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Action-éclair contre les féminicides

Bonjour chères membres,
- Linda Salagan a été tuée le 29 juillet à Lachine.
- Ève Chachaï a été tuée le 14 août à Chicoutimi.
Deux féminicides de plus.
Le RGF-CN appelle à un rassemblement le jeudi 22 août de 12h15 à 12h45 devant aux coins des boulevards Charest et de la Couronne afin de dénoncer et visibiliser les féminicides.
Habillez-vous en noir. PAS UNE DE PLUS !
L'action-éclair contre les féminicides est en non-mixité inclusive. Bienvenues aux femmes et aux personnes trans.
Le RGF-CN appelle à se rassembler tous les jeudis suivant un féminicide. Suivez la page Facebook.
L'équipe du RGF-CN,
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La Caisse de dépôt et de placement du Québec et la guerre à Gaza : Ajouter l’insulte à l’injure

Le 7 août dernier, la Caisse de dépôt et de placement rencontrait une délégation du Collectif du Québec URGENCE Palestine. Ceci faisait suite à une lettre que nous leur avions envoyée le 2 juillet dernier, appuyée alors par 58 organisations et soutenue depuis par plus d'une centaine.
Dans cette lettre, la Coalition demandait que la Caisse abandonne ses investissements de $14,2 milliards dans 87 compagnies dont certaines activités les rendent légalement complices de la colonisation israélienne (dénoncée entretemps par l'avis de la Cour internationale de justice), de violations de droits humains, de crimes de guerre ou même de génocide.
Cette rencontre a été particulièrement décevante pour la coalition puisque le mandat de nos interlocutrices se limitait à écouter et à rapporter à leur hiérarchie. En fait, on nous laissait sous-entendre que la CDPQ, malgré sa prétention à respecter les « plus hauts standards éthiques » (nous attendons toujours la description de ces standards que nous leur avons expressément demandée), se préoccupait plus de sauver la face que de respecter les droits humains.
Nous en avons eu la confirmation par un article du journal Les Affaires qui annonçait, le 12 août, que la Caisse s'apprêtait à injecter un montant supplémentaire de $158 millions dans WSP Global, une entreprise dont elle est l'actionnaire majoritaire. Pourtant nous leur avions démontré clairement, dans notre présentation du 7 août, que WSP, est maitre d'œuvre du projet d'expansion du métro léger de Jérusalem, un projet qui consolide l'annexion illégale de Jérusalem-Est par Israël. Même si cet investissement n'est pas destiné au projet, pourquoi soutenir une entreprise qui viole allègrement le droit international humanitaire ?
Le « bas de laine » des Québécois.es sera encore plus entaché du sang du peuple palestinien. Qu'attendent les syndicats (dont plusieurs ont signé la lettre du Collectif) pour demander que les Fonds de retraite des travailleurs.euses ne servent pas à participer à une entreprise coloniale et génocidaire ? D'autres fonds d'investissements et d'autres fonds de retraite dans le monde l'on déjà fait, sans que leurs rendements ne soient affectés.
La politique de la Caisse s'inscrit dans la logique du gouvernement Legault de soutien inconditionnel à Israël. Car n'oublions pas que la ministre des Relations internationale et de la francophonie piaffe d'impatience d'aller couper le ruban rouge du Bureau du Québec à Tel Aviv, une cérémonie qu'elle a dû reporter au moins deux fois. Entretemps, le responsable de ce Bureau a toujours pour mandat de faire des affaires avec des partenaires israéliens. Contre toute logique (et toute décence), Martine Biron s'entête à maintenir ce Bureau, malgré l'avis contraire de 74 organisations de la société civile québécoise, montrant bien que, pour ce gouvernement, les profits valent plus que les vies humaines.
La mobilisation doit se poursuivre pour faire stopper l'assaut génocidaire israélien à Gaza et empêcher que le gouvernement Netanyahou ne mette toute la région à feu et à sang avec la complicité des États-Unis et du Canada. Nous devons faire en sorte que les gouvernements canadien et québécois prennent enfin des sanctions contre Israël, ce qui implique minimalement l'arrêt de l'envoi de matériel militaire, l'arrêt des investissements de la CDPQ dans des entreprises liées à la colonisation illégale israélienne du Territoire palestinien occupé ou à l'entreprise génocidaire d'Israël à Gaza et la fermeture du Bureau du Québec à Tel Aviv. À plus long terme, il faudrait également revoir sinon récuser l'Accord de libre-échange Canada-Israël.
Diane Lamoureux
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Conjoncture politique et les tâches qui en découlent

Ce texte a été produit dans le cadre des débats sur la conjoncture en cours dans l'organisation Révolution écosocialiste.
1. Une situation internationale chaotique
Le capitalisme mondial a engendré de multiples crises. Il y a d'abord l'effondrement de l'économie mondiale. Celle-ci est de plus en plus incapable de satisfaire aux besoins élémentaires de la population, particulièrement à celle du Sud global.
La catastrophe climatique n'est plus une perspective d'avenir, elle frappe déjà dans toutes les régions du monde, même si ce sont les pays les plus pauvres qui en subissent d'abord les effets. Les périodes de canicule, les inondations destructrices, les ouragans et les tornades, les feux de forêt deviennent de plus en plus nombreux et graves. Cela affecte directement la production alimentaire qui est de plus en plus difficile.
Une économie mondiale de moins en moins capable de répondre aux besoins élémentaires de la population et de la crise climatique provoque des migrations importantes de la population, particulièrement dans les zones frappées par la guerre. Les migrations se sont d'abord faites sur un axe SUD-SUD, mais cela est appelé à changer, car les zones tropicales du globe vont voir leur habitabilité diminuer considérablement face à l'intrication des crises économique et climatique. Les migrations vers les pays du Nord ont commencé à se développer. La classe dominante a répondu aux conséquences de ses politiques de prédation, à la fois la mobilisation d'une main-d'œuvre immigrée et sans droits, mais choisie, et le blocage de l'immigration de demandeur-euses d'asile ou de réfugié-es climatiques, en dressant des murs à leurs frontières. Les différents États impérialistes nourrissent les sentiments d'insécurité et les préjugés xénophobes pour justifier leurs politiques. Cela crée un terrain pour la remontée de l'extrême droite qui fait son beurre du rejet des personnes migrantes, qui défend la notion de préférence nationale et qui va jusqu'à proposer la « remigration », soit l'expulsion massive d'une partie de la population. Aux États-Unis et en Europe, de telles politiques sont déjà à l'ordre du jour.
Dans une situation de pénurie des ressources, on voit l'augmentation des guerres dans différentes régions, surtout celles où est contestée la prédation des ressources par différentes puissances impérialistes. C'est ainsi que nous sommes entrés dans une période d'exacerbation des rivalités impérialistes entre les États-Unis, la Chine et la Russie et la formation de blocs rivaux prêts à en découdre pour défendre leurs intérêts.
La crise climatique, la chute de la biodiversité, les pollutions diverses et la destruction de la vie animale ont détérioré les différents écosystèmes et crée les conditions pour la réapparition de maladies et de zoonoses.
Nous n'avons pas connu une telle période de crise, de conflits, de guerres, d'instabilité politique et de révoltes depuis des décennies. Nous sommes dans une période marquée par le chaos où nombre de repères ont disparu. Tout cela constitue un défi et une chance pour une gauche internationale et un mouvement ouvrier qui souffrent encore des conséquences de plusieurs décennies de défaites et de reculs. Des soulèvements populaires se sont multipliés du Moyen-Orient à l'Europe, de l'Inde à l'Amérique du Sud. Mais ces soulèvements, souvent très durement réprimés, ne sont pas parvenus à construire les instruments politiques capables de se poser comme une alternative au pouvoir de la classe dominante.
2. La politique de Trudeau, usure du gouvernement et maintien de l'avance du Parti conservateur du Canada dans les sondages
Le gouvernement Trudeau étant minoritaire, il doit compter sur le maintien de l'alliance avec le Nouveau Parti Démocratique et lui faire certaines concessions mineures (soins de santé, soins dentaires, aide au logement), ou certaines promesses de concessions pour aider ce parti à prétendre apporter des acquis à la majorité populaire. Le NPD continue de s'engoncer dans le rôle de soutien au PLC et il ne profite pas au niveau des intentions de vote de cette inféodation.
Le gouvernement Trudeau subit l'usure du pouvoir, car il en est déjà à son troisième mandat et il s'avère incapable de faire de face aux crises qui frappent le Canada, comme l'ensemble du monde. L'inflation diminue le pouvoir d'achat de la majorité ; la crise du logement s'approfondit tant au niveau de l'accès à des logements décents qu'au niveau de l'explosion des prix ; l'accès aux services de santé et à la qualité des soins médicaux continue de se détériorer. Lors du dépôt de son dernier budget, le gouvernement Trudeau a lancé une série d'initiatives sur ces terrains, ce qui l'amène à occuper les champs de compétence des provinces, sans que ces manœuvres débouchent sur des transformations réelles et visibles par la population. Il est incapable de dépasser le mécontentement populaire et il se heurte aux prérogatives des provinces.
Au niveau de la lutte à la crise climatique, les GES continuent d'augmenter et l'écart entre les prétentions de ses discours et les politiques réelles du gouvernement minent de plus en plus sa crédibilité sur ce terrain. Après avoir acheté pour des milliards de dollars l'entreprise Trans Mountain afin d'augmenter les capacités d'exportation du pétrole extrait des sables bitumineux, il maintient son soutien financier et politique à l'exploitation des énergies fossiles. L'imposition d'une taxe carbone dans les provinces qui n'ont pas de bourse du carbone a soulevé l'ire des gouvernements conservateurs provinciaux. En somme, cette politique de soutien à la définition comme État pétrolier tout en avançant une politique d'écoblanchiment, ne fait que manifester son inconséquence sur ce terrain et mécontente tant les secteurs climatosceptiques que les secteurs sensibles à la protection de l'environnement.
Au niveau de sa politique internationale, Trudeau s'aligne sur la politique de l'administration américaine. C'est ainsi, que dans un premier temps, il a soutenu l'offensive meurtrière de l'État sioniste contre la bande de Gaza. Mais, la réalité des actes génocidaires à Gaza, l'a obligé à tergiverser. S'il a ainsi refusé de reconnaître la réalité du génocide de l'État israélien contre la population de Gaza et d'accepter clairement et ouvertement la condamnation de Netanyahu comme responsable de crimes de guerre par la Cour Internationale de Justice, il a enfin demandé un cessez-le-feu et rappelé la nécessité d'une solution à deux états pour régler la question palestinienne. Ces tergiversations ont provoqué des divisions au sein du gouvernement et du PLC. Face au Parti conservateur de Polievre qui a maintenu un soutien indéfectible à l'État d'Israël, y compris dans ses actes génocidaires, le PLC est apparu comme un allié manquant de détermination face au soutien à l'État d'Israël.
Le Parti conservateur du Canada défend un conservatisme de plus en plus populiste et réactionnaire, inspiré par la politique américaine. Il refuse de reconnaître l'urgence de la crise climatique. Poilievre défend le développement de l'exploitation des hydrocarbures ; il se présente comme le défenseur des transports individuels et l'opposant au développement du transport public. De plus, il n'a strictement rien à proposer pour faire face à la crise climatique. Il soutient tous les plans et aventures de l'impérialisme américain et particulièrement le développement de sa rhétorique contre le gouvernement chinois.
Il se contente d'une politique qui surfe sur les préjugés contre l'immigration, sur un conservatisme social, tout en évitant de reprendre la lutte contre le droit à l'avortement, qui se heurterait trop frontalement au soutien au droit à l'avortement dans la population canadienne et particulièrement au Québec. Il tente de renforcer et de développer sa base par une politique démagogique et populiste (le gros bon sens) … en comptant sur l'usure du pouvoir. Il parvient ainsi à ramasser les dividendes de la montée de l'extrême droite dans le monde.
Le tassement à droite du champ politique au Canada, comme ailleurs dans la plupart des pays impérialistes, lui permet de maintenir une avance considérable (10 à 20 points) dans les différents sondages sur les intentions de vote. Tant et si bien que le leadership de Justin Trudeau commence à être discuté sur la scène publique.
Le Bloc québécois joue la carte nationaliste. Le refus de respecter les champs de compétence du Québec par Ottawa lui permet de se présenter comme le seul défenseur réel des intérêts du Québec au fédéral. Il se fait également le relais des discours anti-immigration de la CAQ comme du PQ, ce qui lui permet de consolider sa base électorale dans les secteurs influencés par le nationalisme conservateur. Il a réussi jusqu'ici à empêcher la percée du Parti conservateur, si ce n'est dans certaines régions du Québec. Il maintient donc un important soutien électoral qui le place au premier rang des partis fédéraux au Québec.
La prochaine échéance électorale (au printemps ou à l'automne 2025) risque de déboucher sur la prise du pouvoir par le Parti conservateur du Canada, même si rien n'est jamais joué et que la volatilité de l'électorat peut provoquer encore des surprises. Il reste que face à la montée du PCC, l'échéance électorale va poser des défis majeurs à la gauche et à QS en particulier. Le soutien au NPD (qui a été la cinquième roue du carrosse libéral) ou au Bloc québécois (qui n'a pris aucune distance face au gouvernement de la CAQ), n'offre pas de perspectives cohérentes pour la gauche indépendantiste.
3. La politique caquiste : une politique anti-populaire, antiécologiste, antiféministe qui commence à délégitimer ce gouvernement et à abaisser son soutien auprès de la population
La politique économique du gouvernement Legault s'articule autour d'une politique industrielle qui vise à attirer des multinationales manufacturières en leur offrant de l'électricité à faible coût, de généreuses subventions et l'accès à des ressources minières. Il refuse de réformer la loi des mines marquée par le free mining, alors que le Québec connaît une véritable prolifération de claims miniers, ce qui annonce un véritable pillage de nos ressources pour satisfaire les multinationales, ainsi que l'aggravation de la pollution des terres et des eaux du Québec. Cela est d'autant plus alarmant que le gouvernement a tendance à permettre à des entreprises polluantes de ne pas tenir compte des normes environnementales et de mettre de l'avant des projets qui leur permettent d'éviter des études du BAPE. L'exemple de Northvolt en est un éloquent. Le ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs se fait davantage l'accompagnateur des entreprises pour éviter leurs obligations environnementales. Il est prompt à balayer du revers de la main les propositions écologiques des citoyens et des citoyennes des différentes régions et des institutions qui les représentent. Il s'est même fait le représentant de l'industrie forestière dans le dossier de la biodiversité en s'attaquant aux propositions visant à protéger le caribou forestier.
Ses investissements dans l'éolien, soit public avec Hydro-Québec, soit privé en ouvrant la possibilité de production énergétique à des entreprises privées, est exemplaire à cet égard. Il s'agit d'inscrire le Québec comme fournisseur de marchandises pouvant alimenter les entreprises américaines, particulièrement dans le domaine de l'automobile. Ce modèle économique refuse de reconnaître l'urgence climatique. Il s'inscrit dans la logique croissanciste, où décroissance, sobriété et économie d'énergie ne tiennent aucune place significative. Au niveau du transport, cette politique vise le maintien de l'auto solo et l'électrification du parc automobile, ce qui ne résoudra pas les dépenses importantes de ressources et d'énergie et qui nécessitera d'importants investissements dans les infrastructures routières. Les investissements dans les transports publics sont moins importants que ceux dans le transport individuel ; la surconsommation et le gaspillage demeurent très importants à ce niveau.
Si ces capitaux publics imposants sont mobilisés pour le développement de son modèle économique prédateur et écocidaire, ils ne sont pas disponibles pour des investissements massifs dans le secteur public, que ce soit au niveau du système de santé ou du système d'éducation. Au lieu de faire ces investissements, le gouvernement Legault privatise des pans entiers du système de santé. Après avoir fait la promotion des cliniques privées, il cherche maintenant à mettre en place des hôpitaux privés. Il s'affaire aussi à centraliser le système de santé dans une agence privée dont il a confié les rênes à des administrateurs et administratrices qui viennent du privé. L'éducation est également sous-financée et la part des écoles privées dans le réseau continue de se développer. À la mi-décembre 2023, Québec avait proposé des augmentations salariales de 9 % sur une période de cinq ans, tout en demandant aux travailleuses et travailleurs de la fonction publique de « faire preuve de flexibilité ». Son intransigeance face aux revendications des travailleuses et des travailleurs du secteur public (éducation et santé) s'est brisée face à l'intensité de la mobilisation et a amené son gouvernement à faire des concessions salariales aux salarié-es les moins bien rémunéré-es.
Le gouvernement de la CAQ encourage le développement des inégalités et refuse de prendre des mesures pour contrer l'inflation. La hausse du salaire minimum est si faible qu'elle ne permet nullement de répondre à la montée des prix, particulièrement dans le secteur de l'alimentation.
Il laisse la responsabilité de l'offre de logements dans les mains des entrepreneurs-euses immobiliers qui préfèrent construire des logements coûteux qui leur rapportent gros, plutôt que des logements répondant aux besoins de la majorité de la population. Le gouvernement ne prend aucune mesure contre les évictions faites par des grands propriétaires immobiliers et laisse ces derniers hausser le prix des logements sans frein ni plafond. Il refuse de reconnaître qu'un logement est un droit social et qu'il est nécessaire de démarchandiser la production de logements et de les offrir à bas coûts.
Pour masquer les conséquences sociales de ces différentes politiques et pour chercher à construire une rente électorale, le gouvernement de la CAQ, et particulièrement le premier ministre du Québec, cherche à faire peser sur les épaules de la population migrante la responsabilité de tous les maux de la société québécoise : crise du logement, accès difficile de la population aux services de santé, d'éducation et de garderie, développement de l'itinérance et détérioration de la santé mentale de la population. Cette démagogie est relayée par le Parti québécois et le Bloc québécois.
Non seulement le gouvernement de la CAQ développe une telle démagogie contre les personnes migrantes, mais il fait campagne pour la diminution par le gouvernement fédéral de l'accueil de réfugié-es. Il demande le transfert de pouvoir vers le Québec pour pouvoir bloquer les possibilités de regroupement familial. Il appelle à la diminution du nombre de migrant-es temporaires, alors que ce sont ces politiques qui ont favorisé la venue d'une main-d'œuvre corvéable et exploitable à merci.
Le gouvernement Legault n'hésite pas à nier l'existence du racisme systémique présent dans la société québécoise, vécu particulièrement par les populations autochtones.
4. Redéfinition des rapports de force entre les partis politiques québécois…
Le gouvernement de la CAQ connaît un recul profond. La population est de moins en moins dupe des politiques et des promesses du gouvernement de la CAQ. Ce dernier est d'ailleurs passé en seconde place dans les sondages d‘intentions de vote, et cela depuis des mois maintenant. Si ses promesses, que ce soient celles qui concernent le troisième lien à Québec, l'amélioration de l'accès au service de santé ou la présence de ressources enseignantes suffisantes dans le système scolaire ne se concrétisent pas, cela minera de plus en plus la crédibilité et le soutien à ce parti et à ses député-es.
Le PQ connaît une remontée : il se maintient à plus de 30% dans les sondages, en avance sur la CAQ. Comme parti d'opposition, il peut se dédouaner de toutes les difficultés vécues actuellement par la majorité populaire. La direction de Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) a décidé de redéfinir le champ politique autour de la polarisation fédéralisme contre indépendantisme en mettant de l'avant la tenue d'un référendum sur l'indépendance du Québec dans un premier mandat et en stigmatisant l'inefficacité du positionnement de la CAQ sur un autonomisme incapable d'arracher des gains significatifs au gouvernement fédéral quant à ce qui a trait aux augmentations de transfert en santé et à la protection face à la centralisation du gouvernement fédéral qui n'hésite pas à occuper les champs de compétences du Québec.
Ce sont là d'habiles manœuvres sur un fond de nationalisme identitaire et régressif. Pour PSPP, l'indépendance s'identifie à la souveraineté-association, le gouvernement canadien y étant présenté comme un futur partenaire consentant. Plus, s'il propose la mise sur pied d'une armée québécoise, il n'hésite pas à affirmer qu'un Québec indépendant serait membre de l'OTAN et de NORAD, car « on va toujours demeurer loyal envers les intérêts géopolitiques de l'Amérique du Nord, notamment sur le plan des ressources et de la défense. »(Jérome Labbé, Radio-Canada, 18 octobre 2023)
Qu'est-ce que cela veut dire ? Dépenser 2% du budget du Québec sur l'armement pour satisfaire aux demandes de l'OTAN ? Défendre des politiques de libre-échange qui répondent d'abord aux besoins des États-Unis ? Produire plus d'électricité pour les besoins de l'industrie américaine comme s'apprête à le faire le gouvernement Legault ? Il cherchera bien sûr à conserver un vernis social et démocratique en disant appuyer le tournant écologique, mais sans aucune critique de fond cependant du modèle de développement proposé par la CAQ.
Le PQ se reconstruit dans un Québec où le nationalisme identitaire occupe une place de plus en plus importante. Pour le PQ, la défense de la nation québécoise passe par la baisse des quotas d'immigration et par la lutte pour l'homogénéité culturelle. Le refus du PQ de reconnaître la réalité de l'islamophobie et du racisme systémique, contre les Noir-es et les peuples autochtones notamment, démontre que le PQ refuse de comprendre les voies de la construction du Québec comme société multinationale et pluriculturelle.
Le Parti libéral du Québec peut profiter de cette repolarisation du champ politique autour de la question nationale pour se reconstruire. Les gouvernements Charest et Couillard, par leurs politiques néolibérales, les coupures massives qu'ils ont effectué dans les services publics, la répression et la criminalisation des mouvements sociaux et leur fédéralisme complètement à-plat-ventriste face au gouvernement fédéral, au mépris de la défense du moindre droit national du Québec, a conduit à une défaite catastrophique, qui l'a réduit pour l'essentiel à la région montréalaise et à la communauté anglophone qui lui ont permis de garder son statut d'opposition officielle à l'Assemblée nationale. Sa minorisation dans la population francophone a été telle que différents sondages ont révélé qu'il se maintenait entre 5 et 10% des intentions de vote dans les circonscriptions majoritairement francophones.
La polarisation du champ politique lui permettra sans doute de se présenter comme le seul défenseur conséquent du fédéralisme canadien, mais il devra surmonter sa crise de direction et être de capable de définir un fédéralisme coopératif dans le cadre d'une probable prise du pouvoir par le Parti conservateur du Canada en 2025. Rien ne dit qu'il sera capable de relever ces défis. Il veut déjà se présenter comme le meilleur défenseur des intérêts du patronat.
La direction de Québec solidaire propose une stratégie de recentrage inspirée par un électoralisme à courte vue. Pourquoi la direction de QS a-t-elle mis l'indépendance en marge de son discours durant la dernière campagne électorale ? Pourquoi a-t-elle refusé d'inclure la nécessité d'une nationalisation / socialisation des richesses naturelles, minières et forestières, dans sa plate-forme électorale ? Pourquoi n'a-t-elle pas cherché à préciser les conditions du développement d'une aspiration à l'élection d'une constituante dans la population du Québec ? Pourquoi a-t-elle ciblé les citoyen-nes et leur consommation avec la taxe sur les VUS au lieu de viser directement les grandes entreprises et leur volonté de continuer à utiliser les énergies fossiles et à produire des véhicules énergivores ? Pourquoi a-t-elle accepté de rentrer dans la logique des quotas d'immigration ? La réponse essentielle à l'ensemble de ces questions, c'est qu'elle a cherché non pas à poser la nécessité d'une société en rupture avec la société capitaliste actuelle, mais à se présenter comme une alternative gouvernementale qui pouvait aspirer à devenir à court terme l'opposition officielle. Cette stratégie a fait la preuve de son inefficacité. Québec solidaire est entré dans une période de stagnation. Pour imposer ses vues, la direction a rapetissé l'expression démocratique des membres du parti. Les démissions de la députée Catherine Dorion et de la porte parole féminine, Émilise Lessard-Therrien, ont été des symptômes du grippage démocratique et du recul des sensibilités féministes au sein du parti. Les débats autour de la reformulation du programme du parti et des statuts vont être l'expression d'un débat sur l'avenir de l'orientation fondamentale de Québec solidaire, soit celle d'un parti électoraliste et social-libéral soit celle d'un parti de rupture avec le capitalisme.
L'un et l'autre cherchera à reprendre les circonscriptions ravies par Québec solidaire au fil des ans, soit cinq au PLQ et sept au PQ. Ce n'est pas avec une stratégie encore plus réformiste que le parti pourra se défendre sur ces deux fronts. QS n'aura d'autre choix que d'affirmer sa singularité de parti de rupture sociale et écologique et de lier intimement l'indépendance du Québec à son projet social. Pour faire face à l'échéance électorale, QS a besoin d'un programme qui fait une critique radicale des politiques du gouvernement de la CAQ et se démarque clairement de la politique péquiste tant sur le terrain social que climatique et au niveau de sa conception de la stratégie pour l'indépendance.
5. Des mouvements sociaux sont traversés par des débats stratégiques importants
Le mouvement syndical a connu une série de mobilisations sans pareil des travailleuses et travailleurs du secteur public québécois. Les gains et les améliorations aux conditions de travail obtenus auraient été impossibles sans cette mobilisation exemplaire et sans l'appui de la population. Mais dans l'ensemble, le mouvement syndical s'est avéré incapable d'améliorer les conditions de travail et à faire reculer la précarité et la surcharge de travail vécues dans le secteur, ce qui aurait nécessité un réinvestissement massif et la planification d'une hausse significative du nombre des travailleuses et travailleurs de ces secteurs. Le mouvement syndical est miné par les politiques de privatisation dans le secteur de la santé et défendu par le renforcement de la précarité des différents personnels.
La réforme en santé et sécurité du travail a diminué le pouvoir syndical sur ce terrain. La nouvelle loi a été condamnée unanimement par le mouvement syndical ; mais elle a été imposée. Si elle étend finalement les droits en prévention à tous les secteurs de l'économie, elle réduit les pouvoirs, déjà très limités, que l'ancien régime accordait aux travailleurs et travailleuses. Elle réduit le temps de libération des représentant-es en santé-sécurité ce qui existait avant dans les quelques secteurs où la loi avait été appliquée.
Le mouvement syndical a été incapable de s'opposer à l'adoption de la Loi modifiant l'encadrement de la main-d'œuvre dans l'industrie de la construction (r-20). L'embauche des travailleurs et travailleuses des régions n'est plus protégée. La polyvalence des métiers a été imposée. Tous les amendements proposés par les organisations syndicales du secteur ont été rejetés. L'ensemble des propositions patronales ont été reprises.
Le mouvement syndical fait face à de nouveaux défis. Une partie de plus en plus importante du prolétariat est composée de travailleurs et travailleuses migrant-es sans droits, ce qui rend plus difficile leur organisation, sans parler des migrant-es sans statut qui n'ont pas de perspective de régularisation. De plus, l'extrême droite se renforce et cela préoccupe les organisations syndicales. La FTQ a d'ailleurs organisé une rencontre de réflexion sur la nécessité de passer à l'action contre l'extrême droite. (https://www.pressegauche.org/Passer-a-l-action-61843)
Pourtant, les directions des différentes centrales appellent au dialogue social. Lors de son bilan de rencontre avec le premier ministre Legault, le premier mai 2022, avant l'affrontement du Front commun, le président de la FTQ, Daniel Boyer, a affirmé avoir remarqué une ouverture du premier ministre au « dialogue social » qu'il n'avait pas autant perçue avant. (Lia Lévesque, 29 avr. 2022, Lia Lévesque La Presse Canadienne ). Même après la lutte du secteur public, l'ouverture du dialogue social est encore à l'ordre du jour.
Mais si les directions restent sur une orientation de concertation avec le gouvernement et le patronat et que le mouvement syndical est traversé par des orientations contradictoires, il existe également une orientation qui prône un syndicalisme de combat ou de transformation sociale, même si cette dernière demeure minoritaire. Différentes tentatives de regrouper la gauche syndicale ont vu le jour, même si elles sont restées minoritaires.
Plusieurs questionnements traversent les mouvements de femmes actuellement ; intersectionnalité, écoféminisme, prostitution pornographie, queer et trans. Les réponses se font difficiles. Mais ces tempêtes d'idées ne peuvent expliquer à elles seules l'état de désorganisation, de paralysie, de démission des organisations féministes. D'autres facteurs jouent, comme le manque de financement et conséquemment, de structuration, le pouvoir des femmes et entre femmes, les conflits intergénérationnels. La Fédération des femmes du Québec et l'R des Centres de femmes, les deux regroupements de femmes les plus connus, vivent cette crise actuellement et mettent en branle des moyens pour s'en sortir.
Tout cela se jouant dans un contexte de montée de l'extrême droite où les droits des femmes risquent d'être remis en question, que ce soit en Europe, en Argentine ou plus près de nous aux États-Unis, autour de l'avortement et, au Canada, sous un gouvernement conservateur. Les politiques gouvernementales doivent donc être scrutées à la loupe. Cela crée évidemment une pression additionnelle sur les organisations.
Le gouvernement Legault vient intensifier les débats avec le refus de reconnaître le racisme systémique et le Principe de Joyce ; il se refuse donc à reconnaître les revendications des femmes autochtones et la surexploitation des femmes racisées rendues pourtant visibles durant la pandémie. Les « anges gardiens » de monsieur Legault sont en fait majoritairement des femmes racisées. Ce même refus de reconnaître le racisme systémique lui permet de tout mettre sur le dos de l'immigration : crise de la santé, crise du logement, crise du travail, crise de l'itinérance. Crises dont les femmes subissent des conséquences graves.
Ce même gouvernement Legault refuse aussi de voir l'importance de la santé dans le bien-vivre d'une société en centralisant davantage la structuration du réseau et surtout en privatisant les services. Ce qui là aussi aura des conséquences graves sur la situation des femmes et surtout des femmes pauvres. Les travailleuses du secteur public, majoritaires à 75% dans la main-d'œuvre, goûtent aussi aux médecines du gouvernement caquiste. La dernière négociation du secteur public a permis aux plus bas salarié-es de faire un rattrapage salarial, mais l'indexation des salaires est loin de garantir le niveau de vie des gens. Les revendications sur l'organisation du travail n'ont pas fait l'unanimité. Les infirmières en savent quelque chose, elles dont la négociation ne réussit pas à se conclure.
Les politiques caquistes en matière d'environnement ne peuvent que faire augmenter l'écoanxiété. Elles s'axent uniquement sur la satisfaction des multinationales et des entreprises, que ce soit en fourniture d'énergie électrique à bas prix, en généreuses subventions, en outrepassant les lois environnementales actuelles et en promesses de toutes sortes. Tout cela au détriment d'une société pour le bien-vivre axée sur l'humain comme le revendique le mouvement des femmes, plutôt que sur le profit.
Les perspectives suivantes peuvent être esquissées. Tous les cinq ans, la Marche Mondiale des Femmes rappelle la nécessité d'agir mondialement, ensemble, entre le 8 mars 2025 Journée Internationale des femmes et le 17 octobre, Journée pour l'élimination de la pauvreté.
« Les Actions internationales, tous les 5 ans, sont des moments pour réaffirmer notre identité en tant que mouvement. Être « en marche » exprime l'idée de bouger et avancer librement, sans contrainte, et exprime la force des femmes organisées collectivement dans des associations, groupes et mouvements ; femmes avec diverses expériences, cultures politiques, ethnicités, mais avec un objectif commun, soit de surmonter l'ordre en place qui est injuste et qui cause violence et pauvreté. Notre solidarité internationale constitue également une partie de notre identité, ainsi que l'attention portée à ce qui arrive à nos sœurs dans d'autres parties du monde ». (Marche mondiale des femmes| Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (CQMMF)
C'est autour de thématiques comme : « Nous continuerons à marcher contre les guerres et le capital, pour la souveraineté populaire et le bien-vivre » (Tiré du site Capiré La force féministe de la 13e Rencontre internationale de la MMF - Capire (capiremov.org) ) que les femmes à travers le monde, en 2025, vont marcher.
Ces perspectives d'action vont aider à unifier les militantes du mouvement des femmes en mettant tout le monde à la tâche autour d'un projet commun.
Cette action mondiale aura pour effet de remettre de l'avant la solidarité internationale, mais aussi les revendications féministes dans leur ensemble. Et, espérons-le, cela permettra le renforcement du mouvement des femmes au Québec.
Le mouvement écologiste et de lutte aux changements climatiques a connu une remontée après l'éclipse qu'il a connu sous l'effet de la COVID. Le mouvement s'est orienté vers une résistance à l'implantation du projet de croissance verte du gouvernement de la CAQ. C'est ainsi qu'a été publié le Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable autour des 14 revendications suivantes : pour une énergie publique sous contrôle démocratique ; pour un débat sur l'énergie au Québec ; pour une nouvelle politique énergétique au Québec ; pour une planification intégrée des ressources ; pour des mesures qui favorisent la réduction des demandes en énergie ; pour des plans contraignants visant une sortie graduelle et prévisible, mais rapide, des énergies fossiles ; contre le principe du pollueur payé ; contre la privatisation totale ou partielle d'Hydro-Québec ; pour la sauvegarde et le renforcement des pouvoirs de la Régie de l'énergie ; pour une transition juste pour les travailleurs et travailleuses ; contre une augmentation des tarifs d'électricité qui accentuerait la précarité et risquerait de ralentir la transition énergétique ; pour la protection du territoire ; pour la reconnaissance des droits des peuples autochtones ; et pour le consentement des populations locales. Ce manifeste a été soutenu par nombre d'organisations environnementales, syndicales et populaires.
Ce sont les organisations des populations locales qui ont été au centre des mobilisations (avec les municipalités et les MRC) qui se sont opposées à l'installation du projet Northvolt et des projets de parcs éoliens sur les terres agricoles et contre le mépris du gouvernement de la CAQ de leurs revendications. Le mouvement syndical, particulièrement le SCFP-Hydro, a mené campagne contre la privatisation d'Hydro-Québec.
Mais le mouvement écologiste et de luttes aux changements climatiques est traversé par de nombreux débats stratégiques. Les travailleurs et travailleuses pour la justice climatique, qui regroupe des militant-es syndicaux en provenance particulièrement du syndicalisme enseignant cégépien a publié un manifeste qui proclame que « le syndicalisme doit devenir un écosyndicalisme : il doit défendre, bien plus que des salaires et des congés, des conditions de travail qui enrichissent et régénèrent notre milieu de vie. C'est en nous appuyant sur nos syndicats que nous pourrons contrer le ravage. Nous avons le pouvoir de sonner l'alarme et de forcer l'arrêt de la machine. Par notre intelligence démocratique, par nos actions de mobilisation, par la solidarité que nous bâtissons, par notre pouvoir de grève, nous pouvons renverser la vapeur. Les carburants fossiles sont aujourd'hui la principale menace à la préservation de l'humanité, mais aussi de l'ensemble du vivant. Il faut s'en libérer. La crise écologique ne se résoudra pas en achetant une voiture électrique. Ce sont les transports publics qu'il faut déployer partout, c'est le chauffage au gaz qu'il faut détrôner, ce sont nos manières d'habiter, de produire et de manger qu'il faut révolutionner. Le réchauffement climatique n'est plus une éventualité, c'est une réalité. Nous revendiquons la sortie des énergies fossiles d'ici 2030. » Ce regroupement travaille à créer les conditions politiques et organisationnelles de possibles grèves pour le climat. Ce travail en est à ses débuts, mais constitue une perspective essentielle pour construire le rapport de force nécessaire à bloquer les projets de croissance “verte”.
Des noyaux militants se sont intéressés à la théorie écologique, à l'analyse des luttes écologiques et à leur stratégie. Ce sont des groupes comme Polémos, de l'IRIS, de Rage climatique, de Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique (TJC) et de Mob6600. Ils développent une réflexion qui leur permet d'esquisser la possibilité d'un monde « post-croissance ».
Mais tout un autre pan du mouvement écologiste reste engoncé dans la possibilité d'une croissance verte, de la nécessité de larges alliances avec des secteurs verts du patronat, de limiter leur stratégie à une politique de pression sur le gouvernement. Il y aurait même un « momentum mondial pour une relance solidaire, prospère et verte », soutient le G15+ qui serait la démonstration d'un mouvement d'ensemble dans la lutte aux changements climatiques. Fondé en mars 2020, par quinze leaders issus des domaines sociaux, syndicaux, environnementaux et d'affaires défendant des « mesures pour une relance, solidaire, prospère et verte, le G15+ regroupe le Conseil du patronat du Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la Fondation David Suzuki, Équiterre, Vivre en ville, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, le Chantier de l'économie sociale et bien d'autres. (G15+, Contribution aux initiatives de relance du gouvernement du Québec, Cahier de propositions - recommandations et fiches-projets, juillet 2020, https://www.g15plus.quebec/ )
Les postulats qui fondent leur action peuvent être résumés ainsi : la crise climatique est une occasion économique à saisir. Il faut mobiliser les capitaux pour investir dans les énergies renouvelables. L'économie québécoise doit prendre le tournant vert qui lui permettra de répondre aux besoins mondiaux de décarbonisation. Les gouvernements doivent aider les entreprises à prendre ce tournant.
Les revendications de la coalition G15+ sont complètement en phase avec le Plan pour une Économie verte de la CAQ : a) faire de la croissance verte une priorité et multiplier pour ce faire les occasions d'investissements rentables ; b) utiliser les impôts ou les taxes de la population pour aider les entreprises à passer à des technologies vertes et développer leurs capacités concurrentielles sur le marché mondial ; c) définir une énergie fossile comme le gaz naturel comme une énergie de transition et accepter la perspective du bouquet énergétique ; d) inscrire l'action gouvernementale dans une logique de croissance verte combinant réindustrialisation pour certains biens stratégiques et expansion des exportations sur le marché international ; e) viser une souveraineté alimentaire, mais sans remettre en question une industrie agro-exportatrice centrée sur la production carnée et utilisant des entrants qui, comme les pesticides, sont dévastateurs sur le plan écologique.
Les débats stratégiques dans le mouvement écologiste sont donc à l'ordre du jour.
Le mouvement antiraciste et de solidarité internationale s'est développé autour des mobilisations des peuples autochtones contre la négation par le gouvernement de la CAQ de l'existence du racisme systémique et pour dénoncer la politique de soutien au gouvernement israélien du gouvernement Trudeau dans son offensive et sa politique génocidaire contre le peuple palestinien de Gaza. La complicité du gouvernement de la CAQ à ce niveau a également été dénoncée. Les campements établis sur les campus universitaires sont à la pointe de ces mobilisations.
6. La défense d'une stratégie écosocialiste et écoféministe dans le cadre de la conjoncture actuelle.
La stratégie que nous défendons n'est pas une stratégie électoraliste alternative pour la construction d'un parti de gouvernement, mais bien celle d'une stratégie visant à construire le pouvoir dans la société par le renforcement de l'expression démocratique, de la combativité et de l'unité des différents mouvements sociaux antisystémiques.
La ligne de rupture que nous proposons pour rallier une majorité populaire, c'est celle défendant une société plurinationale et pluriculturelle qui nécessitera :
a) la remise en question de l'exploitation de nos ressources naturelles et de notre énergie par des multinationales étrangères ;
b) la planification démocratique de nos choix d'investissements pour une transition écologique véritable ;
c) la mise en place d'institutions politiques dépassant le strict cadre de la démocratie représentative. Ce qui se fera dans le cadre de l'élection d'une constituante visant l'établissement d'une république sociale ;
d) la lutte pour une société écoféministe assurant l'égalité de genre ;
e) le développement de nos services publics contrôlés par les usagers et les usagères et les personnes qui y travaillent ;
f) le refus de l'existence de secteurs de la société privés de droits, comme ceux des travailleurs et travailleuses temporaires et des sans-papiers ;
g) la liberté de circulation et d'installation de toutes les personnes migrantes ;
h) l'éradication du racisme systémique qui touche tant les peuples autochtones que les autres secteurs racisés de la population ;
i) une politique linguistique qui défend l'usage du français comme langue commune, mais qui refuse de faire des personnes immigrantes la cause du manque d'attractivité de la langue française et enfin :
k) le rejet d'une laïcité identitaire qui essentialise la réalité de la nation.
Ce ne sont là, rapidement esquissés, que certains axes, parmi d'autres, qu'il faudra préciser pour l'indépendance que nous voulons. C'est autour de ces axes programmatiques que nous voulons construire un Québec indépendant et solidaire.
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Les dangers de l’utilisation du « trop d’immigrants » ?

