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Des tiers-lieux engagés à créer un avenir différent ?

Retour à la table des matières Droits et libertés, automne 2023 / hiver 2024
Des tiers-lieux engagés à créer un avenir différent?
Pascale Félizat, bibliothécaire et observatrice des mouvements écocitoyens À la question « Avec le temps limité que nous avons désormais, où mettez-vous le plus d’espoir de changement, dans le milieu de l’éducation formelle ou informelle ? », deux jeunes québécois répondaient récemment que transformer à partir de l’éducation informelle leur semblait plus facile. Une autre étudiante précisait : « L’école peut apprendre les principes de base pour comprendre le monde mais elle n’apprendra pas à s’activer pour changer le monde ». Ces échanges se sont déroulés durant la table ronde Enjeux éducatifs de la mouvance jeunesse et étudiante pour la justice socio-écologique organisée par le Centr’ERE de l’UQAM en octobre 2023. Aujourd’hui, il n’est plus vraiment nécessaire d’expliquer pourquoi un changement sociétal profond est nécessaire. Tout le monde le sait et le vit. Trouverons-nous le chemin de cette métamorphose sociétale, qui exige, selon le philosophe Aurélien Barrau, « que nous redessinions l’ossature du réel1 »? À la lumière de ce que nous avons observé au cœur de Montréal, une voie semble possible. Elle associe trois groupes d’acteurs : tiers-lieux, groupes citoyens engagés et concepteurs et conceptrices d’activités permettant la reconnexion au milieu de vie et au pouvoir d’agir.Une éducation en évolution
De plus en plus documentés par la recherche, les apprentissages via la mobilisation citoyenne sont nombreux : exercice de la démocratie, politique, enjeux socio-écologiques, impact de l’extractivisme, existence de différentes sortes de rapports au monde, autres revendications (autochtones, décoloniale, antiraciste, féministe, pour la diversité de genre, etc.). S’y ajoutent des apprentissages d’ordre plus instrumental : communication, prise de parole, rédaction, évaluation, mobilisation, travail en équipe, gestion des tensions internes, innovation… Avec l’engagement citoyen, on fait aussi et surtout l’expérience d’une sorte de foi, celle qui pousse à continuer à affronter ces crises d’une gravité sans précédent. C’est l’espoir dont parle Vaclav Havel : la certitude que quelque chose fait sens quelle que soit l’issue finale. À cette même table ronde organisée par le Centr’ERE, une militante indiquait qu’elle aimerait que ces trois aspects particuliers de l’éducation retrouvent toute leur place : la responsabilité partagée de l’éducation « Pourquoi avons-nous arrêté de vouloir aussi éduquer l’enfant de la voisine ? » ; le savoir expérientiel : toutes les activités d’apprentissage basées sur l’observation, l’expérimentation dans son propre territoire, avec tous ses sens, dans l’émerveillement et la curiosité ; la capacité à continuer à se questionner sans cesse pour mieux construire le monde de demain y compris en se demandant « Qu’ai-je fait moimême pour contribuer à ce dont je me plains ou que je veux changer ? ». Ces trois modalités éducatives sont présentes au sein des collectifs citoyens et des tiers-lieux qui fleurissent ces dernières années dans les quartiers centraux de Montréal. On y renoue avec une certaine curiosité pour son milieu de vie, établissant de nouvelles relations avec celui-ci. On y exerce aussi un pouvoir d’agir, limité mais réel, tout en s’adaptant en continu aux nombreux imprévus qui ne manquent pas de se présenter. Vivre et apprécier sa codépendance, en même temps que l’exercice de son pouvoir d’agir tout en acceptant la prise de risques : il s’agit donc d’expérimenter un mode de relation au monde bien différent de celui privilégié par nos sociétés modernes centrées sur l’individualisme, le prêt à consommer et la recherche d’une sécurité maximale. Ces tendances observées au cœur de Montréal vont dans le sens de bien de nos textes fondateurs en éducation y compris l’article 13 du Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels ratifié par le Canada et le Québec : « [l’] éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre2 ».Avec l’engagement citoyen, on fait aussi et surtout l’expérience d’une sorte de foi, celle qui pousse à continuer à affronter ces crises d’une gravité sans précédent.
Des collectifs à connaître
Ces collectifs sont militants (Mères au front, Collectif Antigone…) ou non (Mémoires de Petite-Patrie). Ils sont parfois engagés dans la défense d’un commun menacé (Mobilisation 6600 Parc Nature MHM, À nous la Malting…). Ils sont parfois rassemblés sous la bannière d’une intention rassembleuse (Prenons la Ville) ou d’un manifeste (Gardiens et gardiennes du vivant). Ils sont centrés autour d’un quartier ou d’un territoire donné (Petite Famiglia, Petite Plaza ! À nous le Plateau, Angus s’amuse, Effervescence citoyenne…) ou d’une activité particulière (Super Boat people, Les fruits défendus, Cyclistes solidaires…).| Le terme tiers-lieu, traduit de l’anglais The Third Place, a été introduit en 1989 par le sociologue Ray Oldenburg dans son ouvrage The Great Good Place. Il fait référence aux environnements sociaux qui ne sont ni la maison ni le travail ou l’école. Un tiers-lieu ne se décrète pas mais se constate par la coexistence de plusieurs critères dont le caractère vivant, la capacité à générer de nouveaux liens d’amitié, l’absence de barrières à l’accès des lieux, le caractère fédérateur ou niveleur des conditions et croyances politiques, religieuses ou autres. L’adoption de ce lieu par une communauté distincte qui y imprime sa marque et invite les nouveaux venus à y participer librement est indispensable. Les tiers-lieux se déclinent en plusieurs formes et peuvent être aussi des lieux d’innovation et de faire-ensemble sous leurs formes laboratoires de création (makerspace, medialab, laboratoire de fabrication numérique, living lab, ruche d’art…). |
Les tiers-lieux
Les tiers-lieux pourraient-ils leur servir de caisse de résonnance ? À Montréal, on observe en effet parallèlement un renouveau de ces tiers-lieux : lieux d’un nouveau genre comme Brique par Brique, L’Espace des possibles Petite Patrie, Lespacemaker ; lieux d’éducation alternative ouverts sur la communauté (Fabrique familiale la Cabane) ; lieux d’éducation populaire (Ateliers d’éducation populaire du Plateau ; lieux communautaires (Chez Émilie, La Place) et autres centres sociaux (L’Achoppe)… Tous ces lieux présents au cœur de Montréal se positionnent de plus en plus clairement comme transformationnels. Depuis une quinzaine d’années, les bibliothèques aussi se réclament mondialement du concept de tierslieux et soulignent leur rôle en éducation relative à l’environnement. Véritable « infrastructure liquide qui hybride social, culturel et économique », l‘ensemble de ces lieux quadrillent le territoire dans une belle diversité décrite par la littérature4. Ils ont des armes spécifiques pour conforter les transformations socio-environnementales en cours: ressources partagées (documents mais aussi outils, grainothèques, accès à des experts), programmation régulière d’activités et de services (ateliers de réparation par exemple), formations à la maîtrise des technologies mais aussi « pédagogie du lieu ». Ce dernier volet est particulièrement fécond5 6. Fait intéressant, ces tiers-lieux hébergent régulièrement des artistes (comme la Ruche d’Art Yéléma présente depuis plusieurs années à la bibliothèque Marc Favreau) qui invitent leurs membres à sortir de la pensée rationnelle et à explorer de nouvelles pratiques. Aujourd’hui, toutefois, ces tiers-lieux et les prestataires d’activités éducatives non formelles du cœur de Montréal ne semblent pas se percevoir encore comme un même écosystème d’éducation non formelle. En réponse à ce constat, une poignée de citoyennes visent maintenant à leur proposer des micro-projets pour leur donner des occasions de travailler ensemble autour d’enjeux socio-environnementaux propres à leur territoire : faciliter l’accès de tous les Montréalaises au plein air en ajoutant, conjointement, des informations utiles à une carte de prêt d’accès Sépaq proposée par la BAnQ ; augmenter le pouvoir d’agir citoyen sur la question du logement en abritant des séances d’un jeu cocréé localement par les citoyens eux-mêmes ; contribuer à un répertoire conjoint des modalités de soutien aux projets citoyens pour l’activité Soupe locale, un exercice de démocratie participative qui vise à propulser des initiatives locales. Ces micro-projets sont autant de tentatives de tester, par l’expérimentation, la capacité collective des tiers-lieux à soutenir réelle ment et de façon plus constante et organisée les forces régénératrices portées par ces collectifs écocitoyens. À suivre!- Conférence d’Aurélien Barrau, Rencontres internationales de Genève, Catastrophe écologique : état du monde et perspectives, 26 septembre 2023. En ligne : https://www.youtube.com/watch?v=a5RQYI89plY
- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 3 janvier 1976. En ligne : https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/international-covenant-economic-social-and-cultural-rights
- Les membres de Promenade arboricole collective explorent des moyens de se relier autrement aux arbres Ce collectif a été mis en place à l’initiative de la fondatrice de l’OBNL Cœur d’Épinette.
- Voir Pascal Desfarges, Processus des tiers-lieux des infrastructures civiques de résilience, 2020. En ligne : https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2020-09/ARTICLE-TIERS-LIEU-DEFINITIF.pdf
- Le bibliothécaire David Lankes, dans son ouvrage Expect More, demanding better libraries for today’s complex world, incite les citoyens à réclamer davantage à leurs bibliothèques. En ligne : https://davidlankes.org/new-librarianship/expect-more-demanding-better-libraries-for-todays-complex-world/
- À sa suite, les bibliothèques parlent de leur lieu d’accueil comme un possible « symbole des aspirations de la communauté » mais bien d’autres aspects seraient à examiner pour davantage d’impact Voir par exemple : Pascale Félizat, Convialité/Convivialisme, 2022.En ligne : https://praxis.encommun.io/n/F4ZV1PMTKXLBPgOKtIh435qcWUc/
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Mettre en péril la sécurité des femmes trans
Salvador : l’angle mort d’une politique sécuritaire antidémocratique

Pour l’annulation de la suspension du financement à l’UNRWA
En solidarité avec le peuple palestinien, À bâbord ! partage la lettre rédigée par le Centre international de solidarité ouvrière (CISO) et signée par 13 présidences d'organisations du mouvement syndical québécois appelant le gouvernement du Canada à revenir sur son intention de suspendre son financement à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).
Monsieur le Premier Ministre Justin Trudeau,
Au nom du Centre international de solidarité ouvrière et de ses membres, plus de soixante-cinq syndicats représentant plus de 1,6 millions de personnes travailleuses et travailleurs au Québec, nous tenons à vous faire part de nos grandes inquiétudes quant à l'annonce récente du gouvernement du Canada de suspendre le financement à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). L'Office étant le premier organisme humanitaire pour les réfugiés de Gaza et d'ailleurs dans cette région, nous vous demandons, afin d'assurer la sécurité de millions de Palestiniennes et de Palestiniens, de renverser votre décision.
L'UNRWA est un organisme d'aide irremplaçable dont dépendent des millions de personnes depuis plus de sept décennies. En tant que l'un des plus grands pays donateurs, il serait particulièrement cruel pour le Canada de couper les vivres à cette organisation essentielle, surtout en pleine crise humanitaire causée par le bombardement incessant des forces israéliennes à Gaza. Bien que votre gouvernement ait annoncé le financement d'autres organismes humanitaires dans l'intérim, il ne s'agit là que d'une demi-mesure qui n'atténuera en rien les effets dévastateurs de la suspension du financement du travail qu'accomplit l'UNRWA. L'UNRWA demeure la seule organisation étant en mesure de couvrir les besoins sociaux et humanitaires à grande échelle sur l'ensemble de ce territoire.
Quant au motif même de la suspension, soit les allégations selon lesquelles des membres du personnel auraient été impliqués dans les attaques du 7 octobre, il est important de souligner que l'UNRWA a enquêté avec célérité. De plus, comme on parle ici d'une douzaine de personnes sur un effectif de 30 000, la réaction du Canada nous semble démesurée, d'autant plus qu'elle a été prise en toute hâte, sans aucune preuve des allégations d'Israël et avant que l'enquête en cours n'ait abouti.
Qui plus est, des organismes humanitaires ont émis une mise en garde contre la suspension du financement à l'Office. Selon elles, une telle mesure ne ferait qu'aggraver la situation à Gaza, compte tenu de son travail indispensable dans la région. En effet, dans une déclaration signée par une vingtaine d'ONG internationales, ces dernières se disent « choquées par la décision imprudente de couper une bouée de sauvetage à une population entière par certains des mêmes pays qui avaient demandé à ce que l'acheminement de l'aide à Gaza soit renforcé et que les humanitaires soient protégés dans l'exercice de leur travail ». Soulignons que plus de cent-cinquante (150) travailleuses et travailleurs humanitaires de l'UNRWA ont péri dans les attaques des forces israéliennes.
Nous voulons également attirer votre attention sur les conséquences plus vastes de votre décision, dans le contexte où Israël est sous examen devant la Cour internationale de justice de l'ONU, qui a conclu à des risques plausibles de génocide, en vertu d'une convention que le Canada a lui-même ratifiée et qu'il a la responsabilité de faire respecter en droit international. L'organisme Médecins sans frontières a ainsi déclaré que « les conséquences sur place de ces coupes budgétaires vont à l'encontre des mesures provisoires émises le vendredi 26 janvier par la Cour internationale de justice. Celles-ci comprennent notamment des mesures immédiates pour garantir l'acheminement d'une assistance humanitaire suffisante dans la bande de Gaza ».
Faute de fonds, l'Office devra fort probablement cesser toutes ses activités d'ici la fin du mois. C'est pourquoi nous vous exhortons à travailler de concert avec les autres grands pays donateurs, afin de remédier à la situation dans les plus brefs délais. Encore une fois, nous demandons au gouvernement du Canada d'infirmer la décision de suspendre le financement à l'UNRWA jusqu'à ce que l'ONU ait terminé son enquête, afin que la population palestinienne puisse continuer à recevoir l'aide dont elle a cruellement besoin, afin d'éviter la famine et les épidémies, de soigner les blessés et les malades, de survivre.
En espérant que vous donnerez rapidement suite à notre demande, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, nos plus sincères salutations.
Luc Allaire, président du Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Magali Picard, présidente, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
Caroline Senneville, présidente, Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Françoise Ramel, vice-présidente responsable du secteur sociopolitique et solidarité, Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ)
Youri Blanchet, président, Fédération de l'enseignement collégial (FEC-CSQ)
Frédéric Brisson, vice-président régional Québec, Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)
Daniel Cloutier, directeur québécois, Unifor
Dominique Daigneault, présidente, Conseil central Montréal métropolitain – CSN
Christian Guillemette, 1er vice-président, SCCCUQAR, FNEEQ-CSN
Alfonso Ibarra Ramirez, président, Conseil central des syndicats nationaux de l'Outaouais (CCSNO-CSN)
Vincent Leclair, secrétaire général, Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRFTQMM)
Dominic Lemieux, directeur québécois, Syndicat des Métallos
Caroline Quesnel, présidente, Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)
Photo : UNRWA Summer Game July 2010 (Gisha Access, Wikimedia Commons, BY-SA)
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Cessez-le feu ou capitulation -
Le journal de « centre-gauche et indépendantiste » québécois Le Devoir vient de publier une lettre ouverte signée par cinq pacifistes, qui appellent à un « cessez-le-feu et à des négociations immédiates » en Ukraine.
La lettre en elle-même ne mériterait pas qu'on s'y attarde si les auteur.es ne disaient pas signer « pour » le Collectif échec à la guerre.
De fait, le Collectif regroupe des partis politiques de gauche (Québec solidaire, Parti communiste), de très nombreux syndicats (de la CSN, de la FTQ, d'infirmières, d'enseignant.es etc.), des groupes communautaires et de défense des droits (FRAPRU, Ligue des droits et libertés, AQOCI, MEPACQ etc.) et des organisations religieuses. En bref, c'est donc une bonne partie de ce que le Québec compte de militant.es qui se déclarent de gauche, syndicalistes, socialistes, féministes, anticapitalistes, anti-impérialistes, postcoloniaux, altermondialistes et même internationalistes qui se voit associée, au moins indirectement, au contenu de cet appel pacifiste.
– Cessez-le-feu ou capitulation ?
