétantes :

La femme doit observer […] toutes les règles d’hygiène prescrites pendant la grossesse et se rappeler que, pendant neuf mois elle cesse d’une certaine manière de s’appartenir. Elle est en somme au service de la collectivité, et son corps “produit” un nouveau membre pour la république ouvrière. [6]

Si nous citons ici ces mots, c’est pour bien signifier que nous n’avons pas cherché dans notre livre à dissimuler les « zones d’ombre » de la pensée de Kollontaï, très rarement mises en avant dans la littérature qui lui est consacrée. Et il y en a d’autres. On ne saurait certes reprocher qu’anachroniquement à Kollontaï ne pas avoir su concevoir la prostitution comme un travail du sexe, et on peut lui reconnaître le mérite d’avoir identifié dans sa condamnation morale un pur symptôme de la duplicité hypocrite d’une bourgeoisie qui en a besoin comme d’un « paratonnerre contre la débauche ». Il n’en reste pas moins perturbant de voir Kollontaï concevoir la prostitution comme une forme, parmi d’autres il est vrai, de « désertion du travail », et partant de parasitisme, même si c’est pour déclarer que cette désertion n’est pas différente, et pas plus ni moins répréhensible que celle pratiquée par les « femmes entretenues par leur mari ou leur amant »[7]. De même, on ne peut qu’être rétrospectivement critique vis-à-vis de la stratégie-femme élaborée par Kollontaï et le Jenotdel dans les périphéries « orientales » de l’ex-empire russe : une stratégie qui consistait à éveiller la conscience soi-disant assoupie depuis des siècles des femmes musulmanes pour la retourner contre leurs oppresseurs de l’intérieur : affermir les femmes pour affaiblir les hommes. Cette stratégie faisait des femmes musulmanes un « prolétariat de substitution » ; elle réduisait symboliquement leur libération à l’acte cérémoniel du dévoilement et faisait dépendre cette émancipation, à venir, de l’émancipation, déjà actée, des féministes blanches du centre. Une hétéro-émancipation en somme qui s’oppose terme à terme à l’impératif d’auto-émancipation des femmes que n’avait pourtant cessé de prôner Kollontaï selon laquelle il ne pourrait y avoir d’émancipation effective des femmes qu’à condition que celles-ci prennent une part active, dirigent même les organisations œuvrant à cette émancipation. 

En tant que membre de l’Opposition ouvrière, Kollontaï avait courageusement étendu, contre les leaders du Parti, cette position « autonomiste » à l’ensemble de la classe ouvrière lors du débat de 1921 sur les syndicats. Celui-ci allait entériner sa marginalisation au sein des instances du pouvoir soviétique et la contraindre à quitter la Russie deux ans plus tard pour endosser des fonctions diplomatiques à l’étranger, où elle deviendra, en Norvège, la première femme ambassadrice du monde. Destin exceptionnel, sur lequel les biographes de Kollontaï aiment mettre l’accent, mais dont il ne faut pas oublier qu’il fut la conséquence d’un « exil » douloureux qui l’avait presque entièrement privée du pouvoir d’influer sur les politiques internes du régime soviétique et l’avait forcé à mettre entre parenthèses ses aspirations les plus authentiquement révolutionnaires.

Force est cependant de reconnaître que – suivant une tension caractéristique du bolchevisme, mais nulle part plus exacerbée que chez Kollontaï, nous a-t-il paru – cet impératif d’auto-émancipation « par le bas » avait été contrebalancé par la conviction que l’État soviétique, incarné par le Parti communiste et ses idéologues, était appelé à accompagner et diriger, au sens d’abord d’orienter, « par le haut », le processus révolutionnaire, et cela en matière de transformation des rapports entre les sexes et de morale sexuelle comme ailleurs. Si une telle contradiction, encore dialectique au tournant des années 1920, allait bientôt se résoudre au profit du second terme, étatique, de l’opposition, il est légitime de penser que Kollontaï, quant à elle, entrevoyait et espérait une issue inverse. C’est ce que suggère un court récit utopique de 1922, le seul du genre émanant de sa plume à notre connaissance, intitulé « Bientôt (dans 48 ans) ». La scène se déroule en 1970, dans un monde qui est dépeint comme une fédération de communes autogérées, où l’État s’est évanoui au même titre que le foyer familial ; des communes où les enfants et les jeunes ont leurs propres habitations dédiées, et où les adultes « vivent de manière communale des différentes façons qui leur conviennent[8]», c’est-à-dire selon la multiplicité des combinaisons affectives et érotiques possibles, sans imposition d’un modèle unique. Ce schème communaliste, puisant des racines profondes dans l’œuvre et la vie de Kollontaï, cette dernière aura en définitive voulu l’appliquer à la nature humaine elle-même, pour qu’il régule jusqu’à la vie la plus intime, corporelle, sexuelle, psychique, des individus, et libère cette même nature, et ses « instincts » des pesantes chaînes que lui avait imposées le capitalisme ; perspective authentiquement révolutionnaire de renaturalisation de la société qui n’en était pas moins sans porter la menace d’un renversement en son contraire, une biologisation de la communauté aux conséquences potentiellement dévastatrices, ainsi que les décennies suivantes le démontreraient.


[1] Barbara E. Clements, Bolshevik Feminist. The Life of Aleksandra Kollontai, Bloomington et Londres, Indiana University Press, 1979 ; Beatrice Farnsworth, Aleksandra Kollontai. Socialism, Feminism, and the Bolshevik Revolution, Stanford, Stanford University Press, 1980 ; Cathy Porter, Alexandra Kollontai. A Biography, Londres, Virago, 1980 .

[2] Alexandra Kollontaï, Conférences sur la libération des femmes, trad. B. Spielman, Paris, La Brèche, 2022 (1921), p. 251.

[3] Michael Hardt, « Red Love », in Maria Lind, Michele Masucci et Joanna Warsza (dir.), Red Love. A Reader on Alexandra Kollontai, Stockholm et Berlin, Konstfack Collection et Sternberg Press, p. 81.

[4] Alexandra Kollontaï, « Communism and the Family » (1920), in Selected Writings, éd. et trad. A. Holt, New York et Londres, W. W. Norton & Company, 1977, p. 210.

[5] Clara Zetkin, « Souvenirs sur Lénine (suite) », Cahiers du bolchevisme, n° 29, 15 octobre 1925, p. 1995.

[6] Alexandra Kollontaï, Conférences sur la libération des femmes, op. cit., p. 258-261.

[7] Ibid., p. 219.

[8] Alexandra Kollontaï, Soon (in 48 Years’ Time), in Selected Writings, op. cit., p. 232-233.

La diversité, un argument de vente

28 mars 2024, par Marc Simard
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Le tabou autour de l’antisémitisme sème la discorde et crée des malentendus – Fabienne Pésentey à Upop

28 mars 2024, par Amina Diallo
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Amina Diallo, (article maj le 1er avril) Fabienne Pésentey vit à Montréal. Elle est membre fondatrice de Voix juives indépendantes (VJI). Lors de son exposé dans le cadre des conférences d’UPop sur la Palestine, jeudi dernier 21 mars au café Les oubliettes, elle a présenté comment se définit (...)

Déserts alimentaires à Saint-André-de-Kamouraska ?

26 mars 2024, par Marc Simard
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Le 20 mars, Le Dep du village de Saint-André-de-Kamouraska a mis un terme à ses opérations. Ce dépanneur était le (…)

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local Le 20 mars, Le Dep du village de Saint-André-de-Kamouraska a mis un terme à ses opérations. Ce dépanneur était le fruit d’un groupe de citoyennes et citoyens portant comme souhait d’offrir des services essentiels au sein de leur (…)

Les tribunaux canadiens défendent la vente de terres dans une colonie illégale

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Le 5 mars, lors d'une manifestation contre des méga-compagnies immobilières israéliennes qui vendent des projets de construction dans des colonies illégales, un groupe (…)

Le 5 mars, lors d'une manifestation contre des méga-compagnies immobilières israéliennes qui vendent des projets de construction dans des colonies illégales, un groupe d'organisations communautaires, dont Voix juives indépendantes (VJI), a reçu une injonction leur interdisant de manifester (...)

Diomaye Faye promet de réduire la souffrance du peuple sénégalais

26 mars 2024, par Serigne Sarr
Sérigne Sarr, correspondant à Dakar L’élection présidentielle au Sénégal du 24 mars dernier a marqué un tournant historique pour le pays. Bassirou Diomaye Faye, le candidat de (…)

Sérigne Sarr, correspondant à Dakar L’élection présidentielle au Sénégal du 24 mars dernier a marqué un tournant historique pour le pays. Bassirou Diomaye Faye, le candidat de l’opposition, a remporté la présidence dès le premier tour, promettant de réduire la souffrance des Sénégalais.es et (...)

Rompre avec la croissance capitaliste, pour une alternative écosocialiste

26 mars 2024, par Comité international de la Quatrième internationale — ,
Introduction INTR.1.1. Ce Manifeste est un document de la Quatrième Internationale, fondée en 1938 par Léon Trotsky et ses camarades pour sauver l'héritage de la Révolution (…)

Introduction

INTR.1.1. Ce Manifeste est un document de la Quatrième Internationale, fondée en 1938 par Léon Trotsky et ses camarades pour sauver l'héritage de la Révolution d'Octobre du désastre stalinien. Refusant un dogmatisme stérile, la IVe Internationale a intégré dans sa réflexion et sa pratique les défis des mouvements sociaux et de la crise écologique. Ses forces sont limitées, mais elles sont présentes sur tous les continents et ont activement contribué à la résistance au nazisme, à Mai 68 en France, à la solidarité avec les luttes anticoloniales (Algérie, Vietnam), à l'essor du mouvement altermondialiste et au développement de l'écosocialisme.
La IVe Internationale ne se considère pas comme la seule avant-garde ; elle participe, dans la mesure de ses forces, à de larges formations anticapitalistes. Son objectif est de contribuer à la formation d'une nouvelle Internationale, à caractère de masse, dont elle serait l'une des composantes.

INTR.1.2. Notre époque est celle d'une double crise historique : la crise de l'alternative socialiste face à la crise multiforme de la "civilisation" capitaliste.

INTR.1.3 Si la IVe Internationale publie ce Manifeste en 2025, c'est parce que nous sommes convaincu·es que le processus de révolution écosocialiste à différentes échelles territoriales, mais à dimension planétaire, est plus que jamais nécessaire : il s'agit désormais non seulement de mettre fin aux régressions sociales et démocratiques qui accompagnent l'expansion capitaliste mondiale, mais aussi de sauver l'humanité d'une catastrophe écologique sans précédent dans l'histoire humaine. Ces deux objectifs sont inextricablement liés.

INTR.1.4. Cependant, le projet socialiste qui est à la base de nos propositions nécessite une large refondation nourrie par l'évaluation pluraliste des expériences et par les grands mouvements de lutte contre toutes les formes de domination et d'oppression (classe, genre, communautés nationales dominées, etc.). Le socialisme que nous proposons est radicalement différent des modèles qui ont dominé le siècle dernier ou de tout régime étatiste ou dictatorial : c'est un projet révolutionnaire, radicalement démocratique, nourri par l'apport des luttes féministes, écologiques, antiracistes, anticolonialistes, antimilitaristes et LGBTQI.

INTR. 1.5. Nous utilisons le terme d'écosocialisme depuis quelques décennies, car nous sommes convaincus que les menaces et les défis globaux posés par la crise écologique doivent imprégner toutes les luttes au sein de/ contre l'ordre globalisé existant et nécessitent une reformulation du projet socialiste. La relation avec notre planète, le dépassement de la "fracture métabolique" (Marx) entre les sociétés humaines et leur milieu de vie, le respect des équilibres écologiques de la planète ne sont pas seulement des chapitres de notre programme et de notre stratégie, mais leur fil conducteur.

INTR.1.6. La nécessité d'actualiser les analyses du marxisme révolutionnaire a toujours inspiré l'action et la pensée de la Quatrième Internationale. Nous poursuivons cette démarche dans notre travail de rédaction de ce Manifeste écosocialiste : nous voulons contribuer à la formulation d'une perspective révolutionnaire capable d'affronter les défis du XXIe siècle. Une perspective qui s'inspire des luttes sociales et écologiques, et des réflexions critiques authentiquement anticapitalistes qui se développent dans le monde.

1. La nécessité objective d'une révolution écosocialiste, antiraciste, antimilitariste, anticolonialiste et féministe

1.1. Le capital triomphe, mais son triomphe le plonge dans les contradictions insurmontables mises en évidence par Marx. Face à celles-ci, Rosa Luxembourg lance son avertissement en 1915 : "Socialisme ou barbarie". L'actualité de cet avertissement est plus brûlante que jamais, car la catastrophe qui se développe autour de nous est sans précédent. Aux fléaux de la guerre, du colonialisme, de l'exploitation, du racisme, de l'autoritarisme, des oppressions de toutes sortes, s'ajoute en effet un nouveau fléau, qui exacerbe tous les autres : la destruction accélérée par le capital de l'environnement naturel dont dépend la survie de l'humanité.

1.2. Les scientifiques identifient huit indicateurs mondiaux de durabilité écologique. Les limites du danger sont estimées pour sept d'entre eux. En raison de la logique capitaliste d'accumulation, sept d'entre elles au moins sont déjà franchis : (climat, intégrité fonctionnelle des écosystèmes, cycle de l'azote, cycle du phosphore, eaux douces souterraines, eaux douces de surface et superficie des écosystèmes naturels, dont six dépassent même le "plafond" (seul le climat ne le dépasse pas)). Les pauvres sont les principales victimes, surtout dans les pays pauvres.

1.3. Sous le fouet de la concurrence, la grande industrie et la finance renforcent leur emprise despotique sur les humains et la Terre. La destruction se poursuit, malgré les cris d'alarme de la science. La soif de profit, tel un automate, exige toujours plus de marchés et toujours plus de marchandises, donc plus d'exploitation de la force de travail et de pillage des ressources naturelles.Le capital légal, le capital dit criminel et la politique bourgeoise sont étroitement liés. La Terre est achetée à crédit par les banques, les multinationales et les riches. Les gouvernements étranglent de plus en plus les droits humains et démocratiques par la répression brutale et le contrôle technologique. Un nouveau fascisme offre ses services pour sauver le système par le mensonge, le racisme, le sexisme et la démagogie sociale.

1.5. C'est peu dire que les limites de la soutenabilité sont également franchies au niveau social.

1.6. Avec leurs yachts, leurs jets, leurs piscines, leurs immenses terrains de golf particuliers, leurs nombreux SUV, leur tourisme spatial, leurs bijoux, leur haute couture et leurs résidences luxueuses aux quatre coins du monde, les 1 % les plus riches possèdent autant que 50 % de la population mondiale. La "théorie du ruissellement" est un mythe. C'est vers les riches que la richesse "ruisselle", et non l'inverse. La pauvreté augmente même dans les pays "développés". Les revenus du travail sont comprimés sans pitié, les protections sociales - quand elles existent - sont démantelées. L'économie capitaliste mondiale flotte sur un océan de dettes, d'exploitation et d'inégalités.

1.7. La répartition inéquitable des ressources engendre des catastrophes environnementales parmi les différents groupes ethniques et raciaux. Par exemple, dans les sociétés capitalistes développées ou en développement, les pauvres et les personnes racisées habitent généralement les territoires les plus touchés par la pollution, avec une plus grande concentration de déchets, ainsi que les zones à risque dépourvues de planification urbaine, telles que les pentes et les collines. Le racisme environnemental est un autre visage de l'exclusion que le capitalisme impose aux personnes racisées et pauvres.

1.8. Les inégalités et les discriminations touchent particulièrement les femmes, qui continuent d'assurer la majeure partie du travail domestique et de soins, qu'il soit gratuit ou rémunéré. Elles ne perçoivent que 35 % des revenus du travail. Dans certaines régions du monde (Chine, Russie, Asie centrale), leur part diminue, parfois de manière significative. Au-delà du travail, les femmes sont attaquées sur tous les fronts en tant que femmes, par la violence sexiste et sexuelle, dans leurs droits à l'alimentation, à l'éducation, leurs droits d'être respectées et de disposer de leur propre corps.

1.9. Si les personnes âgées des classes populaires (et aussi d'une partie de la "classe moyenne") sont mises au rebut, la vie des générations futures est généralement mutilée à l'avance. La plupart des parents des classes populaires ne croient plus que leurs enfants vivront mieux qu'elle et eux. Un nombre croissant de jeunes observent avec effroi, rage, tristesse et chagrin, la destruction organisée de leur monde, violé, éventré, noyé dans le béton, englouti dans les eaux froides du calcul égoïste ; la destruction programmée de leur avenir.

1.10. Les fléaux de la famine, de l'insécurité alimentaire et de la malnutrition avaient reculé à la fin du XXe siècle ; ils resurgissent aujourd'hui en raison de la convergence catastrophique du néolibéralisme, du militarisme et du changement climatique : près d'une personne sur dix a faim, près d'une sur trois souffre d'insécurité alimentaire, plus de trois milliards n'ont pas les moyens de se nourrir sainement. Cent cinquante millions d'enfants de moins de cinq ans souffrent d'un retard de croissance dû à la faim.

1.11. L'espoir d'un monde pacifique à court terme s'évanouit. Plus de 30 pays du monde sont ou ont été récemment en proie à des guerres de grande ampleur, notamment le Soudan, l'Irak, le Yémen, la Palestine, la Syrie, l'Ukraine, la Libye, la République Démocratique du Congo et le Myanmar. La crise climatique elle-même, les phénomènes météorologiques et les flux migratoires intenses qui en résultent alimentent de nombreux conflits dans le monde. Les souffrances, les déplacements et la mort de populations sont immenses.

1.12.. Alors que les impérialismes se chamaillent, les mesures urgentes pour la transition climatique et un avenir durable sont remises en question. Les guerres, outre le fait qu'elles sont calamiteuses en termes de vies humaines, qu'elles s'attaquent au corps des femmes, qu'elles utilisent le viol comme instrument de terreur et qu'elles déshumanisent la vie collective, sont néfastes pour la planète sur laquelle nous vivons. Elles détruisent les habitats, provoquent la déforestation, empoisonnent les sols, les eaux et l'air, et sont des sources majeures d'émissions de carbone.

1.13. La guerre brutale de la Russie contre l'Ukraine en 2022 et le nouveau degré de nettoyage ethnique perpétré dans la guerre de Gaza en 2023/24 contre le peuple palestinien sont des crimes majeurs contre l'humanité. Ces deux cas confirment la nature barbare du capitalisme actuel. L'agression impérialiste russe contre l'Ukraine en 2022 a favorisé les tensions géopolitiques à l'échelle mondiale. Elle confirme l'entrée dans une nouvelle ère de compétition inter-impérialiste pour l'hégémonie mondiale, avec les États-Unis et leurs alliés d'un côté, la Chine et ses alliés de l'autre. Les ressources foncières, énergétiques et minérales sont au centre de cette compétition inter-impérialiste.

1.14. Tout le monde pourrait avoir une bonne vie sur la Terre, mais le capitalisme est un mode de prédation exploiteur, machiste, raciste, guerrier, autoritaire et mortifère. Le productivisme est un destructivisme. En deux siècles, il a conduit l'humanité dans une profonde impasse écosociale.

1.15. Le changement climatique est l'aspect le plus dangereux de la destruction écologique, c'est une menace pour la vie humaine sans précédent dans l'histoire. La Terre risque de devenir un désert biologique inhabitable pour des milliards de pauvres qui ne sont pas responsables de ce désastre. Pour arrêter cette catastrophe, nous devons réduire de moitié les émissions mondiales de dioxyde de carbone et de méthane avant 2030, et les éliminer avant 2050. Il faut donc en priorité bannir les énergies fossiles, l'agro-industrie, l'industrie de la viande et l'hyper-mobilité... c'est-à-dire produire moins globalement.

1.16. D'une part, la folie de l'accumulation capitaliste confronte l'humanité au besoin urgent d'une décroissance globale de la consommation d'énergie finale et, par conséquent, de la production matérielle et du transport. D'autre part, trois milliards de personnes, principalement dans les pays du Sud Global , vivent dans des conditions épouvantables, du fait du capitalisme et de l'impérialisme. La justice sociale exige de développer certaines productions pour répondre à leurs immenses besoins insatisfaits : de bons systèmes de santé, des logements décents, une bonne alimentation, une bonne éducation, des transports publics, de l'eau propre, une sécurité sociale pour tou·tes…

1.17. Existe-t-il un moyen de sortir de cette contradiction ? Oui. Il est désormais possible pour les humains de vivre bien tout en consommant beaucoup moins qu'auparavant grâce aux progrès technologiques dans les domaines de la médecine, de la construction, de l'efficacité énergétique, entre autres. L'impact sur le climat des productions destinées à satisfaire les besoins humains - surtout lorsqu'elles sont planifiées démocratiquement et assumées par le secteur public dans un contexte d'égalité sociale - est bien moindre que celui des productions destinées à satisfaire les besoins des riches par la croissance du PIB et la concurrence aveugle du marché pour le profit. Le 1% le plus riche émet près de deux fois plus de CO2 que les 50% les plus pauvres. Les 10 % les plus riches sont responsables de plus de 50 % des émissions de CO2. Les pauvres émettent beaucoup moins que 2-2,3 tonnes de CO2 par personne et par an (le volume moyen à atteindre en 2030 si nous voulons parvenir à des émissions nettes nulles en 2050 avec une probabilité de 50 %). Répondre à leurs besoins aurait un impact écologique limité. En fait, pour arrêter la catastrophe, il faut une société qui assure le bien-être et garantisse l'égalité comme jamais auparavant. Une perspective souhaitable, mais les 1% de riches devraient diviser leurs émissions par trente dans quelques années. Mais ils refusent de faire le moindre effort ! Au contraire : ils veulent toujours plus de privilèges !

