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Ce qui se joue à travers le voile des Iraniennes

Ce qui se joue à travers le voile des Iraniennes
Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2023 / hiver 2024
Yalda Machouf Khadir, Avocate et militante iranienne Le 6 octobre dernier Nargess Mohammadi, militante féministe iranienne, se voyait octroyer le prix Nobel de la paix pour son combat en faveur des droits humains et contre l’oppression des femmes en Iran. Puis ce fut le tour de Jîna (Mahsa) Amini et le mouvement Femme, Vie, Liberté de recevoir le Prix Sakharov, soulignant leur contribution à la lutte pour la défense des droits de la personne et des libertés fondamentales. Si cette double distinction est l’expression d’un soutien important de la part de la communauté internationale, cette dernière peine toujours à sortir du symbolisme et à offrir une aide concrète à la population iranienne. Le voile des Iraniennes et leur revendication au droit à l’autodétermination de leur corps ont été le point focal de cette révolution inachevée : le voile imposé a embrasé la poudrière iranienne, et femmes et filles sont devenues les porte étendards du mouvement de contestation. Mais lorsque les femmes prennent les rues et brûlent leur voile, symbole de la ségrégation de genre et pilier de la théocratie iranienne, c’est l’ensemble du système politique en place qu’elles défient. Les revendications du mouvement porté par le slogan Jîn Jian Azadi (Femme, Vie, Liberté) dépassent ainsi largement cette question. Il s’agit d’un mouvement d’émancipation qui s’inscrit dans un cycle de soulèvements que connaît l’Iran depuis 2009 et qui porte en lui des revendications multiples, dont la liberté politique, la justice sociale et environnementale, la laïcisation et la démocratisation de l’État, ainsi que la pleine reconnaissance des minorités ethniques et de genres.Brutalité de la violence étatique
Le mouvement Femme, Vie, Liberté a donné lieu à une unité historique au sein de la société civile iranienne, notamment entre les courants féministes, ouvriers et les groupes de défense des droits des minorités ethniques. Une coalition de vingt organisations féministes, syndicales et de la société civile iranienne publiait ainsi, dès février 2023, une déclaration commune visant à jeter les bases d’un nouveau contrat social fondé sur douze principes minimaux, commençant par la libération inconditionnelle immédiate de tou-te-s les prisonnier-ière-s politiques et l’imputabilité des responsables de la répression étatique actuelle et passée1. C’est ainsi qu’en l’espace de quatre mois, 165 villes des quatre coins du pays ont été le théâtre de mobilisations massives, réunissant des manifestant-e-s de tous âges et de toutes conditions sociales. La réponse du gouvernement iranien face à l’embrasement du pays a été des plus brutales. Selon le Human Rights Activists News Agency, organe de presse d’une organisation indépendante de défense des droits de la personne opérant depuis l’Iran, cette répression féroce a fait en quatre mois plus de 530 morts et conduit à 19 763 arrestations, dont celle de 181 enfants2. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de la personne en Iran, Javaid Rehman, décrivait dans son rapport rendu public en février 2023 une situation très alarmante faisant notamment état de torture et de mauvais traitements, y compris des violences sexuelles, à l’endroit des manifestant-e-s, d’emploi illégal de la force létale et d’exécutions d’enfants3. Face à la brutalité de la violence étatique, le mouvement de contestation qui défiait ouvertement le pouvoir dans la rue, a battu en retraite. Reste à voir si ce repli tactique lui permettra de trouver de nouvelles façons de se déployer. Car si dans les faits aucun changement structurel ne s’est encore opéré en Iran, la dynamique sociale a irrémédiablement changé et paraît nettement favorable aux Iraniennes qui s’octroient plus de libertés en dépit de toutes les tentatives du pouvoir religieux d’imposer des restrictions par de nombreuses mesures de rétorsion et de répression.Crise persistante
Mais plus important encore, la crise sociale et économique qui a instigué ce mouvement est loin d’être résolue et atteint des sommets inégalés. Un taux d’inflation vertigineux frisant les 50 %4, couplé à un taux de chômage de 11 % en 2022 — le taux de chômage chez les femmes étant supérieur de 7 points de pourcentage à celui des hommes5, accentuant ainsi la fracture sexuelle systémique — rend le quotidien des Iranien-ne-s insoutenable. Tout cela s’inscrit sur fond de corruption endémique et de dévastation environnementale qui sévit d’autant plus fort que le pouvoir est dopé par la rente des ressources premières. La théocratie iranienne qui a longtemps bénéficié d’un appui populaire reposant sur la ferveur religieuse doit, face au déclin de sa base historique, compenser par un clientélisme politique de plus en plus marqué. La vision extractiviste des ressources environnementales du pays, couplée à la nécessité de l’État de financer un appareil de répression coûteux, accentue la crise environnementale à laquelle l’Iran fait face. De plus, la construction intensive de barrages et le détournement des ressources hydrauliques du pays pour alimenter ses industries agricoles et pétrolières dévastent champs et campagnes, en plus de causer des pénuries d’eau importantes au pays. L’assèchement des lacs, rivières et marais perturbe l’ensemble de l’écosystème et représente aujourd’hui une dimension particulièrement aiguë de cette crise environnementale. La pollution urbaine est également une préoccupation importante, alors que l’Iran affiche parmi les pires indices de qualité de l’air au monde6. Nulle surprise de voir l’environnement comme terrain de mobilisation de la contestation du pouvoir. L’horizon n’est guère plus positif sur le plan social. De nouvelles dispositions législatives visant à contraindre le port du voile sont à l’étude. Elles prévoient de nouvelles formes de surveillance dans l’espace virtuel, un durcissement des sanctions en cas de non-respect du port du voile, un élargissement des mesures pénales aux entreprises, en plus d’encourager la délation au sein de la population7. La répression se fait aussi sentir au sein de l’appareil judiciaire. Le 17 octobre dernier, l’avocat de la famille de Jîna Amini, Saleh Nibakht, se voyait infliger un an de détention pour propagande contre l’État8. Moins d’une semaine plus tard, le 23 octobre, Niloofar Hamedi et Elahe Mohammadi, les deux journalistes ayant couvert la mort en détention de Jîna Amini recevaient des peines respectives de 13 et 12 ans de détention au terme de procès iniques où on leur reprochait d’avoir « collaboré avec un état ennemi, à savoir les États-Unis », de « rassemblement et collusion contre la sécurité nationale » et d’avoir fait de la « propagande contre l’État »9.Intensification de la peine de mort
On observe également depuis le début du mouvement une intensification du recours à la peine de mort par le système judiciaire. Les contestataires, inculpés pour des infractions vagues et imprécises comme moharabe (inimitié avec Dieu) et efsad-e fil-arz (corruption sur Terre), en sont une cible évidente10. Les plus grandes victimes de cette pratique proscrite par le droit international restent cependant les personnes condamnées pour des infractions liées au trafic de stupéfiants, des personnes provenant majoritairement de minorités ethniques cibles de discriminations systémiques et de communautés défavorisées sur le plan socioéconomique. Selon le plus récent recensement d’Amnistie internationale, au moins 282 personnes ont été exécutées en Iran en 2023, tous crimes confondus11. Au lendemain du décès de la jeune Armita Garavand, cette adolescente de 17 ans décédée le 29 octobre dans des circonstances qui rappellent douloureusement celui de Jîna Mahsa Amini, force est de constater que la marche vers la révolution politique et sociale initiée par les Iranien-ne-s sera plus longue qu’anticipé. Malgré les contrecoups et le fort prix payé par les opposant-e-s du régime, la population iranienne est déterminée à la mener à terme. Il peut sembler périlleux d’articuler son soutien à la lutte des Iranien-ne-s dans un contexte politique marqué par une montée du nationalisme identitaire et de l’islamophobie. C’est sans doute ce qui explique le manque d’enthousiasme des courants féministes québécois face à ce mouvement qui l’est pourtant résolument, tant par ses revendications que par sa forme. Pour sortir de cette impasse et tisser des liens de solidarité, il faut comprendre la multiplicité des revendications du mouvement Femme, Vie, Liberté et se rappeler que le voile n’est que le symbole de la structure politique que l’on cherche à renverser. Quelques pistes d’actions ont été dégagées par les initiatives de luttes qui ont pris origine dans la diaspora iranienne en appui au mouvement, dont le Collectif Femme Vie Liberté de Montréal :- Isoler le gouvernement iranien et le priver de ses liquidités : depuis octobre 2022, le gouvernement canadien s’est mis à la tâche en amendant les dispositions réglementaires régissant les sanctions économiques imposées au pays, pour élargir son champ d’application à des entités et personnes ayant participé à des violations graves et systémiques des droits de la personne en Iran12.
- Empêcher l’établissement au Canada et ailleurs des membres de l’appareil d’État iranien, de même que des oligarques iraniens et de toutes les personnes responsables de violations de droits de la personne en
- Contribuer à traduire en justice les auteurs de ces violations en appliquant le principe de compétence universelle13.
- Aider les Iranien-ne-s fuyant la persécution politique à trouver un refuge durable, notamment par la mise en place de programmes spéciaux de parrainage.
- Le Club Mediapart, Femme, Vie, Liberté ! Les organisations indépendantes syndicales et civiles, 20 février 2023. En ligne : https://blogs.mediapart.fr/patricio-paris/blog/200223/iran-femme-vie-liberte-les-organisations-independantes-syndicales-et-civiles
- Human Rights Activists News Agency, Iran Nationwide Protests after 157 Days: a Preliminary Summary of the Mass Releases, 21 février 2023. En ligne : https://www.en-hrana.org/iran-nationwide-protests-after-157-days-a-preliminary-summary-of-the-mass-releases/
- Javaid Rehman, Situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran – Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, 7 février 2023. En ligne : https://www.ohchr.org/fr/documents/country-reports/ahrc5267-situation-human-rights-islamic-republic-iran-report-special
- International Monetary Fund, Country Data – Islamic Republic of Iran, octobre 2023. En ligne : https://www.imf.org/en/Countries/IRN#
- Groupe Banque mondiale, Data – Chômage, femmes (% de la population active féminine) (estimation modélisée OIT) - Iran, Islamic et Chômage, hommes (% de la population active masculine) (estimation modélisée OIT) - Iran, Islamic Rep. En ligne : https://donnees.banquemondiale.org/pays/iran-republique-islamique-d
- IQAir, 2022 World Air Quality Report - Region & City 5 Ranking, 47 pages.
- Al Jazeera Media Network, Iran’s parliament approves ‘hijab bill’; harsh punishments for violations, 20 septembre 2023. En ligne: https://www.aljazeera.com/news/2023/9/20/irans-parliament-approves-hijab-bill-harsh-punishments-for-violations
- Center for Human Rights in Iran, Blind Human Rights Lawyer Disappears in Iran, 19 octobre 2023. En ligne : https://iranhumanrights.org/2023/10/blind-human-rights-lawyer-disappears-in-iran/
- Human Rights Activists News Agency, Journalists Niloofar Hamedi and Elahe Mohammadi Sentenced to a Combined 25 Years in Prison, 23 octobre 2023. En ligne : https://www.en-hrana.org/journalists-niloofar-hamedi-and-elahe-mohammadi-sentenced-to-a-combined-25-years-in-prison/
- Javaid Rehman, op.é cit., p.15.
- Amnesty International, Frénésie d’exécutions dans les prisons pour des infractions liées aux stupéfiants : les chiffres ont quasiment triplé cette année, 2 juin 2023. En ligne : https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2023/06/iran-prisons-turned-into-killing-fields-as-drug-related-executions-almost-triple-this-year/
- Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Iran, DORS/2010-165, art. 2, par a.1).
- En ligne : https://www.amnesty.fr/focus/competence-universelle
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Quel respect des droits humains avec l’identité numérique ?

Quel respect des droits humains avec l’identité numérique?
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Anne Pineau, Membre du comité Surveillance des populations, intelligence artificielle et droits humains Selon une enquête réalisée par l’Académie de la transformation numérique (Université Laval) « moins de la moitié des internautes québécois connaissent les concepts d’identité numérique (44 %) et de portefeuille numérique gouvernemental (45 %)1 ». Et seulement 40 % des adultes internautes affichent de l’intérêt « pour installer une carte d’identité numérique sur leur téléphone intelligent ». Malgré ce désintérêt ou cette méconnaissance, le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, avance à marche forcée dans son projet d’identité numérique (IN).Manque de transparence
Il y a un an, le 24 octobre 2022, les commissaires à la protection de la vie privée de tout le Canada publiaient une résolution concernant les systèmes d’identité numérique2. Elle énonce les exigences que devraient respecter les gouvernements en la matière3. Au Québec, la Commission d’accès à l’information, signataire de la résolution commune, précisait dans un communiqué que « le gouvernement doit faire preuve de transparence à toutes les étapes de la réalisation du projet d’identité numérique en sollicitant la participation citoyenne par des consultations élargies, comme l’ont fait certaines provinces »4. Or, force est de constater que le projet de Service québécois d’identifiant numérique (SQIN) se développe actuellement sans débat, et qu’à plusieurs égards, il ne respecte pas les exigences de la résolution : éventuelle utilisation de la biométrie, manque de consultation, absence d’encadrement légal précis.Service québécois d’identité numérique (SQIN)
Un mémoire déposé au Conseil des ministres sur le SQIN en décembre 20215 apporte certaines informations : la « solution d’affaires » vise l’élaboration d’un document d’identité numérique gouvernemental faisant autorité auprès des tiers (public ou privé). Cette identité serait supportée par un portefeuille numérique (application mobile) permet tant de conserver des cartes, permis et attestations d’identité diverses. Une vérification d’identité « bonifiée » par l’utilisation potentielle de la biométrie, par exemple la reconnaissance faciale, est prévue. Le système aurait un registre doté d’un processus de vérification d’identité de toutes les personnes résidant au Québec.En trois volets
Le Service d’authentification gouverne mentale (SAG), l’étape 1 du projet SQIN, est une « solution d’authentification » qui permettra aux individus d’accéder en ligne à des services gouvernementaux et de consulter à distance leurs dossiers personnels (santé, SAAQ, Revenu Québec etc.). Comme le mentionne le mémoire au Conseil des ministres, le SAG « met en place les fondements d’une identité numérique » pour les fins gouvernementales. Ce service a été inauguré dans le cadre de la transformation numérique de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), avec les résultats discutables que l’on sait. L’étape 2 du SQIN vise l’authentification des entreprises faisant affaire avec le gouvernement. L’étape 3 concerne l’ajout d’un portefeuille numérique, c’est-à-dire un « document d’identité numérique gouvernementale, sur un support numérique, faisant autorité et sur lequel peuvent se fier les tiers dans le cadre de programmes, de services ou d’autres activités ». Le mémoire précise que « les consommateurs de l’identité numérique disposeront d’un moyen simple, fiable et légalement reconnu de valider l’identité d’un résident du Québec avec lequel ils souhaitent faire affaire […] ». Pour mettre au point ce volet « des entreprises couvrant plusieurs domaines d’affaires (finances, télécommunications, assurances) ont été consultées » dans le but « de recueillir ou valider les besoins qui font partie intégrante de la solution proposée ». Le portefeuille s’articule donc autour des besoins des entreprises. Cette dernière phase du projet SQIN est prévue pour 2025. Le projet SQIN, dans son ensemble, soulève de nombreuses questions.Respect des droits humains et encadrement légal
L’élaboration d’un identifiant numérique fiable et sécuritaire doit d’abord respecter le droit à la vie privée et les autres droits humains.Le système ne devrait pas permettre la surveillance et aucun détournement de finalités ne doit être possible, ce qui implique l’adoption d’un cadre légal robuste et précis, allant bien au-delà des lois générales de protection des renseignements personnels. Or, aucune loi particulière n’encadre le SQIN. Les commissaires à la vie privée indiquent pourtant que les nombreuses conditions qu’ils posent à l’établissement d’un tel système d’IN devraient « être intégrées à un cadre législatif applicable à la création et à la gestion des identités numériques », et assorti d’interdictions, de sanctions et de recours. Le SQIN devrait aussi faire l’objet d’une évaluation et d’une surveillance par un organisme indépendant.
Sécurité et conception des systèmes : une forte dépendance au privé
Les questions de sécurité et de confidentialité des données sont cruciales. En cas de panne, de piratage ou d’attaques par rançongiciels du système d’identifiants, on peut craindre une paralysie des services gouvernementaux. Et qu’en sera-t-il en cas de vol d’identité ? Les appréhensions sont d’autant plus importantes que le gouvernement peine à recruter des experts en cybersécurité, ce qui l’amène à dépendre fortement du secteur privé. La proportion de sous traitants en informatique au sein du gouvernement atteignait 34,3 % en 20226, en forte hausse. L’utilisation de ressources externes augmente les coûts de même que les risques sur le plan de la confidentialité (plus de joueurs extérieurs). Le recours aux géants américains du Web, tels que Google, Amazon et Microsoft, pour l’hébergement des données ajoute aux inquiétudes, le Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act (Cloud Act) permettant aux autorités américaines d’accéder aux données hébergées (en infonuagique) par un fournisseur américain, peu importe où elles sont stockées7.Biométrie
Selon ce que le ministre Caire a maintes fois indiqué aux médias, l’identifiant pourrait être activé par reconnaissance faciale mais au choix de l’utilisatrice ou de l’utilisateur8. Il a aussi laissé entendre que les photos du permis de conduire ou de la carte d’assurance maladie pourraient éventuellement être utilisées9. Plus récemment, dans le cadre de l’étude des crédits budgétaires de son ministère, le ministre déclarait qu’une consultation aurait lieu sur cette question : « Mais, pour la reconnaissance faciale, dans le SQIN, ce que je vous avais dit et ce que je vous redis, c’est qu’il y aura consultation publique. Mais, si on veut amener notre service d’identité à ce qu’on appelle un niveau trois, donc c’est un niveau supérieur au niveau de la sécurité, c’est le genre d’élément (…) qu’on devra déployer, donc, l’identification par la biométrie. Et, si on ne souhaite pas ça, évidemment, si les citoyen-ne-s ne souhaitent pas aller là, bien, on n’ira pas10 ». Fonder un système d’identifiant gouvernemental sur l’utilisation de la biométrie mènerait à une banalisation insidieuse de cette technologie très invasive. Et ce même si son usage demeurait facultatif. Le critère retenu par les commissaires à la vie privée dans leur résolution n’est pas celui de la volonté mais de la nécessité11. Quant à l’argument de la sécurité, les commissaires à la vie privée notent dans un autre document : « Il ne suffit pas de s’appuyer sur des objectifs généraux de sécurité publique pour justifier l’utilisation d’une technologie aussi intrusive que la reconnaissance faciale12 ». L’usage de la biométrie semble se répandre au sein du gouvernement québécois. En 2020, la Sûreté du Québec concluait un contrat avec la société Idemia pour une « solution d’empreintes digitales et de reconnaissance faciale en mode infonuagique privé ». En 2022, la SAAQ annonçait adopter elle aussi cette technologie, apparemment pour « faire le ménage » de sa banque de photos13. Si le chaos généré par la transition numérique de l’organisme a mené la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, à suspendre ce projet, tout indique qu’il ne s’agit que d’une pause14. L’extension projetée de cette technologie à l’identifiant numérique démontre l’insouciance du gouvernement quant aux risques que fait planer cette technologie sur la vie privée et la démocratie. Comme le signalent encore les commissaires à la vie privée : « Si elle est utilisée de manière inappropriée, la technologie de reconnaissance faciale peut donc avoir des effets durables et sérieux sur la vie privée et sur d’autres droits fondamentaux. Cela inclut des préjudices subis par certaines personnes dont les renseignements personnels peuvent être recueillis, utilisés ou communiqués, mais aussi des préjudices pour les groupes et les communautés et des préjudices sociétaux plus généraux qui découlent de la plus grande capacité des autorités à surveiller les espaces physiques et numériques dans lesquels les citoyen-ne-s interagissent. Il peut être difficile de limiter cette plus grande capacité de surveillance une fois qu’elle est enclenchée15 ».Fracture numérique
Comment, enfin, garantir que l’identifiant numérique n’accentuera pas la fracture numérique d’une partie de la population ? Que le passage au gouvernement en ligne ne sera pas l’occasion de coupes sévères dans les services téléphoniques ou en personne ? Que les exclu-e-s du numérique ne seront pas laissés pour compte dans l’accès aux services gouvernementaux. Cet écart est déjà très préoccupant comme le signale le Protecteur du citoyen dans son dernier rapport : « (…) il existe un véritable fossé entre, d’une part, les services mis en ligne et, d’autre part, les personnes qui éprouvent des problèmes d’accès à ces modes de communication16 ».Ailleurs dans le monde
La course à l’identifiant numérique dépasse les frontières québécoises. Le ministre Caire collabore depuis quelques années avec le fédéral et les provinces de l’Ontario et de la Colombie-Britannique pour assurer l’interopérabilité (compatibilité) des services d’IN de chaque gouvernement17. En France, une application gouvernementale (France Identité Numérique) a été lancée en septembre 2023. Le gouvernement vise une généralisation de l’IN (80 % d’utilisateurs) en 2027. L’IN n’est toutefois pas obligatoire et, fait important, l’État, devant la grogne et des avis défavorables de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, l’équivalent de la CAI pour le Québec, a dû renoncer à l’utilisation de la reconnaissance faciale18. Une IN européenne est aussi en cours d’élaboration. En février 2017, la Banque Mondiale, et d’autres entités, publiaient les Principes généraux sur l’identification pour un développement durable : vers l’ère numérique19. L’objectif officiel : offrir une forme légale d’identification permet tant l’accès aux services publics, aux programmes sociaux et au marché en ligne. À cela s’ajoute une initiative de la Banque mondiale (ID4D) pour fournir une gamme complète de soutiens financiers et techniques aux niveaux national et régional en Afrique. Mais l’IN ne crée, en soi, aucun droit et l’accès à des programmes sociaux peut demeurer bien théorique, même avec un tel outil. Dans ce contexte, l’IN s’avère surtout un catalyseur de l’économie numérique, une identité « transactionnelle » comme la décrit le Center for Human Rights & Global Justice dans un texte de juin 2022. L’organisme reproche aussi à la Banque Mondiale de soutenir des projets d’IN fondés sur la biométrie. « La Banque prend soin de préciser que les données biométriques ne sont pas exigées. Mais en insistant autant sur leurs avantages dans toute sa documentation, l’initiative ID4D a contribué à normaliser l’utilisation extensive de la biométrie dans les systèmes d’identification numérique20 ». [Traduction libre] Coïncidence ? Secure Identity Alliance (SIA), qui compte parmi ses membres les principales entreprises de biométrie, endosse les Principes généraux sur l’identification établis par la Banque Mondiale.Conclusion
L’identité numérique soulève nombre d’enjeux de droits humains : vie privée, protection des données, anonymat, surveillance, cybersécurité, inégalités, démocratie, relation des citoyen-ne-s avec l’État, accès aux programmes sociaux, etc. Autant de défis qui justifient amplement la tenue d’un débat public, démocratique et éclairé sur l’ensemble du projet d’identifiant numérique, comme le réclament de nombreux experts et organisations, dont la Ligue des droits et libertés.- Académie de la transformation numérique. Les services gouvernementaux en ligne et l’identité numérique (2021). 27 avril 2022. En ligne : https://transformation-numerique.ulaval.ca/enquetes-et-mesures/netendances/les-services-gouvernementaux-en-ligne-et-lidentite-numerique-2021
- Assurer le droit à la vie privée et la transparence dans l’écosystème d’identité numérique au CanadaRésolution des commissaires à la protection de la vie privée fédéral, provinciaux et territoriaux et des ombudsmans qui assument une fonction de surveillance dans le domaine. En ligne : https://www.priv.gc.ca/fr/a-propos-du-commissariat/ce-que-nous-faisons/collaboration-avec-les-provinces-et-les-territoires/resolutions-conjointes-avec-les-provinces-et-territoires/res_220921_02
- Notamment : participation volontaire des individus; contrôle des personnes sur leurs renseignements; ne pas utiliser de données biométriques sauf nécessité; le système ne devrait pas permettre le traçage ni créer de bases de données centralisées; transparence et encadrement légal du système d’IN incluant des droits de recours pour les citoyen-ne-s.
- En ligne : https://www.cai.gouv.qc.ca/identite-numerique-canada-organismes-de-surveillance-demandent-aux-gouvernements-dassurer-le-droit-a-la-vie-privee-et-la-transparence-dans-leurs-projets-et-systemes
- En ligne : https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/gouvernement/MCE/dossiers-soumis-conseil-ministres/2021-0227_memoire.pdf
- Nicolas Lachance, Une transformation numérique sans expertise et sans effectifs pour Éric Caire, Journal de Montréal, 25 avril 2023. En ligne : https://www.journaldemontreal.com/2023/04/25/une-transformation-numerique-sans-expertise-et-sans-effectifs-pour-eric-caire
- Rousseau, La souveraineté numérique en agroalimentaire au Canada et au Québec, CIRANO, 16 février 2021. En ligne : https://cirano.qc.ca/files/publications/2021PE-03.pdf
- Nicolas Lachance, Identité numérique des Québécois: la reconnaissance faciale ne sera pas obligatoire, Journal de Québec, 25 février 2022. En ligne : https://www.journaldequebec.com/2022/02/25/identite-numerique-des-quebecois-la-reconnaissance-faciale-ne-sera-pas-obligatoire
- Stéphane Rolland, La Presse canadienne, Des documents financiers seront-ils associés à nos futures identités numériques au Québec?, Le Devoir, 7 janvier 2022. En ligne : https://www.ledevoir.com/politique/quebec/658875/des-documents-financiers-seront-ils-associes-a-nos-futures-identites-numeriques-au-quebec?
- Journal des débats de la Commission des finances publiques, Vol. 47 N° 21, Étude des crédits budgétaires du ministère de la Cybersécurité et du Numérique, 26 avril 2023. En ligne : https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/cfp-43-1/journal-debats/CFP-230426.html
- « La collecte ou l’utilisation de renseignements particulièrement intimes, sensibles et permanents, comme les données biométriques, ne devraient être envisagées que s’il est démontré que d’autres moyens moins intrusifs ne permettent pas d’atteindre l’objectif poursuivi; »
- Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, Document d’orientation sur la protection de la vie privée à l’intention des services de police relativement au recours à la reconnaissance faciale, mai 2022, 62.