La lettre en question est une médiocre caricature de la propagande véhiculée par Vladimir Poutine : la guerre a été provoquée par les États-Unis, l'Occident, l'OTAN, qui « mènent une véritable guerre par procuration en Ukraine ». La Russie quant à elle a tout fait pour négocier et éviter le conflit mais il a bien fallu qu'elle défende ses intérêts « de grande puissance ». Et finalement, comme « la guerre en Ukraine ne s'est pas déroulée selon les plans de l'Occident », que les sanctions économiques ont échouées, que la « situation évolue à l'avantage de la Russie », qu'il faut éviter un engrenage et une guerre nucléaire, il est dans l'intérêt des ukrainien.nes et de l'humanité d'imposer le plus rapidement possible un « cessez-le-feu ». Évidemment le texte ne nous ni comment ni quelles en seraient les implications mais il faut que cela soit fait et « mutuellement acceptable ». Et voilà, il fallait juste y penser et l'écrire.
Au-delà d'un narratif digne de la novlangue de Georges Orwell, où ceux que l'on pensait être les agressés deviennent les agresseurs, les victimes, les coupables, les victoires, des défaites, les impérialistes, les colonisés etc., l'intention première qui transpire de la lettre est de mettre un terme au soutien militaire canadien à l'Ukraine, aussi ridicule soit-il. Il est de fait certain que si l'Ukraine ne reçoit plus aucun soutien, elle n'aura alors plus d'autre choix que de négocier le cessez-le-feu. Et le plus tôt on arrêtera de la soutenir, le plus tôt le cessez-le-feu souhaité par les auteur.es de la lettre, sera imposé. Mais il n'est pas dit qu'il sera "mutuellement acceptable".
Et de fait, le seul problème à l'exécution de ce plan magistral est que les Ukrainien.nes – et heureusement beaucoup d'autres personnes – considèrent aujourd'hui qu'il ne s'agit plus alors d'un cessez-le-feu mais d'une capitulation en rase campagne. Et, rien à faire, même avec les incantations des pacifistes québécois.es, les ukrainien.nes refusent de capituler.
- Faut-il écouter les ukrainien.nes ou les ignorer et défendre le pacifisme d'Échec à la guerre ?
Mais les auteur.es de la lettre se moquent éperdument de ce que peuvent penser et vouloir les ukrainien.nes. Il est en effet sidérant de voir avec quelle facilité, toute honte bue, cinq pacifistes (qui se revendiquent certainement postcolonialistes), bien à l'abri des bombes, peuvent prétendre s'exprimer pour et dans l'intérêt des ukrainien.nes, sans même prendre la peine d'en citer un.e seul.e.
Comme si les ukrainien.nes ne pouvaient pas parler, comme si leurs revendications étaient inconnues, comme si leur avis était de toute façon sans intérêt au regard des préoccupations planétaires des cinq pacifistes québécois.es. Les ukrainien.nes sont de facto infantilisé.es, traité.es comme des enfants qui ont réagi de façon impulsive, qu'il faut calmer et à qui il faut expliquer, et au besoin imposer, ce qui est bon pour eux et elles.
C'est vrai qu'ils et elles n'écoutent pas beaucoup, pas même les doctes conseils de nos cinq pacifistes ou des capitalistes occidentaux et Russes. Au lieu de fuir en taxi et de se laisser calmement coloniser, comme le prévoyaient Vladimir Poutine mais également tous les membres de l'OTAN, ils et elles ont choisi de résister et continuent de résister malgré tout, semblant oublier qu'ils et elles ont en face d'eux une puissance nucléaire.
Bref, si pour les auteur.es de la lettre l'opinion des ukrainien.nes ne compte pas, les ukrainien.nes en revanche feraient bien de les écouter. Il s'agit là d'une conception et d'une pratique de "solidarité internationale" déjà bien documentées.
- Mais pourquoi la gauche ukrainienne refuse-t-elle de capituler ?
Mais imaginons que, contrairement aux cinq missionnaires pacifistes, les membres associatifs du Collectif estiment important d'écouter et de prendre en compte ce que les Ukrainien.nes revendiquent, comme n'importe quel internationaliste digne de ce nom. Ils et elles peuvent alors facilement se renseigner en français grâce au précieux travail réalisé par un regroupement de plusieurs maisons d'édition de gauche (y compris québécoises) et au travail du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (ENSU/RESU).
Les partis politiques de gauche, les syndicats et les groupes communautaires québécois peuvent alors constater dans ces milliers de documents que par bien des aspects, la société ukrainienne n'est pas très différente de la société québécoise ; et que, comme elle, c'est une société profondément divisée. Il y a des fascistes, des racistes, des capitalistes profiteurs de la guerre, des multimillionnaires crapuleux et planqués, des politiques corrompus, des religieux homophobes, des antisémites, des islamophobes etc. Et, comme au Québec, faute d'une gauche véritablement internationaliste, c'est cette tendance qui a le vent en poupe.
Mais il y a également de nombreux militant.es de gauche, anticapitalistes, des féministes et des anarchistes qui, en toute conscience, ont choisi de défendre le droit à l'indépendance, non seulement les armes à la main mais également sous le commandement d'un gouvernement bourgeois et patriarcal, seule solution militairement viable selon eux pour ne pas être colonisé.es et disparaitre ; qu'il y a des syndicalistes qui militent contre la scandaleuse réforme du Code du travail tout en apportant un soutien continu aux soldat.es dans les tranchées ; des militants internationalistes qui malgré l'état d'urgence, prennent le temps d'envoyer des messages de solidarité aux palestiniens, aux grévistes français ou britanniques ; des anticapitalistes qui militent contre les réformes néo-libérales de Zelenski, du FMI et de la Banque mondiale, pour la nationalisation de l'industrie de l'armement, l'expropriation des oligarques ; des militant.es qui au risque de leur vie documentent la réalité dans les territoires occupés, les vols d'enfants, le pillage de Mariupol et de sa région, comme la russification à marche forcée etc.
Toujours dans ces précieux documents, les membres du Collectif pourront également constater que les ukrainien.nes se battent également pour la paix, un cessez-le-feu et le désarmement. La différence toutefois est qu'ils et elles n'acceptent pas les conditions proposées par nos cinq pacifistes ou Vladimir Poutine. Ils et elles ne cessent de le répéter : si la Russie se retire, il n'y a plus de guerre. En revanche, si l'Ukraine cède, il n'y a plus d'Ukraine.
- Qui désarmera et qui sera désarmé ?
De fait, quand on fait face à l'armée d'un dirigeant qui répète à qui veut l'entendre que vous n'existez pas et qui a déjà montré on ne peut plus clairement aux Tchétchènes, aux Syrien.nes ou aux Georgiens les conditions d'une paix durable et du désarmement selon lui, on retient surement mieux certaines leçons de l'histoire : « toute la question est de savoir qui désarmera et qui sera désarmé ».
Par conséquent, aujourd'hui, ce que les membres du Collectif ne trouveront pas dans ces multiples documents de syndicalistes, de socialistes de féministes, d'anticapitalistes, d'internationalistes ukrainien.nes ce sont des appels à mettre un terme au soutien militaire à l'armée ukrainienne, à s'opposer à l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN ou dans l'Union européenne. Ces militant.es de la gauche ukrainienne le répètent : ce n'est pas de gaité de coeur qu'ils et elles font ces choix politiques ; c'est une question de priorités, de survie.
- Et si la gauche Russe souhaitait également la défaite militaire de Poutine ?
Nos cinq pacifistes pourraient par ailleurs, toujours dans une perspective de solidarité internationale, se tourner vers les militant.es internationalistes russes. Il est vrai qu'il est beaucoup plus difficile d'entrer en contact avec elles et eux mais, grâce au travail des militant.es du RESU, on dispose notamment des déclarations du Mouvement socialiste russe. Et voici un extrait d'un récent communiqué en espérant que les membres du Collectif Échec à la guerre soient incités à le lire dans son intégralité :
« Le régime de Poutine ne peut plus sortir de l'état de guerre, car le seul moyen de maintenir son système est d'aggraver la situation internationale et d'intensifier la répression politique à l'intérieur de la Russie.
C'est pourquoi toute négociation avec Poutine n'apporterait, au mieux, qu'un bref répit, et non une véritable paix.
Une victoire de la Russie serait la preuve de la faiblesse de l'Occident et de sa volonté de redessiner ses sphères d'influence, surtout dans l'espace post-soviétique. La Moldavie et les États baltes pourraient être les prochaines victimes de l'agression. Une défaite du régime, en revanche, équivaudrait à son effondrement.
Seul le peuple ukrainien a le droit de décider quand et dans quelles conditions faire la paix. Tant que les Ukrainiens feront preuve d'une volonté de résistance et que le régime de Poutine ne changera rien à ses objectifs expansionnistes, toute contrainte exercée sur l'Ukraine pour l'amener à négocier est un pas vers un "accord" impérialiste aux dépens de l'indépendance de l'Ukraine.
Cet "accord de paix" impérialiste signifierait un retour à la pratique de partition du reste du monde par les "grandes puissances", c'est-à-dire aux conditions qui ont donné naissance à la Première et à la Seconde Guerre mondiale.
Le principal obstacle à la paix n'est certainement pas le "manque de volonté de compromis" de Volodymyr Zelensky, ni le "caractère faucon" de Joe Biden ou d'Olaf Scholz : c'est le manque de volonté de Poutine de discuter même de la désoccupation des territoires ukrainiens saisis après le 24 février 2022. Et c'est l'agresseur, et non la victime, qui doit être contraint de négocier » (Traduction Deepl.).
Il est évident que cette prise de position, tout comme celle de la gauche ukrainienne reprise ici, ne reflètent qu'une partie et probablement qu'une toute petite partie des opinions des gauches Russe ou Ukrainienne. Mais ce sont ces positions que nous relayons, que nous avons choisi d'appuyer, en citant nos sources. Que les cinq pacifistes québécois.es fassent de même et nous disent au nom de qui ils et elles parlent et revendiquent un « cessez-le-feu immédiat » en Ukraine.
En attendant leurs sources, nous partageons l'avis du Mouvement socialiste Russe selon lequel, dans le contexte actuel, ce qui compte au final c'est le choix du peuple ukrainien et que "c'est l'agresseur, et non la victime, qui doit être contraint de négocier". Tout l'inverse de ce qu'ont choisi de défendre les cinq pacifistes québécois.es "pour" un important collectif de travailleurs et de travailleuses Québécois.es.
Nous espérons alors que les membres associatifs du Collectif Échec à la Guerre feront savoir qu'ils condamnent fermement cette méprisable prise de position qui va à l'encontre du droit à l'auto-détermination et de tous les principes de base de la solidarité internationale ouvrière et féministe, de l'internationalisme.
Camille Popinot
Illustration : Anna Ivanenko, Si cela vient à nous, cela viendra à vous.
https://centrededesign.com/ukraine-lart-de-se-defendre/

Mayotte : l’impasse coloniale
À Mayotte, les mesures répressives restent inefficientes et nourrissent les violences. La suppression du droit du sol ne dérogera pas à ce constat. La solution serait un investissement social à l'échelle de l'archipel.
Mayotte est restée française parce que quelques dizaines de planteurs ont convaincu les « grands notables » en utilisant les différends existant dans l'archipel des Comores. Une propagande intensive parmi la population accompagnée d'une répression contre les indépendantistes a fait le reste.
Le tout-répressif
Cela a permis à la France de maintenir sa position stratégique sur le canal du Mozambique. Mais ce succès apparent revient comme un boomerang en s'accompagnant de crises successives démontrant la précarité de cette architecture.
Pour les MahoraisEs, la départementalisation de leur île revêtait un double objectif : signer l'impossibilité d'un retour vers les Comores et garantir l'accès privilégié aux ressources au détriment des étrangerEs. L'immigration est vue comme la cause des problèmes, au demeurant réels, que sont l'insécurité et la misère sociale. Quoiqu'en disent les MahoraisEs, la délinquance n'est pas l'apanage des étrangerEs. En revanche ce qui est nouveau, c'est l'apparition de bandes de jeunes qui se livrent à des actes de violence parfois gratuits. Ce phénomène est nourri par l'arsenal juridique spécifique de Mayotte tel que l'absence de commission du titre de séjour ou de recours contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Aussi les ComorienNEs expulséEs précipitamment laissent derrière eux leurs enfants. Comme les aides sociales pour mineurEs isoléEs ont été aussi supprimées, ces derniers n'ont d'autres choix que de se regrouper et tenter de survivre par tous les moyens. Ainsi existent des villages entiers composés de jeunes livréEs à eux-mêmes sans aucune perspective.
Le paradoxe
Les ComorienNEs viennent à Mayotte parce que le territoire est six fois plus riche que le leur et non pour un hypothétique accès à la nationalité française de leur progéniture. Possibilité d'autant plus aléatoire que la loi de 2018 impose que les parents soient sur place et en situation régulière depuis plus de trois mois. Une loi qui d'ailleurs n'a eu aucun effet sur les flux migratoires.
Les MahoraisEs se sont mis dans une impasse coloniale. En militant pour que l'île devienne un département français, ils ont eux-mêmes accepté d'abandonner, au moins formellement, un mode de vie ancestral. Dans le même temps, l'objectif de vivre selon les standards de la métropole s'est avéré largement hors de portée. Mayotte est le département français, et de loin, le plus pauvre. En exigeant plus d'investissements sociaux de la part de la métropole, les Mahorais augmentent aussi paradoxalement l'attraction de leur île pour les ComorienNEs. La succession de mesures répressives prises par l'État français n'arrive pas à juguler cette immigration.
Prendre en compte l'archipel
À terme, le risque est de voir se développer un conflit que l'on ne peut certainement pas qualifier d'ethnique puisque MahoraisEs et ComorienNEs sont un seul peuple. Pourtant, sur l'île se répand une violence verbale : les étrangerEs sont comparés à des cafards et deviennent les responsables de tous les malheurs qui surviennent. Salime Mdere, vice-président du Conseil départemental, déclare à propos des jeunes ComorienNEs « à un moment donné, il faut peut-être en tuer ».
La solution n'est certainement pas, comme le propose Darmanin, la suppression du droit du sol. Elle ne fera qu'alimenter la machine à créer des sans-papierEs et légitimer la haine. Trouver une solution viable et juste n'est pas chose aisée. Une piste serait, non de concentrer toute la richesse (bien relative par rapport à la métropole) sur Mayotte mais de la répartir sur l'archipel de telle sorte que l'ensemble des ComorienNEs puissent accéder à des structures hospitalières convenables et à une offre d'éducation pour l'ensemble des jeunes. Permettre un développement économique de Mayotte qui puisse bénéficier aux trois autres îles : atténuerait le conflit fratricide d'un peuple en proie au tourment d'une erreur historique.
Paul Martial
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Garderies subventionnées : « priorité aux citoyens québécois », dit Legault
La CAQ applique la « préférence nationale » du parti de Marine Le Pen Le titre ci-haut de l'article de Radio-Canada aurait bien pu être « La CAQ fait sienne la politique de « préférence nationale » du Rassemblement national de Marine Le Pen.
Le Premier ministre du Québec qualifie de « gros bon sens » sa « politique de faire appel du jugement ordonnant au gouvernement de permettre aux demandeurs d'asile d'accéder aux centres de la petite enfance (CPE) et aux garderies subventionnées. » Avec le temps, on se rend compte que la CAQ ne fait pas bon ménage avec les tribunaux qui défendent soit le droit des peuples autochtones pour prendre en mains leurs services pour l'enfance en difficulté, soit celui de la minorité musulmane pour préserver leur droit de porter le voile pour enseigner, soit de défendre le droit des femmes réfugiées d'avoir accès aux CPE.
Pour en rajouter une couche, la CAQ instrumentalise le nationalisme identitaire contre les juges des tribunaux supérieurs dont la nomination relève d'Ottawa. Et pourquoi pas, tant qu'à y être, blâmer les personnes réfugiées pour le recul du français en oubliant la croissance exponentielle de travailleuses et travailleurs temporaires au bénéfice des entreprises qui en redemandent tellement leurs déplorables conditions de travail leur sont bénéfiques. Il ne viendrait pas à l'idée de la CAQ que rendre permanente cette immigration corvéable à merci serait aux yeux de celle-ci un gage d'accueil et par là d'incitatif, en plus de programmes généreux aux frais des employeurs, à apprendre le français pour s'intégrer à la société hôte.
Ajoutons que la perspective d'une société écoféministe de « prendre soin » des gens et de la terre-mère — rien à voir avec la CAQ ! — ferait muer le français, langue commune, en un phare sur la colline aux dépens de l'anglais, lingua franca du dominant impérialisme néolibéral. La saga de la convention collective du secteur public, un échec pour la CAQ même si ce n'est pas un succès syndical entre autres à cause de l'appui populaire aux syndicats, lui a fait comprendre que pour l'instant elle ne rallierait pas le peuple québécois dans une croisade antisyndicale. Lui reste, pour reconquérir le soutien de la majorité francophone perdu en faveur du PQ, de s'inspirer de la préférence nationale lepéniste. En plus de damer le pion au Parti (très) conservateur du Québec, ce stratagème lui apporte le soutien enthousiaste du très réactionnaire Parti conservateur canadien, en forte avance dans les sondages partout au Canada sauf au Québec où il progresse mais reste devancé par le Bloc québécois, maintenant renié par la CAQ qui rejette son inhérent penchant péquiste.
