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Rompre avec la croissance capitaliste, pour une alternative écosocialiste
Manifeste du marxisme révolutionnaire à l'ère de la destruction écologique et sociale du capitalisme
La direction de la Quatrième Internationale a approuvé, en tant que premier projet, un Manifeste écosocialiste, qui sera discuté lors de notre prochain Congrès mondial en février 2025 (voir ci-dessous).
Ce document est basé sur notre conviction qu'une société écosocialiste, libérée de la domination de classe, de genre, de race ou coloniale, est nécessaire et ne peut être réalisée que par une révolution. Le Manifeste tente d'évaluer les meilleurs moyens d'atteindre cet objectif.
Nous serions intéressé·es par les commentaires, les critiques et les arguments des scientifiques concernés, des penseurs marxistes et des mouvements sociaux et politiques significatifs. Nous ne prétendons pas détenir le monopole de la vérité et nous pensons que le dialogue avec d'autres forces radicales et révolutionnaires est nécessaire, voire indispensable, si nous voulons avancer dans la lutte.
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Introduction
INTR.1.1. Ce Manifeste est un document de la Quatrième Internationale, fondée en 1938 par Léon Trotsky et ses camarades pour sauver l'héritage de la Révolution d'Octobre du désastre stalinien. Refusant un dogmatisme stérile, la IVe Internationale a intégré dans sa réflexion et sa pratique les défis des mouvements sociaux et de la crise écologique. Ses forces sont limitées, mais elles sont présentes sur tous les continents et ont activement contribué à la résistance au nazisme, à Mai 68 en France, à la solidarité avec les luttes anticoloniales (Algérie, Vietnam), à l'essor du mouvement altermondialiste et au développement de l'écosocialisme.
La IVe Internationale ne se considère pas comme la seule avant-garde ; elle participe, dans la mesure de ses forces, à de larges formations anticapitalistes. Son objectif est de contribuer à la formation d'une nouvelle Internationale, à caractère de masse, dont elle serait l'une des composantes.
INTR.1.2. Notre époque est celle d'une double crise historique : la crise de l'alternative socialiste face à la crise multiforme de la "civilisation" capitaliste.
INTR.1.3 Si la IVe Internationale publie ce Manifeste en 2025, c'est parce que nous sommes convaincu·es que le processus de révolution écosocialiste à différentes échelles territoriales, mais à dimension planétaire, est plus que jamais nécessaire : il s'agit désormais non seulement de mettre fin aux régressions sociales et démocratiques qui accompagnent l'expansion capitaliste mondiale, mais aussi de sauver l'humanité d'une catastrophe écologique sans précédent dans l'histoire humaine. Ces deux objectifs sont inextricablement liés.
INTR.1.4. Cependant, le projet socialiste qui est à la base de nos propositions nécessite une large refondation nourrie par l'évaluation pluraliste des expériences et par les grands mouvements de lutte contre toutes les formes de domination et d'oppression (classe, genre, communautés nationales dominées, etc.). Le socialisme que nous proposons est radicalement différent des modèles qui ont dominé le siècle dernier ou de tout régime étatiste ou dictatorial : c'est un projet révolutionnaire, radicalement démocratique, nourri par l'apport des luttes féministes, écologiques, antiracistes, anticolonialistes, antimilitaristes et LGBTQI.
INTR. 1.5. Nous utilisons le terme d'écosocialisme depuis quelques décennies, car nous sommes convaincus que les menaces et les défis globaux posés par la crise écologique doivent imprégner toutes les luttes au sein de/ contre l'ordre globalisé existant et nécessitent une reformulation du projet socialiste. La relation avec notre planète, le dépassement de la "fracture métabolique" (Marx) entre les sociétés humaines et leur milieu de vie, le respect des équilibres écologiques de la planète ne sont pas seulement des chapitres de notre programme et de notre stratégie, mais leur fil conducteur.
INTR.1.6. La nécessité d'actualiser les analyses du marxisme révolutionnaire a toujours inspiré l'action et la pensée de la Quatrième Internationale. Nous poursuivons cette démarche dans notre travail de rédaction de ce Manifeste écosocialiste : nous voulons contribuer à la formulation d'une perspective révolutionnaire capable d'affronter les défis du XXIe siècle. Une perspective qui s'inspire des luttes sociales et écologiques, et des réflexions critiques authentiquement anticapitalistes qui se développent dans le monde.
1. La nécessité objective d'une révolution écosocialiste, antiraciste, antimilitariste, anticolonialiste et féministe
1.1. Le capital triomphe, mais son triomphe le plonge dans les contradictions insurmontables mises en évidence par Marx. Face à celles-ci, Rosa Luxembourg lance son avertissement en 1915 : "Socialisme ou barbarie". L'actualité de cet avertissement est plus brûlante que jamais, car la catastrophe qui se développe autour de nous est sans précédent. Aux fléaux de la guerre, du colonialisme, de l'exploitation, du racisme, de l'autoritarisme, des oppressions de toutes sortes, s'ajoute en effet un nouveau fléau, qui exacerbe tous les autres : la destruction accélérée par le capital de l'environnement naturel dont dépend la survie de l'humanité.
1.2. Les scientifiques identifient huit indicateurs mondiaux de durabilité écologique. Les limites du danger sont estimées pour sept d'entre eux. En raison de la logique capitaliste d'accumulation, sept d'entre elles au moins sont déjà franchis : (climat, intégrité fonctionnelle des écosystèmes, cycle de l'azote, cycle du phosphore, eaux douces souterraines, eaux douces de surface et superficie des écosystèmes naturels, dont six dépassent même le "plafond" (seul le climat ne le dépasse pas)). Les pauvres sont les principales victimes, surtout dans les pays pauvres.
1.3. Sous le fouet de la concurrence, la grande industrie et la finance renforcent leur emprise despotique sur les humains et la Terre. La destruction se poursuit, malgré les cris d'alarme de la science. La soif de profit, tel un automate, exige toujours plus de marchés et toujours plus de marchandises, donc plus d'exploitation de la force de travail et de pillage des ressources naturelles.
1.4. Le capital légal, le capital dit criminel et la politique bourgeoise sont étroitement liés. La Terre est achetée à crédit par les banques, les multinationales et les riches. Les gouvernements étranglent de plus en plus les droits humains et démocratiques par la répression brutale et le contrôle technologique. Un nouveau fascisme offre ses services pour sauver le système par le mensonge, le racisme, le sexisme et la démagogie sociale.
1.5. C'est peu dire que les limites de la soutenabilité sont également franchies au niveau social.
1.6. Avec leurs yachts, leurs jets, leurs piscines, leurs immenses terrains de golf particuliers, leurs nombreux SUV, leur tourisme spatial, leurs bijoux, leur haute couture et leurs résidences luxueuses aux quatre coins du monde, les 1 % les plus riches possèdent autant que 50 % de la population mondiale. La "théorie du ruissellement" est un mythe. C'est vers les riches que la richesse "ruisselle", et non l'inverse. La pauvreté augmente même dans les pays "développés". Les revenus du travail sont comprimés sans pitié, les protections sociales - quand elles existent - sont démantelées. L'économie capitaliste mondiale flotte sur un océan de dettes, d'exploitation et d'inégalités.
1.7. La répartition inéquitable des ressources engendre des catastrophes environnementales parmi les différents groupes ethniques et raciaux. Par exemple, dans les sociétés capitalistes développées ou en développement, les pauvres et les personnes racisées habitent généralement les territoires les plus touchés par la pollution, avec une plus grande concentration de déchets, ainsi que les zones à risque dépourvues de planification urbaine, telles que les pentes et les collines. Le racisme environnemental est un autre visage de l'exclusion que le capitalisme impose aux personnes racisées et pauvres.