- Nicolas Lachance, Après ses ratés informatiques, la SAAQ se lance dans la reconnaissance faciale, Journal de Québec, 4 avril 2023. En ligne : https://www.journaldequebec.com/2023/04/04/la-saaq-utilisera-la-reconnaissance-faciale-pour-prevenir-les-fraudes
- Nicolas Lachance, Reconnaissance faciale à la SAAQ: Guilbault demande la suspension du projet, Journal de Québec, 4 avril 2023. En ligne : https://www.journaldequebec.com/2023/04/04/reconnaissance-faciale-a-la-saaq-guilbault-demande-la-suspension-du-projet
- Document d’orientation sur la protection de la vie privée à l’intention des services de police relativement au recours à la reconnaissance faciale. Précité. par. 14
- Rapport annuel 2022-2023, page 13. En ligne : https://protecteurducitoyen.qc.ca/sites/default/files/2023-09/rapport_annuel-2022-2023-protecteur-citoyen.pdf
- En ligne : https://www.newswire.ca/fr/news-releases/avancees-importantes-en-matiere-d-identite-numerique-pour-le-quebec-rencontre-des-ministres-federal-provinciaux-et-territoriaux-sur-la-confiance-numerique-et-la-cybersecurite-869739478.html
- Louis Adam, France Identité numérique veut faire oublier ZDNET, 2 mai 2022.En ligne : https://www.zdnet.fr/actualites/france-identite-numerique-veut-faire-oublier-alicem-39941353.htm
- En ligne : https://thedocs.worldbank.org/en/doc/423151517850357901-0190022018/original/webFrenchID4DIdentificationPrinciples.pdf
- Center for Human Rights and Global Justice, NYU School of Law, Paving a Digital Road to Hell? A Primer on the Role of the World Bank and Global Networks in Promoting Digital ID, juin 2022. En ligne : https://chrgj.org/wp-content/uploads/2022/06/Report_Paving-a-Digital-Road-to-Hell.pdf
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Grand rassemblement pour soutenir les professionnelles en soin
Le 16 mars prochain, nous nous retrouverons à Québec pour le plus grand rassemblement de professionnelles en soins de la FIQ en soutien à la négociation nationale.
Venez manifester parce qu'il faut que ça bouge à la table de négo. Rappelons au gouvernement du Québec que nous sommes toujours en négociation et que les professionnelles en soins ont droit à une convention collective négociée qui répond à leurs attentes.
La manifestation sera suivie d'une prestation musicale.
Pour permettre à toutes de participer à l'activité, les familles de nos membres sont les bienvenues.
Quoi : « Faut que ça bouge » – Grand rassemblement FIQ
Quand : 16 mars 2024 à 12 h (midi)
Lieu de rencontre pour la manifestation : Musée national des beaux-arts du Québec (Plaines)
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Négociation dans les secteurs public et parapublic : La conférence de presse du 18 février 2024 du premier ministre François Legault
Que retenir de cette conférence de presse du premier ministre François Legault tenue le 18 février 2024 concernant le dénouement des négociations avec le Front commun CSN-CSQ-FTQ-APTS et avec la FSE-CSQ et la FAE en éducation (niveaux élémentaire et secondaire) ?
Peu et vraiment peu sinon que pour lui il y a une chose qui prime à ses yeux : les chiffres (4000 postes d'aide à la classe et la création de 5000 postes d'enseignant.es) et l'argent (un salaire de départ de 65 000$ pouvant aller, avec l'ancienneté, jusqu'à 109,000$ ; des augmentations salariales de 18% à 27%). Le chef de la CAQ revient encore une fois à la charge avec sa vision comptable de la négociation. Le coût des ententes en éducation (FSE-CSQ et FAE) et avec le Front commun (CSN, CSQ, FTQ et APTS), sera semble-t-il élevé et c'est dans le budget des prochaines années que cela sera constaté. Par conséquent, le retour à l'équilibre budgétaire devra même être reporté de quelques années.
Nous verrons donc, en mars prochain, à combien s'élève la facture totale de ce qui a été conclu et entériné jusqu'à maintenant par les salarié.es syndiqué.es du Front commun intersyndical et de la FAE. Lors du dévoilement du grand chiffre, il y a une chose qu'il faudra avoir en tête, c'est quand même le gouvernement caquiste qui a décidé de se priver de 7 milliards de revenus par année en baissant les impôts de certains contribuables.
Les personnes qui oeuvrent dans les secteurs public et parapublic savent que ce ne sont pas les 650 000 salarié.es syndiqué.es (dont environ 75% sont des femmes) qui ont toutes et tous un revenu décent en lien avec leur travail. Plusieurs salarié.es syndiqué.es de ces deux secteurs déterminants pour notre qualité de vie en société vivotent avec une fraction de salaire et occupent un poste à temps partiel souvent non permanent.
La plus récente ronde de négociation a pu régler certains problèmes en éducation au niveau de l'aide à la classe, il y aura également l'ouverture de postes menant à la permanence, mais l'acceptation des ententes de principes négociées à la FAE et à la FSE-CSQ s'élève entre 50 et 60% selon les fédérations syndicales. À ce moment-ci, de tels résultats n'augurent rien de bon pour la suite des choses.
Il se peut que la ronde de négociation 2022-2023 (qui n'est toujours pas terminée avec le SFPQ, le SPGQ et la FIQ) apparaisse dans l'histoire comme la ronde d'un règlement négocié qui aura généré, en éducation élémentaire et secondaire, le nombre le plus élevé d'insatisfactions. C'est d'une tristesse affligeante quand on connaît l'importance de ce secteur pour l'avenir des jeunes et de la société.
À suivre…
Yvan Perrier
18 février 2024
19h45
yvan_perrier@hotmail.com
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Deux porte parole ou un chef à QS ?
QS révise ses statuts en ce moment. Un vaste sondage auprès des membres a été lancé. Évidemment la question du chef ou de deux porte parole est revenu à l'avant scène des discussion. Le Devoir en rapportant la nouvelle a aussi fait citation des propos de monsieur Thibodeau qui résume bien un courant de pensée dans Qs.
Membre de Québec solidaire, Jimmy Thibodeau voit d'un bon oeil l'idée de faire d'un des porte-parole solidaires un « chef ». « Ça ne nous empêche pas de considérer les porte-parole comme des porte-parole. Même si on donne le chapeau de chef à un des deux, ça ne va pas nécessairement affecter ses fonctions », a-t-il affirmé en entrevue avec Le Devoir, lundi. M. Thibodeau, qui est membre du collectif Option nationale de QS, évoque les « bénéfices financiers » d'une telle décision. « Si on veut être plus proches du pouvoir que ça, à un moment donné, à Québec solidaire, il va falloir être plus pragmatiques à ce niveau-là », a-t-il indiqué, tout en convenant qu'il « y a un discours ambiant chez Québec solidaire [où] on a toujours peur de mettre de l'avant un porte-parole plus que l'autre ». Québec solidaire pourrait tenir « des courses à la chefferie » ( Le Devoir François Carabin à Québec Correspondant parlementaire 13 février 2024 Québec) https://www.ledevoir.com/politique/quebec/807094/politique-quebecoise-qs-pourrait-tenir-courses-chefferie
Gabriel Nadeau Dubois a lui même mentionné que depuis la création de QS, le parti s'est transformé, la conjoncture a changé et la structure doit aussi être révisée.
Mais qu'en est-il du vrai débat ?
Un chef ou deux porte -parole
D'abord mentionnons que la création de deux porte parole : un homme et une femme a été permis une transformation de l'image public d'un parti politique et permis par extension de transformer l'image public de bien des groupes communautaires qui ont adopté eux aussi la création de deux porte parole.
Pourquoi transformer l'image publique ? Parce qu'il fallait le faire. Les femmes représente 50% de l'humanité mais sont encore peu visibles en politique malgré les progrès en parité et en partage de pouvoir. C'était vrai en 2006 à la création de Qs et c'est toujours vrai en 2024. Ce ne sont donc pas des questions financières, des préoccupations électorales qui ont amené les membres de Qs a élire deux porte parole : un homme et une femme. C'est une question féministe de représentation égale des femmes. Qs se définit comme un parti féministe : cela faisait partie de ses valeurs fondamentales et pour l'illustrer le porte parolat en était le moyen le plus efficace.
Ce qu'illustre la citation de monsieur Thibodeau c'est que la question féministe ne traverse pas l'ensemble des membres du parti. Il reste beaucoup de formation à faire pour convaincre les membres des effets combinés du patriarcat et du capitalisme sur les femmes.
Pourquoi un chef ?
Revenir avec la conception du chef c'est revenir à se fondre dans le moule de la politique traditionnelle. C'est vouloir une seule représentation du pouvoir à travers une personne qui domine la scène politique. Le meilleur exemple à l'heure actuel du chef c'est monsieur Legault. Est-ce cela que les membres de Qs veulent comme image public.
Un chef, et je dit bien un chef parce que nous sommes encore dans une société patriarcale qui a de la misère à accepter l'égalité de représentation politique des femmes, c'est déléguer le pouvoir en une seule personne qui dirige, qui domine. C'est le père du patriarcat.
Alors que ce débat revienne à Qs pose la place du féminisme dans l'image publique de Qs mais pose surtout le pouvoir dans Qs. Et comme dirait monsieur Lisée « Qui est le chef à QS » poser la question c'est y répondre.
Un chef à Qs symboliserait une réelle défaite du féministe à l'intérieur des rangs et aussi une régression dans la scème politique québécoise.
Même si Qs a grandi, que la conjoncture a changé et que la question financière est importante, la question du féministe n'a pas été réglée dans la société québécoise. Au delà d'une vision patriarcale, électoraliste et financière, l'égalité des femmes en politique demeure un combat essentiel à mener.
En espérant que les militantes féministes de Qs vont être capable de s'opposer à cette vague de recentrage de QS et qu'elles vont avoir l'appui nécessaire des groupes féministes parce que cela a un impact sur l'ensemble des luttes des femmes.
Il reste du chemin à faire
ginette lewis
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Gaza-Rafah. « Une horreur indescriptible ». Mais l’aide militaire à Israël continue
Nous publions ci-dessous une traduction française de la déclaration de Martin Griffiths, secrétaire général adjoint aux Affaires humanitaires et coordinateur des secours d'urgence à l'ONU (OCHA), faite le 13 février à propos de l'opération militaire israélienne à Rafah.
Tiré de A l'Encontre
14 février 2024
Par la rédaction de A l'Encontre
Ibrahim Hasouna, seul survivant de sa famille, se tient au milieu des débris de sa maison bombardée à Rafah le 12 février. Il a perdu huit membres de sa famille, dont trois enfants.
En forme d'introduction, il nous semble utile – en fait indispensable – de citer un article de Baudouin Loos du grand quotidien belge Le Soir du 13 février. Ce dernier, à propos de la mise en garde, plus que justifiée, de Martin Griffiths, pose une question essentielle : « Et que fait le monde ? Il exprime son « inquiétude » ! Prévient qu'une telle offensive entraînerait « une catastrophe humanitaire indescriptible », comme l'a dit l'Européen Josep Borrell. Estime qu'il y a « beaucoup d'innocents qui meurent de faim, beaucoup d'innocents qui sont en difficulté, et il faut que cela cesse », selon les mots de Joe Biden himself [voir sur ce site l'article ayant trait au soutien militaire renouvelé, appuyé par les démocrates du Sénat, au gouvernement Netanyahou] Les leviers existent : cesser de livrer des munitions à l'Etat hébreu, comme le suggère le même Josep Borrell. Comme l'écrit dans une tribune publiée par le journal Haaretz l'intellectuel palestinien israélien Odeh Bisharat, “pendant qu'ils émettent des avertissements et versent des larmes de crocodile, ces mêmes dirigeants continuent de fournir à Israël des armes, de l'argent et un soutien diplomatique”. » (Réd. A l'Encontre )
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Martin Griffiths, 13 février 2024
« Le scénario que nous redoutons depuis longtemps se déroule à une vitesse alarmante.
Plus de la moitié de la population de Gaza – bien plus d'un million de personnes – est entassée à Rafah, regardant la mort en face : ils n'ont pas grand-chose à manger, n'ont pratiquement pas accès aux soins médicaux, n'ont nulle part où dormir, nulle part où aller en toute sécurité [1].
Comme l'ensemble de la population de Gaza, ils sont victimes d'une offensive d'une intensité, d'une brutalité et d'une ampleur inégalées.
Selon le ministère de la Santé, plus de 28 000 personnes – principalement des femmes et des enfants – ont été tuées dans la bande de Gaza.
Pendant plus de quatre mois, les travailleurs humanitaires ont fait l'impossible pour aider les personnes dans le besoin, malgré les risques qu'ils encouraient et les traumatismes qu'ils subissaient.
Mais le dévouement et la bonne volonté ne suffisent pas à maintenir des millions de personnes en vie, à les nourrir et à les protéger, alors que les bombes tombent et que l'aide humanitaire est étouffée.
A cela s'ajoutent le désespoir généralisé, l'effondrement de l'ordre public et la suppression du financement de l'UNRWA [2].
Les conséquences sont que les travailleurs humanitaires sont la cible de tirs, de menaces, d'attaques et de meurtres [3]. Cela fait des semaines que je dis que notre réponse humanitaire est en lambeaux.
Aujourd'hui, je tire à nouveau la sonnette d'alarme : les opérations militaires à Rafah pourraient conduire à un massacre à Gaza [4]. Elles pourraient aussi laisser une opération humanitaire déjà fragile à l'article de la mort. Nous ne disposons pas des garanties de sécurité, de l'aide et du personnel nécessaires pour maintenir cette opération à flot.
La communauté internationale a mis en garde contre les conséquences dangereuses d'une invasion terrestre à Rafah. Le gouvernement israélien ne peut pas continuer à ignorer ces appels.
L'histoire ne sera pas tendre. Cette guerre doit cesser. »
[1] L'annonce du « massacre » en voie de « réalisation » à Rafah fait parfois oublier la trajectoire de centaines de milliers de Gazaouis depuis octobre 2023. Tareq S. Hajjaj, sur le site Mondoweiss, le 13 février, rapporte les paroles d'Ibrahim Barda', père de six enfants qui a fui la ville de Gaza avec sa famille, s'est réfugié à l'hôpital européen situé entre Khan Younès et Rafah : « J'ai passé toute la guerre à me déplacer d'un endroit à l'autre. J'ai monté ma tente pour la démonter peu de temps après, laissant mes enfants nus dans le froid jusqu'à ce que nous trouvions un nouvel endroit où nous abriter. J'ai écouté tous les ordres de l'armée israélienne, et nous nous dirigions toujours vers la dernière “zone de sécurité” désignée par l'armée. Et maintenant, nous sommes près de Rafah [à Khan Younès], et si l'armée nous ordonne d'aller au sud, à Rafah et qu'elle nous envahit, je ne sais pas où nous pourrons aller ensuite. Il n'y a plus d'endroit où aller à Gaza. La seule option que nous ayons est de continuer à être encerclé par la mort. » (Réd.)
[2] Nous reviendrons sur l'opération politique du gouvernement israélien, qui n'est pas nouvelle, de frapper l'UNRWA. Le 30 janvier 2024, Le Monde consacrait un premier article à cette question, soulignant : « L'extrême droite rêve de faire fermer l'UNRWA. Or ses arguments ont acquis un droit de cité inédit en Israël depuis le 7 octobre 2023. L'agence y est désormais assimilée au Qatar, accusé par Benyamin Nétanyahou d'avoir soutenu et financé le Hamas. Le premier ministre tâche ainsi d'éluder ses propres responsabilités, après avoir lui-même encouragé l'émirat à fournir à Gaza une aide financière directe, afin d'y maintenir un calme trompeur. Depuis trois mois, la patronne d'un lobby parlementaire pour une réforme de l'UNRWA, Sharren Haskel (droite), a voyagé à Bruxelles et dans des capitales européennes pour convaincre les donateurs de cesser de financer l'agence. »
Selon Luis Lema (Le Temps, 23 novembre 2023), un travail similaire de lobby a été effectué dans les sphères politiques helvétiques par la juriste Anne Herzberg, qui travaille pour NGO Monitor. Elle a aussi œuvré à ce que les « bailleurs occidentaux » coupent des fonds à des ONG palestiniennes. (Réd.)
[3] Outre les médecins, infirmiers et employés des structures humanitaires, les journalistes palestiniens sont ciblés par les militaires israéliens, pour tenter de faire taire les voix qui offrent une autre approche et image de la situation à Gaza que celle des journalistes « embedded » (embarqués) dans des chars israéliens. Reporters sans frontières indique qu'en « quatre mois de conflit, le journalisme palestinien a été décimé jour après jour, par les forces armées israéliennes, en toute impunité : plus de 84 journalistes ont été tués ». Reporters sans frontières a déposé un appel au Conseil de sécurité de l'ONU, « afin qu'il fasse appliquer, en urgence, sa résolution 2222 (2015) sur la protection des journalistes ». Selon le Committee to Protect Journalists, le 14 février, 85 journalistes et travailleurs des médias ont été tués, 16 blessés, 4 disparus et 25 arrêtés. (Réd.)
[4] Dans un entretien téléphonique avec le quotidien Libération, en date du 14 février, Pascal Hundt, responsable du CICR (Comité international de la Croix-Rouge) dans la bande de Gaza, s'alarme d'une « horreur indescriptible » dans la bande de Gaza. A la question « Quelles pourraient être les conséquences d'une offensive militaire israélienne à Rafah ? », il répond : « Ce serait un carnage. On a vu l'opération de sauvetage de deux otages dimanche, certains avancent un bilan de 70 morts. Il s'agissait d'une opération ciblée. Imaginez une offensive massive, dans une zone aussi densément peuplée, avec des gens qui ne peuvent pas fuir dans un endroit considéré comme sûr avec un accès aux services essentiels, que ce soit la nourriture ou des hôpitaux. Ce serait un désastre qui s'ajouterait à la crise actuelle. Tout le monde connaît l'horreur absolument indescriptible de la situation à Gaza. Je n'ai plus de superlatifs pour la décrire. » (Réd.)
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Porte-parole ou chef, loin d’un choix anodin, une conception de la souveraineté populaire dans le parti et dans le pays
L'existence de porte-parole est-elle vraiment dépassée ? Nous reprenons ici un article publié par Presse-toi à gauche ! en 2017 qui expliquait pourquoi Québec solidaire a remis en question l'élection d'un chef ou d'une cheffe.
21 mars 2017 / Presse-toi à gauche
L'élection de co-porte-parole à Québec solidaire n'est pas assujetti à la loi électorale. Un co-porte-parole ne n'est pas un chef opine Alexandra Reny au nom du Directeur général des élections du Québec (DGEQ). Pour la ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Rita de Santi, Québec solidaire joue sur les mots et elle affirme qu'en jouant sur les mots Québec solidaire s'autorise à déroger à la loi électorale et elle envisage de modifier la Loi afin de clarifier cette situation. Il y a bien un enjeu juridique formel à cette affaire. Mais, au-delà de ce type d'enjeu, il y a des fondements politiques à ce rapport à nos porte-parole qui méritent d'être explicités, car ils sont importants.
Le statut de chef dans les partis politiques dominants
Dans les partis politiques de la classe dominante, le chef (ou beaucoup plus rarement la cheffe) règne en maître. Philippe Couillard a le contrôle absolu de son parti. Les oppositions et divergences doivent se murmurer dans le secret de rencontres à huis clos où il a le pouvoir de trancher et de conclure les débats. Jean Charest avait la main haute sur son parti. Comme chef du Parti libéral du Québec (PLQ), il a obtenu l'appui de 97,2 pour cent des délégué-e-s libéraux dans un vote de confiance. On se souviendra que Bernard Landry avait cru bon de démissionner en 2005 suite à un vote de confiance qui avait tout de même atteint les 76%.
Pauline Marois avait obtenu un vote de confiance de 93,08% au 16e congrès du PQ en 2011, ce qui n'avait pas empêché dans la même année le PQ de rentrer en crise. En fait, le chef d'un parti, une fois élu, dans le cadre d'institutions de type britannique est le futur chef de gouvernement, le premier ministre. Comme premier ministre, il concentre tous les pouvoirs. Il est le boss. Il représente le souverain. [1]
Le vote de confiance et souveraineté royale !
Le chef politique dans notre système politique dirige le parti. Il impose son pouvoir. Il peut s'associer ou se dissocier du programme adopté par les militant-e-s. Tel est le sens du vote de confiance. Ce vote de confiance est une cérémonie qui consacre la souveraineté du chef dans son parti. Et cette souveraineté est au-dessus de la démocratie dans le parti. Le pouvoir du chef, c'est le pouvoir de défaire ce que les membres du parti ont construit ! Ce vote est le renoncement en dernière instance du pouvoir des membres sur les orientations du parti.
C'est ainsi qu'André Boisclair s'est permis de mettre côté le programme adopté de juin 2005 et d'imposer sa feuille de route provinciale élaborée dans les officines du chef. Mieux encore, Pauline Marois faisait du rejet de pans entiers du programme adopté en 2005 par l'ensemble des membres, la condition de son acceptation du poste de cheffe du Parti québécois. Elle n'a d'ailleurs pas entendu un congrès du parti pour rejeter ce programme. Elle a conclu l'opération dans un Conseil national. Jean-François Lisée est arrivé à la chefferie avec son programme et le report du référendum à 2022 est maintenant devenu le point central du discours péquiste. Les décisions du prochain congrès sur les propositions de son chef seront perçues comme un vote pour le programme défendu par le chef du parti… Un rejet signifierait un vote de censure induisant une spirale de crise dans le parti. Ce rapport au parti est la traduction à ce niveau du rapport du Premier ministre à son gouvernement.
Au parlement ou au gouvernement, toujours au-dessus du parti !
Et quand, il devient un parti de gouvernement, le Premier ministre et les ministres s'autonomisent de leur parti jusqu'aux prochaines élections. C'est ce qui explique toutes ces résolutions adoptées par les congrès restent lettres mortes et qu'une politique néolibérale est menée une fois au pouvoir par un parti qui prétend haut et fort, surtout durant les périodes électorales, défendre l'État social. N'est-ce pas l'histoire du Parti québécois ?
La base militante du Parti se transforme alors en instrument docile des parlementaires et se dégrade jusqu'à l'état de base sans pouvoir qui trotte derrière le chef ou la cheffe comme simple faire-valoir. Cette base, victime de sa confiance aveugle, n'a pas la force de faire triompher sa volonté.
La position de Québec solidaire sur les porte-parole s'appuie sur une tout autre logique !
Comme parti de gauche, QS s'appuie sur les couches subalternes de la société. Ses couches constituent la vaste majorité de la population. Son action est de défendre becs et ongles les intérêts de la majorité populaire. Il cherche et prend les moyens pour lui redonner cette parole que les couches dominantes n'ont eu de cesse de lui enlever. Mais cela n'est possible pour un parti que dans la mesure, où un fonctionnement radicalement démocratique s'y est généralisé. C'est pourquoi une compréhension profonde des conditions de l'entrée dans l'action politique de ces couches subalternes est une condition indispensable de la remise en question de leur assujettissement et de l'efficacité du politique pour remettre en question les bases idéologiques et sociales du pouvoir dominant.
Pour QS, l'opposition entre les chefs et une majorité suiviste se doit d'être abolie. Le rapport entre la base du parti et la direction est renversé. Les porte-parole condensent et expriment les aspirations des membres. Leur influence dans le parti est directement proportionnelle à cette capacité d'assumer ce rôle. Autrement dit, le prestige et l'influence des porte-parole n'augmentent que dans la mesure où ils détruisent les fondements de tout suivisme. Leur prestige augmente dans la mesure où ils ne se prétendent plus des chef-fes au-dessus des membres, mais d'où ils cherchent à faire de l'ensemble des militantes et militants qui constitue le parti, la direction de ce parti. Cette transformation de la base militante en collectif agissant capable d'une pratique réflexive partagée est un processus dialectique et continu, car un parti de gauche recrute de façon ininterrompue des éléments nouveaux. C'est pourquoi la formation est si essentielle dans un parti qui fonde son fonctionnement sur une véritable démocratie participative. La direction d'un tel parti doit refléter la réalité de genre (le caractère essentiel de la parité hommes/femmes), générationnelle (place faite aux jeunes), sociale (la présence des différents secteurs sociaux) et politiques (la reconnaissance du pluralisme politique dans le parti) pour créer les conditions d'une direction coordonnant le travail de la base d'un tel parti. Le résultat des débats peut devenir des synthèses d'expériences diversifiées vécues par les différentes composantes du parti…
C'est pourquoi un gouvernement solidaire qui voudra travailler à l'expression réelle de la souveraineté populaire exigera une rupture avec le primo-ministérialisme et proposera dans le cadre d'une assemblée constituante, la mise en place d'institutions qui donneront au parlement des pouvoirs décisionnels sur une série de questions stratégiques et instaureront divers mécanismes de démocratie directe et participative qui viseront à éviter la consolidation d'une oligarchie politique pouvant encore une fois s'approprier la souveraineté politique à ses propres fins.
[1] André Larocque dresse la liste de ses pouvoirs : “Le premier ministre du Québec est le chef de son parti, chef du gouvernement, chef du parlement, chef de l'administration. Sa décision est finale au Conseil des ministres. Il convoque, proroge et dissout l'Assemblée nationale comme il l'entend. Dans un cadre limité de cinq ans, il fixe la date des élections générales à sa discrétion, il détermine la date des élections complémentaires. Il nomme et révoque les ministres et les sous-ministres, le secrétaire général du gouvernement, le leader, le whip et le secrétaire général de l'Assemblée nationale. Il nomme les juges des cours du Québec, le directeur de la Sûreté du Québec et chef de la police de Montréal, les dirigeants des sociétés d'État (Hydro-Québec) et les dirigeants d'un large horizon d'offices, de commissions, de comités de tous genres dont la Société des Alcools, la Régie de l'assurance maladie, la Société de l'assurance automobile, la Caisse de dépôt et placement, etc. Il “propose”, mais en vérité nomme puis qu'il contrôle la majorité de l'Assemblée, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen, le Vérificateur général, le président de la Commission d'accès aux documents des organismes publics. Il prépare et livre le discours inaugural (politique d ‘ensemble du gouvernement), approuve le discours du budget, détermine l'agenda gouvernemental, préside le Comité ministériel des priorités, approuve toute déclaration ministérielle majeure, répond en priorité aux questions à l'Assemblée nationale, approuve tout projet de loi, toute réglementation. Il procède par décret, contrôle l'octroi de tout contrat d'importance et détermine l'organisation de l'administration publique. » Et il conclut : “Bref, le système parlementaire est bien mal nommé. Nous vivons en réalité dans un système que l'on devrait qualifier de “premier-ministériel”. (André Larocque, Au pouvoir citoyen, mettre fin à l'usurpation des partis politiques, Éditions BLG, 2006, pp. 50-51)

Les élu.es de la gauche québécoise et le droit à l’autodétermination... des ukrainien.nes : un appel à la solidarité
Le 24 février 2024 marque le triste anniversaire de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par l'armée Russe de Vladimir Poutine. Deux ans plus tard, le silence de la classe politique québécoise est toujours aussi assourdissant et affligeant. C'est tout particulièrement le cas du silence de ceux et celles qui se revendiquent de gauche, indépendantistes ou souverainistes et qui proclament haut et fort leur droit à l'autodétermination.
