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Femmes et dettes dans les mailles du capitalisme et du patriarcat

28 mai 2024, par Christine Pagnoulle, Govindan Venkatasubramanian, Isabelle Guérin, Santosh Kumar — ,
Le livre présente une recherche collective combinant anthropologie, économie politique et histoire. Tiré de CADTM infolettre , le 2024-05-23 07:56 21 mai par Christine (…)

Le livre présente une recherche collective combinant anthropologie, économie politique et histoire.

Tiré de CADTM infolettre , le 2024-05-23 07:56
21 mai par Christine Pagnoulle , Isabelle Guérin , Santosh Kumar , Govindan Venkatasubramanian

Isabelle Guérin, Santosh Kumar & Govindan Venkatasubramanian, The Indebted Woman. Kinship, Sexuality, and Capitalism¸ Stanford University Press (California), 2023, 229 p. dont 13 pages de notes, 23 pages de bibliographie et un index de 11 pages.


Note de lecture de Christine Pagnoulle

Elle s'appuie sur des observations menées conjointement pendant deux décennies dans une communauté du Tamil Nadu où habitent, dans des zones distinctes, des Dalits et des personnes appartenant à des castes reconnues. Cette étude vient compenser le peu d'attention accordée aux femmes dans le capitalisme financier, alors que les femmes et plus spécifiquement les femmes endettées, constituent un rouage essentiel de ses mécanismes. Il ajoute la dimension sexuelle, l'utilisation du corps en garantie de dettes, qui n'est sinon quasi jamais abordée. Deux des huit chapitres y sont consacrés. Ils montrent entre autres que les femmes endettées ne sont pas victimes passives, qu'il y ait ou non une véritable attirance amoureuse, la dette s'immisçant au plus intime de leur vie, elles négocient habilement, tant avec leur mari qu'avec un amant-créancier. En même temps, les rapports sexuels hors mariage sont jugés déviants et transgressifs, et cela de plus en plus compte tenu de la montée des conservatismes. Les femmes sont donc tiraillées dans leur féminité : comment être femme, avoir besoin d'un prêt et préserver sa respectabilité ?

L'endettement est omniprésent dans la vie quotidienne des classes exploitées. Or au sein d'un ménage l'endettement des hommes et des femmes est de nature différente. Les hommes se tournent davantage vers des créanciers qui sont des personnalités connues, leurs employeurs, des amis ou parents alors que les femmes recourent à des prêts sur gage et utilisent le microcrédit, qui est à la fois cher et dégradant. La destination des prêts varie également selon les genres, mais de façon moins marquée. Il s'agit relativement peu de lancer une entreprise, contrairement aux discours des promoteurs de microcrédit, mais plutôt de faire face aux dépenses quotidiennes, aux frais de scolarité et de santé, et – de façon écrasante – au coût des cérémonies (voir tableau page 76).

Certes le néolibéralisme a réussi à instiller chez les pauvres le sentiment qu'ils sont personnellement responsables de leur condition et doivent par conséquent se soumettre à tout ce qui peut leur être imposé. Mais dans le cas de la femme endettée, en tout cas dans la communauté étudiée, la dette (impayable) est avant tout envers la parentèle et la caste. Notons que le statut de la femme a subi une évolution négative, en parallèle avec la détérioration des politiques sociales, et la fin de la mise en cause de la hiérarchie de castes et le renforcement du patriarcat : là où elle représentait un bien désirable, une source de revenus sur le marché du travail et faisait l'objet de dons avant le mariage, elle est désormais perçue comme un poids et c'est la famille de l'épousée qui doit apporter une dot. Voilà qui constitue une dette initiale, tant morale que matérielle, vis-à-vis de leur propre famille. Pourtant, le recours à un endettement financier extérieur peut les aider à briser certaines contraintes familiales et le carcan des castes. Des groupes d'entraide permettent l'accès au capital financier mondialisé et ainsi d'échapper à une relation de dépendance personnelle et dans certains cas d'affirmer sa crédibilité en tant qu'agent économique. Ces groupes d'entraide ont hélas décliné avec l'emprise du microcrédit ; celui-ci permet de limiter les dettes de caste mais déplace plutôt qu'il n'élimine la domination : les femmes sont désormais dépendantes du marché : la domination se déplace et se multiplie.

La gestion des dettes par les femmes représente un travail considérable, indispensable au fonctionnement du capitalisme, et visible. Le travail, ce n'est pas seulement la production de biens et de services avec valeur marchande, c'est aussi le travail de reproduction sociale, dont fait partie la gestion du budget du ménage. Quand les ressources financières manquent, elles doivent jongler avec les créances, emprunter là pour payer ici. La complexité des opérations est illustrée par un schéma qui donne le vertige page 93. Ce travail trop souvent ignoré tant des chercheurs que des proches compense les failles du capital privé (salaires trop bas) et de l'État (manque de protection sociale). Les remboursements absorbent en moyenne 48% des revenus du ménage, dont 30% pour les intérêts. L'objectif visé par la gestion des dettes est d'en réduire le coût, en négociant les taux d'intérêt et les délais de remboursement, mais aussi en créant des circuits propres qui échappent au secteur financier. Par ailleurs le ‘travail de la dette' génère de la plus-value pour le capital, et ceci de deux façons, directement par le paiement d'intérêt et indirectement, en compensant des salaires trop bas, source évidente de plus-value pour les patrons.

En plus de leur savoir-faire et de leur ingéniosité, les femmes doivent pouvoir compter sur la solidarité. Ensemble, elles créent des interstices hors capitalisme et obligations de parenté.

La situation des femmes endettées au Tamil Nadu rappelle la condition des ouvrières de l'époque victorienne, qui assumaient de la même manière la gestion des dettes, à une différence près : la culture capitaliste du 19e siècle valorisait l'épargne alors que la spéculation actuelle multiplie les sollicitations à la dépense à crédit. Elle est similaire à celles des femmes dans bien d'autres parties du monde.
Pour conclure, si les contraintes du mariage et des liens de parenté sont tout autant des formes de violence et d'oppression sur la ‘femme endettée' que l'argent et le marché, il ne faut pas sous-estimer sa capacité à créer des espaces interstitiels de liberté (pour leur corps et pour leur parole) en dehors des règles du patriarcat et du marché.

Certains débiteurs sont davantage que d'autres astreints au remboursement, les femmes le sont au premier chef. Mais cela n'a rien d'inévitable et les campagnes pour l'annulation des dettes se multiplient. Cependant à elle seule une annulation ne suffit pas : il faut remédier aux causes structurelles de l'endettement. Enfin soyons conscient·es que si l'on tient compte de tout le travail gratuit fourni par les femmes, la situation d'endettement est renversée : les femmes sont en fait créancières d'une énorme dette de soins et à ce titre aussi il faut en finir avec la honte et la culpabilité que ressentent trop souvent les femmes endettées.

Isabelle Guérin est directrice de recherche en socio-économie à l'Institut de Recherche et Développement. Elle définit l'objet de ses travaux actuels comme étant « la financiarisation des économies, ce qu'elles produisent en termes de renforcement et reconfiguration des inégalités mais aussi d'émergence de pratiques alternatives et solidaires ».

Santosh Kumar, outre son activité de chercheur, est directeur de la Mithralaya International School of music, dance and arts qu'il a fondée en 2012.

Govindan Venkatasubramanian est un sociologue à l'Institut français de Pondichéry ; ses recherches portent entre autre sur les rapports entre travail, finance et dynamique sociale.

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G7 : Poursuite ou non de la suspension du paiement de la dette ukrainienne

28 mai 2024, par Éric Toussaint — , ,
Dans cet entretien publié par la CADTM, Éric Toussaint raconte les discussions (et désaccords) en cours dans les grandes puissances impérialistes concernant la dette de (…)

Dans cet entretien publié par la CADTM, Éric Toussaint raconte les discussions (et désaccords) en cours dans les grandes puissances impérialistes concernant la dette de l'Ukraine et les sanctions contre la Russie, ainsi que des propositions que les anticapitalistes peuvent défendre.

21 mai 2024 | tiré du site d'Inprecor

Pourquoi le G7 discute-t-il de la dette de l'Ukraine ?

Depuis plus d'un an dans le cadre du G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni), les dirigeants des principales puissances alliées contre la Russie suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, débattent et n'arrivent pas à trouver un point d'accord concernant le financement de la guerre et de la reconstruction de l'Ukraine.

Il faut rappeler que dans le cadre des sanctions prises par les alliés autour de l'OTAN, les actifs de la Fédération de Russie dans les pays occidentaux s'élevant à environ un peu moins de 300 milliards de dollars ont été bloqués. Et la majeure partie de ces actifs se trouve dans une « clearhouse » nommée Euroclear basée à Bruxelles.

Quels sont les créanciers de l'Ukraine ?

L'aide apportée par les États-Unis et par les puissances occidentales européennes se fait, dans le cas des États-Unis, sous forme de dons d'armes ou d'autres aides financières, tandis que les Européens fournissent les armes sous forme de dons, et tout le reste de ladite aide financière est sous forme de prêts que l'Ukraine devra rembourser. La dette de l'Ukraine s'élève à plus de 100 milliards de dollars. Les marchés financiers, c'est-à-dire de grands fonds d'investissement et des banques, parmi les grands fonds d'investissement, par exemple BlackRock et PIMCO, sont détenteurs de titres de la dette ukrainienne. Il y a aussi des fonds vautour qui rôdent et ont acheté des titres de la dette ukrainienne à des prix très bas, avec une décote de 70 à 80%. Du côté des institutions multilatérales, il y a la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, qui sont des créanciers de l'Ukraine. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international ne font aucun don et le FMI a continué pendant la guerre à exiger le remboursement de ses crédits en prélevant un taux d'intérêt élevé.

Y a-t-il eu une décision des créanciers de suspendre les remboursements demandés à l'Ukraine ?

En juillet 2022, les puissances occidentales se sont mises d'accord pour reporter tous les paiements de la dette pour une période de deux ans. En juillet 2024, si la suspension du paiement de la dette n'est pas prolongée, l'Ukraine doit reprendre les paiements.

Et en conséquence, depuis des mois, des négociations sont en cours sur ce qui va se passer après juillet 2024. L'Union européenne a reporté la date à laquelle les remboursements devront reprendre, un report de plusieurs années. Et donc, ce qui est en question, c'est principalement les remboursements aux créanciers privés, ainsi qu'à des pays qui ne sont pas directement dans l'alliance occidentale, ou qui sont même opposés à cette alliance occidentale, et notamment la Chine qui est aussi une créancière de l'Ukraine, mais aussi la Russie.

Il faut préciser également que les autorités de Kiev ne demandent pas l'annulation de la dette ukrainienne. Ils sont pour poursuivre l'endettement du pays. Le gouvernement néolibéral de Zelensky a emprunté à l'intérieur de l'Ukraine pour financer la guerre, la résistance à l'invasion russe, et a continué à emprunter à l'étranger, notamment auprès du FMI, de l'UE, etc.

En 2022, faut-il rappeler qu'une pétition avait été lancée pour l'annulation de la dette ?

Du côté des mouvements sociaux et de l'opposition de gauche à la guerre, il y a une exigence d'annuler complètement la dette de l'Ukraine pour libérer le peuple ukrainien de ce fardeau et lui permettre de résister et d'avoir droit à une reconstruction du pays conforme à ses intérêts. Une pétition mondiale a circulé dès 2022.

Pourquoi la négociation a-t-elle lieu au sein du G7 et pas du G20 ?

La négociation sur comment financer la guerre et la reconstruction se fait au sein du G7, parce que si cela devait se discuter au sein du G20, cela inclurait les puissances du Sud global, notamment les BRICS, et donc y compris la Russie et la Chine qui sont opposés à la politique occidentale de sanctions. Le Brésil, l'Inde et l'Afrique du sud sont aussi opposées aux sanctions. Par exemple bien que l'Inde soit alliée aux États-Unis, elle a augmenté depuis l'invasion de l'Ukraine ses achats de pétrole auprès de la Fédération de Russie.

Quels sont les désaccords entre les membres du G7 ?

À l'intérieur du G7, il y a des désaccords importants. Le gouvernement des États-Unis dit qu'il est possible de saisir les avoirs de la Fédération de Russie, et ces avoirs se trouvent principalement en Europe et en particulier à Bruxelles. Les États-Unis disent : « Prenons ces avoirs, ces actifs financiers, mettons-les dans un fonds pour financer la guerre et la reconstruction », tandis que les Européens, la majorité des Européens jusqu'ici, de l'Union Européenne, disent : « Non, si on fait ça, on touche à l'immunité des États, et ça ne concernera pas que la Fédération de Russie » mais surtout ce qui compte pour eux, c'est que si on saisit les avoirs de la Fédération de Russie, et notamment ceux qui se trouvent à Bruxelles, le risque c'est que les puissances comme la Chine, les États du Golfe, et d'autres pays qui placent leur argent en Europe, retirent leurs actifs financiers des banques européennes, parce que ce qui arrive à la Fédération de Russie pourrait leur arriver aussi dans le cadre de sanctions qui seraient prises contre eux pour d'autres raisons dans le futur. Et donc les Européens, et notamment Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, mais aussi le gouvernement italien, les Belges, les Français, les Allemands, sont contre qu'on touche, qu'on prenne carrément les actifs de la Fédération de Russie qui se trouve à Bruxelles, pour les conséquences que cela aurait pour l'euro comme monnaie de réserve internationale et pour les grandes banques privées européennes. L'euro perdrait son statut de monnaie de réserve, ou en tout cas son statut de monnaie de réserve internationale risquerait selon eux d'être fortement affaibli vu ce précédent. Une partie importante des dépôts de puissances comme la Chine ou du Moyen-Orient dans les banques privées européennes risqueraient également d'être retirée. Les Britanniques se rangent plutôt du côté de Washington dans cette discussion mais ils sont plus prudents que les dirigeants d'Outre Atlantique.

Vers quel compromis s'oriente le G7 ?

On va certainement vers le fait que le G7 va décider de ne pas exproprier les avoirs russes, et donc de maintenir le gel des avoirs russes, et sur la base de ces actifs russes, ils vont créer un mécanisme pour émettre des titres de la dette au nom de l'Ukraine, on peut le supposer, ou au nom d'un consortium de pays pour prêter cet argent à l'Ukraine.

Et donc, dans ce cas-là, les actifs russes serviraient de garantie aux grands fonds d'investissement et aux grandes banques qui achèteraient des titres de cet emprunt qui ensuite fournirait l'argent qui serait prêté à l'Ukraine, et qui donc augmentera de manière substantielle la dette ukrainienne.
Dans la presse spécialisée, on parle d'un emprunt de 30 milliards de dollars.

Qu'est-ce qu'il faudrait défendre comme position ?

Je dirais qu'en principe, les actifs d'un État agresseur, un État qui a envahi le territoire d'un autre, ou qui activement participe à l'agression militaire d'un autre pays, devraient pouvoir être saisis. Mais la question, c'est qui gère les actifs, et pour quels objectifs ? Et là, dans la situation internationale actuelle, on ne voit absolument pas comment serait réalisable le fait qu'une saisie soit contrôlée par les mouvements sociaux, par les citoyen·nes du pays agressé, de manière à ce que l'utilisation des fonds saisis serve réellement aux intérêts du peuple du pays agressé. La saisie des biens d'un pays agresseur devrait évidemment concerner tous les pays agresseurs et cela veut dire que les États-Unis et ses alliés qui ont réalisé de nombreuses agressions et invasions devraient être soumis à cette règle. Or ce n'est évidemment pas le cas. Les États-Unis ont multiplié depuis près d'un siècle et demi la saisie de biens d'autres États à commencer par les biens des États qu'ils agressaient ou envahissaient comme cela a été le cas à Haïti à partir de 1915, pour ne prendre qu'un exemple parmi d'autres.

Mais il n'y a pas que la saisie des actifs d'un pays agresseur qui devrait être prise en considération comme mesure possible. Un fonds de financement de la reconstruction de l'Ukraine et de la résistance ukrainienne à l'agression pourrait être financé ou devrait être financé par un impôt prélevé sur les grandes entreprises privées qui profitent de la guerre. Les industries d'armement allemandes, françaises, nord-américaines et d'autres pays profitent d'une manière très importante de l'augmentation des budgets militaires, des fournitures d'armes à l'Ukraine (Bien sûr du côté russe l'industrie d'armement fonctionne à plein régime également.).

C'est le cas par exemple de l'entreprise Rheinmetall en Allemagne qui fait des profits extraordinaires, mais ça concerne d'autres très grandes entreprises d'armement. Il faudrait au minimum qu'elles payent un impôt proportionnel à l'augmentation de leurs bénéfices ou égal à l'augmentation de leurs bénéfices et que ce montant soit transféré à un fonds de développement géré avec la participation directe du peuple ukrainien.

Il faudrait également qu'on saisisse les avoirs des oligarques qui profitent de l'agression de l'Ukraine, tant les oligarques russes que des oligarques ukrainiens qui profitent de la situation. Ainsi, des montants substantiels pourraient être récoltés pour financer la résistance du peuple ukrainien et la reconstruction du pays.

A noter que si on prélevait un impôt équivalent aux bénéfices supplémentaires faits par les entreprises d'armement dans le cadre de cette guerre et d'autres guerres en général, ça limiterait la propension de ces entreprises à se réjouir de la poursuite de la guerre et à y contribuer car elles n'en tireraient pas directement un bénéfice.

Les mesures en termes de saisie des biens des oligarques, de saisie, donc confiscation, expropriation de leurs biens, vont directement à l'encontre du caractère sacré de la propriété privée, et donc on n'a pas vu depuis 2022 des saisies importantes car les gouvernements occidentaux ne sont pas du tout enclins à y procéder même s'ils sont opposés à la Fédération de Russie. Il faudrait recenser exactement ce qui a été fait, mais c'était extrêmement limité et ça n'a pas été transféré dans un fonds sous contrôle des populations ukrainiennes. En fait, il n'y a eu aucun impôt spécial par rapport aux entreprises qui profitent de la guerre. J'ai parlé des entreprises productrices d'armes, mais on peut aussi parler des superprofits faits par les sociétés gazières et pétrolières qui ont bénéficié de l'augmentation énorme du prix du gaz liquide et du pétrole suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

On peut aussi parler de l'augmentation des bénéfices des entreprises qui commercialisent les céréales au niveau mondial, comme les quatre grandes entreprises multinationales qui contrôlent 80 % du marché mondial des céréales. Ce sont trois entreprises américaines et une entreprise européenne. Un impôt spécial sur les bénéfices de ces entreprises aurait dû être prélevé, devrait être prélevé, y compris de manière rétroactive à la fois pour financer les besoins de toutes les populations et pour venir en aide au peuple ukrainien. Il faut également continuer à revendiquer l'annulation de la dette ukrainienne.

Rien de cela n'est envisagé par les dirigeants du G7 et donc il faut avancer une position clairement alternative et en opposition à la politique du G7 qui vise à prolonger la guerre à la financer largement par de la dette. La position des pays membres du G7 vise à utiliser la situation y compris avec la perspective de prendre le contrôle de richesses naturelles de l'Ukraine, d'obtenir la privatisation d'entreprises publiques ukrainiennes comme l'entreprise de gaz, ainsi que l'entreprise de production et distribution électrique. Ces entreprises sont des entreprises publiques et le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, les gouvernements d'Europe, de l'Union européenne, de la Grande-Bretagne, des États-Unis voudraient les voir privatisées.

Et il faut lutter bien sûr aussi contre les grands fonds d'investissement, les grandes banques privées qui tirent profit de la guerre en prêtant de l'argent aux puissances directement investies dans cette guerre et à l'Ukraine et qui en tirent un profit important.

Il faut aussi savoir que plusieurs banques privées européennes, dont l'autrichienne Raiffaisen, les allemandes Deutsche Bank et Commerzbank, les italiennes Unicredit et Intesa Sanpaolo ont poursuivi des activités dans la Fédération de Russie. Et malgré les sanctions, elles ont multiplié par 4 leurs profits dans ce pays depuis le début de l'invasion de l'Ukraine. Elles viennent de payer 800 millions d'euros d'impôts sur bénéfices aux autorités russes sans qu'aucune mesure ne soit prise de la part des autorités européennes. Voir les révélations du Financial Times datant du 28 avril 2024.

L'auteur remercie Sushovan Dhar pour son aide.

Le 21 mai 2024.

Pourquoi publier une revue antispéciste ?

28 mai 2024, par Martin Gibert — , ,
Des militantes francophones contre le spécisme publient pour la première fois une revue papier. À quoi pense le mouvement animaliste ? Quels débats le nourrissent ? Réponse (…)

Des militantes francophones contre le spécisme publient pour la première fois une revue papier. À quoi pense le mouvement animaliste ? Quels débats le nourrissent ? Réponse argumentée et présentation de ce numéro par la corédactrice en chef de L'Amorce.

Tiré d'AOC media

Des militantes francophones contre le spécisme publient pour la première fois une revue papier. À quoi pense le mouvement animaliste ? Quels débats le nourrissent ? Réponse argumentée et présentation de ce numéro par la corédactrice en chef de L'Amorce.

Ce printemps 2024, paraît une nouveauté, L'Amorce, au sous-titre sans équivoque : revue contre le spécisme. Sous une couverture orangée, on y trouve des articles en forme de questions : « Faut-il se fier aux intuitions spécistes ? » ou « Pourquoi la droite tient-elle tant à son verre de lait ? ». On peut aussi y lire une entrevue avec le philosophe Peter Singer, auteur du fameux Animal liberation (1975). Et qui analyse la polémique sur Sandrine Rousseau et les barbecues ? Nulle autre que l'autrice de La Politique sexuelle de la viande, l'écoféministe Carol J. Adams.

Je le sais parce que je suis co-rédactrice en chef de L'Amorce. Cette revue, en ligne depuis 2018, est le fruit d'un collectif de philosophes, sociologues, intellectuelles et militantes qui s'intéressent de près au spécisme. (Nous utilisons le féminin par défaut pour certains groupes mixtes ; c'est étrange au début, mais c'est comme pour le tofu : on s'habitue). Ce qui est nouveau ce printemps, c'est que la revue est pour la première fois publiée en un volume papier aux éditions Éliott. Voilà donc l'occasion de répondre à une question aussi simple que légitime : pourquoi publier une revue antispéciste ?

À bien y penser, je vois au moins quatre raisons.

La première raison, c'est que nous avons raison. Il existe bel et bien une oppression massive, violente et omniprésente, contre les animaux. Qui plus est, cette oppression passe largement inaperçue. Il faut donc en parler. Le spécisme, cette discrimination en fonction de l'espèce, n'est pas seulement un concept abstrait : des dizaines de milliards d'animaux terrestres (sans compter d'innombrables animaux aquatiques) sont élevés et envoyés chaque année à l'abattoir alors que l'on sait pertinemment qu'on pourrait s'en passer.

Dire, un peu crânement, je vous l'accorde, que nous avons raison, c'est dire que le spécisme existe et qu'il y a d'excellentes raisons morales de le combattre. C'est assumer son identité de revue militante. Comment rester indifférents et ne pas vouloir amorcer (et oui) un changement culturel lorsqu'on prend la mesure des violences spécistes ?

En philosophie morale, presque personne ne soutient sérieusement qu'il est légitime de discriminer les individus en fonction de l'espèce. Comme le montre François Jaquet dans son dernier livre, Le pire des maux : éthique et ontologie du spécisme, le spécisme, tout comme le racisme, viole un principe fondamental d'égal traitement des individus. Nous avons raison, mais nous savons aussi que les gens s'en remettent rarement à la raison dans leurs jugements moraux. Dans ce premier numéro de L'Amorce, le philosophe suisse interroge la psychologie morale des intuitions spécistes, celles-là mêmes qui conduisent à minimiser ou ignorer les intérêts des animaux.

Ces intuitions, constate-t-il, s'expliquent par le tribalisme et la dissonance cognitive. On perçoit moralement les animaux comme des membres d'une autre tribu, et on ajuste nos croyances à nos pratiques – culinaires notamment. Puisque ces facteurs explicatifs sont sans rapports avec la vérité des intuitions spécistes, il s'ensuit qu'elles ne sont pas fiables. Pour penser le spécisme, il faut donc se méfier de nos intuitions – qui correspondent au système 1 du psychologue Daniel Kahneman – et examiner des arguments en mobilisant le système 2, la raison. À la réflexion, n'est-ce pas ce qu'essaye de faire une revue ?

La seconde raison de publier, c'est de rassembler. Car un volume papier, c'est d'abord ça : réunir sous une même couverture des auteurs et des autrices dont on juge la parole pertinente. Et ce faisant, créer du lien, constituer un « nous ». Car ce rassemblement a bien sûr un sens politique. Il signale une présence : nous sommes nombreux, y compris dans le monde universitaire, à penser que nous avons un gros problème avec le spécisme. En ce sens, publier une revue antispéciste, c'est donc participer à un mouvement social et politique, à un projet collectif.

La revue s'ouvre d'ailleurs avec un texte collectif, La Déclaration de Montréal sur l'exploitation animale, lancé le 4 octobre 2023. Signée par plus de 500 philosophes moraux et politiques, elle ne plaide pas pour la viande locale ou bio, mais condamne explicitement toute forme d'exploitation des animaux sentients, c'est-à-dire capables d'éprouver du plaisir, de la douleur ou des émotions. Lorsqu'il m'arrive d'avoir des doutes (déformation professionnelle), je me souviens qu'il existe une expertise philosophique, et que ce n'est pas demain la veille que 500 philosophes moraux et politiques seront prêts à se commettre pour défendre l'exploitation animale.

Mais quand bien même les antispécistes auraient tout faux, cela ne changerait rien à la troisième raison de publier : c'est intéressant. Contrairement à ce qui se passe pour la plupart des gens – ce qui inclut la plupart des journalistes et des intellos – il faut bien comprendre que, pour les animalistes, la question de l'éthique de l'exploitation animale est réglée depuis longtemps. Nous nous intéressons aujourd'hui à d'autres questions, plus pragmatiques, plus politiques.

L'humanisme de la gauche possède un revers embarrassant : le suprémacisme humain.

D'ailleurs, où situer politiquement l'animalisme ? Si les organisations féministes manifestent souvent leur soutien à Black Lives Matter, aux immigré·es ou aux homosexuel·les, « les groupes animalistes restent en dehors de ces solidarités progressistes », constate Will Kymlicka. Cela viendrait d'une croyance profondément enracinée en chacune, à savoir que la valeur de l'humanité réside dans sa différence avec l'animalité.

On le voit bien avec les métaphores et les insultes animalières utilisées pour dévaloriser, en les déshumanisant/animalisant, des groupes vulnérables (femmes, musulman·es, Noir·es), ceux-là même que défend la gauche. Et le philosophe canadien de résumer : « L'argument le plus courant en faveur des droits des animaux repose sur la continuité entre les humains et les animaux ; à l'inverse, l'argument le plus courant pour les droits des groupes déshumanisés repose sur une discontinuité radicale entre les humains et les animaux. » Qui l'eut cru, l'humanisme de la gauche possède un revers embarrassant : le suprémacisme humain.

Un écho très concret de ces préoccupations résonne dans la lettre ouverte qu'adressent des militantes antispécistes – des orphelines de la gauche – aux féministes. Les autrices proposent à leurs alliées une « solidarité passive », le respect d'un principe de non-nuisance. Concrètement, cela implique par exemple « de cesser d'alimenter le spécisme via des slogans suprémacistes humains (« nous ne sommes pas des animaux », ou encore « nous ne sommes pas du bétail », « ni viande ni objet ») » ou que l'option végétalienne soit offerte par défaut dans les rassemblements militants.

De même, au Brésil, explique Sandra Guimarães en entrevue, le mouvement du « véganisme populaire » construit des ponts avec la lutte des paysans sans terre et d'autres mouvements de justice sociale. L'activiste brésilienne du réseau antispéciste UVA (União Vegana de Ativismo) s'empare de thèmes comme la réforme agraire, l'agroécologie, la souveraineté alimentaire ou la décolonisation des pratiques agricoles. Pour elle, toute bonne stratégie doit tenir compte des besoins des gens : « La vie du peuple est tellement difficile que si la lutte n'améliore pas concrètement la vie des classes populaires dans le présent, elle ne fera jamais sens pour nous. »

En Amérique du Nord, les masculinistes se moquent des soy boys, ces hommes véganes soi-disant féminisés par le soja. Mais ce n'est pas tout. Comme le rappelle Élise Desaulniers, l'extrême droite instrumentalise aussi un fait biologique, à savoir que tous les êtres humains ne sont pas égaux devant la digestion du lait, pour valoriser la « race blanche ». En effet, seules les populations (adultes) qui possèdent une mutation génétique capitale, la « persistance de la lactase » peuvent digérer le lait. Pour les personnes d'ascendance européenne et des peuples nomades d'Afrique, c'est un héritage de leur ancêtre ayant domestiqué les vaches. Ajoutez à cela la couleur du lait et voyez comment l'extrême-droite peut en faire un symbole qui conjugue suprémacisme humain et suprémacisme blanc. Avouez que c'est intéressant.

Publier une revue antispéciste, c'est rassembler en créant des juxtapositions inédites : c'est touiller de l'information et lancer des idées. Que se passera-t-il dans la tête des lectrices qui liront un article sur l'intelligence artificielle, un autre sur la souffrance des animaux dans la nature et un troisième sur le Black veganism ? Quelles connexions inédites vont s'enclencher ?

Publier une revue contre le spécisme, c'est chercher une reconnaissance intellectuelle.

Quant à la quatrième raison, c'est qu'il y a de la place pour nous. Hélas. La couverture médiatique est en effet saturée de spécisme : presque tous les vecteurs d'information tiennent pour acquis que l'espèce est un critère de discrimination légitime. Or, pour avoir un marché libre des idées, il est crucial que toutes les positions soient exprimées (et en particulier les bonnes !). Cette dernière raison, même nos détracteurs devraient l'endosser. Brisons les monopoles idéologiques et accueillons, sous vos applaudissements, une nouvelle perspective cohérente et radicale.

La revue mérite en particulier d'exister dans l'espace informationnel francophone. Car L'Amorce n'est pas particulièrement une revue française. Cinq d'entre nous vivent à Montréal ou sont québécoises, l'un vient de Suisse, deux vivent en Angleterre et une demeure même à la campagne, en Ardèche. De fait, nous sommes bien placées pour apprécier la lenteur d'allumage relative des intellos aux enjeux animalistes dans divers pays. Et la France ne nous impressionne pas beaucoup.

Dans les journaux, lorsqu'on s'aventure à parler d'antispécisme, on équilibre aussitôt le papier avec « l'autre côté de la médaille ». Des ouvrages publiés par des journalistes (par exemple du Figaro ou de Philosophie magazine) prétendent invalider l'antispécisme. Ils agitent le spectre de la panique morale et hurlent au loup, ce qui ne contribue pas à élever le débat. Je me souviens en particulier d'un dialogue de sourds lorsque Valéry Giroux fut invitée par Alain Finkielkraut sur France Culture à défendre son Que sais-je ? sur l'antispécisme.