1.8. Les inégalités et les discriminations touchent particulièrement les femmes, qui continuent d'assurer la majeure partie du travail domestique et de soins, qu'il soit gratuit ou rémunéré. Elles ne perçoivent que 35 % des revenus du travail. Dans certaines régions du monde (Chine, Russie, Asie centrale), leur part diminue, parfois de manière significative. Au-delà du travail, les femmes sont attaquées sur tous les fronts en tant que femmes, par la violence sexiste et sexuelle, dans leurs droits à l'alimentation, à l'éducation, leurs droits d'être respectées et de disposer de leur propre corps.
1.9. Si les personnes âgées des classes populaires (et aussi d'une partie de la classe moyenne") sont mises au rebut, la vie des générations futures est généralement mutilée à l'avance. La plupart des parents des classes populaires ne croient plus que leurs enfants vivront mieux qu'elle et eux. Un nombre croissant de jeunes observent avec effroi, rage, tristesse et chagrin, la destruction organisée de leur monde, violé, éventré, noyé dans le béton, englouti dans les eaux froides du calcul égoïste ; la destruction programmée de leur avenir.
1.10. Les fléaux de la famine, de l'insécurité alimentaire et de la malnutrition avaient reculé à la fin du XXe siècle ; ils resurgissent aujourd'hui en raison de la convergence catastrophique du néolibéralisme, du militarisme et du changement climatique : près d'une personne sur dix a faim, près d'une sur trois souffre d'insécurité alimentaire, plus de trois milliards n'ont pas les moyens de se nourrir sainement. Cent cinquante millions d'enfants de moins de cinq ans souffrent d'un retard de croissance dû à la faim.
1.11. L'espoir d'un monde pacifique à court terme s'évanouit. Plus de 30 pays du monde sont ou ont été récemment en proie à des guerres de grande ampleur, notamment le Soudan, l'Irak, le Yémen, la Palestine, la Syrie, l'Ukraine, la Libye, la République Démocratique du Congo et le Myanmar. La crise climatique elle-même, les phénomènes météorologiques et les flux migratoires intenses qui en résultent alimentent de nombreux conflits dans le monde. Les souffrances, les déplacements et la mort de populations sont immenses.
1.12.. Alors que les impérialismes se chamaillent, les mesures urgentes pour la transition climatique et un avenir durable sont remises en question. Les guerres, outre le fait qu'elles sont calamiteuses en termes de vies humaines, qu'elles s'attaquent au corps des femmes, qu'elles utilisent le viol comme instrument de terreur et qu'elles déshumanisent la vie collective, sont néfastes pour la planète sur laquelle nous vivons. Elles détruisent les habitats, provoquent la déforestation, empoisonnent les sols, les eaux et l'air, et sont des sources majeures d'émissions de carbone.
1.13. La guerre brutale de la Russie contre l'Ukraine en 2022 et le nouveau degré de nettoyage ethnique perpétré dans la guerre de Gaza en 2023/24 contre le peuple palestinien sont des crimes majeurs contre l'humanité. Ces deux cas confirment la nature barbare du capitalisme actuel. L'agression impérialiste russe contre l'Ukraine en 2022 a favorisé les tensions géopolitiques à l'échelle mondiale. Elle confirme l'entrée dans une nouvelle ère de compétition inter-impérialiste pour l'hégémonie mondiale, avec les États-Unis et leurs alliés d'un côté, la Chine et ses alliés de l'autre. Les ressources foncières, énergétiques et minérales jouent un rôle important dans cette compétition inter-impérialiste.
1.14. Tout le monde pourrait avoir une bonne vie sur la Terre, mais le capitalisme est un mode de prédation exploiteur, machiste, raciste, guerrier, autoritaire et mortifère. Le productivisme est un destructivisme. En deux siècles, il a conduit l'humanité dans une profonde impasse écosociale.
1.15. Le changement climatique est l'aspect le plus dangereux de la destruction écologique, c'est une menace pour la vie humaine sans précédent dans l'histoire. La Terre risque de devenir un désert biologique inhabitable pour des milliards de pauvres qui ne sont pas responsables de ce désastre. Pour arrêter cette catastrophe, nous devons réduire de moitié les émissions mondiales de dioxyde de carbone et de méthane avant 2030, et les éliminer avant 2050. Il faut donc en priorité bannir les énergies fossiles, l'agro-industrie, l'industrie de la viande et l'hyper-mobilité... c'est-à-dire produire moins globalement.
D'une part, la folie de l'accumulation capitaliste confronte l'humanité au besoin urgent d'une décroissance globale de la consommation d'énergie finale et, par conséquent, de la production matérielle et du transport. D'autre part, trois milliards de personnes, principalement dans les pays du Sud Global1 , vivent dans des conditions épouvantables, du fait du capitalisme et de l'impérialisme. La justice sociale exige de développer certaines productions pour répondre à leurs immenses besoins insatisfaits : de bons systèmes de santé, des logements décents, une bonne alimentation, une bonne éducation, des transports publics, de l'eau propre, une sécurité sociale pour tou·tes…
1.17. Existe-t-il un moyen de sortir de cette contradiction ? Oui. Il est possible pour les humains de vivre bien tout en consommant beaucoup moins qu'auparavant, notamment grâce aux progrès technologiques dans les domaines de la médecine, de la construction, de l'efficacité énergétique, entre autres. L'impact sur le climat des productions destinées à satisfaire les besoins humains - surtout lorsqu'elles sont planifiées démocratiquement et assumées par le secteur public dans un contexte d'égalité sociale - est bien moindre que celui des productions destinées à satisfaire les besoins des riches par la croissance du PIB et la concurrence aveugle du marché pour le profit. Le 1% le plus riche émet près de deux fois plus de CO2 que les 50% les plus pauvres. Les 10 % les plus riches sont responsables de plus de 50 % des émissions de CO2. Les pauvres émettent beaucoup moins que 2-2,3 tonnes de CO2 par personne et par an (le volume moyen à atteindre en 2030 si nous voulons parvenir à des émissions nettes nulles en 2050 avec une probabilité de 50 %). Répondre à leurs besoins aurait un impact écologique limité. En fait, pour arrêter la catastrophe, il faut une société qui assure le bien-être et garantisse l'égalité comme jamais auparavant. Une perspective souhaitable, mais les 1% de riches devraient diviser leurs émissions par trente dans quelques années. Mais ils refusent de faire le moindre effort ! Au contraire : ils veulent toujours plus de privilèges !
1.18. Les gouvernements se sont engagés à rester en dessous de +1,5°C, à préserver la biodiversité, à atteindre un soi-disant "développement durable" et à respecter le principe des "responsabilités et capacités communes mais différenciées" dans la crise écologique,... tout en produisant toujours plus de marchandises et en utilisant toujours plus d'énergie. Il est exclu que ces promesses conjuguées soient tenues par le capital. Les faits le montrent :
1.18.1. - Trente-trois ans après le Sommet de la Terre de Rio (1992), le bouquet énergétique mondial est encore entièrement dominé par les combustibles fossiles (84 % en 2020). La production totale de combustibles fossiles a augmenté de 62 %, passant de 83 térawattheures (TWh) en 1992 à 136 TWh en 2021. Les énergies renouvelables viennent s'ajouter au système énergétique principalement fossile, offrant davantage de capacités et de nouveaux marchés aux capitalistes.2
1.18.2. - Avec la crise énergétique déclenchée par la pandémie et aggravée par la guerre impérialiste russe contre l'Ukraine, toutes les puissances capitalistes ont relancé le charbon, le pétrole, le gaz naturel (y compris le gaz de schiste) et l'énergie nucléaire.