1.18. Les gouvernements se sont engagés à rester en dessous de +1,5°C, à préserver la biodiversité, à atteindre un soi-disant "développement durable" et à respecter le principe des "responsabilités et capacités communes mais différenciées" dans la crise écologique,... tout en produisant toujours plus de marchandises et en utilisant toujours plus d'énergie. Il est exclu que ces promesses conjuguées soient tenues par le capital. Les faits le montrent :

1.18.1. - Trente-trois ans après le Sommet de la Terre de Rio (1992), le bouquet énergétique mondial est encore entièrement dominé par les combustibles fossiles (84 % en 2020). La production totale de combustibles fossiles a augmenté de 62 %, passant de 83 térawattheures (TWh) en 1992 à 136 TWh en 2021. Les énergies renouvelables viennent s'ajouter au système énergétique principalement fossile, offrant davantage de capacités et de nouveaux marchés aux capitalistes.
1.18.2. - Avec la crise énergétique déclenchée par la pandémie et aggravée par la guerre impérialiste russe contre l'Ukraine, toutes les puissances capitalistes ont relancé le charbon, le pétrole, le gaz naturel (y compris le gaz de schiste) et l'énergie nucléaire.
1.18.3. - Principal responsable historique du dérèglement climatique, l'impérialisme américain dispose d'énormes moyens pour lutter contre la catastrophe, mais ses représentants politiques subordonnent criminellement cette lutte à la protection de leur hégémonie mondiale, quand ils ne la refusent pas tout simplement.
1.18.4. - Les mesures que les grands pollueurs mettent en œuvre sous le label "décarbonisation" non seulement ne répondent pas à l'ampleur de la crise climatique mais accélèrent l'extractivisme, principalement dans les pays dominés, mais aussi au Nord et dans les océans, au détriment des populations et des écosystèmes.
1.18.5. - Cette soi-disant "décarbonisation" exacerbe l'accaparement impérialiste des terres et l'exploitation de la main-d'œuvre dans le Sud, avec la complicité des bourgeoisies locales (comme l'illustrent différents projets d'investissement basés sur l'utilisation de l'énergie solaire et éolienne, en particulier dans les "zones franches" des pays pauvres, afin de produire de "l'hydrogène vert" destiné à approvisionner les industries des pays développés).
1.18.6. - Les "marchés du carbone", les "compensations carbone", les "compensations biodiversité" et les "mécanismes de marché", fondés sur la compréhension de la nature comme un capital, pèsent sur les moins responsables, les pauvres, en particulier les populations autochtones, les populations racisées et les populations du Sud en général.

1.19. Valables en théorie, les concepts abstraits tels que " économie circulaire ", " résilience ", " transition énergétique ", " biomimétisme " deviennent en pratique des formules creuses dès lors qu'ils sont mis au service du productivisme capitaliste. S'il n'y a pas de plan de reconversion de la production mis en œuvre par l'ensemble de la société, les améliorations techniques (par exemple pour rendre la production d'énergie moins chère) ont souvent un effet rebond : une réduction du prix de l'énergie entraîne généralement une augmentation de la consommation d'énergie et de matières.

1.20. Face à la crise climatique, le fétichisme capitaliste de l'accumulation ne laissera finalement que deux options : déployer des technologies d'apprentis sorciers (nucléaire, capture-séquestration du carbone, géo-ingénierie...)... ou laisser la "nature" éliminer quelques milliards de pauvres dans les pays pauvres.

1.21. Politiquement, l'impuissance et l'injustice du capitalisme vert font le jeu d'un néo-fascisme fossile, complotiste, colonialiste, raciste, violemment machiste et LGBTQIphobe, que cette seconde possibilité ne rebute pas. Une fraction des riches marche vers un immense crime contre l'humanité, pariant cyniquement que sa richesse la protégera, laissant mourir les pauvres.

1.22. Le capitalisme vert néolibéral et le néofascisme fossile ne sont pas la même chose, le second étant bien pire, mais aucun de ces régimes ne pourra empêcher le réchauffement climatique de se poursuivre, avec des conséquences désastreuses, et le premier nourrit le second. Si les victimes sont plus nombreuses dans les pays pauvres, les pays riches subiront également des pertes dramatiques. Le capitalisme mondial ne progresse pas graduellement vers la paix et le développement durable, il régresse à grands pas vers la guerre, le désastre écologique, le génocide et la barbarie néo-fasciste.

1.23. Face à ce défi, il ne suffit pas de remettre en cause le régime néolibéral et de revaloriser le rôle de l'État. Il ne suffirait même pas d'arrêter la dynamique d'accumulation (un objectif impossible sous le capitalisme !) La consommation finale mondiale d'énergie doit diminuer radicalement, ce qui signifie produire moins et transporter moins à l'échelle mondiale.

1.24. Pour respecter cette contrainte éco-climatique, l'orientation même de l'économie doit changer de fond en comble : la science et les avancées technologiques doivent être utilisées pour satisfaire les besoins sociaux de l'humanité et régénérer l'écosystème global, au lieu de satisfaire la course au profit des capitalistes. C'est la seule solution qui permette de concilier le besoin légitime de bien-être pour tou·tes et la régénération de l'écosystème mondial. La juste suffisance et la juste décroissance - la décroissance écosocialiste - est une condition sine qua non du sauvetage.

1.25. Sortir de l'impasse productiviste n'est possible qu'aux conditions suivantes :

1.25.1. - abandonner le "technosolutionnisme", c'est-à-dire l'idée que la solution viendra des nouvelles technologies (consommatrices d'énergie et de ressources). Dans un souci de sagesse écologique, décider d'utiliser les moyens dont nous disposons, ils suffisent à répondre aux besoins de tou·tes
1.25.2. - réduire radicalement l'empreinte écologique des riches pour permettre une bonne vie à tou·tes
1.25.3. - remplacer la production de marchandises par la production de valeurs d'usage ;
1.25.4. - déterminer démocratiquement quels besoins ces valeurs d'usage doivent satisfaire et comment ;
1.25.5. - placer au centre de cette délibération démocratique la prise en charge des humains et des écosystèmes, le respect attentif du vivant et des limites écologiques ;
1.25.6. - supprimer en conséquence les productions et les transports inutiles, refonder toute l'activité productive, sa circulation et sa consommation.

1.26. Ces conditions sont nécessaires mais pas suffisantes. La crise sociale et la crise écologique ne font qu'une. Il faut reconstruire un projet émancipateur pour les exploité·es et les opprimé·es. Un projet de classe qui, au-delà des besoins fondamentaux, privilégie l'être au lieu de l'avoir. Un projet qui modifie en profondeur les comportements, la consommation, le rapport au reste de la nature, la conception du bonheur et la vision que les humains ont du monde. Un projet anti-productiviste pour vivre mieux en prenant soin du vivant sur la seule planète habitable du système solaire.

1.27. Le capitalisme a déjà plongé l'humanité dans une situation aussi sombre, notamment à la veille du premier conflit mondial. L'hystérie nationaliste s'est emparée des masses et la social-démocratie, trahissant sa promesse de répondre à la guerre par la révolution, a donné le feu vert aux pires tueries de l'histoire de l'humanité. Néanmoins, Lénine définissait la situation comme "objectivement révolutionnaire" : ”seule la révolution peut arrêter le massacre”, dit-il. L'histoire lui a donné raison : la révolution en Russie et la crainte de son extension ont contraint les bourgeoisies à mettre fin au massacre. La comparaison a évidemment ses limites. Les médiations vers l'action révolutionnaire sont aujourd'hui infiniment plus complexes. Mais le même sursaut des consciences est nécessaire. Or, face à la crise écologique, une révolution anticapitaliste est encore plus objectivement nécessaire. C'est ce jugement fondamental qui doit servir de base à l'élaboration d'un programme, d'une stratégie et d'une tactique, parce qu'il n'y a pas d'autre moyen d'éviter la catastrophe.

1.28. Tout dépend des résultats des luttes. Quelle que soit l'ampleur du désastre, à chaque étape, les luttes feront la différence. Au sein des luttes, tout dépend de la capacité des militant·es écosocialistes à s'organiser pour s'orienter dans la pratique selon la boussole de la nécessité historique objective.

2. Le monde pour lequel nous nous battons

2.1. Notre projet de société future articule l'émancipation sociale et politique avec l'impératif d'arrêter la destruction de la vie et de réparer autant que possible les dégâts déjà causés.

2.2. Nous voulons (tenter d') imaginer ce que serait une vie bonne pour tou·tes et partout en réduisant la consommation de matière et d'énergie, et donc en réduisant la production matérielle. Il ne s'agit pas de donner un modèle tout fait, mais d'oser penser un autre monde, un monde qui donne envie de se battre pour le construire en se débarrassant du capitalisme et du productivisme.
« Oui, c'est pour le pain que nous nous battons, mais nous nous battons aussi pour les roses. »

2.3. Une vie bonne pour tou·tes exige que les besoins humains fondamentaux - alimentation saine, santé, logement, air pur et eau propre - soient satisfaits.

2.4. Une bonne vie est aussi une vie choisie, épanouissante et créative, engagée dans des relations humaines riches et égalitaires, entourée de la beauté du monde et des réalisations humaines.

2.5. Notre planète dispose (encore) de suffisamment de terres arables, d'eau potable, de soleil et de vent, de biodiversité et de ressources de toutes sortes pour répondre aux besoins humains légitimes en renonçant aux combustibles fossiles nuisibles au climat et à l'énergie nucléaire. Cependant, certaines de ces ressources sont limitées et donc épuisables, tandis que d'autres, bien qu'inépuisables, nécessitent pour leur consommation humaine des matières épuisables voire rares et dont l'extraction est écologiquement dommageable. En tout état de cause, leur utilisation ne pouvant être illimitée, nous les utilisons avec prudence et parcimonie, dans le respect de l'environnement.

2.6. Indispensables à notre vie, ils sont exclus de l'appropriation privée, considérés comme des biens communs car ils doivent bénéficier à l'ensemble de l'humanité aujourd'hui et à long terme. Afin de garantir ces biens communs dans le temps, des règles collectives définissant les usages mais aussi les limites de ces usages, les obligations d'entretien ou de réparation, sont élaborées.

2.7. Parce qu'on ne soigne pas une mangrove comme une calotte glaciaire, une zone humide comme une plage de sable, une forêt tropicale comme une rivière, parce que l'énergie solaire n'obéit pas aux mêmes règles, n'impose pas les mêmes contraintes matérielles que l'éolien ou l'hydraulique, l'élaboration de règles ne peut être que le fruit d'un processus démocratique impliquant les premier·es concerné·es, travailleur·ses et habitant·es.

2.8. Notre commun, c'est aussi l'ensemble des services qui permettent de répondre de manière égalitaire, et donc gratuite, aux besoins d'éducation, de santé, de culture, d'accès à l'eau, à l'énergie, à la communication, aux transports, etc. Ils sont eux aussi gérés et organisés démocratiquement par l'ensemble de la société.

2.9. Les services consacrés aux personnes et aux soins dont elles ont besoin aux différentes étapes de leur vie, brisent la séparation entre le public et le privé, l'assignation des femmes à ces tâches en les socialisant, c'est-à-dire en faisant en sorte qu'elles soient l'affaire de l'ensemble de la société. Ces services de reproduction sociale sont des outils essentiels, parmi d'autres, pour lutter contre l'oppression patriarcale.

2.10. Tous ces "services publics" décentralisés, participatifs et communautaires constituent la base d'une organisation sociale non autoritaire.

2.11. À l'échelle de la société dans son ensemble, la planification écologique démocratique permet aux populations de se réapproprier les grands choix sociaux relatifs à la production, de décider, en tant que citoyen·nes et usager·es, de ce qu'il faut produire et comment le produire, des services qui doivent être fournis, mais aussi des limites acceptables pour l'utilisation des ressources matérielles telles que l'eau, l'énergie, les transports, le foncier, etc. Ces choix sont préparés et éclairés par des processus de délibération collective qui s'appuient sur l'appropriation des connaissances, qu'elles soient scientifiques ou issues de l'expérience des populations, sur l'auto-organisation des opprimé·es (mouvements de libération des femmes, peuples racisés, personnes handicapées, etc).

2.12. Cette démocratie économique et politique globale s'articule avec de multiples collectifs/commissions décentralisés : ceux qui permettent de décider au niveau local, dans la commune ou le quartier, de l'organisation de la vie publique et ceux qui permettent aux travailleur·ses et aux producteur·rices de contrôler la gestion et l'organisation de leur unité de travail, de décider de la manière de produire et donc de travailler. C'est la combinaison de ces différents niveaux de démocratie qui permet la coopération et non la concurrence, une gestion juste d'un point de vue écologique et social, épanouissante d'un point de vue humain, au niveau de l'atelier, de l'entreprise, de la branche... mais aussi du quartier, de la commune, de la région, du pays et même de la planète !

2.13. Toutes les décisions relatives à la production et à la distribution, à la manière dont nous voulons vivre, sont guidées par le principe suivant : décentraliser autant que possible, coordonner autant que nécessaire.

2.14. Prendre sa vie en main et participer à des collectifs sociaux demande du temps, de l'énergie et de l'intelligence collective. Heureusement, le travail de production et de reproduction sociale n'occupe que quelques heures par jour.

2.15. La production est exclusivement consacrée à la satisfaction des besoins démocratiquement déterminés. La production et la distribution sont organisées de manière à minimiser la consommation de ressources et à éliminer les déchets, les pollutions et les émissions de gaz à effet de serre, elle vise en permanence la sobriété et la "durabilité programmée" (par opposition à l'obsolescence programmée du capitalisme, qu'elle soit planifiée ou simplement due à la logique de la course au profit). Produire au plus près des besoins à satisfaire permet de réduire les transports et de mieux appréhender le travail, les matériaux et l'énergie nécessaires.

2.16. Ainsi, l'agriculture est écologique, paysanne et locale afin d'assurer la souveraineté alimentaire et la protection de la biodiversité. Des ateliers de transformation et des circuits de distribution permettent de produire la plupart des aliments en circuit court.

2.17. Le secteur de l'énergie basé sur les sources renouvelables est aussi décentralisé que possible afin de réduire les pertes et d'optimiser les sources. Les activités liées à la reproduction sociale (santé, éducation, soins aux personnes âgées ou dépendantes, garde d'enfants, etc.) sont développées et renforcées, en veillant à ne pas reproduire les stéréotypes de genre.

2.18. Bien que le travail occupe moins de temps, il occupe une place essentielle car, avec la nature et en prenant soin d'elle, il produit ce qui est nécessaire à la vie.

2.19. L'autogestion des unités de production combinée à la planification démocratique permet aux travailleur·ses de contrôler leur activité, de décider de l'organisation du travail et de remettre en cause la division entre travail manuel et travail intellectuel. La délibération s'étend au choix des technologies selon qu'elles permettent ou non au collectif de travail de maîtriser le processus de production. En privilégiant la connaissance concrète, pratique et réelle du processus de travail, les savoir-faire collectifs et individuels, la créativité, elle permet de concevoir et de produire des objets robustes, démontables et réparables, réutilisables et, le cas échéant, recyclables, et de réduire les consommations de matières et d'énergie de la fabrication à l'utilisation.

2.20. Dans tous les domaines, la conviction de faire quelque chose d'utile et la satisfaction de le faire bien se conjuguent. En ce qui concerne les tâches fastidieuses comme le ramassage des ordures, chacun veille à en réduire la lourdeur et la pénibilité. Il reste cependant une part incontournable que chacun·e accomplit à tour de rôle.

2.21. Une grande partie de la production matérielle, parce que le volume en est fortement réduit, peut être désindustrialisée (tout ou partie de l'habillement ou de l'alimentation) et les savoir-faire artisanaux, auxquels tout le monde pourrait être formé, devraient être valorisés.

2.22. Libérer le travail de l'aliénation permet d'abolir la frontière entre l'art et la vie dans une sorte de "communisme du luxe". Nous pouvons garder ou partager des outils, des meubles, un vélo, des vêtements... toute notre vie parce qu'ils sont ingénieusement conçus et beaux.
Être plutôt qu'avoir

"Seul ce qui est bon pour tous est digne de vous. Seul mérite d'être produit ce qui ne privilégie ni n'abaisse personne. » (A. Gorz).

2.23. La liberté ne réside pas dans une consommation illimitée, mais dans une autolimitation choisie et comprise, conquise contre l'aliénation consumériste. La délibération collective permet de déconstruire les besoins artificiels, de définir des besoins "universalisables", c'est-à-dire non réservés à certaines personnes ou à certaines parties du monde, qui doivent être satisfaits.

2.24. La véritable richesse ne réside pas dans l'augmentation infinie des biens - avoir - mais dans l'augmentation du temps libre - être. Le temps libre ouvre la possibilité de s'épanouir dans le jeu, l'étude, l'activité civique, la création artistique, les relations interpersonnelles et avec le reste de la nature.

2.25. Nous ouvrons donc la voie à de nombreux travaux parce que nous avons le temps d'y réfléchir et parce que nous pouvons le faire en mettant au centre l'attention portée aux personnes et au reste de la nature.

2.26. Les lieux où nous vivons, chaque espace dans lequel nous nous socialisons, nous appartiennent pour construire d'autres relations sociales interpersonnelles. Libérés de la spéculation foncière et de la voiture, nous pouvons repenser l'usage des espaces publics, combler la séparation entre le centre et la périphérie, multiplier les espaces récréatifs, de rencontre et de partage, désartificialiser les villes avec l'agriculture urbaine et le maraîchage de proximité, restaurer les biotopes insérés dans le tissu urbain... Et au-delà, mettre en œuvre une politique à long terme visant à rééquilibrer les populations urbaines et rurales et à dépasser l'opposition entre ville et campagne afin de reconstituer des communautés humaines vivables et durables à une échelle permettant une réelle démocratie.

2.27. Nos désirs et nos émotions ne sont plus des choses qui s'achètent et se vendent, l'éventail des choix est considérablement élargi pour chacun·e. Chacun·e peut développer de nouvelles façons d'avoir des relations sexuelles, de vivre, de travailler et d'élever des enfants ensemble, de construire des projets de vie de manière libre et diverse, dans le respect des décisions personnelles et de l'humanité de chacun·e, avec l'idée qu'il n'y a pas une seule option possible, ou une option meilleure que les autres. La famille peut cesser d'être l'espace de reproduction de la domination, et cesser d'être la seule forme possible de vie collective. Nous pouvons ainsi repenser la forme de la parentalité de manière plus collective, politiser nos décisions personnelles en matière de maternité et de parentalité, réfléchir à la manière dont nous considérons l'enfance et le rôle des personnes âgées ou handicapées, aux relations sociales que nous établissons avec elles, et à la manière dont nous sommes capables de briser les logiques de domination que nous avons intériorisées, héritées des sociétés antérieures.

2.28. Nous construisons une nouvelle culture, à l'opposé de la culture du viol, une culture qui reconnaît les corps de toutes les femmes cis et trans, ainsi que leurs désirs, qui reconnaît chacun·e comme un sujet capable de décider de son corps, de sa vie et de sa sexualité, qui rend visible le fait qu'il y a mille façons d'être une personne, de vivre et d'exprimer son genre et sa sexualité.

2.29. Une activité sexuelle librement consentie et agréable pour toutes celles et tous ceux qui y prennent part est en soi une justification suffisante.

2.30. Nous devons apprendre à penser l'interdépendance des êtres vivants et développer une conception des rapports de la relation entre l'humanité et la nature qui ressemblera probablement à certains égards à celle des peuples indigènes, mais qui sera néanmoins différente. Une conception selon laquelle les notions éthiques de précaution, de respect et de responsabilité, ainsi que l'émerveillement devant la beauté du monde, interféreront constamment avec une compréhension scientifique à la fois de plus en plus fine et de plus en plus consciente de son incomplétude.

3. Notre méthode transitoire

3.1. Notre analyse du capitalisme, et plus particulièrement des politiques de la classe dirigeante en relation avec les dangers écologiques et le changement climatique, nous conduit à affirmer ce qui suit :

3.2. Premièrement, la nécessité d'une alternative globale et d'un projet de société basé sur la production de valeur d'usage plutôt que sur la valeur d'échange. Tourner telle ou telle vis à l'intérieur du système et sans changer le mode de production ne permettra pas d'éviter ni même d'atténuer de manière significative les crises actuelles et les catastrophes auxquelles nous sommes confrontés et qui surviendront en raison de la persistance du système capitaliste. L'une des tâches importantes de la politique révolutionnaire est de transmettre cette idée.