Notre projet consiste à offrir des analyses que l'on n'entend pas à la radio. Ainsi, Valéry Giroux pose dans ce numéro une question qui fâche, impubliable ailleurs : les véganes qui, comme moi, se privent au quotidien des délices tirées de l'exploitation animale, ne le feraient-il pas pour rien ? Quelle est l'efficacité réelle du boycott végane ? Avec sa rigueur habituelle, la philosophe québécoise analyse la plus récente littérature scientifique sur le sujet et conclut qu'il existe de bonnes raisons non seulement déontologiques, mais aussi conséquentialistes de se priver (ouf !). Elle s'inscrit par-là dans le courant très « esprit critique » ou zététique qui se développe depuis quelques années dans le monde animaliste – et dont Florence Dellerie est une autre représentante, en plus d'avoir paré ce premier numéro de ses croquis animaliers.

En définitive, je crois que c'est une certaine reconnaissance intellectuelle que l'on va chercher lorsqu'on décide de publier une revue contre le spécisme. C'est la responsabilité de contribuer au débat et le droit de répliquer lorsqu'on juge que des intellos disent n'importe quoi sur le sujet. Ce qui arrive plus souvent qu'autrement. Thomas Lepeltier, dont la revue papier reprend une tribune contre certaines thèses environnementalistes, a écrit tout un livre sur le sujet, L'imposture intellectuelle des carnivores.

Les intellos sont responsables de ce qu'ils écrivent. Ainsi, lorsque Baptiste Morizot attaque l'antispécisme avec un mauvais argument, nous estimons devoir lui répondre (« Un philosophe confondant »). Lorsque l'anthropologue Charles Stépanoff cire les bottes des chasseurs français, nous pensons qu'une riposte est requise (« Un anthropologue chachant chacher »). Publier une revue contre le spécisme, c'est assumer le contre. C'est tenir son cap dans la bataille des idées et donner le change aux défenseurs du spécisme.

En résumé, je vois au moins quatre raisons, en 2024, de publier une revue francophone contre le spécisme : parce qu'il y des raisons morales de combattre cette discrimination, parce que c'est politiquement rassembleur, parce que c'est intéressant et pour donner à la critique du spécisme la place légitime qui lui revient dans le monde des idées. Gageons que ce sont autant de raisons de lire une revue antispéciste.

NDLR – Après cinq ans d'existence en ligne, le revue L'Amorce a publié un premier numéro papier paru le 17 avril.

Martin Gibert
PHILOSOPHE, CHERCHEUR EN ÉTHIQUE DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE AFFILIÉ AU CENTRE DE RECHERCHE EN ÉTHIQUE (CRÉ) ET À L'INSTITUT DE VALORISATION DES DONNÉES (IVADO) À L'UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

L’ascension d’un nouveau paradigme économique : le cybersocialisme

28 mai 2024, par John Olympio — , ,
Si l'histoire est écrite par les vainqueurs, la multiplication des échecs de l'hégémon capitaliste nous invite à revisiter le passé pour explorer des solutions négligées. Telle (…)

Si l'histoire est écrite par les vainqueurs, la multiplication des échecs de l'hégémon capitaliste nous invite à revisiter le passé pour explorer des solutions négligées. Telle est l'approche de Cédric Durand et Razmig Keucheyan dans leur ouvrage « Comment bifurquer. Les principes de la planification écologique », où les auteurs mobilisent l'histoire et des institutions existantes pour proposer un modèle alternatif concret, bien qu'ambitieux.

23 mai 2024 | Joutnsl des Alternatives
https://alter.quebec/lascension-dun-nouveau-paradigme-economique-le-cybersocialisme/?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=Sinformer-et-agir--lactualite-a-ne-pas-manquer-avec-le-Journal-des-Alternatives

Cédric Durand était l'invité d'un séminaire organisé par l'atelier d'Écologie sociale du capitalisme avancé (ESCA) en collaboration avec l'Institut de recherches et d'informations socioéconomiques (IRIS Québec) et le Centre de recherche sur les innovations et les transformations sociales (CRITS) pour défendre la dimension économique de son livre qu'il a écrit en collaboration.
Repenser le rapport avec la nature

Si les adeptes du modèle néolibéral attribuent les failles du marché à une trop grande ingérence de l'État dans l'économie, selon Cédric Durand, nous avons aujourd'hui perdu la maîtrise de notre rapport avec la nature. Mais comment restaurer le métabolisme entre les humains et la planète Terre quand « le capital ne sait pas payer pour des choses qui ne rapportent absolument rien ». Pour les auteurs cela implique d'inverser la dialectique d'efficacité et de protection de l'environnement.

Face à cela, le capitalisme vert est une fausse bonne idée, selon M. Durand. D'une part, le principe du « pollueur-payeur » est injuste, car il implique que plus on est riche, plus on a le droit de polluer. Mais en plus, les incitatifs sont souvent mal définis et donc inefficaces. La nature, dans sa complexité, et sa multiplicité dépassent grandement le raisonnement économique traditionnel.

La planification : un outil de regain de contrôle

Face à ces enjeux, les auteurs proposent de raviver l'antagoniste historique du marché : la planification. Mais qu'est-ce que la planification économique ? Elle consiste à nationaliser les moteurs stratégiques de l'économie et à offrir une politique de crédit selon les priorités planifiées, permettant ainsi aux individus de se réapproprier les modes de production.

Cette planification doit être technologique, écologiquement viable et démocratique. Contrairement au XXe siècle, les progrès technologiques en matière d'information permettent aujourd'hui une planification plus précise et efficace. On peut désormais utiliser une panoplie d'outils pour mesurer l'impact écologique et intégrer ces données dans l'évaluation de la viabilité des entreprises.

Une démocratie renforcée par la planification

Dans l'imaginaire collectif, le modèle économique libéral est souvent perçu comme le seul défenseur de la démocratie face aux économies planifiées autoritaires. Cependant, Durand et Keucheyan soutiennent que la démocratie peut légitimer la planification. En effet, il s'agirait de choisir entre plusieurs scénarios possibles, avec une implication directe du peuple dans les décisions à l'échelle nationale et locale.

Cette transition nécessiterait une profonde modification de nos modes de consommation, telle qu'exigée par les crises écologiques et sociales. Bien que la planification soit souvent associée à la dictature des besoins, comme dans le communisme soviétique, cela n'est pas une fatalité. Plusieurs outils peuvent être mis en place pour éviter ces dérives, notamment en éliminant les besoins artificiels imposés par le marketing et de rendre la consommation plus intelligente et consciente des réalités humaines et sociales.

Le renforcement des services publics jouerait également un rôle crucial en allégeant le poids de l'incertitude et de la précarité sur les populations. Grâce à des services publics robustes, les individus seraient libérés de nombreuses contraintes économiques privées. Par exemple, on pourrait se rendre au travail ou se promener dans un parc sans se soucier de la facture d'hôpital en cas d'accident. Ces services publics garantiraient un filet de sécurité, permettant.e de vivre sans la peur constante de l'insécurité.

En somme, les auteurs envisagent un modèle « cyber-socialiste » où la technologie et la planification écologique se combinent pour offrir une alternative viable et inspirante au capitalisme. Bien qu'ils proposent une réponse claire à la question « que faire ? », l'éternelle question du « comment ? » reste en partie insoluble.

Pour en savoir plus, on vous invite à lire « Comment bifurquer. Les principes de la planification écologique » de Cédric Durand et Razmig Keucheyan, aux éditions La découverte.

Vers un grand mouvement écosocialiste international

28 mai 2024, par Robin Bonneau-Patry — , , ,
La sixième Rencontre écosocialiste internationale et la toute première Rencontre écosocialiste d'Amérique latine et des Caraïbes a eu lieu du 9 au 11 mai dernier à Buenos (…)

La sixième Rencontre écosocialiste internationale et la toute première Rencontre écosocialiste d'Amérique latine et des Caraïbes a eu lieu du 9 au 11 mai dernier à Buenos Aires. Cet événement a réuni environ 300 personnes d'une quinzaine de pays pour discuter des stratégies de résistance contre le capitalisme et pour explorer des alternatives nécessaires et urgentes à ce système. Il a été unanimement reconnu qu'un fort mouvement écosocialiste international est la clé pour répondre aux crises écologiques et sociales actuelles.

Tiré d'Alter Québec.

La rencontre a mis en évidence l'urgence d'agir face aux limites planétaires et à la menace que représente le modèle actuel de production et de consommation. Les participant.es ont souligné l'importance de construire un monde fondé sur la justice climatique, environnementale et sociale. Ces dernier.ères ont discuté des diverses luttes menées par différents groupes dans le monde entier, cherchant à transformer radicalement le système actuel. Les discussions ont mis en avant la résistance contre l'accumulation de capital et les privilèges d'une minorité qui détruit les biens communs.

De plus, l'événement a insisté sur le besoin urgent de dépasser la simple survie en tant qu'espèce. Les participant.es ont exprimé leur engagement à construire une alternative au capitalisme actuel, qu'il soit néolibéral, colonial, extractiviste, raciste ou patriarcal. Dans cette perspective, l'écosocialisme se présente comme la voie privilégiée, éloigné des formes d'exploitation dominantes.

Plaidoyer pour un vaste mouvement international écosocialiste

Le panel de clôture, intitulé « Vers un grand mouvement écosocialiste international », a marqué un moment fort de la rencontre. Modéré par Juan Tortosa (Solidarités Suisse), il a réuni des figures clés telles que Germán Bernasconi (Poder Popular Argentine), Sébastien Brulez (Gauche anticapitaliste de Belgique), Felipe Gutiérrez Ríos (Observatorio Petrolero Sur argentin) et Vanessa Dourado d'ATTAC Argentine.

Le débat s'est ouvert sur l'importance de replacer les luttes écologiques dans une perspective historique et culturelle, en se connectant à la nature de manière profonde. Par exemple, les limitations du progressisme actuel ont été soulignées, avec un accent mis sur l'agroécologie comme solution viable pour nourrir à la fois les familles individuelles et la population dans son ensemble. En effet, cette approche de l'agriculture permet de produire la nourriture de manière durable en harmonie avec les écosystèmes naturels, tout en soutenant les communautés locales et en réduisant la dépendance aux intrants chimiques.

Les discussions ont également reconnu la diversité des visions du socialisme moderne parmi les participant.es, mais ont affirmé un consensus anticapitaliste fort. D'après Vanesa Dourado (ATTAC Argentine), cette diversité de perspectives doit être considérée comme un enrichissement pour le mouvement, tout en mettant également en lumière l'importance des luttes territoriales en tant que bastions essentiels de résistance.

La nécessité d'une réinvention de l'espoir face à la cooptation des agendas capitalistes par des partis supposément de gauche — notamment le PS européen — a été un point crucial du débat. Les participant.es ont insisté sur l'importance d'un mouvement de masse pour un véritable changement systémique, soulignant que ce changement ne peut être atteint que par une mobilisation collective large et inclusive. Cet appel nous encourage à poursuivre le travail que nous faisons au Journal des Alternatives, notamment sur l'importance de l'internationalisme comme fondement essentiel pour la réalisation de changements durables, y compris dans la perspective d'une action politique électorale.

En conclusion, les participant.es ont exprimé leur détermination à renforcer leurs organisations et à poursuivre la lutte contre le capitalisme sur tous les continents. L'idée de continuer à grandir et à se préparer pour les futures batailles a été mise en avant, avec l'engagement de se réunir à nouveau pour lutter où que ce soit, sur n'importe quel continent. Ainsi, la concertation des luttes écosocialistes entend se poursuivre avec la 2e Rencontre écosocialiste d'Amérique Latine et des Caraïbes à l'occasion de la 30 COP, qui se tiendra à Belém, au Brésil, l'année prochaine.

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La 6e Rencontre écosocialiste internationale et la 1re Rencontre écosocialiste d’Amérique latine et des Caraïbes se sont terminées

28 mai 2024, par Maria Elena Saludas — , ,
La ville de Buenos Aires a accueilli pendant 3 jours (9, 10 et 11 mai) environ 250 militant·es venu·es de 30 pays différents. Après plus d'un an de préparation, nous avons (…)

La ville de Buenos Aires a accueilli pendant 3 jours (9, 10 et 11 mai) environ 250 militant·es venu·es de 30 pays différents. Après plus d'un an de préparation, nous avons réussi à nous réunir dans l'Auditorium de l'ATE (Association des Travailleurs de l'État) pour discuter et essayer de penser à des stratégies pour alimenter la résistance dans la bataille contre le système capitaliste.

23 mai 2024 | tiré de site du CADTM
https://www.cadtm.org/La-6e-Rencontre-ecosocialiste-internationale-et-la-1re-Rencontre-ecosocialiste

Comme l'a dit Michael Löwy, cet événement écosocialiste est « historique ». "On perçoit que l'axe de l'écosocialisme mondial se déplace du centre vers la périphérie... car nous sommes confrontés à une crise écologique très grave qui affecte davantage le Sud.

Nous le constatons actuellement au Brésil, dans la région du Rio Grande do Sul, dont la capitale, Porto Alegre, a été inondée, faisant des centaines de mort·es, des disparu·es et des millions de sinistré·es. Cette catastrophe est étroitement liée à la déforestation en Amazonie (entre 2020 et 2021, l'Amazonie brésilienne perdra 8712 km2 de forêt), qui est à l'origine du réchauffement climatique, les sols n'absorbant pas. Ce phénomène est aggravé dans cette région par la substitution de la biodiversité par des méga-cultures de soja et des méga-productions bovines. Tout cela est encouragé par le banc ruraliste du Congrès fédéral, connu sous le nom de « banc de bœufs », qui s'emploie à détruire la « législation environnementale ».

De nombreuses questions ont été abordées au cours de ces journées intenses et enthousiastes. Elles ont commencé par le panel des histoires des Rencontres écosocialistes internationales avec Juan Tortosa de SolidaritéS (Suisse), Alice Gato de Climáximo (Portugal), Iñaki Bárcenas de EH Gune Ecosozialista (Pays basque) et la modératrice Vanesa Dourado d'ATTAC Argentine. Ils ont souligné la nécessité d'« agir globalement », d'avoir « un projet de société différent du capitalisme » et que la transition industrielle en Europe « ne peut se faire au détriment de l'Amérique latine et des Caraïbes ».

Plusieurs ateliers se sont déroulés simultanément : sur l'extractivisme dans le Cerrado brésilien et la restriction des ressources en eau, ou encore sur les débats écomarxistes avec Facundo Nahuel Martín, du CONICET Argentine, Iñaki Barcena de EH Gune Ecosozialista et modérés par Martina Eme Halpin de Poder Popular.

Enfin, au même moment, l'atelier Racismes environnementaux s'est tenu avec les camarades brésiliennes Natália Chaves, co-conseillère de la Banque féministe de São Pablo, du PSOL, et Joziléia Kaingang, Coordination nationale des femmes indigènes, et Gregorio Mejía du Syndicat des travailleur·euses et de la centrale unitaire des travailleur·euses de Colombie. Mejía a dénoncé le fait que « sans eau ni nourriture, à cause de la contamination de l'extractivisme, les gens sont la proie du trafic de drogue ». Cháves a déclaré : « La révolution sera indigène et noire ou ne sera pas ».

Pendant le déjeuner, les participant·es ont échangé les points de vue et les idées qui ont émergé au cours des différents ateliers. L'une d'entre elles est celle d'Evelyn Vallejos, de Catamarca, qui a déclaré « être venue avec l'intention de contribuer à la construction d'un programme commun et d'une stratégie mondiale avec lesquels nous pourrons faire face à la droite internationale ».

Les ateliers ont repris dans l'après-midi, l'un d'entre eux traitant de la réalité de la situation face à la dépossession : Spoliation des territoires et des corps, auquel ont participé Karina Navone de l'ISP (Argentine), Emilio Téllez du Sindicato Nacional del Bosque (Mexique), María Eva Koustsovits de l'ATE Nacional (Argentine), Iñigo Antepara de EH Gune Ekosozialista (Pays Basque), Edid Escobar du Congreso de los Pueblos (Colombie) et la participation virtuelle de Rafaela Pimentel de Territorio Doméstico (Espagne).

Simultanément, l'atelier Libre-échange et environnement : une tension insurmontable dans le capitalisme ? s'est tenu avec Luciana Ghiotto du Transnational Institute et d'ATTAC Argentine, Pablo Solón de l'Assemblée mondiale pour l'Amazonie (Bolivie), Julio Gambina de CPI/ATTAC Argentine et Francisca Fernández Droguett du Movimiento por el Agua y los Territorios MAT et de l'Escuela Popular Campesina de Curaco de Vélez (Chili).

Ce même après-midi, a eu lieu l'atelier sur le changement climatique et le militarisme, animé par Juan Tortosa de SolidaritéS (Suisse), avec la participation d'Elsa Bruzzone du CEMIDA (Argentine), de Tárzia Madeiros du Setorial Ecossocialista do PSOL (Brésil) et, virtuellement, de Nick Buxton du Transnational Institute.

Les ateliers se sont poursuivis par une série de débats sur le climat, la science et l'écosocialisme, avec la participation de José Seoane de l'IEALC (UBA) d'Argentine et de João Camargo de Climáximo (Portugal), tandis qu'Alexandre Araújo Costa de l'Universidade Estadual do Ceará du Venezuela et Liliana Buitrago de l'Observatoire d'écologie politique du Venezuela y ont participé virtuellement.

Parallèlement, un atelier sur la dette et la financiarisation de la nature a été organisé, animé par María Elena Saludas du CADTM/ATTAC Argentine, avec la participation de : Fernanda Gadea d'ATTAC Espagne, Éric Toussaint, porte-parole du CADTM International et Beverly Keene, membre de Dialogue 2000 et coordinatrice de Jubilé Amériques du Sud.

L'atelier sur le droit et la transition écosociale a suscité un grand intérêt, avec la participation des députés PSOL Brésil Renato Roseno de Ceará et Flavio Serafini de Rio de Janeiro, ainsi que Claudio Katz, économiste de la gauche argentine (EDI) et Joziléia Kaingang de l'Articulation nationale des femmes indigènes (Brésil). M. Katz a affirmé que « les scénarios de catastrophe environnementale n'ont pas de solution avec le capitalisme ». Il a été démontré qu'il est impossible d'humaniser le capitalisme. En ce sens, Roseno a expliqué que « la logique du capital a toujours été irrationnelle, le socialisme est la seule possibilité de survie » et que, par conséquent, « nous devons recréer les formes politiques ». « L'un des piliers de la droite est la propagande des valeurs conservatrices sous l'idée d'un passé meilleur », a-t-il ajouté, précisant que « notre défaite a été idéologique ». La jeunesse marginalisée de la périphérie a été éduquée avec des valeurs réactionnaires. La contre-culture a été cooptée par la droite. M. Serafini a ajouté une autre réflexion sur le scénario : « Nous ne pouvons pas céder à l'idée que Twitter est la liberté, qu'il a un propriétaire derrière lui, qu'il est de droite et qu'il intervient dans l'avenir politique des pays ».

L'après-midi, un atelier sur les luttes territoriales et la criminalisation a été présenté, modéré par Germán Bernasconi de Poder Popular et avec la participation de : Mariana Katz de l'équipe des peuples indigènes du SERPAJ (Argentine), Enzo Brizuela de l'Assemblée Algarrobo (Andalgalá, Argentine), Silvina Álvarez de Mar Libre de Petroleras Red de Comunidades Costeras (Mar del Plata, Argentine), Evelyn Vallejos de l'Unión de Trabajadores de la Economía Popular (UTEP) (Catamarca, Argentine), Matías Crespo de Marabunta (Chubut, Argentine), Mauricio Cornaglia de la Marcha de los Barbijos de Rosario (Argentine) et de l'Asamblea Popular por el Agua (Mendoza, Argentine).

La journée s'est terminée par une invitation à regarder l'excellent documentaire El Paraná : La Disputa por el Río au cinéma Gaumont. Ce film d'Alejo di Rissio et Franco González, qui se sont aventurés le long du bassin du Paraná pour explorer la réalité profonde des riverains, parle des projets d'exportation mondiaux et de la mesure dans laquelle ils affectent les pêcheurs, les insulaires et les communautés locales. Il met l'accent sur la perte absolue de souveraineté.

Le dernier jour de cette réunion cruciale s'est déroulé le samedi 11 avec la transmission en direct du débat écosocialiste avec la participation de : Suelma Ribeiro de la Rede Brasileira de Eccosocialistas (Brésil), Jawad Moustakbal d'ATTAC CADTM Maroc et la présence virtuelle de Michael Lowy de la IVe Internationale. La conférence était animée par Arlindo Rodrigues du Rede Brasileira de Eccosocialistas (Brésil). M. Lowy a déclaré que « le changement climatique est la pointe la plus dramatique de la crise environnementale, une menace sans précédent dans l'histoire de l'humanité ». Il a ajouté : « Nous sommes les passagers d'un train suicidaire appelé civilisation industrielle capitaliste moderne et la tâche urgente est de l'arrêter. C'est la révolution que nous devons faire ».

Puis ce fut le tour de l'atelier COP 30 : Premier entretien de la réunion d'Amérique latine et des Caraïbes, animé par Júlia Câmara de Subverta PSOL (Brésil) et dont les intervenants étaient : Pablo Solón de l'Assemblée mondiale pour l'Amazonie (Bolivie), Alice Gato de Climáximo (Portugal), Arlindo Rodrigues de Rede Brasileira de Eccosocialistas (Brésil) et Eduardo Giesen de Grupo Iniciativa Ecosocialista (Chili). Solon a déclaré : « Nous avons un consensus, personne ne croit aux COP. Par conséquent, nous devons proposer un accord différent de l'accord de Paris et aller de l'avant ». « Nous devons conclure un accord qui soit le fruit d'un débat avec les communautés et les mouvements », a proposé M. Rodrigues. Dans ce sens, Lexe a indiqué que « faire un contre-sommet, c'est profiter du fait que l'attention est là et que, depuis les socialismes, nous devons nous mettre au premier plan ». « Un contre-accord est fondamental, mais il doit être soutenu par une rupture écosocialiste. La COP doit être empêchée et brisée », a prévenu M. Gato.

Après le déjeuner, l'atelier Souveraineté alimentaire : l'agroécologie en tant que pratique politique a débuté, animé par Fernando González Cantero du CONICET (Argentine), avec la participation de Perla Britez de CONAMURI-Vía Campesina (Paraguay), de la Fédération rurale et de Damian Verzeñassi de l'Institut de la santé socio-environnementale. Après l'atelier, Mme Britez a déclaré : « Dans la Via Campesina, nous disons qu'il faut mondialiser la lutte et l'espoir, car la résistance est territoriale, mais le capitalisme est mondial ». Yanina Settembrino a ajouté qu'en Argentine, « 60% de ce que les familles consomment aujourd'hui est produit par l'agriculture familiale ».

Parallèlement, l'atelier Énergie et capitalisme s'est déroulé, sous la direction de Carla Isarrualde, de l'organisation 19 de Diciembre (Argentine). Les participants étaient Melisa Argento du Colectivo de Acción por la Justicia Ecosocial (CAJE) et de l'Asociación Argentina de Abogadxs Ambientalistas (Argentine), Nicolás Nuñez d'Ambiente en Lucha et membre de la Coordinadora BFS (Argentine). Nuñez a averti que « loin d'être d'accord avec l'hypothèse de l'effondrement, la crise environnementale ne détruira pas le capitalisme. Une crise environnementale ne détruira pas le capitalisme, mais celui-ci s'effondrera grâce à la pratique politique d'une lutte organisée ». Bertalot a expliqué : « D'une certaine manière, l'histoire du capitalisme est l'histoire de la consommation d'énergie fossile ». « Les énergies renouvelables au sein du capitalisme se font aussi sous la règle de l'extractivisme de l'accumulation par dépossession », a-t-il poursuivi, ajoutant qu'en plus de l'aliénation des travailleur·euses de ce qu'ils produisent, « on pourrait aussi parler d'une aliénation du flux d'énergie de la production grâce à la mécanisation ».

Deux ateliers simultanés ont suivi. L'un d'eux était Ecoféminismes, animé par Paula Delfino de Marabunta (Argentine) et auquel ont participé : Juana Antieco qui est Kimelfe (éducatrice traditionnelle de la communauté Mapuche Tehuelche Newentuaiñ Inchin de Costa Lepa), Francisca Fernández Droguett du Movimiento por el Agua y los Territorios MAT et de l'Escuela Popular Campesina de Curaco de Vélez (Chili), Natália Chaves, co-conseillère de la Banca Feminista de São Pablo du PSOL (Brésil), et Jessi Gentile de la Coordinadora de la Red Ecosocialista MST et membre de la Coordinadora BFS (Argentine). Juana Antieco a déclaré : « Il est fondamental de passer de la résistance à la construction politique ». Droguett a déclaré : "L'écoféminisme est pour et par les gens, pas seulement les femmes. Nous partons de nos propres expériences d'oppression, mais nous nous battons pour les gens.

Analía Zárate de l'Observatorio Petrolero Sur - FOL (Argentine), Ariel Moreno, travailleur de Secco PTS (Argentine) et Luján Rodriguez de Marabunta (Argentine) ont participé à l'atelier sur les perspectives de classe pour la transition énergétique. Il était animé par Martín Álvarez de l'Observatorio Petrolero Sur (Argentine). M. Zárate a lancé un avertissement : « Nous devons réfléchir à la transition énergétique en fonction des intérêts qui seront en jeu et de la manière dont nous allons nous positionner. Jusqu'à présent, il ne semble pas y avoir d'autre voie que l'extractivisme ». En ce sens, M. Moreno a déclaré : « Nous nous battons pour que la transition aille de pair avec la nationalisation des entreprises énergétiques, afin qu'elles soient sous le contrôle des travailleur·euses ».

Après de longs et puissants débats, le dernier panel, intitulé « Vers un grand mouvement écosocialiste international », a pris place. Il était modéré par Juan Tortosa de SolidaritéS (Suisse) et réunissait Vanessa Dourado d'ATTAC Argentine, Germán Bernasconi de Poder Popular Argentine, Felipe Gutiérrez Ríos de Marabunta et de l'Observatorio Petrolero Sur d'Argentine, et Sébastien Brulez de Gauche Anticapitaliste de Belgique, ce dernier représentant ceux qui accueilleront la prochaine Rencontre écosocialiste internationale qui se tiendra en 2026.

Dans le panel de clôture, Gutiérrez Ríos a expliqué que « le capitalisme a généré un concept d'environnement qui n'a pas d'histoire. Et c'est le cas. Le Pehuén (arbre sacré de la mythologie mapuche) d'aujourd'hui n'est pas le même qu'il y a 500 ans. Nous faisons partie de cette nature ». « Cela n'a pas de sens d'être dans le wagon de queue du progressisme actuel parce que nous savons, et cela a été démontré, qu'il ne sert pas à résoudre le problème entre le capitalisme et la nature », a-t-il averti. « Penser la préfiguration comme un espace de pouvoir. L'agroécologie, non pas comme un moyen de nourrir ma famille, mais comme un moyen de nourrir l'ensemble de la population », a-t-il prédit. Ce fut ensuite au tour de Vanesa Dourado d'ATTAC Argentine, qui a déclaré à propos de cette réunion : « Il est clair que nous avons des différences sur la façon dont le socialisme devrait être aujourd'hui. Mais nous sommes d'accord sur le fait que nous sommes en rupture, que nous sommes anticapitalistes. Il y a eu un accord sur le fait que les mouvements de lutte, les mouvements territoriaux, sont les lieux de lutte. C'est là que nous pourrons gagner », a-t-il déclaré. M. Brulez a mis en garde contre le fait que « le PS européen a réalisé l'agenda capitaliste avec l'aile droite », de sorte qu'« il est nécessaire de réinventer l'espoir ». C'est le monde écosocialiste. « Le changement systémique ne se produit qu'avec un mouvement de masse, c'est comme ça », a-t-il conclu.

Nous nous sommes quittés en rappelant les paroles de Felipe Gutiérrez Ríos :

« Maintenant, nous allons retourner dans nos territoires et nous allons nous réunir à nouveau, revenons avec des triomphes la prochaine fois. Faisons grandir nos organisations, que les capitalistes se méfient car nous allons nous réunir à nouveau et nous allons continuer à lutter où que nous soyons, sur n'importe quel continent ».

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L’historien Ilan Pappé sous interrogatoire à un aéroport américain et son opinion sur « l’effondrement du projet sioniste »

28 mai 2024, par Amy Goodman, Ilan Pappé — , , ,
Amy Goodman : (…) nous (recevons) le renommé professeur d'histoire et directeur du Centre européen d'études sur la Palestine à l'Université Exeter. Il nous parle depuis Doha au (…)

Amy Goodman : (…) nous (recevons) le renommé professeur d'histoire et directeur du Centre européen d'études sur la Palestine à l'Université Exeter. Il nous parle depuis Doha au Qatar. (…)

Democracy Now, 21 mai 2024
Traduction, Alexandra Cyr

Professeur Pappé, je veux que vous nous parliez de votre récent voyage aux États-Unis. Lorsque vous êtes arrivé à l'aéroport de Détroit vous avez été questionné pendant des heures par des agents fédéraux à propos de Gaza, du Hamas et d'autres sujets. Ils ne vous ont permis de rentrer dans le pays qu'après qu'ils aient copié les contenus de votre téléphone. Pouvez-vous nous expliquer ce qui s'est passé ?

Ilan Pappé : Oui, je vais le faire. Mais si vous le permettez, je voudrais seulement dire qu'il y a plus important que la seule question de savoir si Israël est soumise ou non aux déclarations de la Cour pénale internationale. Je pense qu'il s'agit d'un moment de vérité pour les tribunaux internationaux comme celui-ci et la Cour internationale de justice. Nous sommes face à des gouvernements qui n'obtempéreront probablement pas, n'appliqueront pas les jugements parce qu'Israël a encore des alliés très solides. Je pense que le reste du monde, spécialement le Sud global, va vérifier si les termes « universels » et « international » veulent vraiment dire quelque chose. Je pense aussi que la Palestine n'est qu'un cas parmi beaucoup d'autres où nous devons vraiment nous battre pour redéfinir ce qui est universel, ce que sont les valeurs universelles et ce qu'est la justice internationale. Voilà ce qui donne à ce moment une valeur historique si importante.

Alors je reviens à ce qui m'est arrivé et qui n'est pas si important en soi mais qui, je pense, fait partie d'une situation plus étendue. Je suis arrivé à Détroit après huit heures de vol depuis Londres. Des agents fédéraux m'ont immédiatement amené dans une pièce à côté. Leurs questions portaient sur deux éléments : d'abord, mes vues sur le Hamas et sur ce qui se passe à Gaza. Par exemple est-ce que je qualifie cela de « génocide » ? Ils voulaient connaitre ma réaction au slogan : « La Palestine du fleuve à la mer ». Ils ont refusé de me dire pourquoi ils m'avaient intercepté et pourquoi je devais répondre à ces questions. L'autre versant de leurs préoccupations portait sur la communauté musulmane américaine, sur les Arabes américains.es et la communauté palestinienne aux États-Unis. Après cela ils m'ont pris mon téléphone pendant un bon moment. Ils m'ont fait attendre encore pendant qu'ils téléphonaient et m'ont ensuite permis de rentrer dans ce pays.

A.G. : Puis-je vous demander, Professeur Pappé, ce que vous leur avez répondu à la question de savoir ce que vous pensez de « La Palestine du fleuve à la mer » ? Et si vous pensez qu'un génocide est commis à Gaza ?

I.P. : D'accord ! À la question de savoir si je définie le Hamas comme une organisation terroriste, j'ai refusé de répondre. Je leur ai plutôt suggéré de se rendre à mes conférences au Michigan parce que j'y discute de cela. Pour ce qui est de la question du génocide, j'ai répondu laconiquement oui. Je qualifie les actions d'Israël à Gaza de génocide. Mais, encore une fois, je leur ai suggéré, s'ils voulaient entendre des analyses plus détaillées à ce sujet, de lire mes articles ou de venir à mes conférences au Michigan.