En deux ans, Québec solidaire a déposé deux motions à l'Assemblée nationale. Dans la première, adoptée en février 2022, les députés s'inquiètent « de la remontée du conflit armé en Ukraine », affirment leur « solidarité avec le peuple ukrainien » et expriment leur souhait « d'une résolution pacifique basée sur la négociation et le respect du droit international ». Dans la seconde, du 23 février 2023, l'Assemblée nationale réaffirme le droit inaliénable du peuple ukrainien à son intégrité territoriale », déclare « l'agression armée de l'Ukraine par la Russie comme défiant les lois internationales », « dénonce les actes à caractère génocidaire commis contre le peuple ukrainien qui ont été rapportés par les médias », « souhaite la bienvenue au Québec à toutes les Ukrainiennes et à tous les Ukrainiens temporairement déplacés, tout en demandant aux gouvernements du Québec et du Canada de [faire tout] en leur pouvoir pour faciliter leur arrivée au pays » et enfin, « salue la résistance héroïque du peuple ukrainien et le courage du mouvement d'opposition à la guerre en Russie ».
Ces deux motions ont été adoptées à l'unanimité à l'Assemblée nationale. De fait, elles n'engageaient les signataires à rien ou presque. Elles n'exigent ni le retrait inconditionnel de la Russie du territoire ni un soutien militaire ou humanitaire. Et le seul engagement concret, soit celui de tout faire pour faciliter l'arriver au pays des ukrainien.nes qui le souhaitent, a été remis en cause à peine un an plus tard par les auteur.es de la motion. En effet, Québec solidaire, à la suite de la Coalition avenir Québec, le parti au pouvoir, et des souverainistes du Parti Québécois, dénonce aujourd'hui l'afflux des migrants temporaires, des demandeuses et des demandeurs d'asile. Tant et si bien qu'aujourd'hui, les réfugié.es "bienvenu.es" il y a à peine deux ans, vivent quotidiennement avec la crainte d'être finalement expulsé.es.
À part ces deux motions, on cherchera en vain sur le site internet de Québec solidaire des communiqués ou des prises de positions en solidarité avec la défense de l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Le site contient en revanche de nombreux communiqués sur la nouvelle campagne du parti pour un « projet indépendantiste » ou l'autonomie du Québec. À l'exception d'un communiqué de presse en date de février 2022, on est obligé de faire le même constat sur le site internet des souverainistes du Parti Québécois.
Au moment d'écrire ce texte, on ne sait pas encore si Québec solidaire déposera une nouvelle motion à l'Assemblée nationale, le 24 février 2024. Mais en attendant, si des élu.es Québécois.es de gauche et attaché.es au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes souhaitent appuyer un peu plus concrètement le droit à l'autodétermination des ukrainien.nes, ils et elles sont invité.es à signer cet appel d'élu.es qui réclame le retrait inconditionnel des troupes russes et le droit de l'Ukraine à recevoir les armes nécessaires pour imposer ce retrait.
Camille Popinot
Illustration : Oleksandr Shatokhin, Guilty, 2022, Poutine sera reconnu coupable de ses crimes. https://salledepresse.uqam.ca/communiques-de-presse/ukraine-lart-de-se-defendre-le-centre-de-design-de-luqam-presente-une-exposition-dillustrations-antiguerre-en-trois-volets/

Français, anglais, immigration
Le français au Québec est-il menacé par l'immigration ? Est-ce que le déclin de la langue française est relié à l'afflux d'immigrantꞏes, temporaires ou permanentꞏes, régulièrꞏes, réfugiéꞏes ou clandestinꞏes ? En tout cas, l'immigration est constamment reliée à cette question dans d'innombrables déclarations politiques, chroniques et commentaires.
Pour mieux comprendre ce qui se passe ici au Québec, on ferait bien d'ouvrir les yeux sur ce qui se passe dans notre « niche écologique culturelle ».
Élisabeth Germain, 2024-02-19
La réalité est que l'innovation, en Occident, se fait en anglais. Si elle naît dans une autre langue, elle est traduite en anglais pour circuler. L'anglais est la langue de l'enrichissement économique, des avancées technologiques, du tourisme, de la diffusion artistique, de la diplomatie internationale et plus encore. La puissance dominante en Occident, ce sont les États-Unis d'Amérique (dont le nom lui-même est une appropriation abusive). La France, foyer du français, se traduit elle-même en anglais, à l'intérieur comme à l'extérieur, et elle a fait de l'anglais sa langue de prestige. Les titres de livres, les marques de vêtements, le nom des écoles, les mots pour désigner les nouvelles technologies, tout cela et plus encore s'anglicise de plus en plus.
Il ne s'agit pas d'énumérer des exemples, mais de faire voir un courant : l'anglais a colonisé l'Occident, colonisé les affaires occidentales, colonisé les esprits occidentaux. C'est à cela que le Québec est confronté, et nos dynamiques particulières s'inscrivent dans ce courant suprarégional. Il ne sert à rien d'accuser nos immigrantꞏes : les courants migratoires mondiaux eux-mêmes s'effectuent en anglais. Lorsqu'un autre langue réussit à s'imposer devant l'anglais, c'est l'arabe ou le mandarin, tandis que le français arrive derrière l'hindi ou l'espagnol. Le français n'est plus porteur des dynamiques mondiales.
Si je suis unilingue francophone au Québec – ou en France - et que j'utilise un ordinateur en français, je dois apprendre un tas de choses en anglais, car c'est la langue d'accueil d'une majorité de sites, c'est la langue des transactions commerciales et des livraisons de produits achetés, c'est même la langue des réponses aux demandes de dépannage informatique. Les objets que nous achetons sont censés comporter des instructions en français, lesquelles sont souvent incompréhensibles si on ne va pas comparer avec l'anglais. Une grande proportion des publications sont traduites de l'anglais – en sciences, c'est évident, en littérature c'est flagrant. Les termes anglais, et plus encore le contexte culturel anglophone, s'imposent à travers ces traductions et nous amènent à notre insu à penser en anglais.
Alors oui, préservons le français, préservons notre capacité à nous épanouir collectivement et personnellement dans la culture qui nous porte. Mais sachons que ce faisant, nous résistons à une dynamique de colonisation qui dépasse largement la langue d'usage, car elle se déploie dans toutes les sphères de la vie collective. Sachons qu'elle n'est pas spécifique au Québec ni portée principalement par les personnes immigrantes. Elle est globale.
Nous ne pouvons pas simplement préserver notre langue : comme pour la crise écologique, ce sont les bases familières de notre habitation terrienne qui se modifient. Comme pour la crise écologique, cette dynamique est permise par notre consentement à une expansion économique féroce, fondée sur la marchandisation et l'exploitation. Fermer les yeux, réduire le phénomène, se contenter de le freiner ou s'imaginer que nous pouvons y échapper, sont des échappatoires nuisibles. Comme pour l'inévitable crise écologique, prenons conscience et assumons que nos façons de vivre et nos perspectives doivent changer en profondeur.
Conjuguer est un maître-mot : la réalité culturelle est d'ordre écologique, elle existe dans l'interdépendance avec les réalités qui coexistent dans le même environnement. Métissage, croisements, adaptation, mutations sont nécessaires à la persistance. Nous avons à inventer, comme et avec une multitude de peuples, des dynamiques de transition culturelle, sociale et économique pour assumer la diversité et favoriser un bien vivre pour l'humanité. Cela commence à l'échelle de notre communauté territoriale québécoise concrète, toute diversité incluse.
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Les travailleurs étrangers temporaires ou l’esclavage moderne
La question de l'immigration temporaire est sur toutes les lèvres depuis décembre 2023, alors que Statistique Canada nous apprenait qu'il y a plus d'un demi-million d'immigrants temporaires au Québec. Dans l'ensemble du Canada, le nombre s'établit à 2,5 millions de personnes en situation d'immigration temporaire, réparties selon trois catégories : travailleurs étrangers, étudiants internationaux et demandeurs d'asile.
14 février 2024 |tiré de l'Aut'journal
https://lautjournal.info/20240214/les-travailleurs-etrangers-temporaires-ou-lesclavage-moderne
Des établissements d'enseignement, surtout les collèges privés non subventionnés, de même que certaines compagnies, comme Amazon ou Dollarama, contribuent à cette situation ou, du moins, en profitent beaucoup. Ces organisations à but lucratif ont en commun d'exploiter sans vergogne les populations issues de l'immigration temporaire, qui comptent parmi les plus précaires de notre société.
En éducation, on se rappellera des écoles Matrix qui, par des stratagèmes méprisables, leurraient des jeunes gens d'origine indienne et leur faisaient payer jusqu'à 25 000 $ pour des Attestations d'études collégiales (AEC) de piètre qualité. Du côté des entreprises, un rapport du syndicat des Métallos révèle une explosion du recours au PTET (Programme des Travailleurs Étrangers Temporaires). Le nombre d'individus participant à ce programme est ainsi passé de 7 180, en 2017, à 59 000, en 2023. Pour Dominic Lemieux, directeur québécois des Métallos, cette situation est troublante. Je discute avec lui pour en apprendre davantage.
Orian Dorais : Vous avez signé une lettre ouverte dénonçant un « recours débridé » au PTET et un « détournement » du programme dans des termes assez durs. Pouvez-vous préciser quelles dérives vous dénoncez ?
Dominic Lemieux : Dans les dernières années, le recours au PTET s'est multiplié par huit, ce qui amène certains risques. Le système des contrats fermés du PTET est particulièrement problématique, parce qu'il attache les signataires à une seule entreprise. Autrement dit, quelqu'un qui est sous un contrat fermé pourrait voir un meilleur emploi dans une shop juste en face de son lieu de travail, mais n'aurait pas le droit d'y postuler.
C'est quand la dernière fois qu'au Canada des gens étaient liés de force à un lieu de travail, sans pouvoir légalement aller travailler ailleurs ? À l'époque de l'esclavage. En fait, un rapporteur spécial de l'ONU a dénoncé ce système-là, en parlant d'esclavagisme moderne. On abordait les dérives du PTET, en voici une assez grave.
Il faut aussi souligner que ce programme-là ne permet que très rarement l'accès à l'immigration permanente. À la limite, celles et ceux qui occupent des métiers plus spécialisés arrivent parfois à rester, mais pour des corps de métiers comme journalier, conducteur de chariot élévateur ou préposé au nettoyage, il n'y a pratiquement aucun moyen d'accéder à la citoyenneté canadienne.
Imaginez, on parle d'immigrants et d'immigrantes temporaires qui vont habiter dans nos régions, qui travaillent dans nos usines et qui forment des relations amicales ou amoureuses avec le monde d'ici… mais le programme ne leur permet pas de rester. Même après plusieurs mois. Aussi, l'incitatif d'apprendre le français est moins présent si la personne sait qu'elle ne va rester que trois ans, maximum.
À vrai dire, on observe qu'une immigration plus prospère ou plus spécialisée va systématiquement avoir un accès plus facile à la citoyenneté que les gens du PTET, ce qui est discriminatoire. Le programme fait maintenant en sorte que des gens viennent ici pour une longue période et finissent par s'attacher à leur milieu, mais sans pouvoir y rester… alors que, justement, le Québec a besoin d'attirer du monde dans ses régions. Quand on voit une multiplication des situations comme ce que je viens de vous décrire, on peut dire que le PTET a été détourné de ses objectifs initiaux, qui visaient à combler temporairement des besoins de personnel précis.
Des solutions permanentes à la pénurie de main-d'œuvre
O.D. : Les employeurs vont souvent plaider la pénurie de main-d'œuvre pour justifier leur recours massif et prolongé à ce programme…
D.L. : La pénurie de main-d'œuvre, c'est pas une légende ; là, on est bien conscients que ça existe. Mais si cette pénurie risque de devenir un problème permanent, faudrait peut-être lui trouver des solutions permanentes… comme permettre aux employés du PTET d'avoir accès à la résidence permanente ! Pour qu'ils puissent rester dans leurs communautés – en région – et y contribuer avec leur travail. Et si la pénurie de main-d'œuvre diminue dans les prochaines années, à cause d'un éventuel ralentissement économique, alors il faudra cesser d'abuser du PTET.
Encore un mot sur la fameuse pénurie, je vous donne l'exemple de la fonderie Laperle, à Saint-Ours. Il y a quelques temps, les patrons là-bas voulaient recruter à l'étranger, en prétextant qu'ils ne trouvaient personne pour travailler dans la région. Le syndicat a insisté pour que la fonderie offre des salaires bonifiés avant de se tourner vers l'international. C'était en milieu de convention collective, nous n'étions pas en mobilisation pour le renouvellement des ententes, mais nous avons réussi à négocier une amélioration majeure de la paie. Comme par hasard, les postes ont été comblés. Dans certains cas, ce n'est pas tant un problème de pénurie, mais un problème de conditions offertes.
Réinstaurer des seuils
O.D. : Quelles réformes votre syndicat propose-t-il au programme ?
D.L. : Aujourd'hui, si des entreprises veulent utiliser le PTET, ça passe comme une lettre à la poste. Il y a environ 300 catégories d'emploi qui peuvent se qualifier. Avant, il y avait des seuils à respecter, par exemple une usine ne pouvait pas compter plus que 10 à 20% de main-d'œuvre internationale. Les entreprises devaient effectuer des tentatives de recrutement local et démontrer la pénurie de personnel. Et le syndicat devait donner son accord. Toutes ces mesures sont maintenant suspendues et nous demandons leur rétablissement.
On demande aussi que l'employeur fournisse des efforts de francisation. D'abord, il existe des programmes gouvernementaux qui couvrent une partie des coûts de francisation, donc ce ne serait pas une grosse dépense pour les entreprises. Ensuite, quand quelqu'un manipule du matériel potentiellement dangereux et que les instructions sont en français, ce serait bien que la personne en question puisse les lire. Ça devient un enjeu de sécurité.
Des histoires d'horreur
O. D. : D'après ce que vous avez pu observer, dans quelles conditions vivent les immigrants temporaires sur un visa de travail ?
D.L. : On a déjà parlé des contrats fermés et de la quasi-impossibilité d'accéder à la citoyenneté, mais il faut aussi dénoncer la précarité que cause le PTET. Les gens qui sont ici avec ce programme ont droit à une valise de 22,5 kg pour deux, trois ans, ce que les Québécois amènent normalement pour une semaine de vacances. Les travailleurs et travailleuses vivent avec la peur constante de se faire dire de ramasser leur valise et de se faire mettre dans l'avion vers leur pays d'origine, quasiment avec un timbre sur le front.
J'ai entendu des histoires d'horreur. Par exemple, deux journaliers qui se parlent pendant leur quart devant un superviseur. Le superviseur s'étend les bras et se met à imiter un avion, pour leur signifier d'arrêter, sinon ils se font retourner. C'est humiliant et si c'est pas une menace, ça !
Une fois, j'ai enttendu parler d'un employé qui s'était fait escorter de son milieu de travail par deux agents de sécurité qui l'ont forcé à faire ses bagages. Ils allaient l'emmener à l'aéroport. Le syndicat a été informé et il a carrément fallu appeler la police pour dénoncer un enlèvement ! Heureusement, on a réussi à régler le problème avant que ça finisse en expulsion. Mais la peur reste.
C'est certain que le syndicat protège les employés du PTET et que la convention s'applique également à tout le monde. Mais si les gens ont peur, ils ont moins de chance de pouvoir refuser de faire des heures supplémentaires ou de dénoncer des situations dangereuses. On assiste à une augmentation massive des cas de blessures au travail chez les immigrantes et immigrants temporaires. Maintenant, il faut qu'on se pose la question : va-t-on accepter, comme société, de voir des gens dans des situations comme ça ?

S’imposent l’arrêt des exportations d’armes et financer l’UNRWA
On ne dénoncera jamais assez l'odiosité du gouvernement canadien qui a hésité et tardé à réclamer un cessez-le-feu au fascisant gouvernement sioniste concernant sa terriblement asymétrique guerre génocidaire contre le peuple palestinien, et pas seulement contre la Bande de Gaza. Il faut dire que le gouvernement québécois a fait pire en tardant davantage et en persistant à ouvrir un bureau du Québec en Israël.
N'empêche que le gouvernement Trudeau a maintenu son soutien stratégique à Israël, tête de pont de l'impérialisme occidental pour le contrôle du Moyen-Orient, puits intarissable de pétrole bon marché et plus important carrefour géostratégique mondial, en continuant à lui exporter de l'armement. C'est ce que dénonce une coalition de la société civile canadienne et quelque peu québécoise d'ONG et d'églises mais non celle catholique (https://oxfam.qc.ca/lettre-ouverte-transferts-armes-israel/).
Là où cependant le gouvernement canadien a dépassé les bornes de l'odiosité et de servilité vis-à-vis l'impérialisme étatsunien est sa suspension précipitée de son financement de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Pourtant l'ONU a congédié ces personnes et a mis en branle le mécanisme d'examen prévu pour de tels cas. L'Office est le premier organisme humanitaire pour les personnes réfugiées de Gaza et d'ailleurs dans cette région. Elle est irremplaçable pour ces millions de personnes et est devenue indispensable car « les conséquences sur place de ces coupes budgétaires vont à l'encontre des mesures provisoires émises le vendredi 26 janvier par la Cour internationale de justice. »
Le prétexte en est qu'Israël accuse une douzaine des 13 000 personnes, sur 30 000 au total, employées de l'UNRWA dans la Bande de Gaza d'avoir participé à l'audacieuse percée du mur faisant de cette Bande une prison à ciel ouvert régulièrement bombardée, et à la prise des postes militaire adjacents dont plusieurs militaires israéliens ont été faits prisonniers. Rappelons que la lutte armée des peuples opprimés est conforme au droit international. Malheureusement l'organisation politico-militaire Hamas, réactionnaire et fondamentaliste administrant la Bande de Gaza, a planifié ou a laissé faire un massacre vengeur de plusieurs centaines personnes civiles et peut-être de soldats désarmés sans compter la prise d'otages civils. C'est là une imitation à petite échelle des crimes à grand déploiement de l'armée sioniste depuis la Nakba (catastrophe) du nettoyage ethnique de 1948. Comme la guerre génocidaire israélienne, ce crime de guerre du Hamas mérite un examen de la Cour internationale de justice. On ne dira jamais assez comment cette bavure du Hamas a donné un prétexte en or au gouvernement israélien pour sa guerre vengeresse et sans quartiers.
Devant ce scandale de non financement par les grandes puissance occidentales dont le Canada, six grands syndicats canadiens (SCFP, STTP, AFPC, Unifor, Métallos, NUPGE) représentant plus de deux millions de personnes salariées ont exigé du gouvernement canadien qu'ils annulent cette décision inhumaine pour ne pas dire barbare (https://scfp.ca/des-syndicats-reclament-le-retablissement-du-financement-lunrwa). Certes, cet appel inclut de facto plusieurs syndicats de la FTQ mais aucun des autres centrales québécoises. La CSN a bien appuyé une déclaration du CISO pour un cessez-lefeu dès octobre 2023 mais est demeuré silencieuse depuis lors. Quant aux autres centrales, sauf erreur c'est motus et bouche cousue. Il est vrai que la lutte du secteur public a été accaparante. Mais n'est-ce pas là une excuse facile ?
Marc Bonhomme, 18 février 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

Une catastrophe annoncée
En représailles à l'attentat du Hamas du 7 octobre 2023, le gouvernement israélien s'est lancé dans une opération militaire de grande envergure dans la bande de Gaza, en plus de soumettre ce territoire à un blocus total qui fait suite à un blocus partiel qui prévaut depuis 2006.
photo Serge d'Ignazio
En décembre 2023, l'Afrique du Sud a ouvert une procédure devant la Cour internationale de justice (CIJ) contre Israël concernant un génocide en cours dans la bande de Gaza et demandant à la Cour de prendre des mesures conservatoires (l'équivalent d'une injonction provisoire) étant donné l'urgence, tout en lui demandant de se prononcer sur le fond de l'enjeu.
Le jugement de la CIJ
Le 26 janvier dernier, la Cour a rendu un jugement mi-figue mi-raisin concernant ces mesures conservatoires. Cependant, elle n'a pas reconnu valides les arguments de la partie israélienne et s'est déclarée compétente pour instruire cette cause.
Parmi les aspects positifs de ce jugement, mentionnons que la Cour a reconnu le très grand nombre de personnes mortes et blessées, la destruction d'habitations et le déplacement forcé de la population palestinienne de Gaza (ce qui est prohibé par la Convention sur les génocides). Elle a également rappelé et fait siennes les observations du secrétaire général adjoint de l'ONU, de l'OMS et du commissaire général de l'UNRWA. Elle note également les propos déshumanisants de hauts responsables israéliens. De plus, elle accorde une plausibilité prima facie aux allégations de l'Afrique du Sud, à savoir que nous sommes devant un génocide. Elle reconnaît également le risque de détérioration de la situation d'ici à ce qu'elle rende un jugement sur le fond et admet qu'il y a une situation d'urgence. La Cour demande également à Israël de rendre disponibles les services de base et l'aide humanitaire et lui demande de faire un rapport sur les mesures prises dans un délai d'un mois.
Ces faits ne sont pas nouveaux. L'intérêt du jugement de la CIJ est de les faire attester par le droit international. Cependant, et là nous passons à l'aspect plus négatif de ce jugement, la Cour n'a pas appelé Israël à cesser immédiatement ses activités militaires dans la bande de Gaza, ce qui lui donne un délai supplémentaire d'un mois pour poursuivre ses exactions, ce dont elle ne se prive pas si l'on se fie à ce qui est rapporté par les médias. Le juge ad hoc israélien a même voté contre les mesures, tirées directement de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, demandant à Israël de s'abstenir de tels actes. À quoi s'attendre fin février puisque, dans leur plaidoyer, les représentant.es de l'État d'Israël ont nié l'ampleur des dommages infligés à la population civile et se sont même targués de permettre l'aide humanitaire à Gaza. De plus, la Cour qui avait le pouvoir d'en appeler à la communauté internationale, a laissé Israël seul juge de ce qu'il convient de faire.
Les réactions d'Israël et de ses alliés
Quelle a été la réponse du gouvernement israélien depuis ce jugement ? D'abord, de dénoncer la participation de 12 employé.es de l'UNRWA aux attentats du 7 octobre (ce qui représente moins de 0,1% du personnel de l'UNRWA en Palestine). Ensuite de demander la démission du responsable de l'UNWRA. Enfin, de planifier une attaque contre Rafah où s'est réfugiée la majorité de la population palestinienne de Gaza. Sans parler du climat de terreur et des violences que font subir les colons aux populations palestiniennes de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, le tout avec la complicité de l'armée israélienne. Sans parler, également, des manifestations récurrentes de l'extrême-droite israélienne pour empêcher l'aide humanitaire de transiter par le point de passage de Kerem Shalom.
Dans la foulée des « révélations » israéliennes concernant la participation de certains employé.es de l'UNRWA aux attentats du 7 octobre, plusieurs gouvernements occidentaux, dont le gouvernement canadien, n'ont rien trouvé de mieux à faire que d'annoncer la suspension de leur financement à l'UNRWA. Or, il s'avère que l'UNRWA gère, depuis 1948, les camps de réfugié.es (les personnes déplacées par la première Nakba et leur descendance), s'occupe de l'éducation et du système de santé et constitue la principale organisation humanitaire en territoire palestinien. Suspendre l'aide financière à l'UNRWA, c'est éventuellement se rendre complice du génocide israélien à Gaza et dans les autres territoires palestiniens occupés.
De plus, le Canada poursuit (et même intensifie) son commerce d'armement avec Israël. Dans le cas présent, cela signifie donner les moyens au gouvernement israélien de poursuivre son œuvre génocidaire. Or, selon la Convention internationale pour la prévention et la répression du crime de génocide, tous les États signataires (dont le Canada) doivent s'abstenir de contribuer directement ou indirectement à la commission d'un tel crime.
Que pouvons-nous faire ?
Évidemment, la première chose à faire, c'est de participer aux manifestations hebdomadaires organisées par la communauté palestinienne dans les principales villes canadiennes. Mais il y a actuellement plusieurs campagnes qui pourraient éventuellement changer la donne.
La première concerne l'annulation de l'implantation d'un bureau commercial à Tel Aviv. Le gouvernement québécois a suspendu l'ouverture de ce bureau du fait de la guerre actuelle, mais il ne l'a pas annulé. Nous devons faire savoir haut et fort au gouvernement québécois qu'il n'est pas question d'accroître nos liens commerciaux avec un État génocidaire. Au contraire, il faudrait les annuler et revoir l'entente Québec-Israël.
La deuxième concerne le rétablissement du financement à l'UNRWA. C'est actuellement la seule organisation humanitaire encore présente sur l'ensemble du territoire de Gaza et la seule en mesure de coordonner l'aide humanitaire si jamais celle-ci se rend. De plus, elle joue un rôle de premier plan en dans les autres territoires palestiniens occupés par Israël et dans les camps de réfugié.es palestinien.nes au Liban, en Syrie et en Jordanie. CJPMO a lancé une pétition à cet effet.
La troisième est la cessation de tout commerce d'armes avec l'État d'Israël. Il est insensé de soutenir militairement un gouvernement qui fait fi des règles à respecter lors d'affrontements armés. Plus encore, selon la Convention pour la prévention et la punition du crime de génocide, tous les États signataires sont tenus de faire tout en leur possible pour prévenir le crime de génocide. Contrairement à ses obligations ionternationales, le Canada alimente la machine génocidaire. Là encore CJPMO a lancé une pétition en ligne à cet effet.
En ces moments tragiques, nous devons manifester de toutes les façons notre soutien au peuple palestinien. Nous ne pouvons pas détourné le regard et dire que nous n'en savions rien : tous les jours des images atroces nous parviennent de Gaza occupée, ceux et celles qui nous les envoient risquant leur vie pour que le monde cesse de les ignorer.
Diane Lamoureux
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Ottawa fait fi du verdict de génocide de la Cour internationale de justice contre Israël et coupe les fonds d’aide aux réfugiés.es palestiniens.nes
On peut tenir pour plausible que bien des pouvoirs occidentaux soient complices du génocide des Palestiniens.nes
Owen Schalk, Canadian Dimension, 30 janvier 2024
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr
Le 26 janvier courant, la Cour internationale de justice, (CIJ) a émis un jugement contre Israël dans la cause défendue par l'Afrique du sud. Ce jugement a été bien accueilli par l'Afrique du sud, les dirigeants.es palestiniens.nes, la diaspora et les militants.es solidaires. Le tribunal ordonne ainsi à Israël de « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission d'actes génocidaires » de permettre à l'aide humanitaire de pénétrer dans l'enclave ou la famine a été installée. Il ordonne aussi à Israël d'empêcher ses troupes de violer la convention de Genève de 1948 sur les génocides « avec application immédiate ».