Le 17 juin, dans une entrevue assez complaisante avec le journaliste Patrice Roy à Radio-Canada, le premier ministre Legault a repris son bâton de propagandiste avec brio.
Fort à l'aise dans un discours identitaire décomplexé, il a martelé ses clichés fétiches : trop de demandeurs d'asile et de travailleurs temporaires nuisent au bien-être de la nation, limitant explicitement l'extension de cette notion aux natifs francophones. Des étrangers, trop nombreux, menaceraient le français, la qualité des services sociaux et de santé, le système d'éducation et, en prime, seraient un facteur déterminant dans la crise du logement alors que les racines du problème viennent surtout du libéralisme économique débridé qui domine ce secteur (contracteurs, promoteurs immobiliers, courtiers et… escrocs sans foi ni loi s'en donnent à cœur joie pour engranger des profits faramineux. Au lieu de proposer des solutions aux vrais problèmes, le premier ministre s'en tient la menace des étrangers, boucs émissaires causes de tous les maux. On devrait relire Jean de la Fontaine dans Les animaux malades de la peste :
« Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! Quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait. On le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
Cette entrevue pleine de sous-entendus et de généralisations a envahi les ondes comme un simple échange d'informations, sans questionnement, sans critique. Monsieur Legault avait beau jeu d'expliciter la politique de son parti sans coup férir. En réalité, il s'est prêté à une véritable opération de propagande anti-étrangers sans remise en question de sa visée réelle.
Le premier canon de la propagande consiste à construire une menace portée par des individus ou des groupes d'individus ; c'est d'ailleurs l'ABC de l'exclusion et de la xénophobie (la crainte des étrangers), de l'antisémitisme, de l'islamophobie et autres formes de discrimination. Il suffit d'attribuer des tares à un groupe donné caractérisé par des dimensions particulières différentes de la majorité dominante (statut social, condition sociale, origine ethnique, religion, langue, etc.). Dans un tel cas, rien de mieux que d'instrumentaliser la peur de ces « autres » (ceux que l'on connaît peu réellement) pour créer l'adhésion de la masse à l'idée qu'il faille agir vite pour conjurer ce mauvais sort.
La propagande repose aussi sur la manipulation des faits pour détourner l'opinion publique de ce qui pourrait nuire à la cause défendue. La propagande s'avère un outil efficace quand elle est utilisée par une personnalité publique dominante, le premier ministre ; elle est d'autant plus redoutable quand elle rejoint la masse dans un contenu d'informations sélectives diffusées au fil d'une entrevue télévisée. Au cours de cette entrevue, la répétition du propos faisait appel au subconscient de la masse ; le premier ministre s'attribuait le beau rôle de preux chevalier défenseur de la nation dans une cause noble, juste, presque sacrée, car, affirme-t-il, même le français est menacé par cette masse informe d'étrangers. En outre, il évoque l'idée d'un référendum sur l'immigration pour conforter la nation dans la lubie de la menace. Il va même jusqu'à proposer d'exiler des demandeurs d'asile dans d'autres provinces et à contrôler ce « trop-plein » d'étrangers alors que son propre gouvernement a largement contribué à la promotion du recrutement de forts contingents de travailleurs étrangers temporaires (travailleurs liés à un seul employeur par un contrat dit fermé). La stratégie gouvernementale visait à favoriser le recrutement au profit des entreprises.
À force de crier au loup en évoquant la menace des autres, il risque fort de générer un fort mouvement de xénophobie. Devant la menace appréhendée, considérant qu'une grande partie de la population y perd son latin dans les catégories et les statuts d'étrangers, il y a fort à parier qu'un tel référendum, aussi ridicule qu'il soit, indiquerait qu'il importe de diminuer le nombre d'immigrants et d'immigrantes ; devant la présentation de facteurs apparemment neutres et objectifs, on crée les conditions d'une discrimination indirecte et xénophobe fondée sur la menace d'une nuisance au bien-être de la majorité dominante.
Deux sociologues suisses, A. Akoun et P. Ansart, ont cerné la question ; la xénophobie repose sur l'hostilité dirigée « contre les personnes désignées comme étrangères, extérieures au groupe d'appartenance. Ce terme est communément utilisé pour désigner les sentiments d'hostilité répandus dans une nation à l'égard, en particulier, des étrangers immigrés, sentiments liés aux conflits économiques et aux concurrences culturelles. L'analyse de contenu de lettres reçues par les journaux suisses fait apparaître la complexité de ces attitudes. Windicsh et ses collaborateurs distinguent trois configurations idéologiques différentes : celle des « nationalistes », qui opposent l'unité de la nation aux non-nationaux, celle des « populistes », qui opposent le peuple et ses intérêts à ceux des étrangers, celle enfin des « technocrates », qui souhaitent la réduction du nombre des travailleurs immigrés pour des raisons économiques » (Akoun, A. et P. Ansart (dir.) (1999). Dictionnaire de sociologie, Paris, Le Robert/Seuil, p. 567).
Il est plus que temps que le premier ministre soit soumis à un test de cohérence quant aux conséquences de ses propos, surtout lorsqu'un grand média comme Radio-Canada lui déroule le tapis rouge.
André Jacob, professeur retraité de l'École de travail social
Université du Québec à Montréal
Prix d'excellence en matière de relations interethniques et relations interraciales. (Secrétariat d'État au multiculturalisme du Canada.)
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Entretien avec Éric Toussaint sur la 6e Rencontre internationale écosocialiste

Dans l'émission Un Mundo de Película (Radio CUT), Buenos Aires, Argentine, animée par Jorge Muracciole, l'interview suivante a été diffusée sur les ondes. Éric Toussaint, porte-parole du Comité pour l'abolition des dettes illégitimes, docteur en sciences politiques de l'Université de Liège et de l'Université de Paris VIII, répond aux questions du journaliste Jorge Muracciole.
18 juin 2024 | tiré du site du CADTM
Les 9, 10 et 11 mai 2024, s'est tenue à Buenos Aires (Argentine) la 6e Rencontre internationale écosocialiste et la 1re Rencontre écosocialiste de l'Amérique latine et des Caraïbes. Des représentant-es de différents espaces ont participé à la rencontre : Eric Toussaint, Julio Gambina d'Attac Argentine membre du CADTM AYNA et du Courant politique de gauche (CPI), Nadja Carvalho du PSOL Brésil, Iñaki Bárcenas d'EH Gune Ecosozialista (Pays Basque), Alice Gato de Climáximo (Portugal), Fernanda Gadea coordinatrice d'ATTAC Espagne, Beverly Keene, coordinatrice de Jubilé Amériques du Sud, Claudio Katz, économiste de la gauche argentine (EDI), Evelyn Vallejos (UTEP) et bien d'autres référents.
Le journaliste Muracciole s'est entretenu avec Toussaint pour obtenir des informations sur cette Rencontre et sur les ateliers, panels et débats organisés dans le cadre de celle-ci.
Nous partageons avec vous cet entretien :
JM : Comment est né l'écosocialisme et quelle est son importance dans le contexte capitaliste actuel ?
ET : Il est né il y a environ 15 ans avec la conviction qu'une solution anticapitaliste à la crise écologique est absolument fondamentale. La solution de type « capitalisme vert » qui nous est proposée par les gouvernements et par les grandes multinationales privées, et qui fait l'objet d'une énorme propagande, ne permet pas de répondre à la crise écologique et au changement climatique.
Une réponse socialiste écologique fait partie intégrante du programme socialiste de notre époque, il faut convaincre la population que la solution à la crise écologique implique de changer les rapports de production, de changer les rapports de propriété, de changer les rapports entre les gens, bien sûr dans le cadre du socialisme démocratique.
JM : Quels ont été les axes fondamentaux de la rencontre ?
ET : Ce qui a été très positif, c'est la participation d'une nouvelle génération en tant qu'intervenant-es. Dans tous les panels et ateliers, il y avait une majorité de personnes de moins de 45 ans qui avaient, en général, une expérience et une pratique militante. Mais, en même temps, des personnes qui intègrent la dimension de l'écologie et de l'anticapitalisme dans le cadre d'une pratique, d'une praxis, et cela est fondamental.
Ce n'était pas un séminaire d'analyse de diagnostics, de polémiques théoriques, mais plutôt une conférence où l'on a fait référence au besoin d'accès à la terre, où l'on a mis en évidence les effets néfastes et la gravité de l'agrobusiness, les effets de la privatisation de l'eau, la privatisation et la financiarisation de la nature, la transition énergétique, le lien entre l'écoféminisme et le féminisme, les impacts sur les femmes et leur relation avec les droits du mouvement LGBTIQ+. Le racisme environnemental et la racialisation de la crise écologique ont également été abordés.
Il s'agissait de la 6e réunion et de la première à se tenir en Amérique latine et les Caraïbes, les précédentes ayant commencé en Europe et dans deux ans, en 2026, elle reviendra sur ce continent en Belgique plus précisément, mais entre les deux réunions, il y aura une date importante : la COP30, en novembre 2025, à Belém do Pará (Brésil). Nous attendons des dizaines de milliers de personnes, de peuples autochtones et d'activistes de toutes les régions du monde.
Gardons à l'esprit que les dernières Conférences des Parties (COP ONU) ont été convoquées dans des pays éloignés où il était presque impossible de se rendre, par exemple, la COP27 s'est tenue du 6 au 18 novembre 2022 à Sharm el Sheikh, une cité balnéaire en Égypte éloignée des centres urbains et dans un pays à régime dictatorial ; la COP28 à Dubaï (Émirats arabes unis) du 30 novembre au 12 décembre 2023 ; la COP29 se tiendra cette année à Bakou, en Azerbaïdjan, du 11 au 22 novembre. Des lieux très éloignés où il n'y a pas la possibilité d'organiser des débats et des manifestations avec des dizaines de milliers d'activistes avec des alternatives aux « fausses solutions » qu'on nous propose. Nous pensons que pour la COP30 à Belém do Pará à l'embouchure du fleuve Amazone, il y aura une mobilisation très importante avec des dizaines de milliers d'activistes et de militant-es.
Parmi les questions que nous avons également abordées, dans le cadre de cette réunion à Buenos Aires, il y avait le problème de l'extrême-droite et de la crise écologique... les membres de l'extrême-droite, comme l'ex-président brésilien Bolsonaro et ses partisans les Bolsonaristas ou les gens du nouveau président argentin Javier Milei, sont des négationnistes de la crise écologique et de la nécessité de prendre des mesures radicales pour rompre avec le système capitaliste. Et leur négationnisme a des effets absolument désastreux pour les populations, comme on le voit en ce moment dans le pays voisin de l'Argentine, avec la situation catastrophique causée par les inondations dans l'État du Rio Grande do Sul (Brésil).
Lire également sur les inondations à Porto Alegre, capitale de l'État de Rio Grande do Sul : Porto Alegre enregistre une première occupation d'immeuble désaffecté par les victimes d'inondations
JM : Cette réunion importante, avec ces caractéristiques, est fondamentale dans un processus aussi dystopique, où en Argentine il y a un gouvernement qui est actuellement ultra-libéral et, de plus, ultra-droitier. Outre l'urgence, nous sommes confrontés à une situation asymétrique... contrairement à d'autres époques, il n'est pas nécessaire qu'il y ait des « coups d'État sanglants » pour qu'il soit mis en place. Les gouvernements de droite arrivent sur la base d'un consensus important de la population.

ET : La bataille des idées est essentielle, face à ces idées d'extrême droite qui bénéficient du soutien des grands médias et aussi de la désillusion, de la dépolitisation et de la désorientation, elles parviennent à convaincre une partie importante de l'opinion publique. Face à cela, il est absolument nécessaire de combattre les propositions de l'extrême droite.
JM : Ne pensez-vous pas que le capitalisme, non seulement comme modèle productif mais aussi comme modèle de vie, génère des pratiques hégémoniques qui finissent par générer à leur tour une subjectivité proche de ces conceptions ? Qu'il est nécessaire de déconstruire cette subjectivité et de créer une subjectivité alternative.
ET : Bien sûr. Et c'est pourquoi je répète que lors de la Rencontre écosocialiste, la capacité de la nouvelle génération à exprimer une manière d'analyser la réalité qui puisse toucher une grande partie de la jeunesse au niveau international a été très importante.
L'écosocialisme est justement un pont intergénérationnel pour ceux et celles qui s'opposent au système du capitalisme mondialisé.
JM : La proposition « verte » dans le cadre du capitalisme est la démonstration que c'est une impasse, car il y a eu de multiples conférences sur le changement climatique, de Kyoto au Sommet de Paris, et aucun progrès n'a été réalisé. Le monde reste le même.
Quelle est la situation actuelle et les perspectives pour la planète face à ce projet civilisateur de ce capitalisme dégradant ?

ET : La situation s'aggrave à une vitesse que même les scénarios les plus pessimistes n'ont pas prévu, par exemple, dans le cadre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), ils n'ont pas pris entièrement conscience de la rapidité du changement climatique et de l'extinction des espèces à l'échelle planétaire.
Alors que l'on parle d'investissements dans les « véhicules électriques », les « énergies renouvelables », etc., les émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) continuent d'augmenter. Preuve en est la multiplication des catastrophes « dites naturelles », l'ampleur de ces catastrophes, comme ce qui se passe à Porto Alegre ou dans l'Est de l'Afrique touchés par des inondations catastrophiques tandis que l'Ouest africain est touché par la sécheresse et de grandes chaleurs, l'augmentation de la température des océans, etc. qui implique un calendrier pour imposer une bifurcation énergétique et pas seulement une transition énergétique, ce qui nous donne un laps de temps, jusqu'à 10 ou 12 ans. En termes de temps, nous n'avons pas deux ou trois générations pour répondre à la crise, c'est la génération actuelle qui doit trouver la solution, sinon nous allons vers une véritable catastrophe pour l'humanité.
JM : Face à une situation aussi grave, il y a les négationnistes, les secteurs de l'ultra-droite qui prétendent que ce type de question en général est un discours du progressisme et du marxisme, mais d'un autre côté, il y a aussi des secteurs au niveau social qui prétendent qu'il est plus probable que le monde soit détruit qu'il soit nécessaire de construire le socialisme, est-ce que cela a un rapport avec la défaite de l'Union soviétique, avec ce qu'était le vrai socialisme ?
ET : Nous devons reconstruire l'espoir, la conviction, la possibilité de visualiser l'urgence mais en même temps la possibilité d'une réponse collective qui implique la décroissance économique dans le Nord global. Croissance économique, mais respectueuse de la nature, dans le Sud pour satisfaire les besoins fondamentaux des populations, en termes d'accès à l'eau, à la terre, à la santé, à l'éducation, à la culture, à un logement décent... cela implique une croissance économique nécessaire dans une partie du monde. Mais au Nord, il faut organiser la décroissance économique. Faire renaître l'espoir en montrant que c'est techniquement possible, mais pas par des solutions à l'intérieur du système capitaliste que propose le « capitalisme vert », par la production de « véhicules électriques » ou d'« hydrogène vert » ou de « capture du carbone », qui ne sont pas vraiment des solutions pour trouver une alternative à la crise écologique actuelle.
JM : Quel message donneriez-vous à la jeunesse d'ici, puisque vous êtes en Argentine, pour qu'elle prenne conscience de la nécessité de construire une alternative qui ne soit pas le suicide collectif que nous vivons à travers le capitalisme ?
ET : Qu'il faut se battre. Se défendre simultanément, par exemple, contre des gouvernements comme celui de Javier Milei, comme l'a montré la mobilisation massive pour la défense de l'éducation publique, des universités en avril 2024, etc., mais aussi s'opposer à l'extractivisme, au fracking, aux mines à ciel ouvert, au modèle de monoculture du soja OGM, à l'agrobusiness, etc, Ces questions centrales nous permettent d'établir des relations entre les jeunes des centres urbains et les jeunes ruraux (qui luttent dans leurs territoires), de mettre en relation les minorités des peuples d'origine avec la majorité de la population.
C'est-à-dire de mettre en relation le projet de rupture avec le capitalisme avec les problèmes réels que les gens vivent au quotidien.
Lien pour écouter l'interview en espagnol :
https://radiocut.fm/audiocut/erik-toussaint-sobre-eco-socialismo/#
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Israël - L’effondrement du sionisme