3.3. La compréhension de la nécessité d'un changement révolutionnaire global est une tâche qui ne peut être résolue directement et sans difficulté dans la pratique. C'est pourquoi, deuxièmement, il est important de combiner la présentation de la perspective globale avec la diffusion de revendications immédiates pour lesquelles des mobilisations peuvent effectivement être développées ou promues.

3.4. Troisièmement, il faut le souligner : Convaincre les gens ne peut se faire uniquement par l'argumentation. Pour convaincre les gens de se détourner du système capitaliste et les encourager à résister, il faut des luttes réussies qui donnent du courage et démontrent que des victoires partielles sont possibles.

3.5. Quatrièmement, pour que les luttes soient couronnées de succès, il faut une meilleure organisation. C'est toujours vrai en principe, mais aujourd'hui - à une époque où les syndicats ont (dans de nombreuses parties du monde) largement disparu politiquement et où la gauche est fragmentée - il est important de promouvoir la coopération pratique de manière non sectaire, en particulier au sein de la gauche anticapitaliste, et en même temps de soutenir les travailleur·ses dans leur auto-organisation.

3.6. D'une part, le temps presse si nous ne voulons pas voir des points de basculement cruciaux franchis et le réchauffement climatique s'accélérer de manière incontrôlable. D'autre part, la grande majorité des gens ne sont pas prêts à se battre pour un autre système, c'est-à-dire pour renverser le capitalisme. Cela est dû en partie à un manque de connaissance de la situation générale, mais plus encore à un manque de vision de ce à quoi l'alternative pourrait ou devrait ressembler. En outre, le rapport de forces social et politique entre les classes n'encourage pas vraiment la confrontation avec les dirigeants et les profiteurs de l'ordre social capitaliste.

3.7. Par ailleurs, un programme qui veut réformer le capitalisme ou le dépasser au coup par coup (de surcroît avec une politique venant d'en haut) n'a pas non plus de chance de réussir. Les réformes qui respectent les règles du système capitaliste ne sont pas en mesure de relever les défis de la crise écologique. Et les changements progressifs dans l'économie et l'État n'ont jamais conduit à un changement de système. Les propriétaires et les profiteurs du capitalisme n'assisteront pas tranquillement à la confiscation de leurs richesses et à la privation de leur mode d'enrichissement, morceau par morceau.

3.8. Le temps presse et des mesures urgentes s'imposent. Certains opposants à l'écosocialisme plaident pour des réformes légères "parce que nous ne pouvons pas attendre la révolution mondiale". Les partisan·es de l'écosocialisme n'ont pas l'intention d'attendre ! Notre stratégie est de commencer MAINTENANT, avec des revendications transitoires concrètes. C'est le début d'un processus de changement global. Il ne s'agit pas d'étapes historiques distinctes, mais de moments dialectiques dans un même processus. Chaque victoire partielle ou locale est une étape dans ce mouvement, qui renforce l'auto-organisation et encourage la lutte pour de nouvelles victoires.

3.9. Dans les luttes de classes à venir - qui constituent la base de la bataille pour l'hégémonie impliquant des couches plus larges de la classe ouvrière, les jeunes, les femmes, les indigènes, etc. - il doit être clair qu'en fin de compte, il n'y a aucun moyen d'échapper à un véritable changement de système et à la question du pouvoir. La classe dirigeante doit être expropriée et son pouvoir politique renversé. Pour un programme de transition anticapitaliste

3.10. La méthode transitoire était déjà suggérée par Marx et Engels dans la dernière section du Manifeste communiste (1848). Mais c'est la Quatrième Internationale qui lui a donné sa signification moderne, dans le Programme de transition de 1938. L'hypothèse de base est la nécessité pour les révolutionnaires d'aider les masses, dans le processus de la lutte quotidienne, à trouver le pont entre les revendications actuelles et le programme socialiste de la révolution. Ce pont devrait inclure un système de revendications transitoires, découlant des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière, l'objectif est de conduire les luttes sociales vers la conquête du pouvoir par le prolétariat.

3.11. Bien entendu, les révolutionnaires n'écartent pas le programme des vieilles revendications "minimales" traditionnelles : ils défendent évidemment les droits démocratiques et les conquêtes sociales des travailleur·ses. Cependant, ils proposent un système de revendications transitoires, qui peut être compris de manière appropriée par les exploité·es et les opprimé·es, mais qui est en même temps dirigé contre les bases mêmes du régime bourgeois.

3.12. La plupart des revendications transitoires mentionnées dans le Programme de 1938 sont toujours d'actualité : échelle mobile des salaires et échelle mobile des heures de travail ; contrôle ouvrier des usines, ouverture des comptes "secrets" des entreprises ; expropriation des banques privées ; expropriations de certains secteurs capitalistes… L'intérêt de telles propositions est d'unir dans la lutte les masses populaires les plus larges possibles, autour de revendications concrètes qui sont en contradiction objective avec les règles du système capitaliste.

3.13. Mais nous devons mettre à jour notre programme de revendications transitoires, afin de prendre en compte les nouvelles conditions du XXIe siècle, et en particulier la nouvelle situation créée par la crise écologique et le danger imminent d'un changement climatique catastrophique. Aujourd'hui, ces revendications doivent avoir une nature socio-écologique et, potentiellement, écosocialiste.

3.14. L'objectif des revendications écosocialistes transitoires est stratégique : pouvoir mobiliser de larges couches de travailleur·ses urbains et ruraux, de femmes, de jeunes, de victimes du racisme ou de l'oppression nationale, ainsi que les syndicats, les mouvements sociaux et les partis de gauche dans une lutte qui remette en cause le système capitaliste et la domination bourgeoise. Ces revendications, qui combinent des intérêts sociaux et écologiques, doivent être considérées comme nécessaires, légitimes et pertinentes par les exploité·es et les opprimé·es, en fonction de leur niveau de conscience sociale et politique. Dans la lutte, les gens prennent conscience de la nécessité de s'organiser, de s'unir et de se battre. Iels commencent également à comprendre qui est l'ennemi : non seulement les forces locales, mais le système lui-même. L'objectif des revendications écosociales transitoires est de renforcer, grâce à la lutte, la conscience sociale et politique des exploité·es et des opprimé·es, leur compréhension anticapitaliste et, espérons-le, une perspective révolutionnaire écosocialiste.

3.15. Certaines de ces demandes ont un caractère universel : par exemple, la gratuité des transports publics. C'est une revendication à la fois écologique et sociale, qui porte en elle les germes de l'avenir écosocialiste : services publics contre marché, gratuité contre profit capitaliste. Cependant, leur signification stratégique n'est pas la même selon les sociétés et les économies. Les revendications écosocialistes de transition doivent prendre en compte les besoins et les aspirations des masses, en fonction de leur expression locale, dans les différentes parties du système capitaliste mondial.

4. Les grandes lignes d'une alternative écosocialiste à la croissance capitaliste

INTR.4.1. Satisfaire les besoins sociaux réels tout en respectant les contraintes écologiques n'est possible qu'en rompant avec la logique productiviste et consumériste du capitalisme, qui creuse les inégalités, nuit au vivant et « ruine les deux seules sources de toute richesse : la Terre et les travailleurs » (Marx). La référence ne doit pas être le PIB, mais la consommation de matières et d'énergie et l'émission de gaz à effet de serre. Pour parvenir à un renversement global, il faut mettre en œuvre un mode de vie différent - basé sur une structure sociale modifiée - afin de permettre à tous les membres de la société de jouir d'une bonne vie.

INTR.4.2. Au niveau mondial, briser cette logique implique de lutter en priorité pour les lignes de force suivantes. Elles forment un ensemble cohérent, à compléter et à décliner selon les spécificités nationales et régionales. Bien sûr, dans chaque continent, dans chaque pays, il y a des mesures spécifiques à proposer dans une perspective de transition.

4.1. Contre les catastrophes, des plans publics de prévention adaptés aux besoins sociaux, sous contrôle populaire
Certains effets de la catastrophe climatique sont irréversibles (élévation du niveau de la mer) ou dureront longtemps (canicules, sécheresses, précipitations exceptionnelles, tornades plus violentes, etc.) Les compagnies d'assurance capitalistes ne protègent pas les classes populaires, ou (au mieux) les protègent mal. Face à ces fléaux, les riches n'ont que le mot "adaptation" à la bouche. "L'adaptation au réchauffement, pour eux, sert 1°) à détourner l'attention des causes structurelles, dont leur système est responsable ; 2°) à poursuivre leurs pratiques néfastes axées sur le profit maximum, sans se soucier du long terme ; 3°) à offrir de nouveaux marchés aux capitalistes (infrastructures, climatisation, transports, compensation carbone, etc.) Cette "adaptation" capitaliste technocratique et autoritaire est en fait ce que le GIEC appelle une "maladaptation". Elle accroît les inégalités, les discriminations et les dépossessions. Elle accroît également la vulnérabilité au réchauffement, au risque de compromettre gravement la possibilité même de s'adapter à l'avenir, en particulier dans les pays pauvres. A la "maladaptation" capitaliste, nous opposons l'exigence immédiate de plans publics de prévention adaptés à la situation des classes populaires. Elles sont les principales victimes des phénomènes météorologiques extrêmes, surtout dans les pays dominés. Les plans publics de prévention doivent être conçus en fonction de leurs besoins et de leur situation, en dialogue avec les scientifiques. Ils doivent concerner tous les secteurs, notamment l'agriculture, la sylviculture, le logement, la gestion de l'eau, l'énergie, l'industrie, le droit du travail, la santé et l'éducation. Ils doivent faire l'objet d'une large consultation démocratique, avec un droit de veto des communautés locales et des collectifs de travail concernés.

4.2. Partager les richesses pour prendre soin des humains et de notre environnement de vie, gratuitement

4.2.1. Des soins de santé de qualité, une bonne éducation, une bonne prise en charge des jeunes enfants, une retraite digne et une prise en charge respectueuse de la dépendance, un logement accessible, permanent et confortable, des transports publics efficaces, des énergies renouvelables, une alimentation saine, une eau propre, un accès à internet et un environnement naturel en bon état : tels sont les besoins réels qu'une civilisation digne de ce nom devrait satisfaire suffisamment pour tous les humains, indépendamment de leur couleur de peau, de leur sexe, de leur appartenance ethnique, de leurs convictions. Ceci est possible tout en diminuant de manière significative la pression globale sur notre environnement. Pourquoi ne l'avons-nous pas ? Parce que l'économie est réglée sur la consommation induite créée en tant que sous-produit industriel par les capitalistes. Ils consomment et investissent toujours plus pour le profit, s'approprient toutes les ressources et transforment tout en marchandises. Leur logique égoïste sème le malheur et la mort.

4.2.2. Un virage à 180° s'impose. Les ressources naturelles et les connaissances constituent un bien commun à gérer prudemment et collectivement. La satisfaction des besoins réels et la revitalisation des écosystèmes doivent être planifiées démocratiquement et soutenues par le secteur public, sous le contrôle actif des classes populaires, et en étendant le plus possible le libre accès. Ce projet collectif doit mettre l'expertise scientifique à son service. La première étape nécessaire est la lutte contre les inégalités et les oppressions. La justice sociale et le bien vivre pour tous sont des exigences écologiques !

4.3. Développer les biens communs et les services publics contre la privatisation et la marchandisation

4.3.1. C'est l'un des aspects clés d'une transition sociale et écologique, dans de nombreux domaines de la vie. Par exemple :

4.3.2. - L'eau : la privatisation, le gaspillage et la pollution actuels de l'eau - rivières, lacs et nappes phréatiques - constituent un désastre social et écologique. La pénurie d'eau et les inondations dues au changement climatique sont des menaces majeures pour des milliards de personnes. L'eau est un bien commun et devrait être gérée et distribuée par des services publics, sous le contrôle des consommateurs. Les paysages et les villes devraient être désimperméabilisées, capables de stocker l'eau afin d'éviter les inondations massives.

4.3.3. - Le logement : Le droit fondamental de toutes les personnes à un logement décent, permanent et écologiquement durable ne peut être garanti sous le capitalisme. La loi du profit implique des expulsions, des démolitions et la criminalisation de celleux qui résistent. Elle implique également des factures d'énergie élevées pour les pauvres et des énergies renouvelables subventionnées pour les riches. Le contrôle public du marché immobilier, l'abaissement et le gel des intérêts et des profits des banques, l'augmentation radicale du nombre de logements sociaux et coopératifs, un processus public d'isolation climatique des habitations et un programme massif de construction de bâtiments énergétiquement autonomes sont les premières étapes d'une politique alternative.

4.3.4. - La santé : le bilan de la pandémie de COVID-19 est limpide : les privatisations et les coupes dans le secteur des soins fragilisent les classes populaires - en particulier les enfants, les femmes et les personnes âgées - et font peser de lourdes menaces sur la santé publique en général. Ce secteur doit être refinancé massivement et remis intégralement entre les mains de la collectivité. Les investissements doivent aller en priorité à la médecine de première ligne. L'industrie pharmaceutique doit être socialisée.

4.3.5. - Les transports : Le transport individuel dans le capitalisme privilégie les voitures individuelles, ce qui a des conséquences désastreuses sur la santé et l'écologie. L'alternative est un système large et efficace de transports publics gratuits, ainsi qu'une grande extension des zones piétonnes et cyclables. Les marchandises sont transportées sur de grandes distances par des camions ou des porte-conteneurs, avec d'énormes émissions de gaz ; la réduction du gaspillage, la relocalisation de la production et le transport des marchandises par le train sont des mesures immédiates et nécessaires. Le transport aérien devrait être réduit de manière significative et supprimé pour les distances qui peuvent être couvertes par le train.

4.4. Prendre l'argent là où il est : les capitalistes et les riches doivent payer
Une stratégie globale de transition digne de ce nom doit articuler le remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables, la protection contre les effets déjà perceptibles du changement climatique, la compensation des pertes et préjudices, l'aide à la reconversion (notamment la garantie de revenu des travailleur·ses concerné·es) et la réparation des écosystèmes. Les besoins financiers nécessaires d'ici 2050 s'élèvent à plusieurs milliers de milliards de dollars. Qui doit payer ? les responsables du désastre : les multinationales, les banques, les fonds de pension, les États impérialistes et les riches du Nord et du Sud. L'alternative écosocialiste passe par un vaste programme de réforme fiscale et de réduction radicale des inégalités pour aller chercher l'argent là où il se trouve : imposition progressive, levée du secret bancaire, cadastre des actifs, taxation du patrimoine, impôt unique exceptionnel à taux élevé sur le patrimoine foncier, élimination des paradis fiscaux, abolition des privilèges fiscaux des entreprises et des riches, ouverture des livres de comptes des entreprises, plafonnement des hauts revenus, abolition des dettes extérieures reconnues comme "illégitimes", abolition de la dette publique détenue par l'oligarchie financière (sans compensation, sauf pour les petits investisseurs), compensation par les pays riches du coût de la renonciation à l'exploitation de leurs ressources fossiles par les pays dominés (projet de parc Yasuni).

4.5. Liberté de circulation et de séjour sur Terre ! Personne n'est illégal !
La catastrophe écologique est un facteur de migration de plus en plus important. Entre 2008 et 2016, une moyenne annuelle de 21,5 millions de personnes ont été déplacées de force en raison d'événements météorologiques. La plupart d'entre elles sont des personnes pauvres venant de pays pauvres. Les migrations climatiques devraient s'intensifier au cours des prochaines décennies : 1,2 milliard de personnes pourraient être déplacées dans le monde d'ici à 2050. Contrairement aux demandeur·ses d'asile, les "réfugié·es climatiques" n'ont même pas de statut. Ils ne portent aucune responsabilité dans la catastrophe écologique mais le vrai responsable, le système capitaliste, les condamne à venir grossir les rangs des 108,4 millions de personnes dans le monde qui ont été déplacées de force en 2020 en raison de persécutions, de conflits, de violences, de violations des droits de l'homme. Les droits fondamentaux de ces personnes sont constamment attaqués : le droit d'être protégé contre la violence, d'avoir suffisamment d'eau et de nourriture, de vivre dans un logement sûr, de garder sa famille unie, de trouver un emploi décent. Un nombre croissant d'entre elles (10 millions) sont même considérées comme apatrides par l'UNHDR. Tout cela est contraire à la justice la plus élémentaire. Il nourrit les fascistes qui font des migrant·es des boucs émissaires et les déshumanisent. C'est une menace énorme pour les droits démocratiques et sociaux de tou·tes. En tant qu'internationalistes, nous nous battons pour des politiques restrictives contre le capital, pas contre les migrant·es. Nous nous opposons à la construction de murs, à l'enfermement dans des centres, à la construction de camps, aux expulsions, aux déportations et à la rhétorique raciste. Personne n'est illégal sur Terre, tout le monde doit avoir le droit de se déplacer et de partir partout. Les frontières doivent être ouvertes à tou·tes celleux qui fuient leur pays, que ce soit pour des raisons sociales, politiques, économiques ou environnementales.

4.6. Éliminer les activités économiques inutiles ou nuisibles
L'arrêt de la catastrophe climatique et du déclin de la biodiversité passe impérativement par une réduction très rapide et significative de la consommation d'énergie finale au niveau mondial. Cette contrainte est incontournable. Les premières étapes consistent à réduire drastiquement le pouvoir d'achat des riches, à abandonner la fast fashion, la publicité et la production/consommation de luxe (croisières, yachts et jets ou hélicoptères privés, tourisme spatial, etc.), à réduire la production de masse de viande et de produits laitiers et à mettre fin à l'obsolescence accélérée des produits, en allongeant leur durée de vie et en facilitant leur réparation. Le transport aérien et maritime des marchandises devrait être réduit drastiquement par la relocalisation de la production, et remplacé par le transport ferroviaire chaque fois que cela est possible. Plus structurellement, la contrainte énergétique ne peut être respectée qu'en réduisant le plus rapidement possible les activités économiques inutiles ou nuisibles. Les principaux secteurs productifs à considérer sont : la production d'armes, l'énergie fossile et la pétrochimie, l'industrie extractive, la fabrication non durable, l'industrie du bois et de la pâte à papier, la construction de voitures personnelles, les avions et la construction navale.

4.7. Souveraineté alimentaire ! Sortir de l'agro-industrie, de la pêche industrielle et de l'industrie de la viande
Ces trois secteurs font peser de graves menaces sur le climat, la santé humaine et la biodiversité. Leur démantèlement nécessite des mesures au niveau de la production mais aussi des changements importants au niveau de la consommation (dans les pays développés et chez les riches de tous les pays) et de la relation avec le vivant. Des politiques volontaristes sont nécessaires pour stopper la déforestation et remplacer l'agro-industrie, les plantations industrielles et la pêche à grande échelle respectivement par l'agroécologie paysanne, l'écoforesterie et la pêche artisanale. Ces alternatives consomment moins d'énergie, emploient plus de main-d'œuvre et sont beaucoup plus respectueuses de la biodiversité. Les agriculteur·ices et les pêcheur·ses doivent être correctement indemnisé·es par la communauté, non seulement pour leur contribution à l'alimentation humaine, mais aussi pour leur contribution écologique. Les droits des peuples premiers sur la forêt et les autres écosystèmes doivent être protégés. La consommation mondiale de viande doit être réduite de manière drastique. L'industrie de la viande et des produits laitiers doit être démantelée et il faut promouvoir une alimentation basée principalement sur la production locale de légumes. Ce faisant, nous mettons fin au traitement abject des animaux dans l'industrie de la viande et la pêche industrielle. La souveraineté alimentaire, conformément aux propositions de la Via Campesina, est un objectif clé. Elle passe par une réforme agraire radicale : la terre à celleux qui la travaillent, en particulier les femmes. Expropriation des grands propriétaires terriens et de l'agro-industrie capitaliste qui produisent des biens pour le marché mondial. Distribution de la terre aux paysan·nes et aux paysan·nes sans terre (familles ou coopératives) pour la production agrobiologique. Abolition des anciennes et des nouvelles cultures OGM en plein champ et élimination des pesticides toxiques (à commencer par ceux dont les pays impérialistes interdisent l'usage mais dont ils autorisent l'exportation dans les pays dominés !)