Ne le suit pas pour l'instant dans ce tournant à odeur raciste et xénophobe le PQ qui se garde une petite gêne. Le vent identitaire soufflant fort finira-t-il par l'emporter ? Même pendant un instant Québec solidaire a semblé céder aux sirènes nationalistes en voulant appuyer le renouvellement de la clause dérogatoire aux dépens des femmes porteuses de voile avant de se ressaisir sous la pression de ses membres et de son électorat. La direction du parti s'est peut-être souvenue que la loi et les programmes de la démocratie réellement existante s'appliquent à égalité à toutes les personnes résidentes, toutes citoyennes de jure ou en devenir. Les seules exceptions concernent les femmes et les minorités opprimées devant jouir de plus de protection et de plus de soutien. Inutile de dire que la minorité privilégiée anglophone avec ses universités mieux financés n'en fait pas partie ce qui ne signifie pas qu'il faille s'en prendre à la gent étudiante hors Québec comme solution.
Bien sûr, cette tergiversation Solidaire contenait un noyau rationnel en ce sens que la nation opprimée n'apprécie pas de se faire imposer un comportement vertueux par la justice de la nation dominante. On le sait bien, celle-ci se sert de la défense des nations et minorités opprimées pour mieux les diviser. Vaudrait mieux pour Québec solidaire rompre avec ce nationalisme étroit porté au repliement identitaire pour plutôt stratégiquement prôner un indépendantisme, à gauche toute, de justice climatique et de justice sociale ralliant le soutien de toutes les nations et minorités du Canada et de la majorité de son peuple travailleur.
Marc Bonhomme, 24 février 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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Grand dossier sur les travailleuses et travailleurs temporaires
Ils proviennent des grands coins du globe : Guatémala, Mexique, Philippines, Inde, Niger, Maroc, Tunisie. Ils viennent dans l'espoir d'améliorer leur sort et celui de leur famille. Ils travaillent dans les champs agricoles, des usines de fabrication et de transformation, des hôtels, des buanderies, des maisons privées à titre de domesetiques. Mais leur rêve s'estompe parfois devant des employeurs sans scrupules. Et leur permis de travail fermé ne les aide en rien.
Dossier tiré du journal de la FTQ : LE MONDE OUVRIER N° 146 • HIVER 2024. (Nous publions dans ce numéro de PTAG ce dossier fait d'analyses, de témoignages et d'ouverture vers différentes ressources. Un dossier important.)
Forte hausse du nombre de TET et de leur vulnérabilité
Avec les transformations du marché du travail et la pénurie de main-d'œuvre, les employeurs du Québec ont de plus en plus recours aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires (TET). Historiquement, et jusqu'à récemment, ce sont les travailleurs agricoles et les travailleuses domestiques qui ont constitué la grande majorité de ce groupe. Mais de plus en plus, on les voit apparaître dans plusieurs secteurs d'activités et dans plusieurs régions du Québec aussi.
Selon le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration (MIFI), la province comptait 108 410 titulaires de permis de travail temporaire en 2022 ; le double en cinq ans. Et la hausse est encore plus fulgurante si on ne regarde que les permis valides sous le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) : ils ont quintuplé pour atteindre 35 215, soit le tiers des permis toutes catégories confondues. Le Québec se retrouve donc en tête de peloton au Canada en ce qui a trait au recours à la main-d'œuvre étrangère. Et depuis des années, le patronat exerce de fortes pressions pour obtenir davantage d'assouplissements au cadre réglementaire régissant le programme et la délivrance des permis, tant auprès du gouvernement canadien que québécois.
Le gros problème, c'est que le PTET octroie bien souvent des permis de travail fermés, ou nominatifs, qui contraignent ces personnes à rester uniquement auprès de l'employeur qui les a fait venir, sans possibilité de trouver un emploi ailleurs. Cette situation les place dans un carrefour de vulnérabilité : qui voudra revendiquer ses droits ou utiliser un recours sachant qu'il risque de ne plus jamais revenir sur le marché du travail canadien ? Cette crainte est particulièrement exacerbée chez de nombreuses travailleuses et de nombreux travailleurs qui ont dû contracter d'importantes dettes dans leur pays d'origine afin d'être en mesure de travailler au Canada. L'endettement les pousse souvent à accepter l'inacceptable au travail.
Des travailleuses et travailleurs comme les autres ?
La grande majorité des travailleuses et travailleurs étrangers ne parlent pas la langue française. Ils sont nombreux à vivre dans un état d'isolement, dans des logements fournis par les employeurs, souvent à l'écart des centres urbains. Ils doivent travailler de longues heures, en particulier dans le secteur agricole. Ils subissent fréquemment une surveillance accrue de la part de leur employeur.
En raison d'abus subis, certains sont contraints de fuir leur emploi et, conséquemment, de perdre leur statut. C'est un effet pervers du PTET. D'ailleurs, les travailleuses et travailleurs étrangers constituent une portion des personnes sans statut. Impossible de savoir avec précision, mais le nombre de sans-papiers s'élèverait à 100 000 sur le territoire québécois selon certaines estimations. Ces personnes doivent souvent travailler illégalement, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux abus des employeurs puisque, comme les travailleuses et travailleurs étrangers, l'action de faire valoir leurs droits les expose à des conséquences disproportionnées. Les employeurs le savent et profitent de cette situation pour leur imposer des conditions de travail désavantageuses.
Cette situation a été décriée en septembre dernier par un Rapporteur spécial des Nations unies, qui a parlé d'une forme contemporaine d'esclavage pour les travailleuses et travailleurs étrangers, « car ils ne peuvent pas dénoncer les abus subis sans craindre d'être expulsés ». Il a demandé au Canada de mettre fin au système fermé des permis de travail, position qui est aussi celle de la FTQ.
Processus d'immigration temporaire
Au Canada, l'immigration est une compétence qui est partagée entre les paliers fédéral et provincial. Chaque ordre de gouvernement est responsable d'une portion du processus. Dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), l'employeur doit, dans un premier temps, démontrer aux deux ordres de gouvernement qu'il a tenté sans succès de recruter de la maind'œuvre locale : c'est l'Évaluation de l'impact sur le marché du travail (EIMT). À cette étape, l'employeur peut en théorie essuyer un refus s'il a déjà été condamné pour ne pas avoir respecté ses obligations légales envers les travailleuses et travailleurs dans le passé. Malheureusement, le ministère québécois ne publie aucune information quant à la mise en œuvre réelle de ces dispositions.
Le palier provincial doit ensuite émettre à la travailleuse ou au travailleur un Certificat d'acceptation du Québec (CAQ). Cet automne, la ministre de l'Immigration, Christine Fréchette, a annoncé une nouvelle exigence pour le renouvellement du CAQ : l'atteinte d'un certain niveau de français à l'oral. Bien que la FTQ soutienne les efforts qui doivent être consacrés à la francisation des personnes immigrantes, elle croit que cette exigence compliquera le parcours des TET souhaitant dénoncer des abus. Si l'employeur ne respecte pas ses obligations en matière de francisation, c'est la travailleuse ou le travailleur qui en fera les frais en se voyant interdire de revenir au pays.
Finalement, le palier fédéral délivre un permis de travail à la travailleuse ou au travailleur. Ce permis précise sa durée ainsi que le nom de l'employeur pour lequel la travailleuse ou le travailleur peut travailler au Canada. Si la travailleuse ou le travailleur ne respecte pas les conditions énoncées, elle ou il se retrouve en infraction et risque non seulement l'expulsion, mais voit aussi ses chances fortement compromises de revenir au Canada pour un autre employeur. Par le passé, ces conditions strictes ont notamment permis à des employeurs sans scrupules d'user de menaces de déportation à l'égard des TET.
Positions de la FTQ
Il faut remonter au 16e Congrès de la FTQ, en 1979, pour comprendre l'attention prioritaire que la centrale accorde à la situation des travailleuses immigrantes et travailleurs immigrants.
Aujourd'hui, la FTQ réclame notamment :
▼La fin du régime des permis nominatifs (permis fermés), qui lient les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires (TET) à un seul employeur, afin d'octroyer des permis ouverts et de permettre aux TET de changer librement d'employeur ;
▼La régularisation du statut de toutes les personnes sans-papiers en accordant la résidence permanente à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs, alors même qu'elles contribuent de manière positive à nos communautés ;
▼L'encadrement strict des agences de placement temporaire. En principe, ces agences ne peuvent placer de travailleuses et travailleurs étrangers, mais certaines exercent leurs activités illégalement et en toute impunité ;
▼L'obligation des autorités à informer les TET de leurs droits dans leur langue maternelle et de leur donner accès à des cours de français pendant les heures de travail ;
▼Le maintien à 10 % la proportion limite de TET admis sur un lieu de travail ;
▼L'accès à la syndicalisation et à la négociation collective dans tous les secteurs, notamment dans la production agricole ;
▼La hausse des inspections dans les entreprises qui emploient des TET.
Syndicat à la rescousse
Quand le rêve tourne au cauchemar
Ingénieur en mécanique originaire des Philippines, Manuel Lero Gianan Junior carbure aux défis. Après un séjour de quatre ans en Australie, une occasion se présente et lui permet de venir en tant que travailleur étranger temporaire dans une entreprise abitibienne en 2019. « J'étais content quand l'entreprise m'a contacté pour me dire que j'étais choisi. Quand on m'a dit que c'était une province où l'on parlait français, c'était un autre défi. J'aime beaucoup apprendre. J'étais tout excité », raconte-t-il.
Ici, il travaille fort en tant que mécanicien de véhicules lourds, ayant un salaire somme toute limité qui suffit à peine à payer les comptes de sa maison aux Philippines, où habite son épouse, ainsi que ses frais de subsistance au Québec.
Après deux ans, en pleine pandémie, il commence à interroger son employeur au sujet de son salaire. « J'avais fouillé un peu sur les salaires, et je voyais bien que cela ne convenait pas. Je posais régulièrement des questions sur le moment des prochaines augmentations. Le patron m'a fait venir dans son bureau. Ça a été une expérience difficile. Il m'a dit des choses que je n'allais pas oublier de sitôt », se souvient-il avec émotion.
Le travailleur étranger temporaire fut alors congédié, cinq mois avant l'échéance de son permis de travail fermé, qui lui donnait le droit de travailler seulement pour un employeur. « On n'a plus de travail pour toi ici », lui avait lancé l'employeur. Il devait même déménager, puisqu'il était hébergé par ce même employeur. « J'étais paralysé, je ne savais plus quoi faire », confie Manuel.
Espoir et rebond
Un collègue lui a alors conseillé d'en parler à son syndicat Métallos. « Au début, ma confiance envers le syndicat n'était pas grande. Je me disais que ces responsables ne pouvaient pas aller à l'encontre de quelqu'un qui était de leur propre race. Je suis juste un étranger, pourquoi se battraient-ils pour moi ? Je n'avais pas d'espoir. »
Mais Manuel est surpris. Il trouve une oreille compatissante en Sébastien Rail, qui était alors vice-président de la section locale composée 9291 du Syndicat des Métallos. « Je pouvais sentir sa sincérité, je me suis confié à lui. Il m'a suggéré de ne pas abandonner mon idée de travailler ici et de postuler pour travailler dans une autre entreprise de la région », se rappelle-t-il.
Entre-temps, le syndicat a effectué un suivi pour l'aider à faire avancer sa demande d'assuranceemploi, qui traînait en longueur depuis plusieurs semaines. Le représentant du syndicat a aussi parlé de Manuel avec les responsables des ressources humaines de Technosub, une entreprise syndiquée avec les Métallos, qui fabrique des pompes pour le secteur minier et qui emploie plusieurs mécaniciens, tout en recrutant régulièrement des travailleurs étrangers. « On a expliqué à Manuel qu'on croyait en lui, que c'était un gars travaillant et prêt à mettre les efforts pour que ça fonctionne », raconte Sébastien Rail, aujourd'hui président de la section locale composée 9291.
De fil en aiguille, Technosub a effectué les démarches pour que Manuel puisse avoir le permis nécessaire pour y travailler. Il a fini par être embauché, et son permis a même été renouvelé jusqu'en 2024.
De l'humanité, est-ce trop ?
Le cas de Manuel Lero Gianan Junior est loin d'être isolé. Pour un membre du syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce (TUAC), qui souhaite se faire appeler José, son parcours est parsemé de frustrations. Ce Guatémaltèque de 35 ans travaille dans une usine d'une petite localité depuis 2014. Il s'intègre si bien qu'il réussit à se trouver une amoureuse et souhaite emménager avec elle. Or, dans son contrat de travail, il est tenu d'habiter dans le logement convenu avec l'employeur et s'il souhaite le quitter, l'employeur l'oblige de continuer à payer les frais de loyer. Le syndicat a dû intervenir en sa faveur, gain qu'il a obtenu. Arrive alors la naissance de bébé. José demande des horaires plus accommodants pour passer plus de temps avec sa famille. Encore une fois, son contrat de travail l'oblige à être disponible en tout temps, 7 jours sur 7, et s'il ne rentre pas le dimanche, il y aura des conséquences.
José commence sa carrière comme emballeur. Au fil des années, il gagne de l'expérience et devient chef d'équipe, et ensuite quasi-superviseur. « Je faisais tout le travail du superviseur, y compris le rapport. La seule chose que je ne faisais pas, c'était la discipline. » Mais encore une fois, son permis de travail est contraignant : superviseur ne cadre pas dans les paramètres de classification ni dans les barèmes de son permis… et il ne peut pas toucher le salaire relié à cette fonction, qui est plus élevé de 2 $ l'heure que celui de son poste actuel. Présentement, José est sur le point de décrocher son 4e permis de travail, mais pour la première fois, ce permis sera ouvert et non fermé. Espérons qu'il aura davantage les coudées franches pour négocier des conditions de travail justes et humaines.
Un défi syndical important
Le nombre croissant de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires (TET) dans les milieux de travail pose des défis aux organisations syndicales.
Chez Technosub, là où Manuel a trouvé un nouvel emploi, c'est maintenant près de la moitié du personnel syndiqué qui a un permis de travail temporaire. « Ça prend de la francisation en milieu de travail, sur les heures de travail », indique Sébastien Rail, président de la section locale composée 9291 du Syndicat des Métallos, qui inscrit cette demande dans son petit carnet en vue des prochaines négociations. Il envisage aussi de demander à l'employeur de rembourser les coûts des services d'un interprète pour les assemblées syndicales.
Même son de cloche pour Julio Lara, conseiller syndical au syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce (TUAC), qui travaille sur cinq unités dans le secteur agricole. Même s'il parle parfaitement espagnol et qu'il peut aisément communiquer avec des Colombiens, des Guatémaltèques et des Mexicains, il exige une langue commune : le français. « Souvent, je fais des assemblées syndicales en trois langues : français, espagnol et anglais. Ça rallonge mon plaisir, dit-il avec humour, mais il faut briser la barrière de la langue pour créer une solidarité syndicale. »
À Saint-Damien, le fabricant de plastique IPL avait même payé des cours d'espagnol à des travailleurs québécois pour accueillir ses TET. C'était le dépaysement total lorsque la première vague de travailleurs guatémaltèques est arrivée en plein hiver, se souvient Frédéric Morin, aujourd'hui conseiller syndical à l'Union des employés et employées de sevice (UES 800). Les vagues suivantes ont été beaucoup plus faciles à intégrer puisque les nouveaux arrivants ont pu bénéficier de l'accueil et de l'expérience des précédents.
La peur du syndicat
« Mais ayoye ! J'en ai vidé des boîtes de Kleenex ! Des femmes en pleurs dans mon bureau ! », relate-t-il avec du recul. Frédéric Morin avait beaucoup d'éducation syndicale à faire. Lorsqu'il se présentait comme président du syndicat, les TET croyaient qu'il était l'équivalent d'un patron et les gens avaient peur de venir le voir, même lorsqu'ils s'étaient blessés. « Dans leur pays d'origine, un syndicat est associé à la corruption et à la criminalité. On a dû travailler fort pour gagner leur confiance. »
Julio vit la même situation. Pour contourner le problème, il utilise les termes union, association ou de fraternité de travailleurs, sauf dans le texte de la convention collective où il doit respecter le mot syndicat. Dans ce contexte, c'est encore plus dur convaincre des TET de s'impliquer dans le syndicat. Il faut donc trouver rapidement des leaders naturels tout en espérant qu'ils ne partiront pas au bout de quelques années.