1.18.3. - Principal responsable historique du dérèglement climatique, l'impérialisme américain dispose d'énormes moyens pour lutter contre la catastrophe, mais ses représentants politiques subordonnent criminellement cette lutte à la protection de leur hégémonie mondiale, quand ils ne la refusent pas tout simplement.
1.18.4. - Les mesures que les grands pollueurs mettent en œuvre sous le label "décarbonisation" non seulement ne répondent pas à l'ampleur de la crise climatique mais accélèrent l'extractivisme, surtout dans les pays dominés, mais aussi au Nord et dans les océans, au détriment des populations et des écosystèmes.
1.18.5. - Cette soi-disant "décarbonisation" exacerbe l'accaparement impérialiste des terres et l'exploitation de la main-d'œuvre dans le Sud, avec la complicité des bourgeoisies locales (comme l'illustrent différents projets d'investissement basés sur l'utilisation de l'énergie solaire et éolienne, en particulier dans les "zones franches" des pays pauvres, afin de produire de "l'hydrogène vert" destiné à approvisionner les industries des pays développés).
1.18.6. - Les "marchés du carbone", les "compensations carbone", les "compensations biodiversité" et les "mécanismes de marché", fondés sur la compréhension de la nature comme un capital, pèsent sur les moins responsables, les pauvres, en particulier les populations autochtones, les populations racisées et les populations du Sud en général.
1.19. Valables en théorie, les concepts abstraits tels que " économie circulaire ", " résilience ", " transition énergétique ", " biomimétisme " deviennent en pratique des formules creuses dès lors qu'ils sont mis au service du productivisme capitaliste. S'il n'y a pas de plan de reconversion de la production mis en œuvre par l'ensemble de la société, les améliorations techniques (par exemple pour rendre la production d'énergie moins chère) ont souvent un effet rebond3 : une réduction du prix de l'énergie entraîne généralement une augmentation de la consommation d'énergie et de matières.
1.20. Face à la crise climatique, le fétichisme capitaliste de l'accumulation ne laissera finalement que deux options : déployer des technologies d'apprentis sorciers (nucléaire, capture-séquestration du carbone, géo-ingénierie...)... ou laisser la "nature" éliminer quelques milliards de pauvres dans les pays pauvres.
1.21. Politiquement, l'impuissance et l'injustice du capitalisme vert font le jeu d'un néo-fascisme fossile, complotiste, colonialiste, raciste, violemment machiste et LGBTQIphobe, que cette seconde possibilité ne rebute pas. Une fraction des riches marche vers un immense crime contre l'humanité, pariant cyniquement que sa richesse la protégera, laissant mourir les pauvres.
1.22. Le capitalisme vert néolibéral et le néofascisme climato-négationniste ne sont pas la même chose, le second étant bien pire, mais aucun de ces régimes ne pourra empêcher le réchauffement climatique de se poursuivre, avec des conséquences désastreuses, et le premier nourrit le second. Si les victimes sont plus nombreuses dans les pays pauvres, les pays riches subiront également des pertes dramatiques. Le capitalisme mondial ne progresse pas graduellement vers la paix et le développement durable, il régresse à grands pas vers la guerre, le désastre écologique, le génocide et la barbarie néo-fasciste.
1.23. Face à ce défi, il ne suffit pas de remettre en cause le régime néolibéral et de revaloriser le rôle de l'État. Il ne suffirait même pas d'arrêter la dynamique d'accumulation (un objectif impossible sous le capitalisme !) La consommation finale mondiale d'énergie doit diminuer radicalement, ce qui signifie produire moins et transporter moins à l'échelle mondiale.
1.24. Pour respecter cette contrainte éco-climatique, l'orientation même de l'économie doit changer de fond en comble : la science et les avancées technologiques doivent être utilisées pour satisfaire les besoins sociaux de l'humanité et régénérer l'écosystème global, au lieu de satisfaire la course au profit des capitalistes. C'est la seule solution qui permette de concilier le besoin légitime de bien-être pour tou·tes et la régénération de l'écosystème mondial. La juste suffisance et la juste décroissance - la décroissance écosocialiste - est une condition sine qua non du sauvetage.
1.25. Sortir de l'impasse productiviste n'est possible qu'aux conditions suivantes :
1.25.1. - abandonner le "technosolutionnisme", c'est-à-dire l'idée que la solution viendra des nouvelles technologies dont on présente la face écologique sans mesurer la consommation des énergies et ressources préjudiciable que leur production et usage induisent . Dans un souci de sagesse écologique, décider d'utiliser les moyens dont nous disposons, ils suffisent à répondre aux besoins de tou·tes.
1.25.2. - réduire radicalement l'empreinte écologique des riches pour permettre une bonne vie à tou·tes
1.25.3. - mettre fin au libre marché du capital (bourses, banques privées, fonds de pension) ;
1.25.4. - réguler les marchés de biens et de services ;
1.25.5. - maximiser à tous les échelons de la société les relations directes entre producteurs et consommateurs, et les processus d'évaluation des besoins et des ressources sous l'angle des valeurs d'usage et des priorités écologiques et sociales.
1.25.6. - déterminer démocratiquement quels besoins ces valeurs d'usage doivent satisfaire et comment ;
1.25.7. - placer au centre de cette délibération démocratique la prise en charge des humains et des écosystèmes, le respect attentif du vivant et des limites écologiques ;
1.25.8. - supprimer en conséquence les productions et les transports inutiles, refonder toute l'activité productive, sa circulation et sa consommation.
1.26. Ces conditions sont nécessaires, mais pas suffisantes. La crise sociale et la crise écologique ne font qu'une. Il faut reconstruire un projet émancipateur pour les exploité·es et les opprimé·es. Un projet de classe qui, au-delà des besoins fondamentaux, privilégie l'être au lieu de l'avoir. Un projet qui modifie en profondeur les comportements, la consommation, le rapport au reste de la nature, la conception du bonheur et la vision que les humains ont du monde. Un projet anti-productiviste pour vivre mieux en prenant soin du vivant sur la seule planète habitable du système solaire.
1.27. Le capitalisme a déjà plongé l'humanité dans une situation aussi sombre, notamment à la veille du premier conflit mondial. L'hystérie nationaliste s'est emparée des masses et la social-démocratie, trahissant sa promesse de répondre à la guerre par la révolution, a donné le feu vert aux pires tueries de l'histoire de l'humanité. Néanmoins, Lénine définissait la situation comme "objectivement révolutionnaire" : ”seule la révolution peut arrêter le massacre”, dit-il. L'histoire lui a donné raison : la révolution en Russie et la crainte de son extension ont contraint les bourgeoisies à mettre fin au massacre. La comparaison a évidemment ses limites. Les médiations vers l'action révolutionnaire sont aujourd'hui infiniment plus complexes. Mais le même sursaut des consciences est nécessaire. Or, face à la crise écologique, une révolution anticapitaliste est encore plus objectivement nécessaire. C'est ce jugement fondamental qui doit servir de base à l'élaboration d'un programme, d'une stratégie et d'une tactique, parce qu'il n'y a pas d'autre moyen d'éviter la catastrophe.
1.28. Tout dépend des résultats des luttes. Quelle que soit l'ampleur du désastre, à chaque étape, les luttes feront la différence. Au sein des luttes, tout dépend de la capacité des militant·es écosocialistes à s'organiser pour s'orienter dans la pratique selon la boussole de la nécessité historique objective.
2. Le monde pour lequel nous nous battons
2.1. Notre projet de société future articule l'émancipation sociale et politique avec l'impératif d'arrêter la destruction de la vie et de réparer autant que possible les dégâts déjà causés.
2.2. Nous voulons (tenter d') imaginer ce que serait une vie bonne pour tou·tes et partout en réduisant la consommation de matière et d'énergie, et donc en réduisant la production matérielle. Il ne s'agit pas de donner un modèle tout fait, mais d'oser penser un autre monde, un monde qui donne envie de se battre pour le construire en se débarrassant du capitalisme et du productivisme.