4.8. Réforme urbaine populaire

Plus de la moitié de la population mondiale vit aujourd'hui dans des villes de plus en plus grandes. Dans le même temps, les régions rurales se dépeuplent, sont ruinées par l'agro-industrie et l'exploitation minière et sont de plus en plus privées de services essentiels. Les pays dominés possèdent certaines des plus grandes mégapoles de la planète (Jakarta, Manille, Mexico DF, New Delhi, Bombay, Sao Paulo, et d'autres), un nombre croissant de sans-abri et des bidonvilles où des millions d'êtres humains (autour de Karachi, Nairobi, Bagdad,...) survivent et travaillent de manière informelle dans des conditions indignes. C'est l'une des plaies les plus hideuses laissées par le développement capitaliste et la domination impérialiste. Outre la violence, les vagues de chaleur rendent la survie de plus en plus difficile dans les bidonvilles et les quartiers pauvres, surtout dans les climats humides. L'alternative écosocialiste revendique le lancement d'un vaste programme de construction de logements sociaux accompagné d'une réforme urbaine populaire qui modifie l'organisation des grandes villes, conçue en coopération avec les associations de sans-abri. Elle doit s'articuler sur une législation du travail qui protège les travailleur·ses, d'une part, et sur l'attractivité de la réforme agraire, afin d'initier un mouvement de contre-émigration rurale, d'autre part.

4.9. Socialiser l'énergie et la finance sans compensation ni rachat pour sortir au plus vite des énergies fossiles et du nucléaire
Les multinationales de l'énergie et les banques qui les financent veulent exploiter jusqu'à la dernière tonne de charbon, jusqu'au dernier litre de pétrole, jusqu'au dernier mètre cube de gaz. Elles ont d'abord caché et nié l'impact du CO2 sur le changement climatique. Aujourd'hui, pour continuer à exploiter ces ressources malgré tout, et alors que la flambée des prix leur assure de gigantesques surprofits, elles promettent toutes sortes de techniques bidon (greenwashing, échange de "droits à polluer", "compensation des émissions", "capture, séquestration et utilisation du carbone") et promeuvent l'énergie nucléaire comme étant "à faible teneur en carbone". Aucun doute n'est possible : ces groupes avides de profits mènent la planète de catastrophe climatique en cataclysme. En même temps, ils sont à la pointe des attaques capitalistes contre les classes laborieuses. Ils doivent être socialisés par l'expropriation, sans compensation ni rachat. Pour stopper la destruction sociale et écologique, pour déterminer collectivement notre avenir, rien n'est plus urgent que de constituer des services publics de l'énergie et du crédit, décentralisés et interconnectés, sous le contrôle démocratique des populations.

4.10. Pour la libération et l'autodétermination des peuples ; contre la guerre, l'impérialisme et le colonialisme
Nous défendons un programme internationaliste basé sur la justice sociale, pour une transition écosocialiste menée par des forces collectives et libératrices, et pour la paix entre les peuples, en affrontant les politiques oppressives. Nous nous opposons à l'OTAN et aux autres alliances militaires qui conduisent le monde vers de nouveaux conflits inter-impérialistes, nous luttons contre l'augmentation des budgets militaires, pour le démantèlement de la fabrication et des stocks de tous les armements nucléaires, chimiques et bactériologiques et des cyber-armes ; pour le démantèlement de toutes les entreprises militaires privées.
La seule voie vers la paix passe par les luttes victorieuses pour le droit à l'autodétermination, la fin de l'occupation des terres et le nettoyage ethnique. En tant qu'internationalistes, nous sommes solidaires des peuples opprimés qui luttent pour leurs droits, notamment en Palestine et en Ukraine.

4.11. Garantir l'emploi pour tou·tes, assurer la reconversion nécessaire dans des activités écologiquement durables et socialement utiles
Les travailleur·ses engagé·es dans les activités gaspilleuses et nocives des combustibles fossiles, dans l'agro-industrie, la grande pêche et l'industrie de la viande n'ont pas à payer le prix de la gestion capitaliste. Une garantie d'emplois verts doit

« Le FSM reste le seul espace de rencontre au niveau mondial »

26 mars 2024, par Éric Toussaint, Sergio Ferrari — ,
Au terme d'une nouvelle édition du Forum social mondial (FSM) qui s'est déroulée à Katmandou, au Népal, du 15 au 19 février, l'heure est au bilan. Entretien avec Eric (…)

Au terme d'une nouvelle édition du Forum social mondial (FSM) qui s'est déroulée à Katmandou, au Népal, du 15 au 19 février, l'heure est au bilan. Entretien avec Eric Toussaint, historien et économiste belge qui a participé au forum.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
8 mars 2024

Par Sergio Ferrari et Éric Toussaint

Marche d'ouverture du FSM, Katmandou, 15 février 2024 Ofxam Asia

Sergio Ferrari - Quel bilan tirez-vous de cette nouvelle édition du Forum social mondial ?

Eric Toussaint - Il a été très positif, principalement en raison de la participation de secteurs populaires très divers et parmi les plus opprimés. Je pense notamment aux Dalits, la caste des intouchables, aux peuples natifs et indigènes, historiquement marginalisés mais très organisés, aux forces syndicales, à de nombreuses féministes issues des classes populaires.

La majorité était originaire du Népal et d'Inde. Les organisateur·ices ont compté 18 000 inscriptions (de plus de 90 pays, ndlr) et lors de la manifestation d'ouverture du jeudi 15, entre 12 et 15 000 participant·es se sont mobilisé·es.

Cependant, le FSM en tant que tel n'a pas atteint la même représentation qu'au cours de sa première décennie d'existence, depuis sa fondation à Porto Alegre, au Brésil, en 2001. Il y avait très peu de participant·e·s venant d'Europe, d'Amérique latine ou d'Afrique. Bref, un bon niveau de participation régionale mais une faible présence des autres continents. Cela montre les difficultés du FSM à prendre des initiatives globales ayant un impact réel.

Où en est le FSM aujourd'hui ?

Nous percevons une réalité contradictoire. D'une part, le Forum social mondial ne constitue plus une véritable force d'attraction et de propulsion. D'autre part, c'est le seul espace de rencontres altermondialistes qui perdure au niveau mondial. C'est pourquoi il est encore important pour des réseaux internationaux comme le CADTM (Comité pour l'abolition des dettes illégitimes, ndlr) d'y participer.

Je suis convaincu que, si le FSM avait une force réelle – telle que nous l'avons obtenue en février 2003, lorsque nous avons appelé à de grandes mobilisations pour la paix et contre la guerre en Irak – son pouvoir serait aujourd'hui significatif : à la fois pour faire face au génocide en Palestine et pour aider à construire un large frein à la croissance de l'extrême droite que l'on peut observer dans de nombreuses régions du monde.

Si le FSM ne parvient pas à être une telle force, que devraient faire les secteurs progressistes ?

Je pense que la formule d'un FSM avec seulement des mouvements sociaux et des ONG mais sans partis politiques progressistes (comme défini dans la Charte de principe de 2001) ne permet pas une organisation adéquate de la lutte contre l'extrême droite.

Face à la montée de l'extrême droite et des projets fascistes, il faut chercher un autre type de convergence internationale. Dans ce sens, le CADTM, avec d'autres acteurs sociaux, a contacté le PSOL (Parti Socialisme et Liberté) et le PT (Parti des Travailleurs) de Porto Alegre, berceau du Forum Social Mondial depuis 2001, pour proposer la création d'un Comité d'organisation qui convoquerait une réunion internationale en mai pour discuter de la marche à suivre, en vue d'une grande réunion dans un an.

Des acteurs importants, tels que le mouvement brésilien des travailleurs sans terre (MST), pourraient y participer activement. S'ils ont réussi à se libérer de Jair Bolsonaro au Brésil, avec une large alliance politique et sociale, il est essentiel d'en tirer des leçons politiques concrètes. Le Forum social mondial pourrait continuer, mais nous sommes convaincu·es qu'un nouveau cadre unifiant toutes les forces capables de se mobiliser est nécessaire.

Il y a des initiatives comme l'Assemblée mondiale des peuples qui réfléchissent déjà dans ce sens…

Bien sûr, elle devrait être impliquée et jouerait un rôle. Mais nous avons besoin d'une nouvelle initiative de front uni plus large. Sa construction serait large et diverse, incorporant des courants allant de la 4e Internationale à la social-démocratie, en passant par l'Internationale progressiste, à travers toute la gamme des sensibilités de gauche. Ainsi que des organisations et personnalités progressistes aux États-Unis (par exemple Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez, le syndicat automobile UAW qui a remporté une victoire importante en 2023). Et des partis et mouvements de gauche d'Europe, d'Afrique, d'Asie et de la région arabe.

Il est nécessaire de convaincre le plus grand nombre de forces possible, y compris celles qui doivent surmonter les différences et les divisions historiques, et qui comprennent et acceptent le grand défi prioritaire du moment, à savoir la lutte contre l'extrême droite.

Nous savons qu'un tel appel ne sera ni simple ni facile à concrétiser : il exige une grande générosité et une forte volonté politique. La complexité du moment historique et les dangers qui pèsent sur l'humanité et la planète nous imposent d'essayer d'y arriver.

Sergio Ferrari

P.-S.

• Paru dans le n° 432 de solidaritéS 8 mars 2024 :
https://solidarites.ch/journal/432-2/le-forum-social-mondial-reste-le-seul-espace-de-rencontre-au-niveau-mondial/

• Titres et coupes par la rédaction.

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« Québec solidaire pourrait dépasser la CAQ »

26 mars 2024, par Élisabeth Germain — ,
C'est le titre du dernier courriel envoyé aux membres par QS ce 21 mars. Et puis après… ? Est-ce réellement un objectif mobilisateur pour QS ? Sommes-nous renduꞏes à ce point (…)

C'est le titre du dernier courriel envoyé aux membres par QS ce 21 mars. Et puis après… ? Est-ce réellement un objectif mobilisateur pour QS ? Sommes-nous renduꞏes à ce point électoralistes que la perspective de peut-être dépasser la CAQ dans les sondages nous émoustille, à presque trois ans des élections ?

Élisbeth Germain, 2024-03-21

« Québec solidaire pourrait dépasser la CAQ. »

Est-ce sérieux de nous bercer de l'illusion que nous pouvons « prendre le pouvoir » à Québec et de subordonner nos communications (et nos actions ?) à ce but trompeur ?

Comme beaucoup de militantꞏes que je côtoie, je rêve plutôt de constituer une opposition forte, bien argumentée, bien connectée à la population québécoise dans sa diversité humaine et territoriale, en mesure d'infléchir les politiques en gestation dans ce gouvernement de droite et d'en proposer de plus aptes à promouvoir notre projet de société.

C'est à l'opposé d'une perspective électoraliste, c'est une perspective proprement politique.

On dirait qu'il y a un choix de plus en plus évident chez QS de chercher à conquérir de la popularité en séduisant la population par un discours qui montre qu'on est de son côté, qu'on est les bons gardiens de ses intérêts face aux méchants exploiteurs, qu'un gouvernement de QS ferait ceci et cela – tandis que les trois-quarts des gens nous regardent d'un œil narquois ou indifférent, persuadés qu'on va rester un parti marginal, revendicateur et stérile.

Est-ce que notre aspiration au pouvoir est actuellement réaliste ? À mon avis, elle l'est tellement peu que nous perdons de la crédibilité à la cultiver ou à faire semblant d'y croire. Un parti politique comme QS est un parti de conviction, pas un parti d'élection. C'est un parti d'influence et de transformation sociale en profondeur, pas un parti de victoire électorale qui, propulsant à la tête un groupe qui n'est pas équipé pour gouverner, est forcé à l'improvisation, aux compromis et à l'inefficacité.

Sommes-nous prêtꞏes à gouverner ? L'exercice du gouvernement est-il une stratégie gagnante pour notre projet de société ?

Je ne crois pas. Nos forces comme parti sont bien plus dans la critique du système actuel et dans l'expression des intérêts de la population urbaine du Québec (il nous en manque un bout avec la rurale) que dans la prise en charge et la direction de trente ministères qui administrent les multiples aspects de la vie des Québécoisꞏes.
Nos forces sont dans notre capacité de vision et d'éducation populaire plutôt que dans notre outillage (publicitaire et affairiste) pour gagner le pouvoir. Pire, si nous arrivons au pouvoir de cette façon, nous risquons de stériliser ces forces vives pour nous retrouver absorbés par des nécessités de gouvernance et de compromis qui vont désagréger notre cohérence et notre cohésion.

Heureusement, nous n'avons pas fait une montée de popularité dans la population comme la défunte ADQ (1994-2012) et la peut-être future défunte CAQ. L'ADQ a connu son pic en 2007-2008 avec 41 députés élus. Elle s'est ensuite enterrée dans la CAQ (2011-xxxx) qui a rapidement monté pour prendre le pouvoir sept ans plus tard avec 74 sièges ; elle a ensuite grimpé à 89 sièges en 2022 grâce à de multiples promesses et contorsions qui, aujourd'hui, président à sa dégringolade dans les sondages.

Ce n'est pas ce genre de naissance et déclin rapides que nous voulons pour QS. Nous voulons un travail en profondeur, qui change réellement les choses plutôt que d'alimenter les modes politiques accentuant les avancées ruineuses du néo-libéralisme. Nous en sommes capables, et l'intérêt grandissant des Québécoisꞏes pour l'écologie et la nécessaire transition vers un autre monde en est à mon avis un effet et un signe important.

Cet État est capitaliste, patriarcal et raciste. QS se veut féministe et intersectionnel ? Alors apprenons du féminisme à viser collectivement le pouvoir de changer les choses plutôt que de viser le pouvoir tout court, qui perpétue les dominations.

Continuons dans notre genre de travail, accentuons-le, plutôt que de laisser l'électoralisme coopter et breveter notre ADN.

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Écoeuré·e·s d’être méprisé·e·s : Ensemble vers la grève sociale (collectif)

26 mars 2024, par Collectif — , ,
En riposte à des politiques concertées de saccage du bien commun, plusieurs groupes, organismes et associations se concertent en vue de l'organisation d'une semaine de grève (…)

En riposte à des politiques concertées de saccage du bien commun, plusieurs groupes, organismes et associations se concertent en vue de l'organisation d'une semaine de grève sociale et d'actions du 29 avril au 3 mai.

Pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale dans une perspective féministe intersectionnelle, nous réclamons :

✊🏿 La reconnaissance et l'élimination des violences systémiques vécues par les femmes et les personnes marginalisées !

✊🏼 Un statut pour toutes et tous !

✊🏽 L'accès à un revenu qui permet de sortir de la pauvreté !

✊🏻 Le droit au logement pour toutes et tous !

✊🏾 Le renforcement du filet social et des services publics bien financés, accessibles et gratuits pour toutes et tous !

L'appel initial

Nous lançons , au nom de plusieurs groupes, d'organismes et d'associations qui se concertent un appel en vue de l'organisation d'une semaine de grève sociale et d'actions sur le thème de la lutte à la pauvreté, entre le 29 avril et le 3 mai 2024.

Plus précisément, cette grève prendra la forme « d'un arrêt ou d'un réaménagement des activités/ services réguliers en vue de libérer du temps pour l'organisation et la participation à des activités/mobilisations/perturbations en lien avec nos objectifs communs. »

Nous croyons fortement qu'en riposte à des politiques concertées de saccage du bien commun, nous devons nous organiser avec le plus grand nombre possible et des groupes divers (organismes communautaires, syndicats, comités logement, associations étudiantes, collectifs autonomes, groupes féministes, groupes de personnes migrantes, groupes LGBTQ2+, etc.)

Nous avons déjà tenu plusieurs rencontres larges avec des groupes de différents secteurs. Les procès-verbaux de ces rencontres sont disponibles sur demande. Ensemble, nous avons déterminé des revendications qui visent la lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, dans une perspective féministe intersectionnelle, et qui répondent à des besoins criants et à des droits sociaux allègrement mis de côté par les gouvernements.

Lors de notre dernière rencontre, nous avons décidé qu'une journée d'action sera dédiée à chaque revendication, chacune des journées étant prise en charge par un ensemble de groupes volontaires. Nous avons aussi une proposition préliminaire (rien n'est fixé dans le béton !) de calendrier avec des journées thématiques pour la semaine :

Lundi 29 avril 2024 : La reconnaissance et l'élimination des violences systémiques, notamment économiques, faites aux femmes et aux personnes marginalisées

Mardi 30 avril 2024 : Un statut pour toutes et tous

Mercredi 1er mai 2024 : L'accès à un revenu qui permet de sortir de la pauvreté

Jeudi 2 mai 2024 : Le droit au logement pour toutes et tous

Vendredi 3 mai 2024 : Le renforcement du filet social et des services publics bien financés, accessibles et gratuits pour toutes et tous

Plusieurs groupes ont déjà fait part de leur volonté de co-organiser certaines des journées thématiques. Nous vous invitons donc à adopter un mandat d'appui à ce projet revendicateur ! Nous vous invitons également, si vous le pouvez, à donner un coup de main dans l'organisation des journées thématiques selon les enjeux qui vous interpellent le plus.

Notre comité de mobilisation et d'élargissement peut venir dans une de vos instances pour expliquer le projet et répondre à vos questions. Invitez-nous !

Cette semaine est l'occasion d'organiser des événements (ensemble ou en toute autonomie au sein de vos groupes) et d'obtenir une solide visibilité vue la quantité de groupes qui vont se coordonner pour brasser la cage et faire valoir leurs revendications. On espère vous voir lutter à nos côtés, de la manière qui vous conviendra !

SOLIDARITÉ !

Infos

Pour vous tenir au courant, mobiliser vos groupes (calendrier provincial des actions, matériel de mobilisation papier et réseaux sociaux, etc.), ajouter le nom de votre organisme à la liste des groupes appuyant la semaine de grève et d'action et/ou pour vous impliquer activement dans un des comités d'organisation des journées thématiques, allez sur : www.grevesociale.com ou écrivez-nous à info@grevesociale.com. Vous pouvez également nous appeler au 514-527-0700 (bureau de l'OPDS).

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« L’humanitarisme de salon » : le problème du corridor d’aide maritime de Gaza

Bien que l'aide soit désespérément nécessaire, les experts mettent en garde contre le fait que le plan dirigé par les États-Unis ne tient pas compte de la cause fondamentale de (…)

Bien que l'aide soit désespérément nécessaire, les experts mettent en garde contre le fait que le plan dirigé par les États-Unis ne tient pas compte de la cause fondamentale de la famine dans la bande de Gaza : le contrôle total d'Israël sur la bande de Gaza.

Tiré d'Agence médias Palestine. Source : +972. Photo : Des Palestiniens vus au port de la ville de Gaza, le 13 juin 2019. (Hassan Jedi/Flash90) Traduction ED pour l'Agence Média Palestine.

Lorsque Huwaida Arraf a participé à l'organisation du premier voyage maritime « Free Gaza » au départ de Chypre en 2008, elle savait que cet effort était essentiellement symbolique. Cela faisait deux ans qu'Israël avait commencé à imposer des restrictions qui allaient finalement se transformer en un siège quasi total de la bande de Gaza, interdisant tout trafic maritime entrant et interdisant la pêche au-delà d'un maximum de six miles nautiques. Le blocus a sévèrement limité une source essentielle de nourriture et de moyens de subsistance pour de nombreux résidents palestiniens, mais l'objectif du voyage Free Gaza – qui ne transportait qu'une seule boîte d'appareils auditifs pour une organisation caritative travaillant avec des enfants sourds – n'était pas d'apporter de l'aide.

« Nous avions deux bateaux de pêche qui nous ont à peine permis de traverser la Méditerranée », explique Arraf, avocat et militant des droits de l'homme, à +972. « Le véritable objectif était d'affronter et de contester le blocus illégal d'Israël. »

Aujourd'hui, cinq mois après le début de la guerre dévastatrice d'Israël contre Gaza, M. Arraf travaille avec la Coalition de la flottille de la liberté pour organiser un nouveau voyage. La nouvelle flottille, qui n'a pas encore annoncé de date de départ, transportera certainement de l'aide, mais sa mission à long terme, a expliqué M. Arraf, consiste à « remettre en question les politiques de contrôle ».

Ces politiques, selon les critiques, sont au cœur d'un nouveau « corridor maritime » pour Gaza, comprenant un port offshore, annoncé par les États-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni. Bien que ce projet soit présenté comme un moyen d'acheminer rapidement l'aide humanitaire dans la bande de Gaza assiégée, il laisse essentiellement les Palestiniens de Gaza à la merci des mêmes gouvernements qui soutiennent et encouragent l'assaut d'Israël contre l'enclave.

Elle révèle également l'impuissance des bailleurs de fonds d'Israël. Après tout, le bain de sang qu'ils continuent de financer ne se mesure pas seulement en corps palestiniens mutilés et en paysages ravagés, mais aussi par une campagne de famine délibérée qui se déroule sous leur surveillance – une campagne qui, de l'aveu même des responsables américains, ne peut être annulée par des mesures palliatives. Dans le même temps, alors que des centaines de milliers de Palestiniens sont aux prises avec la faim, le corridor maritime proposé pourrait être leur seule chance de survie à court terme.