L'attaque du Hamas du 7 octobre peut être comparée à un tremblement de terre qui frappe un vieux bâtiment. Les fissures commençaient déjà à apparaître, mais elles sont maintenant visibles au niveau des fondations elles-mêmes. Plus de 120 ans après sa création, le projet sioniste en Palestine - l'idée d'imposer un Etat juif dans un pays arabe, musulman et moyen-oriental - serait-il en passe de s'effondrer ? Historiquement, une quantité de facteurs peuvent faire capoter un État.
Tiré d'Europe solidaire sans frontière. Article paru en anglais dans la New left review du 21 juin 2024.
Cela peut résulter d'attaques constantes de la part des pays voisins ou d'une guerre civile chronique. Cela peut faire suite à l'effondrement des institutions publiques, qui ne sont plus en mesure de fournir leurs services aux citoyens. Souvent, cela commence par un lent processus de désintégration qui s'accélère et qui, en peu de temps, fait s'écrouler des structures qui semblaient autrefois solides et stables.
La difficulté consiste à en repérer les premiers indicateurs. Je soutiendrai ici que ceux-ci sont plus clairs que jamais dans le cas d'Israël. Nous sommes les témoins d'un processus historique - ou, plus exactement, des prémices d'un processus - qui pourrait bien déboucher sur la chute du sionisme. Et si mon diagnostic est exact, nous abordons également une phase particulièrement dangereuse. En effet, une fois qu'Israël aura pris conscience de l'ampleur de la crise, il déploiera une force féroce et désinhibée pour tenter de la contenir, comme l'a fait le régime d'apartheid sud-africain à ses derniers jours.
1. Un premier indicateur est la fragmentation de la société juive israélienne. Elle est actuellement composée de deux camps rivaux qui ne parviennent pas à trouver un terrain qui leur soit commun. Le clivage provient des problèmes que pose la définition du judaïsme en tant que nationalisme. Alors que l'identité juive en Israël a parfois semblé n'être guère plus qu'un sujet de débat théorique entre factions religieuses et laïques, elle est désormais devenue une lutte dont l'objet est la caractérisation de la sphère publique et de l'État lui-même. Cette lutte se déroule non seulement dans les médias, mais aussi dans la rue.
L'un des camps peut être qualifié d'« État d'Israël ». Il se compose de Juifs européens et de leurs descendants, plus laïques et libéraux, appartenant pour la plupart, mais pas exclusivement, à la classe moyenne, qui ont fortement contribué à la création de l'État en 1948 et y sont restés hégémoniques jusqu'à la fin du siècle dernier. Qu'on ne s'y trompe pas, leur défense des « valeurs démocratiques libérales » n'affecte en rien leur adhésion au système d'apartheid qui est imposé, de diverses manières, à tous les Palestiniens vivant entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Ce qu'ils souhaitent avant tout, c'est que les citoyens juifs vivent dans une société démocratique et pluraliste dont les Arabes soient exclus.
L'autre camp est celui de « l'État de Judée », qui s'est constitué parmi les colons de la Cisjordanie occupée. Il bénéficie d'un soutien croissant dans le pays et constitue la base électorale qui a assuré la victoire de Netanyahou aux élections de novembre 2022. Son influence dans les hautes sphères de l'armée et des services de sécurité croît de manière exponentielle. L'État de Judée veut qu'Israël devienne une théocratie qui s'étende sur l'ensemble de la Palestine historique. Pour ce faire, il est déterminé à réduire le nombre de Palestiniens au strict minimum et envisage la construction d'un troisième temple à la place d'al-Aqsa. Ses membres sont convaincus que cela leur permettra de renouer avec l'âge d'or des royaumes bibliques. Pour eux, les Juifs laïques sont aussi hérétiques que les Palestiniens s'ils refusent de s'associer à cette entreprise.
Les deux camps ont commencé à s'affronter violemment avant le 7 octobre. Pendant les premières semaines qui ont suivi l'attaque, ils ont semblé laisser de côté leurs divergences face à un ennemi commun. Mais ce n'était qu'une illusion. Les affrontements dans les rues ont repris et l'on voit mal ce qui pourrait permettre une réconciliation. L'issue la plus probable se dessine déjà sous nos yeux. Plus d'un demi-million d'Israéliens, membres de l'État d'Israël, ont quitté le pays depuis le mois d'octobre, signe que le pays est en train d'être englouti par l'État de Judée. Il s'agit d'un projet politique que le monde arabe, et peut-être même le monde dans son ensemble, ne tolérera pas à long terme.
2. Le deuxième indicateur est la crise économique que traverse Israël. La classe politique ne semble pas avoir de plan pour équilibrer les finances publiques dans un contexte de conflits armés perpétuels, au-delà d'une dépendance croissante à l'égard de l'aide financière américaine. Au dernier trimestre de l'année dernière, l'économie s'est effondrée de près de 20% ; depuis lors, la reprise est fragile. La promesse de 14 milliards de dollars de Washington n'est pas de nature à inverser la tendance. Au contraire, le fardeau économique ne fera que s'aggraver si Israël persiste dans son intention de faire la guerre au Hezbollah tout en intensifiant ses activités militaires en Cisjordanie, alors que certains pays - dont la Turquie et la Colombie - ont commencé à appliquer des sanctions économiques.
La crise est encore aggravée par l'incompétence du ministre des finances, Bezalel Smotrich, qui ne cesse d'acheminer de l'argent vers les colonies juives de Cisjordanie, mais qui semble par ailleurs incapable de gérer son ministère. Le conflit entre l'État d'Israël et l'État de Judée, ainsi que les événements du 7 octobre, incitent une partie de l'élite économique et financière à déplacer ses capitaux hors de l'État. Ceux qui envisagent de déplacer leurs investissements représentent une part importante des 20 % d'Israéliens contribuant à hauteur de 80 % aux impôts.
3. Le troisième indicateur est l'isolement international croissant d'Israël, qui devient progressivement un État paria. Ce phénomène a commencé avant le 7 octobre mais s'est intensifié depuis le début du génocide. Il se reflète dans les positions sans aucun précédent adoptées par la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale. Auparavant, si le mouvement mondial de solidarité avec la Palestine était capable d'inciter des gens à participer à des opérations de boycott, il ne parvenait pas à faire avancer la perspective de sanctions internationales. Dans la plupart des pays, le soutien à Israël est resté inébranlable au sein des élites politiques et économiques.
Dans ce contexte, les récentes décisions de la CIJ et de la CPI - déclarant qu'Israël est susceptible de se livrer à un génocide, qu'il doit mettre fin à son offensive à Rafah, que ses dirigeants devraient être arrêtés pour crimes de guerre - doivent être considérées comme une prise en compte des points de vue de la société civile mondiale, et non comme le simple reflet de l'opinion des élites. Les tribunaux n'ont pas permis de réduire les terribles agressions subies par les populations de Gaza et de Cisjordanie. Mais ils ont apporté leur contribution au concert croissant de critiques adressées à l'État israélien, critiques qui proviennent de plus en plus souvent aussi bien d'en haut que d'en bas.
4. Le quatrième indicateur, qui est lié au précédent, est le changement radical qui s'opère parmi les jeunes juifs du monde entier. À la suite des événements des neuf derniers mois, nombre d'entre eux semblent aujourd'hui prêts à renoncer à leurs liens avec Israël et le sionisme et à participer activement au mouvement de solidarité avec les Palestiniens. Les communautés juives, en particulier aux États-Unis, assuraient autrefois à Israël une immunité efficace contre les critiques. La perte, ou du moins la perte partielle, de ce soutien a des conséquences majeures sur la position du pays dans le monde. L'AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) peut encore compter sur les sionistes chrétiens pour l'aider et renforcer ses effectifs, mais elle ne sera pas la même organisation redoutable sans un groupe d'électeurs juifs important. Le pouvoir du lobby s'érode.
5. Le cinquième indicateur est la faiblesse de l'armée israélienne. Il ne fait aucun doute que Tsahal reste une force puissante disposant d'un armement de pointe. Pourtant, ses limites ont été révélées le 7 octobre. De nombreux Israéliens estiment que l'armée a eu beaucoup de chance, car la situation aurait pu être bien pire si le Hezbollah avait été associé à une offensive coordonnée. Depuis, Israël a montré qu'il dépendait cruellement d'une coalition régionale, menée par les États-Unis, pour se défendre contre l'Iran, dont la frappe d'avertissement d'avril a vu le déploiement d'environ 170 drones et de missiles balistiques et guidés. Plus que jamais, le projet sioniste dépend de la livraison rapide d'énormes quantités de fournitures par les Américains, sans lesquelles il ne pourrait même pas combattre une petite armée de guérilla dans le sud.
L'impréparation et l'incapacité d'Israël à se défendre sont aujourd'hui largement perçues par la population juive du pays. Cela a conduit à une forte pression pour supprimer l'exemption militaire dont bénéficient les juifs ultra-orthodoxes - en place depuis 1948 - et commencer à les enrôler par milliers. Cela ne changera pas grand-chose sur le champ de bataille, mais cela reflète l'ampleur du pessimisme à l'égard de l'armée, qui a, à son tour, aggravé les divisions politiques au sein de la société israélienne.
6. Le dernier indicateur est le retour du dynamisme de la jeune génération de Palestiniens. Elle est beaucoup plus unie, plus organiquement connectée et plus claire quant à ses perspectives que l'élite politique palestinienne. Étant donné que la population de Gaza et de Cisjordanie est l'une des plus jeunes du monde, cette nouvelle composante aura une influence considérable sur le cours de la lutte de libération. Les discussions qui ont lieu au sein des jeunes groupes palestiniens montrent qu'ils sont désireux de mettre en place une organisation véritablement démocratique - soit une OLP renouvelée, soit une nouvelle organisation - qui portera une vision de l'émancipation aux antipodes de la façon dont l'Autorité palestinienne s'y prend pour se faire reconnaître en tant qu'État. Ils semblent favorables à une solution à un seul État plutôt qu'à un modèle à deux États discrédité.
Seront-ils en mesure d'élaborer une réponse efficace au déclin du sionisme ? Il est difficile de répondre à cette question. L'effondrement d'un projet d'État n'est pas toujours suivi d'une perspective plus prometteuse. Ailleurs au Moyen-Orient - en Syrie, au Yémen et en Libye - nous avons vu à quel point les suites peuvent être sanglantes et interminables. Dans ce cas, il s'agirait de décolonisation, et le siècle dernier a montré que les réalités postcoloniales ne sont pas toujours synonymes d'amélioration par rapport à la condition coloniale. Seule la mobilisation des Palestiniens peut nous faire avancer dans la bonne direction. Je pense que, tôt ou tard, une combinaison explosive de ces indicateurs aboutira à la destruction du projet sioniste en Palestine. Lorsque ce sera le cas, nous devons espérer qu'un solide mouvement de libération sera là pour combler le vide.
Pendant plus de 56 ans, ce que l'on a appelé le « processus de paix » - un processus qui n'a mené nulle part - n'était en fait qu'une série d'initiatives israélo-américaines auxquelles les Palestiniens étaient invités à répondre. Aujourd'hui, la « paix » doit être remplacée par la décolonisation et les Palestiniens doivent pouvoir exprimer leur projet pour la région, les Israéliens étant invités à réagir. Ce serait la première fois, au moins depuis de nombreuses décennies, que le mouvement palestinien prendrait l'initiative d'exposer ses propositions pour une Palestine postcoloniale et non sioniste (ou peu importe le nom de la nouvelle entité). Ce faisant, il se tournera probablement vers l'Europe (peut-être vers les cantons suisses et le modèle belge) ou, plus opportunément, vers les anciennes structures de la Méditerranée orientale, où les groupes religieux sécularisés se sont progressivement transformés en groupes ethnoculturels qui vivaient côte à côte sur le même territoire.
Que l'on se réjouisse de cette idée ou qu'on la redoute, l'effondrement d'Israël est devenu envisageable. Cette éventualité devrait inspirer la réflexion à long terme sur l'avenir de la région. Elle s'imposera au fur et à mesure que les gens réaliseront que l'opération entreprise un siècle durant, sous la houlette de la Grande-Bretagne puis des États-Unis, pour imposer un État juif dans un pays arabe, se meurt lentement à l'heure actuelle. Cette entreprise a été une réussite dans la mesure où elle a permis la création d'une société de millions de colons, dont beaucoup sont maintenant de la deuxième ou de la troisième génération. Mais leur présence dépend toujours, comme c'était le cas à leur arrivée, de leur capacité à imposer violemment leur volonté à des millions d'autochtones, qui n'ont jamais abandonné leur lutte pour l'autodétermination et la liberté sur leur terre. Dans les décennies à venir, les colons devront se défaire de cette attitude et montrer leur volonté de vivre en tant que citoyens égaux dans une Palestine libérée et décolonisée.
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France – C’est le mouvement d’en bas qui réglera la crise en renversant le régime.

Manœuvres institutionnelles ou mouvement de ceux d'en bas, tel est le choix de l'heure. Macron a donc annoncé qu'il convoque les responsables des groupes parlementaires … vendredi prochain 23 août, afin de se livrer à des « consultations » d'où pourrait sortir le nom d'une ou d'un nouveau premier ministre !
18 août 2024 | tiré du site Arguments pour la lutte sociale
Il exige des partis et des groupes parlementaires qu'ils lui offrent une combinaison gouvernementale dont la caractéristique première doit être que les électrices et électeurs en ignoraient l'existence lorsqu'ils ont voté les 30 juin et 7 juillet derniers, et n'ont donc pu en aucun cas voter pour elle !
Les quatre partis du NFP représentés à l'Assemblée nationale ayant demandé à être reçus ensemble et avec Lucie Castets, Son Éminence a bien voulu faire savoir, par un communiqué des services de l'Élysée, qu'il « ne s'y oppose pas ».
Le maintien d'un gouvernement « démissionnaire », incensurable, irresponsable, incendiaire, permis par la constitution de la V° République, combiné à l'invraisemblable, en ces circonstances, vacance de l'Assemblée nationale dont il faut rappeler que tous les groupes la constituant l'ont acceptée presto, est un scandale absolu qui conduit à l'impasse.
La nomination de tout autre premier ministre que Lucie Castets ne ferait que démultiplier ce scandale et cette impasse.
Dans sa lettre aux groupes parlementaires autres que le RN, cosignée par les responsables PS, Ecolos, PCF et LFI, Lucie Castets met en avant 5 axes gouvernementaux : les mesures immédiates pour les salaires et l'abrogation de la loi Macron contre les retraites ; la « transition écologique » ; le rétablissement du service public de santé ; le rétablissement de l'école publique ; et les mesures fiscales censées permettre le tout « sans endetter » plus le pays. Elle ajoute que des majorités parlementaires variables sont possibles au coup par coup selon les lois.
La question immédiate est celle de l'action par en bas pour imposer la nomination de Lucie Castets, qui serait une défaite majeure du président et un coup démocratique porté à la V° République, lequel, à son tour, amplifierait la crise. Nul doute que nous aurions alors des manœuvres pour empêcher l'abrogation de la loi sur les retraites, différer la hausse des salaires, poursuivre la casse de l'école publique avec le « choc des savoirs » et celle de l'hôpital public : l'intervention directe des larges masses sera la seule issue comme elle est d'ores et déjà la condition pour battre Macron.
Une lettre de plusieurs dirigeants LFI, J.L. Mélenchon en tête, publiée samedi soir, qualifiant à juste titre ce que fait Macron de « coup de force institutionnel contre la démocratie », présente comme un « avertissement solennel » la menace d'une procédure de destitution du président si ce cirque devait se prolonger. Pétard mouillé : c'est la constitution de la V° République que LFI dit défendre contre Macron, alors que c'est elle qu'il utilise à plein, et c'est son article 68 qui est invoqué : il faudrait qu'une Haute Cour formée par l'Assemblée nationale et par le Sénat, et présidée par … Mme Braun-Pivet, destitue Macron pour non-respect de la constitution de la V° République !
Macron est engagé sur une voie qui est celle d'un Maduro. La question de le démettre est effectivement posée : elle n'adviendra que par la mobilisation d'en bas, qui, tout de suite, se cherche et va se trouver pour les salaires, les retraites, les services publics et un gouvernement NFP. C'est là la seule issue. Elle vise non à ce que Macron se soumette ou se démette, mais soit à ce qu'il se soumette puis se démette, soit à ce qu'il se démette directement. Elle ne passe pas par quelque article de la constitution que ce soit et ne débouche pas sur le rétablissement de ce régime par une nouvelle élection présidentielle, mais elle ouvre au contraire la voie à un processus constituant.
Chaque semaine, chaque jour, chaque heure, gagnée par Macron, construit un peu plus les conditions de l'affrontement social qui imposera le vrai débouché démocratique.
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Project 2025 : Le programme pour le pouvoir, passé et futur

En 1980, la Fondation Heritage a publié un manuel afin de diminuer le rôle de l'État et de lancer le marché libre. Sa vision de 2025 est encore plus extrême et plus dangereuse. Cet article fait partie de « Project 2025 : The Plot Against America », une production spéciale de The Nation destinée à dévoiler le vaste programme saisissant pour un deuxième mandat de D. Trump. Il apparaît dans le numéro de juin 2024 intitulé : « The Conservative Promise ».
Kim Phillips-Fein, The Nation, 4 juin 2024
Traduction, Alexandra Cyr
Après l'élection de Ronald Reagan en novembre 1980, l'Heritage Fondation qui était alors une star des groupes de réflexion, a lancé un document manuscrit : Mandate for Leadership : Policy Management in a Conservative Administration, qu'elle a fait parvenir à l'équipe de transition présidentielle et à la presse. Rédigé tout au long des années 1980, le manuscrit de 3,000 pages (1,093 après publication en volume) reflétait les aspiration d'un mouvement politique sur le point d'accéder au pouvoir.
Lorsque Richard Nixon a été élu en 1968, quand Barry Goldwater a fait campagne pour la présidence, il n'y a eu aucune infrastructure intellectuelle qui ait produit quoi que ce soit de comparable. Une poignée de sociétés d'intellectuels.les défendaient le marché libre et quelques organisations diffusaient la propagande communiste. Mais il s'agissait en général de vues générales sur la politique et l'économie plutôt que des programmes détaillés.
Mais, en 1980, le conservatisme était arrivé à Washington et le monde organisationnel avait complètement changé. Il n'y avait pas que l'Heritage Fondation créée en 1973 avec le soutien du magnat de la bière, Joseph Coors, mais aussi l'American Enterprise Institute, l'American Conservative Union et plus encore. Edwin Feulner, alors président de l'Heritage Fondation, se souvient que l'inspiration pour le « Mandate » était venue d'une réunion avec l'ex secrétaire au trésor, William Simon. Il se plaignait que lorsqu'il était arrivé à Washington pour servir dans l'administration Nixon, il n'y avait aucune direction ou « plans pratiques » pour mettre en action un programme conservateur. L'Heritage Fondation s'est attelée au travail pour que ça ne soit plus le cas.
Il fallait offrir à la nouvelle administration Reagan, un manuel sur la manière de limiter l'action du gouvernement fédéral pensant que ce faisant, l'activité entrepreneuriale se développerait en force et qu'ainsi le pouvoir dominant des États-Unis dans le monde serait restauré. Durant la première réunion de son cabinet, R. Reagan a distribué des copies du « Mandate » et plusieurs de l'équipe de sa rédaction ont bénéficié de nominations dont la plus notable, celle de James Watt, comme secrétaire à l'intérieur. Le livre a eu un franc succès.
Cette année, la Fondation, avec une constellation d'organisations conservatrices, a lancé un nouveau « Mandate for Leadership » avec l'intentions de guider la Présidence de D. Trump si jamais, il était réélu. Même si elle fait cela chaque fois que la Présidence change de mains, dont pour deux administrations républicaines, l'actuelle version qui fait plus de 880 pages est beaucoup plus audacieuse que les précédentes. Comme en 1980, le document devrait « revigorer la droite » et pour y arriver il présente plus de 350 penseurs conservateurs.trices et 45 organisations semblables qui offrent des avis sur les politiques (qui seront décidées) par la nouvelle administration. E. Feulner écrit la post face qu'il rebaptise « the Onward » dans laquelle il souligne que l'actuel courant « économique, militaire, culturel et de politique étrangère bouleversée » rappelle l'époque de Jimmy Carter « mais en pire ».
Mais, au-delà des invocations des années 1980, le nouveau « Mandate » est le reflet d'une toute autre phase du conservatisme américain. Même si la droite peut espérer reprendre l'élan des débuts de l'administration Reagan, le ton et le contenu du document laissent voir un mouvement divisé de l'intérieur. Contrairement à ce qu'il suggère, il n'arrive pas à une réelle transformation idéologique de la droite alors qu'elle se bat pour intégrer les succès électoraux de Donald Trump dans sa vision politique plus large.
Dans sa préface au texte de 1980, E. Feulner écrit : « L'imagination politique et la philosophie conservatrice ne sont pas un couple aussi uni qu'on le dit » mais plutôt « des partenaires égales et nécessaires dans la gestion gouvernementale ». Plusieurs des auteurs avaient une histoire personnelle avec le gouvernement soit comme élus au Congrès ou membre du cabinet. Sur les 32, il n'y avait qu'une seule femme.
Afin de présenter le type de gouvernement conservateur à venir, en 1980, les rédacteurs du programme commencent par décrire les divers départements et leurs cabinets et présentent un plan de travail pour chacun. Ce plan s'avère être une description de la manière par laquelle le gouvernement fédéral fonctionnerait si un grand nombre des agences mises en place durant le New Deal et sous la politique de la Grande Société était largement réduits ou carrément éliminés. Par exemple, le Département de l'éducation devrait être « complètement restructuré ». Il envisage que l'Agence de protection de l'environnement (EPA), soit conservatrice. Au passage on note les origines de cette agence au temps de l'administration Nixon et on avance qu'un « fédéralisme coopératif » induirait plus de soumission (aux décisions) parce que le pouvoir de décision serait rendu aux États et aux autorités locales. (…) La règlementation économique « menace de détruire l'économie de marché libre alors qu'à l'origine elle devait le protéger ». Dans la section du travail du Département du travail, on en appelle à l'introduction de lois dites « du droit de travailler » pour des groupes particuliers comme, par exemple, les étudiants.es ou les journalistes. On s'attaque lourdement aux fonctionnaires et autres travailleurs.euses du secteur public. C'est un avant-goût de ce R. Reagan a fait contre les aiguilleurs du ciel en grève en 1981.
Les rédacteurs du programme, influencés par la théorie économique de l'offre, recommandent de mettre fin aux impôts sur les gains en capital et à ceux des entreprises pour donner plus d'intérêt pour « travailler, épargner, investir et produire des résultats concrets ».
En 1980, réfléchissant sur la défaite américaine au Vietnam et à l'invasion de l'Afghanistan par l'Union soviétique, le programme plaide pour que la campagne contre le communisme soit revivifiée. Le chapitre sur le Département de la défense avance que les États-Unis sont « en train d'arriver à un stade d'infériorité militaire » face à L'URSS et que le budget militaire doit être considérablement augmenté. Les rédacteurs sont particulièrement durs envers le Département d'État et la politique de J. Carter envers l'Amérique centrale. Ils pressent les États-Unis de : « décourager les Soviétiques d'installer un autre pays communiste dans cet hémisphère ».
Ce portrait du texte de 1980 doit être nuancé, même s'il endosse le capitalisme sur la base de l'offre et qu'il est contre le communisme. Par exemple, il est très ouvert à l'immigration. Il signale que certains.es conservateurs.trices voient d'un bon œil « l'entrée d'immigrants.es illégaux.ales ». Ce serait un bon moyen de faire faire des travaux que les Américains.es ne veulent pas faire « au niveau des salaires pratiqués ». D'autres soutiennent que l'introduction « d'un grand nombre de personne à la culture inassimilable » créerait un « fardeau insupportable ». Même si dans la section sur l'Agence de la protection de l'environnement (EPA), on présente ses régulations comme « paralysantes » on concède que le contrôle de la pollution a été « un succès remarquable ». Il y a de courtes mentions sur l'avortement, les valeurs familiales, le crime, la religion et la sexualité. Le programme embrasse large mais pour la majorité du texte, le ton est décontracté.
Nous allons faire la comparaison de ce programme avec « Project 2025 » sous-titré « La promesse conservatrice » plutôt que « Politique de gestion dans une administration conservatrice » de 1980. À ce moment-là, l'attention était portée sur la structure du gouvernement fédéral et la nécessité de recentrer l'État sur la sécurité nationale. L'actuel programme commence par lister les problèmes auxquels le pays fait face aujourd'hui : les « ravages » de l'inflation, les budgets familiaux, les « overdoses », la « normalisation délétère » du transgénisme, « l'invasion de la pornographie » dans les bibliothèques scolaires et surtout le « Grand réveil » (Great Awokening) qui est lié au culte du totalitarisme. Le Président de la Fondation Heritage met en garde contre les « élites mondiales, les stratégies culturelles et économiques venues de la guerre froide » qui sont engagées par la « dictature totalitaire communiste » à Beijing avec Tik Tok comme outil principal.
Comme en 1980, (le texte actuel) soutient qu'un « Président conservateur moderne doit limiter, contrôler et diriger » l'exécutif. Il plaide aussi pour l'élimination du Département de l'éducation et envisage une « EPA conservative » qui n'a rien à voir avec les fondements de cette agence mise en place sous le Président Nixon. Il propose l'abolition du programme Head Start, (qui vise les enfants d'âge préscolaire. N.d.t.) parce qu'li serait « baigné de scandales et d'abus ». Il soutient aussi que le Département de la justice, y compris le F.B.I., a été pris en main par « une classe bureaucratique de gestionnaires radicaux de gauche ». Il faut revoir les politiques fiscales pour « améliorer le soutient au travail, a l'épargne et aux investissements ». La formule est quasi l'exacte réplique de celle de 1980.
Mais ce projet conservateur qui fut un temps appelé à la confidentialité est maintenant crié sur les toits. Redéfinir l'État et relâcher de nouvelles énergies est devenu « essentiel » puisqu'un Président affaibli est au pouvoir dépassé par l'appareil d'État qui est devenu hors de contrôle. Project 2025 suggère, que pour tenir les rênes du pouvoir, il faut diminuer les salaires et les bénéfices marginaux des employés.es de l'État, de le faire en adoptant un « niveau de salaire basé sur le marché ». Le projet recomande aussi « démanteler le Departement of Homeland Security » et de créer une agence autonome des frontières et de l'immigration comptant au moins 100,000 employés.es. Le document prend en compte la division à propos de l'Ukraine et de la Russie mais il cherche à rallier autour « d'une opportunité générationnelle » pour résoudre ces tensions et plaide pour que la « Chine communiste » soit reconnue comme « une menace déterminante ».
On y trouve aucune prétention à partager les valeurs en matière de politiques commerciales. Le chapitre sur « le commerce équitable » se concentre sur la protection de la fabrication américaine étant donné la « menace déterminante » de la Chine. En ce qui concerne le commerce équitable dans le secteur de la défense, la suggestion est de devenir membre du Partenariat Trans-Pacifique.
L'idée que redéfinir l'État et relâcher le libre marcher mènera à un retour en force du pouvoir national y est remplacée par la vision d'une « restauration de la famille ». Avec une adaptation simpliste de Edmund Burke, le gouvernement fédéral y est accusé de « corrompre les amours et les loyautés personnelles » en en favorisant « d'anormales ». L'idée veut que les personnes existent dans leurs familles et leurs communautés ; si elles ne sont pas protégées, les individus livrés à eux et elles-mêmes, seront sans défense devant l'État tout-puissant. Les politiques qui touchent les transsexuels.les, le droit à l'avortement, les téléphones intelligents et la pornographie sont à l'œuvre pour que les gens ne respectent plus leurs loyautés « naturelles ». En sous-texte on peut comprendre que le but ultime de ces politiques serait de rendre les gens vulnérables devant le contrôle de l'État. Alors que dans des conceptions antérieures du conservatisme l'accent était mis sur la libération des individus, le projet pour 2025 semble voir les familles et les communautés comme le rempart absolu de protection des individus sans défense qui seraient à la merci du pouvoir exorbitant de l'État.
Sans surprise le programme se situe en opposition avec les « élites politiques et d'affaire : presque tout le tiers supérieur des présidents.es d'Université ou des gestionnaires de fonds de risque sur Wall Street ont plus en commun avec un chef d'État socialiste européen qu'avec les parents des jeunes de l'équipe de football d'une école secondaire de Waco au Texas ». La distance avec les versions précédentes du conservatisme est néanmoins remarquable. On souligne que les lois du travail devraient être révisées pour que l'accent y soit mis sur « le bien des familles » avec des garderies pour enfants sur les lieux de travail et plus de congés payés. On enjoint le Congrès « d'encourager les temps libres dans les communautés » en amendant la loi Fair Labor Standards pour que les personnes qui travaillent le jour du Sabbath soient payées en temps supplémentaire. L'autorité familiale est le modèle pour la nation : « Comme la famille met les intérêts de ses membres en priorité, les États-Unis doivent aussi donner la priorité à ceux des travailleurs.euses du pays ». On se donne l'objectif d'unir « le mouvement conservateur et la population américaine » par une campagne contre les « les règles des élites ». Dans sa préface, K. Roberts fait très attention de présenter le Mandate comme le travail pour un large mouvement ; rien qui ait à voir avec un programme « par et pour les conservateurs » qui voudraient être prêts.es à « sauver notre pays au bord du désastre » dès le premier jour.
Partie prenante de ce Projet, la Fondation Heritage a construit une base de données de personnes qui pourraient servir dans une nouvelle administration Trump. C'est très important parce que comme le suggère ce projet, « les personnes nommées par le Président et qui lui sont attachées » ont la tâche fondamentale d'installer cette vision. Mais, comme le souligne Sam Adler-Bell dans ses reportages, D. Trump a consciencieusement pris soin de se distancer de ce programme alors qu'il menace de tarir les énergies du but ultime, soit de faire élire D. Trump.
Même si D. Trump réélu ignorait les suggestions de ce programme, le document demeure instructif. Les transformations introduites par R. Reagan à partir de son élection de 1980 ont restructurées la société américaine telle que les auteurs du groupe Heritage l'avaient prévu. La vision du marché et des reculs étatiques qu'ils avaient promu ont érodé les standards de vie, les salaires et provoqué une montée spectaculaire des inégalités économiques et un cloisonnement de la hiérarchie sociale. La richesse privée qui s'est insérée dans les fentes et la mobilisation de l'extrême droite actuelle avec ses idées complotistes d'une subversion interne de prise du pouvoir, sont l'héritage direct de la société atomisée et hiérarchisée produite par la révolution Reagan. Nous n'en sommes plus, malgré toutes les élucubrations de Project 2025, à un retour en arrière. Comme le dit E. Feulner, « En Avant » !
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Gaza. Le désinvestissement, l’arme des étudiants de Montréal pour sanctionner Israël