« Oui, c'est pour le pain que nous nous battons, mais nous nous battons aussi pour les roses. »
2.3. Une vie bonne pour tou·tes exige que les besoins humains fondamentaux - alimentation saine, santé, logement, air pur et eau propre - soient satisfaits.
2.4. Une bonne vie est aussi une vie choisie, épanouissante et créative, engagée dans des relations humaines riches et égalitaires, entourée de la beauté du monde et des réalisations humaines.
2.5. Notre planète dispose (encore) de suffisamment de terres arables, d'eau potable, de soleil et de vent, de biodiversité et de ressources de toutes sortes pour répondre aux besoins humains légitimes en renonçant aux combustibles fossiles nuisibles au climat et à l'énergie nucléaire. Cependant, certaines de ces ressources sont limitées et donc épuisables, tandis que d'autres, bien qu'inépuisables, nécessitent pour leur consommation humaine des matières épuisables, voire rares et dont l'extraction est écologiquement dommageable. En tout état de cause, leur utilisation ne pouvant être illimitée, nous les utilisons avec prudence et parcimonie, dans le respect de l'environnement.
2.6. Indispensables à notre vie, ils sont exclus de l'appropriation privée, considérés comme des biens communs, car ils doivent bénéficier à l'ensemble de l'humanité aujourd'hui et à long terme. Afin de garantir ces biens communs dans le temps, des règles collectives définissant les usages, mais aussi les limites de ces usages, les obligations d'entretien ou de réparation, sont élaborées.
2.7. Parce qu'on ne soigne pas une mangrove comme une calotte glaciaire, une zone humide comme une plage de sable, une forêt tropicale comme une rivière, parce que l'énergie solaire n'obéit pas aux mêmes règles, n'impose pas les mêmes contraintes matérielles que l'éolien ou l'hydraulique, l'élaboration de règles ne peut être que le fruit d'un processus démocratique impliquant les premier·es concerné·es, travailleur·ses et habitant·es.
2.8. Notre commun, c'est aussi l'ensemble des services qui permettent de répondre de manière égalitaire, et donc gratuite, aux besoins d'éducation, de santé, de culture, d'accès à l'eau, à l'énergie, à la communication, aux transports, etc. Ils sont, eux aussi, gérés et organisés démocratiquement par l'ensemble de la société.
2.9. Les services consacrés aux personnes et aux soins dont elles ont besoin aux différentes étapes de leur vie, brisent la séparation entre le public et le privé, l'assignation des femmes à ces tâches en les socialisant, c'est-à-dire en faisant en sorte qu'elles soient l'affaire de l'ensemble de la société. Ces services de reproduction sociale sont des outils essentiels, parmi d'autres, pour lutter contre l'oppression patriarcale.
2.10. Tous ces "services publics" décentralisés, participatifs et communautaires constituent la base d'une organisation sociale non autoritaire.
2.11. À l'échelle de la société dans son ensemble, la planification écologique démocratique permet aux populations de se réapproprier les grands choix sociaux relatifs à la production, de décider, en tant que citoyen·nes et usager·es, de ce qu'il faut produire et comment le produire, des services qui doivent être fournis, mais aussi des limites acceptables pour l'utilisation des ressources matérielles telles que l'eau, l'énergie, les transports, le foncier, etc. Ces choix sont préparés et éclairés par des processus de délibération collective qui s'appuient sur l'appropriation des connaissances, qu'elles soient scientifiques ou issues de l'expérience des populations, sur l'auto-organisation des opprimé·es (mouvements de libération des femmes, peuples racisés, personnes handicapées, etc).
2.12. Cette démocratie économique et politique globale s'articule avec de multiples collectifs/commissions décentralisés : ceux qui permettent de décider au niveau local, dans la commune ou le quartier, de l'organisation de la vie publique et ceux qui permettent aux travailleur·ses et aux producteur·rices de contrôler la gestion et l'organisation de leur unité de travail, de décider de la manière de produire et donc de travailler. C'est la combinaison de ces différents niveaux de démocratie qui permet la coopération et non la concurrence, une gestion juste d'un point de vue écologique et social, épanouissante d'un point de vue humain, au niveau de l'atelier, de l'entreprise, de la branche... mais aussi du quartier, de la commune, de la région, du pays et même de la planète !
2.13. Toutes les décisions relatives à la production et à la distribution, à la manière dont nous voulons vivre, sont guidées par le principe suivant : décentraliser autant que possible, coordonner autant que nécessaire.
2.14. Prendre sa vie en main et participer à des collectifs sociaux demande du temps, de l'énergie et de l'intelligence collective. Heureusement, le travail de production et de reproduction sociale n'occupe que quelques heures par jour.
2.15. La production est exclusivement consacrée à la satisfaction des besoins démocratiquement déterminés. La production et la distribution sont organisées de manière à minimiser la consommation de ressources et à éliminer les déchets, les pollutions et les émissions de gaz à effet de serre, elle vise en permanence la sobriété et la "durabilité programmée" (par opposition à l'obsolescence programmée du capitalisme, qu'elle soit planifiée ou simplement due à la logique de la course au profit). Produire au plus près des besoins à satisfaire permet de réduire les transports et de mieux appréhender le travail, les matériaux et l'énergie nécessaires.
2.16. Ainsi, l'agriculture est écologique, paysanne et locale afin d'assurer la souveraineté alimentaire et la protection de la biodiversité. Des ateliers de transformation et des circuits de distribution permettent de produire la plupart des aliments en circuit court.
2.17. Le secteur de l'énergie basé sur les sources renouvelables est aussi décentralisé que possible afin de réduire les pertes et d'optimiser les sources. Les activités liées à la reproduction sociale (santé, éducation, soins aux personnes âgées ou dépendantes, garde d'enfants, etc.) sont développées et renforcées, en veillant à ne pas reproduire les stéréotypes de genre.
2.18. Bien que le travail occupe moins de temps, il occupe une place essentielle, car, avec la nature et en prenant soin d'elle, il produit ce qui est nécessaire à la vie.
2.19. L'autogestion des unités de production combinée à la planification démocratique permet aux travailleur·ses de contrôler leur activité, de décider de l'organisation du travail et de remettre en cause la division entre travail manuel et travail intellectuel. La délibération s'étend au choix des technologies selon qu'elles permettent ou non au collectif de travail de maîtriser le processus de production. En privilégiant la connaissance concrète, pratique et réelle du processus de travail, les savoir-faire collectifs et individuels, la créativité, elle permet de concevoir et de produire des objets robustes, démontables et réparables, réutilisables et, le cas échéant, recyclables, et de réduire les consommations de matières et d'énergie de la fabrication à l'utilisation.
2.20. Dans tous les domaines, la conviction de faire quelque chose d'utile et la satisfaction de le faire bien se conjuguent. En ce qui concerne les tâches fastidieuses comme le ramassage des ordures, chacun veille à en réduire la lourdeur et la pénibilité. Il reste cependant une part incontournable que chacun·e accomplit à tour de rôle.
2.21. Une grande partie de la production matérielle, parce que le volume en est fortement réduit, peut être désindustrialisée (tout ou partie de l'habillement ou de l'alimentation) et les savoir-faire artisanaux, auxquels tout le monde pourrait être formé, devraient être valorisés.
2.22. Libérer le travail de l'aliénation permet d'abolir la frontière entre l'art et la vie dans une sorte de "communisme du luxe". Nous pouvons garder ou partager des outils, des meubles, un vélo, des vêtements... toute notre vie parce qu'ils sont ingénieusement conçus et beaux.