« Les enfants qui sont déjà morts de faim à Gaza avaient survécu à d'innombrables bombardements et déplacements avant de mourir dans l'angoisse », a déclaré Yara M. Asi, professeur adjoint de santé mondiale à l'université de Floride centrale et auteur de « How War Kills » (Comment la guerre tue). « Personne ne veut voir un autre enfant mourir de faim. »

En même temps, Mme Asi prévient que le niveau de désespoir à Gaza signifie que les Palestiniens devront faire des choix déchirants pour déterminer qui recevra l'aide en premier. « Comment établir un ordre de priorité entre les mères âgées, les enfants et les adultes en bonne santé ? » a-t-elle déclaré à +972. « C'est un choix impossible pour les familles. »

C'est aussi un choix qui a été « annoncé depuis des mois », ajoute Asi. En décembre, l'Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA) a averti que l'insuffisance de l'aide mettait 40 % de la population de Gaza « en danger de famine ». Trois mois plus tard, le Programme alimentaire mondial estime que l'ensemble de la population de Gaza, soit 2,2 millions de personnes, se trouve « en situation de crise » ou à un niveau pire d'insécurité alimentaire aiguë.

Malgré l'urgence, des sources impliquées dans la planification du corridor maritime, qui ont requis l'anonymat, ont déclaré à +972 que des détails clés de son exécution restent en suspens – y compris, de manière cruciale, la manière dont l'aide sera distribuée une fois qu'elle sera arrivée dans la bande de Gaza. En particulier, le manque de coordination avec l'UNRWA, qui a été la cible d'une campagne de diffamation et de financement menée par Israël au cours des deux derniers mois, est presque sûr d'entraver l'effort international, ce qui soulève de sérieuses questions quant à son intention.

Distraction flagrante

Une grande partie de l'incertitude entourant le corridor maritime tourne autour de la dernière partie de ce qu'une source a appelé une « approche en trois phases ».

La première phase est menée par l'organisation caritative espagnole Open Arms et son partenaire World Central Kitchen (WCK), qui gère des dizaines de sites de préparation de nourriture à Gaza. Vendredi, un navire lié à Open Arms est arrivé de Chypre au large de la côte de Gaza, transportant quelque 200 tonnes de dons alimentaires sécurisés par l'organisation caritative et WCK.

Les organisateurs, selon la source, avaient engagé des travailleurs palestiniens pour construire une « jetée flottante » afin de recevoir les cargaisons, un effort « étroitement coordonné avec le gouvernement d'Israël ». WCK a publié une vidéo sur X montrant le déchargement de l'aide – bien qu'à l'heure où nous écrivons ces lignes, la manière dont l'aide est distribuée n'est pas claire. Entre-temps, l'organisation caritative indique qu'un deuxième navire est en train d'être préparé pour partir de Chypre.

Au cours des deuxième et troisième phases, l'armée américaine construirait une jetée au large de la côte de Gaza et superviserait le transfert d'une quantité d'aide suffisante pour préparer deux millions de repas par jour, selon la Maison-Blanche. Mais même si les expéditions maritimes devaient arriver à terre comme prévu, le Pentagone estime qu'il faudra deux mois pour les acheminer – une attente trop longue pour la population affamée de Gaza, avertissent les experts de l'aide humanitaire. On estime que 300 000 personnes sont confrontées à une famine imminente dans le nord de Gaza et, selon les Nations Unies, la faim a atteint des « niveaux catastrophiques » dans l'ensemble de la bande.

Entre-temps, les organisations humanitaires critiquent déjà le plan maritime qui ne s'attaque pas à la cause fondamentale de la crise de la faim à Gaza. Médecins sans frontières (MSF) a averti que les projets américains concernant la jetée constituaient une « distraction flagrante » face au refus persistant d'Israël de faciliter l'acheminement de l'aide dans l'enclave, en particulier dans le cadre d'un assaut qui a déjà tué plus de 31 000 personnes.

Des critiques similaires ont été formulées à l'encontre des largages de vivres effectués par les États-Unis, qui ne fournissent qu'une petite partie de l'aide nécessaire au nord de Gaza et qui, en tout état de cause, ne peuvent garantir une distribution sûre. Le 8 mars, par exemple, cinq personnes ont été tuées et dix autres blessées par la chute de colis d'aide humanitaire lorsque les parachutes auxquels ils étaient attachés ne se sont pas ouverts.

Selon les Nations Unies, au cours des cinq derniers mois, les livraisons d'aide à Gaza ont été bloquées à un maximum de 150 camions par jour en moyenne, soit plus de trois fois le nombre de camions qui entraient chaque jour avant le 7 octobre. Les pénuries alimentaires croissantes ont eu pour conséquence que le flux de camions est devenu une fraction de plus en plus petite de ce qui est nécessaire – un fait reconnu par nulle autre que Samantha Power, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID). Même lorsque l'aide alimentaire parvient à atteindre les zones les plus durement touchées, les forces israéliennes ouvrent parfois le feu sur les affamés, comme ce fut le cas lors du « massacre de la farine » du 29 février, au cours duquel au moins 110 Palestiniens ont été tués.

Saper l'UNRWA

Cette spirale de l'urgence est étroitement liée aux efforts agressifs déployés pour affaiblir l'UNRWA, une agence depuis longtemps prise pour cible par les responsables israéliens. Selon l'ancien porte-parole de l'UNRWA, Chris Gunness, le convoi qui a conduit au massacre de la farine « a été réalisé par des mercenaires, des chauffeurs de camion coordonnés par les autorités israéliennes », qui ont cherché à contourner l'agence des Nations Unies. Selon lui, ces chauffeurs ne connaissaient pas la région ni la logistique de l'acheminement de l'aide dans la bande de Gaza.

La tentative désastreuse du 29 février, selon Gunness, a montré que l'UNRWA est « la seule organisation ayant l'expérience, le personnel et l'infrastructure nécessaires pour distribuer l'aide en toute sécurité » dans l'enclave – en particulier dans les quantités annoncées par le président Joe Biden la semaine dernière.

« Il est impensable de reconstituer une nouvelle organisation d'aide comme l'UNRWA pour superviser la distribution de nourriture à cette échelle », a déclaré M. Gunness à +972. « C'est de l'humanitarisme de salon, de la part de personnes qui ne sont jamais allées à Gaza ou qui ne comprennent pas les complexités de l'acheminement de l'aide dans cette situation hautement volatile. »

Reconnaissant le rôle vital de l'UNRWA, le Canada, l'Union européenne, la Suède et l'Australie ont récemment repris le financement de l'agence après l'avoir brièvement suspendu à la suite d'allégations israéliennes non vérifiées selon lesquelles une douzaine des 13 000 employés de l'UNRWA basés à Gaza étaient impliqués dans l'attaque du 7 octobre menée par le Hamas contre le sud d'Israël. Malgré une évaluation des services de renseignement exprimant une « faible confiance » dans les affirmations d'Israël, les États-Unis n'ont pas encore rétabli leur financement, ce qui obscurcit encore les projets de l'administration Biden concernant les expéditions d'aide par voie maritime.

Et bien que les experts s'accordent à dire que l'UNRWA est la seule organisation disposant des entrepôts, des véhicules et du personnel nécessaires pour stocker et livrer en toute sécurité des denrées alimentaires à cette échelle, Juliette Touma, directrice de la communication de l'UNRWA, a déclaré à +972 que l'agence « n'est pas impliquée et n'a pas été approchée » au sujet de cet effort. Pendant ce temps, les attaques israéliennes, qui ont jusqu'à présent détruit ou endommagé 157 installations de l'UNRWA à Gaza et coûté la vie à 165 membres du personnel de l'agence, se poursuivent sans relâche.

Malgré les projets de corridor maritime, la situation humanitaire à Gaza continue de se détériorer rapidement. L'UNRWA a annoncé cette semaine qu'en moyenne, seuls 168 camions d'aide étaient entrés chaque jour ce mois-ci. Le 11 mars, le commissaire général de l'UNRWA, Philippe Lazzarini, a déclaré dans une publication sur X que les restrictions israéliennes sur les produits dits « à double usage » s'étaient renforcées, les « produits vitaux » tels que les anesthésiques, les ventilateurs et les médicaments contre le cancer étant interdits d'entrée. Le 2 mars, une enquête de CNN a révélé que l'armée israélienne avait interdit l'accès à des camions entiers d'aide essentielle si l'un de ces articles interdits se trouvait à bord.

Et avec une telle impunité, pourquoi ne le feraient-ils pas ? Les responsables israéliens continuent d'affirmer qu' »il n'y a pas de pénurie alimentaire à Gaza », même si la majorité des Israéliens souhaitent qu'il y en ait une : un récent sondage réalisé par la chaîne israélienne Channel 12 a révélé que 72 % des Israéliens étaient favorables à la poursuite de la suspension de l'aide alors que le Hamas et d'autres groupes détenaient toujours des otages à Gaza. Le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, a ordonné aux entrepreneurs du port d'Ashdod de ne pas livrer à l'UNRWA les cargaisons de farine dont elle a tant besoin. Un jour plus tard, la Knesset a adopté un projet de loi interdisant à l'agence d'opérer sur le « territoire souverain » d'Israël.

« Les Palestiniens ne veulent pas vivre que de l'aide humanitaire »

Il est difficile d'imaginer une tragédie plus emblématique de l'échec de la politique des États-Unis au cours des cinq derniers mois que la proposition de corridor maritime. Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, s'est à maintes reprises opposé aux demandes timides de la Maison Blanche pour qu'il mette un frein à ce que M. Biden a qualifié avec désinvolture de massacre d'innocents « à outrance ». La protection des enfants palestiniens – dont plus de 13 000 ont péri à ce jour – n'a manifestement jamais figuré parmi les priorités de l'administration américaine ; cela aurait signifié l'annulation d'une partie au moins de la centaine de ventes de matériel militaire approuvées par Washington depuis le 7 octobre. Se prémunir contre la famine ne semble pas moins être une réflexion après coup.

« Les Palestiniens de Gaza ont souffert de l'insécurité alimentaire bien avant le 7 octobre », a déclaré M. Asi. « Mais cette fois-ci, le traumatisme est différent. Les Palestiniens savent très bien que le fait de mourir de faim ou non est une décision prise selon les caprices de puissances qui échappent totalement à leur contrôle. »

Alors pourquoi un pays qui a l'intention d'affamer les Palestiniens de Gaza fait-il soudain volte-face lorsque l'aide alimentaire arrive par bateau et non par camion ? À entendre les responsables israéliens, le corridor maritime a pour but d'obtenir une « légitimité internationale » afin de poursuivre la guerre contre Gaza, dont Israël continue d'affirmer qu'elle vise à mettre le Hamas en déroute.

Cela pourrait expliquer pourquoi les autorités israéliennes ont mis en place des installations d'inspection dans la ville portuaire chypriote de Larnaca, et pourquoi le porte-parole militaire israélien Daniel Hagari a annoncé un « afflux d'aide » à Gaza. Mais ces points de discussion n'ont aucun sens tant qu'Israël continue de bloquer l'accès par voie terrestre, en particulier au nord de Gaza.

« Cette initiative maritime n'enlève rien à l'obligation d'Israël, en tant que puissance occupante, d'ouvrir totalement les points de passage terrestres et de permettre un accès humanitaire sans entrave », a averti M. Gunness, qui a souligné que la Cour internationale de justice avait réaffirmé ces obligations contraignantes dans ses mesures provisoires du 26 janvier. Et rien de tout cela ne sera possible, a-t-il ajouté, sans un « cessez-le-feu stable et crédible ».

Cependant, même avec un cessez-le-feu, le corridor maritime tant vanté par les États-Unis souffre d'un problème structurel, enraciné dans le long siège israélien de Gaza. Dov Weisglass, ancien conseiller principal du Premier ministre de l'époque, Ehud Olmert, a décrit de manière infâme le blocus comme une « mise au régime » des Palestiniens. Le fait que les politiques qui en ont découlé, accompagnées de calculs caloriques pour chaque Palestinien, aient été mises en place il y a près de vingt ans devrait être une raison suffisante pour douter des intentions d'Israël aujourd'hui.

« Il est absurde que l'aide humanitaire soit coordonnée avec l'entité qui a publiquement annoncé son intention d'affamer les Palestiniens de Gaza », a déclaré M. Arraf. « En fin de compte, les Palestiniens ne veulent pas vivre de l'aide. Ils veulent, ont besoin et méritent la liberté ».

Samer Badawi, le 16 mars 2024

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Victoire historique à l’UQAM en solidarité avec la Palestine !

Un groupe étudiant pour la solidarité avec les droits humains des Palestiniens a été le moteur de l'adoption de mandats de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) à (…)

Un groupe étudiant pour la solidarité avec les droits humains des Palestiniens a été le moteur de l'adoption de mandats de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) à l'égard d'Israël au sein de toutes les associations étudiantes facultaires de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

21 mars 2024

La communauté étudiante de l'UQAM devient ainsi la première au Canada à
avoir adopté le mandat BDS
<https://drive.google.com/file/d/1yH...>
.

« *Je suis fière de voir notre communauté se lever contre les crimes contre l'humanité perpétrés par Israël depuis plus de 75 ans, affirme Sarah, une étudiante au baccalauréat en administration qui réagit émue par cette
victoire. Je considère que c'est une avancée importante pour l'ensemble de la communauté étudiante.*
»

Depuis 2017, le groupe étudiant Solidarité des droits humains des Palestiniennes et Palestiniens (SDHPP) a joué un rôle important dans l'éducation et la sensibilisation aux réalités palestiniennes au sein de l'université, coordonnant ainsi l'effort de la campagne BDS. Grâce à ces efforts, sept associations étudiantes de l'UQAM ont progressivement adopté
des mandats BDS ; l'Association facultaire étudiante de science politique et droit (AFESPED) et l'Association facultaire étudiante des sciences humaines (AFESH) en février 2017, suivies par l'Association des étudiantes et
étudiants en sciences de l'éducation (ADEESE) en septembre 2017, l'Association facultaire étudiante des arts (AFÉA) en février 2019, l'Association facultaire étudiante des langues et communication (AFELC) en
avril 2019, et l'Association étudiante du secteur des sciences (AESS) en janvier 2022.

Hier, le 20 mars 2024, l'Association étudiante de l'École des sciences de la gestion (AÉESG), s'est jointe aussi au nombre croissant d'associations étudiantes et d'entités académiques ayant adopté un mandat BDS.

Dans le cadre de la campagne institutionnelle déjà entamée depuis octobre 2023, les associations étudiantes visent à présenter des résolutions au sein de leurs instances académiques respectives. Le but de cette campagne
est d'amener l'UQAM a adopté aussi en tant qu'institution un mandat de boycott académique à l'égard les universités israéliennes complices. Déjà, plusieurs comités de programme ont adopté de tels mandats, tandis que
d'autres examinent encore la question.


*Qu'est-ce qu'un boycott académique ?*

<https://drive.google.com/file/d/1yH...>

Selon la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d'Israël (PACBI), qui s'inscrit dans une campagne plus large du BDS, "*Les universités israéliennes sont des complices majeurs, volontaires et
constants du régime israélien d'occupation, de colonialisme et d'apartheid.*"

Cette complicité se manifeste par la production de connaissances qui alimente la propagande israélienne et justifie l'oppression coloniale ainsi que le nettoyage ethnique en Palestine. De plus, les unive rsités
israéliennes contribuent au développement des technologies pour l'armement, les doctrines militaires et juridiques, employées lors des guerres coloniales.

Dans cette optique, le SDHPP œuvre pour que l'UQAM mette fin à tout programme d'échange, projets communs ou autre lien avec les universités israéliennes ou le gouvernement israélien.

Solidarité pour les droits Humains des Palestiniennes et Palestiniens (SDHPP) basé à l'UQAM

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Les dérapages liés au lobbyisme inquiètent un grand nombre d’organismes et d’individus

26 mars 2024, par Collectif — , ,
Montréal, le 24 mars 2024. La déclaration “Lobby : halte aux dérapages” franchit aujourd'hui une nouvelle étape en dévoilant l'ampleur des premiers appuis recueillis [1] et en (…)

Montréal, le 24 mars 2024. La déclaration “Lobby : halte aux dérapages” franchit aujourd'hui une nouvelle étape en dévoilant l'ampleur des premiers appuis recueillis [1] et en réunissant des sommités dans le cadre d'une table ronde.

Depuis son lancement en novembre dernier, plus de 200 organisations et près de 1 100 personnes ont déjà appuyé cette déclaration pour contrôler la recherche de profits et garantir le droit d'association. Et la collecte de signatures se poursuit. Des groupes communautaires locaux, régionaux et nationaux, actifs dans différents domaines, notamment en matière d'éducation et de santé, pour la protection de l'environnement et la défense des droits, y côtoient des organisations syndicales importantes.

Cette déclaration souligne à quel point la _Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme [2] requiert un recentrage pour servir la démocratie. D'une part, les lobbyistes des grandes entreprises ne sont pas suffisamment contrôlés, alors que leurs interventions systématiques auprès des gouvernements placent leurs intérêts économiques au-delà du bien commun. D'autre part, les OSBL subissent des pressions constantes visant à les assujettir à la Loi, alors que cela menacerait leur droit d'association.

Mieux encadrer le lobbyisme est donc une nécessité pour toutes les personnes et les organisations qui ont signé la déclaration. La table ronde réunissant l'ex-politicienne Louise Harel, la professeure de droit de l'UQÀM, Lucie Lamarche et le journaliste André Noël permettra d'entendre différentes visions de la déclaration, en regard des enjeux
politiques, du respect des droits et du rôle des médias.

Claude Vaillancourt d'Attac Québec [3] souhaite que cette déclaration provoque une importante réflexion sur le rôle des lobbys et celui des organisations : « Il existe actuellement un trop grand déséquilibre entre le pouvoir d'intervenir publiquement des grandes entreprises et celui des associations qui défendent des intérêts citoyens. Il faut établir un rapport de force plus sain pour vaincre les inégalités et mieux protéger l'environnement. »

Les lobbyistes ont montré leur capacité d'influence dans le domaine de l'agriculture, plus spécifiquement, comme le dénonce Thibault Rehn de Vigilance OGM [4] : « Il est urgent d'encadrer l'influence des lobbys de l'agrochimie sur notre système alimentaire afin de permettre aux agricultrices et agriculteurs de nous nourrir, tout en diminuant les impacts sur notre santé et celle de notre environnement. C'est primordial dans le contexte actuel ».

La _Loi_ ayant été créée pour assurer la transparence des pratiques des lobbyistes ayant des visées lucratives, c'est la surveillance de ces derniers qui doit être renforcée. Selon Mercédez Roberge de Mon OSBL n'est pas un lobby [5] « Le Commissaire au lobbyisme et le gouvernement du Québec ont tenté à [6]6 reprises [6] d'assujettir tous les OSBL à la Loi. Pourtant, leurs actions de représentation collective n'ont
rien de commun avec les pratiques des lobbyistes devant s'inscrire au Registre. Ce dérapage doit cesser pour garantir l'exercice du droit d'association des OSBL, en tant qu'associations citoyennes. Il en va du respect de la démocratie. »

Prélude à l'accroissement du rayonnement de cette campagne, les appuis des premiers mois à cette déclaration constituent une base solide et diversifiée, notamment en vue d'émettre des propositions de modifications à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme et à mettre davantage ce sujet sur la place publique.

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Tout le monde le sait : au Québec, l’école est injuste.

26 mars 2024, par École ensemble — , ,
Les écoles privées subventionnées et les écoles publiques sélectives font leur marché parmi les élèves qui ont de la facilité. Les écoles publiques ordinaires, elles, doivent (…)

Les écoles privées subventionnées et les écoles publiques sélectives font leur marché parmi les élèves qui ont de la facilité. Les écoles publiques ordinaires, elles, doivent accueillir les exclus.Les conséquences de cet écrémage sur la réussite scolaire et notre cohésion sociale sont catastrophiques. Mais cette école à 3 vitesses, Bernard Drainville vit très bien avec. Il a même décidé qu'il voulait ajouter l'injure à l'injustice en créant un Palmarès gouvernemental des écoles. Humilier officiellement les « mauvaises écoles » : notre marché scolaire n'était jamais allé jusqu'à ce niveau d'indécence.

tiré du site École ensemble

Même François Legault reconnaît que ça n'a pas de bon sens !

Défendons l'école commune !

Le cercle vicieux du tri des enfants est renforcé par des organisations libertariennes comme le Fraser Institute qui fait déjà publier son Palmarès des écoles par les médias de Québecor.

L'objectif de l'exercice est de faire peur aux parents et de nourrir la concurrence entre eux. Le Fraser Institute fait l'apologie de la « liberté de choisir ». Cette posture hypocrite trompe de moins en moins de citoyens : on sait que le choix, ce sont les écoles sélectives qui l'ont, pas les parents.

Mobilisons notre entourage, faisons circuler la pétition !

Si comme vous, des membres de votre entourage sont concernés par l'état de notre système d'éducation, envoyez-leur cette page et invitez-les à se mobiliser avec nous !

Pour signer la pétition, allez sur cette page du site École ensemble
https://www.ecoleensemble.com/palmares

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L’ARLPHL s’engage dans le Projet circonflexe – Prêt-pour-bouger

26 mars 2024, par Association régionale de loisirs pour personnes handicapées des Laurentides (ARLPHL) — , ,
Saint-Jérôme, 15 mars 2024 - L'Association régionale de loisirs pour personnes handicapées des Laurentides (ARLPHL) est fière d'annoncer sa participation au Projet circonflexe (…)

Saint-Jérôme, 15 mars 2024 - L'Association régionale de loisirs pour personnes handicapées des Laurentides (ARLPHL) est fière d'annoncer sa participation au Projet circonflexe – Prêt-pour-bouger, une initiative novatrice visant à renforcer l'accessibilité à la pratique de sports et d'activités de plein air pour les personnes handicapées et en situation de vulnérabilité sur le territoire des Laurentides.