Si le campement des étudiants du campus universitaire de McGill contre la guerre génocidaire sur Gaza a été démantelé début juillet, il a permis de mettre en lumière les liens financiers et universitaires de cette université avec Israël. Des relations dont les étudiants et autres personnels académiques des universités montréalaises anglophones et francophones demandent toujours la rupture.
25 juillet 2024 | tiré du site de la revue Orient XXI | Photo : Montréal, 9 février 2024. Des manifestants dénoncent les liens financiers et universitaires de l'Université McGill avec Israël -Solidarity for Palestinian Human Rights (SPHR) McGill / Twitter
https://orientxxi.info/magazine/gaza-le-desinvestissement-l-arme-des-etudiants-de-montreal-pour-sanctionner,7515
Dans la nuit du 9 au 10 juillet, des étudiants et manifestants propalestiniens présents sur le campement situé à l'entrée du campus de l'université publique McGill se sont vu remettre un avis d'expulsion immédiat. Selon le communiqué de presse de l'administration de l'université, l'installation ferait peser une « menace de plus en plus importante pour la santé et la sécurité ». Quelques heures plus tard, grues, pelleteuses et autres engins de chantiers sont venus détruire les nombreuses infrastructures installées depuis plus de 75 jours.
Les 1er et 15 mai 2024, la Cour supérieure du Québec avait rejeté deux demandes d'injonction temporaire de démantèlement du campement. Les parties devaient de nouveau se retrouver devant le tribunal le 25 juillet, mais la direction universitaire a finalement engagé Sirco, une compagnie de sécurité privée québécoise, devançant ainsi la justice. Cette décision fait suite à l'échec des négociations entre les directions des universités McGill et Concordia — leurs étudiants ayant également établis leur campement à McGill, faute de place sur leur campus — deux universités anglophones de Montréal, et leurs étudiants représentés par les associations Solidarity for Palestinian Human Rights (SPHR).
« Ce campement restera historique et révolutionnaire », affirme Ward (pseudonyme), 20 ans, coordonnateur général de SPHR et étudiant libanais en sciences politiques. « Au Canada, McGill est l'équivalent de l'université Columbia aux États-Unis. Lorsque nous avons vu qu'ils avaient mis en place un campement, nous nous sommes dit qu'il fallait faire la même chose », explique-t-il.
DES INVESTISSEMENTS MEURTRIERS
Malgré le démantèlement, les revendications des étudiants des universités McGill et Concordia se maintiennent. Ces derniers demandent un « désinvestissement total des contrats » conclus entre leurs universités et des entreprises privées « complices du génocide à Gaza ». D'après les données publiées par McGill, celle-ci a investi près de 73 millions de dollars (67 millions d'euros) dans des entreprises impliquées dans les crimes commis par l'armée israélienne dans les territoires occupés.
Au 31 mars, McGill détenait notamment plus de 500 000 dollars (459 000 euros) d'actions auprès de l'entreprise américaine Lockheed Martin, vendeuse de missiles Hellfire 9X à l'armée israélienne. La société française Safran, dans laquelle McGill a investi près de 1,5 million de dollars (1,38 million d'euros), collabore également avec l'entreprise de technologies militaires israélienne Rafael, pour un projet de systèmes de capteurs avancés et d'intelligence artificielle — une technologie à laquelle l'armée israélienne a eu recours, notamment à Gaza, pour tuer à plus grande échelle. L'investissement de plus de 1,6 million de dollars auprès du groupe Thales, français également et spécialisé dans la défense et l'aérospatial, est aussi pointé du doigt par les étudiants, au vu de sa collaboration avec l'industrie d'équipement militaire israélienne Elbit Systems en juin 2023. Celle-ci a notamment été épinglée dans une déclaration publiée par l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies en 2022, qui a dénoncé l'usage de ses hélicoptères Apache dans le « bombardement des villages libanais et palestiniens » mais également dans « la surveillance massive des Palestiniens » et « le renforcement du contrôle militaire israélien en territoire palestinien occupé ». Ward s'insurge :
L'université utilise notre argent pour collaborer avec Israël, (…) mais nous qui venons du Proche-Orient, nous avons vécu tellement d'injustices [à cause d'Israël] au cours de notre vie, que combattre une de plus ne nous fait pas peur. Nous avons déjà vécu bien pire.
LA COMPLICITÉ DES BANQUES
Du côté de l'université Concordia, l'administration assure qu'elle « s'est éloignée de certains investissements, notamment dans l'industrie de l'armement », et que les investissements liés à Israël « représentent [seulement] 0,0001 % », sans pour autant publier la liste des actions investies, comme réclamée par les étudiants. « Nous avons été ignorés », déplore Sara Al-Khatib, ancienne membre de SPHR Concordia, tout juste diplômée en affaires publiques et études politiques. À 24 ans, cette jeune palestinienne est membre de Montreal4Palestine, un collectif de jeunes québéco-palestiniens qui organise des manifestations propalestiniennes à Montréal. Elle poursuit : « Je ne sais pas à quoi on s'attendait. Qu'est-ce qu'une université pourrait répondre lorsqu'une de ses étudiantes palestiniennes lui demande explicitement d'arrêter d'investir dans le meurtre de son peuple ? »
Les universités francophones montréalaises font l'objet du même type de revendication. Mais si le conseil d'administration de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) a cédé aux demandes de ses étudiants et a adopté une résolution afin de s'assurer « de n'avoir aucun investissement direct dans des fonds ou compagnies qui profitent de l'armement, et de divulguer chaque année » la liste de ses investissements, l'Université de Montréal (UdeM) rechigne à faire de même. Selon son rapport annuel de 2023, celle-ci possède plus de 9,2 millions de dollars (8,4 millions d'euros) d'actifs dans des banques canadiennes, telles que la Banque Toronto-Dominion, la Banque Royale du Canada, la Banque de Montréal et la Banque Scotia. Or, ces institutions financières ont été épinglées à de nombreuses reprises par la campagne Boycott, désinvestissement sanctions (BDS) Québec pour leurs investissements de plusieurs centaines de millions de dollars dans les entreprises militaires Elbit Systems et General Dynamics.
Cette dernière est la cinquième plus grande entreprise militaire au monde. Elle fournit non seulement une large variété de bombes à l'armée de l'air israélienne, telles que les MK-82 et 84, larguées sur Gaza en 2014 et 2021, mais également les systèmes d'armes et composants des avions de chasse israéliens F-35, F-15 et F-16, impliqués dans le bombardement d'immeubles résidentiels et des bureaux de presse d'Al-Jazira et d'Associated Press à Gaza-ville en 2014. Interrogée quant aux investissements effectués avec son argent, Geneviève O'Meara, la porte-parole de l'Université de Montréal, se défend de « sélectionner les actifs qu'elle détient un à un. […] Les investissements que nous détenons sont dans des portefeuilles de placement plutôt qu'en détention directe et ces portefeuilles sont administrés par des gestionnaires externes d'actifs ».
DES MENACES POLITIQUES ET ÉCONOMIQUES
Dov Baum, directrice du Centre d'action pour la responsabilité des entreprises et de la recherche de l'American Friends Service Committee (AFSC), basée en Californie, aux États-Unis, dénonce ce type de sophisme.
Si les universités affirment qu'elles n'investissent pas directement dans ces entreprises, cela signifie qu'elles peuvent donc être capables de publier une déclaration dans laquelle elles s'engagent publiquement à ne pas y investir. Ce ne devrait pas être un effort, puisqu'elles n'investissent pas directement.
Depuis 2005, l'organisation dont elle est membre collecte, trie et publie des informations « publiques mais difficilement trouvables » sur les entreprises impliquées dans les violations des droits de la personne en Palestine, et les met à disposition des militants nord-américains. Selon elle, si les dirigeants universitaires s'opposent tant au désinvestissement, c'est parce qu'ils feraient face à des pressions conséquentes : « D'abord politiques, car ils ont peur de représailles et d'être taxés d'antisémites par des représentants étatiques et autres lobbys, mais aussi économiques, parce qu'ils perdraient beaucoup de donateurs, donc d'argent. » Or, le désinvestissement demeure un moyen de pression efficace :
Le gouvernement israélien est capable de continuer ce génocide et de profiter de cette impunité parce qu'il reçoit encore trop de soutien direct des Européens et des Américains, notamment à travers la complicité de ces entreprises.
L'ALIBI DE LA LIBERTÉ UNIVERSITAIRE
Outre les investissements des universités québécoises, certains accords de collaboration conclus avec des institutions universitaires israéliennes sont également jugés problématiques, y compris par les professeurs. « Les universités israéliennes ne sont pas des oasis de valeurs libérales où l'on cultive l'esprit critique », dénonce Dyala Hamzah, professeure d'histoire du monde arabe contemporain à l'Université de Montréal et membre de BDS-Québec.
McGill et l'Université de Montréal entretiennent notamment des accords de collaboration incluant des programmes de recherche scientifique avec l'Université Ben-Gourion dans le Néguev, l'Université hébraïque de Jérusalem ainsi que celle de Tel-Aviv. Celui avec l'Université d'Ariel, située en territoire palestinien occupé, a toutefois été « suspendu à l'automne dernier » de manière « indéfinie », précise Geneviève O'Meara. Ces établissements accueillent non seulement les programmes militaires Talpiot et Havatzalot, mais également le développement de stratégies, telles que la « doctrine Dahiyeh ». Développée par l'armée israélienne dans le cadre de la guerre au Liban en 2006, celle-ci préconise une force de frappe disproportionnée et le ciblage des infrastructures civiles pour imposer des processus de reconstruction longs et couteux. « Il est inconcevable pour des institutions occidentales qui se réclament de valeurs libérales et s'inscrivent dans une tradition humaniste de cultiver des rapports avec ces universités qui commercent avec la mort », poursuit Dyala Hamzah.
En mars 2024, l'administration McGill avait déclaré prendre la décision de ne « pas couper les ponts avec les universités et les instituts de recherche israéliens », au nom du principe de liberté universitaire des chercheurs. Même son de cloche du côté de l'Université de Montréal. Dyala Hamzah qui tente, en vain, de faire voter une résolution de boycott à l'Assemblée universitaire visant à suspendre ces accords, est pourtant formelle : les universités israéliennes jouent un rôle direct dans le maintien du système colonial et de l'occupation de la Palestine. « Boycotter les universités israéliennes ne permettra pas aux Palestiniens de retrouver leur liberté et de vivre en harmonie avec leurs voisins juifs israéliens dans l'immédiat, explique-t-elle. Mais retirer à Israël la possibilité de mobiliser du soft-power et de blanchir ses crimes à travers ces accords, c'est procéder à son isolement politique, économique et social. » La professeure précise que ce mouvement de boycott ne vise pas les individus, mais cible les institutions :
Oui, nous risquons de perdre des collègues et d'interrompre des projets de collaboration. Il n'y a pas de boycott sans dommages collatéraux, mais un génocide est en cours. Le boycott n'est pas une coquetterie, c'est un acte de résistance.
À l'Université de Montréal, les activités privées du chancelier Frantz Saintellemy provoquent également un malaise au sein du corps professoral et étudiant. L'homme d'affaires de 48 ans s'avère être le président et chef d'exploitation de LeddarTech, une entreprise québécoise implantée en Israël, spécialisée dans la construction de logiciels automobiles pour des systèmes de conduite autonome. LeddarTech, dont sept employés ont été envoyés en tant que réservistes à Gaza après le 7 octobre, est également membre du consortium militaire Autonomous Vehicle Advanced Technologies for Situational Awareness (AVATAR). Les étudiant·es membres du Collectif UdeM Palestine ont lancé une pétition en ligne, exigeant notamment de Daniel Jutras, le recteur de l'université, une transparence sur le lien entretenu par l'entreprise du chancelier avec le secteur de défense et d'industrie militaire israélienne. La porte-parole de l'Université de Montréal assure que « le chancelier est nommé par le Conseil de l'Université et n'a pas, dans le cadre de ses fonctions à l'UdeM, de rôle dans le choix des partenaires académiques ou de recherche de l'Université, pas plus que dans le choix des investissements du fonds de dotation ». Mais pour Dyala Hamzah, le conflit d'intérêts est évident : « Le chancelier dirige une entreprise opérant aux côtés de compagnies qui se trouvent au cœur du complexe militaro-industriel israélien, à savoir, Rafael et Elbit Systems », et de conclure :
L'Université de Montréal ne peut pas se présenter comme un établissement humaniste, cultivant le savoir et l'esprit critique et célébrant les cultures, tout en étant dirigée ou associée à des marchands de mort au service d'un projet ethnonational
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Été 2024 : l’espoir apprend du désespoir

L'été qui vient de passer montre qu'il n'y a pas de plus grand professeur que son désespoir pour une personne qui cherche à changer les choses.
Si vous avez passé l'été la tête dans le sable, loin de toutes les informations et autres tracas de la vie que vous venez de réintégrer en recommençant à travailler ou étudier, vous êtes béni des dieux. Voici en quelques mots le résumé de la situation qu'ont dû endurer ceux qui n'ont pas pu s'extraire des réalités de l'été 2024. La guerre en Ukraine s'enlise, les morts s'empilent à Gaza et au Soudan, le réchauffement climatique est un peu plus intense qu'en 2023. Des feux de forêts incontrôlables et des pluies qui déversent en quelques heures ce que les régions touchées reçoivent en des mois, quelquefois des années, détruisent des provinces entières. Tous les pourparlers pour changer ces situations s'enlisent et même la COP29 semble s'enligner pour être le plus grand festival de la peinture verte de tous les temps et n'avoir aucun effet bénéfique sur l'évolution du changement climatique. Bref, pour plusieurs personnes qui tentent de changer ces choses, le désespoir est devenu cet été leur chemin de vie et le fond du baril qu'ils espèrent atteindre pour rebondir se révèle toujours plus loin et inatteignable.
Suivez le guide
Devant toutes ces situations que l'on pourrait croire insolubles, certaines personnes ont cependant développé cet été une forme de résilience qui les pousse à l'action. Des gens qui n'avaient jamais manifesté prennent d'assaut les rues, pancartes à la main. D'autres occupent des endroits publics et font valoir pour la première fois leurs droits de faire connaître leur point de vue. Le désespoir qu'ils ont vécu, face à telle ou telle situation, est devenu un indicateur qui pointe tous les endroits où se cachent les choses qu'ils voulaient changer. Ce désespoir identifie tous les problèmes qui font que les gens baissent les bras, trouvent la tâche trop lourde et abandonnent.
Ces gens ont découvert qu'il suffit de trouver des solutions crédibles qui fonctionnent pour tous ces éléments qui suscitent le désespoir, pour renverser la perception de la situation et se mettre à agir. Une fois que tout ce qui crée le désespoir est identifié, l'importance même de ce désespoir motive à changer les choses. Plus il était profond, plus la motivation pour les changer est grande. Plus le danger est grand, plus le désir de le combattre est fort. Comme un vaccin, le désespoir peut servir à immuniser contre ses effets.
Passer à l'action
Tout un chacun d'entre nous peut faire la différence. Il n'y a pas de trop petite action pour changer les choses. La pierre la plus petite que jette une personne sur le tas de son choix a son importance et peut entraîner une situation à pencher en direction de ce qui suscite l'espoir. Si chacun agit pour aider la cause qu'il considère importante, toutes ces petites pierres peuvent remplir des camions qui les déverseront et pourront former une digue là où il y avait des courants destructeurs. Chaque larme qui entraîne une action peut devenir collectivement une pluie diluvienne qui éteindra un feu que l'on considérait incontrôlable.
Pour réaliser comment une petite action d'un citoyen ordinaire peut changer les choses, il n'y a qu'à penser comment une photo d'une jeune Vietnamienne fuyant les bras en croix, pour que rien ne touche ses brûlures, son village bombardé au napalm a pu changer la perception de la guerre du Vietnam et aider à l'arrêter. Nous avons tous le potentiel d'être à un moment donné le jeune enfant au milieu de la foule qui crie en toute innocence : le roi est nu ! Chacun de nous peut engendrer une prise de conscience d'une situation qui, avant notre commentaire, n'était pas bien comprise.
Identifier les désespérants
Le propre des personnes qui ne veulent pas qu'une situation change est de dire qu'elle ne peut en aucun cas être modifiée et surtout pas par vous. Mais quand tous ces camions de pierraille se déversent au milieu de leurs chemins de destruction, ou que de grands orages de larmes éteignent les feux qu'ils allument, ils peuvent réaliser qu'il vaudrait mieux aller voir ailleurs s'ils y sont, ce qui est toujours le cas, puisque les dommages qu'ils entraînaient étaient toujours chez vous. Ce chez vous peut être aussi bien votre personne, votre résidence, votre quartier ou votre planète. Tout ce qui suscite votre désespoir est toujours chez vous et nécessite votre attention et le désir de le changer si vous avez appris le courage d'agir en vivant un désespoir tel celui que l'été 2024 distillait dans tous les médias. Bon retour au travail, la pause est finie, retournez au boulot ou à vos études. Votre futur ne se fera pas tout seul.
Michel Gourd
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Les conseils pour une mairesse-mère-anthropologue

Madame la mairesse, le 5 juillet 2024 vous écrivez dans votre compte de X : « Comprenez-moi bien, on ne peut pas occuper de façon permanente et statique un lieu public, et ce peu importe la cause. L'espace public doit rester public. » Les mots qui tombent des lèvres d'une mairesse sont porteurs de sens et implications.
Le résultat ?
Le vendredi 5 juillet 2024, 11 h 00. Les clôtures sont enlevées. Les tentes aussi. Les gens aussi. Leurs bruits ne sont plus là. Le campement d'Alsumut, qui a duré 13 jours, a été finalement démantelé. Le Square est dorénavant propre ou presque. À cette heure-là, il reste encore ici-là l'excrément des chevreaux des policiers. Ça, l'on peut l'effacer, avec un peu de liquide, un balai et de l'eau.
Plus que d'autres personnes, votre clin d'œil, madame de la mairesse, est très bien accueilli par Deep Saini, recteur et vice-chancelier de l'Université McGill.
Le résultat ?
Le démantèlement du campement de McGill, le mercredi 10 juillet. Le Free Store, le café gratuit, l'Université populaire, la musique, tous sont dorénavant une partie de notre mémoire collective.
Vous voyez, vos mots comptent. Cependant, dans votre conférence justifiant la fermeture du campement d'Alsumut, la même journée (le 5 juillet), vous dites que vous vous trouvez entre des millions qui se sentent powerless [impussiante].
Ce dernier constat de la part d'une personne honnête implique le besoin des conseils. Ci-dessous, vous en trouvez quelques-uns :
– Vous pouvez très facilement vous distinguer de la ministre des Relations internationales, Martine Biron, comme elle dit :« La décision d'ouvrir un bureau à Tel-Aviv ne doit en aucun cas être interprétée comme une prise de position dans ce conflit ».
– Vous pouvez facilement prendre une position forte concernant la demande des membres du collectif « Désinvestir pour la Palestine » (dont plusieurs sont les avocats) qui demande que la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) à rompre ses liens financiers avec les entreprises israéliennes.
– Nous savons que vous avez déjà critiqué Deep Saini et d'autres membres d'administration à McGill. Vous pouvez cependant demander la fin de toutes les relations financières entre l'Université McGill et l'État d'Israël.
– Comme vous le savez Canada est parmi 145 membres de Nations Unies qui reconnait l'État de Palestine. Mais cet appui est bloqué par quelques pays. Une étape concrète visant à une telle reconnaissance de votre part est de reconnaitre Al-Quds (Jérusalem en arabe) et Montréal comme les jumelles. Ce dernier est immédiatement possible pour vous. Il prend cependant un peu de courage.
Madame la mairesse, comme une mère, mais aussi une anthropologue, vous savez mieux que nous que la pâte des enfants de Gaza n'est pas différente des enfants de notre ville.
Madame la mairesse, ce n'est pas une spéculation erronée de dire que la majorité des participants aux activités propalestiniennes qui votent dans l'élection municipale ont voté pour vous lors de la dernière élection. Pour les rassurer de leurs choix, ils ont besoin d'une prise de position plus forte de la part des personnes élues, particulièrement à ces moments difficiles.
Bon courage !
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Justice. Incarcération “inhumaine” : des milliers d’immigré-es poursuivent l’État canadien

Un tribunal a donné le feu vert à un recours collectif de 8 360 immigré-es pour poursuivre le gouvernement canadien en justice. Ils dénoncent leur incarcération pendant de longues périodes, sans avoir été accusé-es d'aucun crime, et les conditions de cette détention, avec notamment des fouilles à nu et l'utilisation de chaînes et de menottes.
le 10 juillet 2024 | tiré de Courrier international | PHOTO NASUNA STUART-ULIN/NYT
Tyron Richard, originaire de la Grenade, a passé, en 2015 et 2016, dix-huit mois dans trois prisons à sécurité maximale de la province canadienne de l'Ontario. Et ce, relate Radio-Canada, “même s'il n'était pas considéré comme un danger”. Mais seulement parce qu'il avait immigré clandestinement au Canada, et “pour risque de fuite”. Dans une déclaration sous serment publiée par le diffuseur, il raconte notamment avoir subi des douzaines de fouilles à nu.
“Je devais me déshabiller, me retourner, me pencher, écarter mes fesses, subir une inspection de mon anus par un gardien muni d'une lampe de poche, et ensuite subir une inspection visuelle en dessous et autour de mes organes génitaux.”
L'utilisation des toilettes se faisait à la vue de tous dans sa cellule, et les visites se déroulaient sans contact physique mais à travers une vitre, et par l'intermédiaire d'un téléphone, ajoute-t-il. À présent résident permanent au Canada, Tyron Richard s'est dit “fier de pouvoir désormais [se] battre contre cette pratique inhumaine”.
Enchaînés et menottés
Un haut tribunal du pays vient de lui donner raison, ainsi qu'à beaucoup d'autres. La Cour supérieure de l'Ontario vient en effet d'autoriser contre le pouvoir fédéral d'Ottawa un recours collectif qui, précise le diffuseur, “représente 8 360 personnes qui ont été détenues dans 87 prisons provinciales ou territoriales par l'Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] entre 2016 et 2023”.
En autorisant cette poursuite judiciaire, le juge Benjamin Glustein a rejeté tous les arguments présentés par les avocats du gouvernement canadien et déclaré que les personnes incarcérées à des fins d'immigration “faisaient face aux mêmes conditions que les détenus criminels, [comme] l'utilisation de chaînes et de menottes”.
À LIRE AUSSI : Opinion. “Vous venez au Canada ? Voici ce qui vous attend vraiment”
Comme l'a précisé l'organisme Centre justice et foi, qui promeut la justice sociale, l'ASFC a le pouvoir de détenir des migrant-es sur la crainte qu'ils ne se présentent pas à une future procédure d'immigration, si leur identité n'est pas établie, ou encore s'ils représentent un danger pour la sécurité publique. Mais, ajoute Radio-Canada, “les ressortissants étrangers et les résidents permanents qui sont détenus par l'ASFC en vertu de la loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ne sont pas accusés d'un crime”.
Ottawa n'a pas encore annoncé s'il ferait appel de la décision du juge.
À LIRE AUSSI : Québec. La ville de New York finance le transport de migrants en route vers le Canada
Ce n'est pas la première fois que le gouvernement canadien est critiqué de la sorte.La chaîne de télévision de Toronto CP24 et la chaîne panarabe Al-Jazeera avaient rapporté, plus tôt cette année, qu'un autre recours en justice avait été entrepris contre les autorités par des travailleurs saisonniers agricoles étrangers. Ils accusent Ottawa de maintenir en place depuis les années 1960 des programmes d'emploi discriminatoires les concernant, qui les privent de bénéfices et qui les rendent sujets à être exploités par leurs employeurs.
Martin Gauthier
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L’énergie nucléaire : une fuite en avant

L'énergie nucléaire ne se développe jamais au grand jour. Elle s'est implantée progressivement dans de nombreux pays dans le monde, sans débats publics, à l'abri des discussions sur sa dangerosité, sur ses risques et sur la gestion à long terme des déchets radioactifs qu'elle génère.
(Ce texte a d'abord été publié dans l'édition de juillet du journal Ski-se-Dit.)
Le cas du Canada et du Québec ne diffère en cela en rien de ce qui s'est fait et se fait encore ailleurs dans le monde.
Ses promoteurs avancent principalement deux arguments en sa faveur en ce qui nous concerne : le fait que cette forme d'énergie, qui génère moins d'émissions de carbone dans l'atmosphère, produit peu de ces gaz à effet de serre responsables des changements climatiques ; puis la demande croissante d'énergie et particulièrement d'énergie électrique avec entre autres l'avènement des voitures électriques et, disons-le, d'une foule d'autres moyens de transport électriques individuels et d'appareils à piles rechargeables.
Pour répondre au premier de ces arguments, mentionnons que malgré ce que prétendent les défenseurs de l'industrie, l'énergie nucléaire est tout sauf propre. Elle est aussi tout sauf sûre. Les quantités et niveaux d'uranium, de tritium, de césium, de carbone 14 et de plutonium, ainsi que d'arsenic, d'amiante, de mercure, de plomb et d'autres métaux lourds présents dans les déchets nucléaires sont polluants et très dangereux pour la vie humaine et animale. On ne sait d'ailleurs pas encore comment bien disposer de ces dangereux déchets, malgré les nombreux projets et toutes les promesses en ce sens.
En ce qui concerne l'augmentation de la demande d'énergie, établissons d'abord que le développement de l'énergie nucléaire fait suite, dans l'ordre des choses, au développement de l'arme nucléaire à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle se déploie dans le contexte d'un monde en croissance continue, productiviste, conflictuel, et comme pour l'arme, aux vues à court terme. S'il existe des formes d'énergie plus propres et plus sûres que d'autres – et le nucléaire n'en fait pas partie – il est important de considérer que c'est au niveau de la demande d'énergie globale que le bât blesse : nous devons globalement stabiliser, puis réduire notre consommation d'énergie, de quelque source qu'elle soit. La croissance sans fin est insoutenable !
Et la sécurité ?
Dans cette course à la production d'énergie nucléaire, les infrastructures et mesures de sécurité se sont bien sûr améliorées à la suite d'accidents comme ceux de Three MIle Island aux États-Unis en 1971, de Tchernobyl en Union soviétique en 1986 et de Fukushima au Japon en 2011, pour ne nommer que les principaux. Selon la chercheuse Marie-Hélène Labbé, on assiste cependant depuis une vingtaine d‘années à la privatisation et au relâchement des contrôles en matière de sécurité, et cela bien sûr dans le contexte d'une augmentation du nombre de centrales nucléaires dans le monde.
Cette fuite en avant que traduit l'augmentation du nombre de centrales et ce relâchement des mesures de sécurité dans le monde, se manifeste avec d'autant plus d'évidence en ce qui concerne la gestion des déchets radioactifs. Seule jusqu'à maintenant la Finlande, un pays tout de même modeste, est depuis toutes ces années passé de façon semble-t-il sûre et efficace de la parole aux actes avec son site Onkalo de stockage en profondeur à très long terme de déchets de haute activité. Ce site devrait être opérationnel à compter de l'an prochain.
Les déchets radioactifs, définis comme étant de faible, de moyenne ou de haute activité en fonction des éléments impliqués et de la durée pendant laquelle ils restent radioactifs, peuvent rester dangereux pendant des milliers, voire des centaines de milliers d'années.
Chez nous, le fait est qu'après près de 80 ans de production de déchets nucléaires, le Canada n'a toujours pas de stratégie globale en matière de déchets nucléaires, ni bien sûr d'installations permanentes et sûres comme la Finlande pour leur stockage à long terme. Pis encore, l'ancien premier ministre canadien Jean Chrétien a été honteusement surpris par des journalistes de l'émission Enquête de Radio-Canada, il y a quelques années, à négocier en catimini l'éventuel stockage de déchets nucléaires étrangers en sol canadien, au Labrador. Autant d'inconséquence laisse pantois !
Le cas de Chalk River
En 2015, le gouvernement Harper a transféré le contrôle des Laboratoires de Chalk River de la société d'État Énergie atomique Canada à un consortium d'entreprises comprenant SNC Lavalin (devenu depuis Atkins-Réalis) et deux sociétés américaines, plaçant ainsi son contrôle entre les mains d'intérêts privés. Le gouvernement Trudeau, sans tambour ni trompette, a conservé le plan Harper et promeut malheureusement lui aussi l'énergie nucléaire comme solution aux changements climatiques.
C'est de cette suite de décisions politiques prises dans l'ombre, sans véritables consultations, où filtre peu d'information utile et priment les intérêts privés, que découle la décision d'établir un site de stockage de déchets nucléaires à Chalk River, en Ontario, à environ un kilomètre de la rivière des Outaouais qui se déverse dans le Saint-Laurent. Contrairement au site Onkalo en Finlande, il s'agit d'un risque important de contamination à court et à long termes, il va sans dire, pour les populations vivant le long de ces deux importants cours d'eau, pour une grande partie de la population du Québec en fait.
Ce projet de stockage qui aurait dû soulever une levée de boucliers décisive de la part de l'ensemble des populations concernées n'a en fait soulever que des oppositions isolées, parfois timides, de la part du gouvernement du Québec, d'administrations municipales, des Algonquins et d'organismes concernés par la question – même si certaines personnes se sont tout de même démenées pour que l'on revoit ce projet. Il n'est toutefois jamais trop tard pour bien faire et pour s'unir en très grand nombre et empêcher que l'on donne suite à ce projet. Comme il n'est jamais trop tard, ici comme ailleurs, pour s'opposer massivement à l'énergie nucléaire en général.
Un dernier point...
Il existe un dernier point fondamental qui devrait nous convaincre de rejeter l'énergie nucléaire comme solution à nos besoins énergétiques partout dans le monde, et c'est sa proximité avec l'arme nucléaire. Parce qu'à mesure que prolifèrent les centrales nucléaires dans le monde, à mesure augmente le nombre de pays se dotant de ce fait de l'arme nucléaire. Si nous n'avons plus cette crainte parfois oppressante d'une guerre nucléaire qu'avaient nos parents et grands-parents, le risque d'un conflit nucléaire n'en demeure pas moins présent... et même plus grand.
Neuf pays possède maintenant l'arme nucléaire : les États-Unis, la Russie, la France, le Royaume-Uni, la Chine, l'Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël. Cinq autres, sans la posséder, l'héberge tout de même sur leur territoire à la « demande » des États-Unis : la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Italie et la Turquie...« »
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Mine de fer du Lac Bloom : le gouvernement fédéral autorise à son tour la destruction totale de 37 plans d’eau pour y déverser des déchets miniers alors que des solutions de rechange existent