Être plutôt qu'avoir
"Seul ce qui est bon pour tous est digne de vous. Seul mérite d'être produit ce qui ne privilégie ni n'abaisse personne. » (A. Gorz).
2.23. La liberté ne réside pas dans une consommation illimitée, mais dans une autolimitation choisie et comprise, conquise contre l'aliénation consumériste. La délibération collective permet de déconstruire les besoins artificiels, de définir des besoins "universalisables", c'est-à-dire non réservés à certaines personnes ou à certaines parties du monde, qui doivent être satisfaits.
2.24. La véritable richesse ne réside pas dans l'augmentation infinie des biens - avoir - mais dans l'augmentation du temps libre - être. Le temps libre ouvre la possibilité de s'épanouir dans le jeu, l'étude, l'activité civique, la création artistique, les relations interpersonnelles et avec le reste de la nature.
2.25. Nous ouvrons donc la voie à de nombreux travaux parce que nous avons le temps d'y réfléchir et parce que nous pouvons le faire en mettant au centre l'attention portée aux personnes et au reste de la nature.
2.26. Les lieux où nous vivons, chaque espace dans lequel nous nous socialisons, nous appartiennent pour construire d'autres relations sociales interpersonnelles. Libérés de la spéculation foncière et de la voiture, nous pouvons repenser l'usage des espaces publics, combler la séparation entre le centre et la périphérie, multiplier les espaces récréatifs, de rencontre et de partage, désartificialiser les villes avec l'agriculture urbaine et le maraîchage de proximité, restaurer les biotopes insérés dans le tissu urbain... Et au-delà, mettre en œuvre une politique à long terme visant à rééquilibrer les populations urbaines et rurales et à dépasser l'opposition entre ville et campagne afin de reconstituer des communautés humaines vivables et durables à une échelle permettant une réelle démocratie.
2.27. Nos désirs et nos émotions ne sont plus des choses qui s'achètent et se vendent, l'éventail des choix est considérablement élargi pour chacun·e. Chacun·e peut développer de nouvelles façons d'avoir des relations sexuelles, de vivre, de travailler et d'élever des enfants ensemble, de construire des projets de vie de manière libre et diverse, dans le respect des décisions personnelles et de l'humanité de chacun·e, avec l'idée qu'il n'y a pas une seule option possible, ou une option meilleure que les autres. La famille peut cesser d'être l'espace de reproduction de la domination, et cesser d'être la seule forme possible de vie collective. Nous pouvons ainsi repenser la forme de la parentalité de manière plus collective, politiser nos décisions personnelles en matière de maternité et de parentalité, réfléchir à la manière dont nous considérons l'enfance et le rôle des personnes âgées ou handicapées, aux relations sociales que nous établissons avec elles, et à la manière dont nous sommes capables de briser les logiques de domination que nous avons intériorisées, héritées des sociétés antérieures.
2.28. Nous construisons une nouvelle culture, à l'opposé de la culture du viol, une culture qui reconnaît les corps de toutes les femmes cis et trans, ainsi que leurs désirs, qui reconnaît chacun·e comme un sujet capable de décider de son corps, de sa vie et de sa sexualité, qui rend visible le fait qu'il y a mille façons d'être une personne, de vivre et d'exprimer son genre et sa sexualité.
2.29. Une activité sexuelle librement consentie et agréable pour toutes celles et tous ceux qui y prennent part est en soi une justification suffisante.
2.30. Nous devons apprendre à penser l'interdépendance des êtres vivants et développer une conception des rapports de la relation entre l'humanité et la nature qui ressemblera probablement à certains égards à celle des peuples indigènes, mais qui sera néanmoins différente. Une conception selon laquelle les notions éthiques de précaution, de respect et de responsabilité, ainsi que l'émerveillement devant la beauté du monde, interféreront constamment avec une compréhension scientifique à la fois de plus en plus fine et de plus en plus consciente de son incomplétude.
3. Notre méthode transitoire
3.1. Notre analyse du capitalisme, et plus particulièrement des politiques de la classe dirigeante en relation avec les dangers écologiques et le changement climatique, nous conduit à affirmer ce qui suit :
3.2. Premièrement, la nécessité d'une alternative globale et d'un projet de société basé sur la production de valeur d'usage plutôt que sur la valeur d'échange. Tourner telle ou telle vis à l'intérieur du système et sans changer le mode de production ne permettra pas d'éviter ni même d'atténuer de manière significative les crises actuelles et les catastrophes auxquelles nous sommes confrontés et qui surviendront en raison de la persistance du système capitaliste. L'une des tâches importantes de la politique révolutionnaire est de transmettre cette idée.
3.3. La compréhension de la nécessité d'un changement révolutionnaire global est une tâche qui ne peut être résolue directement et sans difficulté dans la pratique. C'est pourquoi, deuxièmement, il est important de combiner la présentation de la perspective globale avec la diffusion de revendications immédiates pour lesquelles des mobilisations peuvent effectivement être développées ou promues.
3.4. Troisièmement, il faut le souligner : Convaincre les gens ne peut se faire uniquement par l'argumentation. Pour convaincre les gens de se détourner du système capitaliste et les encourager à résister, il faut des luttes réussies qui donnent du courage et démontrent que des victoires partielles sont possibles.
3.5. Quatrièmement, pour que les luttes soient couronnées de succès, il faut une meilleure organisation. C'est toujours vrai en principe, mais aujourd'hui - à une époque où les syndicats ont (dans de nombreuses parties du monde) largement disparu politiquement et où la gauche est fragmentée - il est important de promouvoir la coopération pratique de manière non sectaire, en particulier au sein de la gauche anticapitaliste, et en même temps de soutenir les travailleur·ses dans leur auto-organisation.
3.6. D'une part, le temps presse si nous ne voulons pas voir des points de basculement cruciaux franchis et le réchauffement climatique s'accélérer de manière incontrôlable. D'autre part, la grande majorité des gens ne sont pas prêts à se battre pour un autre système, c'est-à-dire pour renverser le capitalisme. Cela est dû en partie à un manque de connaissance de la situation générale, mais plus encore à un manque de vision de ce à quoi l'alternative pourrait ou devrait ressembler. En outre, le rapport de forces social et politique entre les classes n'encourage pas vraiment la confrontation avec les dirigeants et les profiteurs de l'ordre social capitaliste.
3.7. Par ailleurs, un programme qui veut réformer le capitalisme ou le dépasser au coup par coup (de surcroît avec une politique venant d'en haut) n'a pas non plus de chance de réussir. Les réformes qui respectent les règles du système capitaliste ne sont pas en mesure de relever les défis de la crise écologique. Et les changements progressifs dans l'économie et l'État n'ont jamais conduit à un changement de système. Les propriétaires et les profiteurs du capitalisme n'assisteront pas tranquillement à la confiscation de leurs richesses et à la privation de leur mode d'enrichissement, morceau par morceau.
3.8. Le temps presse et des mesures urgentes s'imposent. Certains opposants à l'écosocialisme plaident pour des réformes légères "parce que nous ne pouvons pas attendre la révolution mondiale". Les partisan·es de l'écosocialisme n'ont pas l'intention d'attendre ! Notre stratégie est de commencer MAINTENANT, avec des revendications transitoires concrètes. C'est le début d'un processus de changement global. Il ne s'agit pas d'étapes historiques distinctes, mais de moments dialectiques dans un même processus. Chaque victoire partielle ou locale est une étape dans ce mouvement, qui renforce l'auto-organisation et encourage la lutte pour de nouvelles victoires.
3.9. Dans les luttes de classes à venir - qui constituent la base de la bataille pour l'hégémonie impliquant des couches plus larges de la classe ouvrière, les jeunes, les femmes, les indigènes, etc. - il doit être clair qu'en fin de compte, il n'y a aucun moyen d'échapper à un véritable changement de système et à la question du pouvoir. La classe dirigeante doit être expropriée et son pouvoir politique renversé.