Le Projet circonflexe, mené par Loisirs Laurentides, deux parcs régionaux et dix nouvelles municipalités et villes des Laurentides récemment annoncées et auxquels s'ajouteront d'autres milieux au cours des trois prochaines années, vise à établir des centrales d'équipement accessibles et adaptées aux besoins spécifiques de la population québécoise. Ces centrales seront des ressources essentielles pour fournir des équipements spécialisés, offrir des conseils personnalisés et promouvoir l'inclusion dans les activités de loisirs pour tous.

En tant qu'organisme reconnu pour son engagement en faveur de l'inclusion et de l'accessibilité, l'ARLPHL jouera un rôle crucial en tant que ressource conseil pour les différentes centrales d'équipement qui seront établies dans la région des Laurentides. Son expertise et son dévouement à soutenir les personnes handicapées seront essentiels pour garantir que les équipements fournis répondent précisément aux besoins individuels de chaque utilisateur. De plus, l'ARLPHL agira en tant que point de service pour le prêt d'équipements adaptés, offrant ainsi un accès direct et pratique à la population.

« Nous sommes ravis de collaborer avec le Projet circonflexe – Prêt-pour-bouger pour renforcer l'accessibilité et l'inclusion dans notre région », a déclaré Raphaëlle Morin, responsable des programmes à l'ARLPHL. « En travaillant ensemble, nous pouvons créer un environnement où chaque personne, peu importe ses capacités, a l'opportunité de participer pleinement aux activités de loisirs et de bénéficier d'une qualité de vie améliorée. »

« Loisirs Laurentides est fier de compter sur le partenariat et l'expertise de l'ARLPHL en matière d'équipements adaptés. Cet organisme saura guider les futures centrales d'équipement qui choisiront de rendre accessible ce type d'équipement dans l'un des points de services qu'elles développeront au cours des prochaines années et que nous avons récemment annoncés lors d'une conférence de presse », de mentionner Élaine Lauzon, directrice générale de Loisirs Laurentides.

Le Projet circonflexe – Prêt-pour-bouger représente une étape significative vers la création d'une société plus inclusive et équitable pour tous. En collaborant avec des partenaires locaux et régionaux, l'ARLPHL, aux côtés de Loisirs Laurentides, s'engage résolument à promouvoir l'accessibilité et à renforcer l'autonomie des personnes handicapées dans les Laurentides et au-delà.

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Crise agricole en Allemagne. À quand pour le Québec ?

26 mars 2024, par Maxime Laplante — , ,
Les colonnes de tracteurs sur les routes allemandes ont fait les manchettes, mais la situation s'avère similaire dans d'autres pays européens. Même si l'élément déclencheur fut (…)

Les colonnes de tracteurs sur les routes allemandes ont fait les manchettes, mais la situation s'avère similaire dans d'autres pays européens. Même si l'élément déclencheur fut le retrait du rabais sur le diesel agricole, on comprend qu'il s'agit de la pointe de l'iceberg des problèmes que vivent les agriculteurs et agricultrices d'Europe. Outre la taxe sur le diesel, la concurrence étrangère et la pression à la baisse sur les prix obtenus, l'augmentation des charges concernant l'assurance-accident ainsi que la protection des écosystèmes ont motivé les agriculteurs à l'occupation des routes.

18 mars 2024 | tiré de la lettre de l'Iris | Photo : conceptphoto.info (Flickr)

Les problèmes semblent donc multiples. Selon Renate Künast, ex-ministre de l'Agriculture en Allemagne, 94% des citoyen·ne·s réclament une amélioration du bien-être animal, 87% sont en faveur d'une agriculture plus écologique, 86% des consommateurs et des consommatrices désirent un meilleur étiquetage des produits animaux et 84% plaident pour une augmentation du revenu des agriculteurs et agricultrices. Donc plus d'exigences envers les fermiers.

Pour l'instant, le parlement allemand s'est prononcé contre l'allègement de la taxe sur le diesel, mais se dit à la recherche de solutions pour assurer le futur des producteurs et productrices agricoles. Le ministre actuel de l'Agriculture, M. Özdemir, souhaite une taxe sur les aliments d'origine animale pour financer la conversion des étables et ainsi les adapter aux nouvelles normes de bien-être animal. Dans l'opposition, le SPD aimerait fixer les prix payés à la ferme pour le lait et contrer la montée de la valeur des terres agricoles qui entrave la relève.

En somme, des problèmes très semblables à ce que vivent les fermes du Québec : dépenses en augmentation, normes environnementales plus exigeantes et coûteuses, augmentation de la valeur des terres, de l'endettement, plus de paperasse due à la bureaucratisation du secteur. Pendant ce temps, entre 2014 et 2019, le prix de l'alimentation, incluant les ventes au détail et en restaurant au Québec, a augmenté de 11% pour les consommateurs et les consommatrices, tandis que le prix moyen payé aux producteurs est demeuré sensiblement le même avec 1,1% d'augmentation, révèle Statistique Canada.

Le président actuel de l'Union des producteurs agricoles (UPA), M. Martin Caron, a d'ailleurs annoncé son intention de mobiliser les troupes pour une démarche de protestation. En argument, il présentait à la presse une prévision de l'effondrement du revenu net agricole au Québec pour l'année 2024. Dans la même foulée, l'UPA réclame plus de soutien de la part de l'État québécois.

Mais autant du côté allemand que québécois, beaucoup sont d'avis que la solution ne réside pas nécessairement dans le soutien gouvernemental, mais plutôt dans une amélioration des prix payés pour les denrées agricoles. Être entrepreneur plutôt que dépendant de subventions. Du côté allemand, l'organisation syndicale de la paysannerie, l'AbL (Arbeitsgemeinschaft bäuerlicher Landwirtschaft) plaide pour un programme en six volets, incluant des prix plus justes pour le lait, une taxe foncière pour les détenteurs de grandes superficies de terres à l'achat de nouvelles surfaces, une compensation pour la modernisation des étables, une meilleure répartition du soutien de la politique agricole commune (PAC) pour aider les petites entreprises et un plus grand contrôle des OGM.

On remarque également une certaine nostalgie face à la disparition des quotas laitiers, en vigueur en Europe il y a quelques décennies. Or, le Québec conserve toujours ses quotas et sa gestion de l'offre, dont l'objectif est de stabiliser les prix en fonction des coûts de production et d'ainsi sécuriser le revenu agricole. Cependant, depuis un demi-siècle, le discours de l'UPA est le même : réclamer encore plus de subventions, sans adapter un système peu approprié à la situation actuelle.

Pourtant, l'UPA possède tous les outils pour changer la donne et améliorer la situation des fermes. En effet, en contrôlant les plans conjoints en situation de monopole, elle pourrait améliorer les prix payés pour les denrées agricoles auprès des agriculteurs. L'UPA dispose également d'une influence démesurée sur les organismes publics, comme la Régie des marchés agricoles et la Financière agricole.

En principe, la fameuse gestion de l'offre devait servir à ça : sécuriser le revenu agricole. Au lieu de ça, c'est devenu une situation de privilèges, gérée en conflit d'intérêts, accentuant la concentration des fermes, l'augmentation de leur valeur, poussant à l'endettement.

Mais sortons de la théorie et imaginons un scénario possible dans le cadre de la gestion de l'offre. Prenons l'exemple du lait. Pourquoi ne pas donner de nouveaux quotas de production à de petites entreprises en région, lorsque la demande pour les produits laitiers augmente, au lieu de distribuer ce quota au plus fort la poche à ceux qui en ont déjà ? Pourquoi ne pas donner des quotas pour la mise en marché et la transformation à la ferme au lieu de s'en tenir au fort volume au prix de gros ?

Pourquoi ne pas établir des prix du lait différenciés, en concordance avec des coûts de production variables, selon le type de production ou la localisation de la ferme ?

Pourquoi pas pour les grains ? Pourquoi pas des prix planchers garantissant une rentabilité à la ferme ? Un plan conjoint, en concordance avec la gestion de l'offre, permettrait, en toute légalité, de fixer les prix et même de bloquer les frontières pour éviter la concurrence face à des importations à bas prix, comme c'est déjà le cas pour une foule de produits.

En somme, si beaucoup d'enjeux sont similaires des deux côtés de l'océan, le Québec agricole a en main des outils en mesure d'y remédier, sans même avoir besoin de changer une seule loi. Il serait dommage de ne pas s'en servir et d'attendre que la crise européenne nous rattrape tout en exigeant simplement encore plus de subventions.

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Objet de réforme dans un système capitaliste, le régime d’assurance-médicaments du gouvernement Trudeau manque d’élan et de direction claire (à ce jour)

26 mars 2024, par Ken Collier — , ,
Ken Collier est d'avis que le régime fédéral d'assurance-médicaments– quelle que soit la forme qu'il prenne – est appelé à être jugé selon les critères suivants : est-il (…)

Ken Collier est d'avis que le régime fédéral d'assurance-médicaments– quelle que soit la forme qu'il prenne – est appelé à être jugé selon les critères suivants : est-il complet, accessible, efficace ?

Tiré de Canadian DImension

Mardi 12 mars 2024 / KEN COLLIER
Traduit par Johan Wallengren

Jusqu'en février 2024, le Canada a été sans régime d'assurance-médicaments. Et même à ce stade, les propositions relatives à un régime universel d'assurance-médicaments étaient remarquablement vagues parmi les partis politiques, sur les tribunes médiatiques et au sein des groupes militants. L'intérêt que le gouvernement avait bien voulu accorder au projet d'un régime universel d'assurance-médicaments semblait refroidi, ostensiblement pour des raisons de coûts.

À la dernière minute, le gouvernement Trudeau a annoncé une proposition d'assurance-médicaments plutôt faible et diluée, quelques jours avant la date butoir du 1er mars 2024, avec pour objectif de sauver l'entente de confiance et de soutien entre les libéraux et les néo-démocrates, en vue d'éviter une éventuelle élection que les deux partis voulaient éviter.

Le nouveau régime minimal d'assurance-médicaments sera administré par les provinces et les territoires. Il ne s'appliquera qu'aux médicaments pour le diabète et la contraception. Un plan à long terme pour élargir le système afin de couvrir d'autres médicaments suscite un faible espoir de développement des prestations dans un avenir rapproché. En attendant que la nouvelle proposition porte effectivement fruit, les régimes provinciaux d'assurance-médicaments, lorsqu'ils existent, prennent partiellement en charge les médicaments vendus dans les pharmacies locales ou en ligne ; le client « co-paie » une partie des coûts.

Ces programmes fragmentaires tels qu'ils existent s'articulent principalement autour de l'assurance comme méthode de paiement des médicaments de prescription. L'assurance est basée sur le risque calculé par une société privée telle qu'une banque ou une société d'assurance officielle. L'assureur fait le pari que les clients n'auront pas besoin de médicaments, tandis que les clients craignent d'en avoir besoin. Les assureurs ont une connaissance (plus ou moins exacte) des statistiques de risque. Un régime universel d'assurance-médicaments de qualité, comme il en existe dans de nombreux pays à économie avancée dans le monde, notamment au Royaume-Uni, en Allemagne, en Nouvelle-Zélande et en France, se fonde sur les besoins plutôt que sur les risques. Mais l'évaluation de ces besoins est aléatoire. Il s'agit souvent d'un exercice de réflexion du type « laissons le marché décider ».

La valeur d'un régime d'assurance-médicaments – quelle que soit la forme qu'il prenne – repose sur des critères/indicateurs déterminés.

Au Canada, les bénéfices que réalisent les compagnies sur les médicaments s'échelonnent entre 16 et 22 %, et peuvent même dépasser de beaucoup ces pourcentages dans certains cas. Un programme fédéral d'assurance-médicaments peut remplir toutes les fonctions, pour ce qui est de fournir des médicaments, et gérer le tout avec beaucoup moins de frais généraux. Il est possible de ménager une marge de manœuvre confortable pour couvrir les coûts administratifs et autres en empêchant d'énormes profits de refluer vers des compagnies dont bon nombre ne sont même pas basées au Canada.

Il est décevant de constater que la proposition de régime d'assurance-médicaments du début de l'année 2024 ne prévoit pas la mise en place de listes de médicaments couverts. De telles listes peuvent se résumer à un inventaire de médicaments acceptés, avec les prix correspondants, mais peuvent aussi prévoir des lieux d'entreposage des produits et des moyens de les distribuer. Les administrateurs de programme négocient des achats en gros auprès des fabricants de médicaments à des conditions beaucoup plus favorables que si les pharmacies locales ou même les grandes et très rentables sociétés franchisées dont elles dépendent faisaient cavalier seul.

Lorsque le gouvernement légifère sur des programmes, les règlements définissent le financement et précisent qui est censé faire le travail, en plus de mettre en place un moyen de mesurer le succès et de jauger les responsabilités des différents niveaux de gouvernement.

La recherche et le développement visant à améliorer l'assurance-médicaments reposent actuellement presque entièrement sur les laboratoires et les bureaux des compagnies pharmaceutiques. Des centres de recherche et de développement de taille modeste et généralement sous-financés au sein d'universités et d'hôpitaux financés par l'État jouent également un rôle. Pour s'y retrouver dans toutes les données, statistiques et autres informations recueillies, la recherche et l'analyse centralisées sont un moyen d'éviter la duplication des données et les recherches répétées dans les mêmes dossiers. Faute de telles mesures, un financement décousu et périodique engendrera plus de révisions à la baisse et de retards de financement, problèmes accompagnés d'une moindre disponibilité au niveau du marché et des possibilités de transport contribuant à des épisodes chaotiques de progressions subites, de dévoiements et même de reculs par rapport aux objectifs.

De nos jours, les tests de qualité et d'efficacité des médicaments sont effectués par des compagnies privées qui cherchent à obtenir des brevets afin de les vendre à des fins lucratives, ce qui permet de financer la prochaine génération de médicaments. Ces tests sont plutôt aléatoires et conditionnés par le marché. Même les « médicaments miracles » risquent de ne jamais voir le jour s'ils ne se vendent pas bien. Et le potentiel de vente dépend en grande partie des prix que la population est en mesure de payer, plutôt que de la qualité et de l'effectivité. Les efforts de promotion coûteux constituent un autre facteur de renchérissement du marché des prescriptions privées. Il suffit de regarder brièvement la télévision ou de parcourir les médias pour se voir servir des messages publicitaires sur des médicaments, et nous contribuons tous à les financer.

Un régime d'assurance-médicaments, pour être viable, doit être régi par des tests gérés et consolidés par des instances gouvernementales. Un tel régime doit reposer sur un accès aux médicaments fondé sur leur qualité plutôt que sur les efforts promotionnels des compagnies pharmaceutiques.

La gestion d'un programme d'assurance-médicaments efficace doit nécessairement être supervisé par un ministère, le ministre responsable et, dans certains cas, un organe législatif. Des organismes administratifs indépendants peuvent paraître opérer équitablement – ils sont censés être impartiaux et ne pas subir d'influence extérieure indue. Or, l'expérience nous montre qu'il n'en est rien. Un fonctionnement optimal, dans le respect de la mission et des principes à appliquer, suppose que les autorités soient réceptives et que remonte vers elles les informations sur les desiderata et besoins par le biais de débats publics, d'élections et, malheureusement, de lobbying. Il est à noter que la législation canadienne actuelle tente d'imposer la transparence en révélant les sujets des personnes qui s'y livrent et l'identité de celles-ci, l'étendue et la durée des activités de lobbying et les sommes dépensées dans le cadre de celles-ci. Les lecteurs motivés ont de quoi passer des week-ends entiers à dévorer les documents afférents.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui relève des Nations unies, de même que certains autres organismes, fournissent, dans toute la mesure du possible, des informations pertinentes au niveau mondial. L'OMS incite les décideurs à utiliser les données scientifiques et autres, les chiffres comparatifs, ainsi que toutes ressources disponibles. Un programme canadien d'assurance-médicaments reposant sur des bases saines ne saurait opérer efficacement qu'en coopérant pleinement avec l'OMS et en consacrant le temps et les fonds nécessaires à cette démarche.

Les médicaments pour la santé mentale et le traitement des maladies mentales devraient constituer un élément important du dispositif. Les militaires, la Gendarmerie royale du Canada, les Premières nations canadiennes et les programmes spéciaux de lutte contre le cancer seront gagnants s'ils peuvent bénéficier d'un programme d'assurance public couvrant les médicaments d'ordonnance. Les besoins en médicaments particuliers destinés à soigner les « maladies rares et orphelines » devraient probablement aussi en faire partie.

Le régime fédéral d'assurance-médicaments, quelle que soit la forme qu'il prenne, est appelé à être jugé selon les critères suivants : est-il complet, accessible, efficace ? Les solutions envisagées pourraient être aussi simples que le système actuel d'assurance-médicaments de la Colombie-Britannique, qui n'offre qu'une certaine couverture pour les prescriptions, ou inclure toutes les caractéristiques mentionnées ci-dessus.

Gestion d'un régime d'assurance-médicaments

Le fait est que l'assurance-médicaments est un objet de réforme dans un système capitaliste. Un autre fait est que l'économie est dominée par le capital financier, ce qui fait que le potentiel de profit oriente une grande partie des décisions. Et pas seulement le profit. De nos jours, le potentiel doit impliquer des perspectives de profit plus considérables qu'auparavant et supérieures à ce que les concurrents peuvent réaliser dans le système. L'assurance-médicaments vise en partie à empêcher que l'argent ne soit retiré du système de médicaments sur ordonnance sous la forme de profits, en particulier de profits excessifs, quoi que cela puisse signifier dans l'esprit des planificateurs et de la classe politique.

Lorsque les libéraux minoritaires ont négocié l'entente de soutien et de confiance avec le NPD et ont commencé à discuter de l'assurance-médicaments, ils ont demandé une consultation par l'intermédiaire d'une commission d'experts, de parties prenantes et de certains autres intervenants, ce qui a abouti au rapport Hoskins. Alors que les médias nationaux étaient focalisés sur une question centrale « Pouvons-nous nous le permettre ? » – une concession à leurs téléspectateurs et lecteurs, les contribuables assiégés – celle-ci pouvait être considérée comme acceptable si formulée de la bonne façon.

D'où pourrait bien venir l'argent ? On peut relever dans le rapport Hoskins des éléments critiques de ce point de vue :

• Le gouvernement devrait s'efforcer de capter et de réorienter tout ou partie de ce flux de financement.

• Des taxes spécifiques, telles que la TPS, devraient être augmentées.

• Une nouvelle taxe ou prime à payer par tout le monde devrait être imposée.

• La fiscalité générale devrait être utilisée pour financer l'assurance-médicaments de la même manière que l'assurance-maladie.

Abstraction faite des détails et points présentés, il n'est pas surprenant que le choix de la taxation générale ait été fait. Docteur Eric Hoskins présidait le conseil. Il avait été ministre dans un précédent gouvernement libéral de l'Ontario et la majorité trouvait que c'était une bonne idée que les des députés décident comment dépenser l'argent des contribuables, parce qu'ils ont beaucoup moins d'influence sur la façon dont les revenus de la fabrication et de la distribution des médicaments sont répartis si on laisse la prérogative au marché privé.

L'un des résultats très publics de cette démarche a été de présenter l'assurance-médicaments comme un coût pour les contribuables, plutôt que comme une ligne du grand livre comptable au titre des frais généraux administratifs et opérationnels. Un poste budgétaire aussi important que la vente au public de médicaments sur ordonnance est beaucoup moins sujet à des réductions et à des augmentations que ne le serait la décision du parlement en matière de politique fiscale et de dépenses.

Nous avons donc une proposition de programme, non encore présentée comme un projet de loi, avec essentiellement deux éléments à mettre en œuvre sous une forme que ceux d'entre nous qui se penchent sur la politique sociale appellent « gradualisme décentralisé ». En tant qu'objet de réforme dans un système capitaliste, le projet manque d'élan et de direction claire.

Ken Collier est un professeur retraité de travail social, de politique sociale et d'économie qui s'est récemment installé à North Bay, en Ontario. Il est actif au sein du Conseil des Canadiens, de la Coalition ontarienne de la santé et d'autres organisations. Il effectue des recherches et rédige des articles pour des publications progressistes militantes et axées sur la recherche.

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La propagande 101 comme arme de guerre.

26 mars 2024, par André Jacob — , ,
Dans une leçon de propagande 101 offerte par l'éditorialiste du Devoir du 11 mars dernier1, la journaliste Marie Vastel fait état de la condition des forces armées canadiennes (…)

Dans une leçon de propagande 101 offerte par l'éditorialiste du Devoir du 11 mars dernier1, la journaliste Marie Vastel fait état de la condition des forces armées canadiennes en utilisant une approche alarmiste au titre accrocheur : « L'armée canadienne, une armée en lambeaux ». En fait, son texte répercute tout simplement les demandes répétées des dirigeants des forces armées canadiennes, mais surtout des bonzes de l'OTAN qui chantent sur tous les tons que chaque pays membre de cette organisation guerrière accorde au moins 2 % de son produit intérieur brut (PIB) à son budget d'armements.