Montréal, le 11 juillet 2024 - Le 3 juillet 2024, le gouvernement fédéral a donné son aval au projet d'expansion des parcs à résidus miniers et des haldes à stériles de la mine du Lac Bloom en ajoutant les lacs et rivières entourant le projet à sa liste d'exceptions à l'interdiction de détruire des habitats du poisson.
Ce sont donc 37 plans d'eau entourant le site minier, représentant 156 hectares d'habitat du poisson et bien davantage de milieux naturels en tous genres, qui seront détruits à perpétuité. Le gouvernement fédéral emboîte ainsi le pas au gouvernement provincial, à l'encontre de l'avis du BAPE, des scientifiques et de l'opinion publique, et crée un dangereux précédent.
Contre vents et marées populaires et scientifiques
Pour rappel, le projet d'augmentation de la capacité d'entreposage des résidus miniers et des stériles à la mine de fer du lac Bloom initié par le propriétaire actuel de la mine Minerai de fer Québec (MFQ) a été soumis à l'analyse d'un BAPE en 2021. Le projet proposait ainsi de sacrifier 156 hectares de lacs pour y déverser ses déchets miniers.Plusieurs groupes se sont opposés fermement à cette proposition de MFQ, une pratique ayant été graduellement abandonnée ou carrément interdite un peu partout à travers le monde, étant donné son caractère dévastateur, et compte tenu du fait qu'une alternative moins dommageable existe, soit le remblaiement des fosses minières à l'aide des déchets que ces fosses génèrent.
Le rapport du BAPEétait explicite : « la commission d'enquête est d'avis que l'initiateur n'a pas fait la démonstration que les solutions retenues pour la gestion des rejets miniers sont celles qui minimisent les impacts sur les milieux humides et hydriques […]. En conséquence, la commission recommande que le projet ne soit pas autorisé tel que présenté. »
De plus, un sondage Léger réalisé en juillet 2022 a démontré clairement qu'il n'y avait aucune d'acceptabilité sociale pour la destruction des lacs et milieux naturels pour entreposer des déchets miniers. Près de neuf personnes sur 10 au Québec (89%) se disaient en faveur d'« interdire le rejet de déchets miniers dans tout lac, rivière ou milieu écologique sensible ».
« Malheureusement pour les écosystèmes et pour les populations qui en dépendent et
revendiquent leur protection, c'est au nom de la préservation d'un « potentiel minéral » présumé – donc d'intérêts économiques hautement spéculatifs à ce stade-ci – que des alternatives comme le remblaiement des fosses ont été écartées et que la destruction de lacs et de cours d'eau de cette partie du territoire a été autorisée », déplore Émile Cloutier-Brassard, responsable des dossiers miniers d'Eau Secours.
Les organismes environnementaux Eau Secours et Fondation Rivières ont par ailleurs produit, au printemps 2023, ladémonstration claire que ce projet s'est développé à coup de décrets en permettant des agrandissements à la pièce et s'appuyant systématiquement sur des promesses que ces expansions du site n'en provoqueraient pas d'autres. Cette démonstration a été soumise aux instances fédérales qui savaient donc pertinemment dans quel historique de faux engagements s'inscrit cette énième demande d'agrandissement obligeant cette fois au sacrifice de dizaines de plans d'eau.
Finalement, la législation fédérale est claire, statuant qu'il est interdit de rejeter de substances nocives dans les eaux où vivent des poissons sans y être autorisé par règlement (selon l'article 36 (3) de la Loi sur les pêches du Canada. En donnant son aval à la destruction de si grands lacs simplement pour y entreposer des déchets miniers, le gouvernement fédéral répète une fois de plus et accentue la portée d'un précédent dangereux qui facilite le contournement de sa propre loi.
On entretient ainsi une tendance au nivellement vers le bas, puisque cela envoie le message aux minières que la destruction d'habitats du poisson pour y déverser ses déchets miniers deviendrait une option plus fortement tolérée par les instances gouvernementales.
« L'acier vert » ne sera jamais bleu Le 19 avril dernier, le ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie du Québec rencontrait le journal Les Affaires et y réaffirmait son désir de promouvoir « l'acier vert » que permet de produire le minerai de fer extrait notamment à la mine de fer du Lac Bloom. Les groupes signataires dénoncent que le ministre et le gouvernement affirment produire un acier « vert » et responsable alors que seront détruits 37 plans d'eau représentant plus de 157 hectares d'habitat de poissons.
« On le voit aujourd'hui, le prix à payer pour produire cet acier « vert », c'est le sacrifice de dizaines de lacs et de centaines d'hectares de milieux humides et hydriques. Des écosystèmes détruits et un environnement rendu invivable pour une réduction marginale des émissions de gaz à effet de serre de quelques gros industriels : on ne pourrait illustrer de façon plus claire les limites de cette vision orientée vers les seules technologies pour atténuer les effets de la crise climatique et de la crise de la biodiversité. Une réduction drastique de notre dépendance à l'extraction de minéraux vierges s'impose, et elle s'impose rapidement, car avec autant de lacs et de rivières inscrits sur sa liste noire, l'acier « vert » ne sera jamais bleu. » de conclure M. Cloutier-Brassard.
Citations
« Permettre de détruire un lac en y enfouissant des déchets miniers toxiques reste un crime contre l'environnement. Aucune mesure ne peut compenser ce crime. » Daniel Green - Société pour vaincre la pollution
« Autoriser la destruction de lacs, de rivières et de cours d'eau en s'appuyant sur la seule
demande de l'industrie est une honte nationale. Devant la multiplication de ces pratiques minières à l'échelle du Québec et du pays, les gouvernements doivent répondre de toute urgence avec un régime d'interdiction strict qui ne doit souffrir d'aucune exception. », Me Rodrigue Turgeon, MiningWatch Canada et Coalition Québec meilleure mine
« Cette décision va totalement à l'encontre de l'intelligence collective qui s'est prononcée maintes fois par le biais des voix citoyennes, scientifiques, militantes et autochtones, elle ne dessert que l'industrie tout en détruisant la nature, c'est d'un déplorable aveuglement. » - Chantal Levert, RQGE
« Comme nous l'avions détaillé dans notre mémoire lors des audiences du BAPE sur ce projet (en 2020) : « la destruction de milieux humides et hydriques, les risques de contamination aquatique et atmosphérique, et les impacts sur la santé et le bien-être de la population locale engendrés par ce projet se doivent d'être soulignés, et ne peuvent se faire éclipser par les arguments économiques à court et moyen terme. » Nous sommes consterné.e.s que le gouvernement fédéral se range aux côtés du gouvernement québécois dans ce dossier, condamnant cette nature au profit d'une compagnie minière et de visions gouvernementales qui instrumentalisent des milieux naturels en les transformant en poubelles à résidus miniers. La création et le maintien d'emplois et l'économie locale sont certes importants, mais ne peuvent aller à l'encontre de la santé environnementale et
humaine, et de l'équité sociale et environnementale. » - Patricia Clermont, organisatrice Ph.D, Association québécoise des médecins pour l'environnement (AQME, membre de
l'Association canadienne des médecins pour l'environnement (ACME-CAPE))
Signataires (ordre alphabétique) :
● André Bélanger, Fondation Rivières
● Raymond Carrier, Coalition québécoise les lacs incompatibles avec l'activité minière (Coalition QLAIM)
● Émile Cloutier-Brassard, Eau Secours
● Patricia Clermont, organisatrice Ph.D, Association québécoise des médecins pour l'environnement (AQME)
● Danielle Descent, Mani-utenam
● Laura Fontaine, Innue de Mani-utenam
● Daniel Green, Société pour vaincre la pollution (SVP)
● Chantal Levert, Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE)
● Isabel Orellana, Centre de recherche en éducation et formation relatives à l'environnement et à l'écocitoyenneté, Université du Québec à Montréal
● Me Rodrigue Turgeon, MiningWatch Canada et Coalition Québec meilleure mine
En annexe :
1.Rapport rédigé par Eau Secours et Fondation Rivièreslors de consultations tenues par le
gouvernement fédéral sur la destruction planifiée de ces plans d'eau. (PDF)
2. Cartes des plans d'eau qui seront sacrifiés :
– Figure 1 : Zone géographique qui sera inscrite à l'annexe 2 du Règlement sur les effluents
des mines de métaux et des mines de diamants (REMMMD) pour le parc à résidus (tiré de
la Gazette du Canada).
– Figure 2 : Zone géographique qui sera inscrite à l'annexe 2 du REMMMD pour la halde de
stériles (tiré de la Gazette du Canada)
3.Image satellite de Google Maps du site afin d'en montrer l'étendue du site. Au centre se trouvent les fosses minières, tandis qu'au sud-ouest du site, la tache orange est le parc à résidus de la mine du Mont-Wright opérée par ArcelorMittal, soit un triste avant-goût du sort réservé aux 37 plans d'eau entourant le site de la mine du Lac Bloom.
4.Image du lac F, à la frontière avec le Labrador, d'une superficie de 88 ha (29 fois le Lac aux Castors du parc du Mont Royal à Montréal) qui sera rempli par des déchets miniers de la mine Lac Bloom de la compagnie Minerai de fer Québec. L'utilisation de lacs comme dépotoir minier doit cesser au Québec. Source : Société pour vaincre la Pollution.
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Nagasaki-Gaza

Les Artistes pour la Paix ont notifié hier matin la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly qu'ils se joignent à la condamnation du 7 août par les Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient du grotesque et sinistre coup politique du Canada envers la commémoration de Nagasaki.
Ils sont consternés par les informations selon lesquelles l'ambassadeur du Canada au Japon boycottera la cérémonie de commémoration du bombardement atomique de Nagasaki, parce qu'Israël n'a pas été invité (1).
La ville de Nagasaki refuse d'inviter l'ambassadeur d'Israël, dont le gouvernement est impliqué dans le massacre de civils à Gaza. CJPMO et les APLP soutiennent que la présence d'Israël, dont des ministres actuels ont appelé au largage d'une bombe nucléaire sur Gaza, serait totalement inappropriée, et condamne le Canada pour cette déclaration diplomatique profondément offensante.
« Boycotter la cérémonie commémorative de Nagasaki pour protester contre l'exclusion d'Israël, un État qui commet activement un génocide, est incroyablement irrespectueux à l'égard des victimes civiles de la guerre au Japon et à Gaza », a déclaré Michael Bueckert, vice-président de CJPMO. Il est absurde que le Canada défende le droit d'Israël à participer à une cérémonie commémorative pour les victimes de la bombe nucléaire à Nagasaki, alors que des ministres du gouvernement Nétanyahou, par exemple le ministre israélien du patrimoine, Amichai Eliyahu, appellent avec désinvolture à larguer les mêmes armes sur les civils de Gaza.
Le Canada démontre que sa priorité n'est pas un cessez-le-feu, mais la défense des sensibilités et de la réputation d'un régime génocidaire qui a tué 40 000 personnes depuis le 7 octobre, dont plus de 15 000 enfants, et des milliers d'autres sont portées disparues et présumées mortes sous les décombres, selon les informations fiables de l'UNRWA – ONU. Un article paru dans The Lancet estime le nombre total de Palestiniens tués par la guerre de manière directe et indirecte à 186 000 personnes.
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La fin du néolibéralisme progressiste au Canada

Pourquoi une alternative économique valable n'est-elle plus offerte au Canada. Les élections mettent en lumière des différences. En ce moment, Justin Trudeau et Pierre Poilievre semblent à l'opposé l'un de l'autre et ça ne fera qu'augmenter quand la période des élections sera à son apogée.
Ricardo Tranjan, Canadian Dimension, 3 août 2024
Traduction, Alexandra Cyr
Mais après les élections, les différences s'affadiront. Un gouvernement Poilievre changera certainement des choses, mais ce sera la continuité dans les zones les plus critiques.
C'est parce que les Conservateurs et les Libéraux partagent un engagement égal envers les marchés. Pour s'attaquer aux enjeux sociaux économiques, les deux Partis offrent des incitatifs aux entreprises en leur accordant des subventions, en s'abstenant de leur imposer de nouvelles régulations même là où c'est le moyen le plus direct et le moins couteux (pour résoudre une situation).
La philosophe politique Nancy Fraser a créé les termes « néolibéralisme progressiste » pour décrire les gouvernements qui publiquement, adoptent les idéaux d'équité et de diversité du mouvement social tout en défendant les intérêts des entreprises de production et financières. Bill Clinton a ouvert la voie à Barack Obama (pour administrer ainsi). Tony Blair en a été l'emblème au Royaume Uni. Et nous l'avons vu ici aussi.
Constamment, les Libéraux de J. Trudeau ont allié un discours progressiste tout en inspirant des plans sur la base des fondamentaux des marchés. C'est en matière de changement climatiques et dans les politiques de logement que cette approche est le plus visible. Il est probable qu'un gouvernement Poilievre annulerait une petite partie de ces changements positifs tout en continuant à défendre la primauté des marchés. Pour ce qui est du climat son plan central est « supprimer la taxe (sur le carbone) ».
La taxe fédérale sur le carbone est un mécanisme de marché basée sur des incitatifs et des restrictions. L'impact de ce système sur les émissions de GES au pays est très minime. Son prix est encore trop bas pour que les comportements changent sérieusement. L'application est aussi liée à des failles qui permettent à l'industrie de ne pas vraiment se soumettre au système.
Depuis 2015, le gouvernement fédéral a retiré une série de cadres réglementaires ce qui esquisse l'introduction de diverses régulations et des plans d'investissement en vue d'établir une économie plus économe en carbone. Ce ne sont que des plans pour le moment.
Le chercheur sur le climat, Hadrian Mertins-Kirkwood, démontre dans un chapitre percutant de son ouvrage : The Trudeau Record : Promise and Performance, que le gouvernement fédéral a manqué plusieurs occasions d'implanter ses plans sur le climat. L'an dernier, il a déclaré lors de la mise à jour économique de l'automne, que les Libéraux étaient allés aussi loin qu'ils le pouvaient pour ce qui est du financement des actions envers le climat. Il avait raison. Dans le budget 2024 on mentionne que 2 milliards de dollars seront investis au cours des 5 prochaines années. Pourtant, le Canada devrait investir environ 100 milliards de dollars par année en énergie propre pour atteindre les objectifs son but de zéro énergie fossile en 2050. Même si cette somme ne viendra pas que du gouvernement fédéral, il n'est reste pas moins qu'un gouvernement vraiment engagé investirait plus de 2 milliards au cours des cinq prochaines années.
En même temps, les Libéraux ont évidemment soutenu les industries pétrolières et gazières avec de généreuses subventions, des exemptions sur la taxe carbone et financé directement des oléoducs et autres infrastructures pour le pétrole. Ce soutien a permis à la production d'augmenter entrainant ainsi une augmentation des GES. Cela a annulé les progrès faits dans d'autres secteurs, comme la fin de l'utilisation du charbon. Sans aucun doute, P. Poilievre maintiendra cette politique de soutien à la production pétrolière et gazière.
En matière de logement, le plan de P. Poilievre est de bâtir, bâtir et bâtir encore. C'était aussi le focus des Libéraux qui ont fait plus que les gouvernements qui les ont précédés mais moins qu'ils ne le disent. La stratégie nationale pour le logement est centrée sur le soutien au secteur privé qui construit des logements pour la location. Ce qui, selon plus d'une analyse du gouvernement, ne rend pas le logement accessible à une majorité de locataires.
Les fonds pour l'aide aux sans abris se sont constamment réduits entre 2015 et 2020 pendant que le nombre de personnes dans cette situation, ne cesse d'augmenter. Le financement des projets de logements hors marché (Coop. Obnl et autres) a fondu bien en dessous de ce que les analystes estiment nécessaire. Dans le budget de 2024, on trouve un million et demi pour ce secteur alors que 15 millions sont prévus pour les développeurs privés.
Et en même temps, le gouvernement utilise un discours progressiste, reconnait que le logement est un droit humain, crée le Conseil national sur le logement, le Bureau du défenseur fédéral des droits au logement, promet une Charte des droits des acheteurs de maisons et une autre pour les locataires. Jusqu'ici tout cela n'a rien donné.
Même la promesse de la fin des enchères à l'aveugle dans le marché immobilier n'a pas été tenue à ce jour. La taxation du secteur immobilier qui aboutit à des profits excessifs dans le secteur locatif, devait être révisée. Le projet est mort. Le gouvernement a beaucoup enquêté sur ce secteur au cours des deux dernières années et il rétropédale.
Ce que nous savons des détails du plan de P.Poilievre se résume à imposer aux municipalités des obligations de permettre par tous les moyens aux développeurs d'augmenter les constructions. Les Libéraux en font plus : le fonds d'accélération de la construction à des buts mixtes allant de dézonages au gel des charges en matière de développement ce que le ministre du logement, M. Sean Fraser appelle abusivement, une taxe sur le logement.
Sur ces grands enjeux, un futur gouvernement conservateur n'aurait pas beaucoup de marge de manœuvre pour être plus pro-marché que l'actuel gouvernement.
Clairement, un gouvernement Poilievre serait différent. Les Conservateurs courtisent les groupes d'extrême droite, n'est pas précis sur l'avortement et est prêt à tester les limites de la Constitution. Tout cela pourrait générer des pertes de droits et de libertés. Mais la peur de l'avenir ne doit pas interférer dans notre jugement sur le présent.
Derrière les gestes progressistes des Libéraux, leurs politiques mitigées et leur financement parcimonieux des solutions non marchandes, il y a un engagement profond envers les approches marchandes. C'est cette idéologie qui affaibli l'État canadien depuis les années 1990.
Un gouvernement Poilievre se débarrasserait du vocable « progressiste » dans « néo libéralisme progressiste » en faisant confiance aux approches pro marchés qui empêchent tout progrès sur les enjeux que la population a à cœur.
Une véritable alternative économique serait concentrée sur l'augmentation des taxes et impôts des plus riches pour améliorer la qualité des services publics universels, sur la réglementation des marchés pour les empêcher de profiter des biens de base comme la nutrition, la santé, l'éducation et le logement. Elle renationaliserait les ressources naturelles et les infrastructures publiques.
Cette alternative n'est pas offerte au Canada en ce moment.
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Où vont les profits des entreprises canadiennes ? Ils ne sont pas de « retour au pays »

Loblaw et d'autres géants de l'entreprise investissent moins de leurs profits que jamais auparavant, démentant la promesse du néolibéralisme.
11 juillet 2024 | tiré du site du journal The Breach | Photo : Le président du conseil d'administration de Loblaw, Galen Weston Jr
https://breachmedia.ca/canadas-soaring-corporate-profits-reinvestment/
Le président du conseil d'administration de Loblaw, Galen Weston Jr, le visage incrédule de la richesse canadienne héritée, a souri sereinement aux parlementaires en expliquant pourquoi, en ce qui concerne la hausse des prix des denrées alimentaires, son entreprise était irréprochable.
S'adressant à un comité de l'agroalimentaire au printemps 2023, il leur a dit que les profits de Loblaw « retournent au pays ».
« Les profits que nous générons, nous les réinvestissons dans ce pays pour créer plus de magasins, plus de services et plus d'emplois », a déclaré M. Weston sur le même ton doux qu'il utilise pour vendre les produits du Choix du Président à la télévision.
Bien que Weston n'ait pas étayé ses affirmations par des chiffres, ses détracteurs n'en avaient pas non plus pour le contester.
Aujourd'hui, nous le faisons.
Deux nouveaux rapports, l'un rédigé par Canadiens pour une fiscalité équitable et l'autre par l'économiste du CTC, D.T. Cochrane, révèlent que Loblaw – et de nombreuses grandes sociétés canadiennes – utilisent principalement leurs profits pour enrichir leurs propriétaires déjà riches, au lieu de les utiliser au profit des Canadiens.
Les données montrent que, depuis les années 1980, les entreprises canadiennes ont réinvesti de moins en moins dans de nouveaux équipements ou produits, même si les bénéfices des entreprises ont augmenté de façon constante.
Il y a des décennies, ils consacraient jusqu'à un tiers de leurs bénéfices au réinvestissement. Aujourd'hui, ce rapport est tombé à dix pour cent.
Dans le cas de Loblaw, la baisse des réinvestissements est encore plus extrême : de 2020 à 2022, elle n'était que de un pour cent

Alors, où va l'argent ?
Selon les calculs de Canadiens pour une fiscalité équitable, les sociétés canadiennes utilisent plus des deux tiers de leurs profits pour verser des dividendes à leurs actionnaires et racheter leurs actions.
Cette dernière manœuvre fait grimper le prix de leurs actions (sans parler des bonus de dirigeants comme Galen Weston Jr, qui sont souvent liés au cours des actions) et injecte encore plus d'argent dans les poches de leurs investisseurs.
Ce qu'il ne fait pas, c'est contribuer à l'investissement productif.
En d'autres termes, et en contradiction catégorique avec Weston, pas plus de magasins, pas plus de services, ni plus d'emplois.
Voilà pour le « ruissellement » des bénéfices des entreprises
Pendant des décennies, on nous a dit que nous ne devrions pas nous inquiéter de la réduction sur brûlis des réglementations et de l'impôt sur les sociétés.
Des bénéfices plus élevés pour les entreprises et leurs riches propriétaires seraient censés se répercuter sur le reste d'entre nous sous forme d'investissements, ce qui créerait plus d'emplois et de meilleurs revenus.
Mais les chiffres trahissent ce dogme essentiel de l'ère néolibérale.
Malgré un environnement d'affaires favorable – en gros, un pouvoir et une liberté méconnus – les entreprises canadiennes investissent moins que jamais leurs profits.

L'économiste Jim Stanford écrit qu'il s'agit d'un « signe certain que les entreprises ont littéralement plus d'argent qu'elles ne savent quoi en faire ».
Il souligne que les géants de l'épicerie Loblaw, Empire et Metro « ont dépensé deux fois plus l'an dernier en rachats d'actions qu'il n'en aurait coûté à l'ensemble du secteur de la vente au détail d'aliments pour augmenter les salaires de tous les travailleurs des épiceries de 2 $ l'heure ». (Rappelez-vous quand les épiciers ont offert aux travailleurs et travailleuses une « prime de héros » de 2 $ pendant les premiers confinements de COVID, puis l'ont récupérée ?)
Les investisseurs peuvent comprendre que toute croissance majeure provenant de l'investissement rendra les travailleurs-euses avides d'une plus grande part du gâteau. Au lieu de cela, en freinant la croissance, ils peuvent maintenir les travailleurs-euses en permanence dans l'insécurité et les rendre plus conformes.
Mais quelle que soit la cause de la thésaurisation, le lien entre des profits plus élevés et des investissements plus importants a été brisé de manière retentissante.
Et malgré les douces promesses de Weston Jr, le temps des petites corrections est révolu.
Les deux rapports préconisent des augmentations importantes de l'impôt sur les sociétés et des impôts sur les bénéfices exceptionnels. Cela garantirait que les gains massifs des entreprises « retournent vraiment au pays », selon les mots de Weston.
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Après six ans, une autre rentrée sans que la CAQ soit capable de régler les problèmes en éducation

« Le travail est loin d'être terminé avec la signature des nouvelles conventions collectives. Le gouvernement peut et doit poser des gestes dès maintenant pour réussir à régler toute une série de problèmes qui persistent et qui nuisent tant à l'attraction de personnel, à tous les niveaux d'enseignement, qu'à la réussite des élèves, des étudiantes et des étudiants du Québec », Caroline Senneville, présidente de la CSN. – Caroline Senneville, présidente de la CSN
14 août 2024 | tiré du site de la CSN
Malgré le renouvellement récent des conventions collectives avec les syndicats du secteur de l'éducation et d'une partie de l'enseignement supérieur, on constate encore une série de problèmes que le gouvernement de la CAQ est incapable de régler. La violence est en hausse dans les écoles, on manque de personnel à divers niveaux, les infrastructures, de l'école primaire à l'université, sont dans un état lamentable, les cégeps et les universités sont sous-financés et l'intelligence artificielle n'est toujours pas encadrée par des balises claires.
C'est la première rentrée scolaire avec la nouvelle convention qui prévoit une distribution plus hâtive des postes tant souhaitée par le gouvernement. Les problèmes récurrents du réseau de l'éducation et de l'enseignement supérieur demeurent cependant bien réels. On constate toujours un manque de main-d'œuvre et des situations qui nuisent à l'attraction et à la rétention du personnel persistent.
Inaction en enseignement supérieur
La CSN accueille favorablement l'annonce de la ministre de l'Enseignement supérieur du Québec, Pascale Déry, sur la formation d'une instance de concertation nationale sur l'intelligence artificielle en enseignement supérieur. Alors que cette technologie se développe de façon expéditive et chaotique, la CSN espère que cette instance sera rapidement constituée et qu'elle sera permanente. La centrale entend y participer et faire part de ses recommandations pour des balises nationales, ayant elle-même développé une expertise en matière d'IA.
La nouvelle politique de financement des universités, déposée en juin dernier, est loin d'avoir fait ses preuves et la CSN s'inquiète des sommes importantes consacrées pour la diplomation dans des secteurs dits « prioritaires ». Le sous-financement de l'ensemble des missions universitaires se perpétue. La course aux primes à la diplomation n'augure rien de bon, ni pour les secteurs prioritaires ni pour ceux qui sont négligés. De plus, les chargé-es de cours de nos établissements universitaires revendiquent le déblocage de fonds pour financer leur contribution à la recherche.
En juin dernier, le ministère a rendu public le rapport du groupe de travail sur les cours défis au collégial. Alors que la ministre Déry avait ce rapport en sa possession depuis un an, la CSN estime qu'il est temps qu'elle s'engage dans la mise en œuvre des recommandations du rapport en collaborant avec l'ensemble de la communauté collégiale.
La CSN compte quelque 80 000 membres dans le secteur de l'éducation, dont 45 000 en enseignement supérieur. Elle représente 85 % des employé-es du milieu collégial.
CITATIONS
« Le travail est loin d'être terminé avec la signature des nouvelles conventions collectives. Le gouvernement peut et doit poser des gestes dès maintenant pour réussir à régler toute une série de problèmes qui persistent et qui nuisent tant à l'attraction de personnel, à tous les niveaux d'enseignement, qu'à la réussite des élèves, des étudiantes et des étudiants du Québec . Après six ans au pouvoir à répéter que l'éducation constitue une priorité nationale, il serait temps pour le gouvernement Legault d'être cohérent et d'agir enfin de manière conséquente. »
– Caroline Senneville, présidente de la CSN
« Alors que la CAQ se trouve à mi-mandat, il est grand temps que la ministre Déry passe à l'action face aux nombreux enjeux qui touchent le milieu de l'enseignement supérieur. Elle a déjà en main plusieurs idées, notamment sur les cours défis dans les cégeps. L'état des finances publiques ne saurait constituer une excuse pour abdiquer sa responsabilité de soutenir des réseaux collégial et universitaire à la fois accessibles et humains. Nos membres s'attendent à ce que la ministre défende vraiment ces derniers auprès de ses collègues et du premier ministre. »
–Benoit Lacoursière, président de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN)
« Du côté du personnel de soutien, ce qui retient notre attention tant dans le réseau scolaire que dans le réseau collégial, c'est la vétusté des établissements. Dans les documents liés au dernier budget du Québec, le gouvernement note que 56 % des écoles sont en mauvais ou en très mauvais état. Or, on apprend cet été une baisse de 400 millions de dollars dans ce que Québec devait allouer pour rattraper le déficit d'entretien des immeubles. Dans les cégeps, le Vérificateur général du Québec soulève que deux établissements sur trois sont en mauvais état et que les investissements déjà prévus ne suffiront pas à renverser leur dégradation importante. Le gouvernement agit de façon irresponsable en laissant les choses aller. »
– Frédéric Brun, président de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN)
« La nouvelle politique de financement des universités annoncées en juin ouvre la voie à un système d'enseignement supérieur à deux vitesses où les domaines d'études jugés prioritaires par le gouvernement auront le haut du pavé et certains autres seront négligés. Du côté des cégeps, on constate un manque important de professionnel-les dans tous les secteurs d'activité de nos établissements. À titre d'exemple, le nombre de professionnel-les dans les secteurs des services psychosociaux et de l'adaptation scolaire est insuffisant pour répondre aux demandes de nos étudiantes et de nos étudiants. Ce manque de personnel fragilise nos équipes, qui ne peuvent pas offrir le niveau de service dont notre population étudiante a besoin pour maximiser leurs chances de réussite. »
-Ryan William Moon, vice-président de la Fédération des professionnèles (FP–CSN)
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Un BAPE sur Northvolt est nécessaire