Dans l'ensemble la CIJ reconnait que les Palestiniens.nes sont un groupe national à protéger de maux irréparables, donc la Contention de Genève s'y applique. Elle établit aussi qu'il y a des risques plausibles que l'armée israélienne commette un génocide à Gaza.
Les représentants.es israéliens.nes ont demandé au tribunal de tout simplement rejeter la cause, arguant que l'Afrique du sud ne pouvait légitimement porter plainte contre Israël devant le plus haut tribunal du monde. Mais la CIJ a pris le parti de l'Afrique du sud en émettant des obligations provisoires contre le génocide à Israël et en poursuivant la démarche judiciaire il lui a infligé un choc magistral alors que sa crédibilité s'altère sur la scène mondiale.
(…)
Même s'il n'a pas imposé de cessez-le-feu, les mesures provisoires ordonnées en exigent un. Essentiellement, il en impose un dans les faits. Après le jugement, le Ministre des affaires étrangères sud-africain, M. Naledi Pandor a déclaré : « Je pense que l'exécution des obligations, imposera un cessez-le-feu. Sans cela, on ne se sera pas conformé au jugement ».
Il faut noter que dans des cas semblables de génocide, celui de la Bosnie en 1990 et du Myanmar en 2019, la CIJ, n'a pas directement demandé de cessez-le-feu.
Ce jugement fait mentir le discours dominant des médias des représentants.es des gouvernements occidentaux à l'effet qu'Israël a le droit de se défendre contre le terrorisme et que ses interventions à Gaza quoique excessives, sont malgré tout justifiées. Autrement dit, la majorité mondiale rejette l'analyse occidentale de la guerre israélienne à Gaza.
Qu'est-ce qui va suivre ? À moins que les États-Unis n'exercent une pression suffisante pour qu'Israël cesse sa campagne militaire génocidaire contre les Palestiniens.nes, il ne va rien se passer. Le jugement de la CIJ a force de loi, mais jamais Israël n'a permis à une loi internationale de modérer sa violence que ce soit en regard des massacres de civils.es ou de l'expansion des colonies illégales. Et les institutions internationales, dominées quelles sont par les pouvoirs occidentaux, spécialement par les États-Unis, ne se sont pas non plus montrées très intéressées à tenir Israël responsable.
Mais, le présent jugement marque une victoire historique pour les Palestiniens.nes comme un rejet de la propagande israélienne et occidentale sur la scène mondiale.
De son côté, Isarël a répondu au tribunal avec sa position belliqueuse typique. Son Ministre de la défense, M. Yoav Gallant, a traité le tribunal « d'antisémite » et « qu'Israël n'avait pas de leçon de morale à recevoir ». Ce ministre avait déjà qualifié les Palestiniens.nes « d'animaux humains ». Cela a été cité durant la défense de la cause devant le tribunal.
Par ailleurs, les pays occidentaux ont poursuivi leur soutien inconditionnel à Israël malgré qu'aux yeux de la CIJ plusieurs d'entre eux sont susceptibles d'être complices du génocide des Palestiniens.nes.
La réaction des États-Unis était prévisible. Le gouvernement américain rejette la cause sans discussion sur ses mérites. Le porte-parole du Département d'État déclare que le tribunal « n'a pas prouvé qu'il y avait génocide (….) dans son jugement », ce qui est faux. À cette étape des procédures, la CIJ doit décider si l'Afrique du sud a présenté une cause plausible à l'effet qu'Israël commettait un génocide. La vaste majorité des juges l'ont fait. La cause se poursuit même s'il faudra des années pour avoir un verdict final.
Lors d'une entrevue, l'analyste géopolitique Owen Jones a estimé que la réponse de Washington au jugement, équivalait « à dire qu'un accusé en procès pour meurtre n'a pas été trouvé coupable le premier jour du procès ».
La réponse canadienne est semblable, sans colonne vertébrale.
Avant le jugement, J. Trudeau avait parlé de la cause sud-africaine de génocide avec dédain. Devant les journalistes il a déclaré : « Nous soutenons de tout cœur la CIJ et ses procédures mais cela ne veut pas dire que nous soutenons la prémisse que l'Afrique du sud a fait valoir devant la Cour ».
Le 26 janvier, quand la CIJ a statué qu'il était plausible qu'Israël commette un génocide à Gaza, la Ministre des affaires étrangères canadienne, Mme Mélanie Joly, a réitéré que le Canada soutenait Israël. Sa déclaration reprend les mots du Premier ministre et proclame que le Canada « soutien le droit d'Israël d'exister et de se défendre ». Elle demande au Hamas de libérer les otages capturés.es le 7 octobre mais ne demande pas à Israël de cesser ses bombardements sur les civils.es, les écoles, les hôpitaux, les refuges des Nations Unies, ou ses assassinats ciblés de journalistes, d'artistes ni les incitations au génocide de ses leaders.
Au moment d'écrire ces lignes, on rapporte le décès de 26,000 Palestiniens.nes à Gaza et de presque 65,000 blessés.es. Les Gazaouis souffrent du manque crucial de nourriture, d'eau potable, de médicaments et 85% des habitants.es de l'enclave ont été déplacés.es sur le territoire. Selon l'ONU, 60% des infrastructures y sont endommagées ou détruites.
Tout en parlant simplement de « préoccupation » à propos de la « crise humanitaire », à Gaza, Mme Joly emploie un langage acide pour parler de l'attaque du Hamas : « Rien ne peut justifier les attaques brutales du 7 octobre dont les terribles pertes de vie, les actes haineux de violence perpétrés durant ces attaques, incluant les violences sexuelles. (…) Le Hamas doit libérer tous les otages, cesser d'utiliser les civils.es comme boucliers humains et déposer les armes ».
Pendant ce temps, la réponse israélienne ne s'est pas limitée aux paroles. Peu après le verdict, il a publié une déclaration qui accuse des membres de l'Organisation de secours aux réfugiés.es palestiniens.nes (UNRWA), d'avoir participé aux attaques du 7 octobre.
On peut raisonnablement penser que ces accusations, obtenues lors de « confessions » durant les interrogatoires, aient été extraites par la torture. Mais cela a suffi aux donateurs de l'agence, dont les États-Unis et le Canada, de cesser leur financement.
L'UNRWA a été fondée en 1949 pour aider les réfugiés.es palestiniens.nes dépossédés.es par la Nakba. Depuis ce temps, elle a servi à la survie de millions de ces réfugiés.es. En ce moment, l'agence aide presque 6 millions de réfugiés.es principalement à Gaza et en Jordanie dans 58 camps. Elle maintient aussi 706 écoles, 140 installations sanitaires, pourvoit à l'alimentation et distribue des fonds à 1million 800 mille personnes.
L'analyste Mouin Rabani souligne : « Ce que je comprends c'est qu'Israël a calculé le moment d'émission de cette accusation contre 12 membres du personnel de l'UNRWA d'avoir participé personnellement aux attaques palestiniennes contre Israël, le 7 octobre. (Il semble) que le calendrier de publication de ces accusations coïncide avec le verdict de la CIJ dans une tentative de faire distraction ».
Selon M. Rabbani l'UNRWA a « spectaculairement mal géré cet enjeu ». En agissant immédiatement, elle pouvait donner l'impression de valider ces accusations. Cela a donné aux occidentaux qui soutiennent Israël ce qu'il fallait de justifications pour suspendre leur financement à l'agence onusienne.
Israël tente de décrédibiliser l'UNRWA depuis longtemps. Une ancienne haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères israélien, Mme Noga Arbell avait ouvertement appelé à sa fermeture. Tôt en janvier dernier, Mme Arbell a déclaré devant la Knessett : « Il sera impossible de gagner la guerre si nous ne détruisons pas l'UNRWA. Cette destruction devrait commencer immédiatement ».
Par ailleurs, l'UNRWA a déclaré que si les fonds ne sont pas de retour, elle devra mettre fin à tous ses services fin février ; une perspective catastrophique pour les réfugiés.es palestiniens.nes. Mais il ne semble pas que cela émeuve le Canada plus qu'il ne le faut. La famine régnait déjà à Gaza avant les coupures de fonds. Des millions de Gazaouis vivent le couteau sur la gorge, incapables de subsister au milieu d'inimaginables conditions, sous les bombardements, avec la faim et des brutalités génocidaires.
Hier, Mme Heather McPherson, députée NPD a demandé à la Chambre des communes : « Pourquoi les libéraux canadiens abandonnent-ils les Palestiniens.nes au moment où leurs besoins n'ont jamais été aussi grands » ?
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De la parole aux gestes svp !
Une offensive militaire israélienne à Rafah où quelque 1,5 million de Palestiniens ont trouvé refuge serait « catastrophique », a affirmé tard le 14 février le premier ministre canadien.
Par Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la Paix - 15 février 2024
Avertissements canadiens et internationaux bienvenus
Dans une déclaration commune avec les premiers ministres australien et néo-zélandais, Justin Trudeau déplore qu'une telle incursion à Rafah puisse générer des effets « dévastateurs », compte tenu de la situation humanitaire déjà désastreuse à Gaza.
« Nous exhortons le gouvernement d'Israël à ne pas s'engager dans cette voie. Les civils n'ont tout simplement nulle part où aller : 1,5 millions de Palestiniens sont bloqués à la frontière. On observe un consensus international croissant sur cette question. Israël doit écouter ses amis et la communauté internationale. On ne peut pas faire payer aux civils palestiniens le prix de la défaite du Hamas. »
Des avertissements similaires mais plus forts d'autres alliés occidentaux ont suivi ceux de l'Organisation des Nations unies. Le président américain Joe Biden a aussi déclaré que le gouvernement Nétanyahou ne devait pas lancer une éventuelle opération militaire à Rafah sans un plan « crédible » pour assurer la sécurité des civils.
Mardi matin, la ministre Mélanie Joly avait ainsi réagi : « Les civils de Rafah sont des personnes — ce sont des mères, des enfants. Ils ont des noms, des histoires — et ils existent. Leur demander de se déplacer à nouveau est inacceptable. Ils n'ont nulle part où aller. » Avant d'ajouter : « Nous avons besoin d'une entente sur la libération des otages, d'une augmentation de l'aide humanitaire à Gaza et d'un cessez-le-feu durable. »
Ces avertissements qualifiés d'hypocrites par les Palestiniens montrent plutôt un désarroi.
Nous déplorons l'absence de gestes significatifs
Pourquoi avoir attendu au 132e jour du conflit pour enregistrer de telles protestations qu'on pourrait aussi qualifier de remords de consciencei ? Et surtout pourquoi dès aujourd'hui ne pas sommer Israël d'obéir à la Cour Internationale de Justice (CIJ)ii, en menaçant, sinon, d'au moins rappeler notre ambassadrice Lisa Stadelbauer de Tel-Aviv ?
Dès le 1er novembre, l'Agora des Habitants de la Terre et nous avons donné mandat à maître Gilles Dévers de réclamer à la CIJ, parallèlement à la courageuse demande de l'Afrique du Sud, de se pencher sur les actes génocidaires perpétrés par Israël. Merci aux treize juges de la CIJ qui ont résisté aux immorales pressions politiques des puissants dont hélas le Canada, et aux critiques des extrémistes qui ont trouvé leur jugement timoré.
L'appel au cessez-le-feu de l'ONU a été endossé par le Canada le 12 décembre, alors que déjà 18 000 Palestiniens avaient été tués : nos éditorialistes furent déconcertés, après deux mois de nos propres déclarations censurées par les médias, vu notre usage du mot cessez-le-feu, toujours verboten pour l'Ukraine. Les Artistes pour la Paix avaient alors remercié la ministre Joly soutenue par le Bloc Québécois, le NPD et le Parti Vert, pour avoir voté avec 153 pays pour un cessez-le-feu entre le Hamas et Nétanyahou, réclamé par le Secrétaire général des Nations-Unies Antonio Guterres, bloqué au Conseil de Sécurité par le honteux veto des États-Unis isolés.
Nous avions alors dénoncé la CAQ et sa Ministre des Relations internationales Martine Biron, qui jugeait la demande de cessez-le-feu « prématurée ». Heureusement, le Parti Québécois et Québec Solidaire ont sauvé l'honneur du Québec, la députée d'origine palestinienne Ruba Ghazal déclarant : « Je suis tellement choquée. La CAQ brise la tradition pacifiste du Québec qui historiquement a toujours été du côté de la paix. La majorité des Québécois sont pour un cessez-le-feu. » Elle a déposé aujourd'hui à l'Assemblée nationale deux pétitions de 12 000 noms, dont ceux de plusieurs APLP, contre l'ouverture d'un Bureau du Québec en Israël, tant et aussi longtemps que ce pays endossera les actes criminels du régime Nétanyahou envers le peuple palestinien.
D'autre part, la décision canadienne de supprimer le financement pour l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) est une mauvaise décision, selon les mots-mêmes du secrétaire parlementaire de la ministre des Affaires étrangères et député de la circonscription de Don Valley Ouest, à Toronto, Rob Oliphant - Mon cœur se brise, car le seul moyen d'obtenir une aide là-bas est l'UNRWA, a confié le député. Comme l'ensemble des grands syndicats canadiens, nous appelons donc le gouvernement - plutôt que de punir le député dissident - à rétablir le financement de l'UNRWA. Sa suspension était d'autant plus scandaleuse qu'elle avait été mise en vigueur le 26 janvier, tout de suite après les États-Unis, le jour où la CIJ a jugé recevable la plainte de l'Afrique de Sud contre Israël pour actes de génocide. On y voit cause à effet.
Les accusations israéliennes contre une dizaine des 28 000 employés de l'UNRWA (13 000 à Gaza) n'ont jamais été étayéesiii !
Les positions de paix noyées par les extrêmes, droites et gauches
La CIJ a ordonné que l'État d'Israël prenne des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture des services de base et de l'aide humanitaire nécessaires pour répondre aux conditions de vie défavorables des Palestiniens dans la bande de Gaza. Cette décision est contraignante pour tous les pays qui ont signé la convention sur le génocide, y compris le Canada.
Comme l'écrit Karim Kattan, écrivain palestinien, dans un essai émouvant pour Le Monde, il semble être devenu impossible pour certains soi-disant amis de la Palestine de « dire à la fois : les massacres comme ceux qui ont eu lieu le 7 octobre au festival de la Tribu de Nova sont une horreur scandaleuse, et Israël est une puissance coloniale féroce. » À une époque de défaite et de démobilisation, où les voix les plus extrémistes sont amplifiées par les médias sociaux, un culte de la force semble avoir envahi une partie de la gauche et court-circuité toute empathie envers les civils israéliens ».
La polarisation des voix a écarté la dénonciation de l'action terroriste du 7 octobre par l'extrême-gauche, ignorant la mort d'un millier de civils, dont plusieurs citoyens canadiens, causée par un extrémiste islamiste.
Le Hamas est l'ami de Nétanyahou qui l'a financé pour qu'il s'oppose au gouvernement palestinien (actuel premier ministre Mohammad Chtayyeh) : le fanatisme religieux, raciste et armé du Hamas dessert donc son propre peuple. Il est en outre devenu un prétexte pour que les Occidentaux de droite prétendent « que la guerre d'Israël n'est pas contre la Palestine mais uniquement contre le Hamas (voir le dessin approprié de notre APLP 2022, Jacques Goldstyn) et qu'on doit donc rejeter tout cessez-le-feu, tant que Tsahal n'aura pas exterminé les terroristes par la force brutale armée. Et on doit taire les interventions de l'ONU qui ne sont pas « objectives », ne reflétant pas la mentalité guerrière des « bons » pays alliés de l'OTAN qui réclament davantage d'armes ». À ce sujet, nous avons signé et tenté de faire connaître la pétition canadienne parlementaire du 3 janvieriv. Mais nous constatons aujourd'hui, au lendemain du fiasco de notre remise de prix pour la paix 2023, qu'il n'y a pas seulement les réseaux sociaux et les médias mainstream qui sont ennemis de la paix : nous promettons de vous revenir rapidement là-dessus.
Notre amie Elizabeth May m'a remercié aujourd'hui d'avoir appuyé « son appel à élargir notre cadre de référence - notre « carte mentale » politique - d'un système bipartite avec de mauvais choix et à reconnaître qu'au Canada, nous avons cinq partis au Parlement et qu'en 2025, nous élirons non pas un président comme aux États-Unis, mais un parlement que nous voulons diversifié avec PLUS de voix pour des politiques intelligentes et responsables. Donc moins de députés conservateurs et moins de libéraux et plus de tout le monde (évidemment, je veux plus de Verts), mais sur cette question, le Bloc a été formidable et nous devrions également avoir le soutien du NPD. » À bon entendeur, salut !
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NARRATIF A LA SAUCE … ! Journaliste en herbe,...
NARRATIF A LA SAUCE … !
– Journaliste en herbe, tu as pondu un sacré papier ?
– Un point sur la situation, M. le Directeur (trice).
– Avec une désinvolture stendhalienne.
– Mon arme n'a pas autant de cran pour « tirer au milieu d'un concert ! »
- Nous sommes en guerre et les plumes aussi !
- Je l'sais.
– Ce que tu tiens entre tes doigts est plus redoutable qu'un missile hypersonique.
– Je n'en doute pas, M. le Directeur.
– Et tu sais pourquoi ?
- Impacte sur les l'états d'esprit.
– Et … ?
- …, Je n'sais pas.
– Moi je l'sais. Le cours de l'Histoire, jeune homme !
- M. le Directeur, serait-ce-un crime de s'en tenir à la réalité ?
– Tu n'iras pas plus loin que le bout de ton nez, crois-moi !
- A ma place, vous choisiriez quel camp, entre Démocratie mensongère et Résistante effective ?
- Je choisirais de la fermer quand mon paradigme révolutionnaire ne porte pas aussi loin qu'un pipi d'un gnard.
– Le couteau sous la gorge ?
- Oui Monsieur ! Une brebis qui s'enhardit en s'écartant du cheptel, se fait sauvagement bouffer par les loups. Alors ne joue pas au factieux et suis le mouvement grégaire !
- J'ai compris, Monsieur le Directeur. Je vais écrire avec des tournures tranchantes que « Le tapis de bombes sur la population est un montage ».
- Par exemple
– Que ces images de bébés, de femmes et de vieillards sous les décombres, sont le fruit de l'IA* à des fins de propagande.
– Y a pas photo !
- Mais j'hésite à rectifier le tir, Monsieur le Directeur.
– Pourquoi ?
– Je trahirais la cause de l'Histoire qui condamne toute abjection humaine, comme les massacres des Indiens et les compagnes génocidaires actuelles.
– Ecoute-moi bien Journaliste frondeur (se) ! Dans la voie ferrée, Il y a deux sens : L'aller et le retour. Tu choisirais lequel ?
- J'apprécie votre sens allégorique M. le Directeur. Allons-y pour l'aller.
– Ben voilà ! T'es quelqu'un qui avance dans la vie. Si tu veux rester parmi nous, t'as qu'à respecter la cadence et le sens de la progression de notre « Big boy » *. C'est logique, non ?
- C'est plus logique, M. le Directeur, de tirer sur le signal d'alarme et de quitter le wagon !
Texte et dessin Omar HADDADOU
*Intelligence artificielle. * Locomotive mythique, la plus grande à son époque.
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Le coup de baguette maléfique de la spéculation immobilière
La crise du logement bat son plein et bien de gens peinent à payer leur loyer. À présent, même des employés convenablement rémunérés une fois leur loyer acquitté, doivent fréquenter des supermarchés à rabais pour s'approvisionner, comme les Dollarama.
Avec raison, on a beaucoup dénoncé les "rénovictions", c'est-à-dire des gens à modeste et faible revenu chassés de leur appartement transformé ensuite en condo ou logement de luxe, à un prix inabordable. De vieilles usines abandonnées sont aussi livrées à la spéculation qui les fait muer, comme par un coup de baguette magique, en condos.
Il y a là une dimension de l'embourgeoisement des quartiers centraux jamais dénoncée. Ces usines désaffectées pourraient (ou auraient pu) devenir des HLM, des coopératives ou des logements à prix abordable. On l'a souvent souligné, et avec justesse. Mais l'aspect historique du problème paraît échapper à l'attention des militants et militantes communautaires du secteur de l'habitation.
En effet, des générations d'ouvriers et d'ouvrières ont bossé dans ces établissements souvent pour des salaires de misère. Montréal doit à cette main d'oeuvre bon marché une forte partie de sa puissance et de son statut de métropole du Québec (et autrefois du Canada). De plus, ces gens habitaient souvent à proximité de leur lieu de travail, dans des blocs appartements aujourd'hui "condoïsés¨ dans la plupart des cas.
Or, ces lieux "revampés" et mis au goût du jour sont aujourd'hui envahis par les nouvelles élites depuis que les spéculateurs immobiliers les ont transformés en condos. Ces gens y mènent une vie confortable alors qu'autrefois les accidents de travail se signalaient par leur fréquence. Les spéculateurs et les propriétaires de condos s'en fichent éperdument, si même ils en sont conscients. Il s'agit d'une sorte de scandale moral de nature historique. Murs refaits auxquels sont fréquemment accrochés des tableaux de maître (ou plus fréquemment leurs reproductions), planchers en bois verni, belles fenêtres panoramiques, mobilier sophistiqué... Tout un contraste avec la réalité d'autrefois !
Là où circulaient les ouvriers et ouvrières en habits de travail souvent couverts de poussière et effectuant un boulot suant, les nouveaux occupants des lieux sont des membres de ce qu'on appelle parfois la classe moyenne supérieure : des gestionnaires financiers, des administrateurs privés et publics, des patrons, des politiciens, parfois des professeurs d'université ; ils sont tous élégamment vêtus et sirotent durant leurs loisirs un verre de rouge ou une tasse de café importé. Ils y circulent avec aisance. Ce sont des profiteurs.
C'est donc sans complexe qu'ils s'approprient des locaux d'anciennes manufactures, comme si ça allait de soi.
Il faut donc garder à l'esprit cette dimension historique quand on passe à côté d'une usine transformée en condo.
Jean-François Delisle
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Souveraineté : La répartition des sacrifices
J'ai déjà évoqué dans un texte précédent la longue et difficile période de transition qui suivrait un OUI majoritaire à la souveraineté lors d'un hypothétique troisième référendum. Les indépendantistes, même ceux et celles de gauche, n'abordent jamais cette question difficile. Il suffit de relire l'ensemble des textes soutenant l'option souverainiste pour le constater du premier coup d'oeil.
On y parle abondamment de libérer le Québec de sa "soumission" au pouvoir fédéral, on y valorise la notion de "république sociale", on y lie souveraineté à émancipation de la nation québécoise en général et de ses travailleurs en particulier. Toutes ces idées se défendent certes et sont en partie fondées.
Cependant, un problème central est toujours escamoté : la répartition des sacrifices nécessaires à la réalisation du rêve indépendantiste. Même Québec solidaire n'y fait pas allusion, un parti qui s'est pourtant donné comme mission première de défendre les travailleurs et travailleuses, ce qui n'augure rien de bon pour ceux-ci en cas de victoire souverainiste.
Si cette hypothèse devenait réalité, les pressions financières, commerciales et politiques d'Ottawa sur Québec seraient énormes, lourdes et étouffantes. Concrètement, l'accession du Québec à son indépendance nécessiterait une détermination sans failles tant de la part de ses dirigeants que d'une majorité de la population.
Des compressions budgétaires majeures deviendraient inévitables de la part du gouvernement souverainiste, qu'il soit péquiste ou solidaire, ou encore une coalition parlementaire des deux. C'est ici que la dimension sociale serait incontournable . Qui en écoperait le plus ? Comment acquérir la certitude que le gouvernement indépendantiste respecterait les intérêts des travailleurs en général, et ceux des secteurs mous de l'économie, qui concentrent les plus démunis d'entre eux, c'est-à-dire des moins organisés et des plus vulnérables, là où la résistance se révélerait la plus faible face à une politique restrictive venant des pouvoirs publics ?
Une adhésion majoritaire de l'électorat à l'indépendance provoquerait inévitablement une forte instabilité économique et financière, ce qui frapperait durement un marché de l'emploi déjà ébranlé à l'heure actuelle. Les exclus n'ont aucune garantie que le gouvernement du Québec protégerait leurs intérêts économiques, même les plus minimaux.
Bien au contraire. Le cabinet péquiste n'aurait d'autre possibilité pour retenir au Québec d'indispensables compétences comme les administrateurs publics et le plus possible de gestionnaires privés, des architectes, des techniciens en tout genre et des ouvriers spécialisés que de ménager leurs intérêts en priorité, et ce d'autant plus que d'importantes et influentes associations professionnelles et syndicales défendent leurs intérêts. Ce n'est pas le cas des travailleurs non syndiqués et des exclus comme les chômeurs et les prestataires de la Sécurité du revenu (aide sociale). Pareil pour les régions les moins développées dont le cabinet négligerait les intérêts au profit d'autres plus favorisées. On peut aussi parler des retraités dont on ne ne sait trop quelle ligne de conduite Ottawa adopterait à leur égard. Se livrerait-il à du chantage sur leur dos contre le gouvernement "séparatiste" québécois dans l'espoir qu'ils le laissent tomber et le pressent de regagner le bercail fédéraliste ?
Le processus de transition vers la souveraineté, même s'il devait réussir, accentuerait des divisions déjà profondes au sein de la société québécoise. La majorité en faveur du OUI serait nécessairement assez faible. L'importante minorité qui aurait voté NON ne désarmerait pas facilement et on peut s'attendre à une alliance active et même agressive de son côté avec le gouvernement d'Ottawa contre les "séparatistes". Le débat fédéralisme-indépendance concerne moins le Canada anglais que le Québec français lui-même. C'est ici que les divisions, voire les déchirements qui accompagnent toute accession d'une nation à sa souveraineté se feraient le plus sentir.
Ces considérations sont encore spéculatives bien sûr, mais elles ont au moins le mérite de suivre le chemin de la vraisemblance. Pour la gauche sociale, il importe de talonner les formations indépendantistes à ce sujet. Elle le doit d'abord pour veiller aux intérêts fondamentaux de ceux et celles qu'elle défend : les travailleurs non syndiqués, les chômeurs, assistés sociaux et locataires à faible revenu.
Jean-François Delisle
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La Saint-Valentin : un douloureux rappel pour les personnes assistées sociales
Québec, le 14 février 2024 – ROSE du Nord a répondu à l'appel à la signature massive de la pétition : Modernisation de la notion de vie maritale pour les prestataires de l'aide sociale lancé par son regroupement provincial le Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ).