Madame Vastel renforce son propos pro-OTAN en répétant l'assertion d'un de ses dirigeants : « Nous allons avoir besoin de plus », a laissé tomber sans grande surprise Angus Lapsley, un sous-secrétaire général de l'OTAN, lors d'une conférence annuelle du milieu militaire à Ottawa la semaine dernière. » Ne discutons pas ! Aux armes !
À cet appel à un développement accéléré de l'arsenal militaire canadien, on pourrait ajouter les pressions des lobbyistes des fabricants d'armes toujours à la recherche de politiciens ou de politiciennes favorables à leur recherche des juteux contrats de l'État.

Pour justifier de telles demandes, la propagande guerrière utilise toujours le même procédé : l'ennemi serait à nos portes et nous menacerait, d'où l'urgence de préparer le pays à résister aux menaces par les armes. Refrain usé. En mettant de l'avant la menace d'un agresseur éventuel, on vise à obtenir l'assentiment de l'opinion publique à la nécessité de l'augmentation de la puissance militaire et, dans la même foulée, à la guerre. Évidemment, on ne propose pas un débat de société sur la politique militariste. Madame Vastel reprend la mélopée de la menace, argument typique de la propagande : « L'imprévisibilité du président russe, Vladimir Poutine, exacerbée par sa connivence avec Donald Trump, qui brigue de nouveau la présidence américaine, ne permet plus la même complaisance. Le Canada n'a plus à s'inquiéter seulement de rassurer ses alliés. Au-delà de l'atteinte d'une cible diplomatique et symbolique d'investissements, il y va de la souveraineté territoriale bien réelle du Canada. »

L'invasion de l'Ukraine par la Russie offre le prétexte tout désigné pour cultiver la peur par l'évocation d'une menace extrême, émotion qui permet de contourner facilement une analyse rigoureuse de la situation ; en outre, en utilisant le discours seriné par l'OTAN, présenté en sourdine comme le grand ami crédible sur tous les plans, on cherche à donner encore plus de poids à un argument fondé sur la menace : si la Russie a envahi l'Ukraine, elle pourrait aussi envahir n'importe quel autre pays. Sous quels motifs ? Quel serait son intérêt à le faire ? On n'explicite jamais cette assertion puisqu'on ne peut pas justifier ce scénario catastrophique. Il suffit de dire que la Russie constitue une menace. À l'inverse, on omet toujours, par exemple, de mentionner que l'OTAN a été un acteur politique et militaire important en Ukraine bien avant cette invasion ; à titre d'exemples, des contingents de militaires canadiens étaient déployés en Ukraine pour former des militaires ukrainiens ; le soutien des États-Unis à l'Ukraine depuis les années 90 a contribué à faire monter la pression contre la Russie, etc. En fait, l'OTAN vise le maintien d'une « guerre froide » contre la Russie depuis fort longtemps et exige toujours plus d'armes pour montrer sa puissance.

L'augmentation des budgets militaires devrait faire l'objet de débats en profondeur. Il ne s'agit pas seulement de pourcentage du budget consacré à l'armement, mais bien des motifs de la stratégie de toujours plus d'armes pour protéger les intérêts européens et américains. Une question se pose : est-ce que l'incommensurable force de frappe des États-Unis et de leur gigantesque réseau de centaines de bases militaires sur toutes les régions de la planète garantit plus de sécurité et de paix ? Est-ce qu'un Canada plus militarisé sera plus sécurisé ? Poser la question, c'est y répondre. Depuis la dernière guerre mondiale (1939-1945), dans différentes régions du monde, les conflits armés impliquant les États-Unis à l'avant-garde, les conflits armés extrêmement destructeurs et déstabilisants n'ont jamais abouti à solidifier les fondements de la démocratie et de la liberté. Les exemples ne manquent pas : Vietnam, Syrie, Afghanistan, etc. En d'autres termes, les arguments de la propagande guerrière de l'OTAN reprise constamment dans les médias ne visent pas le maintien de la paix, mais bien à développer plus de forces militaires en mesure de détruire de plus en plus un peu partout sur la planète. Peut-on entendre les dirigeants et ceux des pays occidentaux promouvoir des stratégies de médiation et de négociation et encore moins demander un ralentissement de la course aux armements. Jamais. Au contraire, on cherche à renforcer de plus en plus les arsenaux au nom de la sécurité et de la paix. Sophisme magistral que tout cela.

La duplicité du Canada dans sa propagande pro-Israël.

Depuis l'assaut de djihadistes contre des citoyens en Israël le 7 octobre 2023, le gouvernement canadien a répété sans cesse le mantra : Israël a le droit de se défendre. C'est le principe utilisé pour justifier son appui indéfectible à la politique belliciste du gouvernement israélien. Le motif principal, se défendre contre le Hamas, organisation jugée terroriste ; l'utilisation ad nauseam de ce mot suffit pour amplifier la dangerosité de l'ennemi et servir de socle à la propagande guerrière. Rien de nouveau.

Bien avant le 7 octobre, le gouvernement canadien facilitait la vente d'armes à Israël. Pourtant, dernièrement, venu de nulle part, le gouvernement canadien a fait couler l'information à l'effet qu'il retarde maintenant l'envoi de véhicules blindés à Israël. Tous les médias de communication ont transmis le message sans trop chercher à en expliciter la signification. Le prétexte serait qu'on ne veut pas que ces véhicules soient utilisés à des fins létales. Quelle hypocrisie ! On sait que les entreprises canadiennes vendent des armes à Israël depuis longtemps et elles ne servent pas de décorations, mais bien d'armes offensives et défensives. En d'autres termes, par ses armes, depuis les premières attaques israéliennes à Gaza, le Canada participe à cette guerre. Aujourd'hui, devant la révolte populaire internationale contre l'ignominie de la guerre américano-israélienne (les États-Unis appliquent toujours leur droit de veto pour demander que cesse cette boucherie) disproportionnée à Gaza, le gouvernement canadien tente de montrer patte blanche, mais il continue d'évoquer la menace terroriste du Hamas pour appuyer Israël.

Pourquoi s'agit-il d'une stratégie de propagande ? Premièrement, cette manœuvre de communication de masse en est une de diversion ; illustration parfaite d'une stratégie de propagande parce que l'on vise à mettre le voile sur le fait que le gouvernement canadien maintient toujours son soutien à Israël en raison de la dangerosité de l'ennemi, le Hamas ; en ce sens, ainsi on justifie l'utilisation d'une violence destructrice démesurée et funeste contre les Palestiniens et Palestiniennes prisonniers d'un minuscule territoire. Dans les discours officiels et des démarches à l'air diplomatique, on dit demander un cessez-le-feu, mais sans grand moyen de pression. Ainsi, alors que l'on applique de nouvelles sanctions économiques contre la Russie, on n'en fait absolument rien en Israël. Deux poids, deux mesures.

Deuxièmement, on évite ainsi de parler de la barbarie de cette guerre menée avec des armes sophistiquées en grand nombre contre des combattants du Hamas somme toute pas équipé pour affronter une puissance militaire armée par les pays occidentaux, les États-Unis en tête, suivis du Canada et des pays européens. Depuis octobre 2023, Israël poursuit la destruction de Gaza avec une telle impunité que ce drame contemporain est devenu le symbole d'une violation constante de la dignité humaine et des droits fondamentaux des Gazaouis. Bien sûr, du bout des lèvres, le gouvernement canadien dit s'associer à la demande mondiale d'un cessez-le-feu, mais sans grande combativité. On baisse aussi le rideau sur les violentes pratiques de colonisation d'Israël : violence et assassinat de paysans palestiniens, appropriation du territoire, arrestations arbitraires, etc.

Les opérations de propagande sont constantes et efficaces, mais les gens ne sont pas dupes. Il est possible de décortiquer la duplicité des vraies manœuvres du gouvernement canadien, commerçant d'armes comme les autres pays occidentaux qui endossent les perspectives colonialistes en fonction de leurs intérêts stratégiques sur le plan politique, économique et commercial.

Alors que les médias dominants reprennent sans cesse les arguments de la propagande proguerre, les organisations pacifistes et citoyennes trouvent rarement une écoute attentive dans les mêmes canaux. Autre débat.

André Jacob

18 mars 2024

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La semaine difficile d’un Premier ministre

26 mars 2024, par Pierre Jasmin — , ,
À sa présence humble et souriante à la 500e émission - enregistrée des semaines auparavant - de Tout le monde en parle, Justin Trudeau félicita sincèrement et de très bonne (…)

À sa présence humble et souriante à la 500e émission - enregistrée des semaines auparavant - de Tout le monde en parle, Justin Trudeau félicita sincèrement et de très bonne grâce l'ex-Première ministre Pauline Marois d'avoir eu la vision féministe dès 1997 d'instituer au Québec un système de garderies pour faciliter l'accès au travail des femmes, ce que lui-même cherche avec difficulté à implanter dans le ROC conservateur.

Par Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la Paix 16 mars 2024

Trudeau - Dr Jekyll

Après une scène revue de TLMEP 2012 quand il reprochait à son père de n'avoir pas su garder son couple uni avec ses trois enfants, il répondit avec tristesse et beaucoup de sincérité avoir mis lui-même la politique au premier plan, avant le bonheur de sa propre famille éprouvée par un divorce qui selon les photos d'ELLE-Québec semble moins affecter Sophie Grégoire. Enfin, on a revu avec plaisir son baiser au fou du roi Turcotte avec une explication (avant-gardiste, il y a douze ans) sur son désir de marquer sa différence d'avec le rétrograde Harper sur le respect des droits LGBTQIA+.

En même temps que TLMEP, se tenait la 96e cérémonie des Oscars où la gagnante de la
meilleure chanson Billie Eilish et son frère compositeur portaient fièrement le badge rouge symbolisant le soutien au peuple palestinien et appelant à un cessez-le-feu. Le réalisateur récompensé du meilleur film étranger Zone d'intérêt a proclamé que Les choix de ce film ont été faits pour nous faire réfléchir et réagir dans le présent, pas pour qu'on se dise dans quelques années 'regardez ce qu'ils ont fait', mais pour qu'on se dise maintenant 'regardez ce qu'on fait'. Notre film montre là où a pu mener la déshumanisation la plus terrible. Et cela a forgé notre passé et notre présent. Aujourd'hui, nous nous tenons devant vous en refusant que notre judéité et l'Holocauste soient instrumentalisés par une occupation qui a mené à une guerre impliquant tant d'innocents.

Qu'il s'agisse des victimes du 7 octobre en Israël ou de celles des attaques incessantes qui se déroulent à Gaza, elles sont toutes des victimes de cette déshumanisation. »

Ses difficiles décisions de la semaine

Justement, par rapport à son allié Israël, s'il avait en un premier temps approuvé à l'automne une quarantaine de permis d'exportation d'armes (28.5 millions de $), applaudie par les conservateurs et les députés juifs de son propre parti, M. Trudeau a su prendre depuis le début d'année les décisions difficiles qui s'imposaient, sans doute éclairées par des reportages de grande qualité objective par la courageuse Marie-Ève Bédard sur place.

Notons l'entrevue de madame Dussault avec l'infirmière française Imane Maarifi, tout premier signe que Radio-Canada se préoccupe enfin de paix en regardant la vérité guerrière, loin de ses téléjournaux squattés par la météo, les nouvelles sportives et les insignifiances facebook telle la photo retouchée de Kate Middleton.

Notons aussi que :
en priorité vitale, répondant à nos appels, Trudeau a rétabli les fonds à l'UNRWA luttant contre la terrible famine des Palestiniens que même les Américains reconnaissent, avec leur tardif acheminement de vivres depuis l'île de Chypre vers un port bancal et il a rigoureusement et à juste titre refusé d'exporter des blindés commandés par Nétanyahou à une usine d'Ontario où pourtant, les votes d'employés grassement rémunérés seront cruciaux dans sa prochaine campagne électorale contre Pierre Poilièvre. Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) a condamné le beau geste : « la suspension des exportations de matériel militaire non létal témoigne de l'échec moral du gouvernement libéral », s'est indigné son PDG, Shimon Koffler Fogel, par voie de communiqué complaisamment publié par nos médias, contrairement à nos appels à une paix négociée, tous censurés par nos médias aux mêmes proprios d'industries militaires ;

Ottawa a annoncé une aide d'un million pour les Palestiniennes survivantes de violences sexuelles en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, immédiatement critiquée par l'envoyée spéciale d'Israël pour la lutte contre l'antisémitisme, Michal Cotler-Wunsh, dénonçant dans nos médias soumis « une trahison de l'engagement du Canada à protéger les principes fondamentaux de la vie et de la liberté par un honteux financement appuyant l'inversion des faits en matière de diffamation sanglante ». La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, n'a pas craint de répondre : « Nous croyons les femmes palestiniennes. Les allégations de violences sexuelles basées sur le genre à leur encontre doivent faire l'objet d'une enquête et les femmes palestiniennes doivent être soutenues. »

Les experts de l'ONU souhaitent d'ailleurs une enquête impartiale sur ces allégations et les Artistes pour la Paix appuient la manifestation pro-palestinienne du 23 mars, comme le font plus de 150 organismes et 110 personnalités publiques : Le Devoir 16 mars, page A5

Mr Hyde et les changements climatiques

Depuis 2017, Les Artistes pour la Paix critiquent la politique internationale canadiennei de ne pas appuyer le Traité sur l'interdiction des Armes Nucléaires, sous la pression de l'OTAN qui en écarte ses 32 pays membres. L'OTAN, que Trudeau appuie préférablement à l'Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement, UNIDIR, lui réclameabusivement une dizaine de milliards de $ de plus annuellement pour un budget de la Défense avec des armes offensives coûteuses, tels des bombardiers F-35 : on connaît pourtant les milliers de morts annuelles, conséquences des bombardements de l'OTAN en Libye en 2011 du général canadien Charles Bouchard (nommé pdg de Lockheed Martin,producteur de F-35 et de frégates offensives Irving coûtant plus de cent milliards de $).

À dénoncer aussi son aberrante politique d'énergie pronucléaireii consistant à rendre plus laxiste la Commission canadienne de sûreté nucléaire(CCSN)iii , à laisser SNC-Lavalin devenir Atkinsréalis aux mains de deux compagnies du Texas, à amoindrir les opérations de surveillance des divers sites vieillissants (Pickering, Bruce, Point-Lepreau …), à encourager la production onéreuse et risquée de pollution incontrôlable de mini-réacteurs modulaires nucléaires (encore non-opérationnels !) avec des subventions d'un milliard de $ et, cerise sur le sundae, à donner le feu vert à la construction d'un dépotoir de déchets nucléaires à Chalk Riveriv ; on sait qu'il est à haut risque pour la potabilité de l'eau de l'Outaouais, donc des villes de Gatineau, Ottawa et Montréal, et qu'il est dénoncé par les Premières Nations y voyant un empiètement de leurs droits reconnus par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 2007, l'UNDRIP, signée parl'Australie en 2009 et par le Canada seulement en 2021 !

Ses décisions néfastes de doubler le pipeline Transmountain et de construire un gazoduc envahissant le territoire Wet'suwet'en risquent de lui coûter ses prochaines élections, vu que l'albertaine Danielle Smith et autres émules du « drill, baby drill » tel Pierre Poilièvre ne lui en ayant gardé aucune reconnaissance, continuent leurs attaques virulentes contre sa « taxe » sur le carbone. Nonobstant son énorme gaffe voulant aider les Maritimes appauvries, Trudeau s'est depuis lancé dans de sincères explications du système de taxes-remboursements, alors que toutes les provinces, même la libérale Terre-Neuve-Labrador, font pression pour empêcher la hausse prévue du 1er avril (sauf en Colombie-Britannique et au Québec ayant leur propre système avant-gardiste contre les changements climatiques). Espérons qu'il saura cette fois-ci résister à ses nombreuses tentations de plier.

Mr Hyde et l'immigration francophone Sa semaine se terminait avec une rencontre tendue avec le Premier ministre du Québec, François Legault, portant sur l'immigration. Le bilan de M. Trudeau est encore une fois médiocre à ce chapitre, vu son manque d'empressement à répondre aux problèmes du Québec aux prises avec un afflux de réfugiés demandeurs d'asile, incomparables nombre avec ceux dans les autres provinces. On sait que laisser pourrir une telle situation est à risque d'encourager les xénophobes racistes de la Meute et autres crypto-fascistes.

Et son bilan face à l'immigration risque de s'aggraver si M. Trudeau décidait de contester en Cour suprême, malgré les diverses décisions de justice et malgré les nombreux articles favorables dont celui de notre ami des APLP 2021 le professeur Daniel Turpv , la décision pourtant unanime de trois juges affirmant la constitutionnalité de la Loi 21 sur la laïcité.

En conclusion, nous sommes désolés de vous astreindre à tant de lectures, mais notre position de paix consiste à rectifier les mensonges des médias dominants, par exemple sur la guerre en Ukrainevi et cela nécessite de denses explications.

Notes

i http://www.artistespourlapaix.org/aplp-contre-la-bombe-nucleaire-avec-setsuko/

ii http://www.artistespourlapaix.org/declaration-une-energie-sure-abordable-et-respectueuse-du-climat-pour-toutes-et-tous/

iii L'inspection des centrales nucléaires canadiennes a montré que dans 75% des cas le cahier des charges sur la surveillance des réacteurs n'était pas suivi, un élément « vraiment inacceptable », a révélé en octobre 2016 un rapport parlementaire au vitriol. La situation « est assez grave », s'est indignée en conférence de presse Julie Gelfand, Commissaire à l'environnement et au développement durable, qui relève du Parlement.Au terme de l'audit des quatre centrales nucléaires (19 réacteurs) que compte le Canada, la responsable regrette que la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) « n'a pas pu démontrer que ses plans prévoyaient un nombre suffisant d'inspections. Un tel manque de précision, dans une industrie de précision, est vraiment inacceptable », a-t-elle dénoncé. « Ce genre d'erreurs n'a pas sa place quand on parle d'une industrie nucléaire ».

iv http://www.artistespourlapaix.org/canada-etat-de-droit-assujetti-au-nucleaire-2/

v https://www.lautjournal.info/20240315/cour-dappel-precieux-enseignements-sur-les-droits-linguistiques-la-culture-et-la-religion

vi http://www.artistespourlapaix.org/dix-ans-de-guerre-en-ukraine/

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Urgence d’un examen ARTEMIS du projet de Chalk River !

26 mars 2024, par Collectif — , ,
Comme contribuables, nous sommes inquiets de voir exploser les coûts et les risques pour les Canadiens depuis que le gouvernement Harper a confié à un consortium du secteur (…)

Comme contribuables, nous sommes inquiets de voir exploser les coûts et les risques pour les Canadiens depuis que le gouvernement Harper a confié à un consortium du secteur privé, en 2015, la gestion de tous les sites nucléaires et déchets radioactifs du gouvernement fédéral.

Source

Monsieur le Premier ministre,

Comme contribuables, nous sommes inquiets de voir exploser les coûts et les risques pour les Canadiens depuis que le gouvernement Harper a confié à un consortium du secteur privé, en 2015, la gestion de tous les sites nucléaires et déchets radioactifs du gouvernement fédéral. Le consortium s'appelle Canadian National Energy Alliance (CNEA) même si deux de ses membres sont basés aux États-Unis. Depuis que le consortium a pris le relais, les coûts d'exploitation et de nettoyage des déchets radioactifs aux Laboratoires nucléaires canadiens ont explosé, passant de 336 millions de dollars par an à plus de 1,5 milliard de dollars par an. Le consortium propose des projets de piètre qualité qui ne sont pas conformes aux normes de sécurité internationales pour les déchets radioactifs.

La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) vient tout juste d'autoriser la construction d'une Installation de gestion des déchets radioactifs près de la surface (IGDPS) sur les terres de la Couronne, à Chalk River. Qu'un projet aussi précaire ait été pris au sérieux, comme solution permanente, témoigne de la mauvaise gouvernance de l'industrie nucléaire canadienne ; ceci démontre l'incapacité ou le manque de volonté de la CCSN de contrôler l'industrie nucléaire qu'elle est censée réglementer.

Le 14 février, vous avez déclaré que « la CCSN est indépendante, qu'elle n'approuve les projets qu'après des évaluations rigoureuses, et que le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles n'intervient aucunement dans les décisions de la Commission ».

Voici pourquoi nous réfutons cette affirmation :

On reproche souvent à la CCSN son manque d'indépendance vis-à-vis l'industrie nucléaire.

Le ministère des Ressources naturelles, qui favorise l'essor nucléaire, a été impliqué
puisque trois représentants de ce ministère (J. Adams, P.W. Yuen et W. Smith) sont mentionnés dans le compte rendu de décision approuvant l'IGDPS.