Si certains partent, d'autres qui souhaitent rester se heurtent parfois à des embûches et deviennent sans statut. Et pour Julio, l'employeur a une part de responsabilité. « Il faut que les employeurs soient des montres suisses dans l'organisation administrative. Puisqu'ils font venir des travailleurs, ils devraient mieux gérer le renouvellement des permis. » Lorsque des travailleurs subissent des mises à pied temporaires à l'approche de l'expiration du permis, il n'est pas rare de voir l'employeur oublier de renouveler les permis de ses TET.
Clairandrée Cauchy, conseillère au Syndicat des Métallos, souligne d'ailleurs à gros trait cette période de fragilité entre deux permis. « On a déjà vu un travailleur hésiter à revenir dans son pays alors que sa fille venait de mourir. S'il partait, il n'était pas sûr de pouvoir revenir parce que ses papiers n'étaient pas totalement à jour. » Situation d'une tristesse infinie et qu'il faut remédier.
JURISPRUDENCE
Incarcérés et libérés
Une décision rendue par le Tribunal administratif du travail en 2019 met en lumière toute la gravité des abus auxquels sont sujets les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires (TET) en raison du caractère fermé de leur permis de travail. Des travailleurs ont été incarcérés dans un centre de détention pour des périodes variant entre deux semaines et deux mois à la suite d'une enquête de l'Agence des services frontaliers.
Le propriétaire d'une agence de placement les avait convaincus de délaisser l'employeur avec lequel ils étaient liés par le permis de travail fermé, en leur promettant de meilleures conditions de travail. Puisqu'ils se retrouvent en situation d'illégalité, l'agence était en mesure de les faire travailler dans des conditions inhumaines sous peine de les faire expulser. En plus d'être maltraités, mal logés et mal nourris, de voir leurs passeports confisqués et de travailler plus de 80 heures par semaine, ces travailleurs ne recevaient qu'un montant de 300 $ par semaine, l'agence prétendant que la balance de leur salaire servait à payer les démarches d'un consultant en immigration pour régulariser leur situation… démarches qui n'auront jamais lieu. Chaque fois qu'ils posaient des questions, on les menaçait de déportation.
Grâce à l'appui d'un centre de travailleur, ils sont parvenus à faire la lumière sur les abus subis. Cette histoire vraie démontre que ce n'est qu'en tout dernier recours que les TET sont en mesure de faire valoir leurs droits. Combien subissent en silence les abus rendus possibles par le système des permis fermés ?
Un peu d'histoire
L'introduction de la notion de permis de travail dans la réglementation fédérale remonte à 1973. À l'époque, un taux de chômage bien plus élevé qu'aujourd'hui a servi à justifier l'imposition des permis de travail : l'objectif était alors la protection du marché de l'emploi pour les travailleuses et travailleurs canadiens. Encore aujourd'hui, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés prévoit que « l'étranger ne peut travailler au Canada sans y être autorisé par un permis de travail ». La protection du marché du travail prend essentiellement la forme, pour les employeurs, d'une obligation de démontrer avoir effectué des efforts raisonnables de recrutement local avant de passer au recrutement international. C'est là la source du permis de travail fermé.
Questions fréquentes et réponses
Est-ce que les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole ont le droit à la syndicalisation ?
Oui et non. Très peu de travailleuses et travailleurs agricoles sont syndiqués. Leur droit à la syndicalisation a été pratiquement aboli en 2014 par le projet de loi n o 8. Or, la FTQ ne voit aucune raison pour que le secteur agricole soit exclu du régime de syndicalisation qui prévaut dans tous les autres secteurs. Ce déni brime la liberté d'association garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Par ailleurs, l'ensemble des travailleuses et travailleurs du secteur agricole bénéficie de protections moins avantageuses en termes de conditions de travail. À titre d'exemple, ils n'ont pas droit au paiement au taux majoré de leurs heures supplémentaires et au repos hebdomadaire prescrit par la Loi sur les normes du travail.
Qui doit payer les frais de recrutement des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires ?
En principe, les travailleuses et travailleurs étrangers n'ont pas à payer pour travailler. Sauf exception, la loi interdit aux employeurs ainsi qu'aux agences de recrutement de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires de leur réclamer des frais pour leur recrutement. Cependant, la notion de frais de recrutement est si floue qu'elle permet dans les faits à de nombreux employeurs et agences de réclamer des milliers de dollars aux travailleuses et travailleurs qui souhaitent obtenir un emploi. De plus, les recruteurs qui se trouvent dans les pays d'origine, et en particulier au Guatemala, exigent des frais importants aux travailleuses et travailleurs pour les placer sur les listes. Ces sommes représentent souvent plus d'une année de salaire dans les pays d'origine et accentuent leur situation de servitude.
Est-ce que les lois du travail s'appliquent différemment aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires ?
Non. En principe, toutes les lois qui visent à conférer des protections aux travailleuses et travailleurs s'appliquent intégralement aux travailleuses et travailleurs étrangers et ne font pas de distinction en fonction du statut migratoire. La véritable distinction se situe au niveau de l'impossibilité pour les travailleuses et travailleurs étrangers, en pratique, de faire valoir leurs recours. Comme le permis de travail fermé les rend captifs de leur employeur, ils hésitent trop souvent à se plaindre des violations de leurs droits, de peur de perdre leur emploi et d'être renvoyés dans leur pays d'origine.
Guide de ressources
Historiquement, en raison des milieux de travail qui ont fait appel à eux, les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires (TET) ont œuvré dans des secteurs non syndiqués. Ce sont les organismes communautaires de défense de droits qui ont développé, les premiers, une expertise en matière de représentation des TET. Ces organismes jouent toujours un rôle très important. Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (IWC-CTI) info@iwc-cti.ca | 514 342-2111 https://iwc-cti.ca/fr/
Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ) info@rattmaq.org | 514 415-8077 https://rattmaq.org/
Association pour les droits des travailleuses de maison et de ferme (DTMF-RHFW) info@dtmf-rhfw.org | 514 379-1262 https://dtmf-rhfw.org/
Lexique
CAQ : Le Certificat d'acceptation du Québec est délivré par le gouvernement du Québec comme preuve de sélection temporaire pour toute personne qui relève d'un programme d'immigration temporaire (PTET, PMI, PEE) afin de travailler ou d'étudier sur son territoire, à moins d'exception. Il ne donne pas accès à la résidence permanente.
CSQ : Le Certificat de sélection du Québec délivré par le gouvernement du Québec permet à une personne qui relève d'un programme d'immigration économique (PRTQ, gens d'affaires) de travailler sur son territoire et de postuler à la résidence permanente auprès du gouvernement du Canada.
EIMT : Une Étude d'impact sur le marché du travail favorable doit être obtenue par tout employeur souhaitant recruter une travailleuse ou un travailleur dans le cadre du PTET. Délivrée par les deux paliers de gouvernement, elle établit que la ou les personnes recrutées répondent à un besoin réel de travail. Une EIMT est généralement valide pour une durée maximale de deux à trois ans, selon les situations.
Niveau de qualification : Selon la Classification nationale des professions (CNP), les professions sont notamment classées selon leurs exigences de compétences. Jusqu'à récemment, on distinguait les niveaux 0 (cadres supérieurs et intermédiaires), A (diplôme universitaire), B (diplôme collégial ou équivalent), C (diplôme d'études secondaires) et D (aucune scolarité).
Permis de travail ouvert ou fermé : Il s'agit d'une autorisation de travailler sur le territoire canadien délivrée par le gouvernement fédéral. Un permis dit ouvert permet à une personne de travailler pour n'importe quel employeur et dans n'importe quelle région ou province du Canada. Un permis dit fermé n'autorise une personne à travailler que pour un seul employeur.
PEQ : Le Programme de l'expérience québécoise (PEQ) permet aux personnes immigrantes qui relèvent du PTET (sauf pour les professions les moins qualifiées, de niveaux C ou D) ou du Programme des étudiants étrangers (PEE) de faire reconnaître leurs expériences de travail ou d'études réalisées sur le territoire québécois afin de présenter une demande de sélection permanente auprès du gouvernement du Québec (CSQ) puis de résidence permanente auprès du gouvernement du Canada.
Traitement simplifié : Ce processus lève pour l'employeur certaines obligations ou limites prévues par le PTET depuis 2012. Actuellement, il concerne le recrutement de professions ciblées, qui requièrent surtout des niveaux de qualification élevés. En 2023, on compte 319 professions admissibles au traitement simplifié au Québec, comparativement à 58 en 2017. n Régularisation des personnes sans- papiers et demande d'action collective
Régularisation des personnes sans-papiers et demande d'action collective
Des mobilisations ont eu lieu à Montréal, à Québec et à Rimouski vers la fin octobre pour exiger la mise en place immédiate d'un véritable programme inclusif visant la régularisation des personnes sans-papiers auprès du gouvernement fédéral.
Les participantes et participants ont aussi demandé la fin des déportations et des détentions des personnes migrantes sans statut migratoire ainsi que l'abolition des permis de travail fermés. Ces événements ont été menés dans le cadre de la Campagne québécoise pour la régularisation des personnes sans statut pilotée par le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI), qui regroupe 38 organisations, dont la FTQ.
Par ailleurs, le CTI a aussi déposé une demande d'action collective, au nom de 400 personnes, contre l'agence de placement Trésor et sa société cliente Newcrest, qui offre des services de restauration aux grandes compagnies aériennes à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Elles auraient incité des personnes migrantes à travailler au Canada avec un simple visa de visiteur et sous prétexte qu'elles pouvaient le faire en attendant le traitement de leur demande de permis de travail. Or, la plupart n'ont jamais reçu de permis valide.
Francisation auprès des travailleuses et travailleurs immigrants
Pour mieux comprendre les enjeux liés à la francisation en milieu de travail, vous pouvezvisionner le documentaire Langue à l'ouvrage - Migrer vers le français au travail produit par la FTQ. Ce film d'une heure a d'ailleurs été présenté dans différentes régions du Québec au cours des derniers mois, notamment à Valleyfield, à Sainte-Thérèse, à Sherbrooke, à Québec et à Saint-Anselme, grâce à la belle collaboration de nos affiliés et de nos conseils régionaux. Pour visionner le documentaire : ftq.qc.ca/langue-a- louvrage.
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Israël ne cible pas l’UNRWA mais le droit au retour
En accusant sans preuves une partie du personnel de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) d'avoir participé à l'opération du 7 octobre, le gouvernement israélien tente de marginaliser la question des réfugiés palestiniens et de remettre en question le droit au retour. C'est également une manière de faire oublier que le pays s'est créé sur la base d'un nettoyage ethnique.
Tiré d'Orient XXI.
Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a été on ne peut plus clair lorsqu'il a déclaré, lors de sa rencontre avec une délégation d'ambassadeurs à l'Organisation des Nations unies (ONU), le 31 janvier 2024, que la mission de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) devait prendre fin, car elle ne fait selon lui que « maintenir vivante la question des réfugiés palestiniens, et il est temps que l'ONU et la communauté internationale comprennent que cela doit cesser ». Plusieurs pays occidentaux, avec en tête les États-Unis, se sont alors empressés de prendre des mesures pour aider Nétanyahou à atteindre son objectif ultime : abolir l'UNRWA ou plutôt le principe juridique à l'origine de son existence.
Outre la tentative de semer le doute sur l'intégrité des rapports de l'UNRWA et des organisations apparentées – au lendemain de l'ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ) du 26 janvier, qui reposait en grande partie sur ses rapports -, la déclaration de Nétanyahou révèle le véritable objectif stratégique de la violente campagne israélienne contre l'organisation, durant laquelle Israël a accusé 12 de ses employés d'avoir participé aux attaques du 7 octobre, ou d'avoir exprimé leur joie à la suite de l'événement. Rappelons que ces accusations concernent seulement douze individus sur plus des treize mille travailleurs que compte l'organisation.
L'institutionnalisation d'un droit
Le Premier ministre israélien réitère ainsi une position israélienne bien ancrée sur la question des réfugiés et du droit au retour, qu'Israël perçoit comme une menace tant au niveau historique que géographique. Le simple fait de rappeler la question des réfugiés de 1948 saperait ainsi les fondements sur lesquels l'État d'Israël a été créé. Quant au droit au retour des réfugiés, quelles que soient les solutions précédemment proposées le concernant dans le cadre des Accords d'Oslo, il aurait certainement un impact géographique et démographique qui changerait toutes les équations sur le terrain.
En effaçant la question des réfugiés palestiniens, les Israéliens veulent perpétuer le mensonge « d'une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Et en essayant d'abolir l'UNRWA, les Israéliens tentent de faire oublier au monde entier comment leur État a été créé, soit à travers un processus de nettoyage ethnique et le déplacement de 750 000 Palestiniens, même s'ils cherchent à l'oublier eux-mêmes.
On peut citer ici une étude publiée en 1994 par le Centre d'études stratégiques de l'Université de Tel-Aviv, réalisée par Shlomo Gazit qui a été entre 1974 et 1978 chef du renseignement militaire après voir travaillé comme coordinateur des activités dans les territoires occupés. Cette recherche, qui faisait partie d'un ensemble de documents établis en prévision de possibles négociations fixées par Oslo sur une solution permanente, était consacrée exclusivement au « problème des réfugiés palestiniens ».
La question des réfugiés figurait officiellement parmi les questions liées à une solution permanente, censée être discutée à partir de mai 1996 selon l'agenda décidé à Oslo, négociations que les tergiversations israéliennes sont parvenues à empêcher pendant plus de cinq décennies, à savoir depuis 1948.
En préparation de ce qui pourrait être (mais n'a jamais été) les négociations d'Oslo sur une solution permanente, Shlomo Gazit prévient le futur négociateur israélien que la première étape devrait inclure « l'abolition de l'UNRWA » et le transfert de la responsabilité des camps aux pays hôtes. Il s'agissait là d'abolir le « statut légal/officiel » des réfugiés qui permet aux Palestiniens d'acquérir le « droit au retour », conformément à la résolution n°194 de l'Assemblée générale des Nations Unies (11 décembre 1948), stipulant dans son onzième article que l'Assemblée générale
- Décide qu'il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables.
Or, d'un point de vue purement juridique, la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU est toujours valable et la communauté internationale n'a pris aucune décision ultérieure pour l'annuler ou la modifier.
Même si personne dans les gouvernements arabes ne se soucie de cette question ou fasse les efforts nécessaires pour activer (ou du moins rappeler) les résolutions internationales, le fait est que Nétanyahou, comme ses prédécesseurs, n'a pas oublié que l'UNRWA, de par son statut juridique, est l'agence qui consolide le statut juridique des réfugiés en accordant la carte de réfugié, et en établissant les camps de réfugiés comme des unités échappant à la responsabilité des États hôtes, et distincts de leur environnement naturel, avec toutes les conséquences juridiques que cela entraîne.
Une position historique
Tout comme son prédécesseur Naftali Bennett, qui a tenu des propos similaires lors d'une interview sur CNN le 2 février 2024, Nétanyahou ne fait ici que reprendre d'anciennes positions israéliennes. L'on se souvient d'une première proposition américaine en 1949, stipulant qu'Israël autorise le retour d'un tiers du nombre total de réfugiés palestiniens, « à condition que le gouvernement américain prenne en charge les dépenses liées à la réinstallation du reste des réfugiés dans les pays arabes voisins ». Cependant, David Ben Gourion, fondateur de l'État d'Israël et son premier Premier ministre d'alors, avait rapidement rejeté la proposition américaine, avant même que les pays arabes concernés ne se soient prononcés.
Il n'y a donc rien de surprenant dans la position israélienne qui se perpétue de Ben Gourion à Nétanyahou, dans la mesure où la reconnaissance par Israël du droit des réfugiés impliquerait une reconnaissance de sa responsabilité dans l'émergence du problème et ce qui en découle légalement, c'est-à-dire le droit au retour. Rien de surprenant non plus dans la position du leader israélien à l'égard de l'UNRWA, qui est l'incarnation juridique du problème des réfugiés.
Au moment de la création de l'UNRWA, on pensait que cette agence serait « temporaire », en vertu des deux résolutions de l'Assemblée générale la créant (résolution 212 en novembre 1948 et résolution 302 en décembre 1949). Son travail, voire son existence même, devait prendre fin lorsque les réfugiés palestiniens dont elle s'occupait retourneraient dans leurs maisons et sur leurs terres saisies par les milices sionistes en 1948. Au lieu de cela, leur nombre a augmenté à mesure que l'État d'Israël s'est emparé de davantage de territoire pendant la guerre de 1967. Puis Nétanyahou est venu tenter de mettre fin à ce problème de réfugiés, non pas en leur permettant de rentrer dans leurs foyers, comme cela semblerait être la solution naturelle face à un tel problème, mais en éliminant l'organisation internationale qui « rappelle leur existence ».