Depuis plusieurs années, notre organisme dénonce l'application des dispositions entourant la vie maritale pour les personnes assistées sociales. « La journée de la Saint-Valentin est une date symbolique pour notre regroupement et ses membres puisque les personnes assistées sociales n'ont pas le même droit à l'amour que le reste de la population à cause d'obstacles dans la loi de l'aide sociale. » mentionne Mélanie Ratté, militante impliquée au sein du FCPASQ.
Le statut de vie maritale à l'aide sociale, c'est lorsque deux personnes sont considérées être en couple aux yeux de la Loi. Lorsque ce statut est appliqué, pour la majorité des prestataires, les prestations sont amputées de 25% et une seule personne peut percevoir la prestation pour le couple.
Plusieurs conséquences aberrantes découlent de ce statut : atteinte à l'autonomie financière, risque de subir des violences de toutes sortes, enquêtes très intrusives, cumul de dettes injustifiées, choix à faire entre son histoire d'amour et ses prestations d'aide sociale, déménagement forcé avec une personne plus rapidement que prévu, être forcé.e de vivre seul.e, etc. « Ces dispositions sont un véritable frein à l'amour et à l'entraide. Plusieurs personnes choisissent de vivre seules plutôt que de devoir vivre dans une anxiété constante de se faire couper leurs prestations parce qu'elles sont considérées en couple. Et tout ça en pleine crise du logement ! », mentionne Mélanie Ratté. La militante impliquée ajoute qu' « à l'inverse, d'autres personnes sont forcées de rester dans une situation parce qu'elles n'ont pas de prestation pour pouvoir quitter. »
ROSE du Nord appui et porte la pétition lancée par le comité femmes du FCPASQ le 14 décembre dernier, visant à revendiquer la modernisation des dispositions entourant la vie maritale. Cette pétition s'inscrit dans une série d'actions organisées en vue de s'assurer que la ministre Chantal Rouleau inclut les revendications du regroupement dans la réforme de l'aide sociale qui est à paraître au printemps 2024. Quatre revendications sont mises de l'avant :
● D'administrer un chèque par personne et que celui-ci puisse couvrir les besoins de base en établissant les prestations sans tenir compte du revenu de la personne conjointe ;
● D'établir le statut de vie maritale seulement lorsque les personnes se déclarent conjointes et abolir les critères tels que l'entraide et la commune renommée ;
● De cesser la surveillance accrue des personnes ;
● D'abolir rétroactivement toutes les dettes en lien avec le statut de vie maritale en concordance avec les dispositions ci-haut.
Cette pétition, portée par le député de Laurier-Dorion Andrés Fontecilla, est disponible sur le site de l'Assemblée nationale jusqu'au 14 mars 2024. Mélanie Ratté conclut : « il est primordial que cet enjeu soit discuté à l'Assemblée nationale. Pour ce faire, nous avons besoin de récolter le plus de signatures possible. Allez signer la pétition, parlez-en autour de vous, faites-la circuler ! »
À propos :
ROSE du Nord est un collectif de femmes vivant en situation de pauvreté. Nous défendons solidairement les droits des femmes sans emploi ou à statut précaire et militons activement pour améliorer leurs conditions de vie dans une approche féministe-conscientisante.
Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec regroupe des organismes de défense des droits des personnes assistées sociales partout au Québec. La principale mission du FCPASQ et de ses groupes membres est la promotion des droits économiques, sociaux et culturels des citoyen.ne.s du Québec exclu.e.s du marché du travail et qui vivent dans la pauvreté
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Action féministe : De l’indignation à l’action
Les diverses crises, inégalités et violences qui font obstacle à l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu'entre les femmes elles-mêmes ont été au cœur des discussions entre le Collectif 8 mars et la ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, lors d'une rencontre organisée dans le cadre des activités entourant la Journée internationale des droits des femmes.
Tiré de Ma CSQ cette semaine.
La ministre a reconnu la pertinence du thème « Ça gronde ! », choisi cette année pour souligner la journée du 8 mars, et la nécessité de manifester notre indignation.
En tant que membre du Collectif 8 mars, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a participé à cette rencontre. Celle-ci a été l'occasion de faire un état des lieux des enjeux vécus par les femmes aujourd'hui encore. La ministre Biron en a profité pour exprimer sa volonté d'agir afin de faciliter l'accès à l'avortement et de lutter contre la violence conjugale.
« Nous comptons sur la ministre pour sensibiliser son collègue, Jean Boulet, ministre du Travail, afin qu'il ajoute, au projet de loi no 42 présentement à l'étude, la mise en place d'une banque de 10 jours d'absence rémunérés pour les victimes de violence conjugale », a dit la porte-parole du Collectif 8 mars, Virginie Mikaelian.
La réalité des femmes en situation d'itinérance a aussi été mise de l'avant lors de la rencontre. Exacerbée par l'actuelle crise du logement, l'itinérance touche les femmes de manière disproportionnée et spécifique, selon le Collectif, qui affirme que les solutions pour y remédier sont connues. « Il faut s'attaquer à la racine du problème, notamment en accélérant la construction d'un plus grand nombre de logements sociaux. Il s'agit d'une mesure structurelle pour contrer l'itinérance », avance Virginie Mikaelan.
La question du maintien de services publics accessibles et de qualité a également été abordée lors de la rencontre avec la ministre. Le Collectif a fait valoir que ce sont les femmes, en tant que travailleuses et utilisatrices des services publics, qui ressentent le plus les effets lorsque la qualité des soins de santé et des services sociaux et de l'éducation est fragilisée. « Nous aurions voulu lui parler plus longuement de la dégradation des services publics et de nos préoccupations concernant les récentes réformes adoptées en éducation et en santé et services sociaux », a dit la porte-parole du Collectif.
La ministre responsable de la Condition féminine a été très réceptive aux informations qui lui ont été présentées. Le Collectif 8 mars l'encourage fortement à utiliser tous les leviers à sa disposition à titre de ministre pour intervenir sur l'ensemble des enjeux touchant les femmes, que ce soit l'économie, l'environnement, l'habitation ou la santé et les services sociaux. Ses membres souhaitent poursuivre le dialogue et continueront de proposer des pistes de solutions pour veiller à la défense des droits de toutes les femmes au Québec.
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FFQ : Un petit tour d’horizon
Voici un extrait du message de la présidente de la FFQ publié dans l'infolettre de la Fédération des Femmes du Québec.
Tiré de L'infolettre
Chères membres et personnes alliées,
C'est avec grand plaisir que je saisis l'occasion pour m'adresser à vous aujourd'hui. Comme vous le savez sûrement, depuis mon arrivée en poste au printemps dernier, les événements se sont enchaînés les uns après les autres. L'équipe de travail et le conseil d'administration n'ont pas chômé ! Plusieurs enjeux nous ont interpelées dans les derniers mois, notamment, l'annonce de la ministre responsable de la condition féminine concernant la possibilité de légifération du droit à l'avortement. Heureusement, grâce à nos pressions et celles de plusieurs autres organisations féministes, celle-ci a fait volte-face à ce sujet, ce qui est une victoire majeure pour le respect des droits des femmes et leur accès aux services d'avortement.
D'autre part, il y a eu d'importantes mobilisations du Front commun du secteur public au cours de l'automne dernier. Cette lutte nous concerne toutes, étant donné les discriminations évidentes envers les femmes qui occupent majoritairement les emplois de ces secteurs, la sous-valorisation de leurs savoir-faire, de l'apport essentiel qu'elles offrent à toute la population. Nous avons donc soutenu activement le Front commun pour les secteurs publics dans leurs négociations avec le gouvernement.
De plus, il y a eu une augmentation de violence et des propos haineux envers les communautés LGBTQIA2s+, particulièrement envers les personnes trans et non binaires. Nous nous sommes donc mobilisées avec le Comité des pas-sages pour lancer un appel à soutenir un manifeste pour l'abolition du supposé « Comité des sages » mis en place par la Coalition Avenir-Québec. Je vous invite fortement à suivre leurs actions et à les soutenir.
Plusieurs autres sujets nous ont préoccupées, je vous les évoque rapidement, sachant que chacun de ces sujets est très important et demanderait un texte complet. Entre autres, la réforme de la santé proposée par le ministre Dubé et adoptée en décembre dernier aura certainement des impacts majeurs sur la pratique sage-femme et sur la santé des femmes plus globalement. Aussi, la crise humanitaire et le génocide qui se déroulent en ce moment, et ce depuis des mois, en Palestine sont alarmants. Nous devons continuer à dénoncer cela et continuer à soutenir la Palestine.
(....)
Au plaisir de vous voir sous peu et bonne lecture !
Sylvie
Présidente de la FFQ
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Motion de solidarité avec le peuple palestinien
Le RGF-CN et ses groupes membres, réunies en assemblée générale le 15 février 2024, joint sa voix aux soulèvements mondiaux en support au peuple palestinien.
Nous exigeons la fin de l'attaque génocidaire de celui-ci par le gouvernement sioniste israélien. Nous ne reconnaissons pas ce qui se passe à Gaza comme étant un conflit. Nous reconnaissons plutôt qu'il s'agit d'une phase avancée d'une opération d'extermination et de colonisation.
En date du 12 février, plus de 28 340 personnes ont été tuées à Gaza, depuis le 7 octobre 2023. Les femmes et les enfants représentent 70% des victimes. Ces mortes ne peuvent être considérées comme des dommages collatéraux puisque les cibles des bombardements sont des mosquées, des hôpitaux, des marchés, des écoles transformées en abri, des camps de réfugié.e.s et des zones résidentielles.
Nous dénonçons les violences sexistes et sexuelles envers les femmes et les filles commises de part et d'autre. La situation déjà désastreuse en Palestine, accentuée par ces violences, par l'absence de soins obstétricaux et de tout soins de santé, puis par l'insécurité alimentaire font des femmes et des filles les premières victimes de ce conflit.
Nous tenons à condamner tout amalgame haineux antisémite qui peut être fait à l'égard des communautés juives, dont d'ailleurs bon nombre s'oppose à l'occupation de la Palestine par Israël. Nous scandons notre honte vis-à-vis le refus du gouvernement du Québec d'exiger un cessez-le-feu permanent, qui aurait le potentiel d'empêcher la mort et le traumatisme de milliers de personnes palestiniennes.
Nous dénonçons l'armement et l'appui financier d'Israël par le Canada. Nous dénonçons le silence des médias québécois et canadiens sur les actions entreprises par le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien qui s'organise sans relâche depuis l'intensification des violences contre celui-ci.
En tant que regroupement féministe portant des valeurs décoloniales, antiracistes et antipatriarcales, nous dénonçons en plus du génocide des Palestiniennes et Palestiniens, les systèmes coloniaux dans leur ensemble, qui volent les terres, saccagent les corps, les territoires, les identités collectives et les lignées de transmission culturelle. Nous croyons qu'une des raisons de l'inaction des pays occidentaux face à de telles tragédies et celles qu'il s'agit d'un reflet de leurs propres agissements historiques et contemporains en tant que colonisateurs des Premiers Peuples.
Inspirée de la déclaration de la TGFBSL et adaptée
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Action de visibilité : un troisième féminicide en 2024
Québec, 14 février 2024 – Le Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGF-CN) a organisé une action de visibilité suite à l'annonce du troisième féminicide de l'année 2024.
Lorraine Marsolais a été tuée par son conjoint le 12 février dernier à L'Épiphanie. L'action, qui a réuni plusieurs militantes au coin des rues St-Vallier et Marie-de-l'Incarnation sur l'heure du midi, visait à briser le silence, exprimer notre colère, visibiliser les féminicides et exiger du gouvernement de faire de la lutte aux violences faites aux femmes et aux enfants une priorité.
Les féminicides : des violences banalisées et normalisées
Les meurtres des femmes et des enfants par un proche comme, cette fois-ci, par un conjoint, font partie d'un continuum de violences conjugales normalisées et banalisées. Ces violences sont le fruit d'un rapport de domination des hommes sur les femmes que la société tolère et banalise.
Les femmes aux intersections de plusieurs systèmes d'oppression tels les femmes âgées, les femmes immigrantes, les femmes autochtones, celles en situation de handicap, les jeunes femmes, les femmes des communautés LGBTQIA, en situation d'itinérance, en situation de dépendance économique, et les femmes que la société racise sont parmi les plus à risque de subir une ou plusieurs formes de violences, elles sont surreprésentées dans les victimes de féminicides.
Pas une de plus
Il faut refuser de baisser les bras et d'accepter que d'autres femmes et enfants soient agressées, violentées, tuées. Des solutions pour mettre fin à la violence conjugale, il en existe ! Ça passe notamment par l'augmentation du financement en prévention, en accompagnement et en hébergement des femmes victimes de violences conjugales, sexuelles et genrées, par des formations obligatoires et continues sur la violence conjugale pour tous les acteurs et les actrices qui interviennent auprès des femmes et des enfants, par des changements en profondeur de la culture de notre système de justice où les agresseurs peuvent récidiver en attente de leur procès, par une éducation à la sexualité axée sur des modèles de relations positifs basés sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Les solutions sont multiples et doivent dénoncer le caractère inacceptable et criminel de la violence envers les femmes et renforcer la confiance des victimes et du public dans l'administration de la justice.
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Des nazis aux astrocapitalistes : l’histoire anti-écologique de la conquête spatiale
Dans « Une histoire de la conquête de l'espace », Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin décortiquent les assauts spatiaux de l'humanité. Et montrent les biais idéologiques mortifères qui motivent les États et les milliardaires.
Tiré de Reporterre
8 février 2024
Par Vincent Lucchese
Il y a quelque chose de fondamentalement toxique dans la conquête spatiale. En remontant aux racines philosophies et industrielles de l'épopée spatiale, Irénée Régnauld, chercheur associé à l'université de technologie de Compiègne et Arnaud Saint-Martin, sociologue au CNRS, déroulent le fil d'un récit aussi fascinant qu'inquiétant. Dans leur récent livre, Une histoire de la conquête spatiale. Des fusées nazies aux astrocapitalistes de New Space (La Fabrique), on découvre la puissance et la constance d'une vision du monde empreinte de mysticisme. Une conception qui a structuré l'ensemble des projets spatiaux et dont les conséquences délétères continuent de nous toucher.
La contribution décisive du régime nazi à l'émergence de l'histoire spatiale est connue. Les ingénieurs du IIIᵉ Reich ont conçu les premières « bombes volantes » puis les premiers missiles balistiques, les V2, qui ont notamment frappé Paris et Londres à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Dès 1945, les Alliés s'arrachèrent ces spécialistes allemands de la balistique. L'enjeu était avant tout militaire, puisqu'il s'agissait de maîtriser au plus vite cette nouvelle technologie que constituaient les missiles. Mais ceux-ci ont rapidement été convertis en fusées, permettant d'envisager le développement des vols spatiaux. L'URSS, la France, le Royaume-Uni et bien sûr les États-Unis exfiltrèrent massivement des ingénieurs allemands, dont l'iconique Wernher von Braun, principal concepteur des V2, qui deviendra étasunien et développera les fusées Saturn V du programme Apollo.
À gauche, Wernher von Braun tenant une maquette de V2 en 1955. À droite, Joseph Goebbels (au milieu) et Albert Speer (à droite) assistant à un lancement de V2 depuis Peenemünde les 16 et 17 août 1943. Domaine public / Nasa via Wikimedia Commons ; Bundesarchiv, Bild 146-1992-093-13A / Hubmann, Hanns / CC-BY-SA 3.0
Ce que soulignent les auteurs, c'est que la parfaite acclimatation de ces savants allemands — dont bon nombre furent des nazis convaincus — aux bases militaires et spatiales étasuniennes, n'a rien d'un hasard. Les influences étaient fortes entre les deux côtés de l'Atlantique : le fordisme et le taylorisme étasuniens suscitèrent dès le début du XXᵉ siècle un fort engouement en Allemagne où ils servaient de modèle de rationalisation du travail et d'efficacité économique.
L'organisation autoritaire du travail dans les usines de Ford, lui-même antisémite, raciste, nationaliste et décoré par Hitler en 1938, symbolise la porosité entre les cultures managériales des deux mondes. Les ingénieurs nazis importés aux États-Unis y trouvèrent donc un terrain favorable pour y implanter leur organisation, décrite comme un « ordre féodal » centré sur le culte du chef charismatique, du « seigneur - ingénieur en chef ».
La « matrice organisationnelle » de tout le secteur aérospatial serait ainsi durablement marquée par ses racines allemandes. Sa philosophie et ses objectifs en sont également imprégnés. Wernher von Braun avait pour vision une colonisation de l'espace par l'humanité en quatre étapes : développer d'abord des navettes, puis une station spatiale, puis conquérir la Lune, puis Mars. Ce « paradigme von Braun » perdure jusqu'à aujourd'hui dans le discours de la Nasa et des États-Unis.
Étendre l'humanité au nom de Dieu
La mission de coloniser l'espace est une obsession qui transcende elle aussi les époques. Elle est teintée d'une forme de religiosité qui a précédé le régime nazi. Dès le XIXᵉ siècle, la science-fiction émergente qui imaginait la conquête de l'espace est bourrée de renvois à la religion, à l'instar du précurseur De la Terre à la Lune et de toute une partie de l'œuvre du « très chrétien Jules Verne », notent les auteurs.
La « destinée manifeste » de l'espèce humaine à s'étendre imprègne aussi l'idéologie calviniste, écrivent-ils, qui a confié aux États-Unis d'Amérique la « mission divine » d'expansion de la civilisation vers l'Ouest. Cette foi dans l'appel de Dieu à « bâtir un nouvel Israël dans un Nouveau Monde » serait ainsi un inépuisable moteur théologique, convoqué de la colonisation de l'Afrique à celle de la Lune, en passant par le mythe étasunien de la Frontière.
Le livre nous rappelle comment tout une élite savante, porteuse d'un fort tropisme occidental, masculin et techniciste, a religieusement entretenu et assuré la transmission de cet imaginaire messianique. Y compris via la mise en place de cérémonials quasi liturgiques autour des lancements de fusée et de l'adulation des astronautes. Un climax de cette évangélisation cosmique étant la lecture d'un extrait de la Génèse depuis l'orbite lunaire, par les astronautes de la mission Apollo 8, diffusée dans une émission de télé massivement écoutée le soir de Noël 1968.
Même les voyages sur la Lune se déroulent dans une optique colonisatrice, d'appropriation des ressources et de compétition avec les autres puissances. Nasa via Unsplash
Les mêmes désirs de « dissémination céleste » de l'humanité pour la sauver de l'extinction se retrouvent en Russie, sous la plume notamment de Constantin Tsiolkovski. Adepte du « cosmisme » russe, il est l'un des pères de la cosmonautique et auteur de la célèbre maxime expansionniste, devenu poncif pour start-uper en mal d'inspiration : « La Terre est le berceau de l'humanité, mais qui a envie de passer sa vie dans son berceau ? »
L'enracinement profond de cette foi dans le destin cosmique de l'humanité permet de mieux comprendre l'hubris et les délires démiurgiques des nouveaux milliardaires de l'aérospatial, dont les figures de proue Jeff Bezos et Elon Musk ne cessent de promettre des cités spatiales géantes et la colonisation de Mars.
« Celui qui contrôle l'espace contrôle la Terre »
L'autre pilier essentiel de l'industrie spatiale, incontournable pour comprendre les colossaux efforts financiers et techniques déployés depuis près d'un siècle, c'est la militarisation de l'espace. Après 1945, le potentiel de ces nouveaux missiles balistiques, associés aux bombes nucléaires, a incarné la menace ultime. États-Unis et URSS se lancèrent dans une course aux armements : pour éviter d'être anéanti par une pluie de missiles balistiques nucléaires, chacune des deux superpuissances devant rester à la pointe de la technologie pour assurer un sinistre équilibre de la terreur.
Or, une fusée est avant tout un missile, martèlent les auteurs dans leur ouvrage, à l'instar de cette filiation directe entre V2 allemandes et programmes lunaires. Tous les programmes spatiaux, façonnés par les États, sont passés par le prisme militaire de cette priorité stratégique.
Le fil directeur de décennies de conquête spatiale tient au concept « d'astrodéterminisme ». L'idée que « celui qui contrôle l'espace, contrôle la Terre » hante la course à l'espace et la course à la Lune entre les deux blocs. La crainte très actuelle d'une arsenalisation de l'espace, faiblement freinée par le droit, et l'utilisation massive de satellites espions, sont les catalyseurs du développement d'un « État sécuritaire global hypertrophié », « ivre de son hubris technophile », insistent les auteurs en citant Kristie Macrakis, l'une des historiennes des sciences convoquées dans leur démonstration.
Un long-termisme anti-écologique
Au-delà du danger sécuritaire et militaire immédiat, le projet du « complexe militaro-industriel-spatial » est aussi mortifère d'un point de vue purement ontologique, au travers de son discours mystique. Car il sous-tend une relativisation de l'importance de préserver la planète. Vu par le fantasme prométhéen de colonisation du cosmos, le « vaisseau spatial Terre » n'est plus si irremplaçable. Cela s'incarne notamment dans l'engouement pour le long-termisme, en vogue dans la Silicon Valley et dans le monde anglo-saxon.
Ce courant philosophique prétend défendre les intérêts du long terme de l'humanité par un calcul utilitariste : la vie de dix humains vaut plus que la vie d'un seul. Donc si 99 % des humains sont encore à naître — si l'on fait en sorte que l'espèce survive encore de nombreux millénaires —, ce plus grand nombre confère à leur bien-être plus de valeur qu'à celui des humains d'aujourd'hui. D'où une relativisation de la crise écologique : même si la catastrophe est immense, l'humanité devrait y survivre. Mieux vaut donc placer les efforts dans la lutte contre les menaces vraiment existentielles, en investissant dans les artefacts technologiques afin de rendre notre espèce multiplanétaire et donc immortelle.
Si l'Humanité s'étend à travers la galaxie, alors préserver l'habitabilité d'une planète - la Terre - n'est plus si important, raisonnent les promoteurs d'une conquête spatiale infine. Nasa via Unsplash
L'argumentaire colle parfaitement au récit des acteurs capitalistes du New Space. Les auteurs rappellent à ce titre que ces entreprises, à l'instar de l'emblématique SpaceX d'Elon Musk, sont largement subventionnées par les États, notamment par la Nasa aux États-Unis, et sont les héritières d'une longue histoire industrielle, loin du storytelling de l'acteur génialement disruptif surgi de terre ex nihilo.
Ces acteurs du New Space prolongent le projet presque centenaire du complexe militaro-industriel-spatial, tout en incarnant l'ultime étape du capitalisme : sur un monde aux ressources finies et qui s'épuisent, l'espace fait figure de dernière échappatoire pour garantir la poursuite de l'accumulation du capital. Tant du point de vue du discours (les promesses très incertaines d'exploiter des ressources minières de la Lune et des astéroïdes) que par l'ouverture plus concrète de nouveaux marchés, dans les télécommunications surtout, via les projets de mégaconstellations de satellites.
Ambitions fragiles et alternatives cosmosocialistes
La relecture de l'histoire spatiale qu'offrent Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin est dense et convaincante. Elle échappe heureusement au fatalisme en soulignant que la poursuite du projet prédateur et mystique de l'« astrocapitalisme » repose sur des bases fragiles.
L'enthousiasme pour les startups du New Space ressemble d'une part à une énorme bulle spéculative qui pourrait bien éclater. Le modèle économique de SpaceX, dont est fortement dépendante la Nasa, est d'autre part lui aussi vacillant. L'entreprise poursuivrait une vertigineuse fuite en avant dans les investissements pour rentabiliser le développement de sa mégaconstellation de milliers de satellites. Or, pour se déployer à l'échelle et à un coût abordable, le projet dépend de l'arrivée du Starship, plus grande fusée du monde en devenir. Celle-ci prend du retard, a encore explosé en vol test fin 2023 et Elon Musk a lui-même dramatisé les enjeux existentiels de la réussite de ce projet pour son entreprise.
Surtout, les auteurs rappellent qu'une autre culture spatiale est possible. La science, souvent mise en avant de manière fallacieuse pour justifier l'hubris de conquête, reste une excellente raison d'explorer l'univers, mais questionne l'intérêt des coûteux vols habités face aux progrès de la robotique. La science du climat, par ailleurs, et toutes celles qui permettent de mieux comprendre et surveiller l'écologie terrestre, dépendent de données extrêmement précieuses récoltées par les satellites, qu'il s'agirait de pérenniser et prioriser face aux risques de saturation de l'orbite terrestre générés par les mégaconstellations.
Préserver l'orbite terrestre de la pollution et se débarrasser des œillères de « l'esprit de conquête », forme pour certains scientifiques la base d'une « éthique de l'espace ». Nasa via Unsplash
Face au discours hégémonique qui tend à naturaliser le concept de conquête spatiale, plusieurs récits alternatifs sont ainsi d'ores et déjà mobilisables. De plus en plus d'astronomes se fédèrent pour contester la pollution visuelle et l'appropriation du ciel par SpaceX et ses concurrents. L'astronomie elle-même peut réorienter sa mythologie et s'employer à tourner notre regard vers la Terre, comme nous le proposait l'astronome Frédéric Boone l'an dernier.
La montée des critiques, notamment face aux pollutions diverses, dans le ciel et sur les bases de lancement, rend de plus en plus audible le travail de chercheurs sur une « éthique de l'espace ». La prise en compte des cosmologies non occidentales, le remplacement de l'esprit de conquête par un mélange d'exploration et de contemplation astronomiques sont autant de pistes pour explorer d'autres astrocultures.
Une vision communaliste de la science astronomique, stimulée par la quête de connaissances littéralement universelles, pourrait même préfigurer l'avènement d'une nouvelle forme de socialisme cosmique, ose le chercheur Peter Dickens.
L'utopie peut faire sourire. Mais elle n'est probablement pas moins irréaliste que la promesse astrocapitaliste de mégapoles flottant dans le vide spatial. Et elle est, assurément, moins délétère.
Une histoire de la conquête spatiale. Des fusées nazies aux astrocapitalistes du New Space, d'Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin, aux éditions La Fabrique, février 2024, 282 p., 20 euros.
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Une histoire intellectuelle de la laïcité
Un livre important vient de paraitre, aux PUF. Consacré à une Histoire intellectuelle de la laïcité de 1905 à nos jours, il rompt, de façon heureuse, avec les débats politico-médiatiques passionnels sur la laïcité pour l'investiguer comme un « objet de réflexion et non comme [un] éternel sujet polémique ». Ce livre permet notamment de comprendre pourquoi il existe, en France, une grande distorsion entre la célébration de la laïcité et la réticence à accepter un savoir sur elle, spécialement sur la loi de 1905 (on préfère, chaque année, faire du 9 décembre, jour de sa promulgation, la « Journée de la laïcité », plutôt que de la bien connaitre).
Tiré du blogue de l'auteur.