Et à la question de ma réponse au slogan, « La Palestine du fleuve à la mer » j'ai répondu que partout où il y a un fleuve et une mer, les peuples qui vivent entre les deux ils devraient être libres. Et ce fut un moment un peu comique et ironique. L'un d'entre eux m'a sorti ses connaissances en géographie et m'a demandé : « Alors, qu'en est-il de l'Arabie saoudite » ? J'ai donc corrigé ma phrase et dit : « OK, partout où il y a des pays entre deux sources d'eau, le peuple doit être libre ». Cela a semblé les satisfaire en ce moment particulier.

Je dois dire qu'ils ont été très polis. Je ne veux pas décrire cela comme une épreuve. Ils ont été polis. Mais ce qui me dérange particulièrement c'est : avaient-ils le droit de me questionner ? Quel était le sous-texte de toute cette affaire ? J'ai ma propre compréhension même si je n'ai pas tous les faits devant moi.

Juan Gonzalez (D.N.) : Professeur, vous vous êtes adressé à d'énormes foules de jeunes gens partout dans le monde, dont aux protestataires, aux étudiants.es qui s'opposent à l'aide américaine à la guerre à Gaza. Un de vos livres, The Ethnic Cleansing of Palestine, a beaucoup été lu au cours des derniers mois. Pouvez-vous nous en parler ? La Nakba, ou le nettoyage ethnique de la Palestine n'a pas commencé en 1948, on en voit le processus même durant la période du mandat britannique, où la révolte arabe de 1936 contre les règles britanniques a été réprimée.

I.P. : Oui, oui, c'est un fait. Le terme Nakba est un peu trompeur. En Arabe il signifie « catastrophe ». Mais, en réalité, ce que les Palestiniens.nes ont subi n'était pas une catastrophe nouvelle mais bien un nettoyage ethnique clairement motivé par une idéologie transparente. Cette politique faisait partie intégrante du programme sioniste pour la Palestine depuis les tous débuts de ce mouvement au début du 19ième siècle. Évidemment, au point de départ, les moyens de procéder à ce nettoyage ethnique n'existaient pas. Mais, déjà au milieu des années 1920, alors que la communauté sioniste était très limitée en Palestine, grâce à des achats de terres où se trouvaient plusieurs villages palestiniens, elle a pu convaincre le pouvoir mandataire britannique d'évincer les populations de 13 villages. C'était entre 1925 et 1926. Et, tranquillement, ce processus d'achat de terres et d'évictions de personnes qui vivaient là depuis des centaines d'années, a permis au mouvement sioniste de posséder au moins 6% de la terre palestinienne, ce qui n'était pas assez. Le gros du nettoyage ethnique s'est donc passé en 1948.

Et, nous le savons, ça ne s'est pas arrêté en 1948. Israël a continué d'expulser de leurs villages de 1948 à 1967 qui représentaient une minorité dans le pays, les habitants.es présumés.es citoyens.nes israéliens.nes. Israël a expulsé 300,000 Palestiniens.nes lors de la guerre des six jours en juin 1967. Depuis ce moment jusqu'à maintenant, environ 600,000 résidents.es de Palestine ont été déracinés.es par Israël. Donc, nous avons maintenant la mesure de ce nettoyage ethnique qui dépasse celui de 1948. Il n'y a aucun moment dans l'histoire de la Palestine, depuis l'arrivée des sionistes, où les habitants.es de cette terre n'ont pas été menacés.es de perdre leur maison, leurs champs, leurs entreprises et leur terre natale.

A.G. : Finalement, Ilan Pappé, comme vous l'avez dit, plus de Palestiniens.nes ont été tués.es durant les derniers mois, qu'en aucun moment au cours des 76 dernières années. Plus ont été forcés.es de se déplacer qu'ils ne l'ont été lors de la Nakba au moment de la fondation d'Israël. Où trouvez-vous l'espoir ? Vous êtes un historien israélien estimé partout dans le monde. En moins d'une minute….

I.P. : Ce qui me donne de l'espoir, c'est que le projet sioniste en Israël et en Palestine tel que nous le voyons aujourd'hui, n'en a plus pour longtemps. Je pense que nous sommes dans un processus important qui va mener à son effondrement. J'espère que le mouvement national palestinien et tous ceux et celles qui s'impliquent en Israël et en Palestine vont être capables de remplacer l'État d'apartheid, ce régime oppressif, par une vie démocratique pour les populations qui vivent entre le fleuve et la mer, pour tous les Palestiniens.nes qui ont été expulsés.es depuis 1948 jusqu'à maintenant. Je pense qu'un processus historique commence. Malheureusement, ça va prendre du temps et les deux prochaines années seront en équilibre instable et dangereuses. Mais à long terme, je suis convaincu qu'il y aura une vie différente pour les Juifs et les Arabes entre le fleuve et la mer dans une Palestine démocratique et libre.

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Kanaky : le gouvernement français tente de minoriser les indépendantistes kanak·es

Après l'avancement unilatéral du dernier référendum pour l'indépendance de 2021, largement boycotté par les Kanak·es, le projet de loi élargissant le corps électoral de la (…)

Après l'avancement unilatéral du dernier référendum pour l'indépendance de 2021, largement boycotté par les Kanak·es, le projet de loi élargissant le corps électoral de la Kanaky attise les tensions, nie une fois de plus le droit à l'autodétermination des autochtones et met à nu la brutalité coloniale de l'Etat français.

23 mai 2024 | tiré du site de la Gauche écosocialiste
https://gauche-ecosocialiste.org/processus-de-decolonisation-en-kanaky-le-gouvernement-francais-tente-de-minoriser-les-independantistes-kanaks/

Ce lundi 13 mai 2024, l'Assemblée nationale votait le projet de loi constitutionnelle “portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie”1 présentée par le gouvernement français. Ce projet de loi élargit le corps électoral de la Nouvelle-Calédonie à quelques 25 000 citoyen·nes supplémentaires né·es ou résidant depuis plus de 10 ans sur le territoire pour les prochaines élections locales.

Il existe actuellement trois corps électoraux différents2 :

  • La liste électorale générale
    (concerne tous les citoyen·nes français·es majeur·es, pour les élections municipales, les présidentielles, les législatives, les européennes et les référendums nationaux)
  • La liste électorale spéciale pour les provinciales
    (concerne les citoyen·nes français·es majeur·es, justifiant de 10 ans de domiciliation sur le territoire depuis 1998 (accords de Nouméa) ou 10 ans de domiciliation sur le territoire depuis 2021 si un parent est inscrit·e sur la liste électorale générale, pour voter aux élections provinciales et à celles du Congrès)
  • La liste électorale spéciale consultation
    (concerne les citoyen·nes français·es majeur·es, ayant eu le droit de vote lors de la consultation de 1998, né-es en Kanaky, ayant le statut civil coutumier Kanak et justifiant de 20 ans de domicile continue depuis 2014, pour voter aux consultations concernant l'avenir de la Kanaky)

La Kanaky, un territoire singulier

Pour comprendre l'impact de ce projet, il est nécessaire de revenir brièvement sur l'histoire de ces territoires. Ce que l'Etat français appelle la Nouvelle-Calédonie est un ensemble d'îles et d'archipels de l'ouest de l'océan Pacifique. Territoire colonisé depuis 1853, il s'agit d'abord d'une colonie pénitentiaire où sont déporté·es les condamné·es à des peines de travaux forcés, puis les communard·es et les indépendantistes algérien·nes. Devenue colonie de peuplement, la Nouvelle-Calédonie est un territoire inscrit sur la liste des territoires non autonomes3 à décoloniser établie par les Nations Unies depuis 1986, à l'instar de la Polynésie française.

Habitant ces territoires depuis environ trois mille ans, les Kanak·es sont le peuple premier de la Kanaky. En 2019, on compte près de 271 407 habitants, dont 41,21 % de Kanak·es, 24,13 % d'Européen·nes et 11,33 % de métis. Les statistiques ethniques étant très encadrées dans le droit français, les populations de Kanaky sont une exception à la règle du fait de son histoire singulière.

Avec près de 171 ans de colonisation, cet archipel est marqué par des inégalités socio-économiques4 racialisées importantes. Majoritaires jusque dans les années 1970, les Kanak·es perdent la majorité numérique qualifiée sur leur propre terre du fait de l'arrivée de nouvelles populations lors du boom du nickel. 20 à 30 % des réserves mondiales de nickel5 se trouveraient en Kanaky, une richesse stratégique pour son usage (acier inoxydable, batteries…). Pourtant, le taux d'activité des Kanak·es est inférieur de 20 points à celui des Européen·nes en 2014 tandis que le taux de non-diplômé-es est 4 fois plus important chez les Kanak·es que chez les Européen·nes. Seulement 4,1 % des Kanak·es sont diplômé·es de l'enseignement supérieur, contre près de 40 % des Européen·nes en 2014.

La lutte pour l'autodétermination du peuple kanak

Dans leur lettre ouverte au peuple de France6, le peuple kanak revient sur l'histoire des luttes d'indépendance et ses nombreuses révoltes (1878, 1917, 1984/1988 pour ne citer que celles-ci). A Nainville-les-Roches, en juillet 1983, deux principes importants sont posés : la reconnaissance par l'Etat français du “droit inné et actif à l'indépendance” pour le peuple kanak et l'acceptation par le peuple kanak d'associer les différentes communautés au processus de décolonisation de la Kanaky. Ces deux principes sont intrinsèquement liés, le deuxième ne saurait être mis en œuvre en l'absence du premier.

En 1998, avec les accords de Nouméa7 l'Etat français reconnaît pour la première fois les violences coloniales et prévoit un transfert progressif de compétence vers la Kanaky, un plan de réduction des inégalités ainsi que 3 référendums pour déterminer l'indépendance de la Kanaky. Afin de préciser les éléments concernant les listes électorales présents dans ces accords, en 2006 est adopté le gel du corps électoral en Kanaky8, réservant le droit de vote aux élections provinciales et territoriales aux personnes installées sur le territoire depuis 10 ans à la date du 8 novembre 1998.

La continuité coloniale française à l'oeuvre

Aujourd'hui, le projet de loi constitutionnel devrait élargir de 14 % l'électorat local. Les groupes indépendantistes acceptent d'ajouter aux listes provinciales les personnes nées après 1998, mais refusent l'élargissement aux nouveaux arrivants de Kanaky. L'Etat propose ainsi une condition de résidence de 10 ans, sans pour autant fournir une étude d'impact de cette réforme sur les prochaines échéances électorales.

Ce projet de loi reste dans la continuité de la brutalité juridique de l'Etat. Prévus par les accords de Nouméa, trois référendums pour l'indépendance ont eu lieu : 2018 (56,7 % de non), en 2020 (53,3 % de non) puis le scrutin prévu initialement en 2022 a été avancé par E. Macron contre l'avis des populations locales en 2021, présentant une abstention record de 56,13%. Largement boycotté par les Kanak·es, ce référendum ne peut être considéré comme légitime, et le projet de loi du gouvernement n'est qu'une énième provocation Il n'est ainsi pas seulement question de l'élargissement du corps électoral, mais bien la remise en cause par le gouvernement du processus de décolonisation et la construction locale d'une communauté de destin en Kanaky.

​​Depuis lundi 13 mai, de nombreuses révoltes et barrages ont éclaté sur l'archipel à l'appel du peuple kanak. Une situation jugée insurrectionnelle par le gouvernement, qui a décidé de réprimer violemment une insurrection qu'ils ont eux-mêmes provoquée. L'état d'urgence a été décrété mercredi 15 mai, s'accompagnant de restriction des libertés et d'un ban de TikTok. Trois Kanaks ont été assassinés par balle lors des affrontements, a priori tués par des Européen·nes. Ce bilan sanglant aurait pu être évité si le gouvernement avait choisi de respecter le processus de décolonisation, au lieu de provoquer le peuple kanak.

Nora K-M.

Notes

1 Congrès et assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (PJLC)

2 Les 3 listes électorales – Élections Nouvelle-Calédonie (elections-nc.fr)

3 Nouvelle-Calédonie | Les Nations Unies et la décolonisation

4 En Nouvelle-Calédonie, des inégalités entre Kanak et non-Kanak toujours criantes

5 Nouvelle-Calédonie : le nickel au cœur de la crise – Libération (liberation.fr)

6 Lettre ouverte du peuple Kanak au peuple de France

7 Préambule accords de Nouméa 5 mai 1998

8 Les députés adoptent le gel du corps électoral

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Gabriel Nadeau Dubois a-t-il remporté son pari ?

28 mai 2024, par Pierre Mouterde — , ,
Gabriel Nadeau Dubois, a-t-il remporté son pari ? Si on s'en tient "au spin médiatique", c'est-à-dire aux grandes lignes de presse qui ont suivi le Conseil national de Québec (…)

Gabriel Nadeau Dubois, a-t-il remporté son pari ? Si on s'en tient "au spin médiatique", c'est-à-dire aux grandes lignes de presse qui ont suivi le Conseil national de Québec solidaire des 24, 25 et 26 mai 2024 à Jonquière, la réponse est assurément affirmative. De quoi conclure sans ambages que malgré la démission fracassante de la co-porte-parole, Emilise Lessard Therrien, malgré les critiques de fond qui, depuis lors, ont fusé de tous côtés, le co-porte-parole masculin de QS serait arrivé à faire accepter la déclaration du Saguenay tout comme une actualisation du programme du parti, ouvrant ainsi, bien pragmatiquement, la voie à "une alternative crédible de gouvernement".

27 mai 2024

Tel est le narratif qui s'est imposé dans les médias et qu'a si bien résumé le journaliste "mordu de politique", Sébastien Bovet de Radio Canada ! Mais est-ce si sûr, et n'y-a-t-il pas là bien des raccourcis trompeurs, plus encore une manière de présenter les choses tendant à faire oublier les enjeux politiques de fond qui pourtant, en arrière plan, crèvent les yeux ?

Le fond du problème

C'est la première chose qu'il faut souligner et que justement le discours médiatique dominant pousse à occulter : depuis les résultats de la dernière élection de 2022 (où QS a obtenu 12 députés mais sans augmenter ses pourcentages électoraux de soutien et en rompant brusquement avec la parité hommes/femmes), se sont élevées bien des critiques à l'intérieur du parti sur son mode de fonctionnement insuffisamment transparent ou démocratique ou féministe, sur la place trop grande prise par la députation, sur le rôle omnipotent de son porte-parole masculin et de "son groupe de com". Le tout, renvoyant à une question de fond touchant à ce qui pouvait être considéré comme l'âme du parti : Qs est né comme "un parti des urnes et de la rue", aspirant bien sûr à être un parti des urnes (donc de gouvernement), mais sans jamais pour autant mettre de côté les aspirations au changement social de la rue, portées par les divers mouvements sociaux, féministe, indépendantistes, autochtone, altermondialiste, écologiste, sociaux, communautaires dont il cherchait à se faire l'écho au plan politique.

Etre tout à la fois un parti des urnes et de la rue, c'est là sans doute 2 préoccupations qui ne sont pas toujours faciles à conjuguer, mais c'est néanmoins, la condition sine qua non, la seule manière de pouvoir être capable un jour de gouverner "autrement", c'est-à-dire d'arriver au gouvernement, en ayant tout à la fois les appuis populaires et les rapports de force sociaux nécessaires pour mettre concrètement en route les transformations structurelles qu'on retrouve dans notre programme et qui sont exigées par les grands défis écologiques et sociaux qui se dressent devant nous.

Ce que la déclaration du Saguenay remet en cause

Or c'est justement ce que le recentrage initié par Gabriel Nadeau-Dubois est en train de saborder : cette unité entre l'un et l'autre. Et la déclaration du Saguenay montre comment ? En collant au plus près —non pas d'abord des revendication des mouvements sociaux les plus actifs et déterminés— mais des institutions et diverses associations de la société civile des régions qui ont actuellement pignon sur rue et qui électoralement pourraient éventuellement se rapprocher de QS, en votant pour lui. D'où toutes ces propositions ambigües que la direction a essayé de faire voter au conseil de Saguenay et qui ont d'abord pour but de gagner au plus vite des électeurs pour 2026. Mais dans l'impatience et sans grand principe, en oubliant autant l'histoire de Qs que celle des luttes sociales au Québec : ainsi en fut-il –à titre exemplaire— de la proposition de l'UPA où l'on nous demandait (sic !) de reconnaître le monopole syndical de l'UPA et de renoncer à réformer le syndicalisme agricole, en abandonnant l'idée même de pluralisme.

Ainsi en fut-il aussi de cette volonté affichée de « moderniser « en profondeur et en quelques mois le programme de QS, en faisant fi de tous les patients efforts qui en près de 15 ans avaient permis de le bâtir peu à peu.

Arrondir les angles

Il y a une chose que l'on peut dire cependant : sans rien casser et sans créer de divisions irréversibles, il a été possible depuis le plancher de la conférence et avec les efforts de bien des militants-es des circonscriptions de freiner et d'amoindrir le recentrage proposé par Gabriel Nadeau Dubois, d'en arrondir les angles, d'en supprimer les dimensions les plus dangereuses et symboliques. Ainsi on a pu faire retirer l'appui au monopole syndical de l'UPA. On a pu aussi faire rejeter la proposition principale de « modernisation » du programme, entendue comme une refonte totale en faveur plutôt de sa « réactualisation » entendue comme une mise à jour ciblée. On a pu enfin faire accepter un calendrier plus étalé donnant plus de temps pour mener les débats les plus délicats.

Ce sont des gains non négligeables. Mais eu égard au virage annoncé et surtout aux mécontentements et aux insatisfactions qui n'ont cessé de s'exprimer de multiples façons lors de ce conseil, elles sont loin d'être suffisantes et une garantie pour l'avenir. Il est vrai qu'il a été aussi voté un plan d'action (des plus vertueux !) pour améliorer nos pratiques démocratiques internes. Mais comme ce plan en reste à des mesures de type organisationnel ou éthique, sans toucher à la question politique de fond (celle de l'existence d'une concentration du pouvoir mise au service d'une stratégie de gouvernement dont on n'a pas pris le temps de mesurer démocratiquement et à travers un débat de fond toutes les incidences), il a peu de chance de résoudre ce qu'il cherche à solutionner.

Un vaste courant oppositionnel et démocratique

On comprendra, dans un tel contexte, qu'il reste bien des défis devant nous. Et d'abord celui de donner voix et force à toutes les oppositions qui s'expriment au sein du parti, mais de manière si fragmentée et dispersée qu'elles restent sans grande efficacité aux moments décisifs, comme on a pu le constater parfois lors des votes à Jonquière.

En fait il s'agirait de stimuler et de donner vie à un vaste courant oppositionnel, rassembleur et démocratique, mobilisé (comme le sont ces jeunes du réseau militant jeunesse de Québec solidaire tout juste reconnu officiellement) et susceptible de trouver cette voie de passage dont on ressent comme jamais la nécessité.

Oui c'est cela, redonner une voie –et une voie unie et forte— à tous ceux et celles qui ne se retrouvent plus dans l'orientation actuelle du parti et qui souhaiteraient qu'il soit certes un parti qui veuille gouverner, mais d'abord et avant tout un parti qui veuille gouverner autrement.

Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste
présent lors de ce Conseil national comme un des délégués de Taschereau

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La Caisse de dépôt a doublé ses investissements dans l’apartheid israélien en 2023

Le « bas de laine » des Québécois·es finance des compagnies d'armement et de surveillance complices de la répression et des crimes de guerres en cours dans les territoires (…)

Le « bas de laine » des Québécois·es finance des compagnies d'armement et de surveillance complices de la répression et des crimes de guerres en cours dans les territoires occupés palestiniens.

13 mai 2024 | tiré de pivot.québec | Premier plan : Édifice Jacques-Parizeau, siège de la CDPQ. Photo : Jean Gagnon (CC BY-SA 3.0). Montage : Pivot

Au courant de l'année 2023, la Caisse de dépôt et placement du Québec a doublé ses avoirs dans des entreprises ciblées par la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) menée pour mettre de la pression sur l'État d'Israël, et ce, malgré le lourd bilan de l'offensive guerrière en cours.

Selon les données du plus récent rapport annuel de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), le fonds d'investissement qui gère la caisse de retraite de l'État québécois, a plus que doublé ses avoirs totaux dans onze entreprises liées à l'apartheid israélien. Ces sommes sont passées de 559,9 millions $ au 31 décembre 2022 à 1204 millions $ au 31 décembre 2023.

Ces chiffres concordent avec une analyse effectuée par le groupe Labour for Palestine, qui a noté plus spécifiquement que les avoirs de la CDPQ en titres émis par des entreprises sur le marché américain et impliquées dans l'apartheid israélien étaient passés de 444 millions $ US à 836 millions $ US entre le 30 septembre et le 30 décembre 2023.

L'actuelle campagne militaire d'Israël contre Gaza a été déclenchée suite à l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023. Cette attaque a fait au moins 1160 morts. La réponse punitive israélienne a fait près de 35 000 morts, selon les autorités sanitaires locales, la majorité des civil·es. La population fait face à la famine, selon l'ONU, et 84 % des infrastructures médicales ont été détruites ou endommagées, selon un rapport de la Banque mondiale. Le 26 janvier dernier, la Cour internationale de justice a jugé qu'il y avait un « risque plausible de génocide » à Gaza.

La CDPQ a augmenté sa participation financière dans les compagnies suivantes : Hewlett-Packard, Intel, Leidos, General Electric, Caterpillar et Palantir. Elle possède également des investissements dans General Dynamics, Honeywell, Lockheed Martin, Boeing et Northrop Grumman.

Toutes ces entreprises contribuent aux efforts de guerre de l'armée israélienne, au contrôle quotidien des populations palestiniennes soumises à l'apartheid dans les territoires occupés, ou encore bénéficient de ce régime d'apartheid. C'est pourquoi elles sont ciblées par la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), une campagne internationale ciblant Israël et ses partenaires, appelant notamment à leur retirer tout soutien financier.

En réponse aux questions de Pivot concernant cette augmentation de l'investissement dans des compagnies ciblées par la campagne BDS, un représentant de la Caisse a répondu : « Nous suivons de près l'évolution du conflit et sommes évidemment préoccupés par son impact sur les populations dans la région.

Qui sont ces entreprises ciblées par la campagne BDS ?

Hewlett-Packard (HP) : Cette entreprise informatique est impliquée dans l'infrastructure technologique qui permet le système de contrôle de la population palestinienne. Elle fournissait les serveurs hébergeant les bases de données du système Aviv, contenant des données sur la population palestinienne dans le territoire occupé de Jérusalem-Est, mais ce programme touche à sa fin. L'entreprise fournit toujours des services de maintenance informatique pour les prisons et des serveurs pour les forces policières.

Intel : En décembre 2023, l'entreprise informatique et électronique a annoncé des plans pour la construction d'une usine de processeurs en Israël, un investissement historique évalué à 25 milliards $.

Leidos : Cette entreprise d'armement fournit des technologies de surveillance utilisées dans les points de contrôle dans les territoires palestiniens occupés. Elle fournit aussi les prototypes pour un mur de défense au laser.

General Electric (GE) : L'entreprise fournit des turbines et des services de maintenance pour des éoliennes dans les territoires occupés du Golan syrien. GE fournit des moteurs utilisés par plusieurs avions et hélicoptères de l'armée israélienne.

Caterpillar (CAT) : Les bulldozers de Caterpillar ont été utilisés pour démolir les maisons des Palestinien·nes dans les territoires occupés et pour la construction de colonies illégales. L'entreprise fournit des bulldozers blindés à l'armée israélienne.

Palantir
: Cette entreprise logicielle, fondée par le milliardaire conservateur et libertarien Peter Thiel, offre des services de renseignement et de surveillance à l'armée israélienne. Elle offre également un service de « police prédictive », utilisant l'intelligence artificielle. En janvier 2024, Palantir a conclu un partenariat stratégique avec les forces armées israéliennes pour offrir du soutien lors de « missions de guerre ».

General Dynamics : Cette compagnie d'armement fournit Israël en munitions et en armements.

Honeywell : Cette entreprise aérospatiale fournit des moteurs pour l'aviation militaire israélienne. Ses usines fabriquent des composantes pour le l'avion F-35 de Lockheed Martin.

Lockheed Martin : Première compagnie d'armement mondiale, ses avions militaires F-16 et F-35 sont utilisés contre la population de Gaza. L'entreprise fabrique les missiles utilisés par les hélicoptères Apache de Boeing, employés durant le génocide plausible en cours.

Boeing : Cette entreprise aéronautique fabrique de l'armement vendu aux forces armées israéliennes. Des filiales canadiennes de Boeing fabriquent des composantes pour les hélicoptères Apache de la compagnie ainsi que les avions F-15 de Lockheed Martin.

Northrop Grumman : Cette compagnie d'armement fournit des systèmes de missiles pour les hélicoptères Apache et des systèmes de guidage au laser pour les avions de chasse.

Le courriel explique que les investissements de la CDPQ « dans la région » équivalent à moins de 0,1 % de ses actifs. Les compagnies ciblées ne sont pourtant pas des entreprises localisées au Moyen-Orient, mais plutôt des entreprises faisant affaire avec Israël et profitant du conflit en cours.

« La CDPQ est parmi les investisseurs les plus respectés au monde sur les critères ESG [environnementaux, sociaux et de gouvernance], qu'on applique de manière rigoureuse », ajoute la Caisse.

La campagne BDS

Omar Barghouti, co-fondateur du mouvement BDS et récipiendaire du prix Gandhi pour la paix en 2017, explique que ce mouvement non violent et antiraciste né en 2005 « est dirigé par la plus grande coalition dans la société civile palestinienne ». Ce mouvement s'est inspiré de la lutte victorieuse contre l'apartheid sud-africain.

« Bien avant le génocide, BDS a joué un rôle dans le désinvestissement de fonds d'investissement d'État géants en Norvège, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Nouvelle-Zélande et ailleurs [pour qu'ils retirent leur argent] des compagnies et banques complices », rapporte M. Barghouti.

« L'impact du mouvement a grandi considérablement avec l'assaut d'Israël contre les 2,3 millions de Palestinien·nes dans le territoire occupé et assiégé de Gaza, ce que la Cour internationale de justice a qualifié de génocide plausible ».

Omar Barghouti rappelle qu'en février 2024, des expert·es en droits humains de l'ONU appelaient à un arrêt « immédiat » de l'exportation d'armes vers Israël, en raison du risque qu'elles soient utilisées pour commettre des violations sévères du droit international. Selon ces expert·es, les mesures à prendre par les États envers Israël pourraient inclure des « sanctions sur les échanges commerciaux, la finance, les voyages, la technologie et la coopération ».

Pour le porte-parole de la campagne BDS, le fait que l'État israélien dédie un ministère, le ministère des Affaires stratégiques, pour combattre la campagne de BDS est un gage de son efficacité. « Israël et ses groupes de lobbys aux États-Unis ont dépensé des centaines de millions $ au cours des dernières années », ajoute-t-il.

La CDPQ a déjà joué un rôle dans le désinvestissement

Nous avons demandé à M. Barghouti, comment il voyait l'augmentation des investissements de la CDPQ dans les entreprises ciblées par BDS. « Les Palestinien·nes ne mendient pas la charité au monde. Nous appelons à la solidarité, mais avant tout, nous appelons à mettre fin à la complicité. Au minimum, ne faites pas de tort », a-t-il répondu.

« Les syndicats et organisations progressistes au Québec ont déjà joué un rôle clé pour mettre fin à la complicité honteuse du Québec et du Canada dans l'apartheid colonial israélien. »

« L'année dernière, ce sont les pressions exercées sur la Caisse qui ont finalement contraint Allied Universal, la société mère du mammouth de la sécurité G4S, à complètement cesser ses activités en Israël », dit Omar Barghouti.

En effet, la campagne BDS avait lancé une campagne contre l'entreprise G4S en 2012. L'entreprise G4S est une multinationale de la sécurité acquise par Allied Universal en 2021. G4S possédait en partie une école de police israélienne et offrait également des services pour les prisons israéliennes et les postes de contrôle dans les territoires occupés.

La CDPQ avait investi dans Allied Universal dès 2019. En mai 2023, le député solidaire Haroun Bouazzi demandait à la CDPQ comment elle pouvait justifier un tel investissement, alors que des révélations de torture contre des prisonniers politiques, incluant des mineurs, étaient documentées en Israël.
Le patron de la Caisse avait répondu qu'il était d'accord et que son institution mettait de la pression sur l'entreprise, dont elle détenait alors 28 %.

La pression sur Allied Universal avait poussé l'entreprise G4S à cesser ses activités en Israël en juin 2023, citant des dommages réputationnels et des pertes de contrats en raison de la campagne BDS.
« Nous appelons les personnes de conscience au Québec, la société civile et les syndicats, à le faire de nouveau, à pousser la CDPQ à cesser ces investissements honteux dans des compagnies d'armement qui permettent le génocide en cours », dit Omar Barghouti.

« Le retour sur ces investissements est imprégné du sang palestinien, des villes, universités et hôpitaux rasés par les bombardements, des dizaines de milliers de Palestinien·nes massacré·es par les forces génocidaires israéliennes. »

Un projet de loi pour des investissements éthiques

Le député solidaire de Maurice-Richard, Haroun Bouazzi, a questionné le patron de la Caisse de dépôt à nouveau cette année, lors de l'étude des crédits budgétaires. « On a attiré l'attention de la Caisse sur des investissements qui sont tout à fait contraires à l'éthique », dit-il en entrevue.

Il rappelle qu'il a récemment déposé le projet de loi 299, qui propose que « la question du respect des droits de la personne et la question du respect des limites de la capacité de la planète, la lutte contre la crise climatique, soient intrinsèquement inscrites dans [la] mission [de la CDPQ] ».
Pour le député solidaire, « la Caisse doit revoir ces investissements dans un contexte où la Cour internationale parle de génocide plausible ».

Haroun Bouazzi ajoute qu'il y a quelques semaines, tous les partis ont « salué le courage de [l'ex-premier ministre canadien Brian] Mulroney dans la question du boycott de l'Afrique du Sud pour lutter contre l'apartheid ». Il se désole que cet hommage ne soit pas accompagné d'une véritable volonté politique et que le gouvernement décide de « fermer les yeux sur des investissements financiers qui ne font que contribuer à la politique de colonisation, aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité, voire au crime de génocide ».

« On a montré qu'on est capable d'être meilleur que ce qu'on fait en ce moment », affirme le député Bouazzi. Mais il craint qu'on « va se retrouver à redire “ plus jamais ” devant un crime dont on a été témoin au jour le jour ».
Auteur·e

SAM HARPER

Sam Harper est journaliste d'enquête pour Pivot, depuis le Bas-Saint-Laurent. Il est passionné par la cybersécurité et les renseignements de sources ouvertes. Il s'intéresse également aux inégalités sociales et à l'extrême droite. Il est titulaire d'un doctorat en médecine et d'un DEC en techniques de l'informatique. Mastodon : mstdn.social/@acetum

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Mythes et réalité de la pénurie de main-d’œuvre en santé et services sociaux au Québec

28 mai 2024, par Anne Plourde — , ,
L'objectif principal de cette note de recherche est de départager les mythes de la réalité et d'évaluer dans quelle mesure il est exact d'affirmer qu'il existe une pénurie de (…)

L'objectif principal de cette note de recherche est de départager les mythes de la réalité et d'évaluer dans quelle mesure il est exact d'affirmer qu'il existe une pénurie de main-d'œuvre en santé et services sociaux.