Pour un programme de transition anticapitaliste
3.10. La méthode transitoire était déjà suggérée par Marx et Engels dans la dernière section du Manifeste communiste (1848). Mais c'est la Quatrième Internationale qui lui a donné sa signification moderne, dans le Programme de transition de 1938. L'hypothèse de base est la nécessité pour les révolutionnaires d'aider les masses, dans le processus de la lutte quotidienne, à trouver le pont entre les revendications actuelles et le programme socialiste de la révolution. Ce pont devrait inclure un système de revendications transitoires, découlant des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière, l'objectif est de conduire les luttes sociales vers la conquête du pouvoir par le prolétariat.
3.11. Bien entendu, les révolutionnaires n'écartent pas le programme des vieilles revendications "minimales" traditionnelles : ils défendent évidemment les droits démocratiques et les conquêtes sociales des travailleur·ses. Cependant, ils proposent un système de revendications transitoires, qui peut être compris de manière appropriée par les exploité·es et les opprimé·es, mais qui est en même temps dirigé contre les bases mêmes du régime bourgeois.
3.12. La plupart des revendications transitoires mentionnées dans le Programme de 1938 sont toujours d'actualité : échelle mobile des salaires et échelle mobile des heures de travail ; contrôle ouvrier des usines, ouverture des comptes "secrets" des entreprises ; expropriation des banques privées ; expropriations de certains secteurs capitalistes… L'intérêt de telles propositions est d'unir dans la lutte les masses populaires les plus larges possibles, autour de revendications concrètes qui sont en contradiction objective avec les règles du système capitaliste.
3.13. Mais nous devons mettre à jour notre programme de revendications transitoires, afin de prendre en compte les nouvelles conditions du XXIe siècle, et en particulier la nouvelle situation créée par la crise écologique et le danger imminent d'un changement climatique catastrophique. Aujourd'hui, ces revendications doivent avoir une nature socio-écologique et, potentiellement, écosocialiste.
3.14. L'objectif des revendications écosocialistes transitoires est stratégique : pouvoir mobiliser de larges couches de travailleur·ses urbains et ruraux, de femmes, de jeunes, de victimes du racisme ou de l'oppression nationale, ainsi que les syndicats, les mouvements sociaux et les partis de gauche dans une lutte qui remette en cause le système capitaliste et la domination bourgeoise. Ces revendications, qui combinent des intérêts sociaux et écologiques, doivent être considérées comme nécessaires, légitimes et pertinentes par les exploité·es et les opprimé·es, en fonction de leur niveau de conscience sociale et politique. Dans la lutte, les gens prennent conscience de la nécessité de s'organiser, de s'unir et de se battre. Iels commencent également à comprendre qui est l'ennemi : non seulement les forces locales, mais le système lui-même. L'objectif des revendications écosociales transitoires est de renforcer, grâce à la lutte, la conscience sociale et politique des exploité·es et des opprimé·es, leur compréhension anticapitaliste et, espérons-le, une perspective révolutionnaire écosocialiste.
3.15. Certaines de ces demandes ont un caractère universel : par exemple, la gratuité des transports publics. C'est une revendication à la fois écologique et sociale, qui porte en elle les germes de l'avenir écosocialiste : services publics contre marché, gratuité contre profit capitaliste. Cependant, leur signification stratégique n'est pas la même selon les sociétés et les économies. Les revendications écosocialistes de transition doivent prendre en compte les besoins et les aspirations des masses, en fonction de leur expression locale, dans les différentes parties du système capitaliste mondial.
4. Les grandes lignes d'une alternative écosocialiste à la croissance capitaliste
INTR.4. Satisfaire les besoins sociaux réels tout en respectant les contraintes écologiques n'est possible qu'en rompant avec la logique productiviste et consumériste du capitalisme, qui creuse les inégalités, nuit au vivant et « ruine les deux seules sources de toute richesse : la Terre et les travailleurs » (Marx). Briser cette logique implique de lutter en priorité pour les lignes de force suivantes. Elles forment un ensemble cohérent, à compléter et à décliner selon les spécificités nationales et régionales. Bien sûr, dans chaque continent, dans chaque pays, il y a des mesures spécifiques à proposer dans une perspective de transition.
4.1. Contre les catastrophes, des plans publics de prévention adaptés aux besoins sociaux, sous contrôle populaire
Certains effets de la catastrophe climatique sont irréversibles (élévation du niveau de la mer) ou dureront longtemps (canicules, sécheresses, précipitations exceptionnelles, tornades plus violentes, etc.) Les compagnies d'assurance capitalistes ne protègent pas les classes populaires, ou (au mieux) les protègent mal. Face à ces fléaux, les riches n'ont que le mot "adaptation" à la bouche. "L'adaptation au réchauffement, pour eux, sert 1°) à détourner l'attention des causes structurelles, dont leur système est responsable ; 2°) à poursuivre leurs pratiques néfastes axées sur le profit maximum, sans se soucier du long terme ; 3°) à offrir de nouveaux marchés aux capitalistes (infrastructures, climatisation, transports, compensation carbone, etc.) Cette "adaptation" capitaliste technocratique et autoritaire est en fait ce que le GIEC appelle une "maladaptation". Elle accroît les inégalités, les discriminations et les dépossessions. Elle accroît également la vulnérabilité au réchauffement, au risque de compromettre gravement la possibilité même de s'adapter à l'avenir, en particulier dans les pays pauvres. A la "maladaptation" capitaliste, nous opposons l'exigence immédiate de plans publics de prévention adaptés à la situation des classes populaires. Elles sont les principales victimes des phénomènes météorologiques extrêmes, surtout dans les pays dominés. Les plans publics de prévention doivent être conçus en fonction de leurs besoins et de leur situation, en dialogue avec les scientifiques. Ils doivent concerner tous les secteurs, notamment l'agriculture, la sylviculture, le logement, la gestion de l'eau, l'énergie, l'industrie, le droit du travail, la santé et l'éducation. Ils doivent faire l'objet d'une large consultation démocratique, avec un droit de veto des communautés locales et des collectifs de travail concernés.
4.2. Partager les richesses pour prendre soin des humains et de notre environnement de vie, gratuitement
4.2.1. Des soins de santé de qualité, une bonne éducation, une bonne prise en charge des jeunes enfants, une retraite digne et une prise en charge respectueuse de la dépendance, un logement accessible, permanent et confortable, des transports publics efficaces, des énergies renouvelables, une alimentation saine, une eau propre, un accès à internet et un environnement naturel en bon état : tels sont les besoins réels qu'une civilisation digne de ce nom devrait satisfaire suffisamment pour tous les humains, indépendamment de leur couleur de peau, de leur sexe, de leur appartenance ethnique, de leurs convictions. Ceci est possible tout en diminuant de manière significative la pression globale sur notre environnement. Pourquoi ne l'avons-nous pas ? Parce que l'économie est réglée sur la consommation induite créée en tant que sous-produit industriel par les capitalistes. Ils consomment et investissent toujours plus pour le profit, s'approprient toutes les ressources et transforment tout en marchandises. Leur logique égoïste sème le malheur et la mort.
4.2.2. Un virage à 180° s'impose. Les ressources naturelles et les connaissances constituent un bien commun à gérer prudemment et collectivement. La satisfaction des besoins réels et la revitalisation des écosystèmes doivent être planifiées démocratiquement et soutenues par le secteur public, sous le contrôle actif des classes populaires, et en étendant le plus possible le libre accès. Ce projet collectif doit mettre l'expertise scientifique à son service. La première étape nécessaire est la lutte contre les inégalités et les oppressions. La justice sociale et le bien vivre pour tous sont des exigences écologiques !