Il est donc intéressant de présenter cet ouvrage de façon un peu substantielle. Après cette présentation, un PS reviendra sur les réactions suscitées par ma Note du 6 février : « Israël-Palestine, notre responsabilité ».
Cette Histoire intellectuelle de la laïcité de 1905 à nos jours à pour auteur Vincent Genin, historien des idées, déjà estimé dans les milieux académiques pour ses travaux sur l'helléniste Marcel Détienne et sur Max Weber. Genin est belge, précision pas inintéressante car la Belgique comporte un fort courant laïque ( ce pays s'est, par exemple, opposé à l'inscription de « racines chrétiennes » dans feu le projet de Constitution européenne) ; de plus, comme l'a souligné en son temps Monsieur de La Palice, la Belgique… n'est pas la France, mais possède une frontière commune avec elle et une partie de ses habitants sont francophones.
C'est donc un regard qui mêle distance et proximité que Genin porte sur l'étude de la laïcité en France depuis plus d'un siècle. L'auteur propose « un voyage dans la laïcité de ceux qui la travaillent ». Pour cela, il a lu attentivement un nombre impressionnant d'ouvrages et d'articles. Il a également découvert et dépouillé plusieurs archives.
Un résultat frappant de son étude est la mise en lumière de l'absence (sauf très rares exceptions), jusqu'à une période fort récente (significativement, celle de la « nouvelle laïcité » prônée par François Baroin en 2003), de travaux académiques sur la laïcité, par des universitaires agnostiques ou athées et, d'autre part, le fait que les historiens de la politique française contemporaine n'ont pas intégré l'histoire de la laïcité, spécialement le « moment 1905 », dans l'histoire de la République. Précisons ce dernier point.
Certes, Genin le rappelle, le premier travail qui, dès 1909, aborde l'histoire du processus conduisant à la loi séparant les Églises de l'État, provient d'un historien, professeur en Sorbonne, qui ne cachait pas son anticléricalisme, Antonin Debidour. Celui-ci effectue son approche dans le cadre d'une étude sur L'Eglise catholique et l'Etat de 1889 à 1906 ; ce qu'il écrit sur la laïcité est donc surdéterminé par une histoire politique du catholicisme (et non de la République). De plus, après la guerre 1914-1918, Debidour n'a pas de postérité intellectuelle et ses travaux sont mis au rencart. À mon avis, cette carence provient du fait que la « France anticléricale » a voulu oublier le fait d'avoir dû beaucoup « prendre sur soi » lors de la séparation, tandis que, dans l'autre camp, on ne faisait confiance qu'aux historiens catholiques pour écrire l'histoire de « l'Église » (sans épithète !).
À ce moment-là, le spécialiste de la laïcité est le chanoine Capéran, recteur du grand séminaire de Toulouse, auteur d'une Histoire contemporaine de la laïcité française, en trois tomes, publiés de 1957 à 1960, travail précédé d'un ouvrage, datant de 1935, L'invasion laïque. De l'avènement de Combes au vote de la séparation. « L'invasion laïque »… : le chanoine annonce clairement la couleur ! Néanmoins, il fait preuve d'une grande érudition et étudie bel et bien la laïcité en tant que telle, preuve en est : il cite beaucoup de textes de la libre-pensée, textes absents de l'œuvre de Debidour (mais c'est, bien sûr, pour les dénoncer).
Capéran va donc constituer une source pour les historiens, alimenter d'érudition la mémoire collective et la biaiser. Cela induit la perspective légendaire, encore présente (cf. mes Notes du 6 septembre 2023 et du 22 janvier 2024) d'une séparation ayant constitué une mise au pas du catholicisme. Genin écrit : « En 1935, dans L'invasion laïque, c'est bien la ligne argumentative de la ‘laïcité dévoyée' qui est soutenue par Capéran. Ce topos de la falsification reviendra souvent dans ses travaux sur la laïcité ».
Un autre historien, fils de rabbin et agnostique, Georges Weill, avait pourtant écrit auparavant, en 1925, une Histoire de l'idée laïque en France au XIXe siècle, mais cet ouvrage, indique notre auteur, n'a « pas connu une grande postérité historiographique ». Weill n'appartenait ni au camp clérical ni au camp anticlérical et, souligne Genin, il rattachait l'histoire de la laïcité à celle du catholicisme social.
De fait, ni les historiens de l'école des Annales, ni ceux qui ont abordé tel ou tel aspect de l'histoire de la République et/ou de l'histoire politique de la France n'ont effectué de recherches sur la laïcité, excepté Mona Ozouf sur l'école laïque et Antoine Prost sur l'histoire de l'enseignement. Mais l'événement structurant de la loi de 1905 n'est, lui, jamais l'objet d'un travail universitaire. Aucune étude de Maurice Agulhon, Gilles Candar, Christophe Charle, Gérard Noiriel, Pierre Nora, Pascal Ory, Madeleine Rebérioux, Pierre Rosanvallon, Jean-François Sirinelli, Michel Vovelle, etc, etc. Chacun.e a ses raisons, la convergence d'ensemble apparait très significative d'un malaise récurrent devant cet objet historique.
Quant à l'historien, spécialiste par excellence de la République, Claude Nicolet, il « ne traite pas de ‘l'idée laïque', remarque Genin, mais bien de ‘l'idée républicaine', à laquelle elle semble se substituer, quitte à ‘escamoter' la laïcité. » Notre auteur cite alors Nicolet lui-même se justifiant de dégager en touche : « la laïcité est trop connue pour qu'on y insiste longtemps », et Genin de commenter : « La non-objectivation de la laïcité en devient un lieu commun » car, qu'est-ce qui est trop connu : l'histoire de la laïcité ou sa mémoire ? Nicolet, précise l'historien belge, « propose une démarche qui relève avant tout de la mémoire. [Or] comme le dit Pierre Nora, à cette époque, l'histoire laïcise et la mémoire sacralise. » Très éclairant paradoxe !
La laïcité, chez les historiens du politique dans la France contemporaine, a été de l'ordre de la mémoire et de la conviction sacralisantes, non de la démarche historienne objectivante. Genin le montre bien à propos d'un homme de haute stature (que j'ai beaucoup apprécié par ailleurs), Maurice Agulhon. Très laïque de conviction, il ne s'est pourtant pas aventuré à traiter le sujet en historien, et cela s'avère d'autant plus notable qu'Agulhon, remarque Genin, « dans le deuxième volume de son Histoire vagabonde, [retrace] très bien la double sacralisation dont la France en tant que nation [a] fait l'objet depuis 1789, qu'elle vienne de gauche (les principes de 1789), ou de droite (la communauté terrienne). »
Significativement, encore en 2017, les mille pages de L'Histoire mondiale de la France de Patrick Boucheron n'en comporte aucune sur la laïcité.
Devant les critiques, un chapitre (dense mais trop bref) a été rajouté, « 1905. Une laïcité à la française ? », lors de la réédition (p. 752-757). Mon hypothèse, que Genin ne formule pas explicitement, mais que les matériaux qu'il livre contribuent à rendre plausible, est que la façon dont s'est effectuée la séparation apparait trop dérangeante pour la manière dont on raconte la République. Le rapport Etat-citoyen tel que l'analyse, par exemple, Rosanvallon (pour le critiquer), ou d'une autre façon Nicolet (pour s'en réjouir), colle bien avec l'anticléricalisme d'Etat de Waldeck-Rousseau ou d'Emile Combes, mais elle ne fonctionne plus si on met en lumière Aristide Briand et les points saillants de la séparation. Du coup, cela a été : « cachez cette séparation que je ne saurais étudier » !
Face à cette désertion, à ce déni historiographique récurrent, l'étude de la laïcité s'est trouvée, du coup, l'apanage de milieux intellectuels catholiques. Genin attire l'attention sur le séminaire de René Rémond à Sciences-Po, au tournant des années 1950-1960. Rémond ne cache pas son optique et notre auteur le cite : la laïcité a « retenu une grande part de mon attention comme historien, comme citoyen, et […] comme chrétien. »
Genin précise, à propos de ce séminaire : « Son référentiel catholique relève d'une histoire très récente. 1924, 1941 et 1952 sont l'objet des réflexions du moment. On cherchera en vain des séances consacrées à la loi de 1905, aux lois Ferry ou à la Révolution. » Une citation du politiste donnée par Genin, très postérieure celle-là, puisqu'elle figure dans L'invention de la laïcité de 1789 à demain, livre publié en 2005, montre, en outre, que Rémond reste dépendant de la légende noire à laquelle Capéran a donné des lettres d'érudition (sinon de noblesse !) : l'« application [de la loi de séparation] a été conduite, écrit le prof de Sciences-Po, avec une brutalité qu'aucun gouvernement aujourd'hui n'oserait exercer contre n'importe quelle catégorie sociale. »
Quelle que soit la stature intellectuelle de Rémond (pendant longtemps véritable ‘pape' de Sciences-Po !), j'ose affirmer qu'il n'a certainement pas effectué un nécessaire travail de première main car son assertion est fausse. Le troisième tome de mon étude sur La loi de 1905 n'aura pas lieu (qui paraitra mi-mars) montre, que l'application de la loi par le gouvernement de la République a été, au contraire, on ne peut plus conciliante.
En effet, Pie X a non seulement interdit aux catholiques de se conformer à la loi de 1905 (le fait est connu), mais (plus grave aux yeux de Briand, de Clemenceau et d'autres) le pape leur a également défendu de se conformer à la loi de 1881 sur la liberté des réunions publiques, pourtant élargie pour être adaptée aux conditions particulières de la tenue des messes (ce qui est beaucoup moins connu). Même rejet, ensuite, des trois lois adoptées ( janvier, mars 1907 et avril 1908) tout exprès pour que le culte catholique puisse s'effectuer dans la tranquillité, malgré le refus de ses membres d'« obéir » aux lois de 1905 et de 1881. La conséquence logique de ces vétos successifs était la fermeture des églises.
Or, le titre du troisième tome de mon étude reprend un mot d'ordre qui circulait dans la gauche républicaine (et que Briand a utilisé devant le Parlement à quatre reprises, sans en être l'auteur) : rendre L'Eglise catholique ‘légale malgré elle'. Effectivement, contrairement à ce que tout le monde prévoyait (y compris à droite), les églises (propriété publique) sont restées « ouvertes », confiées à des curés « sans titre juridique ».
J'avais oublié, pour ma part, cette affirmation de Rémond sur la « brutalité ». Il n'est guère étonnant, quand quelqu'un d'aussi prestigieux sur la scène intellectuelle française énonce une telle contrevérité, que des personnalités politiques, des éditorialistes, des journalistes, des publicistes, et même des professeurs, véhiculent ensuite des idées aberrantes sur la loi de 1905. Cela me parait grave scientifiquement et pas du tout neutre politiquement.
Alors bien sûr, quand Rémond écrit cela, il a en tête des choses précises : la crise des inventaires, l'expulsion des évêques de leurs Palais épiscopaux, des séminaristes de leurs séminaires. Seulement, il est, lui aussi, dans la mémoire et non dans l'histoire car il fait comme si ces événements étaient des conséquences de la loi de 1905. Or c'est faux.
Les heurts des inventaires sont dus au fait que des catholiques ne voulaient pas que la loi s'applique avant que le pape ne se soit prononcé (et, de plus, des fake news circulaient), les expulsions provenaient du fait que les catholiques s'étaient mis dans l'illégalité. La transmission des biens ecclésiastiques, notamment, était rendue impossible, faute de la formation d'associations cultuelles catholiques.
Vraiment très bonne fille, la République a réussi à trouver un autre biais permettant de donner 40% de ces biens à des mutuelles de prêtres ; or le pape a interdit la création de ces mutuelles. Sélective et déformante, la mémoire, la légende noire catholique (qui est également une légende dorée républicaine) confond la loi de 1905 avec les conséquences induites par les quatre refus pontificaux empêchant les catholiques de se conformer aux lois françaises.
Revenons à Genin. Quoi qu'il en soit, faute de l'intérêt des historiens de la République, le séminaire de Rémond à Sciences-Po a été la matrice de la réflexion contemporaine sur la laïcité, ce qui a, bien sûr, orienté son interprétation. Très vite, le relai est pris par d'autres catholiques proches de la revue Esprit, et notamment le jeune (à l'époque) historien Jean-Marie Mayeur qui, rappelle Genin, estimait beaucoup Capéran et qui, pourtant, en travaillant sur une partie des débats parlementaires[1], a mis la figure conciliatrice d'Aristide Briand au centre du processus. En 1966, Mayeur opère une révolution historiographique, en étant, poursuit notre auteur, « convaincu que cette laïcité [de 1905] est théologiquement compatible avec le catholicisme. »
Certes, près de soixante ans plus tard, la révolution historiographique effectuée par Mayeur peut paraitre relative. Son ouvrage s'intitule La Séparation de l'Eglise [et non des Eglises] et de l'Etat (les éditions postérieures ajouteront le « s » sans changer le contenu) ; le refus de la loi de 1881 aménagée est traité de façon si allusive que personne ne peut comprendre ce dont il s'agit (l'historien se borne à écrire : « Pie X interdit ainsi d'entrer dans le jeu du gouvernement » !). De même la solution qui aurait permis la sauvegarde de 40% des biens ecclésiastiques est traitée en quelques lignes rendant l'affaire incompréhensible. Cela est d'autant plus troublant que Mayeur a fait sa thèse de doctorat sur l'abbé Lemire, prêtre qui fut au cœur de cette tentative d'accommodement (c'est lui qui a eu l'idée des mutualités de prêtres).
En fait il subsiste, chez Mayeur, un ultime verrou : l'impossibilité de désavouer un pape (selon l'historien, son « intransigeance » fut « féconde » ; ce que tous les faits contredisent). Mais cela ne doit pas faire oublier la réaction de « surprise » manifestée par beaucoup de lecteurs devant l'étude de Mayeur. De manière heureuse, Genin insiste sur ce point. Ainsi, l'ancien ministre, Edmond Michelet, démocrate-chrétien devenu gaulliste, est très étonné, à la lecture du livre, de percevoir « un Jaurès si compréhensif ». Bref, avec Mayeur, la légende noire en prend un sacré coup et il opère un salutaire changement.
Deux autres historiens catholiques rédigent des travaux qui vont dans le même sens, le Britannique Maurice Larkin (Church and State after the Dreyfus Affair. The Separation Issue in France, 1974), qui, selon Genin, « invite en creux les historiens français à décentrer leur regard » et Emile Poulat : ce dernier publie en 1987, Liberté-laïcité. La guerre des deux France et le principe de la modernité. En 2003, il soulignera à nouveau, dans Notre laïcité publique (Genin le cite) que le passage du « principe de catholicité » au « principe de laïcité » induit l'abandon « de la reconnaissance du monopole de la vérité » (détenu par le catholicisme) pour faire place au « pluralisme des systèmes de conviction ».
J'ajouterai un commentaire plus personnel : j'ai moi-même qualifié ces trois auteurs (Mayeur, Larkin, Poulat) de « dream team » et j'estime beaucoup leur oeuvre. Cependant, si la démarche historienne est objectivante, aucun historien ne prétend être dans une absolue objectivité. Habituellement, la pluralité convictionnelle de la communauté historienne amène chacun à opérer des ajustements.
La défection des historiens de la République a fait que, dans ce cas précis, cela n'a pas été le cas et si l'optique s'est scienficisée (excusez le néologisme), elle est restée, dans une large mesure, cathocentrée. A lire, et relire, ces historiens, il me semble que leurs travaux s'articulent autour de la question : « Qu'est-il arrivée à l'Eglise catholique avec la loi de séparation ? » Leur grand mérite consiste à sortir d'une histoire ‘victimaire' toujours présente (nous venons de le voir) chez Rémond. Ils ont donc fait leur boulot ! Mais, une question essentielle est restée sans réponse (et c'est pourquoi je m'y suis attelé) : « Qu'a fait la République en séparant les Eglises de l'Etat ? »
Je viens seulement de rendre compte des trois premiers chapitres de cette Histoire intellectuelle de la laïcité[2], les cent premières pages d'un ouvrage qui en compte 345, mais poursuivre m'amènerait à commenter ce que Genin écrit de mes propres études – j'apparais à partir du troisième chapitre et l'auteur montre, notamment, qu'avant même d'être titulaire, en 1991, de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l'EPHE, j'avais déjà orienté certains de mes travaux en ce sens. En le lisant, je me suis rendu compte à quel point, des années 1980 à maintenant, mes recherches m'ont fait évoluer : en fait, il a fallu me défaire progressivement de l'état des connaissances acquises (de leurs biais, de leurs angles morts) pour découvrir les horizons insoupçonnés qui ressortaient de l'analyse de multiples sources.
Une autre raison me fait arrêter là mon compte-rendu : ne pas court-circuiter la lecture de ce livre passionnant en résumant sa totalité. Vous devrez donc vous contenter de connaitre le titre des chapitres suivants (en espérant que cela vous mettra l'eau à la bouche !) : « Les années d'incubation 1985-1988 » ; « Les années électriques 1988-1992 » ; « Internationalisation et réflexivité 1992-2005 » ; « Fausse unanimité et ‘inflexion sécuritaire' 2005-2016 » ; « Le nouvel avatar du nationalisme depuis 2016 » ; et enfin « Considérations finales. La République du même ».
Il est question dans ces chapitres, entre autres, d'Elisabeth Badinter, de Régis Debray, Caroline Fourest, Marcel Gauchet, Catherine Kintzler, Jacqueline Lalouette (oubliée dans l'index, mais présente dans le livre), Henri Pena-Ruiz, Philippe Portier, Dominique Schnapper, Jean-Paul Willaime, Valentine Zuber, …, de juristes naturellement, et aussi d'un certain Emmanuel Macron.
L'analyse du rapport de Baroin en 2003, transformant la laïcité en une « valeur de la droite », les titres et le contenu des derniers chapitres et de la conclusion, tout cela indique la thèse soutenue, in fine, par l'auteur : « dans son ultime détournement », le « mot totémique » de « laïcité » est devenu aujourd'hui, en France, de façon dominante, « le nouveau visage du nationalisme ». Un bel ouvrage à méditer.
***
PS : Un dernier mot sur ma Note « Israël-Palestine, notre responsabilité ». Naturellement, comme un lecteur me le rappelle, en publiant des notes sur Mediapart, je m'expose à des critiques et je les accepte à l'avance ( j'ajouterai : tant qu'elles respectent les principes contenus dans le préambule de la Constitution qui constituent notre lien politique). C'est effectivement le cas des remarques, même dures, qui ont été faites. OK. Néanmoins, puisque certain.e.s lectrices/lecteurs se sont déclaré.e.s « déçu.e.s » par ma Note, j'ai le droit égal de leur dire que, moi-même, j'ai été déçu par plusieurs réactions (pas toutes, loin de là). Il y a, me semble-t-il, certainement un malentendu et, peut-être, une divergence.
Le malentendu provient du fait que des personnes ont estimé que je sortais indument de mon champ de compétence. Le fait que j'écrive ce que j'ai écrit, tout en m'affirmant « ami des Palestiniens » a même étonné. Or mon point de vue est, en partie, ancré dans mon histoire personnelle. Dans les années 1970, j'ai été un des conseillers politiques du représentant de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) en France, Azzedine Al Kalak, qui, par ailleurs, était un ami très cher. Il s'interdisait de fonder une famille tant que la guerre avec Israël durait et aimait donc passer des soirées chez moi, jouer avec mes jeunes enfants. J'ai dirigé l'hebdomadaire Palestine-Information, organe officieux de l'OLP, j'ai édité le discours de Yasser Arafat à l'ONU, en novembre 1974 (« Je suis venu tenant d'une main un rameau d'olivier et de l'autre un fusil de combattant de la liberté »), j'ai reçu de façon récurrente des menaces de mort et j'ai même participé à une opération de fedayin, à partir de la Jordanie, en Palestine occupée. Or j'ai toujours considéré que la lutte contre l'antisémitisme était l'autre face de ce combat. Pendant mes venues à la Bibliothèque nationale, je me suis documenté sur la question, j'ai pu ainsi contribuer à faire connaitre l'ampleur et la pesanteur historique de l'antisémitisme en Europe à des dirigeants palestiniens, et j'ai même subi à cause de cela certains désagréments en Irak (Saddam Hussein, alors ministre de l'Intérieur, dirigeait déjà, de fait le pays).
Je n'insiste pas davantage car je raconte ces années de ma vie dans mon livre autobiographique Une si vive révolte. L'important, pour le sujet qui nous occupe, consiste à savoir que j'ai été extrêmement affecté par le meurtre d'Azzedine, assassiné en 1978, par deux Palestiniens partisans du « Front du refus » (je connaissais l'un des deux). Depuis lors, il me semble que les Palestiniens extrémistes desservent la cause palestinienne. Si je suis toujours sympathisant de cette cause, depuis cette douleur et ce choc politique, je n'en suis plus militant. Voilà, pour reprendre une expression post-soixante-huitarde, « d'où je parle ».
Cela suffit-il à mieux me faire comprendre ? Je ne sais. Il m'a semblé que certains commentaires me faisaient dire tout autre chose (voire, parfois, le contraire) de ce que j'avais écrit. Je ne crois pas avoir minimisé ce que subissent actuellement les Palestiniens avec la politique criminelle de Benjamin Netanyahu. Cependant, mes Notes n'ont pas du tout la prétention de donner un tableau complet où serait repris ce que l'on peut lire ailleurs. Non, je focalise sur tel ou tel point où il me semble que je peux apporter un petit peu de neuf, sans prétendre rendre compte de toute la réalité. Donc, je persiste et signe : le sionisme est une conséquence historique de l'antisémitisme occidental (et, non, on ne peut pas s'en exonérer facilement en prétendant que c'étaient seulement les « classes dominantes » : il a existé un antisémitisme socialiste) et il me semble important de le rappeler aujourd'hui, afin de contribuer à éviter tout amalgame.
Les amalgames, je les combats quand les Arabes et/ou les musulmans en sont victimes. Je les combats également quand les juifs en sont la cible. Eh oui, au vu de l'histoire, je crains, en France, un développement de l'antisémitisme, et je souhaite -goutte d'eau dans l'Océan- contribuer autant que faire se peut à le prévenir. La lutte contre l'antisémitisme est légitime en soi, et elle n'a pas besoin de justification. On peut, cependant, ajouter que l'antisémitisme, et même le moindre manque d'empathie envers les juifs, dessert la cause palestinienne, puisque le discours de dirigeants israéliens consiste à prétendre que, hors d'Israël, les juifs ne vivraient pas en paix. Bref, la question « comment ne pas minimiser ce que subissent les Palestiniens […] sans que nos propos contribue, même indirectement, à un développement de l'antisémitisme en France ? » continue de me tarauder en même temps que la souffrance du sort des Palestiniens. Désolé, mais c'est ainsi. Je ne puis autrement.
Voilà, pour ce qui me concerne, je clos le débat par cette mise au point.
Notes
[1] Mayeur arrête son étude à l'article 8 d'une loi qui en comporte 44. De plus, au risque de paraitre prétentieux, les presque 10 ans de recherche que je viens d' effectuer (sur une loi que je croyais pourtant déjà bien connaitre !) m'ont convaincu que personne n'avait lu la totalité des débats parlementaires portant sur le processus de préparation, de fabrication et d'application de la loi de 1905. En effet, des aspects capitaux, liés à ces débats, ne sont jamais évoqués.
[2] « Archéologie des traditions politique et philosophique » ; « Une cristallisation sous les auspices d'un catholicisme de gauche 1956-1966 » ; « Eclipse et rebond 1966-1985 ».
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La prise de conscience de l’extractivisme tout-électrique au Québec
« Le Canada déclasse la Chine en tant que meilleur endroit au monde où bâtir une chaîne d'approvisionnement pour les batteries aux ions de lithium, selon un classement publié mardi dernier par la firme de recherche stratégique BloombergNEF », entre autres à cause « des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) » mais aussi par suite de « [l]'intégration de l'industrie canadienne avec le secteur automobile américain ». Est-ce ce succès néolibéral qui en réaction entraîne une prise de conscience des milieux écologiques du Québec que l'extractivisme tout-électrique ne nous sort nullement du pétrin de l'extractivisme des hydrocarbures. On le constate dans l'évaluation que font quatre médias du récent rapport de « L'état de l'énergie 2024 » des HEC qui reste cependant dans le cadre de l'économie de marché. Heureusement, ce biais est quelque peu corrigé par l'analyse percutante de l'IRIS sur la puissance de l'industrie automobile contre lequel des femmes de science esquissent timidement les prémisses d'une société sans « char ».
De direLe Devoir qui trace un panorama de la situation :
La croissance de la production d'électricité souhaitée par le gouvernement Legault est loin d'être une panacée, selon ce qui se dégage de la 10e édition de l'État de l'énergie au Québec. Au contraire, cette ruée vers de nouveaux projets risque de stimuler notre surconsommation énergétique, alors que nous devrions réduire la demande en transformant nos modes de transport centrés sur l'auto solo, mais aussi en révisant les tarifs résidentiels. […] « Cette grande consommation s'explique en partie par la consommation industrielle liée à l'hydroélectricité, qui a attiré ici des secteurs industriels énergivores, mais aussi par une consommation énergétique, dans les transports et les bâtiments (résidentiels et commerciaux), supérieure à celle de pays européens dont le niveau de vie est comparable ou supérieur », précise le document […] en raison notamment de l'augmentation du parc automobile et de la superficie de l'espace à chauffer dans les secteurs résidentiel, commercial et institutionnel. Sans oublier le manque de progrès en matière de « performance énergétique » des industries, où pas moins de 60 % de l'énergie consommée est perdue. […]
Selon lui, la baisse de la demande énergétique dans le secteur des transports devrait d'ailleurs être une priorité. Pour y parvenir, la recette est bien connue : « mettre en place des incitatifs au télétravail, au transport actif, au transport en commun, au covoiturage et à l'autopartage ». Bref, mettre en oeuvre la politique de mobilité durable du Québec. Dans son plus récent rapport, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat plaidait lui aussi pour une révolution dans le secteur des transports qui passerait par l'aménagement des villes, afin de « permettre les déplacements en transports collectifs, mais aussi à pied ou à vélo ». […] Mais avant de songer à « construire des infrastructures controversées qui alimenteraient notre surconsommation », Pierre-Olivier Pineau plaide pour la mise en oeuvre de solutions « moins dispendieuses », mais possiblement plus difficiles à mettre en place sur les plans social et politique. Il cite comme exemple le besoin de rénovations des bâtiments pour des raisons d'efficacité énergétique, mais aussi la nécessité de permettre l'« autoproduction » pour les consommateurs industriels.