On se souvient tous de l'empressement avec lequel le ministre québécois de l'Environnement, M. Benoît Charette, a autorisé la destruction d'un écosystème exceptionnel en bordure de la rivière Richelieu pour permettre à la compagnie Northvolt d'y construire une usine de composantes de batteries d'automobiles. Selon le ministre tout retard dans la mise en œuvre des travaux aurait pu amener le constructeur à vouloir s'établir ailleurs.
L'urgence d'accueillir la compagnie suédoise chez nous était telle que, en plus de lui octroyer généreusement 7,3 milliards de fonds publics, il fallait renoncer à étudier sérieusement les impacts environnementaux et socioéconomiques que pourrait avoir son projet sur la région et sur tout le Québec. Malgré les demandes répétées des experts, des scientifiques et de la population, les responsables de la CAQ ont obstinément rejeté les nombreuses demandes de BAPE sur le projet Northvolt et, plus largement, sur la transition énergétique.
Mais voilà qu'au début juillet, on apprenait qu'en raison de difficultés financières, la compagnie Northvolt décidait de reporter son projet en sol québécois. La compagnie préfère dorénavant concentrer ses ressources sur son usine principale en Suède. Non seulement il n'y a plus d'urgence, mais le projet Northvolt au Québec est reporté aux calendes grecques ! Maintenant que le site écologique a été détruit et que des milliards de dollars ont été engagés, peut-on enfin conclure que nos gouvernements ont fait preuve de négligence ?
Une étude du projet par le BAPE aurait sans aucun doute permis de mettre en lumière le peu de viabilité économique de cette usine géante, compte tenu des difficultés financières que connait la compagnie suédoise et de la déconfiture que subit présentement la filière batteries enEurope. Maintenant que nous savons qu'il n'y a plus d'urgence, ne serait-il pas judicieux de prendre tout le temps nécessaire pour évaluer correctement les impacts du projet s'il venait un jour à se concrétiser ?
À chaque semaine qui passe, de nouvelles informations parviennent aux groupes citoyens qui surveillent le dossier Northvolt, notamment de la part d'experts indépendants comme le biologiste et spécialiste en écotoxicologie Daniel Green. Ces nouvelles n'ont rien pour nous rassurer. En effet, si l'usine de Northvolt venait à être construite, il faudrait impérativement aménager des bassins de décantation pour contenir les eaux usées toxiques résultant de ses procédés. Les risques de pollution des eaux souterraines et de la rivière Richelieu sont réels. Un déversement ou une infiltration porterait atteinte de manière irréparable à la qualité de l'eau dont dépendent 350 000 personnes, de même qu'à la biodiversité de la rivière. Le site contient actuellement de l'arsenic et du cadmium, et la présence éventuelle d'autres contaminants soulève de vives inquiétudes. On craint notamment la présence de cobalt, de nickel (les abeilles sont très sensibles au nickel et les pomiculteurs de la région ont besoin de ces pollinisateurs), de manganèse et de composés perfluorés (PFAS).
Selon d'autres informations, les saumures toxiques que dégagerait le site pourraient être transportées jusqu'au dépotoir de déchets dangereux de Stablex à Blainville.
Malheureusement, ou plutôt heureusement, une commission du BAPE s'est déjà prononcée négativement sur le projet d'agrandissement du dépotoir deStablex. Il a en effet été démontré qu'en plus de détruire un milieu écologique particulièrement important, la technologie utilisée par Stablex pour contenir les matières toxiques n'est pas fiable. Des fuites pourraient polluer l'eau de la tourbière de Blainville et s'écouler du bassin versant vers le fleuve Saint-Laurent. À noter que, même si les commissaires du BAPE ont jugé le projet de Stablex trop peu sécuritaire pour être autorisé, le gouvernement de la CAQ n'en a pas moins décidé de l'autoriser.
Nombreux sont les exemples au Québec de projets désastreux résultant de l'entêtement des gouvernements à ignorer les conclusions des évaluations environnementales, les avis d'experts et les questions légitimes des citoyens et citoyennes. Mentionnons les expropriations forcées (en pure perte) de l'aéroport de Mirabel ; la centrale au gaz de Bécancour, qui coûte chaque année 120 millions de dollars à Hydro-Québec pour rester inactive ; ou encore la cimenterie de Port-Daniel, qui s'est avérée un fiascoéconomique et environnemental. L'usine de composantes de batteries de Northvolt sera-t-elle le prochain trophée à mettre au bêtisier de nos décideurs ?
Maintenant que la construction de l'usine de Northvolt est suspendue pour une durée indéterminée, le gouvernement québécois n'a plus aucune raison de s'opposer à ce que toute la lumière soit faite sur ses éventuels impacts environnementaux et socioéconomiques. Un BAPE sur Northvolt est aussi pertinent et nécessaire aujourd'hui qu'il l'était avant le début des travaux. Tout comme l'est également un BAPE générique sur la transition énergétique. L'environnement et la transition énergétique sont l'affaire de tous, citoyens et citoyennes. Les problèmes découlant de la crise du vivant sont trop importants pour être laissés à l'improvisation de quelques joueurs.
Louise Morand, L'Assomption
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Comparaisons boiteuses

La polémique au sujet d'un projet de parc éolien en terre maskoutaine perdure. Sur la page frontispice du Courrier de Saint-Hyacinthe, on peut lire que la MRC « des Maskoutains encadre ; Pierre-de-Saurel empoche »[1] . Le titre est accrocheur, mais si on regarde la situation à la loupe, la comparaison est boiteuse ; ce n'est même pas comparer des pommes avec des oranges, mais comparer des pommes avec des pierre rondes.
Première différence fondamentale. À Pierre-de-Saurel, la MRC est le maître d'œuvre ; c'est elle qui est propriétaire du parc éolien Pierre-de-Saurel (PEPS). Depuis sa création, tout est orienté vers le communautaire.[2] Ici, Innergex est une compagnie privée dont l'objectif primordial est de faire des profits pour ses actionnaires. Pour obtenir le privilège d'exploiter notre vent, elle est prête à payer des redevances. Reste à savoir si toutes les personnes qui seront affectées par le projet auront leur juste part du gâteau.
À la page 6 du Courrier, [1] le maire de Sorel, M. Péloquin, dit que des éoliennes tournent chez lui depuis 7 ans. Il oublie de mentionner que ce sont des éoliennes de première génération, beaucoup plus petites que celles qu'on nous propose. Les nouvelles éoliennes ont une production beaucoup plus élevée, mais elles sont plus grandes. La pale de l'éolienne atteint son apogée à 205 mètres (672 pieds) du sol ; ça, c'est plus haut que l'édifice de la place Ville-Marie à Montréal. Par conséquent, ces dimensions gigantesques auront plus d'impacts sur le paysage visuel de notre milieu agricole.
La semaine dernière, M. Michael Sabia, PDG d'Hydro-Québec, a annoncé que notre société d'état allait redevenir maitre d'œuvre.[3] Comment est-ce que le projet d'Innergex va s'insérer dans cette nouvelle politique ? Ajoutons une autre incertitude au sujet d'Innergex. M. Fitzgibbon a déposé un projet de loi (PL 69) à l'Assemblée nationale.[4] Ne vaudrait-il pas mieux attendre de connaître les nouvelles règles du jeu avant de prendre une décision dans notre MRC ?
Enfin parlons de transparence. Innergex fait du maraudage en catimini auprès des agriculteurs à Saint-Hugues, à Saint-Dominique et à Saint-Pie. Seuls, les propriétaires fonciers ayant une terre agricole dans des secteurs très précis de la municipalité ont droit à l'information. Le 24 avril dernier à Saint-Pie, toutes les personnes ne répondant pas à ce critère arbitraire de la compagnie ont été exclues.[5]. Ce maraudage semble se planifier devant une carte géographique dans un bureau central ; se présenter chez un propriétaire terrien sans savoir qu'il est également maire de la municipalité ou chez un militant écologiste n'est pas de bon augure pour la future interaction sociale harmonieuse avec le milieu. Dans ce tête-à-tête, le représentant d'Innergex veut que l'agriculteur s'engage à signer un contrat d'entente sans être en mesure de répondre à toutes ses questions concernant le type d'engin ou la possibilité de construire un bâtiment quelconque après l'installation de l'éolienne sur son terrain. N'oublions pas que ce contrat d'entente, c'est comme une promesse de vente d'une propriété ; ce n'est pas le « vrai » contrat, mais les conditions qui s'y trouvent seront automatiquement transférées telles quelles dans le futur contrat notarié ! Pour ne pas se faire rouler dans la farine, faire vérifier un contrat par son avocat ou un fiscaliste est une condition non négociable pour toute personne avisée.
Le 19 juin 2024, au centre Humania de Saint-Hyacinthe, c'est la MRC qui a parrainé une séance d'information et de consultation, pas Innergex. Des citoyens tenteront également de connaître les « pour » et les « contre » de ce projet lors d'une soirée d'information qui aura lieu le 4 juillet. Comparons le degré de transparence d'Innergex avec un autre promoteur d'éoliennes, la Coop de Saint-Jean-Baptiste. Une coïncidence qui en dit long : au moment même où la MRC des Maskoutains présentait sa séance d'information à Saint-Hyacinthe, la Coop tenait une séance d'information à Saint-Césaire au sujet du parc éolien de Monnoir.[6] Au mois de mars, la Coop avait déjà présenté une série de trois autres séances d'information. Tout comme dans notre MRC, les éoliennes à Sainte-Angèle-de-Monnoir en milieu agricole sont un problème où les relations de bon voisinage sont mises à rude épreuve. Mais les dirigeants de la Coop prennent le taureau par les cornes et discutent avec la communauté. Après tout, le développement durable axé sur la transition énergétique passe par l'économique, l'écologique et le social.
En 1962, le Québec a décidé que la production de l'électricité serait nationalisée. Cela permet d'avoir les avantages de l'électricité tout en faisant face collectivement aux inconvénients : barrages, terres inondées, lignes de transport, etc. Contrairement à Hydro-Québec, aux MRC, aux regroupements de Nations autochtones et à la Coop, Innergex est une compagnie privée, cotée en bourse ; sa seule responsabilité est de satisfaire ses actionnaires. Ce soir, où sont les représentants d'Innergex ? Un adage proclame que les absents ont toujours tort. Alors, pourquoi les dirigeants d'Innergex ne sont-ils pas présents pour discuter avec nous au sujet d'enjeux si importants ?
Gérard Montpetit
Membre du CCCPEM
Membre du CMVÉ
le 19 juin 2024
1] Le Courrier de Saint-Hyacinthe, édition-papier du jeudi 13 juin 2024
2] https://eoliennespierredesaurel.com/le-projet/
3] https://www.ledevoir.com/economie/813930/hydro-quebec-lance-developpement-gros-projets-eoliens ?
et
https://www.hydroquebec.com/data/a-propos/pdf/strategie-developpement-eolien.pdf
4] https://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-94921.html
et
https://www.ledevoir.com/politique/quebec/814427/reactions-partagees-projet-loi-fitzgibbon-energie ?
5] https://rveq.ca/replique-opinions/sur-invitation-seulement
6] « www.eolienmonnoir.com » ou « info@eolienmonnoir.com »
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Aéroport de Saint-Hubert (YHU) Opération camouflage

Longueuil, 10 juillet 2024. - Après un premier sondage (publié en janvier) expliquant que les citoyens sont “heureux” de l'arrivée du terminal Porter Airlines, voilà un nouveau sondage commandité par DASH-L, la structure gestionnaire de l'aéroport Saint-Hubert.
DASH-L réalise ainsi une nouvelle opération marketing pour faire oublier que leur projet n'a jamais été déposé avec les études pertinentes nécessaires pour être évalué publiquement, comme exigé par deux consultations publiques en 2022 et qu'ainsi il n'y a nullement
d'acceptabilité sociale. Une fois de plus, il s'agit d'un pur acte de communication, sans réalité tangible.
Pour la Coalition Halte-Air St-Hubert, ce énième sondage bidon a pour but de camoufler la réalité du développement programmé par DASH-L, une réalité qui, en cet été 2024, prend corps concrètement par la construction d'un nouveau terminal par JB Aviation Services, en plus de celui de Porter Airlines, un terminal "privé" pour 55 millions de $, 13 000 m2, avec plein de jets “de luxe” : https://www.newswire.ca/fr/news-releases/creation-d-un-premier-terminal-prive-d-aviation-de-premiere-classe-au-met-846321692.html .
Cette annonce a été faite par DASH-L auprès des investisseurs, à la mi-juin. Il n'y a eu aucune communication auprès du grand public (un seul article fut publié dans un média francophone spécialisé) et l'on comprend vite pourquoi. Le transport aérien par jets privés est le symbole du mépris d'une minorité richissime qui s'enorgueillit de pouvoir polluer tranquillement sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit. Selon unrapportpublié en 2021 par l'organisation européenne Transport et Environnement, un vol en jet privé est 5 à 14 fois plus polluant qu'un vol commercial (par passager) et 50 fois plus polluant qu'un
voyage en train.
Une fois de plus, la communication de DASH-L est rattrapée par la réalité : au-delà des apparences, le projet de l'aéroport va clairement à l'encontre des engagements environnementaux du Canada, duQuébec et desmunicipalités en termes de réduction de gaz à effet de serre tout autant que dudroit à un environnement sain des citoyen.ne.s canadiens.
Concernant le sondage à proprement parler, quelques commentaires s'imposent :
● La méthodologie du sondage est d'emblée contestable. En effet, d'après Revenu Québec, moins de 12% des personnes au Québec ont un revenu de plus de 100.000$ alors que dans le sondage, 25% des personnes interrogées ont un revenu de plus de 125 000$. Or, on sait que des personnes à hauts revenus sont plus enclines à utiliser l'avion. Ainsi une première conclusion s'impose : l'échantillon interrogé par Léger n'est pas représentatif de la population québécoise.
● Les questions posées sont à l'évidence pernicieuses, car elles ne présentent aucunement les détails de l'agrandissement de l'aéroport (nombre de passagers et de vols journaliers attendus par rapport à la situation actuelle, prévisions chiffrées sur l'augmentation du trafic routier sur les axes à proximité ou l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre, investissements publics financés par les taxes des contribuables, etc.). Une fois de plus, l'on présente le projet sans expliquer ses conséquences financières, environnementales et sanitaires, entretenant sciemment une forme de désinformation de la population. Rappelons qu'à ce jour, aucune étude sérieuse quant aux répercussions du projet à long terme n'a été publiée par DASH-L.
● Certaines questions sont confuses à dessein. Par exemple à la question Q3, il n'est nullement expliqué le type d'offre de vols concernés (c'est-à-dire internationaux, nationaux, ou régionaux) alors que dans la réalité Montréal-Trudeau dispose de l'exclusivité des vols internationaux. L'argument de proximité (question Q6A) pour certains habitants de la Rive-Sud est soigneusement entretenu par DASH-L et c'est ainsi que peu d'habitants savent aujourd'hui que seuls les vols régionaux et nationaux sont concernés par le développement du terminal Porter Airlines.
● Seulement 3% des personnes interrogées pensent qu'il y aura des retombées économiques de ce développement et 1% des créations d'emplois (question Q6A). Au moins, voilà une donnée claire : à part les naïfs et la mairesse de Longueuil, personne ne croit à un important développement économique avec l'arrivée de Porter Airlines. En réalité, la dépréciation immobilière induite par le bruit et la pollution sur 100 km2
va fragiliser la communauté en accentuant les inégalités sociales, comme le démontrent de nombreuses études économiques par exemple aux États-Unis.
Contrairement à ce qu'essaye de faire croire DASH-L, il n'y a pas d'acceptabilité sociale du projet de développement de l'aéroport St-Hubert, mais une grande méconnaissance par la population de la réalité de ce projet mortifère.
Pour information : coalition.halteair@gmail.com
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https://www.instagram.com/coalitionhalteairsh/
https://twitter.com/Coalition_YH
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Le chant des oiseaux ou le sifflement des éoliennes ?

Malgré l'engouement majeur de nombreux élus pour le développement éolien, je ne peux, en tant qu'agriculteur et ornithologue, que déplorer le manque apparent d'intérêt de la part de ces mêmes élus de réfléchir aux conséquences de ce développement sur la faune aviaire.
Quand on évoque l'impact qu'auraient ces machines industrielles sur les oiseaux, on nous sert toujours le même argument : « les chats tuent plus d'oiseaux que les éoliennes ». Cet argument simpliste ignore que bien que les chats soient de redoutables chasseurs, leurs principales victimes se limitent majoritairement aux espèces familières qui cohabitent avec nous et dont les populations ne sont pas menacées. Pensons, par exemple, aux moineaux domestiques, merles d'Amérique, quiscales bronzés, carouges à épaulettes, chardonnerets jaunes et bruants chanteurs qui se sont admirablement bien acclimatés aux activités humaines.
Mais la réalité est tout autre car nous sommes entourés d'une incroyable diversité d'espèces venues de loin pour se reproduire chez nous et nous rendre des services écologiques formidables.
Avant de penser à perturber leur milieu de vie, ne faudrait-il pas se poser quelques questions ? Commander quelques études ?
Commençons par le début, en les identifiant. Quand je parle d'oiseaux migrateurs, en me basant seulement sur ce que j'observe sur mes terres, je trouve d'abord la grande famille des palmipèdes, soit l'oie des neiges et la bernache du Canada, présentes par millions d'individus des mois durant. Leur arrêt migratoire leur permet de se reposer et s'alimenter avant de reprendre leur voyage vers le Nord pour s'y reproduire. Rappelons-nous que ces espèces ont une importance cruciale pour les populations autochtones du grand Nord qui bénéficient à chaque année de cette manne venue du ciel, tout comme d'ailleurs bien d'autres membres de la faune arctique.
D'autres espèces de palmipèdes nichent aussi chez nous : canard colvert, canard noir, canard branchu, sarcelles d'hiver et à ailes bleues pour ne nommer que celles-là. J'ajoute aussi deux membres de la grande famille des limicoles : la bécasse d'Amérique et la bécassine de Wilson. Rappelons-nous que ces espèces sont soumises à une pression de chasse régie par la loi sur les oiseaux migrateurs et font le bonheur de bien des chasseurs l'automne venu.
En provenance du cercle arctique, d'autres grands migrateurs de la famille des limicoles s'observent aussi dans nos champs, principalement en août et septembre : le pluvier bronzé, le pluvier argenté, le bécasseau minuscule et, à l'occasion, le bécasseau sanderling se signalent à tous les jours. Je n'oublie surtout pas le pluvier kildir, qui nous fait l'honneur de nicher autour de nous et parfois même dans nos cours.
Cinq variétés d'hirondelles, toutes à statut précaire, s'ajoutent au menu. L'hirondelle bicolore, rustique, à front blanc, noire et à ailes hérissées se partagent le territoire, dévorant en vol des milliers d'insectes nuisibles aux cultures, sans oublier le martinet-ramoneur dont les effectifs baissent malheureusement à vue d'oeil.
Parmi les bruants qui nichent abondamment dans nos champs, j'observe régulièrement le bruant familier, chanteur, des prés et le vespéral, et parfois même d'autres espèces moins fréquentes. Le goglu des prés, espèce protégée, niche aussi chez-nous. La maubèche des champs et la sturnelle des prés, oiseaux champêtres autrefois très présents dans nos champs, se font de plus en plus rares.
La pie-grièche grise nous visite de l'automne au printemps, prédateur sans serres qui capture petits rongeurs et petits oiseaux et les dévore après les avoir empalés sur une branche.
Et j'en arrive maintenant aux maîtres du ciel : les oiseaux de proie, ceux-là dont la vue seule de l'ombre suffit à terroriser le petit monde aviaire. Qu'ils soient nocturnes ou diurnes, qu'ils se nourrissent de mammifères, d'oiseaux, de poissons, de batraciens et reptiles et parfois même d'insectes, leur vie n'est pas nécessairement facile car ils ne réussissent généralement leur capture qu'une fois sur dix et doivent enseigner à leur progéniture cet art subtil de la chasse en vol qu'ils perfectionnent avec les années.
Parmi les espèces nocturnes, j'aperçois au printemps et à l'automne de chaque année le rare et obscur hibou des marais. Le petit-duc maculé, le hibou moyen- duc et le grand-duc sont aussi très présents. La chouette rayée est très bien établie et niche partout dans les bois. Quant à la petite nyctale, la chouette lapone et le harfang des neiges, leur présence demeure cyclique. Entendre leur hululement me transporte au pays des mystères de la nuit.
Plus facilement observables, les espèces diurnes nichent partout autour de nous. Si le busard des marais établit son nid avec régularité dans nos champs de foin, la buse à queue rousse préfère la forêt.
Le faucon pèlerin passe régulièrement chasser les pigeons près des centres de grains, et de façon éloquente avec ses piqués à près de 250 km/h. L'épervier de Cooper, l'épervier brun, le faucon émerillon et la crécerelle d'Amérique nichent aussi parmi nous.
Sans aucun battement d'ailes et dans le silence le plus total, l'urubu à tête rouge plane majestueusement au-dessus du territoire, à la recherche de cadavres à dévorer. Cet éboueur sans pareil nettoie les restes et depuis peu, un nouveau venu est parfois aperçu dans nos régions pour lui prêter main forte : l'urubu noir.
Si le pygargue à tête blanche sait très bien chasser et pêcher, il peut aussi s'accommoder d'une charogne à l'occasion ; en toutes saisons, la carcasse d'un chevreuil le fera descendre au sol. Tout comme le balbuzard pêcheur qui circule et niche près de nos rivières, le pygargue conserve toujours le même nid qu'il rafistole chaque année. Pour sa part, l'aigle royal ne passe qu'en période de migration. La grande majorité de ces dernières espèces ont un statut de protection.
Moucherolles, moqueurs, parulines, viréos, corneilles et grands corbeaux complètent le décor, le tout dans le garde-manger de la Réserve mondiale de la Biosphère du Lac Saint-Pierre.
Avec toute cette diversité de faune aviaire qui risque d'être sévèrement malmenée par le développement éolien, comment expliquer l'absence d'études sur l'impact de projets majeurs pour cette précieuse nature qui nous assure d'un parfait équilibre de la biodiversité ?
Comment expliquer l'absence de réaction des clubs d'ornithologie alors qu'on joue si impunément dans leur champ d'activités ?
Et, surtout, comment expliquer le silence et l'inaction de nos élus...
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Éoliennes : les MRC doivent agir dans l’intérêt des citoyens

« Aidez-nous à vous aider », tels sont leurs mots, car selon eux, il semble que les citoyens soient mieux placés que les maires et la préfète pour demander votre soutien et intervenir auprès de M. Fitzgibbon et d'Hydro-Québec. »
Caricature Reporterre
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt la lettre de Mme Nathalie Lefebvre de Saint-Adelphe (MRC de Mékinac) adressée à la députée de Champlain, Mme Sonia Lebel.
Tout d'abord, il faut féliciter Mme Lefebvre pour cette lettre. Nous avons le devoir de nous faire entendre auprès de nos élus.
Un passage de la lettre m'a frappé :
« Pour en revenir à cette séance, vu notre mécontentement, Madame la préfète Caroline Clément ainsi que ses collègues mairesses et maires ont invité l'assistance à vous faire part de nos doléances parce qu'ils prétendent ne pas avoir le pouvoir d'intervenir pour stopper le projet auprès de votre collègue, le ministre Pierre Fitzgibbon, ni celui de présenter un RCI plus sévère parce qu'ils craignent la désapprobation des quatre ministères dont celui de l'Énergie. « Aidez-nous à vous aider », tels sont leurs mots, car selon eux, il semble que les citoyens soient mieux placés que les maires et la préfète pour demander votre soutien et intervenir auprès de M. Fitzgibbon et d'Hydro-Québec. »
Ici, dans la MRC Nicolet-Yamaska, nous nous sommes fait servir le même argument que dans la MRC de Mékinac concernant la prétendue impossibilité de stopper les projets éoliens sous prétexte qu'il était dans les Orientations gouvernementales en aménagement du territoire ou "OGAT" de favoriser l'implantation d'éoliennes. Un juriste me faisait remarquer que les OGAT ne sont ni des lois, ni des règlements, ni des décrets et ont donc un poids très limité devant les tribunaux.
Par ailleurs, cette OGAT en faveur des éoliennes est elle-même en contradiction avec les OGAT en faveur de la protection du territoire agricole. De plus, il existe des OGAT concernant l'implantation d'éoliennes, lesquelles n'ont pas été respectées dans la confection de notre RCI dans la MRC Nicolet-Yamaska et ceci n'a pas empêché les autorités provinciales d'approuver ce RCI. Également et surtout, selon la Loi, un RCI est là pour empêcher rapidement une activité nuisible (d'où l'absence de référendum – ce qui fait l'affaire de bien des MRC) et non pas pour favoriser une telle activité comme le font plusieurs MRC pour les projets éoliens et ceci, n'a pas empêché l'approbation du RCI de la MRC Nicolet-Yamaska.
Tout ça pour vous dire qu'il semble qu'il y a une volonté manifeste au gouvernement provincial d'implanter des éoliennes en territoire agricole et habité et ce, au mépris des lois, des OGAT et de l'opposition majoritaire des citoyens, opposition clairement démontrée par des pétitions dans la MRC Nicolet-Yamaska et par la présence massive de citoyens (200 à 300) à plusieurs séances du Conseil des maires.
À mon avis, une MRC pourrait très bien adopter un RCI très restrictif concernant les éoliennes et même les interdire. Normalement, en vertu des lois, des OGAT et du principe de précaution, on pourrait s'attendre à ce que le gouvernement provincial approuve un tel RCI. S'il arrivait hypothétiquement qu'il ne l'approuve pas :
1. La MRC pourrait alors revenir avec les preuves scientifiques justifiant les distances séparatrices, ou bien justifiant son refus d'implantation d'éoliennes. Ces preuves existent.
2. Si le gouvernement maintenait son refus, elle pourrait alors aller devant les tribunaux et disposerait de beaucoup d'arguments pour défendre son RCI.
3. Maintenant, est-ce qu'un gouvernement aussi impopulaire que celui de la CAQ osera aller devant les tribunaux pour s'en prendre à une MRC qui bénéficiera de l'appui de sa population pour empêcher l'implantation d'éoliennes ?
Pour justifier leur refus d'adopter un RCI restrictif ou interdisant l'implantation d'éoliennes, les MRC pourraient prétendre que si un tel RCI était refusé par le gouvernement provincial, il n'y aurait aucune réglementation sur leur territoire régissant une telle implantation et que les promoteurs pourraient alors implanter leurs monstres mécaniques n'importe comment. Mais il faut savoir que pour implanter des éoliennes, un promoteur doit avoir une résolution favorable de la MRC et des municipalités touchées. On comprendra que la MRC ayant adopté un RCI restrictif ou interdisant les éoliennes n'adoptera jamais une telle résolution favorable, ce qui bloquerait les espoirs du promoteur, sans compter qu'un promoteur ne cherchera pas à implanter des éoliennes dans une MRC qui n'en veut pas.
En résumé, cet argument de bien des MRC à l'effet qu'elles ne peuvent stopper un projet éolien ou adopter un RCI restrictif est fallacieux et est invoqué pour cacher le fait qu'elles y tiennent mordicus à avoir des éoliennes. Et si vraiment, elles n'en veulent pas et qu'elles continuent à en favoriser l'implantation afin "d'obéir" au gouvernement provincial, elles ne font pas leur devoir qui est d'agir dans l'intérêt des citoyens, et les maires concernés devraient penser à céder leur place à des gens plus courageux !
Michel Veilleux
conseiller municipal à Sainte-Monique
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Diviser pour mieux régner

En tant qu'agriculteur et propriétaire de terres agricoles, j'ai été invité le 24 avril à la réunion tenue à Saint-Pie par Innergex, un producteur d'énergie renouvelable qui veut implanter des éoliennes dans la région. Si cette réunion a fait parler, c'est qu'il y a des questions à se poser sur le modèle d'affaires proposé par la compagnie Innergex.
D'entrée de jeu, il régnait une atmosphère un peu spéciale à cette réunion « sur invitation seulement ». Je sentais qu'en tant que membre de la confrérie des cultivateurs, le fait que nous sommes peu nombreux et l'attitude hostile de la population qui nous entoure nous autorisaient à avoir un point de vue particulier. Selon nous, le choix d'accueillir ou non une éolienne sur nos terres ne regarde que nous. Je ressens qu'il y a bel et bien un fossé entre nous et la population, et que ce gouffre est sur le point de se creuser encore un peu plus.
Certains ont accusé les opposants d'engendrer la division sociale. Pourtant la division sociale est intrinsèque à ce modèle d'affaires qui opère en faisant du maraudage et en offrant des montants considérables d'argent avant même d'avoir consulté la population. Ce modèle mis en œuvre au vu et au su des municipalités et de la MRC ne va qu' empirer la situation.
Je m'explique mal tous les efforts et les heures de travail que les élus de la MRC ont investis pour élaborer un règlement de contrôle intérimaire (RCI) sachant que la composante sociale du développement durable a été complètement écartée. Pire, le RCI est une acceptation implicite du projet d'Innergex et aggrave la division qui corrode les communautés. Quand les choses vont mal, s'il n'y a pas de cohésion sociale, on tombe tout de suite en période de crise.
Pourquoi tant de hâte ? Les intérêts financiers à court terme d'Innergex semblent miser sur cette division sociale. Il faut une pause qui donne à la population le temps d'être bien informée. De plus, le projet de loi 69 sur la gouvernance responsable des ressources énergétiques a été déposé à l'Assemblée nationale. Un moratoire permettrait de connaître les nouvelles règles du jeu.
Pierre Renard
Agriculteur de Saint-Pie-de-Bagot
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Mon paysage