En conclusion, la campagne israélienne contre l'UNRWA a plusieurs objectifs, dont deux principaux. Elle a tout d'abord un objectif immédiat qui, comme le soutient l'éminent professeur d'histoire anglo-israélien Avi Shlaim, est lié à la décision de la CIJ. En prévision des prochaines délibérations de celle-ci, la campagne israélienne entend déformer l'image de l'UNRWA, intimider ses responsables et les pousser à garder le silence sur les violations israéliennes qui n'ont pas cessé, en plus de saper la crédibilité de ses rapports et déclarations sur lesquels le tribunal s'est appuyé dans sa décision initiale. Très probablement, comme le font habituellement les avocats du mensonge lorsqu'ils manquent de preuves, ce sera la principale carte présentée par la défense israélienne à la reprise de l'audience (au moins pour des raisons de propagande). Le deuxième objectif de la campagne israélienne est stratégique, avec un impact plus profond. Il s'agit d'une tentative nouvelle et ancienne d'effacer totalement la question des réfugiés qui, du point de vue du droit international, est toujours d'actualité et n'a pas encore été éliminée.
Bien que Nétanyahou veuille faire oublier la question des réfugiés, avec toutes ses dimensions juridiques et humanitaires, sa position sur l'UNRWA et sa déclaration claire à ce sujet révèlent qu'à l'instar d'autres porteurs de l'étendard du sionisme comme idée et stratégie, il n'a pas oublié ce qui est dit dans les statuts de l'agence des Nations unies sur la définition du réfugié ; il peut être attribué à toute personne
- qui a eu sa résidence normale en Palestine pendant deux ans au moins avant le conflit de 1948 et qui, en raison de ce conflit, a perdu à la fois son foyer et ses moyens d'existence, et a trouvé refuge, en 1948, dans l'un des pays où l'UNRWA assure ses secours
Selon les registres de l'UNRWA, le nombre de réfugiés palestiniens dépasse les six millions. Ce chiffre serait donc une menace démographique pour le sionisme ? L'idée, la stratégie (et l'État) d'Israël seraient-ils au-dessus de toute tentative de porter cette question là où le droit international pourrait être applicable — et efficace ?
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Négociation dans les secteurs public et parapublic : La conférence de presse des quatre porte-parole du Front commun CSN-CSQ-FTQ-APTS
L'auteur des présentes lignes a écouté deux fois plutôt qu'une la conférence de presse des porte-parole du Front commun intersyndical CSN-CSQ-FTQ-APTS tenue le vendredi 23 février 2024. Pour un compte-rendu journalistique de l'événement, nous vous invitons à lire les articles publiés sur les sites de la presse écrite (Le Devoir, La Presse ) et électronique (Radio-Canada). Voici quelques éléments qui ont été mentionnés devant les membres de la Tribune de la presse. Une partie critique suit ces données factuelles.
Sur le plan informatif il faut retenir que l'entente de principe a été entérinée par environ 75% (74,8% pour être plus précis) des syndiqué.es du Front commun CSN-CSQ-FTQ-APTS qui se sont déplacé.es pour aller voter. Il y a six tables de négociation à la CSQ qui n'ont toujours pas finalisé leur négociation sectorielle (du côté du Grand Nord du Québec) et une fédération qui a rejeté l'entente de principe (FSQ-CSQ). Du côté de la FTQ, il y a un groupe (le Syndicat des employé.es professionnelles et professionnels et de bureau (SEPB)) qui a rejeté l'entente de principe.
Les porte-parole du Front commun intersyndical estiment avoir fait des gains sur le plan de certaines conditions de travail (retraite, vacances, bonification des cotisations de l'employeur aux assurances, etc.) et également de la rémunération (17,4% sur cinq ans avec une clause d'indexation maximale de 1% par année pour les trois dernières années de la convention collective plus des primes ou des avancements rapides dans les échelons pour certain.es salarié.es, une majoration salariale de 10% pour les psychologues etc..
Des concessions ont été faites par la partie syndicale pour arriver au compromis négocié. Ce sont certaines de ces concessions qui semblent être à l'origine de l'insatisfaction de certains groupes de salarié.es syndiqué.es. Ces salarié.es se considèrent comme étant sous valorisés par l'État employeur. Il s'agit d'employé.es de soutien, de concierges, de certain.es techniciennes et techniciens et nous en passons. Pour l'essentiel, l'obtention d'une entente de principe négociée a impliqué que les porte-parole du Front commun intersyndical renoncent au rattrapage salarial et qu'elle et qu'ils acceptent des augmentations différenciées tant dénoncées du côté syndical tout au long des quatorze mois de la négociation. Il a fallu également accepter, du côté syndical, une modification importante à la liste d'ancienneté dans le réseau de la santé.
Il aurait été intéressant d'entendre, lors de cette conférence de presse, qui, parmi les 420 000 membres du Front commun intersyndical, a obtenu plus que le 17,4% d'augmentation salariale ? Combien de postes vont être créés en vue d'améliorer les services à la population ? Combien de postes présentement précaires vont être convertis en postes à temps complet ? En quoi la présente ronde de négociation comporte-t-elle des gains salariaux et des améliorations des conditions de travail pour les femmes à l'emploi de l'État ? Il ne faut quand même pas oublier que ce sont autour de 75% de femmes qui sont à l'emploi des secteurs public et parapublic. Pas une seule fois, durant la rencontre avec les journalistes, le mot femme a été prononcé.
Nous aurions également aimé savoir qui a décidé, parmi les porte-parole syndicaux, que le « bottom line » d'augmentation salariale se situait à 17,4% sur cinq ans ? Pourquoi 17,4% sur cinq ans (accompagné de la clause très minimale d'indexation de 1% maximum pour les trois dernières années) alors que les député.es se sont voté.es 30% plus les augmentations du secteur public et parapublic ? Bref, qui a décidé parmi les porte-parole syndicaux qu'il était impossible d'obtenir plus en exerçant le moyen de pression ultime : la grève générale illimitée ?
La présente ronde de négociation avait un caractère nous disait-on historique, elle correspondait au cinquantième anniversaire du mythique Front commun de 1971-1972, celui du 100,00$ par semaine en faveur du « monde ordinaire ». En quoi le « monde ordinaire »1 toujours à l'œuvre et très présent au sein des secteurs public et parapublic, sort-il grandi de la plus récente ronde de négociation et surtout mieux valorisé sur le plan de la rémunération ?
L'avenir passe-t-il vraiment par les « Forums de discussion » ?
Lors de cette conférence de presse il nous a été permis d'entendre Magali Picard (FTQ), François Enault (CSN), Éric Gingras (CSQ) et Robert Comeau (APTS) nous répéter qu'elle et qu'ils sont prêt.es, en vue d'améliorer les services à la population, à s'engager rapidement dans une démarche bipartite avec le gouvernement dans le cadre de Forums de discussions. Est-il nécessaire de rappeler que le concept de « Forums de discussion » a été rejeté du revers de la main à deux reprises par la partie syndicale. Il faut donc comprendre que les porte-parole syndicaux sont maintenant disponibles et prêt.es à s'investir dans une sorte de « négociation permanente » avec le gouvernement autour des « problématiques » spécifiques aux secteurs public et parapublic. Les personnes qui participeront à ces forums « jaseront » des problèmes rencontrés en vue de trouver des solutions. Bonne chance aux participant.es et souhaitons à toutes et à tous qu'une telle démarche fonctionne. Jusqu'à maintenant le concept de « négociation permanente » (sans possibilité d'exercer des moyens de pression) et le bipartisme ou le tripartisme ont été un miroir aux alouettes (une chose aux apparences attrayantes, mais trompeuses ou décevantes en réalité).
Pour conclure
Nous maintenons que ce ne sera pas avant la fin du mois de mars 2028 qu'il sera possible de dire si le présent exercice de négociation et le compromis négocié (qui n'a pas suscité une vague irrésistible et débordante d'appui en sa faveur) vont contribuer à attirer et à maintenir en poste celles et ceux qui dispensent les services à la population. Nous avons déjà écrit que l'entente de principe du 28 décembre 2023 comportait des éléments en rupture avec les orientations néolibérales auxquelles adhéraient les différents gouvernements qui se sont succédé au Québec depuis la fin des années soixante-dix du siècle dernier jusqu'à tout récemment. Nous maintenons par contre que la présente ronde de négociation n'a pas permis de sortir de la misère certains salarié.es syndiqué.es qui vont continuer à vivre avec de faibles revenus en provenance de leur travail et plusieurs vont occuper un emploi à statut précaire.
Nous verrons également si la demande syndicale unanime de la mise en place de forums de discussion est réellement porteuse d'une nouvelle ère dans les secteurs public et parapublic : l'ère de la fin du dissentiment2 ou la fin des conflits. Si tel est le cas, il faudra se dire que nous nous retrouverons sous peu dans un Nouveau Monde : celui où les rêves frais des nouveaux leaders et leurs utopies les moins radicales constituent la base de la détermination des rapports collectifs de travail, rapports collectifs de travail complètement « déconflictualisés ». Il va de soi que dans un tel monde, la critique tous azimuts sera inutile. Qui vivra verra…
Yvan Perrier
25 février 2024
17h15
yvan_perrier@hotmail.com
Notes
1.Ou si vous préférez les « gagne-petit ».
2. Dissentiment : Différence dans la manière de juger, de voir, qui crée des heurts, des conflits.
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Depuis le Québec, faire quelque chose pour les Palestiniens de Gaza !
Depuis le 7 octobre 2023 et l'attaque meurtrière du Hamas ayant fait 1400 victimes du côté israélien, les semaines et les mois ont passé, et au Québec à travers les écrans chatoyants de nos cellulaires et téléviseurs, n'ont cessé de nous parvenir des nouvelles et des images de Gaza chaque fois plus dramatiques et insoutenables.
Sous des bombardement incessants de l'armée israélienne, ce sont déjà plus de 30 000 Palestiniens dont la grande majorité est composée de femmes et d'enfants, qui officiellement ont été tués en guise de représailles. Et dans le sillage de ces morts et blessés, ce sont plus d'un million 400 000 Palestiniens, qui ont été forcés à fuir leurs domiciles soudainement réduits en cendres et poussières, pour se heurter au sud à une frontière égyptienne infranchissable, puis se retrouver pris à Rafah en souricière dans ce qu'on pourrait appeler un gigantesque camp de déportation à ciel ouvert.
Dans le froid et le dénuement, manquant de tout, sans toit, sans eau, sans nourriture ni soins médicaux, ou presque ! Le symbole même de l'inhumanité la plus vive, la plus douloureuse, et plus encore de l'absurdité érigée en tragédie politique : voilà que ce sont les descendants des victimes d'hier –celles de la Shoa où ont disparu 6 millions de juifs— qui, au fil les politiques sionistes du gouvernement d'extrême droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu, sont en train de se muer en bourreaux d'aujourd'hui, en promoteurs de politiques aux allures génocidaires. Le tout, sous le regard faussement embarrassé des grandes chancelleries du monde occidentale (USA en tête !), qui se refusent à tout nouveau projet de cessez-le feu et semblent avoir pris faits et cause –loin de toutes les résolutions onusiennes— pour la politique de la canonnière et de la raison du plus fort.
Ce qui a changé
C'est fondamentalement ce qui a changé ces dernières années : non pas les volontés populaires –tant du côté arabe que du côté occidental--- de trouver une solution politique et pacifique aux sorts respectifs des peuples israélien et palestinien, car hier comme aujourd'hui continue à s'exprimer dans le monde entier et, au travers de gigantesques manifestations, un puissant courant d'opinion public favorable à la paix et à une solution reconnaissant les droits des uns comme des autres. Non, ce qui a changé ce sont les positions de certains gouvernements occidentaux –auxquels s'est rallié le Canada (et dans une moindre mesure le Québec)— qui, frileusement et prenant appui sur le pseudo prétexte de la guerre au terrorisme, ont décidé de passer outre les positions de leurs opinions publiques, en fermant hypocritement les yeux sur les droits inaliénables des Palestiniens tout en cautionnant sans états d'âme, les politiques sionistes de colonisation promues par l'extrême droite israélienne.
Et peut-être est-ce là, dans cette faille qui existe entre les gouvernements et leurs opinions publiques, que nous pourrions nous glisser et nous sortir de ce rôle de spectateurs impuissants qu'on nous oblige à tenir, alors que nous sommes en même temps si touchés par cette inhumanité en acte dont Gaza est devenue le symbole par excellence.
Participer à un vaste mouvement d'opinion publique
Au-delà même de ce qui pourrait se faire au Canada, au moins ici au Québec, pourquoi ne pas participer à un vaste mouvement d'opinion publique qui, parce que de plus en plus large, forcerait le gouvernement Legault –notre gouvernement provincial— à oser se tenir debout et faire preuve d'un minimum humanité en la matière, en posant un geste à portée symbolique ?
Pour le lancer, le relancer ce mouvement, on pourrait par exemple s'en tenir pour commencer à une seule exigence, mais sur laquelle on mettrait toutes nos énergies. Il s'agirait de refuser publiquement d'ouvrir, comme le gouvernement de la CAQ avait prévu de le faire, le bureau d'une délégation québécoise à Tel-Aviv, tant que ne sera pas instauré un cessez-le feu permanent dans la bande de Gaza, et reconnu le droit d'exister au peuple palestinien.
Il y a déjà une pétition qui circule à ce propos, mais pourquoi ne pas la reprendre, la relancer et la faire signer partout, en élargir la portée, que nous soyons des milliers, des centaines de milliers à l'exiger de notre gouvernement. Comme un raz se marée que rien n'arrêterait et qui rappellerait au gouvernement de François Legault, qu'il en va de la démocratie et de toutes les promesses d'émancipation et d'humanité qu'elle appelle d'ores et déjà à réaliser !
Québec, le 21 février 2024
Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste
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Réaction au projet de loi permettant à certaines personnes assistées sociales de travailler selon leurs capacités
(Montréal, le 22 février 2024) Le FCPASQ salue le projet de loi 693, déposé aujourd'hui et dont la majorité des membres de l'Assemblée nationale ont accepté de saisir, mais émet aussi une importante réserve quant à son exclusion de la grande majorité des personnes assistées sociales.
Rappelons qu'actuellement, les personnes qui reçoivent l'aide de derniers recours ou qui sont au Programme objectif emploi ne peuvent gagner plus de 200$ par mois dans le cas d'une personne seule ou 300$ par mois dans le cas d'un couple sans être coupées pour chaque dollar excédentaire. Ces montants n'ont pas été modifiés depuis 1999 dans le cas des personnes au Programme d'aide sociale. Autrement dit, présentement, une personne seule admise à un de ces programmes n'a pratiquement aucun avantage à travailler plus de 3 heures par semaine au salaire minimum.
Nous dénonçons ce système depuis de nombreuses années, notamment puisqu'il empêche les personnes qui ne sont pas en mesure de travailler à temps plein pour différentes raisons de travailler selon leurs capacités. Ce règlement contre-productif maintient aussi des personnes dans une pauvreté extrême, loin de pouvoir couvrir leurs besoins de base, et diminue encore plus leurs chances de se stabiliser et d'améliorer leurs conditions.
Même la ministre actuelle, Chantal Rouleau, a reconnu publiquement qu'il s'agit d'une mesure « punitive » qui doit être revue et a indiqué qu'une « réforme majeure » de l'aide sociale sera déposée dans les prochains mois pour toucher, entre autres, à cet aspect. Le FCPASQ rappelle qu'une réforme majeure est effectivement nécessaire pour améliorer de nombreux autres aspects vétustes, punitifs et contre-productifs de ce système.
Le projet de loi 693, déposé par Désirée McGraw du Parti Libéral du Québec ce matin, amènerait une amélioration significative et pertinente, mais seulement pour ceux et celles en mesure de travailler parmi les 27 492* personnes à la solidarité sociale. Les prestataires de la solidarité sociale ne représentent pourtant que 11.2 % des personnes prestataires de l'aide financière de dernier recours ou du Programme objectif emploi ! Nous réclamons effectivement que, comme au Programme de revenu de base, les prestataires d'autres programmes d'assistance sociale puissent travailler selon leurs capacités.