Pour lire la note, cliquez sur l'icône

La présente analyse, qui tient compte du vieillissement de la population, démontre qu'à l'exception des infirmières et des médecins, pour lesquels on remarque une diminution ou une stagnation du nombre de professionnel·le·s par habitant·e, la main-d'œuvre totale en santé et services sociaux est actuellement plus abondante qu'au cours des 30 dernières années. Ce portrait de l'ensemble du marché du travail contraste toutefois avec un manque chronique de personnel au sein du système public de santé dans presque toutes les catégories d'emploi, confirmant ainsi l'existence d'un exode vers le secteur privé.

Faits saillants

01. Même en tenant compte du vieillissement de la population, la main-d'œuvre totale en santé et services sociaux (des secteurs public et privé) par habitant·e était 35 % plus élevée en 2022 qu'en 1991. Toutes proportions gardées, on compte actuellement l'équivalent de 131675 personnes de plus qui exercent leurs activités dans ce secteur qu'en 1991.

02. Ce constat général d'une main-d'œuvre abondante malgré l'augmentation des besoins due au vieillissement de la population, qui s'applique à toutes les catégories professionnelles en santé et services sociaux, comporte deux exceptions importantes. On observe du côté des médecins, particulièrement des omnipraticien·ne·s, une stagnation de leur nombre par habitant·e. Pour les infirmières, on constate une pénurie de maind'œuvre générale qui est encore plus aiguë au public.

03. Le virage ambulatoire et les mises à la retraite des années 1990 ont eu des conséquences dramatiques sur les effectifs du réseau public, qui ont été aggravées par les réformes subséquentes. Les pertes d'effectifs des années 1990 n'ont jamais été pleinement compensées malgré la forte croissance de la maind'œuvre totale en santé et services sociaux depuis la fin des années 1990. Cela est vrai dans presque toutes les catégories professionnelles. 04.En tenant compte des effets associés au vieillissement de la population, on peut affirmer que le réseau public a affronté la pandémie avec des effectifs 17 % moins élevés qu'au début des années 1990 et que, même à la suite des embauches massives effectuées durant la pandémie, la quantité d'employé·e·s par habitant·e dans le réseau public de santé est de 14 % inférieure au sommet observé en 1991.

Pour retrouver ce niveau, il faudrait ajouter 45362 employé·e·s aux effectifs actuels.

Anne Plourde, chercheuse

Cette publication est une production du Laboratoire de recherche et d'informations en santé et services sociaux (LaRISSS) de l'IRIS. LaRISSS

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Pratique de la médecine : Pourquoi nous défendons notre régime public

28 mai 2024, par Élise Girouard-Chantal — , , ,
Les Médecins québécois pour le régime public réagissent à la lettre « Médecine de famille – Pourquoi j'ai choisi le privé⁠(1) », de la Dre Marie-Lou Sauvé, médecin de famille (…)

Les Médecins québécois pour le régime public réagissent à la lettre « Médecine de famille – Pourquoi j'ai choisi le privé⁠(1) », de la Dre Marie-Lou Sauvé, médecin de famille travaillant au privé.

L'autrice est résidente finissante en médecine familiale et elle écrit au nom du conseil d'administration de Médecins québécois pour le régime public (MQRP).

Nous, médecins qui avons choisi de travailler dans le système public, trouvons un sens profond dans notre travail. Nous avons la chance de traiter une grande diversité de patients et de contribuer positivement à leur bien-être, sans qu'ils aient à se soucier des coûts associés à leurs soins.

Nous sommes conscients des problèmes d'accessibilité et d'organisation dans notre système. Nous voyons le privé non pas comme une bouée de sauvetage à ceux-ci, mais une des causes primaires de l'effritement des soins au Québec. Cela étant dit, la Dre Sauvé indique avoir choisi le privé faute de postes disponibles au public dans sa région. C'est un enjeu qui est de plus en plus rapporté par les médecins résidents qui terminent leur formation en médecine de famille et dans certaines autres spécialités, et qui devrait être reconnu et amélioré par notre gouvernement.

Contrairement à ce que suggère cette lettre, la rémunération des médecins de famille au Québec est plus que décente.

Selon l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), la rémunération moyenne des médecins de famille au Québec en 2022 était de 331 615 $ par année⁠(2). Il nous semble exagéré de qualifier cette rémunération comme étant « non décente », encore moins de « déficitaire », même en prenant en compte les frais de cabinet.

En fait, notre salaire dans le secteur public est compétitif par rapport aux autres provinces canadiennes, et les données de l'ICIS suggèrent que les médecins canadiens sont parmi les mieux payés au monde⁠(3).

Payer en double

Qui plus est, beaucoup d'entre nous ont opté pour des postes où la rémunération est au moins partiellement basée sur le temps de consultation. Cela nous permet de consacrer le temps nécessaire à chaque patient, surtout pour ceux qui ont des problèmes de santé complexes. Ce modèle est en constante évolution et en constante amélioration pour mieux répondre aux besoins des patients et des professionnels de la santé.

L'affirmation selon laquelle le fait de demander aux patients de payer améliore l'accès aux soins est erronée. Cela crée une barrière économique insurmontable pour la grande majorité de la population.

En fait, cela ne rend les soins accessibles qu'à une minorité capable de payer. Les « vrais malades », ceux qui ont des besoins complexes et continus, se trouvent dans le système public parce qu'ils ne peuvent pas se permettre de doubler leurs dépenses de santé et parce que le privé ne les considère pas comme une source de profit qui en vaut la peine.

Nous payons déjà pour notre système de santé public par l'intermédiaire de nos impôts. Lorsque les patients se tournent vers le privé, ils paient en double pour des services qu'ils ont déjà financés par leurs impôts. Cette double facturation n'est pas seulement injuste, elle est également inefficace économiquement et n'améliore pas l'accessibilité. Beaucoup d'études portant sur l'accessibilité des soins dans des pays et provinces ayant des systèmes parallèles privé-public comme l'Australie⁠(4) et l'Alberta(⁠5) démontrent que le recours au privé ne fait qu'augmenter les temps d'attente populationnels.

Il est crucial de faire attention aux discours qui légitiment et normalisent le recours au privé. Ces discours peuvent insidieusement affaiblir notre système de santé public en accentuant les inégalités d'accès et en drainant des ressources essentielles.

Le recours au privé n'est pas une solution viable pour un système de santé accessible à tous.

Notes

1. Lisez « Médecine de famille – Pourquoi j'ai choisi le privé »

2. Consultez le site de l'Institut canadien d'information sur la santé

3. Lisez « Nos médecins parmi les mieux payés au monde »

4. Lisez « Does hybrid health care improve public health services ? Lessons learned from Australia » (en anglais)

5. Lisez « New study shows fewer surgeries performed under Alberta Surgical Initiative » (en anglais)

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Gains majeurs pour les locataires : La CAQ accepte des revendications historiques de Québec solidaire

28 mai 2024, par Québec solidaire — , ,
Après avoir mené pendant des années le combat pour une meilleure protection des locataires aîné-es et pour combattre les évictions, Québec solidaire se réjouit des gains (…)

Après avoir mené pendant des années le combat pour une meilleure protection des locataires aîné-es et pour combattre les évictions, Québec solidaire se réjouit des gains contenus dans le projet de loi présenté aujourd'hui par la ministre de l'Habitation.

« Grâce au travail que nous avons mené depuis l'adoption historique de la loi Françoise David en 2016 avec les groupes de la société civile comme la FADOQ et l'AQDR, la CAQ dépose enfin un projet de loi qui reprend nos revendications : renforcer la protection des locataires aîné-es en plus d'imposer un moratoire sur les évictions dans les villes où la crise du logement est la plus forte. C'est une très bonne nouvelle pour les locataires du Québec et une démonstration que les solutions que Québec solidaire amène à la crise du logement sont les bonnes ! » souligne la porte-parole solidaire et responsable du dossier des aînées, Christine Labrie.

Avec le projet de loi « limitant le droit d'éviction des locateurs et renforçant la protection des locataires aînés », le gouvernement de la CAQ reprend deux batailles historiques d'un parti d'opposition, un geste rarissime en politique :

Renforcer la Loi Françoise David pour protéger plus de locataires aînés contre les évictions.

Imposer un moratoire sur les évictions alors que le taux d'inoccupation est sous l'équilibre

« Le moratoire sur les rénovictions est une demande de Québec solidaire depuis 2019 et est une grande victoire pour les locataires du Québec. C'est le fruit d'un long travail de tous les groupes et toutes les personnes qui militent pour une meilleure protection des droits des locataires depuis des années. Cette mesure apportera un soulagement bien nécessaire en pleine crise du logement. Cette mesure, bien que temporaire, est clairement un pas dans la bonne direction » souligne M. Fontecilla, député de Laurier-Dorion et responsable en matière de logement pour Québec solidaire.

Rappel des événements marquants

21 mai 2015 : Dépôt du projet de loi n° 492, Loi modifiant le Code civil afin de protéger les droits des locataires aînés, par Françoise David

10 juin 2016 : Adoption à l'Assemblée nationale de la Loi Françoise David

20 octobre 2019 : Québec solidaire demande l'imposition d'un moratoire sur les rénovictions

10 février 2020 : Québec solidaire demande une loi d'urgence pour stopper les rénovictions

12 mai 2022 : Dépôt du projet de loi Françoise David 2.0 par Andrés Fontecilla

21 février 2023 : Dépôt du projet de loi Françoise David 2.0 par Christine Labrie

28 mars 2024 : Le gouvernement appelle le principe du projet de loi de Christine Labrie

5 avril 2024 : Lettre de Gabriel Nadeau-Dubois au premier ministre François Legault et point de presse avec des locataires aînés à Sherbrooke.

10 avril 2024 : Adoption d'une motion unanime où tous les partis s'engagent à collaborer de bonne foi afin d'améliorer la protection des locataires aîné-es vulnérables contre les évictions.

29 avril 2024 : Point de presse à Granby avec des locataires vulnérables pour réclamer un moratoire sur les rénovictions

22 mai 2024 : Dépôt du projet de loi « limitant le droit d'éviction des locateurs et renforçant la protection des locataires aînés » reprenant deux demandes historiques de QS

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Déclaration Urgence Palestine : exigeons des sanctions contre Israël !

28 mai 2024, par Coalition Québec Urgence Palestine — , , ,
Alors que des mandats d'arrêt sont en discussion à la Cour pénale internationale. la coalition du Québec Urgence Palestine appelle à signer une nouvelle déclaration pour exiger (…)

Alors que des mandats d'arrêt sont en discussion à la Cour pénale internationale. la coalition du Québec Urgence Palestine appelle à signer une nouvelle déclaration pour exiger des sanctions contre Israël. Elle invite aussi à une nouvelle manifestation à Montréal, le dimanche le 9 juin, à 14 h. On peut retrouver le texte de la déclaration ici, que nous publions ci-dessous. Pour l'appuyer, il suffit d'envoyer un courriel à urgencepalestine.qc@gmail.com

21 mai 2024 | tiré du journal des Alternatives | Photo : Le secrétaire à la Défense Lloyd J. Austin III rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant à Tel Aviv, Israël, le 13 octobre 2023.

Ensemble pour Gaza et la Palestine : exigeons des sanctions contre Israël !

Depuis octobre 2023, les bombardements incessants, les ordres d'évacuation répétés et le blocus impitoyable d'Israël ont réduit en ruines la bande de Gaza et plongé sa population entière dans des conditions d'errance, de famine, d'insalubrité, d'épuisement, de traumatismes et de deuils. 70 % des infrastructures civiles ont été détruites, 35 562 personnes (civiles) tuées, 10 000 ensevelies sous les décombres, 79 652 blessées. (en date du 20 mai 2024)

Le 6 mai, Israël a refusé un accord de trêve négocié, que le Hamas venait d'accepter. Défiant toutes les mises en garde, Israël a amorcé son offensive annoncée contre la ville de Rafah, refuge ultime de 1,5 million de Palestinien.nes. Déjà 800 000 personnes ont été forcées de fuir Rafah vers des secteurs déjà ravagés, plus difficiles à rejoindre pour l'aide humanitaire et sans infrastructure pour les accueillir.

Jusqu'où ira l'odieuse complicité du Canada ?

Pendant des mois, le Canada s'est contenté de soutenir le droit d'Israël de se défendre, droit qui n'existe pas en droit international pour une puissance occupante. D'octobre à décembre 2023, il a autorisé un montant record d'exportations militaires vers Israël. Il a prétendu qu'il ne s'agissait que d'équipements militaires « non létaux », mais n'a fourni aux médias que des documents lourdement caviardés. Puis il a annoncé qu'il n'en autoriserait plus, mais qu'il allait respecter les ententes déjà signées… alors que la Cour internationale de Justice (CIJ) a statué, le 26 janvier, qu'il était plausible qu'Israël commette des actes de génocide à Gaza !

Avec l'accumulation des horreurs commises par Israël, le Canada a exprimé des « préoccupations » et finalement demandé un cessez-le-feu. Le 12 février, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a dit qu'une invasion militaire de Rafah serait « totalement inacceptable ». Mais pendant près de trois mois, le Canada n'a rien fait pour l'empêcher. Au contraire, il a continué de soutenir Israël. Le 10 mai, l'Assemblée générale des Nations Unies votait à une écrasante majorité en faveur de l'admission de l'État de Palestine à l'ONU. Le Canada, lui, s'est abstenu. Un « changement fondamental » de politique, selon Justin Trudeau !

Des sanctions contre Israël sont urgentes

Toutes les vies humaines sont sacrées. Toutes les violations des droits humains doivent être dénoncées, et les responsables répondre de leurs actes. L'inaction du Canada est odieuse et contraire à ses obligations internationales. Nous exigeons des sanctions sévères envers Israël, à commencer par un embargo sur tout matériel militaire. Les relations bilatérales privilégiées avec Israël, dont l'accord de libre-échange, doivent aussi être remises en question : continuer, comme si de rien n'était, n'est pas une option. Poursuivre la mise en place d'un bureau du Québec à Tel-Aviv, sous prétexte que la décision avait été prise avant octobre 2023, est une honte ! Les sanctions doivent être maintenues tant qu'une solution juste et durable n'aura pas été mise en place, concrétisant le droit du peuple palestinien à l'autodétermination et l'égalité des droits en terre de Palestine. Nous appelons la population québécoise à se méfier des tentatives occidentales — États-Unis en tête et le Canada derrière ! — d'imposer une solution « à deux États », dont l'un, palestinien, n'aurait aucune viabilité.

IL N'EST PAS ANTISÉMITE DE DÉFENDRE LES DROITS DU PEUPLE PALESTINIEN !

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Pour la suite du monde : appel à la mobilisation !

28 mai 2024, par Mouvement Pour la suite du monde — , ,
Quarante organisations de la société civile se sont réunies, sous l'impulsion du Mouvement Pour la suite du monde, pour lancer un appel à une vaste mobilisation (…)

Quarante organisations de la société civile se sont réunies, sous l'impulsion du Mouvement Pour la suite du monde, pour lancer un appel à une vaste mobilisation environnementale l'automne prochain.

Tiré de Ma CSQ cette semaine.

Un vaste mouvement collectif !

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) est fièrement présente et active au sein de ce mouvement réunissant des organisations syndicales, environnementales, de santé, communautaires, étudiantes et des collectifs citoyens autour d'une vision démocratique de la transition environnementale et sociale. Rassemblant plus d'une quarantaine d'organisations, le mouvement représente plus de deux millions de personnes !

Pour un dialogue social en environnement

Avec ce lancement, le Mouvement Pour la suite du monde lance un appel au gouvernement afin d'organiser une rencontre et de mettre en place un réel dialogue social autour d'une transition écologique juste. Pour le collectif, il est clair que l'amorce de ce dialogue social doit se faire par la société civile. C'est d'ailleurs ce qui a motivé les organisations membres du collectif à prendre cette initiative.

On ne réinvente pas la roue !

Nul besoin de partir de zéro, des solutions existent déjà ! De fait, de nombreuses organisations de la société civile se sont penchées, et se penchent encore, sur des solutions concrètes et réalisables pour limiter l'impact social et économique des bouleversements climatiques ainsi que pour jeter les bases d'un avenir sécuritaire et viable pour tous. Quatre documents fondateurs contenant un ensemble de propositions et de solutions sont déjà sur la table.

Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité

La Feuille de route reflète les travaux de plus de 190 individus appartenant à 85 organisations dont une douzaine d'universités. La Feuille de route intègre l'impérative nécessité de tisser des alliances et des solidarités avec les premiers peuples et diverses autres populations particulièrement vulnérables.

Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable au Québec

Des groupes citoyens, écologistes, syndicaux, communautaires, scientifiques, professionnels et spécialistes de divers domaines s'unissent et présentent 14 revendications au gouvernement du Québec sous forme de « Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable »

L'Appel de Montréal

L'Appel de Montréal est une invitation au dialogue sur les changements systémiques. Il se veut un appel aux parties prenantes du monde entier à poursuivre et à accélérer la réflexion sur les solutions permettant la mise en œuvre de changements à un modèle économique et à un système de valeurs dommageables pour la nature lors des futures COP, biodiversité et climat confondus.

45 propositions pour le bien-être au Québec

Le collectif G15+, composé d'une quinzaine d'organisations de la société civile du Québec, identifie 45 pistes d'action pour placer le bienêtre de la population au cœur des décisions. Il propose en priorité de lutter contre la crise de l'habitation, de revoir notre rapport à nos modes de déplacement, à la consommation d'énergie et de ressources et de protéger la biodiversité.

Les représentants du collectif ont d'ailleurs remis une lettre d'invitation, ainsi que ces quatre documents fondateurs, aux chefs des quatre partis politiques représentés à l'Assemblée nationale.

Le 27 septembre à l'agenda !

C'est dans ce contexte que se prépare une grande mobilisation, le 27 septembre prochain, aux quatre coins du Québec !

Pour rester informés des activités qui s'organisent dans les régions ou pour participer à leur organisation, n'hésitez pas à consulter le site : pourlasuitedumonde.ca

Événement du 27 septembre 2024

Groupes participants

Équiterre
FIQ - Santé
Eau Secours
Transition Energy
Mères au front
Nature Québec
FTQ
Fondation David Suzuki
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Greenpeace Québecequebec
Eau Secours
Mères au front
Fondation Rivières
Oxfam-Québec
Regroupement vigilance hydrocarbures Québec
ENvironnement JEUnesse

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Le Projet Horne 5 de Ressources Falco doit être soumis à des audiences publiques et indépendantes

28 mai 2024, par Coalition pour que le Québec ait meilleure mine ! — , ,
Lettre officielle au ministre de l'Environnement | Demande conjointe de consultations publiques par le BAPE, projet Horne 5 de Ressources Falco à Rouyn-Noranda. Monsieur (…)

Lettre officielle au ministre de l'Environnement | Demande conjointe de consultations publiques par le BAPE, projet Horne 5 de Ressources Falco à Rouyn-Noranda.

Monsieur Benoit Charette
Ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les Changements climatiques, de la Faune et des Parcs
ministre@environnement.gouv.qc.ca

Monsieur le ministre,

Par la présente, nous vous transmettons une demande conjointe d'audiences publiques menées par le BAPE concernant le projet Horne 5 de Ressources Falco Ltée à Rouyn-Noranda sur le Nitakinan.

Le projet Horne 5 (ci-après « le Projet ») de Falco Ressources Ltée (ci-après « Falco »), une filiale de la multinationale Osisko, est soumis à la Procédure d'examen et d'évaluation des impacts sur l'environnement (ci-après « PEEIE »).

Le 25 mars 2024, vous avez informé le président du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (ci-après « BAPE »), Monsieur Alain R. Roy, que vous aviez jugé le Projet recevable conformément aux dispositions de l'article 31.3.5 de la Loi sur la qualité de l'environnement (ci-après « LQE »).

Nous avons pris connaissance de l'Avis de projet, de la Directive ministérielle et des documents afférents à l'analyse de la recevabilité de l'étude d'impact publiés dans le Registre des évaluations environnementales.

Au regard d'une première lecture des informations concernant les impacts du Projet communiquées par le promoteur, nous estimons que l'évaluation des impacts de ce projet requiert la tenue d'audiences publiques menées par le BAPE, notamment en raison de :

✔️ L'absence de justification du projet d'un point de vue climatique et écologique considérant la très faible utilité ou pertinence de l'or. Huit pourcent (8%) à peine de l'or produit au Québec sert à des fins technologiques selon le MRNF.

✔️ L'impact social de l'ajout d'un projet extractif d'une ressource non-renouvelable dans une région déjà sévèrement aux prises avec une pénurie de main d'œuvre et de logements.

✔️ L'impact du projet sur la qualité de l'air dans un milieu déjà affecté à ce sujet de manière extrême en lien avec les émissions de substances toxiques au-delà de plusieurs seuils provinciaux.

✔️ Le danger de déversements dans le lac Dufaut, source d'eau potable de la Ville de Rouyn-Noranda, provenant de fuites possibles des pipelines raccordant Horne 5 au parc à résidus.

✔️ Le danger de déversements dû à d'éventuelles fuites des digues dans le parc à résidus qui pourraient affecter la qualité de l'eau du lac Dufaut, source d'eau potable de la Ville de Rouyn-Noranda.

✔️ Le danger de contaminer les rives du lac Dufaut où habitent plusieurs citoyens par des déversements.

✔️ Le danger des dynamitages sur les structures de l'usine d'acidification de la Fonderie Horne.

✔️ Le danger des mouvements de terrain qui seront occasionnés par l'exploitation à haute profondeur sur les structures de la Fonderie Horne et sur les solages des habitations autour de la mine.

✔️ Les inconvénients causés à la population dus aux dynamitages (vibrations, bruits) et de l'augmentation du transport.

✔️ Le haut niveau d'incertitude des impacts associés au dénoyage des galeries souterraines, situées sous le quartier Notre-Dame et ayant probablement un lien hydrique avec les eaux de surface du lac Osisko, notamment.

✔️ Le haut niveau de risque de contamination des eaux souterraines et de surface associé à l'excavation de sulfures massifs présentant un fort potentiel de génération d'acidité, tel que proposé dans le présent projet.

Représentant les soixante et un (61) cosignataires de la présente, nous déclarons partager un fort intérêt pour le milieu touché, que ce soit en notre qualité de citoyen-ne-s de Rouyn-Noranda et des environs, d'organisations vouées à la protection de l'environnement ou d'expert-e-s.

Devant ces enjeux d'intérêt public et national, nous vous demandons conjointement de nous confirmer que le Projet Horne 5 de Ressources Falco sera soumis à des audiences publiques et indépendantes menées par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.

Considérant l'importance de ce dossier, nous vous prions, monsieur le ministre, de répondre à la présente dans un délai de 30 jours, soit avant le 21 juin 2024.

Demeurant à votre disposition pour collaborer et pour échanger sur le fond de notre demande, recevez nos salutations distinguées.

Isabelle Fortin-Rondeau
Chargée de projet pour Mères au front Rouyn-Noranda

Henri Jacob
Président, Action boréale
Co-porte-parole, Coalition Québec meilleure mine

Marc Nantel
Porte-parole, Regroupement vigilance mines Abitibi et Témiscamingue

Émile Cloutier-Brassard
Responsable des dossiers miniers, Eau Secours

Me Rodrigue Turgeon, M.S.V.D., J.D.
Co-porte-parole, Coalition Québec meilleure mine
Coresponsable du programme national, MiningWatch Canada

Cosignataires

Julie Côté, Centre Entre-Femmes, Julie Fortier, Coopérative d'habitation Boréale, Johanne Alarie, Jennifer Ricard Turcotte et Denise Cloutier, Mères au front - Rouyn-Noranda, Bianca Bédard, Conseil régional de l'environnement de l'Abitibi-Témiscamingue, Geneviève Béland et Winä Jacob, Mères au front – Val-d'Or
Adeline Laquerre, citoyenne de Rouyn-Noranda, Andréane Garant, citoyenne de Rouyn-Noranda, Anita Ricard, citoyenne de Rouyn-Noranda, Danik Laporte, citoyen de Rouyn-Noranda, Emilie Robert, citoyenne de Rouyn-Noranda, Francis Garant, citoyen de Rouyn-Noranda, Frédérique Godefroid, citoyenne de Rouyn-Noranda, Guy Leclerc, citoyen de Rouyn-Noranda, Jean-Philippe Rioux-Blanchette, citoyen de Rouyn-Noranda, Jocelyne Mayrand, citoyenne de Rouyn-Noranda, Josée-Ann Bettey, citoyenne de Rouyn-Noranda, Liette Constant, citoyenne de Rouyn-Noranda, Mychelle Bachand, citoyenne de Rouyn-Noranda, Pierre Vincelette, citoyen de Rouyn-Noranda, Rosalie Chartier-Lacombe, citoyenne de Rouyn-Noranda, Roxane Daboval, citoyenne de Rouyn-Noranda, Steve Campbell, citoyen de Rouyn-Noranda, Tanguy Veret, citoyen de Rouyn-Noranda, Chantal Germain, citoyenne de Val-d'Or, Rachel Pelletier, citoyenne de Val-d'Or

Réal Lalande, Action Climat Outaouais (ACO), Priscilla Gareau, Ambioterra, Natalie Dupuis, APLD, Paul Ménard, Association pour la Protection du Lac Taureau (APLT), Emmélia Blais-Dowdy, Carrefour de participation, ressourcement et formation, Pascal Bergeron, Environnement Vert Plus, Marie-Claire Binet, L'Assomption en transition, Laure Waridel, Mères au front, Anne-Marie Chapleau, Mères au front – Saguenay, Carole Mainville, Mères au front - Rive-Sud, Flavia Venturelli, Mères au front – Outaouais, Nathalie Ainsley, Mères au front Montréal, Bruno Detuncq, Regroupement vigilance énergie Québec (RVÉQ), Chantal Levert, Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE), Daniel Green, Société pour vaincre la pollution, Bruce W. Johnston, TJL avocats, Lucie Sauvé, professeure, UQAM, Charles-Antoine Bachand, professeur en fondements de l'éducation, UQO

Alexandra Therrien, citoyenne de Montréal, Annie Larouche, citoyenne de St-Hippolyte, Gabrielle Roy-Grégoire, citoyenne de Montréal, Geneviève Dubreuil, ing., M.Sc.A, citoyenne de Montréal, Frédérique Bordeleau, citoyenne de Montréal, Jonathan Leclair, Julien Beaulieu, citoyen de Gatineau, Mireille Asselin, architecte, citoyenne de Lanaudière, Nicole DesRoches, citoyenne de l'Outaouais

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Le dernier flip : démarchandiser l’immobilier ?

28 mai 2024, par Société de développement Écoquartier Louvain — , ,
Saviez-vous que l'Écoquartier Louvain est présenté comme une solution innovante pour démarchandiser l'habitation dans le documentaire : Le dernier flip : démarchandiser (…)

Saviez-vous que l'Écoquartier Louvain est présenté comme une solution innovante pour démarchandiser l'habitation dans le documentaire : Le dernier flip : démarchandiser l'immobilier ?

INFOLETTRE SDÉL

ÉDITION SPÉCIALE

Saviez-vous que l'Écoquartier Louvain est présenté comme une solution innovante pour démarchandiser l'habitation dans le documentaire :

Le dernier flip : démarchandiser l'immobilier ?

Ce documentaire sera diffusé sur ICI TÉLÉ (Radio-Canada),
le jeudi 16 mai, à 20 h. Il est également disponible sur TOU.TV

Nous en avons discuté avec Ghislaine Raymond et Barbara Maass, dès après la séance de pré-visionnement du 13 mai.

Cliquez sur la vidéo - juste au bas - pour connaître leurs premières impressions, à chaud.

Scoop : on les voit dans le documentaire !!!

Nous attendons vos commentaires sur notre page Facebook

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Personnes sans statut migratoire : Trudeau, Miller ne reculez pas ! Défendez un programme de régularisation digne de ce nom !

28 mai 2024, par Collectif — , ,
La quarantaine d'organisations de la Campagne québécoise pour la régularisation rappelle à Ottawa sa responsabilité de protéger toutes les personnes sur le territoire canadien, (…)

La quarantaine d'organisations de la Campagne québécoise pour la régularisation rappelle à Ottawa sa responsabilité de protéger toutes les personnes sur le territoire canadien, quel que soit leur statut migratoire.

Le Premier ministre Justin Trudeau l'a promis. Marc Miller, son ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada, doit défendre un programme complet et inclusif pour la régularisation des personnes sans statut migratoire. Alors que le 17 mai dernier, Justin Trudeau a confirmé qu'un programme sera présenté, la Campagne québécoise pour la régularisation, qui rassemble une quarantaine d'organisations, rappelle, à quelques jours de la fin de la session parlementaire, que le Canada a la responsabilité de protéger toutes les personnes sur son territoire, quel que soit leur statut migratoire et demandent d'adopter, sans plus de délai, un programme de régularisation, complet et inclusif. Monsieur le Premier ministre, ne brisez pas votre promesse. Monsieur Marc Miller, défendez un programme digne de ce nom !

Contre la politique du bouc-émissaire, la société civile québécoise se tient aux côtés des personnes sans statut migratoire

La société civile québécoise ne se reconnaît pas dans les discours toxiques qui alimentent la xénophobie et le racisme de certains partis politiques et élu-es transformant les personnes migrantes et immigrantes en boucs-émissaires. Elle se tient debout aux côtés de ces personnes, quel que soit leur statut.

C'est pourquoi nous réclamons un programme de régularisation complet et inclusif depuis la pandémie et le confinement, qui ont clairement mis en lumière comment les sociétés québécoise et canadienne se reposent sur les personnes migrantes et immigrantes sans statut ou avec un statut temporaire et précaire, qui sont toutes très vulnérables aux abus et violences de toutes sortes.

Un tel programme permettra aux personnes sans papier en butte aux abus, à la peur et à la souffrance d'avoir accès à un travail décent et aux conditions requises pour exercer leurs droits civils, politiques, économiques et sociaux. Ce programme leur ouvrira aussi l'accès aux soins de santé et à l'éducation, tout en leur permettant de contribuer au financement des services publics. Leur régularisation n'exercera en outre aucune pression sur le marché locatif, puisqu'elles vivent déjà ici.

Nous ne laisserons pas nos gouvernements leur faire payer le poids de leur incompétence ou de leur timidité à mettre en œuvre des politiques publiques qui s'attaquent aux inégalités criantes et à l'augmentation de la pauvreté.