Je me suis établi dans le 9e Rang de Saint-Liboire il y a maintenant 45 ans. Le paysage m'y a attiré. Il y avait des fermes de taille moyenne entrecoupées de lignes d'arbres diversifiés.
Au fil des ans, j'ai vu disparaître ces lignes d'arbres ainsi que des boisés de fermes au profit de l'agrandissement des terres cultivables. C'était pour mieux produire et avoir de meilleurs rendements. Malheureusement, le tout s'est fait au détriment de la biodiversité. Malgré tout, les paysages demeuraient agricoles. Les agriculteurs, ces modulateurs de paysages, nous donnaient constamment à voir comment les saisons marquaient notre quotidien. Les labours à l'automne, les semis au printemps avec leur verdure attrayante et leur rectitude dans les champs quand les cultures commencent à poindre, les champs qui changent de couleur au gré de la saison, passant du vert tendre au vert foncé ou au jaune doré. Puis les récoltes à l'automne qui préparent la venue de l'hiver.
Toutes ces beautés font partie intégrante de mon paysage. Je me suis farouchement battu en compagnie de nombreuses personnes pour protéger nos terres agricoles de l'envahissement de l'industrie des gaz de schiste. Nous avons gagné cette bataille titanesque et nous avons ainsi conservé nos paysages intacts. Nous avons protégé notre eau et notre air pur ainsi que la vocation de notre territoire. Notre territoire est agricole, pas industriel.
Aujourd'hui, ce sont les éoliennes qui prennent le relais des gaz de schiste. Les mêmes discours, les mêmes confrontations, les mêmes divisions sociales qui se présentent encore à nos portes. Sous prétexte que cela apportera de la richesse dans nos municipalités, poussées par l'intervention d'un gouvernement avide de privatiser notre électricité, nous assistons à des pressions venues de partout pour mousser une activité industrielle dans nos campagnes. Le besoin est loin d'être réel. L'histoire nous a démontré à plusieurs reprises que les vues de certains dirigeants n'étaient pas fondées. On n'a qu'à penser aux projets des centrales thermiques dans les années 2000, alors qu'on nous faisait croire que nous étions pour geler en hiver si nous ne bâtissions pas ces centrales polluantes. À ce que je sache, malgré le fait que nous ne soyons pas allés dans cette direction, nous n'avons jamais manqué de courant.
Aujourd'hui, le ministre Fitzgibbon nous dit les mêmes âneries. C'est probablement parce qu'il a vendu à rabais notre courant électrique à des compagnies étrangères pour qu'elles viennent s'établir sur notre territoire.
Je suis toujours aussi ému quand je circule dans ma région de pouvoir apercevoir les Montérégiennes et au loin, les montagnes de l'Estrie, entourées de nos beaux paysages agricoles. Je ne voudrais pas regarder ce panorama parsemé d'éoliennes qui feront deux fois la hauteur de notre hôpital régional, donnant ainsi un aspect industriel à nos vues.
Je regarde mon paysage et mon paysage, ça me regarde. Je vais me battre pour le défendre encore une fois. L'acceptabilité sociale sera un facteur déterminant dans la poursuite de ce dossier. Ralliez-vous, le mouvement citoyen se remet en marche !
Jacques Tétreault
Citoyen de la MRC des Maskoutains
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Recul de l’homophobie mais loin encore de l’égalité des droits

La récente manifestation pour l'égalité et la victoire organisée à Kyiv le 16 juin par des collectifs LGBT reflète le développement d'un mouvement autonome par rapport à l'État et aux partis parlementaires qui se contentent de vagues promesses pour l'après-guerre. Les collectifs LGBT, et notamment l'organisation des militaires LGBT, qui avait tenu à être bien visible dans cette manifestation, exigent des changements législatifs immédiats. Ils sont conscients que l'avenir de l'Ukraine se dessine à travers les mobilisations actuelles des mouvements populaires.
Tiré de Entre les lignes et les mots
Plus de 70% des Ukrainiens estiment que les personnes LGBTQ devraient avoir les mêmes droits que les autres citoyens, ce qui représente une augmentation de presque 7% par rapport à 2022, selon un sondage publié par l'Institut international de sociologie de Kyiv (KIIS) le 18 juin 2024. Cette évolution est relativement récente. Pendant les vingt premières années de l'Ukraine indépendante, les niveaux d'homophobie étaient semblables à ceux qui se manifestaient en Russie et dans d'autres républiques post-soviétiques d'Europe. Selon un sondage réalisé par European Social Survey en 2010, seuls 28% des Ukrainiens estimaient que « les gays et les lesbiennes devraient être libres de vivre leur vie comme ils l'entendent ». Ce chiffre était le plus bas de tous les pays européens couverts par l'enquête, à l'exception de la Russie. Certaines recherches mettaient même en avant une progression de l'homophobie au début des années 2000.
Au fur et à mesure que la société ukrainienne évoluait de manière indépendante par rapport à la Russie, l'homophobie a connu un certain recul. Mais on aurait tort de lier mécaniquement les deux mouvements. Andrii Kravchuk [1], un activiste gay expliquait en 2014 que si de nombreux militants LGBT avaient soutenu Maïdan, ils avaient fait le choix de ne pas rendre visible leur participation. Ils ne tenaient à fournir des arguments à la propagande pro-russe. Ils craignaient l'affrontement avec les groupes d'extrême droite nationalistes ukrainiens. Il semble bien que les très rares pancartes en faveur des droits des personnes LGBT étaient portées par des provocateurs pro-russes pour être aussitôt photographiées et diffusées massivement sur les réseaux sociaux. Cette hypothèse de provocation est appuyée par différents témoignages selon lesquels en janvier 2014, des personnes ont été payées pour se faire photographier sur la place Maïdan en agitant des drapeaux arc-en-ciel avec des drapeaux de l'Union européenne des États- Unis. La majorité des activistes LGBT qui ont participé aux rassemblements de la place Maïdan ont opté pour l'invisibilité. Le témoignage d'Anna Dovgopol est éloquent :
L'autre partie aurait pu vouloir, d'une manière ou d'une autre, déclarer sa présence en tant que LGBT, mais c'était dangereux en raison du grand nombre de militants d'extrême droite (d'abord Svoboda, puis le Secteur droit). Lors de la première grande manifestation après le passage à tabac des étudiants le 30 novembre, je faisais partie d'un groupe LGBT et nous avions plusieurs drapeaux arc-en-ciel dans nos sacs, que nous n'avons pas osé sortir parce que des colonnes de militants de Svoboda défilaient à nos côtés, avec l'air assez agressif que l'on connaît. En outre, plus tard, il y a eu plusieurs cas d'at- taques par l'extrême droite contre des filles de la communauté féministe et de gauche qui portaient des affiches sur les droits des femmes (des affiches très modérées, telles que « Europe = salaires égaux pour les femmes »), ainsi que contre des activistes de gauche [2].
Ce n'est qu'après Maïdan que la dynamique de mobilisation des personnes LGBT [3] a commencé peu à peu à faire changer la situation. Ces mobilisations se sont heurtées à l'hostilité et à la violence organisées. L'homophobie s'appuie sur une convergence de fait entre trois courants importants dans la société ukrainienne des vingt premières années du 21e siècle.
Les trois courants homophobes
Un premier courant était constitué par les forces pro-russes et anti-Maïdan qui mettaient en avant la lutte contre la « Gayropa » et présentaient les lois européennes contre la discrimination comme « une homosexualisation forcée » de la population ukrainienne. Avant 2022, les propositions de loi les plus scandaleuses contre les personnes LGBT ont souvent été déposées par des parlementaires du Parti des régions qui s'inspiraient directement de la législation répressive adoptée en Russie. Si ce courant a pratiquement disparu après 2022 sur le territoire libre de l'Ukraine, il est étroitement associé au pouvoir dans les régions occupées. Les persécutions contre les personnes LGBT y ont atteint des niveaux de violence inédits avec des assassinats, le recours à la torture dans les centres de filtration et l'association automatique de toute « déviance sexuelle » à l'entreprise satanique de l'Occident global. Que ce soit en Crimée, au Donbass ou dans les territoires occupés après février 2022, la vie des personnes LGBT s'est convertie en enfer. Les témoignages recueillis par l'ONG Projector dans le district de Kherson qui a été occupé entre mars et novembre 2022 sont glaçants : humiliations, tortures, viols, confiscation de médicaments rétroviraux contre le VIH. Une partie des victimes n'ont pas osé porter plainte après la libération du district.
Les différentes Églises chrétiennes (tant orthodoxes que catholique-grecque et catholique-romaine) partagent de manière très œcuménique une homophobie virulente même si elles peuvent diverger considérablement sur tout le reste et notamment sur les liens avec le patriarche de Moscou. La formation en 1996 d'un Conseil pan-ukrainien des églises et formations religieuses (désigné sous l'acronyme UCCRO en anglais) a constitué une base solide pour un travail de lobby antiféministe et anti-LGBT. Les Églises chrétiennes traditionnelles s'y sont associées à des Églises relativement nouvelles comme les adventistes du septième jour ainsi qu'à des autorités religieuses juives et musulmanes. La première déclaration solennelle des différents courants religieux contre la perspective d'un mariage pour tous remonte à 2007. Depuis le début de la guerre massive, l'homophobie religieuse s'est trouvé un nouvel argument qui se situe au-delà des textes sacrés : la démographie. Ainsi, l'UCCRO expliquait en juin 2023 que :
Assimiler la « cohabitation homosexuelle » au mariage et à la famille serait « extrêmement dangereux » dans la « crise démographique » provoquée par l'invasion de la Russie. Depuis février de l'année dernière, la population permanente de l'Ukraine est passée de 43 à 29 millions d'habitants, ce qui a entraîné un « manque de ressources humaines » pour la reconstruction d'après-guerre [4].
On trouve exactement le même argument en Russie pour justifier les législations anti-LGBT.
Enfin, l'extrême droite nationaliste se revendique de l'héritage idéologique de l'Organisation des nationalistes ukrainiens suivant lequel la construction étatique de l'Ukraine doit reposer sur une base ethnolinguistique « pure » et la famille patriarcale traditionnelle constitue la cellule de base de la société. Dans cette optique, les personnes LGBT sont assimilées à un facteur de désordre et de dégénérescence de la race. Le parti Svoboda, qui se considère comme l'héritier idéologique de Stepan Bandera, a fait de l'homophobie une de ses bannières de combat et n'a pas hésité à recourir à la violence contre des rassemblements LGBT.
Le reste du monde politique parlementaire oscillait entre l'hostilité et l'indifférence envers les revendications des personnes LGBT tantôt par conviction, tantôt par opportunisme électoral. La revendication du mariage pour tous était rejetée au nom d'un article de la Constitution de 1996 qui limitait le mariage à l'union d'un homme et d'une femme. En 2014, l'Alliance démocratique avait refusé l'adhésion de Bogdan Globa, activiste LGBT [5]. Il s'agit pourtant d'un parti modéré du centre-droit, lié à la démocratie chrétienne en Europe et recrutant de nombreux cadres dans des ONG pro-européennes. Le dirigeant du parti avait clairement indiqué que ce n'était pas tant la vie sexuelle de Globa qui lui posait problème, mais sa revendication politique des droits des personnes LGBT. L'épisode est intéressant parce que, pour la première fois, la plupart des journaux ukrainiens ont publié des articles plutôt favorables à Bogdan Globa.
Dans une telle situation, le mouvement LGBT s'est construit progressivement autour de petits noyaux d'activistes, souvent liés aux mouvements féministes et à la gauche non parlementaire. Leur développement a été plus tardif et plus difficile en Ukraine occidentale. Les premières années ont été particulièrement dures. L'organisation Sphère, qui mène un travail communautaire à Kharkiv depuis 2017, a enregistré 30 attaques contre ses locaux ou ses rassemblements entre 2018 et 2022. Des commandos d'extrême droite ont attaqué son local à de nombreuses reprises avec une complicité de la police. La première apparition publique de Sphère s'est déroulée dans les circonstances suivantes :
Ce jour-là, huit lesbiennes féministes, coiffées de tulle et de couleurs joyeuses, se positionnent à l'entrée du palais des mariages, le bâtiment municipal où habituellement les couples hétérosexuels se jurent fidélité jusqu'à la mort. Soudain arrivent à pied 50 hommes, matraques et bombes lacrymogènes à la main. Yakiv, 17 ans à l'époque, accompagnait la noce lesbienne avec son petit ami. « Ils nous encerclent, nous traitent de pédés pervers et nous crachent dessus. Un gars me cogne à la mâchoire ». Les assaillants brûlent un drapeau arc-en-ciel, lancent des lacrymogènes et s'affrontent à 15 policiers. Les fausses mariées s'éparpillent en courant. Des policiers les aident à évacuer. Sphère déposera plainte pour violences. Des mois plus tard, le tribunal prononcera un non-lieu. « Manque d'éléments à charge ». Ce délit, impuni, est le premier d'une longue liste. Sur le cadenas, scié par la police, est collé un logo : « Ordre et Tradition ». C'est le nom d'un groupe d'extrême droite ultra-conservateur créé en 2016. Chrétien. Anti-Rroms. Antirusses. Homophobe. Mais surtout, violent, armé, et entraîné au combat. L'un de ses chefs, Ivan Pilipchuk, poste en ligne des photos de Mein Kampf et de lui effectuant le salut nazi [6].
Trois leviers : la guerre, la jeunesse et l'Europe
Dans cette situation particulièrement critique, les activistes LGBT ont pu s'appuyer sur trois facteurs.
Le plus surprenant de tous est la guerre. En 2018, Viktor Pylypenko, activiste gay qui s'était engagé dans un bataillon armé de volontaires du Donbass, a créé l'union des militaires LGBT [7]. La décision de rendre visible la présence de personnes LGBT dans les rangs de l'armée et des unités volontaires était un pari audacieux. Elle s'est faite parallèlement à l'organisation d'une exposition de photos d'Anton Shebetko intitulée « Nous étions là » où des militaires acceptaient de se faire photographier en revendiquant leur identité LGBT [8]. Certains ont posé en dissimulant leur visage, d'autres ont préféré se montrer à visage ouvert. Les photos étaient complétées par des témoignages enregistrés sur des vidéos. La guerre qui, par ailleurs, a été utilisée par la droite pour revendiquer un virilisme héroïque a donc aussi été l'occasion d'une intégration réelle de personnes LGBT dans des formations constituées principalement par des personnes issues des classes populaires. En juin 2019, l'union des militaires LGBT a formé sa propre colonne d'une trentaine de personnes dans la marche pour l'égalité de Kyiv. Elle était dirigée par Viktor Pylypenko et Nastya Konfederat, une activiste lesbienne engagée volontaire dans l'armée. À cette occasion, le média indépendant Hromadske a publié une interview de Pylypenko, qui mettait en avant la responsabilité de la hiérarchie militaire dans les discriminations au sein de l'armée : lorsqu'on lui a demandé ce que c'était que d'être gay dans l'armée, il a répondu que « c'est inconfortable parce qu'il y a beaucoup d'homophobes. C'est à cause des homophobes, en particulier des commandants homophobes, que ces personnes ne peuvent pas s'exprimer. Ces personnes sont les mêmes que nous, mais malheureusement elles vivent cachées. C'est une honte, car elles se battent pour la liberté du peuple, pour nos droits, entre autres choses ». En ce qui concerne la discrimination, Viktor a déclaré qu'il avait été traité de « “pédé” en ligne par des personnes qui se disent nationalistes mais qui ne sont pas allées à la guerre ».
La présence de dizaines de milliers de personnes LGBT dans les forces armées est rendue visible par des écussons qui représentent une licorne [9], parfois accompagnée d'un drapeau arc-en-ciel. C'est une caractéristique générale de l'armée ukrainienne d'accepter que les militaires cousent sur leur uniforme des signes et symboles de leur choix. Dès 2014, un certain nombre de militaires LGBT ont commencé à rendre visible leur présence dans l'armée en cousant un écusson avec une licorne. À l'époque, on disait qu'il n'y avait pas d'homosexuel·les dans l'armée. Dès lors, la licorne qui est un animal mythique qui n'existe pas dans la nature, est devenue un symbole fort. Le recours à la licorne est doublement courageux. Il affiche une identité LGBT au sein de l'armée mais il implique aussi un risque accru de traitement inhumain en cas de capture par les forces russes ou leurs collaborateurs séparatistes.
Il faut cependant se garder d'une idéalisation de la situation. La guerre est aussi l'accélérateur de phénomènes négatifs comme la brutalisation des rapports humains, la banalisation de la violence. Il y a donc une dynamique contradictoire qu'on peut observer depuis 2014. L'autonomie des collectifs LGBT représente une garantie importante dans une perspective d'émancipation. Elle se heurte aussi à des obstacles puissants dont témoignent de nombreux épisodes de violences homophobes.
Un deuxième facteur est de nature sociologique. Il concerne l'évolution rapide de la jeunesse ukrainienne qui s'émancipe par rapport aux valeurs traditionnelles de la famille patriarcale. Certes, il existe aussi une partie de la jeunesse qu'attirent l'extrême droite et ses codes virils démonstratifs mais le témoignage de nombreuses personnes LGBT indique qu'il y a un recul marqué de l'homophobie dans les générations nouvelles, notamment dans les écoles et universités. Un film comme Jeunesse en sursis, de Kateryna Gornostai, reflète bien cette évolution [10]. Ce film, sorti en 2021, a été le résultat d'un long travail collectif entre la réalisatrice et de jeunes de Kyiv. Il s'agit d'une fiction qui a une nette portée documentaire.
Enfin, la perspective d'une adhésion à l'Union européenne a pu constituer un levier pour les revendications LGBT. En effet, tout processus d'adhésion implique une mise en conformité du droit national avec le droit européen. C'est ainsi qu'a pu être adoptée en novembre 2015 une loi contre les discriminations au travail qui interdit et sanctionne les discriminations basées sur l'orientation sexuelle. Le vote de cette loi n'a été rendu possible que par la pression de l'Union européenne qui menaçait de ne pas supprimer l'obligation d'un visa pour les Ukrainiens dans le cas où cette loi n'aurait pas été adoptée. Alors que lors d'un premier vote le 5 novembre, seuls 117 députés sur 450 avaient voté en faveur de l'amendement antidiscrimination, une semaine plus tard, ce sont 234 députés qui l'ont adopté, plus soucieux de l'entrée dans l'espace Schengen que des droits fondamentaux. Ce revirement soudain n'était pas une conversion à la cause des droits LGBT. C'est ainsi que Yourii Lutchenko, chef de la fraction parlementaire du parti du président Poroshenko justifiait le vote de la loi antidiscrimination dans les termes suivants : « Mieux vaut une gay pride sur le Kreschatyk que les tanks russes dans le centre de la capitale de l'Ukraine. » La plupart des parlementaires firent des déclarations ambiguës pour dire qu'ils votaient contre la discrimination par « adhésion européenne » mais que jamais, au grand jamais, ils n'accepteraient le mariage pour tous.
Certains, à gauche, ont vu dans l'utilisation du droit européen une forme d'homo-nationalisme [11]. Le concept même d'homo-nationalisme me paraît brumeux. Dans certains cas, il sert simplement à condamner l'homo-internationalisme, c'est-à-dire la solidarité entre mouvements LGBT dans les différentes parties du monde sur la base d'exigences élémentaires communes. Suivant un raisonnement décolonial simpliste, il y aurait un mouvement LGBT international décrit comme dominé par « des hommes blancs de classe moyenne » qui imposerait ses idées à travers des ONG dans les pays du « Sud global ». Cet argument ignore la capacité de réappropriation des revendications mondiales par des collectifs LGBT de pays du Sud [12]. Il les considère comme de simples relais passifs sacrifiant leur autonomie en échange d'une aide financière ou d'un appui juridique. Dans les cas les plus graves [13], la critique de l'homo-nationalisme dissimule une hostilité de principe à toute émancipation des personnes LGBT dans un Sud fantasmé ou parmi les minorités racisées des pays du Nord. En réalité, la stratégie des collectifs LGBT en Ukraine n'est guère différente de celle des syndicats et des organisations de défense de l'environnement. Elle s'appuie sur le droit européen pour faire avancer ses revendications propres. Renoncer à ce levier affaiblirait leur action.
Après le déclenchement de la guerre à grande échelle, la pression des mouvements LGBT a pu s'appuyer sur l'expérience concrète de la discrimination vécue par les militaires en cas de décès, de disparition ou de capture. Les partenaires de personnes LGBT n'ont aucun droit dans ces cas. Les épreuves de la guerre ont poussé de plus en plus de personnes – militaires et civiles – à faire un « coming out », refusant de continuer à raser les murs par rapport à l'homophobie ambiante. C'est ce qu'explique un ingénieur de Kramatorsk, blessé à la suite d'un bombardement russe :
Je suis gay mais je n'en ai parlé à personne pendant longtemps. Mais après la blessure, j'ai beaucoup réfléchi. Je suis fatigué d'avoir peur, je veux être avec celui que j'aime vraiment, ne pas avoir peur de marcher en lui tenant la main [14].
Une pétition a été lancée en juin 2022 pour appuyer la proposition de loi 9103 concernant l'institution d'une union civile qui ouvrirait aux personnes LGBT des droits comparables à ceux qui découlent du mariage. En quelques mois, elle a été signée par 28 000 personnes. Le président Zelensky s'est engagé à demander à son Premier ministre d'agir pour faire avancer les droits des personnes LGBT mais cette promesse est restée sans suite jusqu'à présent. Une « piqûre de rappel » est venue le 1er juin 2023. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), a condamné l'Ukraine dans la mesure où elle ne dispose d'aucun statut légal protégeant les couples formées par des personnes du même sexe [15]. Conformément à sa jurisprudence, la Cour européenne n'impose pas d'ouvrir le mariage aux couples homosexuels mais elle impose aux États de disposer d'un statut conférant des droits similaires à ceux dont disposent les couples mariés.
Une autre revendication immédiate importante est l'adoption de la proposition de loi 5488 qui introduira dans le droit pénal la notion de « crime de haine » de manière à réprimer différents délits contre les personnes lorsque l'hostilité à l'égard d'un groupe discriminé apparaît comme un mobile spécifique. Parmi les facteurs de discrimination considérée figure l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Dans ce domaine, les mobilisations LGBT peuvent également s'appuyer sur un arrêt du 11 avril 2024 de la CEDH [16], qui a jugé que l'Ukraine avait violé l'article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) combiné à l'article 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention européenne des droits de l'homme en raison de l'inefficacité de l'enquête sur deux agressions verbales et physiques du requérant, un homme gay, impliquant des insultes homophobes. Suite à la première agression, les autorités n'ont pas donné suite aux allégations de crime de haine du requérant et ont d'abord classé l'agression comme un vol. La Cour a noté que la qualification pénale choisie par les autorités nationales pour la deuxième agression comme relevant des dispositions ordinaires du droit pénal a compromis leur capacité à découvrir le motif homophobe allégué de l'agression. Dans le contexte où l'extrême droite a fréquemment recours à la violence contre les mouvements LGBT, une loi réprimant les crimes de haine devrait faciliter le combat judiciaire contre ces agressions.
La marche de Kyiv du 16 juin dernier est venue rappeler ce principe essentiel : la victoire contre l'agression et l'égalité des droits dans la société sont inséparables.
[1] Andrii Kravchuk, « LGBT ukrainiens entre deux mondes : Russie et Union européenne », Dialogai, 1er septembre 2014.
[2] Cité par Tamara Martsenyuk, « Права людини для ЛГБТ спільноти і Євромайдан 2013-2014 », Commons, 2015.
[3] Pour un aperçu des premières années de ces mobilisations, voir : Denys Lavrik, « Гомофобія в Україні : тенденції постмайданного періоду », Spylne, 18 mai 2015.
[4] https://www.churchtimes.co.uk/articles/2023/23-june/news/world/resist-western-pressure-on-gay-rights-ukrainian-religious-leaders-urge
[5] https://archive.kyivpost.com/article/content/ukraine-politics/democratic-alliance-denies-membership-to-gay-activist-350645.html
[6] Cette description est reprise de Michel Despratx, « Ukraine : gays envers et contre tous », La Chronique d'Amnesty International, 22 juin 2022.
[7] https://lgbtmilitary.org.ua/eng
[8] www.youtube.com/watch?v=sTkch9dAlUY
[9] Maxime Birken, « Guerre en Ukraine : ces soldats LGBT arborent une licorne en blason, et c'est plus qu'un symbole », Huffpost, 31 mai 2022.
[10] On peut voir ce film avec des sous-titres anglais (sous son titre ukrai- nien Stop Zemlia) sur le site de la plateforme Tak Flix :
https://takflix.com/en/films/stop-zemlia
[11] C'est la position de Tamara Martsenyuk dans un article de 2015 qui est, par ailleurs, une excellente source d'information et d'analyse. L'article revendique la filiation décoloniale de sa critique de l'« homo-nationalisme ». Voir Tamara Martsenyuk, « Права людини для ЛГБТ спільноти і Євромайдан 2014-2013 », Commons.
[12] L'exemple de l'Afrique du Sud montre comment l'alliance entre les mouvements LGBT de ce pays et des organisations LGBT internationales a été un facteur important de succès qui me semble démentir l'hypothèse décoloniale de l'homo-nationalisme.
[13] C'est le cas de Houria Bouteldja qui admire la politique menée par l'ancien président Ahmadinejad en vue de l'éradication des personnes LGBT dans la société iranienne. Voir : Serge Halimi, « Ahmadinejad, mon héros », Le Monde diplomatique, août 2016.
[14] Mathilde Goanec, « Ukraine : la guerre, « un puissant accélérateur » pour les droits LGBT+ », Mediapart, 5 décembre 2022.
[15] CEDH, Arrêt du 1er juin 2023, « Maymulakhin et Markiv c. Ukraine ».
[16] CEDH, Arrêt du 11 avril 2024, « Karter v. Ukraine ».
Laurent Vogel
Laurent Vogel est membre du comité belge du RESU. Une version plus longue de cet article se trouve sur le site :
https://solidarity-ukraine-belgium.com
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Affirmations LGBTQ+ dans le monde arabe et musulman