Nous dénonçons toutefois qu'aucun changement ne soit proposé pour les 217 875 personnes (165 655 adultes et 52 220 enfants) qui bénéficient des autres programmes d'aide financière de derniers recours ou du Programme objectif emploi. Il est urgent aussi de permettre à ces dernières de travailler selon leurs capacités. « Nous réclamons que les mêmes dispositions du Programme de revenu de base, et qui seraient élargies à certaines autres personnes par le projet de loi 693, soient appliquées à toutes les personnes assistées sociales » explique Catherine Tragnée, organisatrice communautaire au FCPSAQ.
« Le projet de loi s'inscrit dans la logique de permettre seulement à certaines personnes qui sont jugées plus méritantes de pouvoir bénéficier d'un régime moins punitif et plus conforme avec les droits fondamentaux » rappelle Catherine Tragnée. Le FCPASQ tient aussi à souligner également que l'assistance sociale est une partie essentielle de notre filet social, une assurance publique essentielle. Si la majorité des personnes qui ont recours à l'aide sociale arrivent à réintégrer le marché de l'emploi, le système impose aux autres des conditions qui sont un affront à la dignité humaine et qui les empêchent de retrouver une stabilité.
* Selon les chiffres de décembre 2023
À propos :
Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec regroupe des organismes de défense des droits des personnes assistées sociales partout au Québec. La principale mission du FCPASQ et de ses groupes membres est la promotion des droits économiques, sociaux et culturels des citoyen.ne.s du Québec exclu.e.s du marché du travail et qui vivent dans la pauvreté.
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Présentations à l’Assemblée nationale des propositions de la campagne _CA$$$H_
Montréal, le 23 février 2024. _Dans le cadre de trois rencontres avec les parlementaires des partis d'opposition, une dizaine de représentantes et de représentants de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles [1] (Table) ont présenté hier àl'Assemblée nationale les détails des nouvelles revendications de la campagne _CA$$$H _(Communautaire autonome en santé et services sociaux - Haussez le financement [2]). L'invitation a été faite aux quatre partis, mais n'ayant pas été relevée par les membres du caucus de la Coalition avenir Québec, la campagne _CA$$$H_ les rejoindra par d'autres moyens.
Portant sur le financement pour la mission globale de 3000 organismes communautaires autonomes du domaine de la santé et des services sociaux (OCASSS) la campagne CA$$$H vise l'amélioration du Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC). Administré par le Ministère de la Santé et des Services sociaux, le budget de ce programme ne totalise actuellement que 788,3M$, soit 0,5% des dépenses de l'État, établis à 147.3G$ en 2022-2023[1].
« Nous estimions qu'il était très important de prendre le temps d'exposer nos propositions aux personnes élues de chacun des partis siégeant à l'Assemblée nationale. Les OCASSS étant au cœur de la vie des communautés dans chaque circonscription, nous savons que les députées et députés souhaitent qu'ils soient soutenus convenablement par le PSOC. Durant ces rencontres, nous avons entendu les personnes élues reconnaître que nos revendications sont justifiées par les besoins exprimés par les OCASSS, lesquels étaient bien visibles par la remise d'un album contenant les 200 premières affichettes produites par les groupes dans le cadre de l'action On s'affirme ! [3] » souligne Stéphanie Vallée, présidente de la Table.
La première des trois propositions présentées aux membres des différents caucus porte sur le changement de la méthode utilisée pour indexer annuellement les subventions dédiées au fonctionnement général des OCASSS. « C'est avec fierté que nous avons partagé pour la première fois aux députées et députés les détails d'une proposition permettant d'indexer les subventions du PSOC selon une méthode adaptée aux réalités des OCASSS, soit l'Indice des coûts de fonctionnement du communautaire (ICFC [4]). Cette proposition vise à remplacer la formule basée sur une projection de l'Indice de prix à la consommation (IPC), fournie actuellement par le Ministère des Finances, laquelle cause l'appauvrissement des OCASSS. Depuis plusieurs années nous soulignons que les dépenses des organismes communautaires ne sont pas celles d'un ménage et que leurs situations financières ne suivent pas les projections des économistes du gouvernement. La création de l'ICFC représente une proposition concrète et applicable dès le prochain budget. Selon le calcul actuel, les OCASSS ne recevront que 2.7%, alors que l'ICFC pour 2024 est évalué à 3,6%[2], soit seulement 28M$, lorsqu'appliqué à l'enveloppe actuelle de 788M$. C'est vraiment une très petite dépense pour l'état pour une grosse différence pour chacun des OCASSS » poursuit Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table.
L'ICFC résulte d'une vaste enquête réalisée par une équipe de recherche associée à l'École des sciences de la gestion du Département des sciences comptables et au Service aux collectivités de l'Université du Québec à Montréal [5]. Il est établi à partir de deux catégories de coûts, soient la masse salariale aux ⅔ et les coûts d'achat de biens
et de services pour le dernier tiers. Le tout est appuyé par des statistiques facilement disponibles et irréfutables, pour les 12 derniers mois, telle que la Rémunération hebdomadaire moyenne (RHM).
Les rencontres ont également permis de présenter les deux autres propositions de la campagne _CA$$$H. _Nous demandons que le gouvernement finance équitablement les OCASSS en investissant les montants nécessaires permettant que chacun obtienne au moins le seuil plancher correspondant à son type de fonctionnement (sa typologie), quelle que soit son adresse. « Pour que les subventions permettent de répondre aux attentes de leurs communautés, les OCASSS ont besoin d'augmenter significativement leurs équipes de travail et d'en assurer la rétention. La subvention moyenne
reçue actuellement ne permet de couvrir que 1.3 poste[3], alors que la moitié des OCASSS ont besoin d'une équipe de travail d'au moins 6 personnes[4]. Il est crucial que tous les OCASSS obtiennent un financement permettant de fonctionner et du poursuivre leurs actions, ce qui demande une planification à long terme du budget du PSOC » ajoute Loc Cory, du comité de coordination de la campagne _CA$$$H_.
« Ayant calculé la différence entre les subventions actuelles pour la mission globale et le montant qui serait minimalement nécessaire pour assurer la pérennité des OCASSS, nous demandons que le gouvernement procède à un investissement substantiel en ajoutant 1,7 G$ à l'enveloppe actuelle du PSOC [6], ce qui donnerait 2.5G$ par année. Concrètement, 2,5G$ représente seulement 1,7% des dépenses de l'État, soit aussi peu 0,80$ par personne par jour, tandis que le manque à gagner équivaut à 0,55$ par personne par jour. C'est loin d'être exagéré considérant l'importance sociale des OCASSS et l'appréciation de leur travail par la population, comme par les personnes élues. Les OCASSS ont besoin de se projeter vers l'avenir et ce montant, qui peut sembler considérable, permettrait de le faire. La subvention moyenne d'un OCASSS n'est que de 181 038$ par année[5], ce qui prouve que les budgets précédents n'ont pas été suffisants » poursuit Loc Cory.
Soulignons que les revendications de la campagne CA$$$H s'intègrent dans celles de la campagne _Engagez-vous pour le communautaire_ [7]_,_ coordonnée par le Réseau québécois de l'action communautaire autonome (RQ-ACA), laquelle vient d'estimer à 2,6G$ l'investissement nécessaire pour financer la mission des 4 500 groupes d'ACA [8], dont les 3000 OCASSS font partie.
Les OCASSS attendent des réponses au dépôt du budget du Québec, annoncé pour le 12 mars. Le budget qui accompagnait le Plan d'action gouvernemental en action communautaire (PAGAC 2022-2027) n'ajoutait aucune somme pour les trois prochaines années pour la mission globale des OCASSS. « Cela doit absolument être corrigé dès ce budget, ainsi que dans les suivants par une annonce substantielle. Les OCASSS changent des vies pour le mieux. Ils combattent les inégalités sociales, visent l'amélioration de l'ensemble des conditions de vie et renforcent le tissu social dans
chacune des communautés. Les membres de l'Assemblée nationale sont tous à même de le constater, qu'ils soient dans l'opposition ou au gouvernement. Tout ce qu'on leur demande c'est de reconnaître que nos demandes sont justifiées » conclut Stéphanie Vallée.
Délégation de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles durant les rencontres du 22 février à l'Assemblée nationale :
* Stéphanie Vallée, présidente de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles [21] et co-coordonnatrice de L'R des centres de femmes du Québec [22]
* Loc Cory, membre du conseil d'administration de la Table, du comité de coordination de la campagne _CA$$$H_ [23]_ _et directeur général du
Regroupement québécois du parrainage civique [24] (RQPC)
* Isabelle Brisebois, membre du comité exécutif de la Table et administratrice de l'Association des organismes de justice alternative du Québec [25] (ASSOJAQ)
* Fernando Rotta, membre du comité exécutif de la Table, du comité de coordination de la campagne _CA$$$H_ [26]_ _et responsable des communications et de l'analyse politique du Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec [27] ROCAJQ
* Marjolaine Tapin, membre du conseil d'administration de la Table et directrice-générale de Connexion TCC [28]
* Marie Gagnon, membre du conseil d'administration de la Table et conseillère aux partenariats stratégiques à la Fédération des centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes [29] (FCAAP)
* Benoît Durand, vice-président du Regroupement des personnes traumatisées craniocérébrales du Québec Connexion TCC [30], regroupement membre de la Table
* Francis Soulard, représentant du Regroupement des maisons des jeunes du Québe [31]c RMJQ, regroupement membre de la Table
* Jacinthe Messier, responsable de la mobilisation et des liaisons avec les membres de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles [32]
* Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles [33]
[1] Selon les Comptes publics déposés à l'Assemblée nationale sur les dépenses totales pour 2022-2023
[2] Voir les calculs sur www.trpocb.org/ICFC [34] basés sur les données disponibles au 21 novembre 2023 sur
https://statistique.quebec.ca/fr/document/principaux-indicateurs-economiques-quebec-et-canada/tableau/indicateurs-mensuels-variation-pourcentage-par-rapport-periode-precedente-quebec-et-canada
[35]
[3] Salaire horaire moyen d'un employé syndiqué ou couvert par une convention, Institut de la statistique du Québec
[4] Basé sur la typologie Milieu de vie et soutien dans la communauté, qui regroupe la moitié des 3000 OCASSS.
[5] Les subventions de 500 000$ et plus des ressources 24/7, généralement pour de l'hébergement, sont retirées du calcul étant donné la spécificité de leurs infrastructures.
Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et
bénévoles
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Budget du 12 mars : Le logement social doit être une priorité
Montréal, le 22 février 2024 – Le budget qui sera déposé par Éric Girard le 12 mars est la prochaine occasion à saisir par le gouvernement Legault pour mettre en place les mesures structurantes qui s'imposent face à la crise du logement qui s'aggrave, a déclaré le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) au lendemain de l'adoption du projet de loi 31. Selon le regroupement, ce budget doit enfin prévoir un objectif gouvernemental de développement du logement social, hors marché privé, sur plusieurs années. Un tel objectif devrait être la colonne vertébrale du plan d'action gouvernemental en habitation attendu depuis plusieurs mois.
Pour l'organisme, il est clair que le manque d'alternatives au marché privé, qui occupe 90 % du parc locatif québécois, contribue à la crise actuelle. « Trop de locataires n'arrivant pas à s'y loger décemment doivent choisir entre un logement trop cher, inadéquat, trop petit, insalubre. Les plus précaires sont maintenant à grand risque de se retrouver à la rue », explique Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU, rappelant que déjà en 2021, 373 615 locataires au Québec vivaient dans un logement ne respectant pas leur capacité de payer, dont la moitié avait un revenu de moins de 1 983 $ par mois. « Quand on sait que le loyer moyen au Québec a atteint 1 022 $ et que les rares logements disponibles sont beaucoup plus dispendieux, ça ne laisse pas grand-chose pour manger, se déplacer, se soigner, etc. Dans le contexte, le logement social, sous ses différentes formes (HLM, coopératives et OSBL d'habitation) est un élément incontournable et les besoins sont immenses ! Si nos demandes répétées de doter le Québec d'un plan pluriannuel de développement du logement social, hors marché privé, on n'en serait pas là. Il est encore temps d'agir, mais il faut le faire vite et avec le financement suffisant ».
Selon le regroupement de défense du droit au logement, pour sortir de la crise, il faut à moyen terme se doter de la perspective de doubler le parc de logements sociaux.
Selon le FRAPRU, la confirmation la semaine dernière que 2574 nouveaux logements recevaient une partie du financement prévu lors de la mise à jour économique de novembre pour du logement social « et abordable » est une bonne nouvelle, même s'il déplore que ce ne soient pas exclusivement des projets de logements sociaux qui seront financés par les fonds publics. « Cependant, sachant que des milliers d'autres projets d'habitation sociale et communautaire sont en élaboration, le gouvernement ne peut se contenter de miser sur les sommes déjà prévues. Les besoins sont immenses et diversifiés à travers le Québec et les conséquences dévastatrices de la crise du logement vont continuer de prendre de l'ampleur si on n'y répond pas adéquatement. Alors que le projet de loi 31 adopté hier à l'Assemblée nationale, n'inclut pas les mesures structurantes de protection contre les évictions, le logement social est plus que jamais nécessaire pour mettre fin à la précarisation d'un nombre croissant de locataires », insiste la porte-parole.
Faisant référence au thème des consultations prébudgétaires « Faire les bons choix pour le Québec », le FRAPRU presse le gouvernement Legault de faire les choix fiscaux et budgétaires qui s'imposent afin de renforcer le filet social. Au regard de l'ampleur des besoins, le logement social doit être une priorité de son prochain budget. « C'est le moment de donner un grand coup, en augmentant substantiellement la part de logements hors marché privé. Pour ce faire, le lancement d'un chantier de 50 000 logements sociaux en 5 ans est nécessaire. Un tel chantier permettrait non seulement d'accélérer la construction neuve, mais également l'acquisition de bâtiments résidentiels locatifs pour les sortir du marché spéculatif, tout en protégeant les locataires en place. Assurer de la prévisibilité aux milieux communautaire et municipal est incontournable et ne peut se réaliser que par une programmation pluriannuelle », termine-t-elle.
Selon le FRAPRU, alors que de nombreux écueils persistent dans le Programme d'habitation abordable Québec (PHAQ) et que ce dernier est mal adapté aux impératifs relatifs au logement social, le gouvernement doit mettre en place promptement un programme complet, durable et spécifiquement dédié au logement social afin de s'assurer que les projets financés lèvent de terre plus rapidement.
Enfin, le regroupement regrette de ne pas avoir obtenu de rencontre prébudgétaire avec le ministère des Finances pour présenter son mémoire et ses recommandations. « Ne pas vouloir écouter les organismes communautaires qui portent la voix des locataires mal-logés en pleine crise du logement, ça en dit long sur la manière dont sont orientées les consultations prébudgétaires », déplore Véronique Laflamme. Afin de faire entendre autrement son message, le FRAPRU mène actuellement une opération de visibilité sous le thème La clé, c'est le logement social et invite la population à y participer : https://www.frapru.qc.ca/cle/
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Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU : 418-956-3403 (cellulaire)

Crise du logement : Un nouveau programme HLM est essentiel pour renforcer le filet social
Montréal, le 19 février 2024 – La Fédération des locataires de HLM du Québec (FLHLMQ) et le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) ont tenu ce matin une conférence de presse aux Habitations Boyce-Viau, un site de 204 habitations à loyer modique (HLM). Situé dans Hochelaga-Maisonneuve à Montréal, cet ensemble est un symbole d'une des réponses rapides qu'ils proposent à la crise du logement vécue par les locataires à faibles revenus. Les deux regroupements souhaitent que cet HLM soit densifié au moment de sa rénovation pour accueillir ainsi plusieurs dizaines de nouveaux logements publics. Pour cela, le gouvernement doit prévoir un nouveau programme de logements publics.
La densification des HLM comme solution à la crise du logement
Grâce au programme de rénovation des HLM (PRHLM) en vigueur depuis juin 2023, plus de 3 milliards $ seront investis dans les HLM du Québec. « Cet investissement historique va entraîner de grands chamboulements dans plusieurs ensembles immobiliers, il faut absolument en profiter pour densifier et ajouter des unités de logements publics » explique Yves Dubé, locataire et président de la FLHLMQ. Le Québec compte 2 879 ensembles immobiliers HLM côtés E depuis plus de cinq ans. À Montréal seulement, 244 de ces ensembles immobiliers devraient faire l'objet de travaux majeurs d'ici 2028.