Avec le Canada anglais et les ÉU, le Québec est champion mondial de la consommation d'énergie par habitant… et la volonté de la CAQ d'augmenter de 50% la production d'électricité va en faire un champion hors catégorie. Le bât blesse dans tous les secteurs, transport, bâtiments et industrie, pour cause de plus gros bolides, de plus grosses maisons et d'inefficacité industrielle. Il y a de quoi effarer n'importe quel écologiste bon teint engoncé dans le marché pour qui productivité et compétitivité sont l'alpha et l'oméga. Il lui suffira d'en appeler à la technocratique « politique de mobilité durable » dans une ville conviviale, à la rénovation des bâtiments financée par Dieu-sait-qui et à « l'autoproduction » énergétique des industries. Pour réduire drastiquement la consommation d'énergie, ne faudrait-il pas plutôt interdire maisons individuelles et attenantes et véhicules privés en faveur d'un urbanisme densifié avec espace vert et sans étalement urbain ? La transformation écologique des bâtiments nécessitera une planification et un financement publics tout comme la production d'énergie un contrôle public.
De mettre en évidence La Presse le bon marché de l'électricité :
Hydro-Québec devrait vendre son kilowatt au coût de production d'aujourd'hui aux entreprises qui veulent s'établir en territoire québécois pour profiter d'une source d'énergie fiable et verte. […] Le Québec est déjà un champion mondial de la consommation d'électricité et il risque de conserver ce titre encore longtemps en voulant attirer les entreprises qui veulent se décarboner avec ses bas tarifs d'électricité. « On a toujours fait du développement économique avec l'électricité au Québec et on peut certainement devenir les fournisseurs du monde pour certains produits, mais je préférerais qu'on travaille par ailleurs à améliorer la performance énergétique », dit le professeur [Pineau], ce qui passe notamment par une augmentation du prix de l'électricité qui inciterait à mieux l'utiliser. […] Selon le professeur, Hydro-Québec devrait idéalement facturer l'électricité au coût de production d'aujourd'hui, soit son coût marginal, à tous ses clients pour assurer une utilisation efficace de la ressource. […] « Non seulement on a la plus faible productivité énergétique [soit la richesse créée par unité d'énergie consommée] parmi les pays du monde auxquels on aime se comparer, comme l'Allemagne ou la Norvège, mais on est celui qui a le moins progressé », déplore-t-il. […]
La part des produits pétroliers dans le total de l'énergie consommée est restée la même et le gaz naturel a maintenu sa part et le parc automobile continue d'augmenter. « J'aurais aimé voir les émissions de gaz à effet de serre diminuer, comme on l'avait prévu dans la politique énergétique de 2015, mais clairement, on n'en est pas là », dit le professeur. […] La voiture continue de reculer face aux véhicules utilitaires sport (VUS) et aux camions légers, constate encore L'état de l'énergie. […] « Le même phénomène affecte les véhicules électriques : les ventes de camions électriques dépassent désormais celles des voitures électriques. Ce déclin de la voiture au profit de véhicules plus gros et plus lourds est problématique à plusieurs égards : les consommateurs achètent des véhicules qui coûtent davantage et consomment plus d'énergie que des alternatives disponibles » […] La Chaire en énergie de HEC Montréal note qu'il n'est plus question de pipelines ou d'exploitation d'hydrocarbures. Les projets d'hydrogène vert, en revanche, émergent un peu partout sur le territoire […lequel] nécessite énormément d'électricité.
Ce point de vue néolibéral écologiquement éclairé, pourrait-on dire, se prononce contre l'électricité bradée pour les entreprises en faveur d'une politique de prix de marché au coût marginal. Sans compter que ce bradage nous vaut une faible productivité électrique et qu'il ne fait en rien reculer notre dépendance pétrolière et gazière et encore moins la déviance vers les VUS électriques et l'hydrogène soi-disant vert. Malgré ces correctifs, cependant, la politique énergétique reste prisonnière des intérêts des multinationales, québécoises ou étrangères peu importe, qui s'en tiendront au sillon tout-électricité même si une part plus importante de la rente hydroélectrique reviendrait à l'État québécois et peut-être des peccadilles pour le peuple québécois. Et ça ne changerait en rien la tendance aux VUS et à l'hydrogène dit vert pour laquelle « [l]es entreprises qui veulent produire leur propre électricité, comme TES Canada, sont déjà prêtes à payer le coût de production d'aujourd'hui, soit le double du tarif industriel d'Hydro-Québec, dit-il. »
L'article de Radio-Canada attire notre attention sur les trop grandes maisons :
Il n'y a jamais eu autant d'espaces vides dans les habitations du Québec. Un paradoxe, en pleine crise du logement. C'est aussi un enjeu de surconsommation d'électricité, à une époque où elle se fait plus rare […] Il y a de plus en plus de gens qui ont des résidences secondaires, qui ont de plus grands logements. Tout ça fait des mètres carrés en plus à construire, à chauffer, à climatiser... » […] Dans tout le débat sur la crise du logement, personne ne semble parler de la crise des pièces vides, remarque M. Pineau.
« Nous sommes devenus une société qui cultive les espaces vides et ne songe qu'à construire plus encore, plutôt qu'à mieux répartir ce qui existe. » […] La superficie de plancher à chauffer a continué d'augmenter plus vite que la population, note le rapport. […]
La surface moyenne de plancher augmente non seulement parce que les logements habités sont plus grands, mais aussi parce que le parc de maisons unifamiliales et attenantes croît plus rapidement que celui des appartements, y compris les condos. En plus d'être de plus petite taille, les appartements requièrent 28 % moins d'énergie par mètre carré, par année, qu'une maison unifamiliale. Cela fait en sorte qu'un ménage vivant en appartement consomme près de 44 % moins d'énergie qu'un ménage occupant une maison unifamiliale. […] Ultimement, il faudra des bâtiments performants pour avoir une bonne efficacité énergétique. Le gouvernement du Québec a déposé un projet de loi pour améliorer la performance énergétique des bâtiments, mais ça ne concerne pas les plex ni les maisons, comme en France. […]
Le rapport démontre que plus les Québécois sont riches et plus ils consomment de l'électricité. C'est problématique, selon Pierre-Olivier Pineau, car on ne devrait pas subventionner des ménages à revenu élevé qui ont de plus en plus de mètres carrés. […] Selon lui, une possibilité serait de faire payer l'électricité selon son revenu. « Je n'ai pas de pitié, parce que ce ne sont pas les gens pauvres qui ont des espaces vides, ce sont les gens riches. Je préférerais que tout le monde paie un prix plus élevé, mais qu'on fasse des programmes ciblés pour des gens à faible revenu, explique-t-il. C'est ce qu'on a fait avec la TPS-TVQ, tous la paient, mais en dessous d'un certain revenu, vous avez un retour d'impôts du gouvernement. » M. Pineau évoque même une écofiscalité pénalisant les mètres carrés au-delà de 50 mètres carrés par personne, ce qui créerait un incitatif à la location/colocation, en plus de générer des fonds pour du logement social.
Les couches riches et sans doute aussi les dite « classes moyennes » consomment trop de surface plancher en grande partie à cause de la prolifération des maisons individuelles et attenantes. Voilà qui est clair, et qui devrait être souligné à double trait, même pour les écolos patentés. En plus, les programmes d'efficacité énergétique gouvernementaux les ignorent. Même l'écologie néolibérale, tout en restant prisonnière de sa théorie des prix, doit quand même préconiser une politique de différentiation des prix de l'électricité en fonction du revenu (ou de la consommation par personne) et même une pénalisation pour orgie de surface plancher. Pourquoi pas une interdiction de la construction de maisons unifamiliales et attenantes, une politique de densification des banlieues pavillonnaires à la fois coercitive et incitative, et surtout un programme obligatoire de « négawatts » gagnant-gagnant financé publiquement pour tous les bâtiments existants qui ne méritent pas d'être démolis. Et enfin une politique d'électricité gratuite pour l'indispensable énergie de base doublée de tarifs élevés et très élevés pour l'énergie supplémentaire.
La revue web Pivot a concentré son attention sur la gaspilleuse industrie :
…si on regarde du côté de la consommation par habitant·e, on constate que l'industrie québécoise est beaucoup plus énergivore que celle des pays comparables. Même qu'avec ses 65 gigajoules (GJ) par habitant·e, le secteur industriel d'ici est plus gourmand que la consommation totale de tous les secteurs confondus, en moyenne par pays à l'échelle de la planète (54 GJ par habitant·e) et il se compare à la consommation totale de la Chine (69 GJ par habitant·e). L'industrie québécoise se retrouve très loin derrière celle de l'Allemagne, championne dans le domaine (28 GJ par habitant·e) et même derrière celles de l'Ontario (39 GJ par habitant·e) et des États-Unis (37 GJ par habitant·e).
Cette situation s'explique en partie parce que la grande disponibilité de l'hydroélectricité a attiré au Québec des entreprises qui consomment beaucoup d'énergie, comme des alumineries, mais aussi parce que les industries d'ici ont peu d'incitatifs à optimiser leur consommation d'énergie. Si bien que près de 60 % de l'énergie consommée par le secteur industriel québécois serait perdue sans générer aucune valeur ajoutée, selon le rapport. Pour le chercheur, une bonne façon de renverser la tendance serait de mettre des mesures en place pour encourager les entreprises québécoises à adopter la norme ISO 50001, qui témoigne du respect des meilleurs standards en matière d'efficacité énergétique.
C'est notamment ce que l'Allemagne a fait il y a quelques années en liant l'obtention de la norme à certains crédits d'impôt, si bien qu'elle compte aujourd'hui 5523 entreprises certifiées, comparativement à seulement cinq au Québec.
Hydro-Québec, donc l'État québécois qui en est l'actionnaire unique, attire comme un aimant les industriels énergivores du monde non seulement par le bon marché de son hydroélectricité qu'il ne leur vend pas au coût marginal mais au coût moyen mais aussi, argument historique nouveau, par le caractère GES quasi zéro de celui-ci, en plus sans aucune contrepartie de valeur ajoutée et de création d'emplois. Il faudrait au moins qu'Hydro-Québec, commente l'écologiste féru du marché, impose aux entreprises la norme internationale ISO sur l'énergie provenant d'une ONG émanant du monde industriel capitaliste. Mais au-delà de l'enjeu de compétitivité mondiale, n'y a-t-il pas un enjeu plus fondamental de choix démocratique d'une structure nationale industrielle basée sur une
société de sobriété solidaire qui mettrait l'accent sur la sobriété et l'efficacité énergétiques, l'énergie renouvelable, le logement social collectif, le transport public collectif et actif et l'agriculture biologique et une matrice industrielle correspondante d'entrants et d'extrants minimisant les frais de transport ?
De conclure l'IRIS sous l'angle de tout autre éclairage sur l'épine dorsale du transport :
La survie de l'industrie automobile dans une planète en transition dépend de sa capacité à créer et entretenir le mythe de la voiture électrique verte. À ce jour, l'industrie peut crier victoire, comme en témoigne au Québec la pluie de fonds publics que reçoit la filière batterie […] Le poids économique de l'industrie automobile mondiale est considérable. Elle compte pour 3,65% du PIB mondial. […] Le processus d'électrification de l'industrie automobile donne à voir la capacité historique de ce secteur à se ménager un cadre fiscal hautement favorable. À elles seules, les usines de batteries de Volkswagen et de Northvolt, affiliée à Volvo, cumuleront des subventions publiques de près de 25 milliards $. […] Les impôts impayés [dus à l'évitement fiscal] de cette industrie s'ajoutent à tous les manques à gagner fiscaux qui découlent de la diminution de moitié du taux d'imposition des entreprises au Canada depuis les années 1980. Cette tendance amenuise la capacité financière des États à investir dans des infrastructures de transition, par exemple des projets de transport en commun structurants. […] les subventions à l'achat de voitures électriques […] grimpent à 12 000 $ en comptant la part du palier fédéral. […]
La voiture représente beaucoup plus qu'un moyen de transport. Elle renvoie à une planification spécifique de nos milieux de vie tout en symbolisant la réussite pour qui parvient à se procurer le modèle dernier cri. Les publicités qui assaillent l'espace public et médiatique en chantent les louanges et participent à sa diffusion et à sa légitimité. Le triomphe de l'automobilité se vérifie par le taux de voitures par habitant au Québec, qui a presque triplé depuis les années 1970. À l'inverse, la part modale du transport en commun plafonne ou diminue, ce qui affecte son développement. On dénombre par exemple 7 fois moins de départs d'autocars interurbains privés au Québec en 2023 qu'en 1981, l'offre ayant fondu de 85%. […] L'évolution récente de l'industrie automobile montre que celle-ci a les coudées franches pour créer des modèles de véhicules toujours plus sophistiqués et profitables, mais non moins dommageables pour l'environnement : le poids médian du parc automobile du Québec est 30% plus élevé qu'en 1990 ; la proportion des voitures de luxe du parc automobile est passée de 2% à 7,1% depuis l'an 2000 ; les « avancées » technologiques proposées par les départements de recherche et développement des fabricants automobiles, telles que la voiture sans conducteur ou l'introduction de l'intelligence artificielle comme façon de « redéfinir notre relation avec la voiture », ne rencontrent aucune limite. Le contrôle politique de cette industrie est absent,
L'industrie de la voiture électrique est en plein essor et entend bien enfermer les systèmes de mobilité du monde dans l'automobilité pour un siècle supplémentaire. L'Agence internationale de l'énergie prévoit qu'en 2030, 90 % des batteries produites dans le monde alimenteront des automobiles individuelles et seulement 3,5 % propulseront des autobus. La voiture électrique n'est toutefois pas plus durable. Sa production requiert trois fois plus de ressources naturelles que la voiture à essence. Les minéraux rares et polluants à extraire ainsi que les usines de batteries entraînent des problèmes écologiques tout aussi préoccupants que le réchauffement planétaire. De plus, 71% de la production mondiale d'électricité est toujours issue de sources non renouvelables.
L'étalement urbain des banlieues pavillonnaires de maisons surdimensionnées jusqu'aux campagnes se transformant en exburbs bloquant les trajets courts de l'agriculture de proximité est l'envers de la médaille du complexe auto-pétrole, colonne vertébrale du mode de production capitaliste jusqu'à naturaliser, boosté par sa publicité machiste, un mode de vie paraissant sans alternative. L'électrification de l'auto-solo, y inclus la prolifération des VUS, le fait muer en un alter ego complexe auto-électronique dont « la ruée minière au XXIe siècle » qui fait de la transition énergétique un mensonge. C'est ce mensonge que dénonce le billet de l'IRIS. L'IRIS aurait pu ajouter que contrairement aux recommandations de TRANSIT, l'alternative du transport en commun ne doit pas se financer sur le dos des automobilistes, ce qui générerait une révolte populaire anti-écologie, mais sur le dos des transnationales du complexe auto-pétrole-finance.
En finir avec ce fléau du XXe siècle soutenu près cinq fois plus par les gouvernements
Cette auto solo, à essence ou électrique, pour reprendre le diagnostic des conférencières du bar des sciences sur la place de la voiture du 11 février de l'émission Les années-lumière de Radio-Canada, gruge le budget des ménages, multiplie les accidents, détruit la nature et est dévoreuse d'espace et de ressources. Son message publicitaire de liberté ou de puissance agonise dans les bouchons de circulation. La solution à ce fléau du XXe siècle réside dans une politique versatile de transport actif et collectif combiné à l'autopartage. Cette révolution nécessite un revirement de la politique du gouvernement qui en ce moment pour un dollar de frais des ménages pour l'auto solo en dépense 5.77$ contre un ratio d'un dollar pour 1.31$ pour le transport en commun. En découle les lignes directrices d'un plan climat suivant :
• Non pas un Canada financier, pétrolier et de « Quebec bashing » mais un Québec indépendant socialisant finance, énergie, transport et ressources naturelles ;
• Non pas l'énergie fossile ou le tout-électrique mais une réduction drastique d'énergie par personne à bien-être égal transitant par l'efficacité énergétique et l'énergie propre ;
• Non pas le choix entre véhicules à essence et ceux électriques mais le transport actif et en commun avec un complément d'autopartage de véhicules communautaires ;
• Non pas les banlieues pavillonnaires mais leur densification et l'habitation collective écoénergétique et une transition de bâtiments existants rendus écoénergétiques ;
• Non pas une urbanisation tentaculaire hydrocarbonée ou tout-électrique mais une ville de quartiers 15 minutes avec agriculture urbaine et parcs nature ;
• Non pas une agro-industrie-foresterie ou une « nouvelle agriculture » carnée mais une souveraineté alimentaire biologique, végétarienne captant du carbone et à circuit court ;
• Non pas une consommation de masse, même circulaire, mais durable sans mode ni publicité et avec garanti de réparation ou de remplacement accessible et bon marché ;
• Non pas un transport lourd de marchandises par camions, à essence ou électrique, mais par trains électriques et navires à énergie renouvelable, et un transport léger électrique ;
• Non pas une politique financière internationale néolibérale mais une de remboursement de la dette écologique telle qu'établie par une commission pluraliste ;
• Non pas une politique d'immigration restreinte mais une de frontières ouvertes combinée à une politique d'accueil, de francisation et de plein emploi priorisant le « prendre soin ».
Ce plan sera guidé non pas par le profit mais par la planification démocratique combinée à l'autogestion. Cette mue sociale peut se faire en 10 ans comme le Québec capitaliste de la « révolution tranquille » a mué d'une société traditionnelle à une moderne. Le secret de cette mue est d'arracher le pouvoir à cette bourgeoisie dont celle des transnationales financiarisées est le noyau dur, soit à ce 1% s'appuyant sur le 10% responsables des émissions de GES en trop qui empêchent l'atteinte de l'objectif du GIEC-ONU de ne pas dépasser 1.5°C de réchauffement de la terre d'ici 2100… dépassé dans chacun des 12 derniers mois.
Traduction du graphique :
• Titre (en bas) : Figure ES.3 – Émissions de CO2 pour la consommation par personne par année, par groupe de revenu, 1990, 2019 et 2030, Source : Oxfam / SEI
• Axe X : le 50% le plus pauvre, le 40% du milieu, le 10% le plus riche, le 1% le plus riche, le 0.1% le plus riche
• Axe Y : Tonnes d'émissions de CO2 par personne par année
• Libellés de la colonne de droite dans le graphique lus de haut en bas :
Nombre de fois que l'empreinte carbone de 2019 est plus grosse que celle de 2030 compatible avec l'atteinte du plafond de 1.5°C d'ici 2100, soit 2.8 tonnes de CO2 par personne par année
Scénario basé sur les promesses actuelles des gouvernements
Scénario compatible avec le niveau pour ne pas dépasser le 1.5°C d'ici 2100
Marc Bonhomme, 16 février 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

Lettre ouverte | Pour en finir avec le free mining
Aujourd'hui, la Première Nation Mitchikanibikok Inik s'adresse à la Cour supérieure de Montréal pour que la Loi sur les mines du Québec respecte enfin ses droits ancestraux au moment de l'octroi des claims miniers. Nous soutenons les Anishinabeg de la communauté de Lac Barrière dans leur combat pour que le gouvernement du Québec cesse enfin de favoriser l'industrie minière au détriment de leurs droits constitutionnels, internationaux et inhérents.
Depuis le 16 janvier 2020, la Première Nation Mitchikanibikok Inik, qui est représentée par le Centre québécois du droit de l'environnement et Ecojustice, demande à la Cour d'invalider les dispositions de la Loi sur les mines qui soutiennent le principe du free mining. Incrusté dans la Loi sur les mines depuis sa première version en 1864, le free mining - ou principe du libre accès aux ressources minières - désigne le passe-droit accordé par le gouvernement à toute entreprise minière lui permettant d'explorer un lot minier (claim minier) pour éventuellement l'exploiter sans exiger l'approbation préalable des occupants des territoires visés, à commencer par les Autochtones.
Nous partageons l'avis des Anishinabeg de Lac Barrière que l'enregistrement par défaut de claims miniers en quelques minutes à peine sur internet, au coût de quelques dizaines de dollars et sans consultation contrevient directement à l'obligation du gouvernement de consulter et d'accommoder les Autochtones avant toute décision susceptible de porter atteinte à leurs droits.
Nous ne pouvons tolérer que le gouvernement du Québec affirme extraire les minéraux les plus verts de la planète alors que son système mine les principes de justice les plus élémentaires envers les peuples autochtones.
La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Madame Maïté Blanchette Vézina, a annoncé qu'un projet de loi visant à moderniser la Loi sur les mines serait déposé au courant de l'actuelle session parlementaire. Les consultations menées au printemps dernier par son ministère ont conduit son équipe à produire un rapport concluant que la population demande une révision en profondeur de la Loi sur les mines pour respecter les populations locales face aux travaux miniers.
Selon un sondage d'opinion Léger du mois d'août 2022 commandé par la Coalition Québec meilleure mine, 78% des Québécois-e-s sont d'accord pour « exiger le consentement des populations locales (municipalités et Nations autochtones) avant d'autoriser toute activité minière sur leur territoire ».
La chose honorable à faire pour la ministre serait de mandater ses avocats pour qu'ils rendent les armes devant le tribunal et de s'engager publiquement à modifier la loi afin qu'aucun claim minier ne puisse plus être octroyé sans le consentement libre, préalable et éclairé des Nations autochtones. Le même principe devrait s'appliquer pour les municipalités. Réformer la Loi sur les mines pour respecter la volonté des populations locales est dans l'intérêt de tous.
Rodrigue Turgeon, Avocat, Coporte-parole de la Coalition Québec meilleure mine, coresponsable du programme national de MiningWatch Canada
Alexis Wawanoloath, W8banaki, Avocat en droit des peuples autochtones, Ex-député
député d'Abitibi-Est à l'Assemblée nationale, Ex-conseiller au Conseil des Abénakis d'Odanak
Amy Zachary, Vice cheffe, Long Point First Nation
Diane Polson, Conseillère, Long Point First Nation
Sharon Hunter, Directrice générale, Long Point First Nation
Cyndy Wylde, Anicinapek8e et Atikamekw Nehirowisiw, Professeure à l'Université d'Ottawa
Steeve Mathias, Membre, Long Point First Nation
Joseph Larivière, Gestionnaire minier, Long Point First Nation
Isabelle Brûlé, Conseillère en développement stratégique, Long Point First Nation
Benjamin Gingras, Chargé de cours, École d'études autochtones de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue
Sophie Thériault, Professeure, Université d'Ottawa
Sébastien Brodeur-Girard, Professeur à l'École d'études autochtones (UQAT)
Henri Jacob, Président de l'Action boréale et Co-porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine
Kirsten Francescone, Assistant Professor, Trent University
Isabel Orellana, Directrice, Centre de recherche en éducation et formation relatives à l'environnement et à l'écocitoyenneté, UQAM
Raôul Duguay, Représentant d'Eau Secours
Laurence Guénette, Porte-parole, Ligue des droits et libertés
Amy Janzwood, Assistante Professeure, McGill University
Lucie Sauvé, Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec
Félix-Antoine Lafleur, Président, Conseil central de l'Abitibi-Témiscamingue - Nord-du-Québec - CSN
Marc Nantel, Porte-parole du Regroupement Vigilance Mines de l'Abitibi et du Témiscamingue (REVIMAT)
Louis St-Hilaire, Porte-parole Coalition QLAIM
Rébecca Pétrin, Directrice générale Eau Secours
André Bélanger, Directeur général, Fondation Rivières
Pascal Bergeron, Porte-parole, Environnement Vert Plus
Alice de Swarte, Directrice principale, SNAP Québec
Charles Bonhomme, Responsable, affaires publiques et communications - Fondation David Suzuki
Thérèse Guay, Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
Geneviève Brisson, Professeure titulaire, Département sociétés, territoires et développement UQAR
Steven H. Emerman, Owner, Malach Consulting
Philippe Nadon, Doctorant en gouvernance autochtone (UQAT), M.A. Études politiques appliquées
Rachel Pelletier, Analyste en environnement, M.A Droit et gouvernance territoriale autochtones
Louis-Joseph Drapeau, Étudiant à la maîtrise en relations gouvernance Autochtones-Allochtones (UQAT)
Sébastien Girard Lindsay, Doctorant en administration publique, Université d'Ottawa
Catherine Coumans, Directrice de la recherche, MiningWatch Canada
Jamie Kneen, Coresponsable du programme national, MiningWatch Canada
Klaire Gain, Professeure assistante, King's University College
Miriam Hatabi, Doctorante en science politique, Université d'Ottawa
Louise Nachet, Doctorante en science politique, Université Laval
Philippe Blouin, Doctorant en anthropologie, Université McGill
Sepideh Anvar, Interprète
Caroline Aquin, Citoyenne
Raphael Araujo, Citoyen
Marjolaine Arpin, Doctorante en histoires de l'art - UQÀM
Mychelle Bachand, Médecin retraitée Rouyn-Noranda
Geneviève Béland, Mères au Front – Val-d'Or, étudiante à la maîtrise sur mesure en acceptabilité sociale
André Bélisle, Président (AQLPA) Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique
Claude Bouffard, Comité d'opposition au projet minier La Loutre de Lomiko Metals situé à Lac-des-Plages
Kathy Bouffard, Mères au Front d'Abitibi-Ouest
Joanie Boulard, Étudiante en Sc. de l'environnement (UQAM)
Martine Chatelain, Conférencière en écocitoyenneté
Paul Comeau, Coalition des opposants à un projet minier en Haute-Matawinie (COPH)
Frédérique Cornellier, Mère au front Val-d'Or
Gina Cortopassi, Historienne de l'art, chargée de cours
Merle Davis Matthews, Citoyen
Vladimir Díaz Cuéllar, Candidat postdoctoral
Bruno Dubuc, Journaliste scientifique
Claire Dumouchel, Activiste socio-environnemental, Membre de Decolonial Solidarity (DS)
Bob Eichenbergerr, Écoforestier, Carleton-sur-mer
Nicole Filion, Ex-coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés
Isabelle Fortin-Rondeau, Mères au front de Rouyn-Noranda
Gilles Gagnon, Paysan
Robert-Olivier Gauvin, Biologiste B.Sc. en gestion de la faune aquatique
Chantal Germain, Membre, Regroupement vigilance mines Abitibi-Témiscamingue
Beatrix Harvie, Membre de L'Association Etudiante du Département d'Anthropologie de l'Université de McGill
François Hayes, Citoyen affecté par un projet minier
Rosalinda Hidalgo, Responsable des actions urgentes du Comité pour les droits humains en Amérique Latine
Pauline Hwang, Citoyenne
Pierre Jasmin, Secrétaire général des Artistes pour la Paix
Farah Jemel, Candidate au doctorat en histoire de l'art, UQÀM
Kate Klein, Citoyenne
Anne Léger, Directrice générale CRE Laurentides
Chantal Levert, Déléguée à la CQMM pour le RQGE
Gilles Levert, Pour le regroupement citoyen SOS GSLR
Marie-Laure Lusignan, Ingénieure forestière, M.Sc. Sciences forestières (ULaval)
Glenn M. Grande, Directrice générale, Fair Mining Collaborative
Hélène Mathieu, Citoyenne affectée par un projet minier en Matawinie
Hanah McFarlane, Citoyenne
Isabelle Ménard, Biologiste-toxicologue
Paul Ménard, Retraité Hydro-Québec
Greg Mikkelson, Scientifique de l'environnement et activiste
Douglas Miller, Enseignant à la retraite
Christian Milot, Coordonnateur au Regroupement d'éducation populaire de l'Abitibi-Témiscamingue
Gina Morris, Porte-parole de Kamloops Moms for Clean Air
Gilbert Nadon, Avocat à la retraite
Jean Navert, Retraité - Association pour la Protection du Lac Taureau
Susie Navert, Administratrice - Association pour le protection du Lac Taureau
Michel Picard, Ph. D., Association pour la Protection du Lac Taureau
Samuel Raymond, Citoyen solidaire
Jennifer Ricard Turcotte, Citoyenne, Mères au front Rouyn-Noranda
Claude Rioux, Éditeur, Éditions de la rue Dorion
Emilie Robert, Mères au front Rouyn-Noranda
Jean Sébastien, Professeur, Collège de Maisonneuve
Marcel Sévigny, Militant communautaire et ex-conseiller municipal (Montréal)
Sarah St Pierre, Artiste
Daniel Tokatéloff, Ingénieur à la retraite, Secrétaire, Association pour la protection du lac Taureau (APLT)
Jean-François Vallée, Professeur, Collège de Maisonneuve
Pierre Vincelette, Médecin pédiatre à la retraite, membre du comité ARET
Caren Weisbart, Citoyenne
Alec White, Travailleur culturel, MA Histoire de l'art (UQAM)
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Pour un réaménagement du secteur Littoral Est respectueux de l’environnement, de la population locale et de leur sécurité.