4.3. Développer les biens communs et les services publics contre la privatisation et la marchandisation
4.3.1. C'est l'un des aspects clés d'une transition sociale et écologique, dans de nombreux domaines de la vie. Par exemple :
4.3.2. - L'eau : la privatisation, le gaspillage et la pollution actuelles de l'eau - rivières, lacs et nappes phréatiques - constituent un désastre social et écologique. La pénurie d'eau et les inondations dues au changement climatique sont des menaces majeures pour des milliards de personnes. L'eau est un bien commun et devrait être gérée et distribuée par des services publics, sous le contrôle des consommateurs. Les paysages et les villes devraient être désimperméabilisées, capables de stocker l'eau afin d'éviter les inondations massives.
4.3.3. - Le logement : Le droit fondamental de toutes les personnes à un logement décent, permanent et écologiquement durable ne peut être garanti sous le capitalisme. La loi du profit implique des expulsions, des démolitions et la criminalisation de celleux qui résistent. Elle implique également des factures d'énergie élevées pour les pauvres et des énergies renouvelables subventionnées pour les riches. Le contrôle public du marché immobilier, l'abaissement et le gel des intérêts et des profits des banques, l'augmentation radicale du nombre de logements sociaux et coopératifs, un processus public d'isolation climatique des habitations et un programme massif de construction de bâtiments énergétiquement autonomes sont les premières étapes d'une politique alternative.
4.3.4. - La santé : le bilan de la pandémie de COVID-19 est limpide : les privatisations et les coupes dans le secteur des soins fragilisent les classes populaires - en particulier les enfants, les femmes et les personnes âgées - et font peser de lourdes menaces sur la santé publique en général. Ce secteur doit être refinancé massivement et remis intégralement entre les mains de la collectivité. Les investissements doivent aller en priorité à la médecine de première ligne. L'industrie pharmaceutique doit être socialisée.
4.3.5. - Les transports : Le transport individuel dans le capitalisme privilégie les voitures individuelles, ce qui a des conséquences désastreuses sur la santé et l'écologie. L'alternative est un système large et efficace de transports publics gratuits, ainsi qu'une grande extension des zones piétonnes et cyclables. Les marchandises sont transportées sur de grandes distances par des camions ou des porte-conteneurs, avec d'énormes émissions de gaz ; la réduction du gaspillage, la relocalisation de la production et le transport des marchandises par le train sont des mesures immédiates et nécessaires. Le transport aérien devrait être réduit de manière significative et supprimé pour les distances qui peuvent être couvertes par le train.
4.4. Prendre l'argent là où il est : les capitalistes et les riches doivent payer
Une stratégie globale de transition digne de ce nom doit articuler le remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables, la protection contre les effets déjà perceptibles du changement climatique, la compensation des pertes et préjudices, l'aide à la reconversion (notamment la garantie de revenu des travailleur·ses concerné·es) et la réparation des écosystèmes. Les besoins financiers nécessaires d'ici 2050 s'élèvent à plusieurs milliers de milliards de dollars. Qui doit payer ? les responsables du désastre : les multinationales, les banques, les fonds de pension, les États impérialistes et les riches du Nord et du Sud. L'alternative écosocialiste passe par un vaste programme de réforme fiscale et de réduction radicale des inégalités pour aller chercher l'argent là où il se trouve : imposition progressive, levée du secret bancaire, cadastre des actifs, taxation du patrimoine, impôt unique exceptionnel à taux élevé sur le patrimoine foncier, élimination des paradis fiscaux, abolition des privilèges fiscaux des entreprises et des riches, ouverture des livres de comptes des entreprises, plafonnement des hauts revenus, abolition des dettes publiques reconnues comme "illégitimes" (sans compensation, sauf pour les petits investisseurs), compensation par les pays riches du coût de la renonciation à l'exploitation de leurs ressources fossiles par les pays dominés (projet de parc Yasuni).
4.5 Pas d'émancipation sans lutte antiraciste
L'oppression raciale est un élément structurel et structurant du mode de production capitaliste. Elle a garanti l'accumulation primitive du capital, rendue possible par la colonisation, la traite des Noirs et l'esclavage.
La construction d'un nouveau monde libéré de toute oppression et de toute exploitation exige que nous nous opposions frontalement au racisme, ce qui constitue une tâche centrale de la stratégie écosocialiste. Nous devons reconnaître que le racisme façonne les relations sociales, renforce et complexifie les mécanismes de l'exploitation bourgeoise et de l'accumulation des richesses. La diversité qui s'écarte des normes de la blancheur est transmutée en oppression.
Le déplacement forcé de millions d'Africains, leur commercialisation dans les Amériques et l'exploitation de leur travail ont assuré l'enrichissement des Européens et garantissent encore aujourd'hui leurs privilèges. Il faut rompre avec la logique génocidaire contre les groupes non blancs et renforcer la lutte anti-prison contre l'incarcération de masse, notamment à travers la tactique libérale de la prétendue guerre contre la drogue,
La lutte contre la militarisation de la police doit être au cœur de la lutte antiraciste, tout comme l'accès à des conditions de vie décentes en général.
Le racisme se manifeste de manière centrale comme un mécanisme d'oppression de secteurs de la classe ouvrière jusqu'à nos jours, configurant des positions spécifiques et des accès socialement déterminés pour les blancs, c'est-à-dire le sujet supposé universel, et pour les personnes perçues comme racisées.
Il est nécessaire de combattre toutes les politiques d'austérité, qui aggravent la précarité de la vie de la classe ouvrière dans son ensemble et touchent principalement et de plus en plus lourdement les personnes non blanches. Elles structurent le racisme environnemental qui, dans cette situation d'urgence climatique, répartit inégalement les conséquences mortelles de la production capitaliste.
4.6. Liberté de circulation et de séjour sur Terre ! Personne n'est illégal !
La catastrophe écologique est un facteur de migration de plus en plus important. Entre 2008 et 2016, une moyenne annuelle de 21,5 millions de personnes ont été déplacées de force en raison d'événements météorologiques. La plupart d'entre elles sont des personnes pauvres venant de pays pauvres. Les migrations climatiques devraient s'intensifier au cours des prochaines décennies : 1,2 milliard de personnes pourraient être déplacées dans le monde d'ici à 2050. Contrairement aux demandeur·ses d'asile, les "réfugié·es climatiques" n'ont même pas de statut. Ils ne portent aucune responsabilité dans la catastrophe écologique mais le vrai responsable, le système capitaliste, les condamne à venir grossir les rangs des 108,4 millions de personnes dans le monde qui ont été déplacées de force en 2020 en raison de persécutions, de conflits, de violences, de violations des droits de l'homme. Les droits fondamentaux de ces personnes sont constamment attaqués : le droit d'être protégé contre la violence, d'avoir suffisamment d'eau et de nourriture, de vivre dans un logement sûr, de garder sa famille unie, de trouver un emploi décent. Un nombre croissant d'entre elles (10 millions) sont même considérées comme apatrides par l'UNHDR. Tout cela est contraire à la justice la plus élémentaire. Il nourrit les fascistes qui font des migrant·es des boucs émissaires et les déshumanisent. C'est une menace énorme pour les droits démocratiques et sociaux de tou·tes. En tant qu'internationalistes, nous nous battons pour des politiques restrictives contre le capital, pas contre les migrant·es. Nous nous opposons à la construction de murs, à l'enfermement dans des centres, à la construction de camps, aux expulsions, aux déportations et à la rhétorique raciste. Personne n'est illégal sur Terre, tout le monde doit avoir le droit de se déplacer et de partir partout. Les frontières doivent être ouvertes à tou·tes celleux qui fuient leur pays, que ce soit pour des raisons sociales, politiques, économiques ou environnementales.