Le gouvernement semble actuellement courir après les solutions rapides pour que des immeubles sortent de terre. La densification des HLM existants s'impose alors comme une des solutions, selon la Fédération. Densifier ces sites permettrait de lever plusieurs freins au développement comme le manque de terrains et l'arrimage avec les municipalités. « À quelques minutes de marche du métro, à l'ombre du Stade olympique, on pourrait facilement ajouter 70 logements sur le site. Le terrain est déjà public, les règles d'urbanisme permettent 4 étages et il n'y aura pas de pas-dans-ma-cour » explique Patricia Viannay de la FLHLMQ.
Tous les offices du Québec sont gérés par des conseils d'administration sur lesquels siègent des représentant.e.s des municipalités et des locataires, rappelle la Fédération. Ce mode de gouvernance garantit un ancrage du projet et un contrôle démocratique des locataires.
Les requérant.e.s de HLM, les premières victimes de la crise du logement
L'ajout de nouveaux logements publics dans l'offre de logement est plus que nécessaire. Il y a près de 40 000 ménages sur les listes d'attente des 149 offices du Québec. Les besoins sont beaucoup plus grands puisque selon les données du Recensement de 2021, 128 795 ménages locataires du Québec consacrent plus de la moitié de leur revenu pour se loger. Avec un maigre revenu médian de 16 800$, la plupart d'entre eux serait probablement admissibles à une habitation à loyer modique. Dans la région métropolitaine, 231 560 ménages locataires consacrent plus que la norme de 30% de leur revenu pour se loger, avec un revenu médian de 24 800$, au moins la moitié d'entre eux serait admissible à une habitation à loyer modique.
Le Règlement d'attribution des logements à loyer modique permet aussi de prioriser certains besoins plus urgents. Ainsi, pour de nombreux ménages particulièrement vulnérables, les HLM sont des remparts à l'extrême précarité, voire à l'itinérance. « Par exemple, les ressources en hébergement pour femmes dénoncent souvent le manque de logements permanents. Si on recommençait à construire des HLM, cela aurait un impact énorme pour ces femmes qui sont priorisées dans l'attribution » explique Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU.
Finalement, les deux organismes qui demandent un grand chantier de 50 000 logements sociaux sur 5 ans interpellent le gouvernement du Québec pour qu'il prévoit spécifiquement un programme dédié aux offices d'habitation. Selon eux, le Québec devrait financer au moins 20 000 nouveaux HLM d'ici 5 ans. « La crise est historique, les locataires les plus touchés croupissent sur les listes d'attente de HLM et risquent l'itinérance. C'est impensable qu'on ne profite pas des sites publics et des organismes existants pour les densifier. La ministre France-Élaine Duranceau doit être audacieuse et ambitieuse et donner les moyens aux offices de construire et de densifier » conclut Yves Dubé, président de la FLHLMQ.
Afin de demander au gouvernement du Québec de faire du logement social une priorité de son prochain budget, le FRAPRU mène actuellement une opération de visibilité et invite la population à y participer https://www.frapru.qc.ca/cle/
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La solution pour la politique municipale au Québec c’est plus de démocratie et non l’inverse
Tout débat doit se faire dans un climat de respect et de bienveillance, bien évidemment. Cependant, en démocratie, il est normal que le ton monte quelque peu.
L'accepter, c'est être conséquent et respectueux face aux principes fondamentaux de notre démocratie. Pour les citoyens, prendre la parole face aux élus, ce n'est pas chose facile. Il faut à tout prix éviter d'accentuer cette difficulté en surenchérissant sur la victimisation des élus qui sont interpellés par leurs électeurs. Cela créerait un contexte malsain à l'expression des idées et nuirait au développement de notre démocratie participative. La politique, ce n'est vraiment pas facile, vous pouvez me croire, j'en sais quelque chose. Toutefois, le travail pour le bien commun est un immense privilège. Il ne faut simplement pas perdre de vue les raisons qui nous ont guidés vers cette belle vocation.
Un cas de figure révélateur à Blainville
Mardi dernier, au Conseil municipal de Blainville, auquel je participais, les esprits se sont échauffés. Un dossier qui inquiète beaucoup les Blainvillois, mais également l'ensemble du Québec, est présentement en cours sur le territoire de cette ville. Il s'agit du dossier de Stablex, un projet d'enfouissement de déchets toxiques et dangereux, provenant principalement de l'Ontario et des États-Unis, qui menace l'ensemble du bassin versant qui mène au fleuve Saint-Laurent. De manière totalement légitime, des citoyens blainvillois et d'ailleurs au Québec, préoccupés par cet enjeu majeur, cherchent à se faire entendre et obtenir des réponses des élus municipaux responsables. Malheureusement pour les personnes sur place, la mairesse s'est octroyé le droit de choisir quels citoyens pouvaient intervenir, au détriment de ceux qui se sont vus censurés, à leur grand désarroi. La mairesse devait s'attendre, en agissant ainsi, à ce qu'il y ait de l'opposition. Après tout, les gens présents souhaitaient exercer leur droit fondamental à l'expression et ils se sont retrouvés bredouilles. Dans cette situation, la mairesse a fait exactement le contraire de ce qu'elle aurait dû faire pour éviter le débordement. Avoir voulu faire exprès, on n'aurait pas pu faire mieux. Pour éviter de telles escalades dans les instances municipales, il est capital que les élus comprennent que l'expression des citoyens est la base même du bon fonctionnement démocratique. Le pouvoir qui leur ait accordé, n'est pas un chèque en blanc.
À Blainville, la mairesse est allée jusqu'à demander aux policiers de sortir les citoyens en désaccord avec la pratique discriminatoire qui avait cours. Le malaise était tel, face à ce mépris démocratique, que les policiers ont refusé d'obtempérer. Personne n'a été sorti de la salle. Peut-être faudrait-il plus de formation à nos élus pour éviter de telles dérives ?
Ce n'est pas que la politique municipale qui est malade au Québec, c'est l'ensemble de notre démocratie. Pensons au taux de participation qu'il y a aux élections municipales. La solution réside, en toute logique, dans l'encouragement et l'aménagement d'une plus grande participation citoyenne.
Martine Ouellet
Cheffe de Climat Québec
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Le gouvernement Legault complice des génocidaires sionistes à Gaza
Québec solidaire, par l'entremise de Ruba Ghazal et d'Haroun Bouazzi, a réagit à l'offensive criminelle d'Israël à Gaza en demandant au gouvernement Legault d'exiger un cessez-le-feu. Les représentant.e.s de la formation de gauche ont aussi exigé la fermeture du bureau du Québec à Tel-Aviv en déposant une pétition de plus de 12 000 signataires. Rien n'y fit. La CAQ et ses ministres se positionnent ainsi comme les complices d'Israël et de ses exactions.
Pour toute réponse, le premier ministre a réitéré le suspect « droit d'Israël de se défendre », songe à interdire les manifestations de soutien à la cause palestinienne et vote contre la motion présentée par QS. Il avait auparavant fait fi d'une initiative du gouvernement Trudeau d'exiger un cessez-le-feu immédiat à Gaza et s'aligne sur la position du gouvernement d'extrême droite qui dirige Israël et sa guerre.
La ministre des Relations internationales, Martine Biron, ex-journaliste à Radio-Canada, plaide en faveur d'une présence québécoise en Israël et que le Québec « doit avoir une porte d'entrée sur la région du Moyen-Orient ». Cette parade est suspecte puisque le site web de l'organisme ne mentionne aucunement l'intérêt pour les pays voisins d'Israël et présente la mission du « Bureau du Québec à Tel-Aviv que représente le Québec en Israël auprès de partenaires gouvernementaux, institutionnels, économiques, culturels et universitaires. » Rien sur la mission de l'organisme dans la région du Proche-Orient. Bref, la ministre Biron nous mène en bateau. L'ouverture du bureau du Québec a été repoussée en raison du conflit et ses activités se tiennent à partir de Montréal d'ici à ce que la guerre à Gaza se termine.
Le premier ministre a déjà qualifié les manifs de soutien au peuple palestinien de « honteuses et inqualifiables ». Justin Trudeau est sur la même longueur d'onde lorsqu'il est temps des 2 poids 2 mesures entre Israël qui a droit de se défendre et le la Palestine qui est menée par une organisation dite « terroriste ». Selon Legault , la manifestation pro-Palestine visait à « célébrer ou supposément justifier l'assassinat de civils ». Par contre, toute la sympathie des élu.e.s caquistes va à Israël. Le ministre François-Philippe Champagne était présent à la manifestation d'appui à Israël le 10 octobre dernier. La ministre de l'Enseignement supérieur Pascale Dery se disait « fière que mon gouvernement soit aux côtés de la communauté juive et des Israéliens ». Le lobby sioniste comme le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) et le B'nai Brith s'en réjouit, condamne Québec solidaire et refuse de qualifier l'opération militaire à Gaza de génocide.
Voix juives indépendantes, un organisme qui s'oppose au sionisme a déjà dénoncé François Legault et son gouvernement lors du débat sur la controversée définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'holocauste] (IHRA) selon laquelle toute critique d'Israël et/ou du sionisme représente des actes antisémites. Or, le ministre du Développement durable et de l'Environnement Benoit Charette est auréolé par le lobby sioniste lorsqu'il accepte la définition de l'antisémitisme de l'IHRA à titre de ministre responsable de la lutte au racisme. On constate donc de nombreux liens et la proximité politique entre le gouvernement Legault et la mouvance sioniste. De droites de plus en plus dures pour ne pas dire les extrêmes dans le cas de plusieurs ministres du gouvernement Netanyahou. Des droites qui ont en commun la capacité de nier l'évidence qu'un génocide est en cours à Gaza, que le but d'Israël est de « nettoyer » la Palestine et d'en prendre le contrôle total.
Les gouvernements des pays impérialistes s'entendent pour un soutien presque inconditionnel à Israël. En 2015, la campagne BDS a été interdite en France. Au Canada, on refuse (simplement de se joindre à la campagne. À l'époque (février 2016) Stephane Dion (Libéral) qualifiait « le BDS de forme de discrimination tout comme les boycottages qui ont ciblé les juifs au cours de l'histoire ». Le ministre des Affaires étrangères de l'époque affirmait aussi que « le monde ne gagnerait rien avec le boycottage d'Israël, mais se priverait des talents de son inventivité ». Le Canada suivait ainsi l'exemple de plusieurs États américains (New York, Pennsylvanie, Floride, Alabama, Tennessee et l'Indiana ont adopté des résolutions anti-BDS) et européens qui interdisent les tentatives de boycottage d'Israël. Et l'accueil de réfugié.e.s palestiniens se fait au compte-gouttes alors que les réfugiés ukrainien.ne.s entrent par milliers. Un autre exemple des deux poids deux mesures dans ce dossier.
Le gouvernement Netanyahou peut ainsi commettre les pires exactions sans craindre la moindre conséquence grâce au silence complice de gouvernement comme celui de François Legault. Les récentes décisions de la Cour internationale de justice en sont une illustration. Malgré ses recommandations, Israël maintient ses opérations génocidaires. Plusieurs gouvernements. Sous la pression populaire, ils demandent du bout des lèvres de tempérer les opérations, de permettre aux civils de se mettre à l'abri. Rien n'y fait, le gouvernement Netanyahou fait la sourde oreille et ira jusqu'au bout.
L'appui à la lutte des Palestinien.ne.s s'annonce difficile dans ce contexte. Mais l'appui populaire contre le génocide à Gaza demeure important. Le mouvement de solidarité se poursuit. Québec solidaire et les autres partis d'opposition doivent maintenir la pression sur le gouvernement Legault pour la fermeture du bureau du Québec à Tel-Aviv et exiger un cessez-le-feu immédiat.
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La concertation régionale au bénéfice des victimes de violence conjugale : Tisser des filets de sécurité, une région à la fois
Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale effectue une tournée du Québec pour la tenue d'une dizaine de séminaires régionaux* sur le contrôle coercitif, mettant à l'honneur la concertation intersectorielle au profit des victimes de violence conjugale. Rassemblant les maisons d'aide et d'hébergement et les acteurs judiciaires d'une même région, ces journées ont pour objectif de développer une compréhension commune du contrôle coercitif, et de renforcer les liens de collaboration entre tous les acteurs appelés à intervenir auprès des femmes victimes.
Ces séminaires, co-organisés avec les maisons membres du Regroupement, permettent de mettre en commun les forces de tous les acteurs en présence, et d'améliorer l'accompagnement des victimes dans le processus judiciaire, dans l'esprit du rapport « Rebâtir la confiance ».
« Avec ces séminaires, on crée une occasion pour les partenaires d'une même région de mieux se connaître, d'en savoir plus sur leurs pratiques et sur leurs terrains d'action respectifs. C'est un point de départ pour des liens durables, sur lesquels s'appuyer lorsqu'ils et elles seront confrontés à des cas de violence conjugale » déclare Annick Brazeau, présidente du Regroupement.
Collaboration efficace, impacts concrets
« Plusieurs professionnel.le.s vont croiser la route d'une victime, mais aucun.e ne peut répondre seul.e à tous ses besoins, ni avoir un portrait global de la situation et des risques. C'est par la collaboration qu'il est possible de déployer des filets de sécurité et de soutien efficaces, quelle que soit la trajectoire des femmes » souligne Karine Barrette, avocate et chargée du projet Amélioration de la pratique judiciaire pour accroître la sécurité des femmes victimes de violence conjugale au Regroupement.
Avocat.e.s, policières et policiers, procureur.e.s, intervenant.e.s des CAVAC, des maisons d'aide et d'hébergement et autres professionnel.le.s du système de justice : le climat de confiance et la concertation entre tous ces partenaires sont des facteurs de protection sociale contre la violence conjugale et contre les féminicides. En plus d'enrichir le travail sur le plan humain, la collaboration est bénéfique à plusieurs égards : elle permet d'assurer une vigilance accrue par rapport à la dangerosité d'un conjoint, de documenter de façon plus exhaustive le contrôle coercitif, d'entourer la victime et de la tenir informée tout au long du processus judiciaire, ou encore d'échanger des informations cruciales dans des situations critiques. Les maisons d'aide et d'hébergement, en tant que spécialistes de la violence conjugale, sont des ressources précieuses vers lesquelles peuvent se tourner les professionnel.le.s au quotidien, pour des questions sur la problématique, pour partager des inquiétudes liées à un cas en particulier et pour référer les femmes et les enfants victimes de violence conjugale.
À ce jour, les séminaires ont suscité une mobilisation et un engouement remarquables dans toutes les régions concernées, marquant ainsi de nouveaux jalons vers un système de justice plus humain et qui remet les victimes au coeur du processus.
*Plusieurs séminaires ont déjà eu lieu : sur la Côte-Nord, en Montérégie, dans les Laurentides, en Outaouais, dans la Capitale-Nationale. La région de Montréal, de Laval, du Saguenay-Lac-St-Jean et de Chaudière-Appalaches sont à venir prochainement.

Action de visibilité : 3 féminicides
Québec, 22 février 2024 - Le Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGF-CN) a organisé une action de visibilité suite à l'annonce des trois féminicides qui ont eu lieu durant la dernière semaine. Elisabetta Caucci-Puglis et Manon Blanchard ont été tuées le 15 février à Vaudreuil-Dorion. Hayette Bouguellid, a été tuée par son conjoint le 18 février. L'action, qui a réuni plusieurs militantes au coin des rues St-Vallier et Marie de l'Incarnation sur l'heure du midi, visait à briser le silence, exprimer notre colère, visibiliser les féminicides et exiger du gouvernement de faire de la lutte aux violences faites aux femmes et aux enfants une priorité.
Les féminicides : des violences banalisées et normalisées
Les meurtres des femmes et des enfants par un proche font partie d'un continuum de violences normalisées et banalisées. Ces violences sont le fruit d'un rapport de domination des hommes sur les femmes que la société tolère et banalise. L'un des deux agresseurs vit avec un trouble de santé mentale. Nous dénonçons les lacunes au niveau des services et de l'encadrement pour ces personnes. « Les femmes sont en majorité paire-aidantes et lorsque la personne qu'elles aident est violente, elles se mettent constamment en danger. C'est la raison pour laquelle il est impératif que ces personnes puissent obtenir les soins dont elles ont besoin » soutient Catherine Gauthier co-coordonnatrice au RGF-CN.
Les femmes aux intersections de plusieurs systèmes d'oppression tels les femmes immigrantes, les femmes autochtones, celles en situation de handicap, les jeunes femmes, les femmes des communautés LGBTQIA, les femmes âgées, en situation d'itinérance, en situation de dépendance économique, et les femmes que la société racise sont parmi les plus à risque de subir une ou plusieurs formes de violences, elles sont surreprésentées dans les victimes de féminicides.