Récemment, nous avons reçu une invitation de la Table citoyenne du Littoral Est (TCLE) à intervenir dans le cadre d'un « concours d'idéation » lançée par le gouvernement du Québec en novembre dernier. Ce concours conduira à des propositions sur l'avenir du secteur situé entre le secteur D'Estimauville et la chute Montmorency. Le collectif La ville que nous voulons transmet donc ses commentaires à la Commission de la Capitale nationale qui se charge de receuillir les commentaires des citoyennes et des citoyens.
Les orientations défendues par La ville que nous voulons
Le collectif La ville que nous voulons a adopté des orientations sur des enjeux que touche le réaménagement du secteur Littoral Est.
Nos propositions s'inscrivent nottamment dans le contexte mondial de la menace actuelle du réchauffement climatique qui nous a donné de nombreux événements destructeurs dans le monde au cours des dernières années, et le Québec n'a pas été épargné.
Par ailleurs, un autre enjeu majeur à notre époque est celui de la justice sociale et économique. Les situations d'injustice sociale et économique, donc d'inégalités, sont loin d'être inexistantes à Québec ; pauvreté, chômage, bas salaires, itinérances sont des réalités que la Ville doit prendre en considération plus sérieusement. Nous nous attendons à ce que le projet d'aménagement du Littoral est tienne compte des inégalités sociales et économiques afin de garantir l'accès à toutes et tous à l'ensemble du secteur.
L'habitation est l'un des droits fondamentaux tel qu'affirmé dans la Déclaration universelle des droits humains ; chaque individu doit avoir accès à un logement décent et accessible économiquement. Nous nous attendons à ce que ce droit fondamental soit respecté en donnant suite aux recommandations de la TCLE.
Nous souhaitons des aménagements accessibles et conviviaux d'une ville à échelle humaine. Depuis longtemps l'aménagement urbain à Québec est principalement influencé par les promoteurs immobiliers avec des projets d'habitation qui, très souvent, ne favorisent pas les relations sociales, qui témoignent d'une approche sans lien avec un aménagement urbain convivial et d'une vision du transport privilégiant l'automobile laissant de côté les piétons. Il suffit de circuler dans les secteurs de certains arrondissements, dont Lebourgneuf est un bel exemple, où des immeubles ont été construits récemment, ou sont en construction à l'heure actuelle, pour constater la distance qui sépare l'aménagement actuel de ce qu'il faut pour vivre dans une ville à échelle humaine.
Nous avons intérêt à remettre en question ces manières de voir et de faire afin que la ville soit aménagée au profit des citoyennes et citoyens dans le but de procurer des espaces utiles, conviviaux, sécuritaires et contribuant à la santé des humains que nous sommes ainsi que de l'environnement.
Nous avons besoin d'espaces publics aménagés à proximité des citoyennes et des citoyens, de telle sorte qu'ils favorisent les rapports humains et sociaux ; c'est essentiel pour que se développe la solidarité et l'acceptation sociale de toutes les différences qui composent notre société.
Il ne faut pas oublier que les aménagements urbains ont un impact sur la santé. Il est bien connu que la pollution de l'air provoque ou aggrave les maladies respiratoires. Pensons aussi à la pollution par le bruit et la lumière dans certains secteurs de la ville, particulièrement au centre-ville et aux centres de plusieurs arrondissements sans oublier les problèmes de stress et d'angoisse que peuvent susciter des aménagements d'abord conçus pour des motifs de rentabilité commerciale et financière. Nous devons concevoir la ville autrement.
Nous considérons que les propositions de la Table citoyenne du littoral Est vont dans le sens de nos positions et de nos espoirs.
Appuis aux propositions de la Table citoyenne du Littoral Est
Nous tenons donc à appuyer plus particulièrement les propositions suivantes :
1. Convertir l'entièreté de l'autoroute Dufferin-Montmorency en boulevard urbain. Cette conversion doit être pensée en gardant à l'esprit la présence voisine d'une artère principale, le boulevard Sainte-Anne, qui a lui aussi besoin d'être revitalisé de façon importante.
2. Rendre à la nature une partie significative du littoral est en déminéralisant un fort pourcentage du territoire adjacent. Les battures de Beauport constituent un milieu écologique d'une richesse exceptionnelle dont une part importante a été détruite par les remblaiements successifs au fil des cent dernières années ; il faut inverser cette tendance.
3. Aménager un parc linéaire sur toute la longueur du littoral est pour créer un vaste corridor de biodiversité reliant entre eux les parcs de la rivière Saint-Charles, du domaine de Maizerets et de l'arboretum, de la rivière Beauport, de la rivière et de la chute Montmorency. Outre les pistes cyclables et les sentiers pédestres, ce parc linéaire devrait comporter des zones de forêt urbaine, notamment sur le site de l'ancien dépôt à neige D'Estimauville, ainsi que des aires de jeux, de baignade, de pêche et de chasse en saison, de repos et de contemplation permettant de côtoyer le fleuve.
4. Prioriser l'aménagement de la portion située entre l'avenue D'Estimauville et le boulevard François-De Laval. C'est le territoire comportant le tronçon le plus dangereux de l'autoroute, mais il recèle aussi un potentiel important de renaturalisation et de mise en valeur des écosystèmes présents.
5. Ouvrir un accès direct vers le secteur de la plage de la baie de Beauport via l'avenue D'Estimauville pour deux principales raisons :
– fournir un accès plus direct aux installations récréotouristiques de la baie de Beauport, tout en créant un lien avec l'arboretum, le domaine de Maizerets et les quartiers résidentiels avoisinants ;
– résoudre un important enjeu de sécurité civile en fournissant un second accès à la péninsule Beauport du Port de Québec pour les secours externes en cas d'incendie ou d'autres incidents. Rappelons que ce secteur abrite un grand nombre de réservoirs de produits pétroliers et autres matières dangereuses. L'expérience vécue lors d'un incendie en 2007 a démontré que le seul accès actuel via le boulevard Henri-Bourassa ne peut garantir un accès sécuritaire en cas d'urgence.
6. Décloisonner et rendre l'accès à la plage de la baie de Beauport gratuit en tout temps et appliquer ce principe de gratuité et d'accès universel dans tous les aménagements de la phase IV de la promenade.
7. Prendre les mesures nécessaires pour éviter l'embourgeoisement des quartiers du littoral est. Il faut que les populations habitant ces quartiers puissent continuer d'y vivre à des coûts abordables en mettant un frein à l'appétit des spéculateurs. Cela implique l'acquisition, par la ville et avec l'aide des gouvernements supérieurs, d'un grand nombre de terrains et de bâtiments qui seront consacrés à la création de logements sociaux, à des organismes à but non lucratif dans le secteur de l'habitation, à des coopératives d'habitation ou à d'autres initiatives permettant de mettre une part importante du parc de logements à l'abri du marché spéculatif.
Collectif La ville que nous voulons
villequenousvoulons@reseauforum.or
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Kollontaï et Lénine : pour un communisme qui libère les femmes
Les deux penseurs bolcheviques n'étaient pas d'accord, et pas qu'un peu. Mais leurs idéaux communs étaient encore plus importants.
À l'occasion du centenaire de la mort de Lénine, il convient d'examiner le rôle qu'il a joué dans les premiers débats socialistes, dont beaucoup sont encore repris aujourd'hui dans les discussions de la gauche. Ses désaccords avec l'idéologue bolchevique, diplomate et écrivaine Alexandra Kollontaï sont particulièrement révélateurs de sa pensée.
Revue L'Anticapitaliste - 152 (Janvier 2024)
27 janvier 2024
Par Liza Featherstone
Crédit Photo
Alexandra Kollontaï à la droite de Lénine lors d'une session du conseil des commissaires du peuple entre décembre 1917 et janvier 1918. Wikimedia Commons
Les deux dirigeants communistes ont entretenu une profonde camaraderie, bien qu'elle ait été marquée par des conflits et des désaccords sur de nombreuses questions. Certaines de ces discussions ont conduit à des dissensions politiques et personnelles profondes et durables. Cependant, leurs points d'accord peuvent être encore plus pertinents pour les socialistes d'aujourd'hui. Plus important encore, Kollontaï et Lénine étaient d'accord sur le caractère central de la libération des femmes pour le communisme et ont travaillé ensemble à la réalisation de ces idéaux.
Une rencontre déterminante
Née dans l'aristocratie, Alexandra Kollontaï est devenue l'une des plus importantes transfuges de classe de l'histoire après une visite dans une usine au cours de laquelle elle a vu les conditions terribles et dangereuses imposées aux travailleuses et a constaté qu'un enfant était mort dans la « pouponnière » de l'usine, sous la garde d'une « nounou » âgée de six ans. Elle écrit plus tard à propos de cette expérience : « J'ai compris au fond de mon cœur que nous ne pouvons pas vivre comme nous l'avons fait jusqu'à présent, alors qu'il existe autour de nous des conditions de vie aussi terribles et un ordre aussi inhumain ». Ailleurs, elle note : « Les femmes et leur sort m'ont occupée toute ma vie et le souci de leur sort m'a conduite au socialisme ».
Dans les années qui ont précédé la révolution russe, Kollontaï s'est imposée non seulement en tant que défenseuse des femmes travailleuses, mais aussi comme organisatrice, oratrice et penseuse. Contre les féministes bourgeoises qui prétendaient lutter pour l'égalité entre hommes et femmes au sein du système capitaliste, elle soutenait que seul le mouvement communiste des femmes, dirigé par la classe ouvrière, pouvait parvenir à l'égalité sociale. « En se battant pour changer les conditions de vie », écrit-elle à propos des travailleuses qui font grève et s'organisent dans les rues de Russie pour provoquer la révolution, « elles savent qu'elles contribuent également à transformer les relations entre les sexes ».
Pourtant Kollontaï savait que l'égalité des femmes ne viendrait pas automatiquement avec la dissolution du capitalisme, et elle a donc travaillé à la construction d'un communisme spécifiquement attentif à la libération des femmes, combattant parfois les communistes qui ne partageaient pas cet objectif.
Lénine n'était pas l'un de ces communistes patriarcaux. Il était tout à fait d'accord avec Kollontaï pour dire que les travailleuses étaient au cœur de la révolution communiste et qu'elles avaient des préoccupations spécifiques auxquelles seul le communisme pouvait répondre. En plus d'être exploitées par les patrons capitalistes, écrivait Lénine, les femmes étaient « esclaves de la chambre à coucher, de la crèche et de la cuisine ». Il était convaincu que le communisme libérerait les femmes de la subordination patriarcale et de la monotonie des tâches ménagères, et soutenait que ces dernières constituaient un gaspillage du précieux travail des femmes et contribuaient à leur oppression au sein du foyer, qu'il qualifiait d'« esclavage domestique ».
Lénine a été profondément influencé par les femmes communistes qui l'entouraient, et Kollontaï a souvent fait partie de ce cercle. Lénine a soutenu le droit à l'avortement, à la contraception et au divorce, un point particulièrement controversé parmi les socialistes, certains d'entre eux affirmant qu'à court terme cela entraînerait la misère pour les femmes et les enfants parce qu'elles seraient trop pauvres pour survivre sans les hommes. Tout en reconnaissant le problème, Lénine a insisté sur le fait que tant que les femmes ne pouvaient pas prendre de décisions concernant leur propre vie, elles ne jouiraient pas de tous les droits démocratiques.
Kollontaï et lui, ainsi que leur camarade allemande Clara Zetkin, ont joué un rôle déterminant dans la création de la Journée internationale des femmes, qui est toujours célébrée aujourd'hui (bien qu'elle jouisse d'une cooptation capitaliste considérable). Sous l'influence de Kollontaï, Lénine a écrit : « Si nous n'attirons pas les femmes dans l'activité publique, dans la milice, dans la vie politique – si nous ne les arrachons pas à l'atmosphère mortelle de la maison et de la cuisine – il sera impossible d'assurer une véritable liberté. Il sera impossible d'assurer la démocratie, sans parler du socialisme ». En effet, l'organisation des travailleuses – profondément exploitées au travail et épuisées par leur deuxième journée de travail, à la maison – a été cruciale pour le succès de la révolution bolchevique.
Il ne s'agissait pas seulement d'un accord philosophique entre les deux penseurs, mais d'un engagement institutionnel profond : après la révolution, Lénine a nommé Kollontaï Commissaire du peuple à l'Assistance publique [équivalent du ministère de la Santé, NdlR], poste dans lequel elle a contribué à légaliser l'avortement, le divorce et le contrôle des naissances. L'égalité salariale pour les femmes et les congés payés pour les nouvelles mères ont également été introduits, tandis que le mariage religieux a été remplacé par le mariage civil. Le travail sexuel est dépénalisé et le statut légal d'« illégitimité » pour les enfants de parents non mariéEs est aboli.
Kollontaï a également créé des maternités gérées par le gouvernement, où les mères pouvaient se reposer avec leur bébé après l'accouchement. L'allaitement maternel a été soutenu par une série de politiques gouvernementales, et des cuisines et des blanchisseries communes ont été créées pour soulager les femmes actives des tâches domestiques (ces initiatives n'ont pas eu beaucoup de succès, car faute d'un financement suffisant, la qualité des services s'est dégradée : la nourriture était mauvaise et les vêtements souvent déchirés dans les blanchisseries).
Au cours de cette période prometteuse, l'Union soviétique a également promulgué le droit de vote pour les femmes, quelques années avant les États-Unis. En 1919, Kollontaï et Inès Armand – une autre camarade proche de Lénine – créent le Jenotdel, un département spécial consacré aux besoins des femmes en lien avec la direction du Parti bolchévique.
Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes !
De manière moins pragmatique mais tout aussi cruciale pour l'histoire de la pensée anti-impérialiste, les deux militantEs étaient également uniEs dans la dénonciation de la Première Guerre mondiale. Alors que les socialistes européens s'alignaient sur la position de leurs gouvernements en faveur de cette effusion de sang stupidement tragique, Lénine et Kollontaï – souvent adversaires politiques dans les années précédant la révolution d'Octobre – étaient uniEs dans leur opposition à la fois à la guerre impérialiste et aux raisons qui la justifiaient.
Kollontaï a fait partie des mencheviks jusqu'en 1914, date à laquelle elle a rejoint les bolcheviks en raison de la position résolument anti-guerre de ces derniers. En 1916, elle écrit que la cause de la guerre est le capitalisme et affirme que les travailleurEs du monde entier devraient s'unir contre la classe dirigeante au lieu de s'entretuer. « Mon ennemi est dans mon propre pays », déclarait-elle, « et cela s'applique à tous les travailleurs du monde ». Lénine et elle collaborent étroitement à la rédaction d'essais et de déclarations de ce type, tentant de rallier les partis socialistes d'autres pays à cette position anti-guerre.
Les discussions entre Kollontaï et Lénine sur la manière de formuler l'opposition communiste à la guerre ont conduit Lénine à faire des distinctions importantes, rejetant ce qu'il appelle le pacifisme « petit-bourgeois » et « provincial » qui condamne « la guerre en général ». Comme il l'explique dans une lettre de 1915 à Kollontaï, dans laquelle il peaufine une déclaration marxiste internationale de gauche opposée à la Première Guerre mondiale en vue de sa présentation à la première conférence socialiste internationale : « Ce n'est pas marxiste... Je pense qu'il est erroné en théorie et nuisible en pratique de ne pas faire de distinction entre les différents types de guerres. Nous ne pouvons pas être contre les guerres de libération nationale » (par exemple, les luttes anticolonialistes de pays comme l'Inde pour se libérer de la domination britannique). Kollontaï n'était pas non plus une pacifiste et demandait instamment : « Tournons nos fusils et nos pistolets contre nos véritables ennemis communs », c'est-à-dire les capitalistes. Plus tard, les communistes transformeront cette idée en un slogan lapidaire : « Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes ! »
Divergences
Cependant, les deux penseurSEs ont eu aussi des divergences cruciales. Quelques années après la révolution, Kollontaï rejoint la tendance dite de l'Opposition ouvrière, qui critique la bureaucratie du parti et s'inquiète du fait que les travailleurEs ne sont plus représentéEs. Dans un pamphlet publié en 1921, elle plaide en faveur d'un renforcement du pouvoir des syndicats et contre ce qu'elle considère comme le pouvoir croissant des professionnels technocrates de la classe au sein du parti et du gouvernement. L'année suivante, Lénine adopte une résolution du parti interdisant le « factionnalisme », mettant ainsi fin à l'opposition ouvrière. C'est la fin de son influence sur Lénine et les bolcheviks.
Par la suite, Kollontaï a été marginalisée au sein du gouvernement et du Parti communiste, bien qu'elle ait eu une longue carrière diplomatique en tant que loyale représentante de l'Union soviétique en Norvège, au Mexique et en Suède. Après la marginalisation de Kollontaï, les dirigeants soviétiques se sont beaucoup moins engagés en faveur de l'égalité des femmes, tant par le manque de moyens attribués à cette cause que par la persistance d'attitudes patriarcales, à tel point que, après la mort de Lénine, Staline a dissous le Jenotdel et interdit à nouveau l'avortement (1).
Kollontaï et Lénine n'étaient pas non plus d'accord sur la morale sexuelle : alors que la première affirmait souvent que le communisme conduirait à un type d'amour différent et moins possessif entre les hommes et les femmes, ainsi qu'à une éthique sexuelle plus moderne, le second considérait que de telles idées étaient libertines et frivoles. Kollontaï n'était pas la seule femme proche de Lénine à ne pas être d'accord avec lui sur ces questions, puisqu'il s'est également opposé à Inès Armand et Clara Zetkin.
Compte tenu de son soutien au droit à l'avortement et même à la dépénalisation du travail sexuel, on ne peut pas dire que Lénine était socialement conservateur, mais il était parfois irrité par le radicalisme des femmes de son entourage. Et il n'était pas le seul : les idées de Kollontaï sur la moralité sexuelle étaient souvent moquées par des camarades communistes socialement très conservateurs, parfois en termes grossiers et sexistes. Comme l'a écrit Sheila Robowtham en 1971, les idées de Kollontaï sur l'amour libre étaient également parfois critiquées par les femmes de la classe ouvrière, étant donné que la contraception n'était pas répandue : « les paysannes savent très bien », plaisantait Robowtham « que si tu veux faire de la luge, il faut être prête à grimper sur la colline » (2).
Le socialisme et la famille
Les questions qui ont divisé Kollontaï et Lénine continuent de faire l'objet de débats. Aux États-Unis, par exemple, les Socialistes démocrates d'Amérique (DSA) et d'autres organisations de gauche sont souvent critiqués parce qu'une grande partie de leurs membres et de leurs dirigeants proviennent de ce que Barbara et John Ehrenreich (3) ont appelé « la classe professionnelle et managériale » [ou classe des cadres, NDLR] plutôt que de la classe ouvrière.
Faisant écho au pamphlet de Kollontaï, « Opposition ouvrière » de 1921, nombre de ces critiques affirment que le syndicalisme de base est un espace plus solide pour l'organisation socialiste que que la participation aux élections ou la construction autour de conflits ponctuels. Mais le couple Ehrenreich lui-même a soutenu que la prolétarisation des professions – et, pourrions-nous ajouter, la difficulté croissante d'atteindre le niveau de vie de la classe moyenne en raison du coût élevé des soins de santé, du logement et de l'enseignement supérieur – crée une situation dans laquelle une partie de ce que l'on appelle la « classe des cadres professionnels » souhaite réellement le socialisme et apporte son éducation et son expertise à la cause (quant au syndicalisme par rapport à l'électoralisme, les deux sont cruciaux, et il n'est pas utile de pousser aux élections : ces dernières années, les socialistes ont remporté des victoires en utilisant les deux tactiques).
La morale sexuelle peut également être un facteur de division parmi les socialistes. Alors que plus personne ne conteste que l'« amour libre » devrait être une composante de la société communiste – tant le tabou que l'éthique exubérante de la libération sexuelle sont obsolètes –, l'abolitionnisme familial fait un petit retour en force parmi les intellectuelLEs marxistes. Si certainEs accueillent favorablement le socialisme comme un moyen de renforcer la famille nucléaire, en donnant aux gens plus de temps hors de l'esclavage salarié pour élever leurs enfants et en leur permettant l'accès à des garderies et à des universités gratuites, d'autres préfèrent se réjouir du projet socialiste d'affranchissement des relations obligatoires, qui nous permet de survivre économiquement hors du mariage ou de la famille nucléaire.
En effet, le socialisme vise à améliorer la vie intime des gens de diverses manières, qui n'entrent pas nécessairement en conflit. Personnellement, je préfère opter pour la notion d'« expansionnisme familial » portée par Kristen Ghodsee (4), basée sur les idées de Kollontaï sur la collectivisation des tâches familiales, un concept qui laisse ouvert l'horizon politique quant à la manière dont les gens pourraient choisir d'organiser leur vie privée s'ils et elles disposaient d'une plus grande liberté économique.
Kollontaï elle-même, comme Engels avant elle et Simone de Beauvoir après elle, ne tranchait pas la question de savoir si la famille devrait disparaître ou non, mais elle avait la certitude – et elle insistait sur ce point – qu'elle serait transformée au terme d'une série de changements profonds dans la structure sociale et les conditions matérielles d'existence. Grâce à l'amélioration des conditions de vie des femmes, faisait-elle valoir, la vie familiale serait transformée, et cela pour le meilleur.
Aujourd'hui, la question de l'abolition de la famille ne représente plus qu'un clivage purement théorique, car touTEs les socialistes s'accordent sur le fait que les parents ont besoin de plus d'aides, et que les garderies devraient être gratuites, par exemple. Mais certaines questions sociales aujourd'hui continuent de diviser les socialistes. Au Mexique, par exemple, le président Lopez Obrador a adopté de nombreuses politiques économiques de gauche tout en développant une rhétorique anti-gay ou anti-transgenre, et il en va de même pour les dirigeants chinois. Tandis que dans les cercles intellectuels anglo-saxons, il y a des conservateurs sociaux hostiles aux droits des personnes transgenres qui ont adopté des idées économiques sociales-démocrates.
Cependant, une grande partie de la gauche mondiale soutient à juste titre les droits, la sécurité et les libertés des minorités sexuelles, à la fois par solidarité et dans le cadre d'une vision anti-patriarcale qui peut être considérée comme une continuation de l'héritage de Kollontaï et qui est probablement en contradiction avec la perspective plus conservatrice de Lénine.
L'actualité
Bien que leurs désaccords résonnent encore aujourd'hui, les moments de convergence entre Lénine et Kollontaï sont d'autant plus importants à mettre en avant que la guerre et la situation des femmes sont des préoccupations profondément ancrées dans l'actualité.
Avec le retour du fascisme patriarcal dans le monde et l'absence totale de réponses offertes par les partis centristes, il est utile de rappeler l'engagement commun de Lénine et de Kollontaï en faveur des droits des femmes, du droit à l'avortement au congé de maternité rémunéré. Ravivons aussi le souvenir de leur opposition commune à la guerre impériale, une position qui, si elle reste forte dans les pays du Sud, a été considérablement affaiblie aux États-Unis et en Europe au cours des dernières années.
Une réflexion sur ces deux penseurSEs communistes devrait nous inciter à remettre l'égalité des sexes et l'anti-impérialisme au centre de la pensée de gauche. Les questions sur lesquelles Lénine et Kollontaï étaient en désaccord sont intéressantes mais sans grande importance aujourd'hui : les socialistes, nous marquons vraiment l'histoire quand nous sommes capables de trouver des terrains communs. Bien que Lénine et Kollontaï n'aient pas créé un communisme qui ait véritablement émancipé les femmes, il et elle ont mis en œuvre de nombreuses politiques progressistes qui ont changé la vie des femmes soviétiques et qui, comme l'a expliqué Kristen Ghodsee, ont fait pression sur les gouvernements capitalistes du monde entier pour qu'ils fassent de même.
En mars 1917, quelques mois avant la révolution, Lénine écrit à Kollontaï une lettre chaleureuse et enthousiaste, pleine de promesses sur le monde qu'il et elle sont en train de construire ensemble. Il utilise des termes respectueux, mais aussi très élogieux – « Votre » et « Tous mes vœux » – et même une exclamation : « Je vous souhaite tout le succès possible ». À l'époque, Lénine réfléchissait au pouvoir qui était en train de se construire au sein de la classe ouvrière pour gagner « le pain, la paix et la liberté ». Aujourd'hui, cela ravive pour nous la puissance d'une camaraderie et d'idéaux dont le monde a encore désespérément besoin.
1. Interdit en 1936, l'avortement fut réautorisé en 1955 en URSS.
2. Sheila Rowbotham (1943) est une historienne anglaise socialiste et féministe.
3. Barbara Ehrenreich (1941-2022) était, entre autres, une figure importante des DSA. Scientifique, journaliste, auteure et femme politique, elle a écrit de nombreux essais avec son ex-mari John Ehrenreich, un psychologue clinicien et critique social américain.
4. Kristen Ghodsee (1970) est une ethnographe américaine.
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