Cette décision de la CCSN se bute déjà à deux recours juridiques déposés devant la Cour fédérale. Il y en aura d'autres si le ministre Guilbeault accorde le permis de déboiser le site de l'IGDPS malgré la preuve d'espèces en péril.

Voilà pourquoi nous vous proposons de faire immédiatement appel aux experts internationaux de l'Agence internationale de l'Énergie atomique (AIEA) pour qu'ils soumettent les projets d'élimination des déchets radioactifs du gouvernement fédéral àun examen ARTEMIS.

Ce mécanisme est disponible à tous les États membres de l'AIEA. Il fournirait au gouvernement canadien de précieux conseils d'experts pour la gestion de son héritage volumineux des déchets radioactifs. Un examen ARTEMIS serait une manière efficace d'éclairer le gouvernement canadien pour optimiser ses ressources et gérer ses déchets radioactifs ; ceci permettrait de suivre les meilleures pratiques internationales pour assurer la sécurité du public et de notre environnement pendant de nombreuses générations.

L'IGDPS sera une gigantesque décharge radioactive en surface près de la rivière des Outaouais. Elle ne pourra pas isoler assez longtemps de la biosphère le million de tonnes de déchets prévu, dont certains seront radioactifs pour des millénaires.

« L'IGDPS n'est pas conforme aux normes internationales de sécurité », soutiennentles experts chevronnés qui ont déjà eu la responsabilité des déchets radioactifs de Chalk River (avant le consortium). Cesvétérans ont caractérisé les déchets accumulés au cours des 80 années de pollution des laboratoires de Chalk River. Ils ont souligné le danger que la durée de vie millénaire de plusieurs déchets radioactifs dépasse énormément la vie utile de l'IGDPS, qui est seulement de 550 ans.

L'installationconnaîtra des fuites pendant son exploitation. Elle sedésagrègera peu à peu et son contenu se répandra dans l'environnement. Le plutonium et d'autres polluants radioactifs de longue durée de vie s'écouleront dans la rivière des Outaouais jusqu'au fleuve Saint-Laurent, contaminant l'eau potable de millions de Canadiens. Tous les contaminants radioactifs augmentent les risques de cancer, de malformations congénitales et de mutations génétiques dans les populations exposées.

Dix des onze Premières nations algonquines, qui vivent depuis des millénaires dans le bassin de la rivière des Outaouais, affirmentqu'elles refusent l'IGDPS sur leur territoire non cédé. L'Assemblée des Premières Nations et plus de 140 municipalités (dont Ottawa, Gatineau et Montréal), ont adopté des résolutions de préoccupation et/ou d'opposition à l'IGDPS.

Qui d'autre tirerait des avantages de l'IGDPS à part les actionnaires des trois multinationales impliquées ?

Lapétition électronique 4676 de la Chambre des communes demande aussi un examen ARTEMIS. Elle a recueilli 3 000 signatures en 30 jours, pendant la période des fêtes de fin d'année. La pétition demande également au gouvernement canadien de respecter le principe de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, selon laquelle il faut obtenir le « consentement préalable, libre et éclairé » d'un peuple autochtone avant de stocker des déchets dangereux sur son territoire.

Le Cabinet fédéral, au nom du gouvernement canadien, devrait demander immédiatement à l'AIEA un examen ARTEMIS des grands projets au Canada visant à éliminer de façon permanente l'héritage de déchets radioactifs du gouvernement. Il convient donc de le faire car le gouvernement du Canada est le propriétaire des déchets et du terrain et c'est lui qui paie les factures pour les travaux effectués par le consortium CNEA. Le Cabinet peut demander un examen ARTEMIS à l'AIEA par courriel à ARTEMIS@iaea.org.

Nous comptons sur votre leadership au sein du cabinet et nous espérons apprendre bientôt que votre gouvernement demandera une révision ARTEMIS dans l'intérêt de tous les Canadiens et des générations futures.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de nos salutations distinguées,

Ginette Charbonneau, Ralliement contre la pollution radioactive

Gordon Edwards, PhD, Regroupement pour la surveillance du nucléaire

Ole Hendrickson, PhD, Citoyens inquiets du comté de Renfrew et de sa région

Jean-Pierre Finet, Regroupement des organismes environnementaux en énergie

Rebecca Pétrin, Eau secours

André Bélanger, Fondation Rivières

Lucie Sauvé, Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec

Eric Notebaert, MD, Association canadienne des médecins pour l'environnement.

Deb Powell, Pontiac Environment Protection

Joann McCann, Old Fort William (Quebec) Cottagers' Association

Eva Schacherl, Conseil des Canadiens (section d'Ottawa)

Paul Johannis, Alliance pour les espaces verts dans la capitale du Canada

John McDonnell, Société pour la nature et les parcs du Canada (section de la vallée de l'Outaouais)

Lien facebook

https://www.facebook.com/ralliementcontrelapollutionradioactive

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Pour la CAQ, la sécurité des femmes n’en vaut pas le coût !

26 mars 2024, par Stéphanie Vallée — , ,
50 féminicides depuis 2020. Les statistiques sont là, les besoins aussi. Les Maisons d'hébergement de première et deuxième étape sont remplies. Il manque de places. Dans (…)

50 féminicides depuis 2020. Les statistiques sont là, les besoins aussi. Les Maisons d'hébergement de première et deuxième étape sont remplies. Il manque de places. Dans certaines régions, ces maisons sont même inexistantes.

L'R des centres de femmes et ses membres sont furieux face au désengagement de la CAQ et de la ministre de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, dans les projets d'implantation de nouvelles maisons d'hébergement.

Les projets bloqués ne sont pas que des maisons, c'est aussi l'implantation de nouveaux services essentiels dans les communautés qui resteront absents. Par exemple, la prévention et la sensibilisation à la violence conjugale et aux relations amoureuses toxiques faites pour enrayer toute violence, les services post-séparation parce que ce sont des moments cruciaux lors d'un vécu de violence conjugale.

L'impuissance au quotidien
Partout au Québec les centres de femmes sont présents pour de nombreuses femmes victimes de violence conjugale. Leur travail autant avant, pendant et après les vécus de violence leur permet de constater l'ampleur de la problématique.

Le manque de places et l'absence de maisons d'hébergement de première et de deuxième étape dans certaines régions, les amènent constamment à faire face aux sentiments d'impuissance et d'inquiétude de voir une femme victime de violence conjugale retourner dans son milieu violent faute d'espace sécuritaire à proximité pour pouvoir se réfugier. Cette réalité douloureuse, les intervenantes des centres de femmes y font régulièrement face.

Il est donc impensable que ces femmes doivent attendre que des places se libèrent en maison d'hébergement pour fuir une situation de violence, et ce de façon urgente. Sachant que la décision de partir n'est pas facile à prendre et que, lorsqu'elle est prise, ce n'est pas dans quelques jours ou quelques semaines... c'est maintenant.

Investissement

La CAQ, lors du dépôt de son budget, n'a-t-elle pas dit que sa priorité était la santé ? L'investissement est primordial. C'est une question de vie ou de mort pour ces femmes. L'R des centres de femmes du Québec et ses membres demandent à la CAQ de respecter ses engagements, et ce rapidement.

Les belles promesses faites avec Rebâtir la confiance sont-elles oubliées, mises de côté ? Le gouvernement met des femmes en danger s'il persiste à retarder les démarches pour ouvrir ces 630 nouvelles places. On se rend maintenant compte que la priorité de la CAQ n'est plus la sécurité des femmes.

Est-ce que la ministre Duranceau et son gouvernement sont prêts à prendre la responsabilité des futurs féminicides ?

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Dépôt de la pétition pour la modernisation de la notion de vie maritale pour les prestataires de l’aide sociale

26 mars 2024, par Rose du Nord — , ,
Québec, le 19 mars 2024 – Des militantes et militants des groupes de défense des droits des personnes assistées sociales des régions de la Capitale-Nationale et de (…)

Québec, le 19 mars 2024 – Des militantes et militants des groupes de défense des droits des personnes assistées sociales des régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches étaient présent·e·s à l'Assemblée nationale pour le dépôt d'une pétition pour la modernisation de la notion de vie maritale pour les prestataires de l'aide
sociale.

Cette pétition, qui est une initiative du comité femmes du Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ), est le fruit d'un travail de plusieurs groupes de défense des droits des personnes assistées sociales qui se sont mobilisés partout à travers le Québec afin de récolter plusieurs milliers de signatures. La notion de
vie maritale cause de grands préjudices aux prestataires de l'aide sociale notamment en
leur coupant leur prestation.

« Le chèque d'aide sociale d'un couple est plus petit que la somme de deux chèques attribués à une personne seule, dans le cas de personnes sans contraintes à l'emploi reconnues par le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, on parle de presque 400 $ de différence entre ces deux situations, c'est une énorme différence dans le budget des
gens !
», s'exclame Esther Baillargeon, militante salariée à l'Association pour la défense des droits sociaux de la Rive-Sud.

Les groupes de défense des droits des personnes assistées sociales réclament l'individualisation des prestations d'aide sociale depuis plusieurs années. « Une personne = chèque », c'est ce que l'on pouvait lire sur une bannière déployée par les militantes et militants des groupes ce matin face à l'Assemblée nationale.

La situation est aussi terrible pour les personnes ayant un conjoint qui travaille, à part pour les prestataires au programme Revenu de base (contraintes sévères à l'emploi de longue durée), l'état s'attend à ce que ce soit le conjoint qui travaille qui fasse vivre son partenaire. Cette situation est inadmissible, autant pour les conjoints assistés sociales ou
les conjoints travailleurs. Cela impose un choix impossible : l'amour ou leur revenu.

« Le fait qu'une seule prestation d'aide sociale soit distribuée pour deux personnes met à mal l'autonomie des personnes et peut causer des situations de contrôle ou de violence au sein du couple, ces règles sont vétustes et n'ont plus leur place en 2024 » déplore Katherine Lortie, militante salariée à ROSE du Nord.

Les groupes dénoncent aussi la surveillance accrue qui est imposée aux personnes assistées sociales dans le cadre de la vie maritale. Dans certains cas, des agents de l'aide sociale enquêtent sur les prestataires pour déterminer s'ils ou elles sont en couple. Ces enquêtes peuvent aller jusqu'à se renseigner chez les voisins ou dans des commerces
causant un grand stress pour les personnes prestataires d'aide sociale. Des pénalités importantes sous forme de dettes remboursées à même les prestations déjà minces sont prévues lorsqu'une personne se voit imposer la vie maritale après une « fausse déclaration ». Ce régime punitif doit se terminer dès maintenant, permettons aux
personnes assistées sociales d'être en amour !

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Contre le comité de "sages" : appel à l’action

26 mars 2024, par Collectif — , ,
La CAQ a cédé honteusement aux mobilisations transphobes et a décidé de nommer un “comité de sages”, qui décidera du futur des communautés trans et non-binaires. Nous exigeons (…)

La CAQ a cédé honteusement aux mobilisations transphobes et a décidé de nommer un “comité de sages”, qui décidera du futur des communautés trans et non-binaires. Nous exigeons la dissolution immédiate de ce comité car :

Ce comité est composé exclusivement de personnes cis (non-trans), qui n'ont même aucune expertise académique ou d'intervention auprès des personnes trans. La majorité d'entre eux entretiennent par contre des affinités connues avec des groupes transphobes. Tout cela est fondé sur la présupposition selon laquelle les personnes trans et non binaires seraient incapables d'être “sages”, raisonnables et impartiales. Nous revendiquons la reconnaissance des savoirs expérientiels, universitaires et communautaires LGBTQ+ ; nous revendiquons notre auto-détermination !

L'existence de ce comité a pour but de légitimer les demandes de la droite et de l'extrême droite transphobe. Se pliant à leur agitation, le gouvernement a choisi de mettre sur pause toutes les avancées sociales pour les communautés trans. Il le fait au mépris de ses propres institutions, ignorant l'existence du Bureau de lutte contre l'homophobie et la transphobie et de son plan d'action. Ce n'est pas la première fois que la CAQ s'attaque aux communautés trans : on se rappelle le Projet de Loi 2. Nous continuerons de nous défendre face à ce gouvernement transphobe !

Ce comité vise à questionner la légitimité des personnes trans et en faire des objets de débat dans l'espace public. Ce type de mise en scène médiatique a toujours eu comme conséquence d'augmenter les violences et les crimes haineux contre les personnes trans et non conformes dans le genre. Le “problème trans” n'existe pas : nos existences ne sont pas à débattre. Nous continuerons de lutter pour la sécurité et la dignité des personnes trans et non-binaires !

La création de ce comité fait partie du backlash international contre les communautés LGBTQ+. Les agitateurs conservateurs mobilisent leurs bases en présentant les personnes trans comme un danger pour les enfants. Ni les homosexuel.les, ni les drag-queens, ni les personnes trans ne constituent un danger pour la jeunesse. Ce sont plutôt les adultes autoritaires et intolérants qui mettent en danger le bien-être des enfants. Nous continuerons de lutter pour un monde dans lequel tous les enfants se sentent libres de s'exprimer et de s'épanouir sans crainte ni jugement !

Ce comité est influencé par un mouvement réactionnaire qui se dit féministe, prétendant que les femmes trans représenteraient un danger pour les femmes cis. Au contraire, la libération des femmes trans contribue à la libération de toutes les femmes. Combattre pour l'autonomie des individus sur leurs corps, c'est se battre autant pour l'accès aux hormones que pour l'accès à l'avortement. Nous continuerons de lutter pour un monde libéré du patriarcat !

Le gouvernement derrière ce comité est le même qui détruit les milieux de la santé et de l'éducation. C'est le même gouvernement qui s'attaque aux droits des locataires. C'est le même gouvernement qui s'attaque à la liberté religieuse des minorités et qui s'oppose à tout effort de paix en Palestine. Nous souhaitons inscrire cette lutte dans une perspective de solidarité et créer un front commun face aux dérives autoritaires et réactionnaires du pouvoir !

Nous revendiquons la libération trans. En ce sens, nous voulons bâtir un monde qui accueille les individus dans leur diversité et défend leur droit de disposer de leurs corps. Nous voulons aussi créer une société qui accompagne les gens dans leur exploration et affirmation de genre. Nous considérons que se libérer de l'imposition d'une stricte binarité de genre est bénéfique pour l'ensemble de la population. Nous continuerons de lutter pour un monde qui ne sème pas le mal-être, l'inconfort et la haine, mais qui nourrit la joie et l'euphorie.

Nous appelons à un soulèvement contre la CAQ et son comité de soi-disant “sages”. Nous appelons à l'auto-organisation de toustes celleux qui veulent lutter contre la transphobie. Nous vous invitons à former des groupes affinitaires, à mobiliser vos organisations et à créer des comités. Par la diversité des tactiques, nous comptons faire reculer ce gouvernement et construire un futur pour toustes !

Face au comité de “sages”, NOUS NE SERONS PAS SAGES.

Signez l'appel. Pour endosser l'appel, personnellement ou au nom d'une organisation, ou pour nous signifier votre intérêt à vous impliquer et rester en contact avec nous, remplissez le formulaire.

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Tableau de bord et palmarès : faisons le point !

26 mars 2024, par Nathalie Chabot — , , ,
En début de semaine, le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, a lancé avec fierté son « Tableau de bord en éducation ». Bonne ou mauvaise initiative ? La réponse courte (…)

En début de semaine, le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, a lancé avec fierté son « Tableau de bord en éducation ». Bonne ou mauvaise initiative ? La réponse courte pourrait être : ça dépend de l'objectif poursuivi et de l'usage qui en sera fait. Attention de ne pas s'égarer en chemin !

Tiré de Ma CSQ cette semaine.

En début de semaine, le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, a lancé avec fierté son « Tableau de bord en éducation ». Bonne ou mauvaise initiative ? La réponse courte pourrait être : ça dépend de l'objectif poursuivi et de l'usage qui en sera fait. Attention de ne pas s'égarer en chemin !

Pour le moment, les données présentées dans le tableau de bord étaient pour la plupart déjà disponibles, mais éparpillées et difficiles à trouver. Le tableau de bord a donc au moins le mérite de les rassembler en un seul endroit. Ce n'est pas sans rappeler la belle époque où l'on pouvait recevoir chaque année le cahier des indicateurs de l'éducation de la part du ministère. Selon les dires du ministre Drainville, l'information disponible serait enrichie au fil du temps, ce qui pourrait s'avérer utile pour affiner nos perspectives sur le réseau.

Se baser sur les faits et non sur les perceptions

Le besoin d'informations pour mieux connaitre les défis auxquels fait face le système d'éducation est reconnu depuis longtemps. C'est essentiel pour orienter les décisions du ministre de l'Éducation, tout comme celles des centres de services scolaires (CSS) et des établissements d'enseignement.

L'accès aux données pour la recherche est tout aussi fondamental pour raffiner la compréhension des enjeux de l'éducation. Cet accès a été amélioré il y a quelques années grâce aux services d'accès aux données de recherche de l'Institut de la statistique du Québec, qui comprennent les données de l'éducation[1]. Ce meilleur accès pour les chercheurs, combiné au tableau de bord en éducation, contribue assurément à une plus grande transparence.

Cela étant dit, l'accès à des données est pertinent dans la mesure où il permet une plus grande connaissance et une meilleure compréhension des phénomènes.

Les dangers de comparer

D'aucuns diront que comparaison rime avec amélioration, mais cela rime aussi avec compétition et pression, avec tous les revers que cela peut avoir pour l'éducation, pour les gens qui y travaillent, pour les élèves et leurs parents. Si l'on ne fait pas attention, le nouveau tableau de bord du ministre de l'Éducation pourrait causer plus de tort que de bien.

Cette crainte est à mettre en relief avec l'adoption récente de nouvelles dispositions législatives qui font en sorte que les directions générales des centres de services scolaires seront dorénavant nommées sur recommandation du ministre, qui obligent les CSS à conclure des ententes annuelles de gestion et d'imputabilité et permettent au ministre de renverser une décision d'un CSS, s'il est d'avis que cette décision n'est pas conforme aux cibles, aux objectifs et aux orientations qu'il établit.

Le retour de la « gestion axée sur les résultats »

Tout est en place pour inciter fortement les gestionnaires du réseau de l'éducation à démontrer qu'ils « ont de bons résultats » dans le tableau de bord. Plus la pression pour atteindre des cibles de réussite est forte, plus on pousse à de mauvaises pratiques. Il n'y a alors qu'un pas à franchir pour orienter le travail des enseignantes et enseignants vers l'évaluation, plus que vers l'apprentissage, ou encore pour faire pression afin qu'ils modifient leurs notes de manière à avoir de « bons chiffres » pour le tableau de bord, entre autres exemples.

Finalement, pour reprendre les mots d'un chercheur qui a abondamment étudié ce type de gestion en éducation, Christian Maroy, « l'école n'est plus définie comme une institution qui est un milieu de vie, mais comme une organisation mobilisée sur des résultats[2] ».

Les « bonnes écoles » ou les « mauvaises écoles »

La crainte de voir primer la compétition et la pression par la lorgnette du tableau de bord est aussi soutenue par l'idée lancée par le ministre d'instaurer éventuellement un palmarès des écoles. Les limites de ce genre d'exercice ont maintes fois été démontrées. Cela ne permet pas de prendre en compte les défis fort différents auxquels font face les écoles et ne rend pas justice aux efforts et au travail effectué pour soutenir la réussite de toutes et tous, peu importe sa condition personnelle et sociale. Pour certaines équipes-écoles, cela peut avoir un effet profondément démobilisant.

Un palmarès ne ferait qu'encourager une compétition malsaine entre les écoles. Offrir quelques données quantitatives disparates aux parents, est-ce la meilleure façon de leur fournir l'information sur l'éducation de leurs enfants ? En quoi cela permet de vraiment connaitre le milieu scolaire ?

Inviter les parents à consulter le projet éducatif de l'école et à s'impliquer davantage au sein de celle-ci peut leur permettre d'obtenir une information beaucoup plus riche. Cela permet de s'approprier les valeurs mises de l'avant, de comprendre le contexte dans lequel l'école évolue, les grandes orientations en matière d'instruction, de socialisation et de qualification, ainsi que les objectifs qui guident le travail de l'équipe-école.

En résumé, des écoles plus transparentes et des décisions mieux éclairées par les faits, c'est oui. Une pression accrue sur les milieux et un détournement des données en vue de placer les écoles en compétition les unes avec les autres, c'est non. Espérons que le ministre n'ira pas de l'avant avec ce projet de palmarès. À ce dernier, qui s'étonne que cette idée soit dénoncée par les partenaires du réseau de l'éducation ce serait peut-être une bonne idée d'entamer un dialogue avec eux pour mieux comprendre leurs réticences.

Notes

[1] Les données de l'éducation maintenant disponibles pour les chercheurs (statistique.quebec.ca)

[2] JARRAUD, François (2021). « Christian Maroy : l'école à l'épreuve du pilotage par les résultats », Le Café pédagogique [En ligne] (1er mars). [cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2021/03/01032021Article637501796627464444.aspx].

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