Citations

« Ne pas régulariser ces personnes qui ont perdu leur statut le plus souvent à cause des failles des politiques d'immigration, ou trier parmi elles celles qui seront régularisées, ne fera que les enfoncer encore plus profondément dans la peur et les abus. Nous ne pouvons le tolérer. » –Imene, comité des femmes du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants

  • « La CSN est aux côtés des personnes immigrantes, des précaires et des sans-papiers, depuis de très nombreuses années. Les centrales syndicales québécoises CSD, CSN, CSQ et FTQ sont fières d'avoir réalisé l'unité pour revendiquer des politiques migratoires plus inclusives et plus respectueuses de la dignité des migrantes et des migrants, et aussi plus justes et plus structurantes pour notre société et nos milieux de travail. Le Premier ministre Trudeau a une excellente occasion de montrer que ses bottines suivent ses babines. S'il croit vraiment à une société fondée sur des valeurs humanistes, il doit traduire ces valeurs dans des politiques publiques qui respectent la dignité humaine et qui garantissent l'égalité des droits des familles les plus précaires, comme le réclament toutes les centrales syndicales québécoises. » –Katia Lelièvre, vice-présidente, Confédération des syndicats nationaux (CSN)

« Il est inconcevable que le gouvernement fédéral laisse tomber les personnes sans statut et à statut précaire qui font partie de notre société en contribuant non seulement à notre économie, mais aussi à notre développement social en tant que peuple. Nous n'avons pas le droit de les abandonner, et le gouvernement fédéral a le devoir de régulariser leurs statuts. Comme le souligne le mémoire remis conjointement par la CSD, la CSN, la CSQ et la FTQ au Comité permanent de la citoyenneté et de l'Immigration, il est temps d'intégrer pleinement et dignement les personnes vivant sans statut ou avec un statut temporaire ! » –Marc-Édouard Joubert, le président du Conseil régional FTQ Montréal-Métropolitain.

  • « M. Trudeau, nous sommes à la croisée des chemins. Il y a inéluctablement un choix à faire : Souhaiteriez-vous maintenir des personnes sans statut ou les expulser au risque qu'elles soient en proie aux abus de toutes sortes, confinées dans une précarité et une vulnérabilité à nul autre pareil ? Ou, a contrario, souhaiteriez-vous agir en harmonie avec les valeurs que vous entendez défendre, en l'occurrence, celles de la défense des droits humains et de la liberté ? M. Trudeau, TOUS les regards sont rivés vers vous ! » –Harrold Babon, organisateur communautaire à la Clinique pour la justice migrante.

« Les discriminations encourues par la non-régularisation des femmes sans statut les maintiennent dans la marginalisation et l'exploitation. Ces femmes, rappelons-le, assurent en grande partie des métiers de soin essentiels à la population. Il est temps d'exiger qu'elles puissent bénéficier des mêmes traitements que l'ensemble de la société québécoise comme les soins de santé, les services de garde, les protections prévues par le droit de la famille et bien d'autres. » –Sylvie St-Amand, présidente, Fédération des femmes du Québec (FFQ)

  • « Les statuts migratoires précaires et l'absence de statut engendrent de nombreuses violations des droits humains, notamment des droits économiques et sociaux. C'est la responsabilité de l'État de protéger les droits de toute personne sur son territoire. Le gouvernement de Justin Trudeau ne doit pas céder au discours toxique qui a pris le dessus dernièrement : il doit tenir sa promesse envers les personnes sans papiers, mettant en place un programme de régularisation véritablement large et inclusif. » –Marisa Berry Méndez, responsable des campagnes chez Amnistie internationale Canada francophone.

À propos

La Campagne québécoise pour la régularisation des personnes sans statut migratoire a été lancée en octobre 2022 (https://www.facebook.com/regulariser.qc/) et réunit actuellement une quarantaine d'organisations communautaires, syndicales et de défense de droit, dont :

Accueil et Intégration Bas-Saint-Laurent

Action Réfugiés Montréal

Amnistie internationale Canada francophone

Association pour les droits des travailleuses.rs de main et de ferme (DTMF)

Au bas de l'échelle

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Centre d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de l'Est du Bas-Saint-Laurent

Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI)

Centre femmes de la Mitis

Centre femmes de Rimouski

Centre international de solidarité ouvrière (CISO)

CLEF Mitis-Neigette

Clinique pour la justice migrante (CJM)

Collectif bienvenue

Collectif pour un Québec sans pauvreté

Comité d'action de Parc-Extension

Comité d'Action des personnes sans statut (CAPSS)

Comité logement Bas-Saint-Laurent (CLBSL)

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Conseil canadien pour les réfugiés (CCR)

Conseil central de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine (CCGIM-CSN)

Conseil central des syndicats nationaux des Laurentides (CCSNL)

Conseil central des syndicats nationaux de l'Estrie (CCSNE-CSN)

Conseil central du Montréal métropolitain-CSN (CCMM-CSN)

Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRFTQMM)

Fédération des femmes du Québec

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

Foyer du Monde

Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)

Illusion Emploi de l'Estrie

La Débrouille

Le Québec c'est nous aussi (LQCNA)

Ligue des droits et libertés (LDL)

Médecins du Monde Canada

Migrante Québec

Mission communautaire de Montréal

PINAY (Organisation des femmes philippines du Québec)

Projet Accompagnement Solidarité Colombie (PASC)

Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ)

Solidarité populaire Estrie

Table des groupes de femmes de Montréal (TGFM)

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Des groupes ripostent en faveur du libre choix

28 mai 2024, par Comité Riposte — , ,
En réponse à une marche anti-avortement le 1er juin à Québec Montréal, 27 mai, 2027 En réponse à la première « Marche pour la vie » au Québec, une manifestation (…)

En réponse à une marche anti-avortement le 1er juin à Québec

Montréal, 27 mai, 2027

En réponse à la première « Marche pour la vie » au Québec, une manifestation anti-avortement, la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) et les groupes alliés du Comité riposte pro-choix appellent à la mobilisation samedi, le 1 juin 2024 à 11h45, pour défendre le droit fondamental à l'avortement lors d'un grand rassemblement au Parc de la Francophonie, près de l'Assemblée nationale, à Québec.

Les groupes féministes, 2SLGBTQIA+, syndicats et militant.es pour le droit à l'avortement se mobilisent pour dénoncer cette marche anti-choix qui souhaite priver les femmes de leur liberté, et réitérer que la majorité de la population québécoise est fermement pro-choix.

« Alors que nous observons une montée de la droite conservatrice à travers le monde, dit Jess Legault, coordonnatrice générale de la FQPN, nous voulons rappeler à l'ensemble de la population québécoise que ces reculs des droits reproductifs n'auront jamais leur place ici. »

« Nous serons toujours vigilantes, nous maintiendrons toujours une veille pour garantir le droit et améliorer l'accès à l'avortement dans toutes les régions de la province et pour défendre un vrai libre choix pour chacune, » souligne la représentante de la FQPN.

Le libre choix, c'est de défendre le droit de chaque femme ou personne de décider si elle veut ou non des enfants, d'en déterminer le nombre et le moment où elle sera enceinte. C'est aussi revendiquer des minima sociaux, tels qu'un nombre adéquat de places en services de garde éducatifs et l'accès au logement sain et abordable, pour permettre un choix libre de contraintes.

Les membres du Comité riposte célèbrent le droit à l'avortement tout en revendiquant des mesures concrètes pour garantir cet accès et pour soutenir pleinement les droits reproductifs et d'autonomie corporelle de chacun.e.

Ensemble, nous continuons à nous battre pour un avenir où le droit à l'avortement est respecté, protégé et accessible à toustes.

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Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, l’occasion pour l’Amicale du Nid de rappeler son engagement contre toutes les formes de discriminations

28 mai 2024, par Amicale du Nid — , ,
La journée internationale contre l'homophobie et la transphobie permet à l'Amicale du Nid de rappeler son inscription dans le refus de toute forme de discrimination, de (…)

La journée internationale contre l'homophobie et la transphobie permet à l'Amicale du Nid de rappeler son inscription dans le refus de toute forme de discrimination, de racisme, de sexisme, d'homophobie et de transphobie.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Si la majorité des personnes victimes du système prostitutionnel sont des femmes et des enfants, les personnes trans sont aussi surreprésentées.

A l'échelle nationale, en moyenne 5% des personnes en situation de prostitution sont des personnes trans, 11% des hommes et 85% des femmes.

Les chiffres issus des diagnostics territoriaux sur l'état des lieux de la prostitution réalisé dans 11 départements par l'Amicale du Nid, conduisent à la même estimation.

Au 1er janvier 2022, 14% des 643 personnes en cours de parcours de sortie de prostitution étaient des hommes ou des personnes trans.

Ces chiffres nous rappellent que le système prostitutionnel ne peut être considéré en dehors des rapports de domination liés au sexe et au genre qui structurent nos sociétés : la prostitution est, de manière systémique, une violence à l'encontre des femmes et des minorités de genre.

A l'Amicale du Nid en 2022, 28% des personnes rencontrées en maraudes de rues, routes, bois et autre lieux extérieurs sont des personnes trans.

Dans le cadre de nos actions d'aller-vers numériques, nos équipes ont contacté 600 personnes trans.

Notre accompagnement global est sans discrimination et s'adapte à la singularité de chacun·e.

https://amicaledunid.org/actualites/journee-internationale-contre-lhomophobie-et-la-transphobie-loccasion-pour-lamicale-du-nid-de-rappeler-son-engagement/

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Les professionnelles en soins font pression sur les élu-e-s au Conseil général de la CAQ

28 mai 2024, par Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) — , ,
De nombreuses professionnelles en soins se sont fait voir et entendre aujourd'hui à Saint-Hyacinthe lors du Conseil général de la CAQ. Elles voulaient ainsi rappeler aux (…)

De nombreuses professionnelles en soins se sont fait voir et entendre aujourd'hui à Saint-Hyacinthe lors du Conseil général de la CAQ. Elles voulaient ainsi rappeler aux député-e-s caquistes qu'elles sont toujours sans entente de principe pour le renouvellement de leur convention collective et que les élu-e-s caquistes ont un rôle à jouer auprès des ministres responsables de la négociation.

« Alors que le réseau craque de partout et qu'il manque cruellement de professionnelles en soins aux quatre coins de la province, le gouvernement a la responsabilité de leur offrir rapidement de meilleures conditions de travail et salariales. Pour le bien des 80 000 professionnelles en soins que l'on représente de même que pour celui des patient-e-s du réseau, il est plus qu'urgent que le gouvernement se concentre sur des solutions pérennes et souhaitées par celles qui donnent des soins au quotidien », de déclarer Roberto Bomba, trésorier de la FIQ.

Au nombre de ces solutions, on retrouve le volontariat avec incitatifs financiers pour répondre aux besoins d'accessibilité aux soins et permettre une plus grande stabilité des équipes de soins. « C'est d'ailleurs la proposition que nous avons faite à la table de négociation cette semaine. Si le gouvernement est prêt à instaurer une équipe volante publique élargie pour pallier entre autres au retrait de la main‑d'œuvre indépendante (MOI) dans l'ensemble des régions et des centres urbains du Québec, que ça répond à sa vision de mobilité et que ça permet de débloquer la négociation, nous répondons présentes », de poursuivre monsieur Bomba.

C'est aux côtés, entre autres, des membres du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) et de ceux du Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) que les professionnelles en soins de la FIQ ont rendu visite aux député-e-s de la CAQ. « La défense des services publics est au cœur de nos revendications respectives. Tout comme nous, les collègues du SPGQ et du SFPQ espèrent une entente de principe qui sera satisfaisante et qui permettra ultimement d'améliorer les services offerts à la population. Tout le monde sera gagnant à ce que les négociations se terminent de manières positive et rapide : le gouvernement, les employé‑e‑s et les citoyen‑ne‑s », de souligner monsieur Bomba.

Une mobilisation qui se poursuivra

Comme elles l'ont fait aujourd'hui, les professionnelles en soins membres de la FIQ maintiendront les moyens de pression et continueront de se faire voir tant et aussi longtemps qu'il le faudra afin de soutenir leur Comité de négociation. « On parle ici de 90 % du personnel infirmier et cardiorespiratoire qui est sans contrat de travail. Le gouvernement doit les entendre et mettre en place des solutions à court, moyen et long termes s'il veut espérer attirer et retenir des professionnelles en soins dans toutes les régions du Québec », de conclure monsieur Bomba.

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« Comment Israël dévoie les allégations d’antisémitisme pour projeter ses propres crimes sur les Palestiniens »

28 mai 2024, par Alon Confino, Amos Goldberg — , , ,
Dans la foulée de la multiplication des campements d'étudiant·e·s pro-palestiniens sur les campus universitaires des Etats-Unis, les accusations d'antisémitisme sont de nouveau (…)

Dans la foulée de la multiplication des campements d'étudiant·e·s pro-palestiniens sur les campus universitaires des Etats-Unis, les accusations d'antisémitisme sont de nouveau au centre du discours politique états-unien et mondial. Il ne fait aucun doute, comme Peter Beinart (Notebook, 28 avril 2024) et d'autres l'ont indiqué, que des expressions d'antisémitisme sont apparues dans certaines de ces actions, mais leur fréquence a été fortement exagérée. En effet, des personnalités juives et non juives influentes dans les médias et la politique ont délibérément cherché à créer une inquiétude morale publique en associant les critiques sévères d'Israël et du sionisme à de l'antisémitisme.

Tiré d'À l'encontre.

Cet amalgame est le résultat d'une campagne menée depuis des décennies par Israël et ses partisans dans le monde entier afin d'étouffer toute opposition aux politiques violentes d'occupation [Cisjordanie, Jérusalem-Est, Gaza…], d'apartheid et de domination de l'Etat sur les Palestiniens – qui, au cours des sept derniers mois, ont pris des proportions immenses, voire génocidaires.

Cette stratégie n'est pas seulement cynique, hypocrite et nuisible à la lutte essentielle contre le véritable antisémitisme. Elle permet également à Israël et à ses partisans, comme nous le soutiendrons ici, de nier les propres crimes et le discours violent d'Israël en les inversant et en les projetant sur les Palestiniens et leurs partisans, et en appelant cela de l'antisémitisme [1].

Ce mécanisme psycho-discursif d'inversion et de projection sous-tend le document fondateur de la prétendue « lutte contre l'antisémitisme » : la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA-International Holocaust Remembrance Alliance), qu'Israël et ses alliés diffusent agressivement dans le monde entier [2].

En réponse aux protestations des étudiant·e·s, la Chambre des représentants des Etats-Unis a récemment adopté un projet de loi qui, s'il était approuvé par le Sénat, intégrerait cette définition dans la législation, et ce malgré le fait que l'IHRA elle-même la décrive comme une « définition de travail juridiquement non contraignante ».

Une définition par inversion et projection

L'IHRA est une organisation internationale influente composée de 35 Etats membres provenant principalement du Nord (y compris Israël et l'Europe de l'Est). L'organisation a adopté une définition de travail de l'antisémitisme en 2016 qui comprend une vague articulation de l'antisémitisme comme « haine envers les Juifs » ainsi que 11 exemples qui prétendent l'illustrer ; sept d'entre eux se concentrent sur Israël, assimilant essentiellement la critique d'Israël et l'opposition au sionisme à l'antisémitisme. Cette définition a donc suscité une énorme controverse dans le monde juif et au-delà, bien qu'elle ait été adoptée par des dizaines de pays et des centaines d'organisations, des universités aux clubs de football [3].

D'innombrables exemples ont été enregistrés au fil des ans pour montrer comment cette définition sert à restreindre la liberté d'expression, à faire taire les critiques à l'égard d'Israël et à harceler ceux qui les expriment. A tel point que Kenneth Stern, principal rédacteur de la définition, en est devenu le principal opposant. D'autres définitions, comme la Déclaration de Jérusalem sur l'antisémitisme (dont les auteurs de cet article ont été parmi les initiateurs et les rédacteurs), ont été proposées comme des outils plus précis et moins politiquement biaisés à utiliser à des fins éducatives dans la lutte contre l'antisémitisme.

La définition de l'IHRA met en évidence le mécanisme d'inversion et de projection par lequel Israël et ses partisans nient les crimes d'Israël et les attribuent aux Palestiniens. L'un des exemples de la définition stipule, par exemple, que « nier au peuple juif son droit à l'autodétermination » est antisémite. Pourtant, la politique officielle d'Israël en matière de colonisation, d'occupation et d'annexion au cours des dernières décennies a nié au peuple palestinien son propre droit à l'autodétermination.

Cette politique s'est intensifiée sous la direction de Benyamin Netanyahou qui, en janvier 2024, s'est publiquement engagé à résister à toute tentative de création d'un Etat palestinien. Les principes directeurs fondamentaux de la coalition gouvernementale déclarent en outre, en écho à la loi sur l'Etat-nation juif de 2018, que « le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur toutes les régions de la Terre d'Israël ». Alors qu'Israël s'oppose activement à l'autodétermination des Palestiniens, la définition de l'IHRA inverse et projette cet état de fait sur les Palestiniens eux-mêmes, en la qualifiant d'antisémitisme.

Selon la définition de l'IHRA, « établir des comparaisons entre la politique israélienne contemporaine et celle des nazis » est un autre exemple d'antisémitisme. Ici aussi, le schéma d'inversion et de projection est évident, puisqu'Israël et ses partisans ne cessent d'associer les Arabes et surtout les Palestiniens aux nazis.

Il s'agit d'un discours profondément enraciné et très populaire en Israël. Il va de David Ben-Gourion, premier Premier ministre israélien, qui considérait les Arabes qui combattaient Israël comme les successeurs des nazis, à Benyamin Netanyahou, qui affirme que le Hamas représente de nouveaux nazis, en passant par le ministre des Finances Bezalel Smotrich, qui a récemment affirmé qu'il y avait deux millions de nazis en Cisjordanie occupée (Times of Israel,28 novembre 2023).

A la lumière de ce narratif inversé, l'affirmation de la définition de l'IHRA selon laquelle « appliquer deux poids deux mesures » dans les jugements moraux sur Israël est antisémite traduit un autre exemple de ce mécanisme d'inversion et de projection. La définition de l'IHRA elle-même utilise deux poids deux mesures : alors qu'Israël est autorisé à refuser aux Palestiniens leur droit à l'autodétermination et à les comparer aux nazis, la définition affirme que refuser aux Juifs le droit à l'autodétermination et établir des liens entre la politique israélienne et la politique nazie est antisémite.

Pour la défense du génocide

Ce mécanisme psycho-discursif va au-delà de la définition de l'IHRA, comme l'a révélé la récente audition au Congrès de trois présidents d'universités d'élite des Etats-Unis. Un moment clé s'est produit lorsque la députée républicaine Elise Stefanik a demandé aux présidents si leurs institutions toléreraient des appels au génocide des Juifs.

Je suppose que vous connaissez le terme « intifada », n'est-ce pas ? a demandé Elise Stefanik à Claudine Gay, présidente de l'Université de Harvard. « Et vous comprenez, a-t-elle poursuivi, que l'utilisation du terme intifada dans le contexte du conflit israélo-arabe est en fait un appel à la résistance armée violente contre l'Etat d'Israël, y compris la violence contre les civils et le génocide des Juifs. Le savez-vous ? »

Cette assimilation de l'intifada au génocide est sans fondement : l'intifada est le mot arabe qui désigne un soulèvement populaire contre l'oppression et pour la libération et la liberté (le verbe intafad signifie littéralement « se débarrasser »). Il s'agit d'un appel à l'émancipation qui a été répété à de nombreuses reprises dans le monde arabe contre des régimes oppressifs, et pas seulement en Israël. Une intifada peut être violente, comme l'a été la seconde intifada en Israël-Palestine entre 2000 et 2015, ou non violente, comme l'a été la majeure partie de la première intifada entre 1987 et 1991, ou l'« intifada WhatsApp » au Liban en 2019. Dans ces conditions, la seule allusion au génocide réside dans l'imagination d'Elise Stefanik et de ses semblables. Ce fut un moment douloureux : Stefanik a tendu un piège à Claudine Gay, et elle est tombée dedans.

Un autre exemple de fausse allégation pernicieuse est l'affirmation d'Israël et de ses partisans selon laquelle le slogan de libération palestinien « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre » est génocidaire et antisémite [voir l'article de Stephen Zunes publié sur ce site le 7 mai 2024]. Comme l'ont affirmé les historiens Maha Nasser, Rashid Khalidi et d'autres, la grande majorité des Palestiniens et de leurs partisans qui scandent ce slogan veulent simplement dire que la terre de la Palestine historique sera libérée politiquement – en rejet absolu de la réalité actuelle de l'absence de liberté pour les Palestiniens, sous diverses formes, entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Cela pourrait prendre la forme d'un seul Etat avec des droits égaux pour tous, de deux Etats-nations pleinement indépendants ou d'une sorte d'arrangement binational ou confédéral.

Dans les deux cas, Israël et ses partisans trouvent un appel au génocide contre les Juifs là où il n'existe pas. Pourtant, en Israël, après les massacres et les atrocités du 7 octobre, de nombreux dirigeants israéliens, ministres du cabinet de guerre, hommes politiques, journalistes et rabbins ont appelé explicitement et ouvertement à un génocide à Gaza dans plus de 500 cas documentés rien qu'au cours des trois premiers mois (Law for Palestine, 4 janvier 2024), certains d'entre eux lors d'émissions de télévision à des heures de grande écoute. Cela a été exposé de manière bouleversante au monde entier dans la plainte que l'Afrique du Sud a déposée contre Israël en décembre 2023 devant la Cour internationale de justice (CIJ).

Il s'agit, par exemple, du président Isaac Herzog, du ministre de la Défense Yoav Gallant et du ministre du Patrimoine Amichai Eliyahu. Plus récemment, l'influent rabbin Eliyahu Mali a exhorté l'armée israélienne à tuer tous les enfants et toutes les femmes de Gaza, tandis que Bezalel Smotrich a appelé à l'anéantissement total des villes de Rafah, Deir al-Balah et Nuseirat. Ces voix représentent une large part de l'opinion publique israélienne et correspondent à ce qui se passe réellement sur le terrain.

Le 26 janvier, la CIJ a rendu un arrêt provisoire déclarant qu'il existe un « risque plausible » de violation du droit des Palestiniens à être protégés d'un génocide. La situation s'est encore détériorée depuis, Israël étendant son invasion à Rafah et affamant délibérément les 2,3 millions d'habitants de Gaza [4].

De nombreux spécialistes du génocide – parmi lesquels Raz Segal, Omer Bartov, Ronald Grigor Suny, Marion Kaplan, Amos Goldberg et Victoria Sanford – sont parvenus plus ou moins à la même conclusion que la CIJ. La rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, a également affirmé, dans son récent rapport intitulé « Anatomie du génocide », qu'« il y a des motifs raisonnables de croire que le seuil indiquant qu'Israël a commis un génocide est atteint ».

Ainsi, ce qu'Israël et ses partisans accusent les Palestiniens d'inciter à commettre, les fonctionnaires et les personnalités israéliennes le déclarent explicitement et ouvertement, et l'armée israélienne le perpètre. Et tandis que les Palestiniens et leurs partisans chantent la libération « du fleuve à la mer », Israël impose la suprématie juive « du fleuve à la mer » sous la forme de l'occupation, de l'annexion et de l'apartheid.

Nous suggérons donc d'interpréter cette inversion et cette projection non seulement comme un cas classique de double standard hypocrite contre des Palestiniens, mais aussi – comme c'est souvent le cas avec les processus de projection – comme un mécanisme de défense et de déni. Comme Israël et ses partisans ne peuvent pas faire face à la structure d'apartheid oppressive de l'Etat, à sa délégitimation des Palestiniens ou à sa rhétorique et à ses crimes génocidaires, alors ils déforment ces allégations et les projettent sur les Palestiniens.

La prétendue « lutte contre l'antisémitisme » menée par Israël et ses partisans, fondée sur la définition de l'antisémitisme de l'IHRA, doit donc être considérée comme un moyen supplémentaire utilisé par un Etat puissant pour nier ses actes criminels et ses atrocités massives. Le gouvernement des Etats-Unis doit le refuser catégoriquement. (Article publié sur le site israélien +972 le 21 mai 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

Amos Goldberg est professeur d'histoire de l'Holocauste. Ses ouvrages les plus récents sont Trauma in First Person : Diary Writing during the Holocaust (Indiana University Press, 2017) et un ouvrage coédité avec Bashir Bashir, The Holocaust and the Nakba : A New Grammar of Trauma and History (Columbia University Press, 2018).

Alon Confino est titulaire de la chaire Pen Tishkach d'études sur l'Holocauste à l'Université du Massachusetts, à Amherst. Son dernier ouvrage est A World Without Jews : The Nazi Imagination from Persecution to Genocide (Yale University Press, 2014).

Notes

[1] Henry Laurens, professeur au Collège de France, dans un entretien avec le quotidien Libération, à la question « L'usage du slogan « Du Jourdain à la mer » ou le symbole des mains ensanglantées sont-ils le signe d'une radicalisation des manifestants pro-palestiniens ? » répond : « Ce symbole est utilisé depuis des siècles et renvoie simplement à l'expression « avoir du sang sur les mains ». C'est le célèbre monologue de Lady Macbeth ! Quant au slogan « Du Jourdain à la mer », on a oublié que c'est aussi un vieux discours sioniste d'extrême droite. Il renvoie au droit à l'autodétermination des Palestiniens. Juridiquement, Israël n'a pas de frontières officielles. En 2004, un avis de la Cour internationale de justice déclare que ses frontières sont celles d'avant juin 1967 mais Israël ne le reconnaît pas et se revendique dans de nombreuses occasions comme le seul héritier territorial de la Palestine mandataire. Côté palestinien, le discours officiel depuis Oslo a toujours distingué un Etat à construire dans les territoires occupés libérés, et une Palestine historico-géographique, qui existe indépendamment de l'Etat palestinien à construire, comme une origine, un passé qui ne peut être effacé. La solution des deux Etats, une fois appliquée, implique des deux côtés l'abandon de toute revendication territoriale. » (Réd.)

[2] Voir l'ouvrage Whatever Happened to Antisemitism ? : Redefinition and the Myth of the ‘Collective Jew, d'Antony Lerman, Pluto Press, June 2022.

[3] A ce sujet, voir sur ce site la tribune « Antisémitisme : combattre le feu avec le pyromane ? », signée par Mateo Alaluf, Vincent Engel, Fenya Fischler, Henri Goldman, Heinz Hurwitz, Simone Süsskind. (Réd.)

[4] La Cour internationale de justice a ordonné, ce vendredi 24 mai 2024, à Israël d'arrêter « immédiatement » son offensive militaire à Rafah dans le sud de Gaza. Voir ONU Info. « La Cour considère également que, d'après les informations dont elle dispose, “les risques immenses associés à une offensive militaire à Rafah ont commencé à devenir réalité, et augmenteront encore si l'opération se poursuit”. Face à cette situation, dans son ordonnance du vendredi 24 mai, la Cour réaffirme, par 13 voix contre deux, les mesures conservatoires indiquées dans ses ordonnances des 26 janvier et 28 mars 2024, qui doivent être immédiatement et effectivement mises en œuvre. »

Dans ONU Info, il est aussi indiqué : « L'ordonnance de vendredi survient quelques jours après que le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a demandé des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, son ministre de la Défense, Yoav Gallant, et trois dirigeants du Hamas, pour des crimes présumés commis à Gaza et en Israël. » (Réd.)

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« The Apprentice » de Ali Abbasi – Don’t feed the Trump

28 mai 2024, par jumel.sandra — ,
La force du portrait d'Ali Abbasi est d'opposer l'empathie à la cruauté, la force de l'enquête à l'impunité. Il déconstruit ainsi intelligemment le mythe du patriote américain. (…)

La force du portrait d'Ali Abbasi est d'opposer l'empathie à la cruauté, la force de l'enquête à l'impunité. Il déconstruit ainsi intelligemment le mythe du patriote américain. En compétition en sélection officielle au Festival de Cannes. « The Apprentice » d'Ali Abbasi, avec Sebastian Stan, Jeremy Strong, Maria Bakalova…

Tiré du blogue de l'autrice.

Dans The Apprentice, le réalisateur dano-iranien Ali Abbasi s'intéresse à la fabrique du monstre Donald Trump. C'est une nouvelle pierre à la déconstruction du mythe méritocratique, déjà entamée par le précédent documentaire "Trump, un rêve américain" qui se concentrait davantage sur les talents de Donald héritier pour accumuler les dettes et les procès. Ali Abbasi se concentre ici sur la genèse du magnat de l'immobilier, son apprentissage de l'agressivité et de la masculinité toxique, le développement de son phrasé caractéristique rempli d'hyperboles, de la candeur naïve de sa jeunesse jusqu'à son addiction au pouvoir et à l'argent.

La sortie du film est prévue à la mi-septembre, avant les élections américaines de novembre. Alors que Donald Trump, 77 ans, ancien président, est donné gagnant par la majorité des sondages, malgré les affaires qui le visent, son sexisme notoire, ses liens avec des groupuscules suprémacistes, et les mensonges qu'il a proférés, rien ne semble interférer avec son inexorable retour au pouvoir. Le biopic a donc l'ambition au moins d'expliquer et idéalement de contrer la nouvelle ascension jusqu'au pouvoir de celui que la moitié des Américains abhorre alors que l'autre moitié l'adore.

Pas étonnant de voir que cet homme, héritier de l'empire de son père, grandit dans le culte du self-made man, mais surtout avec des millions dans les poches. Ce que l'on ignore davantage c'est qu'il tient son éthique de requin à un illustre avocat, connu pour son agressivité redoutable. Pour Roy Cohn (les Français les plus malintentionnés y verront une déclinaison américaine d'un Nicolas Sarkozy, petit homme à la gouaille hargneuse criblé d'enquêtes pour corruption, aux mouvements de menton saccadés et au franc-parler provocateur), l'essentiel est de gagner. La vie se sépare en deux catégories, les killers et les losers. Pour cela, tous les moyens sont bons : l'attaque, l'argent, le mensonge. Toujours surenchérir. Tout s'achète. Toujours prétendre qu'on a gagné même quand on a perdu.

Le jeune Trump, qui paraît si inoffensif, suivra à la lettre la leçon fondatrice d'un délire narcissique botoxé au capitalisme décomplexé. Il y a les exemples que détaille le film : le chantage exercé sur un fonctionnaire pour gagner une affaire, la corruption et les menaces sur le maire de New York. Dans la catégorie masculinité toxique on retrouve : la Trump Tower que Donnie veut plus grande que les autres, l'achat du consentement d'Ivanka au mariage, le viol. Mais il y a aussi le hors champ, ces exemples que le film invoque immanquablement : les réalités alternatives, le gros bouton du nucléaire que Trump se dispute avec Kim Jong Un, et bien sûr la prise du Capitole par un groupuscule encouragé par un Trump contestant sa défaite.

pprentice » reprend le nom de la série de télé-réalité animée et produite par Donald Trump. C'est un trompe-l'œil ; face aux réalités alternatives propagées et revendiquées par Trump, le réalisateur convoque justement la seule arme qui vaille : l'analyse sociologique et la vérité. La prestation de l'acteur est époustouflante, autant dans les moues proéminentes qu'arbore le personnage que dans sa transformation d'un être méché, jamais éméché, d'abord complètement gauche puis si imposant. La force du parti pris est aussi celle d'un regard empreint de compréhension, presque de compassion face à la rudesse d'un père et aux moqueries d'un milieu impitoyable. Ali Abbasi nous rappelle qu'avant d'être un être abject, Donnie aussi a été innocent. La société, ou plus exactement le capitalisme et son agitation d'ego et d'ambitions débridés prête à tout écraser, est profondément responsable de phénomènes médiocratiques comme le trumpisme.

La force du portrait d'Ali Abbasi est d'opposer l'empathie à la cruauté, la force de l'enquête à l'impunité. Il déconstruit ainsi intelligemment le mythe du patriote américain s'élevant au-dessus d'une loi du Talion. Don't feed the troll qui s'engraisse des attaques et des coups bas. Dans un ultime pied de nez qui clot son film, le réalisateur convoque un journaliste chargé de tirer le portrait de Trump dans un livre. L'intéressé se moque un peu du résultat, pourvu que le livre fasse parler de lui. En conférence de presse, Abbasi persiste et signe : il n'est pas contre une rencontre avec le héros de son film. Il n'est d'ailleurs pas sûr que le film lui déplairait, « il serait probablement surpris ».