Pas une de plus
Il faut refuser de baisser les bras et d'accepter que d'autres femmes et enfants soient agressées, violentées, tuées. Des solutions pour mettre fin à la violence conjugale, il en existe ! Ça passe notamment par l'augmentation du financement en prévention, en accompagnement et en hébergement des femmes victimes de violences conjugales, sexuelles et genrées, par des formations obligatoires et continues sur la violence conjugale pour tous les acteurs et les actrices qui interviennent auprès des femmes et des enfants, par des changements en profondeur de la culture de notre système de justice où les agresseurs peuvent récidiver en attente de leur procès, par une éducation à la sexualité axée sur des modèles de relations positifs basés sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Les solutions sont multiples et doivent dénoncer le caractère inacceptable et criminel de la violence envers les femmes et renforcer la confiance des victimes et du public dans l'administration de la justice.
Le RGF-CN regroupe des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale et travaille la défense des droits et des intérêts de toutes les femmes, l'égalité des femmes entre elles, l'amélioration des conditions de vie.
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Il faut suspendre les travaux et tenir un BAPE générique de la mine à la batterie
Les irrégularités se multiplient dans le dossier Northvolt. Malgré les beaux discours de la CAQ et de la start-up suédoise, il y a clairement anguilles sous roches.
Juste la semaine passée, on apprenait qu'il pourrait y avoir des risques de contamination de la rivière Richelieu, que le PDG (sans s'inscrire au registre des lobbyistes) a rencontré Fitzgibbon avant même le changement réglementaire pour soustraire le projet au BAPE contrairement à ce qu'il avait affirmé plus tôt, que les fonctionnaires ont aidé les dirigeants de Northvolt à obtenir leurs permis.
Rappelons que Northvolt qui bénéficiera de 7 G$ de subventions payées par les contribuables, a subi des pertes colossales de 1.4 G$ pour les neuf premiers mois de 2023. De plus, pour sa première usine en Suède, elle a cumulé des retards de production de plus de 12 mois. Elle a obtenu des blocs d'électricité totalisant 360 MW dans une période de déficit énergétique avec fort probablement un rabais de 20% sur le prix. Comme il faudra construire de la nouvelle production pour l'alimenter, Northvolt générera des pertes de l'ordre d'une centaine de millions de $/an. Ce sont l'ensemble des consommateurs d'électricité qui paieront cette subvention déguisée.
Suspension immédiate des travaux
Avec la complicité du gouvernement Legault, Northvolt pratique la politique du fait accompli. Pas moins d'une centaine de bulldozers et de camions sont actifs pour le remblayage de milieux humides sur le terrain de sa future usine. Milieux humides qui pourtant avait été protégés d'un développeur immobilier l'année passée par ce même gouvernement à raison de leur haute valeur environnementale. Il y a aussi le tripotage de règles environnementales pour dispenser Northvolt d'un BAPE. Tout se passe comme si les caquistes conscients que leurs jours sont comptés se dépêchaient de faire plaisir à leurs amis affairistes avant de partir.
La précipitation actuelle est vraiment suspecte. En prétextant la transition écologique, le gouvernement caquiste pratique l'écoblanchiment. Cette transition est trop importante pour être menée dans la précipitation et le secret. Une suspension immédiate des travaux sur le terrain doit être annoncée le temps de faire toute la lumière
BAPE générique de la mine à la batterie
Seul un BAPE générique de la mine à la batterie permettrait l'examen exhaustif du projet et une décision éclairée et partagée. En plus de tous les aspects déjà mentionnés, il est important de situer l'usine Northvolt dans l'ensemble de la filière mine- batterie. Est-ce une filière à réelle valeur ajoutée ? Qui sont les joueurs ? À quel prix vendre des gros blocs l'électricité en situation de pénurie ? Où en sont rendus les développements technologiques au niveau des matériaux ? Nous ne pouvons faire l'économie d'une BAPE générique sur l'ensemble de la filière. Les ressources sont trop précieuses pour les gaspiller dans de fausses bonnes idées. Il ne faut pas oublier que l'électrification des transports n'est pas une panacée. La priorité doit être le transfert modal donc investir massivement dans le transport collectif.
Martine Ouellet
Cheffe Climat Québec
Ancienne ministre des Ressources naturelles
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L’avenir d’Énergir, parlons-en !
Alors que la transition énergétique est aujourd'hui au cœur des débats, les acteurs du paysage gazier québécois cherchent à trouver leur place dans un avenir qui leur est incertain. Dans les entretiens récents accordés dans les médias, Éric Lachance, PDG d'Énergir, a présenté sa vision pour l'avenir de l'entreprise, à laquelle les groupes environnementaux souhaitent réagir.
Consciente que les volumes de gaz fossiles vendus par Énergir sont amenés à décroître et voyant que le gouvernement, les municipalités et la population s'interrogent activement sur la place du gaz dans l'avenir énergétique du Québec, l'entreprise souhaite tirer son épingle du jeu en mettant notamment en avant le gaz naturel renouvelable (GNR).
Or celui-ci est facturé sept fois plus cher que le gaz naturel fossile à une clientèle qui, encouragée par les campagnes de communication d'Énergir, en apparence trompeuses, en fait une consommation imaginaire. Ces campagnes ont d'ailleurs valu à Énergir une plainte déposée en mai 2023 à l'Office de la protection du consommateur du Québec (OPCQ ).
Surtout, il faut se rappeler que malgré une différence énorme de coûts, la clientèle « 100 % GNR » reçoit en fait le même gaz que le reste de la clientèle d'Énergir, soit 98% de gaz fossile et moins de 2 % de GNR. En juin dernier, Énergir avait d'ailleurs reconnu publiquement que ses communications pouvaient laisser croire à sa clientèle qu'elle recevait et consommait directement le GNR pour lequel elle paie. Huit mois après cette admission, Énergir continue pourtant de mentionner que la clientèle du programme GNR va consommer du GNR.
9 000 mégawatts
M. Lachance laisse également planer le doute sur la capacité d'Hydro-Québec à assumer les besoins énergétiques des bâtiments en cas d'abandon du gaz, et il affirme que la conversion des volumes de gaz distribués pour le secteur des bâtiments serait l'équivalent de 9 000 mégawatts ou six complexes la Romaine. À nos yeux, il s'agit là d'un épouvantail pour convaincre la population de sa dépendance absolue au gaz. Cela nécessite plutôt une attention particulière et un examen approfondi.
Premièrement, il serait plus rigoureux de distinguer la demande en puissance selon les différentes catégories d'utilisateurs (résidentiel, commercial, institutionnel et industriel) et d'usages, pour avoir un portrait juste de la situation. Les bâtiments résidentiels visés ne représentent globalement que 10 % des volumes de gaz distribués au Québec. Deuxièmement, il faudrait aussi tenir compte des meilleures technologies matures et disponibles pour accroître l'efficacité énergétique et gérer la pointe de demande électrique (accumulateurs thermiques, batteries, domotique, géothermie, réseaux thermiques urbains, etc.), ce qui réduirait considérablement l'impact de la conversion sur le réseau d'Hydro-Québec.
Enfin, personne ne propose de convertir du jour au lendemain la totalité du gaz utilisé dans les bâtiments. Compte tenu de la durée de vie des systèmes en place, cette électrification des systèmes s'échelonnera sur plusieurs années. M. Lachance devrait donc ranger son épouvantail de 9 000 mégawatts et ressortir sa calculatrice.
Réduction des volumes
Le PDG d'Énergir a aussi partagé la volonté de l'entreprise de réduire de manière importante les volumes de gaz distribués. Dans une entrevue, M. Lachance précise qu'Énergir vise d'ici 2050 « une diminution progressive des volumes [de gaz] d'environ 50 % ». Or, comment y croire alors qu'Énergir cherche du même souffle à empêcher aux municipalités d'interdire par réglementation les nouvelles connexions au gaz dans les nouvelles constructions ? Sans compter que cet objectif est loin d'être assez ambitieux considérant que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) demande que les pays riches soient carboneutres en 2045.
En outre, selon l'AIE - une organisation reconnue pour son conservatisme en matière de sortie des énergies fossiles -, pour réussir à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, il faut interdire les nouvelles chaudières à combustibles fossiles – gaz y compris – ainsi que leur remplacement dans les bâtiments à l'échelle mondiale dès 2025.
Une transition aux frais des Québécois
Finalement, alors qu'on savait déjà qu'Énergir allait soutirer 403 millions de dollars d'Hydro-Québec pour la période 2022 à 2030, et 2,4 milliards $ d'ici 2050 dans le cadre d'une entente conclue en 2021 pour compenser la conversion d'une partie de sa clientèle actuelle à la biénergie électricité–gaz, le PDG d'Énergir admet qu'il en voudra davantage. En effet, il affirme qu'il faudra trouver un moyen de réduire l'écart entre le prix réel et le prix facturé à sa clientèle, et qu'il pourrait « peut-être avoir besoin d'un peu de plomberie gouvernementale pour que tout ça, ça marche ».
Cet argent public destiné à compenser la gazière serait beaucoup mieux utilisé en rendant accessibles les technologies d'efficacité énergétique et en soutenant une véritable transition énergétique compatible avec la carboneutralité.
La véritable lutte contre les changements climatiques exige des actions concrètes et des engagements clairs de la part des acteurs majeurs du secteur énergétique, sans recours à des faux-fuyants ou à des demi-vérités. Cela doit être clair : Énergir est le plus grand distributeur gazier du Québec et sa motivation est de générer du profit. Si ses paroles portent parfois à confusion, ses actions, elles, ne mentent pas.
Signataires
Emmanuel Cosgrove, Écohabitation
Anne-Céline Guyon, Nature Québec
Andréanne Brazeau, Équiterre
Bruno Detuncq, RVHQ - Regroupement vigilance hydrocarbures Québec
Myriam Thériault, Mères au front
Patricia Clermont, Association québécoise des médecins pour l'environnement (AQME)
Stéphanie Harnois, Fondation David Suzuki
Arnaud Theurillat-Cloutier, Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique (TJC)
Natalie Caine, Pour Nos Enfants Montréal
Jean-François Lefebvre, Imagine Lachine-Est
Jean Paradis, Fondation coule pas chez nous
Pascal Bergeron, Environnement Vert Plus
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Négo petite enfance : Des carrés aux dattes pour obtenir « des dates » !
Les intervenantes en petite enfance en CPE et en milieu familial régi et subventionné, membres de la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ), ont manifesté près de l'Assemblée nationale, ce matin, afin de dénoncer le manque de disponibilité du gouvernement dans le cadre de leurs négociations.
Tiré de Ma CSQ cette semaine.
Les manifestantes et manifestants attendaient les personnes élues à leur arrivée à l'Assemblée nationale afin de remettre aux députées et députés de l'opposition des carrés aux dattes, et à celles et ceux de la Coalition avenir Québec (CAQ), des carrés « sans dates ». L'objectif ? Obtenir « des dates » de rencontre avec la ministre Sonia LeBel afin de faire avancer les discussions aux tables de négociation.
La FIPEQ-CSQ dénonce le manque d'engagement du gouvernement à négocier les contrats de travail des intervenantes en petite enfance en CPE et en milieu familial, qui sont sans contrat de travail depuis presque un an. La fédération se dit dans l'incompréhension face au manque de disponibilité du gouvernement. Elle lui demande d'augmenter le rythme et l'occurrence des rencontres.
Du côté de la négociation des responsables en services éducatifs en milieu familial (RSE), qui se déroule à une table nationale en présence du ministère de la Famille, l'équipe de négociation de la FIPEQ-CSQ a obtenu seulement cinq dates de rencontre d'ici le mois de juin, ce qui représente environ une rencontre par mois. Il est impensable, selon la fédération, qu'un règlement puisse survenir si le rythme ne s'accélère pas dans les prochaines semaines.
La situation est également consternante du côté de la négociation des intervenantes en petite enfance en CPE. Le ministère de la Famille n'a offert que deux dates de rencontre à l'équipe de la FIPEQ-CSQ d'ici le mois de mai. Pour la fédération, la lenteur et ce manque de disponibilité donnent l'impression qu'un désengagement s'opère vis-à-vis la négociation des conditions de travail des intervenantes en petite enfance, un milieu où la pénurie de main-d'œuvre entraine des répercussions significatives sur les équipes en place et le développement du réseau pour les familles.
« Nous ne sentons pas que le gouvernement met le temps et les efforts nécessaires pour négocier une entente. Ce manque de disponibilité et d'engagement envers les négociations nous amène à nous demander sincèrement comment nous pourrons en arriver à un règlement. Faisons-nous face à un gouvernement qui ne veut négocier que lorsque des menaces de grève planent sur le réseau ? La question se pose, notamment après la période de négociation du secteur public que l'on vient de vivre », dénonce la présidente de la FIPEQ-CSQ, Valérie Grenon.
Des ententes échues depuis près d'un an
Rappelons que les intervenantes des deux secteurs (CPE et milieu familial) ont déposé leurs demandes à leur table de négociation respective en septembre 2023. Le gouvernement n'a cependant pas encore déposé de première offre.
Les ententes de travail sont arrivées à échéance le 31 mars 2023. Alors que la FIPEQ-CSQ a déposé ses avis de négociation le 20 janvier 2023, elle juge inacceptable l'absence de réponse de la part du gouvernement et demande que celui-ci s'engage à déposer une première offre afin de faire progresser les négociations.
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L’angle mort de l’anti-wokisme
De nombreux commentateurs dénoncent fréquemment ce qu'ils nomment le courant woke et les abus auxquels il donne parfois lieu.
photo Serge D'Ignazio
Seulement dans le Journal de Montréal, on peut citer Richard, Martineau, Sophie Durocher, Joseph Facal, Mathieu Bock-Côté et Yasmine Abdelfadel ; au Devoir, Christian Rioux.
Ces gens (et d'autres aussi) attaquent ce qu'ils considèrent comme une nouvelle censure issue dans une bonne mesure, semble-t-il de la gauche libérale américaine. Elle est très axée sur sur la défense des droits des minorités, parfois au détriment de la justice et du bon sens le plus élémentaire. Ce courant de pensée valorise sans discernement l'accès aux postes de responsabilité, notamment dans le milieu universitaire où, dans certains cas, on privilégie l'embauche de candidats provenant de minorités dites "visibles" ou de femmes, peu importe par ailleurs la compétence et l'expérience de candidats et de candidates "de vieille souche" (francophones). Ces commentateurs stigmatisent aussi une certaine censure qui s'exercerait au nom de l'inclusion et du respect des cultures autres que québécoises ; une censure qui viserait tout discours le moindrement critique à l'endroit de ces groupes minoritaires.
Je n'ai pas l'intention d'entrer dans ce débat qui concerne une réalité mouvante et ambiguë. Je n'en connais pas assez les tenants et aboutissants pour me prononcer avec fermeté sur la question.
Par contre, il existe une question sur lequel les esprits critiques de l'anti-wokisme se taisent : l'orientation anti-palestinienne pourtant notoire d'Hollywood. En effet, on ne compte plus le nombre de films produits par "l'industrie du rêve" américaine pro-israéliens et anti-"terroristes" (ceux-ci étant toujours des Arabes, évidemment). En voici quelques uns parmi les plus notoires : Exodus (1960), Victoire à Entebbé (1976), Raid sur Entebbé (1977), Munich (2005).
Ces productions frôlent le racisme anti-palestinien. Les combattants palestiniens y sont toujours présentés comme des fanatiques criminels et les Israéliens comme des héros ou de pauvres victimes. Jamais aucune production hollywoodienne n'a abordé le sujet de l'oppression subie par le peuple palestinien ni les massacres auxquels auquel elle a donné lieu. Ce n'est pourtant pas la matière qui manque : les tueries de Sabra et Chatila en septembre 1982, la dure répression de la première Intifada (celle des pierres) de1987 à 1994 qui a fait mille morts et les innombrables bombardements aériens israéliens sur les camps de réfugiés du Liban, à l'époque où ces derniers formaient le fer de lance de la résistance palestinienne. Silence total de la part des producteurs hollywoodiens sur ces sujets brûlants. À ma connaissance, aucun réalisateur américain ne s'est risqué à proposer un scénario pro-palestinien aux bonzes de l'industrie à Hollywood. Ou si l'un d'entre eux s'est laissé aller à rédiger un scénario sur le sujet, il a jugé plus prudent de le garder dans ses cartons...
Aucun commentateur anti-wokiste n'a jamais stigmatisé cette odieuse censure. A-t-on jamais lu un commentateur ou un éditorialiste d'ici s'indigner de cette situation ? Jamais. Ce silence dénote dans la plupart des cas une acceptation inconsciente d'un certain courant anti-palestinien et même de façon générale, d'un racisme anti-arabe.
Il y aurait pourtant là matière à polémique...
Jean-François Delisle
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gauche.media
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