Depuis une poignée d'années, en dépit d'innombrables difficultés, d'ostracismes sociaux, d'arrestations massives et même de meurtres, notamment commis par l'Organisation de l'État islamique (OEI) en Syrie contre de supposés homosexuels jetés du haut d'immeubles, une véritable scène queer animée par des homosexuels, des lesbiennes comme des transgenres est en train de faire sa percée au Maghreb et dans les pays du Levant. Par la réappropriation d'une mémoire littéraire, picturale et musicale, par le travail militant et l'action culturelle, ces nouveaux venus veulent affirmer librement leur identité de genre dans les sociétés arabes contemporaines. Grâce aux nouveaux outils de communication, elles et ils créent des plateformes internet d'une formidable diversité, lieux de débats et d'expression.
Tiré de orientxxi
5 août 2024
Par Jean Stern
artqueerhabibi/Instagram
Loin d'un orientalisme gay de pacotille venu d'Occident, et nourri le plus souvent de l'exploitation sexuelle de garçons arabo-musulmans, cette scène naissante place l'affirmation individuelle et collective et la mémoire plurielle comme axes centraux de ce processus d'identification, à écouter plusieurs de ces militant.e.s LGBTQ+ qui ne craignent plus de s'exprimer à visage découvert.Une série de tables rondes réunies à l'Institut du monde arabe(IMA) de Paris en juin 2021 a permis d'entendre des acteurs de cette émergence d'Égypte, de Tunisie, du Yémen, du Liban, de Jordanie et de Palestine, entremêlés de performances superbes des dragqueens La Kahena et Anya Kneez.
Certain.es ont dû partir dans un exil contraint et forcé, mais d'autres continuent à militer et à travailler dans leur pays, au Liban et en Jordanie notamment. Et comme tout mouvement émergent, les homosexuels, lesbiennes et trans qui se mobilisent tentent d'abord de trouver des lignes de force communes, autour principalement de la mémoire culturelle, de l'ancrage dans un patrimoine arabo-musulman notamment littéraire qui a été longtemps enfoui, avec des poètes comme Abû-Nuwâs par exemple, et la prise de parole collective qui permet à chacun de se retrouver. Pour l'affirmation individuelle, il est particulièrement touchant de parcourir par exemple des sites de paroles anonymes sous forme de forums, commeسلوان اهل العزاء (queer qui ne peuvent pas se plaindre en public) qui rassemble des témoignages de LGBTQ+ du Proche-Orient bouleversés par la mort tragique de l'Égyptienne Sarah Hegazy.
Mohamad Abdouni, fondateur du site Cold Cuts au Liban et Maha Mohamed, fondatrice, elle, du site Transat en Égypte sont tous à la recherche de la mémoire des travestis du Caire et de Beyrouth, à travers des textes, des photographies, des présentations de lieux disparus et oubliés. « Notre objectif est de créer des sources en langue arabe pour parler de notre histoire », explique Mohamad Abdouni, qui a par exemple retrouvé de nombreux documents sur des bals trans au Liban dans les années 1970-1980. « Chaque rencontre, chaque témoignage retrouvé, c'est comme une histoire d'amour », témoigne-t-il joliment.
Tout comme en Jordanie Khalid Abdel-Habi a depuis plus de quatorze ans constitué un riche panorama des artistes queer de toute la région pour son magazine My.Kali. Avec ironie et talent, son magazine, en partie consultable en ligne, met en scène des icônes queer occidentales comme Jane Fonda dans Barbarella en 1968, ou arabo-musulmanes comme le performeur canado-marocain Mehdi Bahmad, sublime musicien et danseur. Mais ces figures de proue culturelles côtoient dans My.Kali des articles sur la solidarité des LGBTQ+ de la région avec les Palestiniens, et pas seulement avec les homosexuels palestiniens. « J'ai voulu construire notre voix queer sans imiter les Occidentaux », résume Khalid Abdel-Habi, qui assume la direction artistique du magazine jordanien.
La Tunisienne Rania Arfaoui, animatrice du collectif Mawjoudin (Nous existons), et le Palestinien Omar Khatid, directeur du plaidoyer de l'organisation alQaws, vont pour leur part placer la convergence des luttes pour l'identité, pour les droits, contre le colonialisme, le capitalisme et les inégalités au cœur de leur discours militant. « Notre combat est celui de la Palestine, explique Omar Khatid. La violence capitaliste et la violence coloniale sont la même matière, il n'y a pas de ligne de démarcation entre une violence et une autre. Toutes les luttes sont légitimes ». Souci que partage la Tunisienne Rania Arfaoui, qui « veut combattre l'héritage du colonialisme, notamment des articles pénalisants comme l'article 230 du Code pénal tunisien, sans pour autant rentrer dans les schémas homonationalistes des pays occidentaux qui aggravent la situation des queer du Sud en instrumentalisant le combat pour leurs droits ». Omar Khatid complète : « Être queer c'est notre identité, et on doit avoir notre place au Moyen-Orient et au Maghreb. On peut être musulman et queer, nous avons notre culture, notre histoire, même s'il y beaucoup de stigmatisation. Mais il n'y a pas non plus de code queer universel, on n'est pas obligé de s'identifier à la culture queer blanche, notre souci est d'abord de toucher notre communauté ».
« Il faut créer des espaces pour les personnes queer, ajoute pour sa part la militante yéménite Hind Al-Eryani, la lutte pour les droits et le changement doit venir de la base qui doit construire ses propres communautés ». L'enjeu pour ces militants et ces acteurs culturels est tout de même lourd : « rester en vie pour avoir le droit d'exister » résume Hind Al-Eryani, qui vit elle-même en exil, mais continue de se battre pour les LGBTQ+ de son pays, dans un contexte particulièrement tragique de guerre.
Pour suivre ce mouvement émergent, Orient XXI compte explorer, au fil des prochains mois, ce renouveau LGBTQ+ au Proche-Orient et au Maghreb, à travers une série d'enquêtes et de témoignages. Nous commencerons d'abord par un reportage auprès de proches de Sarah Hegazy, qui racontent un an après l'onde de choc qu'a provoqué sa mort en Égypte. Puis nous irons à Beyrouth découvrir un lieu de convivialité inédit, oasis de tolérance et de savoir-vivre ensemble dans cette ville meurtrie.
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LGBTQIA+ (France) : À Paris, une marche des fiertés festive mais qui rappelle « le danger du RN »

À l'occasion de la pride parisienne, des milliers de personnes ont défilé ce samedi contre la transphobie. À la veille des élections législatives, elles ont aussi rappelé le danger pour les LGBTQIA+ d'un gouvernement dirigé par l'extrême droite.
Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
29 juin 2024
Par David Perrotin
La dissolution a bousculé tous les calendriers. Elle a aussi inscrit la marche des fiertés parisiennes dans un moment particulier : à la veille d'une élection législatives et d'une possible victoire du Rassemblement national (RN).
Ce samedi, des milliers de personnes ont défilé de la Porte de la Villette (XIXe arrondissement) à République (XIe) pour célébrer les identités des personnes LGBTQIA+ et pour insister sur la nécessité de lutter contre toutes les oppressions transphobes. « Contre la transphobie : transsolidarités » était le mot d'ordre choisi par l'Inter-LGBT cette année.
Avant que la marche ne s'élance, vers 13 heures dans le XIXe arrondissement de Paris, l'irruption d'un collectif d'extrême droite surprend et vient rappeler l'enjeu du moment. Un ancien membre de Reconquête, la militante d'extrême droite Mila et un petit groupe font face aux nombreux drapeaux arc-en-ciel pour venir dénoncer les supposées « dérives des LGBT » et « préserver leur civilisation ». Leur coup d'éclat ne dure pas plus de dix minutes. Les militants sont immédiatement repoussés, Mila est enfarinée avant que la police ne les raccompagne et que la marche ne débute.
Comme chaque année, les manifestant·es chantent et dansent au rythme de la musique crachée par les enceintes des chars de différentes associations. « Demain, n'oubliez pas d'aller voter », scande cette fois-ci régulièrement une drag-queen. De nombreuses pancartes sont aussi brandies pour dénoncer « le danger du RN » et la persistance des LGBTphobies. « Sous les paillettes, la rage », « Souriez, vous êtes du bon côté de l'histoire », « Plus d'amour, moins de Zemmour », « Plus de lesbiennes, moins de RN », « Sauve un pédé, va voter », lit-on notamment.
« C'est le 55e anniversaire des émeutes de Stonewall », rappelle Sébastien Tuller, responsable LGBT+ chez Amnesty. Ce sont ces premières manifestations américaines contre des raids de la police et ces premières luttes qui ont donné naissance à toutes les prides. Il salue « le nombre incalculable de victoires » acquises depuis, mais regrette aussi tous les virages récents. « On assiste au recul des droits des femmes, des personnes trans, de toutes les minorités, partout dans le monde. » Et en France ? « Si le Rassemblement national remporte une majorité à l'Assemblée, on sait ce que cela peut donner. Il n'y a qu'à regarder les pays dans lesquels l'extrême droite s'est attaquée à l'État de droit. Il y a toujours un effet disproportionné sur les droits des LGBT. »
« C'est un parti qui a la haine de l'égalité. Ce sont des gens qui ne nous accepteront jamais, poursuit l'avocate engagée Caroline Mécary. Et l'histoire a montré qu'une fois aux manettes, ils sont aussi difficiles à déloger. Pire que des punaises de lit. » Sarah, 23 ans, étudiante antillaise, partage cet avis. Elle juge « nécessaire » de venir marcher « aujourd'hui » avant « d'aller voter demain », mais s'interroge. « Je vis déjà du racisme ou de l'homophobie au quotidien, je suis habituée, mais si l'extrême droite prend le pouvoir, tout ça sera banalisé. Et qu'est-ce que je pourrai faire ?, lâche-t-elle, inquiète. Peut-être partir d'ici. »
Colette n'a que 16 ans mais veut rappeler que le RN a une histoire et brandit bien haut une pancarte. Dessus, la tête de Jean-Marie Le Pen posée sur une dinde et l'une de ses nombreuses citations homophobes : « Les homosexuels, c'est comme le sel dans la soupe : s'il y en a pas du tout, c'est un peu fade, s'il y en a trop, c'est imbuvable. » Elle veut aussi montrer « la folie que c'est, de croire que le parti de Marine Le Pen défend les LGBT+ ».
L'asso Aides n'a pas non plus oublié toute la sérophobie du FN. Ce parti qui n'a cessé de dénigrer les gens atteints de VIH, que Jean-Marie Le Pen qualifiait de « lépreux » et voulait voir dans des « Sidatorium ». « Le RN au pouvoir serait une catastrophe pour la santé, pour les personnes nées à l'étranger qui vivent avec le VIH et pour toutes les politiques de réduction des risques », estime Margault, 30 ans et volontaire au sein de l'association. « Une politique de santé publique se fait avec toutes les populations », rappelle-t-elle, alors que Jordan Bardella prévoit de supprimer l'aide médicale d'État.
Un « sursaut » depuis trois semaines
Sur tout le parcours, quelques politiques défilent aussi : Olivier Faure du Parti socialiste (PS), Jean-Luc Mélenchon de La France insoumise (LFI), Sandrine Rousseau des Écologistes, Ian Brossat du Parti communiste (PC)... « Toutes les marches sont importantes, mais celle-ci l'est peut-être plus que toutes les autres, juge le sénateur PC. On a une épée de Damoclès sur la tête et les agressions LGBTphobes récentes montrent que l'extrême droite reste ce qu'elle a toujours été : une organisation toujours à l'avant-poste pour agresser les minorités. »
D'où « l'importance de rester mobilisés », renchérit Stéphane Corbin, porte-parole de la fédération LGBT+. « On défile aussi pour inciter tous les abstentionnistes à aller voter, explique-t-il. De leur vote dépend notre vie. »
Ce n'est pas 2002, mais quelque chose est en train de se produire.
Elyes, 38 ans
Les agressions LGBTphobes et les discours de haine ont en effet été nombreux cette année 2024, et les statistiques sont toujours aussi alarmantes. Et depuis la victoire du Rassemblement national aux européennes, rien ne s'améliore. Depuis le 9 juin, desgroupuscules d'extrême droite s'en sont pris à des personnes trans et à un jeune homme, des militairesont agressé des personnes gays à Paris et des policiers ont tenudes propos homophobes tout en revendiquant leur sympathie pour le RN.
Il y a quelques mois seulement, la droite et l'extrême droite tentaient de faire voter une loi au Sénat pour faire sérieusement reculer le droit des personnes trans et interdire toute transition aux mineur·es. Le gouvernement s'y était opposé à la toute dernière minute et beaucoup pensaient la tentative avortée. « Si la gauche perd l'élection, c'est l'une des premières lois qu'ils feront passer. Les personnes trans, avec les étrangers, seront les premières personnes ciblées », lâche Juliette, 23 ans.
Mimosa, 35 ans, du collectif Les Inverti·e·s, estime qu'il est urgent de « construire une riposte unitaire antifasciste » et voit dans cette marche « la première étape de cette reconstruction ». « On a vu une mobilisation très importante ces trois dernières semaines. Des dizaines et des dizaines de personnes ont rejoint notre collectif et beaucoup d'autres se sont investies »,explique la militante, pour qui le temps est venu de « regagner le terrain de la rue qu'on a perdu ».
« Je n'ai jamais vu autant de jeunes militant descendre dans la rue, tracter, manifester pour la première fois », confirme Elyes, 38 ans. « Ce n'est pas 2002, mais quelque chose est en train de se produire, veut-il croire. Reste à savoir si tout ça sera suffisant pour battre l'extrême droite. »
David Perrotin
P.-S.
• MEDIAPART. 29 juin 2024 à 20h36 :
https://www.mediapart.fr/journal/france/290624/paris-une-marche-des-fiertes-festive-mais-qui-rappelle-le-danger-du-rn
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• Les article de David Perrotin sur Mediapart :
https://www.mediapart.fr/biographie/david-perrotin-0
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L’artiste israélienne Ruth Patir ferme son exposition à la Biennale de Venise en attendant un cessez-le-feu à Gaza et la libération des otages

L'artiste représentant Israël à la Biennale de Venise a appelé mardi à un cessez-le-feu dans la guerre de Gaza et a déclaré que son exposition resterait fermée jusqu'à ce que les otages soient libérés. L'installation vidéo de Ruth Patir, intitulée "M/otherland", devait être inaugurée samedi au pavillon national d'Israël à la Biennale internationale d'art, mais la veille d'une présentation aux médias, elle a déclaré qu'elle resterait fermée pour l'instant.
Tiré de France Palestine Solidarité. Article paru à l'origine dans The New Arab. Photo : Biennale arte 2024 - Stranieri Ovunque - Strangers Everywhere © Biennale de Venise
"J'ai le sentiment que le temps de l'art est perdu et j'ai besoin de croire qu'il reviendra", a-t-elle écrit dans un message sur Instagram.
Elle a ajouté qu'elle et les commissaires Mira Lapidot et Tamar Margalit "sont devenues l'actualité, pas l'art".
"Et donc si l'on me donne une scène aussi remarquable, je veux faire en sorte qu'elle compte", a-t-elle écrit.
"J'ai donc décidé que le pavillon n'ouvrirait que lorsque les otages seraient libérés et qu'un accord de cessez-le-feu serait conclu".
Des milliers d'artistes, d'architectes et de conservateurs ont signé une pétition au début de l'année pour demander aux organisateurs de la Biennale de bannir Israël en raison de ses actions à Gaza, une demande condamnée par le ministre italien de la culture qui l'a qualifiée de "honteuse".
"En tant qu'artiste et éducateur, je m'oppose fermement au boycott culturel", a poursuivi Mme Patir.
"Mais comme j'ai le sentiment qu'il n'y a pas de bonne(s) réponse(s) et que je ne peux faire que ce que je peux avec l'espace dont je dispose, je préfère élever ma voix avec ceux que je soutiens dans leur cri, cessez le feu maintenant, ramenez les gens de leur captivité."
"Nous n'en pouvons plus."
Le 7 octobre, le Hamas a mené une attaque sans précédent contre le sud d'Israël, causant la mort de 1 170 personnes, selon les chiffres israéliens. Le groupe palestinien affirme que l'attaque a été lancée en réponse à l'occupation de la Palestine par Israël et à son agression continue contre le peuple palestinien, ainsi qu'à son siège de la bande de Gaza.
L'impitoyable offensive aérienne et terrestre d'Israël a tué plus de 33 800 personnes à Gaza depuis lors, principalement des femmes et des enfants, selon le ministère de la santé. Elle a poussé l'enclave au bord de la famine et a rendu une grande partie de la bande de Gaza inhabitable.
Israël estime que 129 des 250 otages saisis lors de l'attaque du 7 octobre se trouvent toujours à Gaza.
La Biennale Arte 2024, l'une des plus importantes expositions internationales d'art, se déroule du 20 avril au 24 novembre.
Traduction : AFPS

Au Soudan, résister en dessinant

Contraints de fuir la guerre qui ravage leur pays depuis plus d'un an, les dessinateurs soudanais mettent leur talent au service de l'information et de la paix malgré les dangers. Lancé début 2024, le magazine en ligne Khartoon Mag vise à les soutenir et à donner une visibilité à leurs caricatures.
Tiré d'Afrique XXI.
Le bougainvillier magenta arrosé tendrement par sa mère. Des rires, des pleurs. Le placard rempli de vaisselle uniquement destinée aux grandes occasions. Les livres minutieusement collectionnés au fil des années, qui ne seront jamais lus... Quand elle a fui la guerre, Shiroug Idris a emporté une somme de détails, et en parcourant ses illustrations soignées le lecteur devine que ces objets pèsent dans son cœur autant que s'ils avaient pu être transportés.
La dessinatrice a quitté sa maison trois semaines après l'éclatement de la guerre au Soudan, en avril 2023. Quelques mois plus tard, la voilà de nouveau déplacée. Elle garde une image de cet exode, qu'elle fige sur son carnet à dessins. Elle, assise dans un bus côté fenêtre où elle plonge son regard ; en dessous de son portrait, la jeune femme de 26 ans note : « Malgré la peur, j'ai vu la plus belle scène de coucher de soleil se reflétant sur les champs de mil – sous les pieds nus des passagers qui s'y balançaient. » Shiroug est l'une des trois contributrices actuelles de la résidence virtuelle du magazine en ligne Khartoon Mag. La première syllabe pour Khartoum, la capitale du Soudan, et Khalid, du prénom du fondateur ; et la seconde pour cartoon, dessin en français.
L'aventure éditoriale débute en janvier 2024 alors que la guerre ravage toujours le pays. L'objectif est de donner tous les trois mois la possibilité à trois dessinateurs soudanais, sur place ou en exil, de raconter le conflit en postant chaque semaine leurs dessins. Du témoignage personnel à la caricature politique, les artistes de différentes générations documentent les violations en cours, dénoncent les auteurs de crimes, reviennent sur les origines du mal, sèment l'espoir. « Un espace libre » et « sans censure » conçu par Khalid Albaih.

Ce dessinateur soudanais, qui a vécu aux quatre coins du globe et de manière épisodique au Soudan (son père était diplomate), est convaincu que, aussi simple soit-il, un dessin est un puissant outil politique. Notamment parce qu'« il parle à tous et ouvre des conversations », soutient-il. Les siens ont été largement diffusés sur la toile au moment des « printemps arabes », au début des années 2010. Fort de cette reconnaissance internationale, ce révolutionnaire virtuel se bat pour donner à voir le travail de ses pairs au Soudan. Ces dernières années, il a initié plusieurs projets allant dans ce sens, comme la création d'un fonds pour soutenir la communauté artistique (Sudan Artist Fund) ou encore l'édition de Sudan Retold, une collection d'œuvres de 31 artistes explorant l'histoire de la nation. Une nouvelle fois avec Khartoon Mag, Khalid mise sur la force de l'art pour instiller un changement positif : « Utiliser l'art pour parler à notre peuple, faire comprendre aux Soudanais la complexité de leur identité, cela nous guérira. Le Soudan est un grand pays, très diversifié. Dans chaque maison nous trouvons l'Égypte, l'Éthiopie, le Kenya... Seuls l'art et l'éducation peuvent nous aider à vivre ensemble. »
Le bruit des bombes
Deux figures politiques reviennent souvent sous les coups de crayon des dessinateurs : Abdelfattah al-Burhan, chef de l'armée soudanaise, et Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemetti », chef des Forces de soutien rapide (FSR), une milice paramilitaire. Dans un dessin du mois d'avril 2024, Ahmed Fouad (nom d'artiste : Ben) représente le futur sous la forme d'un jeune homme étranglé de la poigne des deux guerriers. Ce sont les principaux visages de ce conflit dévastateur. Le 15 avril 2023, des premiers échanges de tirs retentissent à Khartoum. Les deux camps revendiquent mutuellement le contrôle des principaux sites gouvernementaux et la population est prise en otage. Tayeb Hajo (nom d'artiste : Too Dope), tout à la fois musicien, compositeur et dessinateur, résume ce brutal changement de décor dans le titre d'un autoportrait : « From Rap & Boom Bap to War & Boum Bombs ». Dans ses oreilles, le bruit des bombes est venu remplacer celui des rythmiques de rap.
Le déclenchement de cette nouvelle guerre s'inscrit dans une longue histoire tumultueuse. Les protagonistes sont bien connus des observateurs de la vie politique que sont les caricaturistes. Dans une bande dessinée intitulée sobrement Hemetti, Yousif Elamin retrace en long et en large l'ascension de cet homme. Il nous rappelle qu'il était le vice-président du Conseil militaire de transition, dirigé par Abdelfattah al-Burhan, son adversaire actuel. Les deux s'étaient alliés en 2019 après la chute du dictateur Omar al-Bachir, dont le peuple avait réclamé le départ lors d'immenses manifestations populaires. Le pouvoir n'a jamais été pleinement remis aux civils. Si Hemetti a participé au renversement de l'ancien président, il n'a pas toujours été son opposant. « L'histoire de Hemetti commence en 2003 », nous raconte Yousif. Il remonte ainsi la chronologie du seigneur de guerre au génocide du Darfour, pour lequel Omar al-Bachir a été accusé par la Cour pénale internationale (CPI). Des massacres auxquels les milices de Hemetti ont participé.
En contrepoids à ce récit, dans une autre publication au narratif plus personnel, Yousif explique comment sa vision de l'armée s'est transformée au fil des années. Nourri à la propagande militaire depuis l'enfance, les images glorieuses diffusées par la télé ont été petit à petit entachées par ses relations tendues avec les représentants de l'ordre (la police mais aussi les agents administratifs), puis par l'alliance des forces armées avec les milices génocidaires.
« Documenter ce qu'il se passe »
Le site se revendique comme indépendant et entend offrir des « sources impartiales » aux internautes sur la situation au Soudan. Les artistes ont à cœur de dénoncer les exactions des deux camps. « Je dessine autant sur l'armée que sur les FSR. Ce qui m'importe, c'est que toutes ces injustices cessent, insiste Osman Obaid. Malgré la guerre, les politiciens restent concentrés sur le pouvoir. Mon rôle est de documenter ce qu'il se passe... Faire pression sur eux et leur dire qu'ils n'ont pas le droit de s'accaparer le pouvoir. » Une tâche qui n'est pas sans risque : les dessinateurs sont nombreux à avoir reçu des insultes, voire des menaces, sur les réseaux sociaux. Pour cette raison, le rédacteur en chef, Ahmed Mahgoub, a dû se résoudre à supprimer une caricature de l'un de ses dessinateurs vivant au Soudan. Elle représentait les deux belligérants chacun sur une pile de cadavres, l'un invoquant « la démocratie », l'autre « la patrie ». « Notre priorité est la sécurité de notre équipe. Nous avons décidé de retirer le dessin, mais d'une certaine façon cela montre que notre travail suscite des réactions », estime Ahmed.
La majeure partie des textes des dessins sont en arabe, car ils s'adressent d'abord à la population soudanaise. Quelques-uns sont en anglais. Un partenariat avec la plateforme internationale Cartoon Movement, qui promeut des artistes du monde entier, vise à donner davantage de visibilité aux dessinateurs. Dans un de ses dessins, Ben a glissé le hashtag #talk_about_Sudan, que l'on retrouve régulièrement sur les réseaux sociaux (ainsi que #keepEyesOnSudan). La guerre au Soudan ne bénéficie pas de la même attention médiatique que celle qui se déroule à Gaza. « Il y a une couverture médiatique, mais les médias étrangers parlent des crimes sans les condamner », regrette Shiroug.
Sous la plume d'Osman, nous voyons un membre des FSR bâillonner de sa main la planète entière. La justesse de son trait lui permet souvent de se passer de mots. Il partage l'avis de sa consœur : « En tant qu'artistes, nous pensons que le monde a besoin de prendre une position plus forte et d'arrêter de soutenir les parties en conflit. » Al-Burhan est un proche du chef d'État de l'Égypte voisine ou encore de l'Iran, et les FSR sont secrètement armées par les Émirats arabes unis. Ces alliances sont connues mais souvent tues par les représentants de la diplomatie internationale.

Les négociations entre les deux parties en conflit sont pour l'instant dans l'impasse, et les conditions de vie de la population se dégradent. Plus de la moitié des Soudanais, soit 24 millions de personnes, sont confrontés à une insécurité alimentaire aiguë. Environ 15 000 personnes sont décédées depuis le 15 avril 2023, selon les Nations unies. Un chiffre probablement en deçà de la réalité puisque les experts de l'ONU ont recensé un nombre équivalent de morts uniquement à Geneina, au Darfour, où les FSR et des milices alliées ont délibérément visé la communauté des Massalits.
« Un moyen de fixer les souvenirs et d'oublier la guerre »
Les artistes sont comme les autres Soudanais, leur vie est durement affectée par la guerre. Les six résidents ont jusqu'à présent pu être rémunérés grâce à l'International Media Support (IMS), une organisation à but non lucratif basée au Danemark qui soutient des médias locaux dans des contextes de crise. Khalid Albaih cherche une autre source de financement pour que le magazine puisse continuer d'exister. Khartoon Mag entend donner l'opportunité aux dessinateurs de poursuivre leur travail, malgré le chemin de l'exode ou de l'exil que tous ont dû emprunter. Début juin 2024, l'ONU recensait 12 millions de personnes contraintes de fuir leur foyer, dont 2 millions de réfugiés dans les pays voisins.
Shiroug et sa famille ont trouvé refuge dans l'est du pays. Des voisins les ont avertis que des membres des RSF occupaient maintenant leur ancienne habitation. Dans sa dernière série d'illustrations, elle raconte avoir vu un jour, en se rendant à l'hôpital où elle travaille comme médecin, des miliciens des RSF en train de voler la seule ambulance de la ville. La jeune femme a continué sa route et a fait comme si elle n'en avait pas été témoin. Dessiner est pour elle « un acte de résistance », mais aussi « un moyen de fixer les souvenirs et d'oublier la guerre ». « De nombreuses personnes s'identifient à mes histoires, confie-t-elle. Quand les personnes ont faim et sont déplacées, c'est difficile d'apprécier l'art. Ça l'est aussi de dessiner, mais il est nécessaire d'informer le monde sur ce qu'il se passe. »
Ben aussi a été plusieurs fois déplacé. Il n'a pas d'électricité et n'a que partiellement accès à Internet dans le village du nord du pays où il se trouve. Avant la guerre, ce jeune homme de 26 ans arrivait à vivre de son art. Ce n'est plus le cas. Mais malgré les conditions de vie difficiles, il n'a pas cessé de raconter les souffrances de son peuple. Ses vignettes colorées aux traits enfantins contrastent avec la violence des scènes qu'il dépeint : des millions d'individus qui ont perdu tous leurs biens matériels, les actes de pillage des FSR, les quartiers entièrement brûlés, les disparitions, les viols... « Alors que les violations sont évidentes, certains refusent d'y croire », dénonce le dessinateur.
De la révolution à la guerre
Nader Genie confie avoir perdu sa personnalité d'artiste pendant les premiers mois de la guerre, le cœur brisé par la perte de ses biens et l'effondrement de sa nation. « Mon studio personnel contenait des équipements numériques, beaucoup de peinture, des archives, des livres, des outils pour dessiner. Je n'ai plus rien. Ma voiture a été touchée par balles le premier jour de la guerre et c'est ce qui m'a obligé à quitter rapidement Khartoum. J'ai essayé de trouver un lieu décent pour ma famille, de la nourriture et un travail pour payer le loyer et assurer les autres dépenses », témoigne le caricaturiste âgé de 46 ans et finalement réfugié avec ses proches en Égypte au bout d'un long voyage.
Nader a retrouvé la force de résister en militant du côté de la paix. Dans une publication de Khartoon Mag datant du 25 avril, il écrit :
- Devant moi se trouve une caricature représentant un énorme crocodile essayant d'avaler un peintre. Ce dernier a mis son crayon dans le sens inverse des mâchoires [du reptile, qui] ne peut plus l'attaquer. Ce que je veux dire, c'est que peu importe la grandeur de la machine de guerre, elle peut s'arrêter si nos modestes efforts sont placés au bon endroit.
Il se réfère à une œuvre du dessinateur français Plantu, qui avait effectué une visite en 2009 dans les locaux du journal soudanais où travaillait alors Nadir. Comme un clin d'œil, un des dessins qui illustrent l'article représente le visage d'un soldat belliqueux vers lequel sont pointés deux pistolets qui ne risquent pas de tuer : deux colombes sont nichées dans leurs canons. À côté de son travail pour le magazine en ligne, Nader a réalisé un livre, Salam Salah (« Paix et Arme ») à paraître prochainement, regroupant une trentaine de dessins visant à documenter les étapes du conflit.
Avant d'être emportés par la guerre et de s'engager pour la paix, nombreux ont été les membres de Khartoon Mag à avoir mis leur art au service de la cause révolutionnaire. En février 2019, Nader avait été sollicité pour créer une association regroupant les caricaturistes. Une page Facebook, « Les caricatures de la révolution soudanaise », regroupant tous les dessins autour du soulèvement avait vu le jour. Internet et les réseaux sociaux ont été de véritables bulles d'air durant cette période.
Tous connectés
Comme Nadir, Osman fait partie de ces caricaturistes soudanais qui vivent de leur art depuis plus d'une dizaine d'années. Il a connu le contrôle systématique des services de renseignements du régime d'Omar al-Bachir et la censure au sein des rédactions. « Après la chute d'Al-Bachir, c'est vrai qu'il y a eu une sorte de liberté d'expression, nous avons essayé de la conserver, mais nous avons échoué. Pendant la période de transition, même quand il y avait des civils au pouvoir, il y avait encore des pressions en interne », se remémore le dessinateur, aujourd'hui exilé en Ouganda.
Malgré l'état de peur qui persistait à cette époque, Ahmed Mahgoub a constaté un intérêt renouvelé de l'opinion publique pour la politique. Il a été à l'origine en 2015 de la première maison édition consacrée entièrement à la bande dessinée pour jeunes adultes, Kanoon Al Fan. « Nous avons donné la possibilité à de nombreux artistes d'être publiés, d'être visibles à l'international en participant à des foires. Leur niveau de confiance s'est amélioré », estime le trentenaire. Une nouvelle génération d'artistes a été formée. « Auparavant, les contributeurs se concentraient davantage sur des sujets sociaux, et là tout le monde voulait entendre parler de politique et de la révolution. » De nouveaux thèmes sont apparus, tels que le racisme. Ben pense que la révolution, en éveillant les consciences, est « l'une des meilleures choses qui soient arrivées au Soudan et à sa jeunesse ». « Je suis devenu un artiste politique plus que de divertissement », dit-il.
Kanoon Al Fan et d'autres initiatives ont cessé, mais les dessinateurs n'ont pas disparu. Khartoon Mag illustre la résilience de la communauté artistique soudanaise. « Je me suis toujours battu pour un Soudan où je pourrais vivre. Avec la guerre, je lutte pour un meilleur Soudan pour mes enfants », témoigne Khalid, avant de conclure : « C'est pour le monde, pas seulement pour le Soudan, nous sommes tous connectés. Si le Soudan va mieux, le Tchad ira mieux, l'Égypte aussi. »
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