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Taylor Swift, l’icône pop qui influence la technologie

28 mai 2024, par Oihab Allal-Cherif — ,
Tournée record, album record, personnalité de l'année… le phénomène Taylor Swift semble inarrêtable. Son influence est significative, en particulier dans le secteur de la (…)

Tournée record, album record, personnalité de l'année… le phénomène Taylor Swift semble inarrêtable. Son influence est significative, en particulier dans le secteur de la technologie.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
2 mai 2024

Par Oihab Allal-Cherif

Taylor Swift en août 2023, à Los Angeles, lors de sa tournée « Eras ». Flickr/Paolo Villanueva, CC BY

Le 19 avril, Taylor Swift a sorti son onzième album Tortured Poets Department, qui bat tous les records. Elle avait déjà à son actif celui de l'album le plus streamé sur Spotifyen 24 heures, ses albums Midnights et 1989 étant maintenant respectivement en deuxième et troisième place. Elle est actuellement la première artiste à occuper les 14 premières places duBillboard Hot 100, après être devenue la première à occuper les dix premières places en 2022 avec son précédent album. Le 2 avril, Taylor Swift est également entrée dans le classement Forbesdes milliardaires uniquement grâce à sa musique, ce qui est exceptionnel pour une artiste. Sa tournée « Eras » se poursuit et elle sera en France du 9 au 12 mai pour quatre concerts à Paris La Défense Arena.

Youtube : Décryptage du « Eras Tour » de Taylor Swift.

Recordwoman absolue des albums classés N°1, Taylor Swift n'est pas seulement une chanteuse populaire et créative : c'est une artiste engagée et militante qui lutte pour changer certaines mauvaises pratiques des entreprises de la tech. Elle est aussi une inventeuse qui révolutionne l'industrie musicale et crée une nouvelle relation avec son public. Sa capacité à être en phase avec la société et la technologie a contribué à son succès exceptionnel. C'est sans doute ce qui a conduit à sa désignation comme[ personnalité de l'année 2023par le magazine Times.

L'amour-haine pour les plates-formes de streaming

Taylor Swift n'hésite pas à utiliser sa notoriété et son influence pour mettre en place un rapport de force avec les géants du numérique, les studios de cinéma, et les professionnels de la musique.

Si son dernier album est le premier au monde à atteindre 300 millions de streams en une seule journée, Taylor Swift n'a pas toujours eu de bonnes relations avec les plates-formes musicales, surtout gratuites. Fin 2014,Taylor Swift a retiré tout son catalogue de Spotify, Deezer, Google Play, Amazon Music et Tidal, pour manifester son mécontentement concernant le niveau de rémunération des artistes. Elle ne reviendra qu'au début de l'année 2018.

Pourtant, la consommation de la musique se faisait, et se fait toujours, essentiellement gratuitement via YouTubeou SoundCloud, sans parler du piratage. Bien que sa décision de boycott la prive de millions de dollars de revenus annuels,elle l'assume et explique défendre les jeunes artistes pour lesquels gagner 0,00029 dollar par écoute est inacceptable. Dans une tribune pour le Wall Street Journal, elle dénonce la valeur trop faible accordée à la musique par les services de streaming.

Une plus grande transparence sur les droits d'auteurs et certaines nouvelles règles comme le délai de deux semaines avant que les nouveaux titres soient accessibles, de même que les contraintes d'écoute pour les abonnés non payants ont contribué au retour de Taylor Swift sur ces plates-formes. La lutte de la chanteuse aura donc favorisé l'émergence d'un modèle de streaming plus juste. En 2023, Taylor Swift est devenue l'artiste mondiale de l'année de Spotify avec plus de 26 milliards d'écoutes sur la plate-forme.

Toutube : Taylor Swift est l'artiste la plus écoutée sur Spotify en 2023.

Lors du lancement d'Apple Music en 2015, Taylor Swift a annoncé qu'elle allait refuser que son album 1989 soit accessible sur la plate-forme de streaming qui avait prévu un essai gratuit de trois mois au cours desquels les droits de propriété intellectuelle ne seraient pas payés aux interprètes, auteurs, compositeurs et producteurs. À la suite de sa lettre ouverte sur Tumblroù elle dit très clairement « Nous ne vous demandons pas d'iPhones gratuits. Ne nous demandez pas de vous fournir notre musique sans compensation », Apple est revenu sur sa décision et a décidé de verser les droits d'auteurs pendant la période d'essai. Taylor Swift deviendra ensuite l'ambassadrice de la plate-forme.

L'innovation technologique au cœur des concerts

La tournée « The Eras Tour » de Taylor Swift est la plus lucrative de tous les temps, ayant déjà rapporté plus d'un milliard de dollars. Le spectacle de trois heures trente, qui rassemble une quarantaine de titres et nécessite 50 camions, a même causé un tremblement de terre de magnitude 2,3 à Seattle.Sa scénographie très élaborée se compose d'un écran géant et de trois scènes avec des plates-formes mobiles connectées par une rampe, le tout recouvert d'écrans pour générer des effets visuels. Viennent s'ajouter des projecteurs, des lasers, des lance-flammes, des canons à fumée, des feux d'artifice… dans une surenchère technologique.

Taylor Swift crée des images associées à ses musiques dans la foule grâce à des bracelets distribués aux spectateurs.La technologie LED de PixMoba aussi été utilisée par plusieurs artistes en 2022 comme Coldplay (« Music of the Spheres World Tour »), Lady Gaga (« Chromatica Ball »), Imagine Dragons (« Mercury World Tour »), The Weeknd (« After Hours til Dawn Tour ») et Bad Bunny (« The World's Hottest Tour »). Dès 2015, pour son « 1989 World Tour », Taylor Swift est une des premières à utiliser ces effets visuels, déjà très populaires dans la K-pop. Depuis, elle les intègre systématiquement à ses concerts, avec des fonctionnalités nouvelles à chaque tournée.

Youtube : Comment fonctionnent les bracelets LED utilisés aux concerts de Taylor Swift ?

Le dispositif s'appuie sur des fréquences radio, des signaux infrarouges ou le Bluetooth pour transmettre aux bracelets les couleurs qui forment des images dynamiques dans le public sans passer par la géolocalisation. Le public devient donc une extension du show dont il est cocréateur pour une expérience encore plus interactive. En tant que pionnière dans cet usage des bracelets LED, Taylor Swift a largement influencé les autres artistes qui l'ont adopté ensuite, tout comme la NBA pour les matchs de basket et la NHL pour ceux de hockey.

Taylor Swift a utilisé la reconnaissance faciale– autorisée dans tous les états sauf l'Illinois – lors de ses concerts américains pour la protéger des harceleurs. Les spectateurs passent par des kiosques qui sont capables de vérifier leur identité en moins d'une seconde. En plus de la dimension sécuritaire, la vidéosurveillance algorithmique permet d'établir des statistiques sur le profil des spectateurs des concerts.Les données démographiques sont collectées et exploitées à des fins marketing. Bien entendu, cet usage pose de nombreuses questions éthiques, même s'il s'agit d'événements privés. Malgré certaines menaces,la reconnaissance faciale reste interdite en France, y compris pendant les prochains Jeux olympiques.

Pour le film de sa tournée, Taylor Swift a eu recours à L.A. Drones, une entreprise spécialisée dansles prises de vues aériennes d'événements. La dynamique et l'esthétique des plans sont époustouflantes et ont favorisé le succès du film, proposé dans les cinémas d'une centaine de pays pour offrir aux fans qui n'auraient pas pu y assister en live un show hyperimmersif.

Youtube : The Eras Tour (Taylor's Version) – Bande-annonce officielle | Disney+

Taylor Swift a aussi innové en distribuant elle-même le film en partenariat avec la chaîne de salles de cinéma AMC, sans passer par un studio comme c'est l'usage. Taylor Swift : The Eras Tour est le concert filmé le plus rentable jamais diffusé au cinéma. Ce film bat le record de vente de billets en 24 heures d'AMC en 103 ans d'existence. Le film a également étéprojeté au Tech Interactive, renommé « Swift Interactive » pour l'occasion, un cinéma en forme de dôme avec un écran enveloppant de 840 mètres carrés et 13 000 watts de son surround numérique pour être au plus près des conditions réelles du concert.

Réalité augmentée et réalité virtuelle

Les « swifties » (comme se nomment les fans de la chanteuse) contribuent à l'accélération de l'adoption de nouvelles technologies comme la réalité augmentée et la réalité virtuelle. Depuis plus d'une décennie, Taylor Swift s'appuie sur les innovations technologiques pour faire évoluer la façon dont on consomme de la musique et en particulier pour stimuler la vente d'objets physiques face à la domination du digital.

Dès 2012, l'application officielle de Taylor Swift utilisait la réalité augmentéepour permettre à ceux qui faisaient l'acquisition de son album Red d'obtenir du contenu exclusif en 3D. Ce type d'expérience interactive ravit les fans qui se sentent privilégiés, modernes et complices de la star. Leur niveau d'engagement et de loyauté est donc significativement plus élevé.

En 2014, pour l'album 1989, Taylor Swift s'est associée à American Express pour lancer l'application Taylor Swift Blank Space Experience. Grâce à leur smartphone, les « swifties » sont emmenés dans un monde virtuel réplique du décor du clip de la chanson « Blank Space », où ils peuvent interagir avec des personnages et des objets qui représentent des souvenirs et révèlent des photos et des histoires.

Youtube : Taylor Swift Blank Space Experience, une exploration à 360° d'un monde virtuel.

Pour sa tournée « Reputation » en 2018, Taylor Swift a proposé à ses fans uneautre application en partenariat avec Glu, The Swift Life, elle aussi basée sur la réalité augmentée, pour leur donner accès à des filtres personnalisés, à des jeux associés à chaque chanson, et à des visites virtuelles des coulisses.

En 2022, pour l'album Midnights, Taylor Swift noue unpartenariat avec Snapchatet l'entreprise BLNK pour développer des lentilles de réalité augmentée qui projettent les « swifties » à Londres ou à New York afin d'y vivre une expérience basée sur l'imagerie de l'artiste. Toutes ces innovations permettent à Taylor Swift de donner plus d'originalité et de valeur aux albums physiques, CDs ou vinyles, et donc d'en augmenter significativement les ventes. En 2023, Taylor Swift areçu le Prix de l'Innovation aux iHeartRadio Awards pour sa contribution continue à l'industrie musicale.

Un modèle de marketing d'influence

Taylor Swift est uncas d'école de communication multicanalcohérente qui s'appuie sur un grand nombre de plates-formes et de technologies combinées pour donner une image faite pour paraître la plus authentique possible. La carrière de Taylor Swift a connu un essor très rapide en s'appuyant sur une maîtrise parfaite des réseaux sociaux et sur la consolidation progressive d'une relation intime avec sa communauté de fans.

Elle développe un puissant storytelling pour captiver son audience, transmettre des messages engagés, cultiver son originalité et construire sa légende. Star iconique, elle s'adapte continuellement aux nouvelles tendances de la technologie et anticipe même certaines évolutions pour rester à la pointe de l'innovation. Elle joue sans cesse avec les codes de la pop culture et avec son image pour créer le mystère et la frénésie autour de ses projets.

Taylor Swift utilise aussi les réseaux sociaux pourdiffuser un discours militant concernant la diversité, l'inclusion, l'égalité, et la protection de l'environnement, sans craindre de faire face aux controverses. Elle fédère sa communauté autour de ces valeurs partagées, ce qui se traduit en une mobilisation sans faille. Cependant, son engagement lui vaut d'être la cible de très nombreuses fake news et théories complotistes.Les « swifties » et leur icône pop pourraient bien [jouer un rôle décisif dans les prochaines élections présidentielles]https://theconversation.com/2024-taylors-version-taylor-swift-et-les-elections-americaines-224015) américaines.

Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business School

< !—> The Conversationhttp://theconversation.com/republishing-guidelines —>

P.-S.

• The Conversation. Publié : 2 mai 2024, 19:55 CEST.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.

Oihab Allal-Chérif, Neoma Business School

Oihab Allal-Chérif est professeur de Management à Neoma Business School. Ses recherches portent principalement sur le numérique avec des thématiques telles que : la transformation digitale des organisations, les nouvelles technologies, le côté obscure (menaces) des technologies, l'intelligence artificielle, le big data, le management des systèmes d'information, l'innovation, l'open innovation, l'open access/content, et la prospective des métiers. Il a également publié de nombreux articles sur le management des achats, la collaboration fournisseurs, les équipes multifonctionnelles, ou l'e-business. Il étudie principalement les secteurs de l'aéronautique, de l'automobile et de la culture, avec un intérêt particulier pour le gaming (e-sport, serious games, casual games, gamification,...), le digital dans les musées et les monuments, les plateformes de streaming, et les nouveaux modes de création et de diffusion d'objets culturels. Il travaille également sur des projets liés au leadership et à l'éthique dans le management.

• The Conversation est un média indépendant, sous un statut associatif. Avec exigence, nos journalistes vont à la rencontre d'expert•es et d'universitaires pour replacer l'intelligence au cœur du débat. Si vous le pouvez, pour nous soutenirfaites un don.
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L’Université populaire Al-Aqsa de l’UQAM dénonce la judiciarisation*

28 mai 2024, par Université populaire Al-Aqsa — , ,
Pour une politique de boycott académique, maintenant ! *Montréal le 28 mai 2024* - L'Université Populaire Al-Aqsa de l'UQAM (UPA-UQAM) dénonce la voie que l'UQAM a choisie (…)

Pour une politique de boycott académique, maintenant !

*Montréal le 28 mai 2024* - L'Université Populaire Al-Aqsa de l'UQAM (UPA-UQAM) dénonce la voie que l'UQAM a choisie en déposant une demande d'injonction provisoire le 22 mai dernier afin de judiciariser la lutte palestinienne, portée notamment par les étudiant-es uqamien-nes au campement situé au Coeur des sciences. Ce choix constitue une attaque visant à taire les revendications pro-palestinniennes et à maintenir la
complicité de l'UQAM avec le gouvernement criminel israélien.

Plutôt que de répondre à notre revendication principale, à savoir l'adoption d'une politique de boycott académique, l'UQAM a choisi de détourner l'attention du fond de la question, vers des technicalités spatiales dites « sécuritaires », qui ne font que faciliter le profilage
politique des étudiant-e-s et empêcher tout réel dialogue.

Nous nous désolons aussi que l'attention soit portée presque exclusivement sur la répression de notre mouvement et non sur la violence extrême qui a cours en ce moment même en Palestine.

Hier, l'armée d'occupation israélienne a bombardé sans relâche le camp de réfugié-e-s de Rafah, causant un massacre indescriptible. La violence génocidaire de l'occupation par l'État sioniste doit cesser immédiatement.

Nous trouvons insupportable que les dirigeant-e-s et les médias préfèrent s'attarder sur des formalités judiciaires plutôt que d'informer réellement sur le génocide du peuple palestinien et ses conditions d'existence. Le gouvernement canadien tient actuellement une position de complicité dans la perpétuation de ce génocide, et refuse de sanctionner Israël pour ses crimes contre l'humanité.

Lorsque l'État sioniste avait évoqué au début du génocide des rumeurs de bébés décapités, sans fournir de preuves, ces allégations ont tout de même bénéficié d'une large couverture médiatique et du soutien des puissances impériales. Or, depuis hier à Rafah, nous sommes témoins de scènes d'horreur sans précédent à notre époque : des corps complètement brûlés, des bébés décapités en direct, le tout dans un silence total et avec la complicité de l'Occident. Ce traitement à double standard est révoltant et
nous refusons d'être complices de ce silence.

Nous déplorons également le harcèlement juridique et policier des campements étudiants et de toutes les personnes qui militent pour la Palestine.

Le campement s'est pourtant engagé depuis le 13 mai dernier, au lendemain de son installation, dans des pourparlers de bonne foi avec la direction de l'UQAM visant à adresser les enjeux de sécurité réels et pratiques liés aux sorties de secours et aux accès affectés par sa présence. Les solutions proposées, notamment la création d'un corridor de sécurité menant à la voie publique, avec l'appui logistique et moral du Festival TransAmériques (FTA) qui occupe le bâtiment jusqu'au 5 juin prochain, ont toutes été rejetées par l'UQAM. En effet, malgré ses interventions médiatiques à l'effet qu'elle recherche le dialogue et une résolution pacifique à la situation, la direction de l'UQAM n'a à aucun moment accepté les solutions concrètes sur les enjeux les plus urgents quant aux accès aux bâtiments.

Les syndicats de professeur-e-s et chargé-e-s de cours représentant la communauté universitaire de l'UQAM ont quant à eux multiplié les représentations afin de plaider pour une solution pacifique et offrir une médiation facilitant le dialogue entre le campement et la direction de l'UQAM.

Plutôt que de saisir les occasions de résolution proposées par le FTA et la communauté universitaire, l'UQAM a préféré avoir recours aux tribunaux. Cette judiciarisation nuit de façon effective au dialogue que l'UQAM prétend privilégier.

Nous considérons que la demande d'injonction provisoire de l'UQAM, bien qu'elle n'exige pas un démantèlement du campement, impose des mesures restrictives qui équivalent à un démantèlement "déguisé".

Nous ferons toutefois de notre mieux pour nous conformer aux ordonnances, en tenant compte de nos capacités et des ressources matérielles disponibles, tout en garantissant la sécurité de toutes et tous. Mais, il est important de noter que certains facteurs échappent à notre contrôle.

Nous exigeons aussi de recentrer l'attention sur le génocide en cours en Palestine et sur les véritables revendications du campement, dont l'adoption d'une politique de boycott académique contre toutes collaborations présentes ou futures avec les universités israéliennes.

Vive l'intifada étudiante, longue vie au mouvement des camps partout !

La Palestine sera libérée, de notre vivant !

Solidarité pour les droits Humains des Palestiniennes et Palestiniens
(SDHPP) basé à l'UQAM

sdhpp.uqam@gmail.com

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Appel urgent à l’action pour les Rohingyas de l’État de Rakhine, au Myanmar

28 mai 2024, par Réseau des femmes pour la paix — , ,
Le Réseau des femmes pour la paix appelle à une action immédiate pour protéger la minorité ethnique et religieuse des Rohingyas dans l'État de Rakhine, ou Arakan, et empêcher (…)

Le Réseau des femmes pour la paix appelle à une action immédiate pour protéger la minorité ethnique et religieuse des Rohingyas dans l'État de Rakhine, ou Arakan, et empêcher que d'autres crimes atroces soient commis au Myanmar.

Tiré de Entre les lignes et les mots

https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/26/appel-urgent-a-laction-pour-les-rohingyas-de-letat-de-rakhine-au-myanmar/

Le 17 mai 2024, à partir d'environ 22 heures (heure de Myanmar), l'armée de l'Arakan a mis le feu au centre-ville de Buthidaung et aux villages environnants, notamment Tat Min Chaung et Kyauk Phyu Taung, selon des informations provenant de ces localités. Des témoins ont raconté que des membres de l'AA avaient brûlé la grande majorité des quartiers de la ville, y compris les maisons, les écoles et d'autres édifices à caractère civil. Des centaines de Rohingyas auraient été tués ou mutilés, et près de 150 000 d'entre eux auraient été déplacés de force. C'est dans la commune de Buthidaung que l'on trouve la plus forte concentration de Rohingya – plus de 200 000 civils – dans l'État.

Selon ces rapports, l'attaque de l'Armée contre le centre-ville de Buthidaung, qui compte sept quartiers, n'a pas de lien direct avec le conflit armé en cours, qui s'intensifie, avec les militaires birmans dans l'État de Rakhine. Trois jours avant l'attaque de l'AA, les militaires birmans se seraient retirés du centre-ville de Buthidaung. L'Armée du Salut des Rohingyas de l'Arakan, dont il est connu qu'elle coopère avec l'armée, s'est retirée du centre-ville de Buthidaung quelques jours avant l'attaque. Les Rohingyas recrutés de force par l'armée, qui avaient brûlé plusieurs maisons que les habitants de l'ethnie rakhine avaient fuies il y a quelques semaines, n'étaient pas non plus présents dans la zone touchée.

Il est alarmant de constater que l'attaque de l'AA contre Buthidaung s'inscrit dans un contexte d'escalade des atrocités contre les civils rohingyas. Au cours des deux dernières semaines, le WPN a été informé de cas où l'AA a incendié des dizaines de villages rohingyas et a bombardé l'école secondaire d'éducation de base n°1 et le seul hôpital de la commune, où les Rohingyas déplacés à l'intérieur du pays cherchaient refuge. Des cas de massacres de familles rohingyas dans plusieurs villages de la commune ont également été signalés ; il s'agit notamment d'un groupe d'anciens rohingyas qui ont tenté d'engager des pourparlers avec les membres des AA présents dans le secteur dans le but de modérer les agressions des AA contre eux et leurs communautés. Ces attaques ont fait des centaines de morts et de blessés parmi les civils, et dans l'État de Rakhine, près de 100 000 Rohingyas ont été déplacés de force. Le WPN continue de vérifier les informations et de rechercher activement des preuves dans un contexte où les lignes téléphoniques et l'Internet sont constamment coupées arbitrairement dans l'État de Rakhine, assorti de la diffusion en ligne et hors ligne de fausses informations et de désinformation, de la promotion de discours de haine et de rhétorique génocidaire de la part d'acteurs tels que l'armée birmane et les dirigeants de l'AA, ainsi que d'actes visant à exacerber les tensions ethniques et à instrumentaliser (weaponize) les Rohingyas à l'encontre des objectifs et des efforts du mouvement pro-démocratique birman.

Il n'est sans doute pas nécessaire de rappeler que les centaines de milliers de Rohingyas déplacés, qui risquent de plus en plus de subir de nouvelles atrocités sont des victimes et des survivants des attaques génocidaires de 2017. Ils font également partie des 600 000 Rohingyas restés au Myanmar, dont environ 130 000 déplacés internes, dans des conditions de précarité extrêmes sur ple plan humain. Systématiquement privés de citoyenneté, de liberté de mouvement et d'autres droits fondamentaux, les Rohingyas n'ont aucun moyen de fuir ou de se protéger d'un régime d'apartheid, de la conscription forcée, d'actes généralisés d'enlèvement, de torture, de meurtre, ainsi que d'autres attaques ciblées de la part de l'armée birmane et d'autres acteurs. Dans le même temps, l'évacuation récente du personnel des Nations unies et de diverses organisations non gouvernementales internationales a privé les civils rohingyas de l'État de Rakhine de tout accès à l'aide humanitaire, notamment à la nourriture et aux produits de première nécessité. Les coupures généralisées des communications et des transports sont toujours d'actualité. La famine, en particulier pour les femmes et les enfants, est désormais imminente dans la région.

Le droit international doit être respecté pour que la situation dans l'État de Rakhine soit traitée de manière globale. Il est essentiel que toutes les mesures nécessaires soient prises pour protéger la minorité ethnique et religieuse rohingya, qui a été reconnu par la Cour internationalede justice comme un « groupe protégé » en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

Une action immédiate est nécessaire pour mettre fin aux atrocités en cours dans l'État de Rakhine et pour empêcher que d'autres crimes atroces ne soient commis contre les Rohingyas. La communauté internationale ne doit plus laisser tomber les Rohingyas comme elle l'a fait dans les jours, les mois, les années et les décennies qui ont précédé les attaques génocidaires de 2017.

En conséquense, WPN appelle immédiatement :

– la communauté internationale à déployer des observateurs indépendants dans l'État de Rakhine afin que des experts puissent vérifier les faits et établir un rapport sur la crise actuelle ;

– les États membres de l'ONU et les gouvernements donateurs à fournir une assistance humanitaire aux Rohingyas déplacés de force par la crise actuelle dans l'État de Rakhine ;

– le Secrétaire général des Nations unies à invoquer l'article 99 de la Charte des Nations unies concernant la situation dans l'État de Rakhine et à faire en sorte que l'aide transfrontalière puisse être apportée aux communautés touchées ;

– le Conseil de sécurité des Nations unies à tenir une réunion publique sur la situation dans l'État de Rakhine, en mettant l'accent sur le non-respect des mesures conservatoires demandées par la CIJ ;

– les dirigeants du mouvement démocratique birman, y compris le gouvernement d'unité nationale, le Conseil consultatif d'unité nationale et les organisations révolutionnaires des communautés ethniques à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l'escalade des atrocités contre la minorité ethnique et religieuse rohingya dans l'État de Rakhine, et à lutter activement contre l'utilisation manipulatrice des divisions ethniques par l'armée birmane contre le mouvement démocratique et ses efforts pôur aller vers une démocratie fédérale véritablement inclusive ; et

– l'AA et ses dirigeants à s'engager immédiatement et de manière significative auprès de la communauté rohingya dans le but bien circonscrit d'empêcher que d'autres atrocités soient commises à leur encontre, d'assurer leur protection, leur accès à la justice et aux responsabilités, de façon à établir une base solide pour la coexistence pacifique de toutes les communautés dans l'Arakan.

19 mai 2024
Réseau des femmes pour la paix

Déclaration au format PdF

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70805
Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeeplPro.

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Israël, fait colonial. Maxime Rodinson met KO Bernard-Henri Lévy

Dans son dernier ouvrage Solitude d'Israël comme dans les interventions médiatiques qui s'en sont suivies, BHL conteste la qualification d'Israël de « fait colonial », opérée (…)

Dans son dernier ouvrage Solitude d'Israël comme dans les interventions médiatiques qui s'en sont suivies, BHL conteste la qualification d'Israël de « fait colonial », opérée en juin 1967 par l'orientaliste Maxime Rodinson dans un texte au titre éponyme. Les arguments farfelus et fallacieux que le philosophe mobilise à cet effet ne sont jamais contestés par ses interviewers. Mise au point.

Tiré d'OrientXXI
17 mai 2024

Par Alain Gresh

Le dernier opus de Bernard-Henri Lévy mérite-t-il ces quelques lignes et le temps gaspillé à sa lecture ? Les interviews complaisantes que l'auteur multiplie lui permettent de dérouler, la plupart du temps sans contradicteur – l'ignorance de ses interviewers est souvent abyssale -, sa routinière défense d'Israël, de ses crimes de guerre, de son armée ô combien morale. Tout en déplorant la solitude d'un État qui dispose — excusez du peu — d'un soutien robuste des États-Unis et de la plupart des pays occidentaux, dont la conscience est à peine ébréchée par les quelque 35 000 morts, en majorité civils, dénombrés à Gaza. Rien de bien nouveau dans le monde selon BHL.

Nous aurions donc pu dédaigner ce pamphlet, triste ramassis des éléments de langage du discours politique et médiatique dominant, qui se drape dans les habits de la dissidence. Pourtant, l'ouvrage vaut pour un seul point : il fait remonter à la surface un texte oublié de l'orientaliste Maxime Rodinson, paru dans la revue de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, Les Temps modernes à la veille de la guerre de juin 1967, et intitulé « Israël, fait colonial ? ». BHL en cite la conclusion :

Je crois avoir démontré, dans les lignes qui précèdent, que la formation de l'État d'Israël sur la terre palestinienne est l'aboutissement d'un processus qui s'insère parfaitement dans le grand mouvement d'expansion européo-américain des XIXe et XXe siècles pour peupler ou dominer les autres terres.

Une phrase qui ne peut que susciter l'indignation de ce « Jean-Paul Sartre dévalué » que moquait Renaud dans sa chanson « L'Entarté ».

« De vieilles passions communistes au cœur d'Israël »

Les migrants sionistes n'étaient-ils pas animés par des idéaux de la révolution d'Octobre ? Ne brandissaient-ils pas le drapeau rouge ? N'entonnaient-ils pas des chants spartakistes ? Ne se réclamaient-ils pas pour certains du marxisme-léninisme ? Dans une lettre à son ministre des affaires étrangères datée du 29 novembre 1924, le consul de France à Jérusalem notait :

Dans les colonies coopératives tout est indivis, le sol, les instruments de travail, les bénéfices, le plus souvent les repas se prennent en commun, tous les enfants sont rassemblés dans une nursery où l'une des femmes s'occupe d'eux. Ce système a, sous le rapport de la culture, des inconvénients graves qu'il est superflu de signaler, mais les chefs sionistes s'y résignent parce qu'il satisfait cette espèce de curiosité, d'inquiétude des formules sociales nouvelles qui tourmente l'âme de la plupart de leurs recrues. (…) Le sionisme, ne vivant que d'un appel aux forces morales, aux traditions nationales, doit utiliser tout ce qu'il fermente de vieilles passions communistes au cœur d'Israël.

Les dirigeants sionistes surent, comme l'a démontré l'historien israélien Zeev Sternhell (1), manipuler ces « vieilles passions communistes » pour créer des kibboutz très militarisés – « une main sur la charrue, l'autre sur le glaive » – dont l'objectif réel était le maillage du territoire palestinien, premier pas vers sa conquête.

Marx écrivait qu'on ne juge pas un individu sur l'idée qu'il se fait de lui-même. On ne peut évaluer non plus un mouvement sur l'idée qu'il se fait de lui-même. Il ne s'agit pas de nier la sincérité de cette « passion communiste » qui animait (certains) émigrants juifs, mais d'analyser leur pratique politique réelle, nombre de massacres et de crimes se sont fait au nom du Bien et de « la civilisation ». Rodinson a bien mis en lumière le point aveugle de ces colons :

La suprématie européenne avait implanté, jusque dans la conscience des plus défavorisés de ceux qui y participaient [à l'émigration en Palestine], l'idée que, en dehors de l'Europe, tout territoire était susceptible d'être occupé par un élément européen. Le cas de l'utopie sioniste n'était pas, de ce point de vue, différent de celui des utopies socialistes du type de l'Icarie de Cabet (2). Il s'agit de trouver un territoire vide, vide non pas forcément par l'absence réelle d'habitants, mais une sorte de vide culturel. En dehors des frontières de la civilisation (…), on pouvait librement insérer, au milieu de populations plus ou moins arriérées et non contre elles, des « colonies » européennes qui ne pouvaient être, pour employer anachroniquement un terme récent, que des pôles de développement.

Ce sentiment de supériorité n'était pas propre au seul mouvement sioniste, on le retrouve dans le mouvement ouvrier à la fin du XIXe siècle et au cours du XXe siècle. Ainsi, les communards en Algérie qui se réclamaient de la Commune de Paris de 1871, saluaient la répression de l'insurrection en Kabylie, qui embrasait alors le pays (3). Les fédérations algériennes de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) votèrent massivement l'adhésion à l'Internationale communiste au congrès de Tours en 1920, tout en dénonçant le nationalisme indigène « rétrograde » et en prônant l'assimilation. Tous ces socialistes chantaient pourtant « L'Internationale », se réclamaient de « la dictature du prolétariat », appelaient au soulèvement des « damnés de la Terre » réduits aux seuls ouvriers européens. Il fallut la création de l'Internationale communiste pour que s'impose, non sans obstacles, le mot d'ordre « prolétaires de tous les pays et peuples opprimés unissez-vous », et pour rompre en paroles et parfois en actes avec les vieilles tendances coloniales de la social-démocratie.

L'Ancien Testament comme titre de propriété

Pour contester le caractère colonial de l'entreprise sioniste, BHL rabâche plusieurs thèses auxquelles le long texte de Rodinson dans Les Temps Modernes avait répondu par avance, mais qu'il ne s'est pas donné la peine de relire, ne serait-ce que pour les contester.

« Il y a toujours eu des Juifs sur la terre de ce qu'est aujourd'hui l'État d'Israël », écrit-il, depuis des milliers d'années, avant et après la destruction du Temple en l'an 70. Certes, ils n'étaient pas constitués en nation, concède BHL, mais « les autochtones arabes ne l'étaient pas davantage ». Ils n'acquirent ce statut, selon lui, que dans les années 1940, en même temps que les Juifs, ce qui permet, par un tour de passe-passe, d'apposer un signe d'égalité entre les aspirations des Palestiniens et celles des Juifs en Palestine. Cette logique amènerait à prétendre que les peuples autochtones amérindiens ou africains, qui n'étaient pas des communautés nationales, n'ont donc pas subi le colonialisme.

Et quelle est la légitimité d'une revendication juive sur la Palestine ? Rappelons que Theodor Herzl, le fondateur du sionisme politique, avait envisagé une installation des juifs en Argentine ou au Congo. BHL invoque la Bible désignée comme le « Malet et Isaac des sionistes », pour justifier cette prétention. Rappelons que Malet et Isaac est la collection de manuels d'histoire conçue par la République au début du XXe siècle, et qui a inventé plusieurs thèmes de la mythologie nationale, dont « nos ancêtres les Gaulois ». S'il relève plus de l'idéologie que de l'Histoire, il a quand même quelques rapports avec cette dernière, ce qui n'est pas le cas de la Bible, même s'il reste un texte majeur pour l'humanité. Et qui peut considérer, sauf quelques illuminés, l'Ancien Testament comme un titre de propriété ?

Évoquant les droits historiques des juifs sur la Palestine, Maxime Rodinson ironise : « Je ne ferai pas à mes lecteurs l'affront de les croire séduits par cet argument », ou alors — c'est nous qui complétons — on ouvrirait les portes à une guerre de mille ans, notamment en Europe, avec les revendications « historiques » de la Russie sur l'Ukraine, de la Serbie sur le Kosovo, voire de la France sur la partie francophone de la Belgique.

Dans sa préface à un livre que j'avais écrit sur l'histoire de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Rodinson avait illustré l'absurdité d'une revendication reposant sur les mythes développés par les mouvements nationalistes :

Qu'on cherche à s'imaginer les Tsiganes – peuple persécuté depuis des siècles et exterminé en masse par les hitlériens – réclamer un État dans le département des Bouches-du-Rhône où se situe un sanctuaire qu'ils révèrent, celui des Saintes-Maries-de-la-Mer, réaliser leur projet grâce à l'appui des États-Unis et de l'Union soviétique, après s'être constitué une base territoriale en achetant systématiquement des terres, après avoir vaincu militairement les forces françaises s'efforçant de résister. Qu'on pense à la réaction des habitants placés dans une position subordonnée, forcés d'apprendre le tsigane pour avoir une place dans l'État tsigane, poussés autrement à aller s'établir ailleurs (la France est grande, il y a 95 autres départements diraient les apologistes de l'État tsigane) (4).

Le rôle central de Londres

« Il y a un point, un au moins, sur lequel tous s'accordent, argumente ensuite BHL, la colonisation, c'est le vol. Or il n'y eut ni vol ni dol. Les terres acquises par les migrants non moins que par les autochtones juifs ne furent, sauf exception, pas ravies mais achetées. (…) Il n'est pas vrai que les terres constitutives du futur Israël aient été prises par la force ou au mépris de la loi. » Là encore, BHL n'a pas lu Rodinson qui explique comment en Afrique noire comme en Tunisie, l'acquisition des terres par les colons s'opéra le plus souvent légalement. À la veille du plan de partage de la Palestine voté par l'Assemblée générale de l'ONU le 29 novembre 1947, le pourcentage des terres cultivables de Palestine possédées par des Juifs ne représentait que 9 % à 12 % des terres cultivables ; il fallut la création de l'État d'Israël, « le vol et dol » des terres des réfugiés palestiniens, la « judaïsation » des propriétés des Palestiniens citoyens d'Israël pour bouleverser le cadastre. Résultat : à la veille de la guerre de 1967, 72 % des terres aux mains de Juifs israéliens avaient appartenu à des Palestiniens avant 1947 (5).

Ultime pierre du raisonnement de notre philosophe, « qui dit colonialisme dit métropole coloniale. Or la réalité c'est que la métropole, c'est-à-dire, en la circonstance, la Grande-Bretagne, s'opposa de toutes ses forces, ici comme ailleurs, à la dislocation de son empire. … [La naissance d'Israël] est un moment de l'histoire, non des empires, mais de leur dissolution ; et le sionisme n'est pas un impérialisme, mais un anti-impérialisme. » Ce raccourci qui trouverait sa place dans un Mallet et Isaac israélien occulte le rôle central de Londres. À partir de 1922, date du début de leur mandat sur la Palestine, les Britanniques ont encouragé non seulement une émigration massive juive, mais ont aidé le Yichouv — la communauté juive en Palestine — à se constituer en corps séparé, avec ses institutions politiques, sa vie économique reposant sur « le travail juif » et la séparation d'avec les Arabes, et bientôt ses milices armées par les Britanniques. Le Royaume-Uni ne le fit pas par « amour des juifs », nombre de défenseurs du projet sioniste, Lord Balfour en tête, étaient antisémites, mais parce que Londres voyait ces colons européens comme « un poste avancé de la civilisation » et un point d'appui pour la défense de ses intérêts dans la région.

Cette approche se modifia durant la Seconde guerre mondiale, quand le Royaume-Uni dut prendre en compte les demandes de ses commensaux arabes sur lesquels il régnait (Égypte, Transjordanie, Irak). L'utilisation du terrorisme par les groupes sionistes contre des intérêts et des soldats britanniques – qui soulevèrent une véritable indignation dans l'opinion publique du royaume - et la volonté du sionisme de s'appuyer sur les États-Unis élargirent le fossé entre les alliés d'hier. Peut-on parler pour autant d'une guerre de libération sioniste contre l'empire ? Il faudrait alors considérer comme un soulèvement anticolonial la révolte des pieds-noirs d'Algérie contre Paris en 1960-1962, et l'Organisation armée secrète (OAS) comme un mouvement anti-impérialiste. Ou saluer la sécession des Blancs de Rhodésie en 1965 de la tutelle britannique comme un coup porté à l'empire de Sa Majesté. L'engagement d'Israël contre tous les mouvements d'émancipation des peuples du tiers-monde, du Vietnam aux colonies portugaises en passant par l'Amérique latine, a confirmé l'inscription durable de ce pays dans « le camp impérialiste ». Comme l'illustre l'alliance stratégique tissée avec l'Afrique du Sud de l'apartheidà partir de 1948, que poursuivirent tous les gouvernements israéliens de « gauche » comme de droite, allant jusqu'à aider Pretoria dans son programme nucléaire militaire.

On ne conseillera pas à BHL de relire Maxime Rodinson dont le texte dense — même s'il est parfois un peu daté - fait voler en éclat ses piètres démonstrations. En revanche, les lecteurs y trouveront de quoi nourrir leur réflexion à un moment où le caractère colonial du projet sioniste apparaît dans toute son horreur à Gaza.

Notes

1. Zeev Sternhell, Aux origines d'Israël. Entre nationalisme et socialisme, Fayard, 1998.

2. Étienne Cabet, théoricien politique français (1788-1856), voulait construire une cité idéale ; il tenta une expérience au Texas.

3. Alain Ruscio, « Commune(s), communards, question coloniale », Cahiers d'histoire, n° 153, 2022.

4. Préface à Alain Gresh, OLP, histoire et stratégies. Vers l'État palestinien, Spag-Papyrus, 1983.

5. Lire John Ruedy, « Land Aliénation » dans The Transformation of Palestine, sous la direction d'Ibrahim Abu-Lughod, Northwestern University Press, Evanston, 1971.

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La France, tu l’aimes mais tu la quittes. Comment l’islamophobie travaille la société française

28 mai 2024, par Alice Picard, Julien Talpin, Olivier Esteves — , ,
Dans un livre paru récemment au Seuil, Olivier Esteves, Alice Picard et Julien Talpin présentent les résultats d'une enquête sociologique vaste et inédite sur l'exil de (…)

Dans un livre paru récemment au Seuil, Olivier Esteves, Alice Picard et Julien Talpin présentent les résultats d'une enquête sociologique vaste et inédite sur l'exil de Français·es de culture ou de confession musulmane, en réponse aux multiples discriminations et à la stigmatisation quasi-permanente, dans l'espace public, de l'islam et des musulman·es. S'inscrivant dans un champ de recherche en développement, les auteurs·rices nous invitent ainsi, à travers cet ouvrage, à prendre enfin toute la mesure des effets concrets de l'islamophobie sur la vie de millions de personnes vivant en France. Nous vous proposons d'en lire l'introduction.

23 mai 2024 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/islamophobie-discriminations-exil-musulmans-france/

Introduction

Quand vous entrez dans l'amphi, il y a un silence de mort. Alors que quand c'est les autres, on les applaudit, parce que c'est un peu le bazar en médecine en fait, il y a comme un système de bizutage, mais nous, on n'entre pas dans ce délire‑là. On en est même exclues d'office. Voilà… alors qu'on s'en fiche, qu'on soit intégrées ou pas, on s'en fiche. Mais, je sais pas, c'est comme un non‑dit, c'est : “bon elle, elle est voilée, elle ne fait pas partie de notre monde”.

Appelons cette femme Ilham[1]. Installée à Salford près de Manchester au moment où elle nous accorde un entretien en 2021, elle se souvient avec émotion de son passage en faculté de médecine, où elle était la seule à porter un hijab[2]. L'exclusion dont elle témoigne est à la fois liée à ses origines, à sa religion visible dans l'espace public, mais aussi à sa classe sociale. Elle confie en effet qu'en bifurquant ensuite vers des études de sage‑femme, elle a côtoyé un milieu plus hétéro‑ gène, moins marqué par un entre‑soi blanc et bourgeois, et que sa religion est « mieux passée » auprès des étudiantes de sa nouvelle promo.

Elle se souvient tout de même d'un événement traumatique dans son cursus de sage‑femme, lorsqu'un professeur d'anatomie avait exigé qu'elle retire son foulard avant un examen. Elle avait beau avoir soulevé son voile un instant pour montrer qu'elle ne portait pas d'écouteurs dans le but de tricher, le professeur n'avait rien voulu savoir. Ilham a essayé de se défendre, car la demande de l'enseignant n'était pas légale. Mais rien n'y a fait.

Ilham est née et a grandi dans un quartier populaire d'Orléans. Ses parents sont marocains, son père a été ouvrier agricole, puis a travaillé dans le BTP et sa mère s'est occupée de ses sept enfants. Ses études supérieures ont validé sa trajectoire sociale ascendante, mais le port du foulard a donné lieu pour elle à de multiples discriminations, et a fait de son parcours en médecine un épisode douloureux. Elle a décidé de le porter peu après la loi de 2004 interdisant les signes religieux à l'école.

Les controverses précédant la loi et la législation elle‑même ont cristallisé la volonté d'Ilham d'affirmer son islam publiquement, tout en respectant les règles du dévoile‑ ment à l'entrée du lycée : « Le fait d'avoir mis la lumière sur le voile, ça m'a fait réfléchir, oui. J'étais adolescente, j'avais deux amies qui le portaient déjà, et j'ai décidé de le porter. » Avant d'ajouter :

« Le symbole de devoir retirer ce voile avant l'école reste gravé dans ma mémoire parce que, j'utilise des termes un peu forts mais, au début, de devoir retirer son voile devant l'école, c'était un crève‑cœur, on avait l'impression de se trahir. Et de voir les autres nous regarder, ce n'était pas de la curiosité malsaine, les autres se demandaient juste, « mais qu'est‑ce qu'elles font ? C'est trop bizarre ! » »

Son diplôme de sage‑femme en poche, elle postule dans des hôpitaux à Orléans, à Montargis, travaille quelques mois mais les entretiens, souvent, se passent mal. La suspicion qui entoure le port du voile est forte. Un chef de service lui demande d'emblée : « j'espère que vous ne portez pas le voile ! », alors qu'elle garde les cheveux découverts sur le lieu de travail. Dans ce climat délétère, elle essaie de s'ins‑ taller en statut libéral, mais malgré ses efforts n'y parvient pas. Elle « tombe au RSA », est proche de la dépression. Elle rencontre alors son futur mari, un biologiste marocain, qui part faire une thèse de doctorat en Espagne, et qu'elle suit. Installée à Saragosse, elle a l'impression de revivre, son hijab ne posant plus de problème. Elle se dit abasourdie par le contraste entre les deux pays :

« Moi, en Espagne, je me sentais revivre, je l'ai dit à mon mari, “c'est fou ici, on est à la porte de la France. Il n'y a qu'une chaîne de montagnes qui nous sépare, mais c'est une autre mentalité”. »

Comme d'autres, elle sait qu'un autre pays européen, l'Angleterre, est connu pour être, pour « des gens comme nous », un « autre monde ». Elle finit par partir avec son mari à Salford, près de Manchester.

Deux années après son installation, elle raconte :

« Dès qu'on est arrivés, on s'est sentis à l'aise ici, moi je n'étais jamais allée en Angleterre, jamais. Tout ce qu'on m'avait dit sur le pays s'est confirmé ; en tant que musulmans on se sent comme des poissons dans l'eau, clairement. Le fait musulman n'est juste pas un problème ici » (E129)[3].

Elle est en cours de validation de son équivalence de diplôme de sage‑femme, et donne des cours de français, comme son mari donne des cours de biologie. Elle se dit heureuse que ses deux enfants grandissent dans une atmosphère trilingue, avec le français, grâce à elle, l'arabe, grâce à son mari, et l'anglais. Elle sait aussi que ses enfants ne connaîtront pas toutes les vexations qu'elle a subies.

Redouane habite pour sa part à Dubaï depuis 2016. Il se qualifie assez naturellement d'« expatrié ». De fait, il ne partage pas le vécu traumatique d'Ilham. Français d'origine marocaine, il est arrivé en France à l'âge de deux ans. Son père, mécanicien, est décédé quand il était enfant. Sa mère, préparatrice en pharmacie, a alors dû assurer l'éducation des quatre enfants :

« Elle a toujours suivi nos études dès le plus jeune âge ; elle nous a appris qu'il fallait bosser, travailler dur. »

Comme lui, ses frères et sœurs partagent une trajectoire sociale ascendante, grâce à de longues études. Redouane en est pleinement conscient, d'où son profond sentiment de gratitude :

« En France, on a pu grandir, on a pu vivre en sécurité, on a pu manger à notre faim, on a pu étudier, tous étudier sans jamais avoir eu besoin de payer quoi que ce soit. Tout ça, ce sont des choses qu'on n'aurait jamais pu avoir dans notre pays d'origine. »

Redouane a pu intégrer une classe préparatoire scientifique, puis une école d'ingénieur, où il est parvenu à s'imposer dans ce milieu dont il souligne lui aussi le caractère « blanc » et « bourgeois ». Étant musulman, il s'est toujours tenu à dis‑ tance des fêtes alcoolisées. En 2011, il a passé un semestre aux États‑Unis, qui lui a ouvert les yeux sur certaines réalités françaises, notamment sur les manières d'accommoder la religion musulmane :

« Là‑bas, j'ai vu des choses qui m'ont plu et des choses qui m'ont déplu ; et quand je suis rentré en France, j'ai découvert pas mal de choses, que je n'avais pas vues avant, des choses qui tournent pas forcément très rond ; des choses qu'on comprend quand on prend du recul et ça a été, disons, la première phase où j'ai commencé à réfléchir à quitter la France. »

Lors d'un road-trip dans le Golfe, il se pose la question de partir travailler à Dubaï. On est alors en 2016. Il s'informe sur les possibilités de faire un Volontariat inter‑ national en entreprise (VIE), qu'il obtient finalement. Il y rencontre une Marocaine, elle aussi en VIE. Ensemble ils ont un enfant, et semblent épanouis à Dubaï, dont ils louent le respect multiconfessionnel, entre membres d'une élite économique multiculturelle, où il est tout à fait banal de ne pas être autochtone :

« On est 80 % de la population et de fait, quelle que soit sa culture, sa religion, etc., tout est fait pour qu'on se sente à l'aise. Il faut travailler dur, c'est vrai. Il faut s'adapter. Mais comme je l'ai dit, tout est fait pour que ça marche bien. »

Même s'il a conscience de faire partie d'une élite économique, aux conditions de travail et de rémunération radicalement différentes de celles des ouvriers pakistanais ou philippins, Redouane s'épanouit dans un environnement musulman où sa religion n'est pas stigmatisée. Cela passe par des pratiques banales de la vie de tous les jours :

« J'ai ressenti énormément de respect vis‑à‑vis de ça, le genre de choses que je n'aurais jamais imaginées en France. Par exemple, lorsque je travaillais en France, j'allais manger à la cantine. Et il y avait cinq ou six choix différents de viande pour un à deux choix de légumes, dont des frites. Malgré cette diversité, je n'ai jamais demandé à avoir de la viande halal. J'étais à des millénaires, presque, de pouvoir revendiquer ce genre de choses, juste avoir un peu plus de légumes, pour avoir un menu végan ou avoir du poisson, plus de viande et ça m'était refusé, dans les années 2010‑2015. Ici, par contre, c'est le genre de question qu'on ne se pose pas » (E42).

Un récit collectif jamais sollicité

Les vécus, ressentis, comparaisons dont font état Ilham et Redouane sont au cœur de notre enquête, qui s'est déroulée entre 2021 et 2023. Quantitative et qualitative, elle repose sur un matériau original qui permet de comprendre pourquoi des milliers de Françaises et Français décident, sans doute de façon croissante, de quitter leur pays pour, notamment, fuir le racisme. On verra qu'il ne s'agit peut‑être pas de musulmans comme les autres, la grande majorité appartenant à une élite, hautement qualifiée, ayant connu des trajectoires d'ascension sociale. Reste qu'une fuite des cerveaux à la française se produit silencieusement sous nos yeux. Ce livre ambitionne d'en rendre compte.

Jusqu'ici, que des Français et Françaises de culture ou de confession musulmane quittent le pays pour aller vivre et travailler ailleurs n'a guère suscité l'intérêt des politiques, des médias et des universitaires. Quelques articles ont été publiés sur les départs en Angleterre, en Turquie, ou bien à Dubaï[4]. L'émission Les Pieds sur Terre sur France Culture s'est penchée sur la question. Enfin, deux thèses de doctorat ont été consacrées à cette thématique, en élargissant la focale à d'autres origines géographiques. Celle de Jérémy Mandin s'intéresse aux Français et aux Belges d'origine maghrébine installés à Montréal[5]. Celle de Jaafar Alloul observe les mobilités euro‑maghrébines aux Émirats arabes unis et suit la trajectoire de jeunes Hollandais, Français et Belges[6]. On notera au passage que ces thèses ont été sou‑ tenues hors de France.

Alors que la France est le pays européen comptant le plus de personnes de confession musulmane, on recense encore peu de travaux investiguant leur expérience minoritaire ordinaire, permettant aussi de comprendre les trajectoires d'exil et d'expatriation que nous avons cherché à documenter. Que notre objet soit jusqu'alors passé sous les radars médiatiques et politiques a été illustré par la publication, le 13 février 2022, d'un article du New York Times intitulé « Le départ en sourdine des musulmans de France », qui mentionne explicitement notre enquête. Par l'effet de ce que Pierre Bourdieu aurait appelé « la circulation circulaire de l'information », dès la publication de cet article, une quinzaine de médias nationaux – journaux, magazines, radios, chaînes d'info – ont contacté des membres de notre équipe pour en savoir davantage, avec un mélange de curiosité et parfois de suspicion.

La séquence des attentats de 2015‑2016 et plus tard, en 2020, celle qui a vu se succéder le discours des Mureaux d'Emmanuel Macron (2 octobre 2020) sur le « séparatisme », l'assassinat de Samuel Paty deux semaines plus tard (le 16 octobre), puis les restrictions des libertés associatives avec l'adoption de la « loi contre le séparatisme » en août 2021 ont constitué une véritable escalade dans un pays pourtant habitué aux controverses sur l'islam. Si le « problème musulman » a été construit de longue date[7], l'islamophobie (nous reviendrons sur l'usage que nous faisons de ce terme) a connu une forme d'accélération – attestée tant par les chiffres officiels des actes anti‑musulmans que par le ressenti des personnes interrogées – au cours de la dernière décennie. Ce n'est donc pas un hasard si, comme on le verra à l'aide de notre étude quantitative, la fuite des musulman·es français·es s'est accélérée depuis 2015.

Cette exacerbation des stigmatisations a été ressentie à l'université elle‑même. Pour preuve : la séquence polémique autour d'un « islamo‑gauchisme » imaginaire pourtant brandi comme une menace réelle sur « le vivre‑ensemble » par les ministres Jean‑Michel Blanquer et Frédérique Vidal[8]. La vie et le financement des associations n'ont pas été épargnés non plus.

Au‑delà des dissolutions du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), du Collectif contre le racisme et l'islamophobie (CRI) et de Baraka City, les associations musulmanes et leurs alliés ont fait l'objet d'une chasse aux sorcières, marquée par des coupes de subvention, des fermetures de mosquées jugées « séparatistes », des fermetures de comptes en banque et surtout par la disqualification de leurs membres perçus de manière indifférenciée comme « islamistes », « communautaristes » ou « séparatistes », toutes ces mesures contribuant à fragiliser les acteurs les mieux à même de prendre en charge les colères que suscitent les discriminations[9].

La stigmatisation d'un nombre croissant de personnes ou d'associations comme « ennemies de la République » illustre un rétrécissement inquiétant du pluralisme démocratique, où l'invocation mécanique de la « République » et de ses « valeurs » vaut rappel à l'ordre autoritaire et musellement des contestations[10]. Ce livre se penche sur ses conséquences, sur les trajectoires individuelles, les destins familiaux, les corps et les âmes des personnes touchées par cette violence ordinaire.

Dans ce contexte, beaucoup de personnes interrogées ont accueilli avec enthousiasme l'existence même de l'enquête, et la possibilité d'offrir des témoignages illustrant l'ampleur de ce racisme spécifique qu'est l'islamophobie. On peut jauger leur démarche à l'aide de la triade, classique dans les sciences sociales, proposée par l'économiste Albert Hirschman : exit, voice, loyalty. Selon Hirschman, quand un produit ou un service se détériore, le consommateur ou le citoyen peut choisir entre : la loyalty, où il renonce à l'action ; la prise de parole (voice) dans le but de faire connaître son mécontentement et de changer la situation ; ou enfin l'exit, c'est‑à‑dire la défection pure et simple.

On peut arguer dans notre cas qu'après l'exit, matérialisée par le départ de France, beaucoup de personnes interrogées ont eu recours à la prise de parole, voice, en répondant à nos questions, surtout quand ces individus partagent des vécus discriminatoires douloureux[11]. En voici quelques exemples :

Je veux commencer par dire que c'est assez extraordinaire qu'on nous donne la parole (Lamia, Ottawa, qui a quitté la France en 2007, E75).

Merci de faire ce travail parce que ça va aider. J'espère que ça va aider les politiques et, un petit peu, la société française à ouvrir les yeux (Mokhtar, New York, qui a quitté la France en 2012, E122).

Je trouve ça beaucoup plus impactant qu'un bulletin dans une urne. C'est beaucoup plus constructif que de mettre « Macron » pour faire barrage à « Le Pen » au deuxième tour (Sofiane, région de Birmingham, 2021, qui a quitté la France en 2016, E50)

Je trouve que c'est une super initiative de faire ce type d'étude. Les médias et les politiques sont obsédés par les musulmans, mais […] ils sont dans un monde imaginaire, avec leurs idées bien particulières sur ce que c'est les musulmans. Et ils ne comprennent pas la diversité de ce qui nous compose (Assia, Londres, qui a quitté la France en 2013, E137).

Qui sommes-nous ?

Cette attente crée une pression et pose la question de la relation entre enquêteurs et enquêtés, dont on mesure la complexité dans les pages qui suivent. Cette relation a été façonnée par les profils hautement qualifiés de la plupart des personnes interrogées : pour simplifier, des individus aux longs parcours universitaires répondaient aux questions d'autres individus aux parcours universitaires assez analogues, fût‑ce dans des disciplines différentes. Sans oublier que plusieurs membres de l'équipe ont accumulé, depuis des années, des séjours plus ou moins longs et répétés dans des pays anglophones qui sont des lieux de résidence des personnes enquêtées : Grande‑Bretagne, Canada, États‑Unis, Irlande, principalement.

Ainsi, régulièrement, selon les différences d'âge, de parcours personnel ou d'identité ethno‑raciale, les personnes interrogées basculaient spontanément d'un « vous » à un « tu »[12]. Sans que cela crée de connivences, ces similitudes facilitent la compréhension de situations vécues, des situations qui, de France, sont réifiées par des politiques et médias toujours avides de dichotomies faciles entre « les Anglo‑Saxons et nous »[13].

Encore plus centrale est la question de notre identité en tant que non‑musulmans pour coordonner cette enquête. Sans que nous ayons abordé le sujet d'emblée, il paraissait souvent préférable aux yeux des personnes rencontrées que ce travail soit mené par des non‑musulmans, condition à leurs yeux d'une plus grande légitimité des résultats produits. Car le fait est que la plupart des membres de notre équipe ne sont pas issus du groupe minoritaire faisant l'objet de cet ouvrage. Se pose donc pleinement la question de la « positionnalité », que Silyane Larcher envisage ainsi, en s'inspirant notamment d'un article important de Donna Haraway[14] sur la connaissance située (situated knowledge) :

« La positionnalité ne désigne pas le point de vue d'une identité essentialisée, sorte de posture figée, mais plutôt la perspective socialement et historiquement déterminée, donc changeante, à partir de laquelle le sujet de connaissance regarde le monde social et est en même temps façonné par lui. »[15]

L'écriture de cet ouvrage par des personnes subissant racisme et islamophobie au sein de la société française aurait peut‑être permis aux lecteurs de se faire une meilleure idée des expériences dont il sera question dans les pages qui suivent, ou de s'y retrouver plus fidèlement s'ils les partagent. Diverses raisons expliquent cette quasi‑absence de musulmans dans l'équipe à l'origine de ce livre. Tout d'abord, une présomption de partialité voire de militantisme pèse sou‑ vent sur les chercheurs et chercheuses qui travaillent sur un groupe auquel on estime qu'ils et elles appartiennent[16].

Cette question avait déjà été explorée par la chercheuse Philomena Essed au début des années 1990, à travers la figure de la Black angry woman aux États‑Unis[17], une critique qui n'épargne pas le travail des universitaires issus de minorités, sur lesquels pèsent, pour citer Audrey Célestine, des « soupçons d'être “trop près de leur objet” ou “trop concernés” »[18]. De fait, la nécessaire « neutralité axiologique » à laquelle invite le sociologue Max Weber[19] est souvent mal comprise. Elle est souvent caricaturée en une injonction à une neutralité de façade qui reviendrait à prétendre, lorsqu'on est universitaire, qu'on est capable de s'extraire du social, des rapports de force qui le traversent et le structurent.

Travailler sur ce qui n'est pas soi n'abolit pas la position sociale que l'on occupe et à partir de laquelle on porte un regard sur le monde social. Il n'existe pas de regard neutre, ce qui n'empêche pas d'objectiver les phénomènes sociaux. En second lieu, et plus concrètement, l'université française demeure un espace très majoritairement blanc où les personnes racisées sont largement sous‑représentées[20]. Enfin, les coûts sont réels dans une carrière universitaire lorsqu'on s'investit dans un projet jugé politiquement inflammable et entouré de soupçons.

Des collègues au statut précaire – qui sont de plus en plus nombreux, surtout en sciences sociales – prennent un risque en s'associant à ce type de projet. Dans ce contexte, ce n'est pas un hasard si un chercheur comme Abdellali Hajjat est désormais professeur de sociologie à l'Université libre de Bruxelles, expatriation universitaire qu'il a justifiée par les « grandes difficultés » qu'il a connues en France pour « mener un travail serein sur la question de l'islamophobie »[21].

Collectivement, nous pensons en outre que la charge raciale qui pèse sur la composante musulmane de la société française ne doit pas reposer sur ce seul groupe. Maboula Soumahoro définit cette « charge raciale », notion inspirée du pionnier de la sociologie américaine W. E. B. Du Bois (1868‑1963), comme la « tâche épuisante d'expliquer, de traduire, de rendre intelligibles les situations violentes, discriminantes ou racistes »[22] auprès du groupe majoritaire dans la société. Nous proposons modestement de partager cette charge raciale. Il nous semble également que notre ouvrage en dit au moins autant sur la France que sur les personnes interrogées, leurs trajectoires, leur identité ou leur foi. Or nous faisons partie de cette société et c'est donc aussi sur nous‑mêmes que nous avons travaillé.

Qu'on nous permette de faire un pas de côté pour mieux saisir ce qui se joue ici, en nous inspirant de l'expérience de l'historien canadien John Milloy. Auteur d'un ouvrage de référence sur les pensionnats (residential schools) imposés aux enfants des peuples autochtones jusque dans les années 1990 au Canada, et dont l'histoire tragique a suscité un traumatisme national, il insiste à la fin de son introduction sur le fait que son livre est « une histoire écrite par un non‑Aborigène, quelqu'un qui n'a jamais été envoyé de force dans un pensionnat », quelqu'un qui « n'a jamais ressenti le racisme ou dû subir le dénigrement de sa propre identité », mais que, en réalité, son ouvrage en dit davantage sur son propre pays que sur les peuples premiers du Canada.

Pour étayer son propos, Milloy précise qu'en 1965, lors d'auditions par le Bureau des affaires indiennes, un ancien élève d'un pensionnat appartenant à la nation Mohawk exprima « une vraie réticence » à témoigner, parce que, selon lui, « pour être honnête, cette histoire, ce n'est pas celle de mon peuple, mais c'est plutôt la vôtre »[23].

Islamophobie, une notion militante ?

Dans son ouvrage Why Race Still Matters (« Pourquoi la race est toujours d'actualité »), la théoricienne australienne Alana Lentin met en question la manière dont le racisme est défini, et surtout par qui. Elle note que ce sont toujours les élites politiques et médiatiques, qui dans leur majorité n'en souffrent pas, qui jouissent du pouvoir de définition officielle du racisme, tandis que ses victimes ont peu voix au chapitre dans l'espace public sur la nature des discriminations qu'elles subissent[24].

Notre enquête illustre la validité de cette thèse : alors qu'en France une bonne partie des élites politiques, au nom d'un universalisme abstrait, nie l'existence de cette forme majeure et spécifique de racisme, les premiers concernés utilisent le terme « islamophobie » de manière banale, à la mesure de la banalisation de ce racisme dans notre pays. Comme le dit Lila, qui travaille aujourd'hui dans la finance à Singapour après avoir quitté un emploi rémunérateur en France du fait d'une atmosphère devenue trop pesante :

« c'est clairement de l'islamophobie. Quand on a une discrimination envers une religion, c'est sûr, c'est du racisme. Et celui‑ci, plus particulièrement, s'appelle de l'islamophobie. Comment vous voulez appeler ça, vous ? » (E23).

On notera aussi que les rares personnes n'ayant pas fait d'études supérieures parmi notre échantillon l'utilisent tout autant que celles qui sont passées par les bancs de Sciences Po Paris ou l'École Centrale.

Nous entendons par islamophobie la stigmatisation de l'islam et des musulmans et ses conséquences concrètes : discriminations, micro‑agressions[25], violences verbales et physiques. À ce titre, et alors que le débat public s'est beaucoup concentré sur cette question ces dernières années, l'islamophobie ne relève pas de la « peur » de l'islam, et encore moins de la possibilité ou non de critiquer cette religion, pas plus que l'homophobie ne renvoie à la seule peur des homosexuels, mais à l'ensemble des actes discriminatoires ou violents qui les ciblent.

Le concept d'islamophobie est aujourd'hui reconnu par les sciences sociales à l'échelle internationale et mobilisé par de très nombreuses institutions nationales et internationales[26]. Les querelles sémantiques qu'il déchaîne en France paraissent donc exceptionnelles, et contribuent peut‑être à détourner l'attention des conséquences réelles de ce problème. Sans fétichiser le terme – au fond, « racisme anti‑musulman » est équivalent – il mérite peut‑être d'autant plus d'être conservé qu'il est attaqué et que son abandon ou son évitement reviendraient à délégitimer l'usage ordinaire dont nos entretiens témoignent.

Des mobilités internationales à part ?

D'autres concepts qu'« islamophobie » nous ont causé bien davantage de problèmes, à commencer par la manière de nommer ces musulmans français partis vivre à l'étranger. Est‑ce que ce sont des personnes émigrées, exilées, expatriées, et quel est le degré de porosité des situations auxquelles renvoient ces termes ?

La mobilisation de ces notions par les personnes interrogées est elle‑même assez hésitante. Ainsi, Monia, ingénieure installée à Düsseldorf depuis cinq ans au moment de l'entretien, est dubitative sur la pertinence du terme « expatriée » dans son propre cas. Assez politisée, elle souligne la dimension post‑coloniale du terme d'« expat » :

« Les “expats”, c'est un peu les cadres sup blancs après école d'ingé qui partent à l'étranger. […] Pour moi le mot “expat” je l'utilise de manière presque ironique. Fondamentalement, c'est de l'immigration, mais on aime bien faire une différence entre les expatriés et les immigrés » (E12).

Même hésitation sur le qualificatif d'expatrié pour Mourad, inscrit en thèse à Montréal depuis 2020 :

« Donc, quand je suis venu à Montréal, je me considérais comme… non pas un expatrié parce que j'ai l'impression qu'expatrié ça fait très référence à une migration liée à l'emploi, alors que dans notre cas, c'était plus lié aux études [réfléchit] Pour moi ce serait plus “Français de l'étranger”, mais honnêtement je n'ai pas de terme exact » (E16).

Le constat qu'aucun terme ne correspond parfaitement à sa situation est partagé par Charles, résident à Dubaï depuis 2015, converti depuis 2012 et diplômé d'une école de commerce toulousaine :

Je me dis : est‑ce que je me considère comme un expat ? Pour moi, un expat, c'est quelqu'un qui vient ici pour ramasser de l'argent et puis repartir en France. C'est pas moi, ce n'est pas mon délire. En fait, je suis plus… Est‑ce que je peux me considérer comme un immigré ici, parce que je ne pourrai jamais devenir un Émirati et je ne pourrai jamais vraiment m'intégrer à cette société ? Donc, en fait, je ne sais pas si je suis un expat. Je suis un immigré, et je n'ai pas l'intention de rentrer en France (E62).

Lamia, ingénieure d'origine syrienne installée depuis 2007 à Ottawa, récuse sans ambages le terme : « Expatriée, c'est vraiment quelqu'un qui a choisi de le faire, moi je pense que j'ai été un peu poussée à la porte » (E75). Certaines personnes, les plus attachées à leur religion, notamment des femmes coiffées d'un hijab partageant un vécu traumatique en France, se vivent d'une certaine manière comme des « réfugiées de la laïcité », en tant que celle‑ci prend la forme d'une « laïcité d'interdiction ».

La complexité des parcours personnels donc, dépendant surtout de l'importance du vécu discriminatoire en France, peut faire opter pour « exilé » plutôt qu'« expatrié ». Pour donner un exemple mentionné plus haut, Ilham nous semble correspondre à un profil d'exilée en Angleterre (Salford), alors qu'on classerait plus aisément Redouane parmi les « expatriés » à Dubaï. La frontière entre les deux, tout comme les motivations au départ, est souvent ambiguë, plusieurs raisons, professionnelles et économiques, mais aussi politiques, étant imbriquées.

Malgré les réticences exprimées dans ces extraits d'entretiens, les termes d'« expatrié » et d'« expatriation » restent les plus communément utilisés par les personnes interrogées, notamment celles qui exercent les métiers les plus rémunérateurs et paraissent les moins politisées. Ce n'est pas un hasard si le groupe Facebook des francophones musulmans au Royaume‑Uni produit un guide « du musulman expatrié » dans le pays, où l'on trouve, en 129 pages, neuf occurrences du terme « expatriation », et trois de celui « expatriés ».

D'une certaine manière, la mobilisation de ce vocabulaire est une façon de banaliser l'ascension sociale à l'étranger, d'inclure les Français et les Françaises de confession musulmane dans le groupe plus vaste des expatriés. Cela n'empêche pas que ces termes eux‑mêmes sont inappropriés, principalement d'ailleurs parce que l'expatriation présuppose un retour au pays. Or, nous le verrons, les personnes interrogées, dans leur grande majorité, ne souhaitent pas revenir en France.

Le terme de « diaspora », adopté en sous‑titre de notre livre, peut finalement s'avérer utile pour appréhender notre objet d'étude pris dans sa globalité, au‑delà des trajectoires individuelles. La littérature en sciences sociales a repris et étendu la notion de diaspora, historiquement dédiée à la dissémination du peuple juif dans le monde, pour décrire les mouvements transnationaux dans un contexte de mondialisation où se complexifient des réseaux de solidarités par‑delà les frontières nationales. « Diaspora » est également précieux puisqu'il permet à la fois de désigner un type de phénomène, une condition sociale et un processus d'affinités transnationales[27]. Ce sont des éléments sur lesquels nous reviendrons au chapitre 5.

Notre titre

Le titre de cet ouvrage et du projet de recherche dont il est l'aboutissement a fait l'objet d'âpres discussions, sur lesquelles nous souhaitons revenir brièvement. D'emblée, il peut sembler provocateur. Il reprend, pour le détourner, un slogan de la droite radicale française utilisé notamment en 2006‑2007[28], slogan lui‑même inspiré de la révolution conservatrice sous Nixon (America, you love it or leave it !)[29], mais en transformant « La France, tu l'aimes ou tu la quittes » en un « La France tu l'aimes mais tu la quittes ».

Le simple passage d'une conjonction de coordination (« ou ») à une autre (« mais ») permet au groupe stigmatisé de se réapproprier politique‑ ment une alternative perverse, dans laquelle une partie de la population française est publiquement soupçonnée de ne pas aimer assez, ou de ne pas aimer « comme il faut », son propre pays. Ce titre exprime bien le tiraillement de nombreuses personnes interrogées et leur identification paradoxale à la France, dans laquelle les sentiments de reconnaissance, de gratitude, de nostalgie vis‑à‑vis des amis et de la famille laissés derrière elles se mêlent à l'amertume, le ressentiment et l'hostilité vis‑à‑vis des élites politiques et médiatiques de leur pays.

Le sentiment paradoxal qui consiste « à aimer mais à quitter » a déjà été évoqué par Marwan Muhammad, fondateur du CCIF en conclusion de son ouvrage Nous (aussi) sommes la Nation[30], ainsi que par le journaliste Claude Askolovitch[31]. Il a aussi été souligné par un de nos enquêtés, Ali, qui habite à Alger et y travaille pour la même grande entreprise française qui l'employait en France. Dans un post intitulé « La France, elle m'aime ou je la quitte », publié sur le site LinkedIn en août 2018, il donne des détails sur sa décision de partir.

Les éléments qu'il fournit entrent en résonance avec de nombreux entretiens que nous avons menés. En outre, il rappelle le déferlement de haine dont il a été victime après sa publication, l'extrême agressivité de Génération identitaire, Riposte laïque, le Printemps républicain qui l'ont harcelé en ligne (E56). Il évoque également les nombreux soutiens qu'il a reçus de la part de personnes qui se sont reconnues dans son expérience, qu'elles envisagent ou non de quitter la France, comme lui.

Dans son texte, Ali se présente comme un jeune diplômé d'une école d'ingénieur en hautes technologies qui, « après des semaines de doutes, des mois de réflexion, des années de mal‑être, de tensions intérieures et de frustration », a pris une décision forte : « quitter mon pays, la France, pour d'autres horizons ». Puis il décrit de manière assez clinique et dépassionnée pourquoi l'atmosphère lui est devenue irrespirable :

« Ce sentiment s'est aggravé année après année jusqu'à en devenir insupportable aujourd'hui. Le sentiment de ne pas me sentir considéré comme un citoyen lambda. D'avoir droit à des traitements, des réactions, des regards, qui me mettent mal à l'aise et créent une atmosphère pesante dans laquelle j'étouffe. »

Il en veut « énormément aux médias et aux politiques de ce pays, qui jour après jour, entretiennent les divisions entre citoyens », avant de s'en prendre nommément à des figures médiatiques et politiques de l'islamophobie hexagonale. Il pose également la question :

Dois‑je avoir honte de dire que le Canada, pour y avoir vécu six mois, est le pays où je me suis le plus senti chez moi, le mieux accepté tel que j'étais ? Devant la France, pays où j'ai grandi, devant l'Algérie et l'Italie, pays de mes grands‑parents ? Que cette expérience m'a permis de prendre conscience que le mal-être que je ressentais jusque‑là en France n'était pas une fatalité, et que je pouvais probablement être plus épanoui au‑delà de ses frontières ?

Ces interrogations constituent l'essence même de notre ouvrage, dans lequel des gens comme Ali expriment leur sentiment d'injustice, leur mal‑être en France, leur sérénité (re)trouvée dans un pays dont beaucoup ne connaissaient presque rien au départ, leurs craintes également pour leurs proches restés au pays. Nous avons choisi de les suivre dans leur cheminement de façon chronologique, depuis leurs socialisations initiales en France, jusqu'à leur décision de partir, dans ses motivations immédiates et profondes, ses conditions pratiques et sa réalisation (choix du pays, premiers pas à l'arrivée, nouvel enracinement réel ou envisagé).

Nous finissons par le regard et le rapport pratique et symbolique que les personnes que nous avons rencontrées entretiennent désormais avec la France. On verra qu'elles évoquent souvent leur relation complexe d'attraction/répulsion vis‑à‑vis d'un pays où la grande majorité est née, selon qu'elles convoquent le souvenir de grandes figures nationales d'émancipation, de la littérature, de la culture populaire hexagonale dans laquelle elles ont baigné, ou, au contraire, qu'elles se souviennent du défilé d'éditorialistes sur CNews et de l'accumulation de polémiques depuis la première affaire du voile de Creil en 1989 jusqu'aux dernières sur le port de l'abaya dans les écoles en 2023, soit presque trente‑cinq ans plus tard.

*
Notes

[1] Tous les prénoms utilisés dans cette enquête ont été modifiés, en respectant leur consonance originelle. C'est pourquoi on a conservé, pour la version « pseudonymisée », soit une consonance manifestant l'appar‑ tenance confessionnelle et/ou ethnique (Mohammed, Karima), soit une consonance qui l'efface (Adam, Sofia), selon le prénom d'usage des per‑ sonnes interrogées. Ces choix de prénoms par les parents ne sont pas anodins, on le verra, ils reflètent l'intériorisation, par ces derniers, du fait que choisir certains prénoms qui sonnent « trop arabes » ou « trop musulmans » aurait des incidences négatives pour leur enfant, par exemple sur le marché du travail.

[2] Nous utilisons indifféremment « hijab », « foulard » ou « voile » dans cet ouvrage, et l'utilisons avec la voix active (« femme qui porte un foulard »), jamais à la voix passive (« femme voilée »). Ceci véhiculerait l'idée d'une absence de choix, d'une forme de soumission, qui ne corres‑ pond pas du tout à l'expérience des femmes interrogées.

[3] (E129) correspond à notre entretien n° 129. Pour une présentation succincte de chaque entretien (principales données socio‑démographiques de chaque enquêté·e), nous renvoyons à notre site Internet : https://love‑ leave.hypotheses.org/

[4] Entre autres : « “En France, j'avais le cul entre deux chaises” : Dubaï, terre promise pour les enfants d'immigrés », Le Parisien, 28 mars 2021 ; « Ces musulmanes portant le voile qui quittent la France pour trouver du travail en Angleterre », Slate, 30 novembre 2020 ; « Comment la Turquie courtise les Français musulmans », La Croix, 21 octobre 2020.

[5] Jérémy Mandin, « Leaving Europe : Emigration, aspirations and pathways of incorporation of Maghrebi French and Belgians in Montréal », CEDEM / Université de Liège, soutenue le 19 mars 2021, sous la direc‑ tion de Marco Martiniello.

[6] Jaafar Alloul, « Leaving Europe, Navigating Access : Status Migra‑ tion, Traveling Habitus, and Racial Capital in Euro‑Maghrebi Mobilities to the United Arab Emirates », soutenue le 02 juillet 2021 à l'Université de Louvain.

[7] Thomas Deltombe, L'Islam imaginaire. La construction médiatique de l'islamophobie en France, 1975-2005, Paris, La Découverte, 2007.

[8] Olivier Esteves, « Cartographier la vague réactionnaire dans les universités françaises », Médiapart, 14 février 2022 ; Michèle Zancarini‑ Fournel et Claude Gautier, De la défense des savoirs critiques. Quand le pouvoir s'en prend à l'autonomie de la recherche, Paris, La Découverte, 2022.

[9] Sur le sujet : Observatoire des libertés associatives, « Une nouvelle chasse aux sorcières », Enquête sur la répression des associations dans le cadre de la lutte contre l'islamisme, 2022 ; Julien Talpin, Bâillonner les quartiers. Comment le pouvoir réprime les mobilisations populaires, Ronchin, Les Étaques, 2020.

[10] Voir Haouès Seniguer, La République autoritaire. Islam de France et illusion républicaine (2015-2022), Bordeaux, Le Bord de l'eau, 2023.

[11] Albert Hirschman, Exit, Voice, and Loyalty : Responses to Decline in Firms, Organizations, and States, Cambridge (Mass.), Havard University Press, 1970.

[12] Sans oublier que pour les personnes installées à Montréal, Bruxelles ou Genève, le sens du vouvoiement et du tutoiement n'est pas le même qu'en France.

[13] Sur les problèmes inhérents à l'expression « pays anglo‑saxons » : Émile Chabal, A Divided Republic. Nation, State and Citizenship in Contemporary France, Cambridge, Cambridge University Press, 2016.

[14] Donna Haraway, « Situated Knowledges : The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies, vol. 14, n° 3, 1988, p. 575‑599.

[15] Dossier coordonné par Silyane Larcher, « Positionnalités des cher‑ cheur.e.s minoritaires », Raisons politiques, vol. 1, n° 89, 2023, p. 5‑24 (ici, p. 13).

[16] Delphine Naudier et Maud Simonet (dir.), Des sociologues sans qualités ?, Paris, La Découverte, coll. « Recherches », 2011.

[17] Philomena Essed, Understanding Everyday Racism : An Interdisciplinary Theory, Londres, Sage, 1991, p. 7.

[18] Cité dans Audrey Célestine, Une famille française. Des Antilles à Dunkerque en passant par l'Algérie, Paris, Textuel, 2018, p. 138‑139.

[19] Max Weber, Le savant et le Politique, 1919.

[20] Abdellali Hajjat, « Islamophobia and French Academia », Current Sociology, vol. 69, n° 5, 2021, p. 621‑640.

[21] Abdellali Hajjat revient sur son départ de France à l'occasion d'une controverse avec Nathalie Heinich dans l'émission Le Temps du débat (France Culture), https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le‑temps‑du‑debat/ le‑militantisme‑a‑l‑universite‑pose‑t‑il‑probleme‑9722930.

[22] Maboula Soumahoro, Le Triangle et l'Hexagone, Paris, La Découverte, 2020, p. 135.

[23] John S. Milloy, A National Crime : The Canadian Government and the residential School System, 1879 to 1986, Winnipeg, University of Manotiba Press, 2017 [1999], p. XLI, [notre traduction].

[24] Alana Lentin, Why Race Still Matters, Cambridge, Polity Press, 2020, p. 14 et p. 58‑59.

[25] Une micro‑agression peut se définir comme une parole, un geste, un comportement vécu comme hostile par un ou des membres d'un groupe minoritaire, souvent stigmatisé. D'apparence banale, la micro‑agression est perçue comme hostile même si elle ne provient pas nécessairement d'une volonté de blesser. Souvent, les micro‑agressions procèdent par accumulation : c'est leur multiplication qui est considérée comme intolérable.

[26] Sur le sujet : Houda Asal, « Islamophobie : la fabrique d'un nouveau concept. État des lieux de la recherche », Sociologie, vol. 5, n° 1, 2014, p. 13‑29.

[27] Voir Floya Anthias, « Evaluating “Diaspora” : Beyond Ethnicity ? », Sociology, vol. 32, n° 3, 1998, p. 557‑580 ; et plus généralement, Arjun Appa‑ durai, Modernity at Large : Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1996.

[28] « M. Sarkozy veut ravir ses électeurs au FN et au MPF », Le Monde, 23 avril 2006.

[29] Voir Romain Huret, De l'Amérique ordinaire à l'État secret. Le cas Nixon, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.

[30] Marwan Muhammad, Nous (aussi) sommes la Nation. Pourquoi il faut lutter contre l'islamophobie, Paris, La Découverte, 2017, p. 232.

[31] Claude Askolovitch, Nos mal-aimés. Ces musulmans dont la France ne veut pas, Paris, Grasset, 2013, p. 120‑121.

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Le tribunal sikh – Les systèmes judiciaires parallèles sont un danger pour les femmes

Les porte-paroles de la Cour sikhe la décrivent comme un mécanisme alternatif de résolution des conflits (ADR) fonctionnant dans le cadre des dispositions de la loi sur (…)

Les porte-paroles de la Cour sikhe la décrivent comme un mécanisme alternatif de résolution des conflits (ADR) fonctionnant dans le cadre des dispositions de la loi sur l'arbitrage de 1996. Ils s'attendent à ce qu'il traite principalement des questions familiales et des conflits liés aux gurdwara. Ils ont fait allusion à trois objectifs principaux préserver l'intégrité des mariages et des familles sikhs et réduire les taux de divorce réduire les frais de justice en facturant un montant minimal et en garantissant une résolution rapide des conflits aider les sikhs à éviter les retards dans le système judiciaire civil.

Ces actions sont présentées comme une forme de seva (service désintéressé) qui améliorera l'accès à la justice pour les Sikhs au Royaume-Uni.

Depuis plusieurs décennies, Southall Black Sisters (SBS), One Law for All et d'autres organisations au Royaume-Uni ont mis en évidence la manière dont les organismes religieux sapent et entravent activement l'accès à la justice et violent les droits des femmes minorisées, des enfants et des minorités religieuses au sein de ces communautés. C'est notamment le cas des victimes de violences domestiques et d'abus sexuels qui subissent des pressions constantes pour servir de médiateurs avec des partenaires violents et abusifs et des familles élargies, ainsi que pour céder aux demandes de droit de visite des enfants, même lorsque cela met en péril leur sécurité et le bien-être de leurs enfants. À ce jour, rien ne prouve que les institutions religieuses ont agi dans l'intérêt des plus vulnérables de nos communautés, quelque soit le nombre de femmes impliquées dans le fonctionnement de ces institutions. En revanche, il existe de nombreuses preuves qu'elles ont renforcé le pouvoir et le contrôle des maris, des membres masculins de la famille et des belles-mères, et qu'elles ont violé les droits des êtres humains.

En outre, les EIM religieux au Royaume-Uni ont été fondés par des hommes ayant une vision étroite, conservatrice et/ou fondamentaliste des femmes, du mariage et de la cellule familiale. Il s'agit de projets politico-religieux profondément investis dans l'institution du mariage et les structures familiales patriarcales et liés à des projets politiques plus vastes sur l'autonomie de la communauté. Rien ne prouve qu'il s'agisse d'agences apolitiques et bienveillantes motivées par la justice sociale et l'égalité. En effet, les exemples donnés par les porte-parole de The Sikh Court équivalent à un soutien au contrôle coercitif, à une atteinte significative à l'autonomie des femmes et au droit à la liberté de religion. Dans un exemple, la raison du divorce d'une femme sikhe est présentée comme une réaction mesquine au fait que son mari ne lavait pas ses propres sous-vêtements, alors qu'il s'avère que la femme luttait contre la présence autoritaire de sa belle-mère. Dans un autre exemple, une femme est critiquée pour avoir coupé ses cheveux et ceux de son fils, alors que les « droits religieux » de son ex-mari sont défendus.

Le SBS a présenté au gouvernement et à la Law Society des observations fondées sur des preuves. Ces soumissions citent une série d'exemples de cas (musulmans, hindous, sikhs et juifs) sur les pratiques discriminatoires des organismes d'arbitrage religieux qui instituent effectivement des systèmes juridiques parallèles sur les familles au sein des communautés minoritaires. Bien qu'il ait tenté de prendre ses distances avec le tribunal d'arbitrage musulman et les conseils de la charia en raison des critiques largement répandues à l'encontre de ces organismes, le tribunal sikh n'est pas différent dans ses objectifs.

Bien que les représentants du tribunal sikh affirment qu'ils ne sont pas un tribunal religieux parce qu'ils s'en remettent à l'Akal Takht d'Amritsar pour les jugements religieux, ils fonctionneront sur la base de « principes sikhs » instables qui sont eux-mêmes ouverts à l'interprétation et au débat. Ils revendiquent « l'égalité » et « l'intégrité » comme principes clés, mais si c'est le cas, pourquoi ne pas concentrer l'énergie sur la garantie que le système juridique britannique respecte ces principes ? Plus inquiétant encore, s'il ne s'agit pas d'un tribunal religieux, pourquoi ses membres ont-ils prêté serment d'allégeance au Panj Pyare et à l'Akal Takht, un édifice politico-religieux du Pendjab qui exerce une influence considérable sur les Pendjabis du monde entier.

Les conservateurs religieux cherchent à imposer leurs projets politiques et leur version particulière de la religion par le biais d'une série de voies juridiques, de projets éducatifs et de services d'aide sociale. Les SBS ont documenté la manière dont ils ont capitalisé sur les failles de la politique gouvernementale et sur le rétrécissement de l'État-providence, y compris les dispositions d'aide juridique sévèrement restreintes et une pression croissante sur le système judiciaire séculier, pour accroître leur propre capacité et légitimité à gouverner et à contrôler la vie des communautés minoritaires. En fait, le rapport du sommet sikh qui accompagne cette évolution présente précisément un plan d'autonomie élargie des communautés sikhes au Royaume-Uni. Les sikhs de Grande-Bretagne ne sont pas homogènes, mais une seule version du sikhisme est au cœur de ces initiatives. Cela conduira invariablement à l'institutionnalisation et au privilège de cette seule interprétation du sikhisme et donnera lieu à de nouvelles accusations de blasphème et d'apostasie contre ceux qui remettent en cause leur interprétation et leur autorité sur les sikhs du Royaume-Uni.

Nous, soussigné·es, appelons nos communautés et nos organismes publics à

* Renoncer à la nécessité d'un tribunal sikh et de tout autre tribunal religieux.

* Reconnaître que les organismes religieux pratiquent la discrimination à l'égard des femmes et des enfants.

* Exiger une loi unique pour toutes et tous.

* unir nos forces avec d'autres pour faire pression sur le gouvernement et sur les tribunaux civils et pénaux laïques existants afin de garantir que chacun ait accès à une bonne représentation et à une aide juridique et qu'il puisse faire valoir ses droits dans le cadre d'un système juridique laïque.

* Demander au gouvernement de ne pas autoriser l'utilisation de la loi sur l'arbitrage dans les affaires familiales, car cela constitue une discrimination à l'égard des femmes et des jeunes filles.

Les chefs religieux ne parlent pas en notre nom ! Une seule loi pour tous !

Signataires :
Southall Black Sisters (SBS)
One Law for All
Council of Ex-Muslims of Britain
Dr Sukhwant Dhaliwal
Professor Ravi K. Thiara
Professor Aisha K. Gill
Gurpreet Kaur Bhatti, Playwright
Professor Avtar Brah
Professor Virinder S. Kalra
Kiranjit Ahluwalia
Professor Kiran Kaur Sunar
Dr Permala Sehmar
Dr Sunny Dhillon
Baljit Banga
Yasmin Rehman
Rights of Women
Mandip Ghai, Solicitor
Juno Women's Aid
Women's Aid Federation of England
Anah Project
Advocacy After Fatal Domestic Abuse (AAFDA)
Respect
Kurdish and Middle Eastern Women's Organisation
IDAS (Independent Domestic Abuse Services)
Middle Eastern Women and Society Organisation (MEWSO)
Laïques Sans Frontières (LSF)
Professor Sundari Anitha
Professor Geetanjali Gangoli
Dr Fiona Vera-Gray
Jo Lovett, Researcher
Dr Maria Garner, Researcher
Dr Nikki Rutter
Professor Catherine Donovan
Pratibha Parmar, Filmmaker
Rana Ahmad, Atheist Refugee Relief Founder
Jayne Egerton, Broadcast Journalist
Mandana Hendessi, Author
Alice Bondi
Ibtissame Betty Lachgar, Alternative Movement for Individual Liberties (M.A.L.I.) Morocco
Annie Laurie Gaylor, Freedom From Religion Foundation Co-President
Dr Rose Rickford
Mariam Oyiza Aliyu, LETSAI NGO
Nadia El Fani, Filmmaker
Ahlam Akram, BASIRA British Arabs Supporting Universal Women's Rights
Dr Savin Bapir-Tardy
Paminder Parbha
Cinzia Sciuto, MicroMega
Maryam Namazie, Campaigner
Atieh Niknafs, Anti Theist Activist
Secularism Is A Women's Issue (SIAWI)
Marieme Helie Lucas, Campaigner
Professor Purna Sen

Dr Christophe Clesse
Professor Anna Seymour
Dr Windy Grendele

Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Sénégal : Gouvernance masculine, démocratie bafouée

Le remplacement du ministère de la Femme par celui de la Famille est une régression. Aucun secteur n'échappe à la compétence, l'expérience et le dévouement des femmes Tiré (…)

Le remplacement du ministère de la Femme par celui de la Famille est une régression. Aucun secteur n'échappe à la compétence, l'expérience et le dévouement des femmes

Tiré de Entre les lignes et les mots

Collectif des citoyen.ne.s pour le respect et la préservation des droits des femmes

Alors que le Sénégal s'est positionné comme pionnier de l'égalité de genre en Afrique, la nomination des membres du gouvernement laisse les organisations féminines circonspectes. Seulement 4 emmes sur 34 postes, une disproportion qui appelle des mesures correctrices selon un collectif des citoyen.ne.s pour le respect et la préservation des droits des femmes dont nous publions la déclaration ci-dessous :

« De la nécessité d'inclure les femmes dans les instances de prise de décision pour une gouvernance véritablement démocratique !

Nous avons accueilli avec une grande satisfaction l'élection du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye. L'espoir fondé en ce président est à la hauteur de la rupture prônée.

Nous tenons aussi à rappeler le combat des femmes pour la tenue d'une élection présidentielle apaisée dans le respect du calendrier républicain. C'est au nom de ce même combat, en tant qu'organisations, personnalités indépendantes, et collectif de citoyen.ne.s soucieux du respect et de la préservation des droits des femmes, que nous alertons sur la nécessité d'une gouvernance démocratique inclusive avec une représentativité substantielle des femmes aux sphères de décisions publiques. La liste des membres du premier gouvernement, parue ce 5 avril 2024, laisse très peu de place aux femmes. Sur 25 ministres, 5 secrétaires d'État, et 4 membres du cabinet du chef d'État, soit 34 postes, seules quatre femmes sont présentes. Cette inqualifiable sous-représentation induit une perte intolérable d'intelligences et de visions que seuls le pluralisme et l'inclusion permettent de garantir. Il n'y a aucun secteur dans lequel on ne trouve des femmes qui allient compétence, expérience et dévouement de premier ordre.

Cette disproportion est d'autant plus regrettable que c'est le Sénégal qui, dès 2004, a proposé à la Conférence des chefs d'État et de gouvernement de l'Union Africaine, l'adoption d'une Déclaration solennelle pour l'égalité de genre en Afrique, posant ainsi les jalons vers une Commission de l'Union africaine (CUA) paritaire pour ne citer que cet exemple. De plus, l'article 7 de notre Constitution dispose : « les hommes et les femmes sont égaux en droit. La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ».

Doit-on encore rappeler qu'à chaque étape de la construction de notre Nation, nous avons été présentes et avons été actrices incontournables dans toutes les luttes pour l'indépendance, l'émancipation, la justice sociale, le bien-être de tous ? Il est important de rappeler qu'aucun pays ne s'est développé en laissant en marge les femmes.

C'est pourquoi, outre la faible représentativité des femmes, nous sommes circonspectes sur le remplacement du ministère de la Femme, de la famille et de la protection des enfants par le ministère de la Famille et des solidarités. Cette appellation est une véritable régression. L'emphase portée sur les femmes et les enfants soulignait précisément l'urgence d'élaborer des politiques publiques destinées à mettre fin aux inégalités de genre (économiques, éducatives, sanitaires, politiques, foncières, etc.) et à améliorer les conditions de vie de celles qui demeurent encore les plus vulnérables à la pauvreté et à la violence, et sur qui, reposent toujours la charge du soin des plus petits et des plus âgés. Soulignons aussi de manière définitive ceci : bien que les femmes jouent un rôle central dans la cellule familiale, elles sont des êtres à part entière qui existent en dehors de la sphère familiale. Les assimiler à cette dernière, c'est nier leur droit à exister dans leur multidimensionnalité.

Pour toutes ces raisons, nous demandons que cette erreur de départ soit rectifiée par la nomination de femmes dans les directions nationales et les instances administratives. De surcroît, nous demandons le renforcement des cellules genre déjà présentes au niveau des différents ministères pour une mise en œuvre transversale de la Stratégie Nationale d'Équité et d'Égalité de Genre (SNEEG) en collaboration avec la Direction de l'équité et l'égalité de genre (Deeg) et le Programme d'appui à la stratégie d'équité et d'égalité de genre (pasneeg).

« Poursuivre, intensifier et accélérer les efforts pour promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes à tous les niveaux », c'est ce à quoi l'État du Sénégal s'était engagé dans le cadre de la Déclaration Solennelle pour l'Egalité de Genre en Afrique (DSEGA) et c'est à quoi nous invitons le nouveau gouvernement qui définit son projet de société comme panafricain.

Dans notre volonté de veiller à ce que ce nouveau gouvernement, celui de tous les Sénégalais et Sénégalaises, remplisse ses missions de rupture pour plus de gouvernance démocratique, de justice sociale, d'équité, nous continuerons d'alerter et de faire des propositions constructives sur le besoin d'inclusion des femmes et de représentation égalitaire. »

Voir la liste des signataires
https://www.afriquesenlutte.org/afrique-de-l-ouest/senegal/article/senegal-gouvernance-masculine-democratie-bafouee

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