4.7. Éliminer les activités économiques inutiles ou nuisibles
L'arrêt de la catastrophe climatique et du déclin de la biodiversité passe impérativement par une réduction très rapide et significative de la consommation d'énergie finale au niveau mondial. Cette contrainte est incontournable. Les premières étapes consistent à réduire drastiquement le pouvoir d'achat des riches, à abandonner la fast fashion, la publicité et la production/consommation de luxe (croisières, yachts et jets ou hélicoptères privés, tourisme spatial, etc.), à réduire la production de masse de viande et de produits laitiers et à mettre fin à l'obsolescence accélérée des produits, en allongeant leur durée de vie et en facilitant leur réparation. Le transport aérien et maritime des marchandises devrait être réduit drastiquement par la relocalisation de la production, et remplacé par le transport ferroviaire chaque fois que cela est possible. Plus structurellement, la contrainte énergétique ne peut être respectée qu'en réduisant le plus rapidement possible les activités économiques inutiles ou nuisibles. Les principaux secteurs productifs à considérer sont : la production d'armes, l'énergie fossile et la pétrochimie, l'industrie extractive, la fabrication non durable, l'industrie du bois et de la pâte à papier, la construction de voitures personnelles, les avions et la construction navale.
4.8. Souveraineté alimentaire ! Sortir de l'agro-industrie, de la pêche industrielle et de l'industrie de la viande
Ces trois secteurs font peser de graves menaces sur le climat, la santé humaine et la biodiversité. Leur démantèlement nécessite des mesures au niveau de la production mais aussi des changements importants au niveau de la consommation (dans les pays développés et chez les riches de tous les pays) et de la relation avec le vivant. Des politiques volontaristes sont nécessaires pour stopper la déforestation et remplacer l'agro-industrie, les plantations industrielles et la pêche à grande échelle respectivement par l'agroécologie paysanne, l'écoforesterie et la pêche artisanale. Ces alternatives consomment moins d'énergie, emploient plus de main-d'œuvre et sont beaucoup plus respectueuses de la biodiversité. Les agriculteur·ices et les pêcheur·ses doivent être correctement indemnisé·es par la communauté, non seulement pour leur contribution à l'alimentation humaine, mais aussi pour leur contribution écologique. Les droits des peuples premiers sur la forêt et les autres écosystèmes doivent être protégés. La consommation mondiale de viande doit être réduite de manière drastique. L'industrie de la viande et des produits laitiers doit être démantelée et il faut promouvoir une alimentation basée principalement sur la production locale de légumes. Ce faisant, nous mettons fin au traitement abject des animaux dans l'industrie de la viande et la pêche industrielle. La souveraineté alimentaire, conformément aux propositions de la Via Campesina, est un objectif clé. Elle passe par une réforme agraire radicale : la terre à celleux qui la travaillent, en particulier les femmes. Expropriation des grands propriétaires terriens et de l'agro-industrie capitaliste qui produisent des biens pour le marché mondial. Distribution de la terre aux paysan·nes et aux paysan·nes sans terre (familles ou coopératives) pour la production agrobiologique. Abolition des anciennes et des nouvelles cultures OGM en plein champ et élimination des pesticides toxiques (à commencer par ceux dont les pays impérialistes interdisent l'usage mais dont ils autorisent l'exportation dans les pays dominés !)
4.9. Réforme urbaine populaire
Plus de la moitié de la population mondiale vit aujourd'hui dans des villes de plus en plus grandes. Dans le même temps, les régions rurales se dépeuplent, sont ruinées par l'agro-industrie et l'exploitation minière et sont de plus en plus privées de services essentiels. Les pays dominés possèdent certaines des plus grandes mégapoles de la planète (Jakarta, Manille, Mexico DF, New Delhi, Bombay, Sao Paulo, et d'autres), un nombre croissant de sans-abri et des bidonvilles où des millions d'êtres humains (autour de Karachi, Nairobi, Bagdad,...) survivent et travaillent de manière informelle dans des conditions indignes. C'est l'un
Le Journal des Alternatives à New York pour la conférence « No War, but Class War »

Plusieurs centaines de personnes défilent dans les rues de Québec à l’occasion de la journée internationale des travailleuses et des travailleurs.
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans les rues de Québec, ce 1er mai 2024, Journée internationale des travailleuses et travailleurs, sous le thème « Uni.e.s pour nos conditions de travail et de vie » pour dénoncer les impacts de l'explosion du coût de la vie, de la détérioration de leurs conditions de travail, de logements et des services publics.
Presse-toi à gauche ! publie ci-dessous les interventions de certain-e-s représentant-e-s de différentes organisations à l'ouverture et à la clôture de la manifestation.
7 mai 2024 | Photo : DDP
Les manifestant-e-s ont critiqué les politiques du gouvernement de la CAQ qui ne servent que les patrons et les grands propriétaires au détriment des travailleuses et des travailleurs.
Durant cette manifestation, les participant-e-s ont particulièrement dénoncé la privatisation du système de santé, les conditions de travail et de vie des femmes, la pauvreté, les permis de travail fermés imposés aux migrants temporaires, le niveau des prestations d'aide sociale, la faiblesse de l'augmentation du salaire minimum, le refus d'une salarisation équitable des stagiaires, le manque de logements et ont apporté leur appui aux luttes syndicales.
Le premier intervenant est François Proulx Dupéré, secrétaire général du Conseil central de Québec-Chaudières-Appalaches
Les organisations suivantes ont été à l'initiative de la manifestation : Action-Chômage de Québec, Association des étudiant.e.s en sciences sociales de l'Université Laval (AESS), Centre des travailleurs et travailleuses immigrantes (IWC-CTI), Conseil central de Québec et Chaudière-Appalaches (CSN), Regroupement d'éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et Chaudière-Appalaches (RÉPAC 03-12), Regroupement des groupes de femmes de la Capitale-Nationale (RGF-CN), Syndicat canadien de la fonction publique (FTQ), Syndicat de professionnelles en soins de la Capitale-Nationale (FIQ).
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À Gaza, des activistes dénoncent un crime d’écocide
Agriculture détruite en grande partie, pollution, déchets… À Gaza, des voix s'élèvent pour dénoncer un écocide et demander des poursuites pénales contre Israël.
Tiré de Reporterre.
Beyrouth (Liban), correspondance - Des champs retournés, des arbres déracinés, une terre contaminée au phosphore blanc : à Gaza, l'environnement est la victime silencieuse de la guerre. À la place des vergers, des plages de sable et des champs de fraise, qui faisaient la fierté des Gazaouis, se dresse un paysage dystopique fait de bases militaires, de cratères et de ruines. « Nous vivons actuellement une catastrophe environnementale qui engendrera d'autres catastrophes à l'avenir », dit Samar Abou Saffia, activiste écologiste gazaouie.
Ses notes vocales, envoyées par WhatsApp à Reporterre, brossent un portrait sombre de la situation sur place. « Plus de 80 000 tonnes de bombes israéliennes n'ont épargné ni les champs, ni les oliviers, ni les citronniers. Ces destructions environnementales accompagnent les massacres et le génocide, dit celle qui vit maintenant sous une tente à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Lorsque les chars d'assaut pénètrent sur nos terres, ils en détruisent également la fertilité. »
Après l'attaque du Hamas du 7 octobre dernier, l'offensive israélienne à Gaza entre dans son huitième mois, tuant plus de 34 000 Gazaouis et faisant 77 000 blessés. Alors que plus de la moitié de la population de Gaza est au bord de la famine, des voix s'élèvent pour critiquer la destruction de l'environnement et de la production alimentaire à Gaza.
Une guerre contre l'environnement
« L'environnement n'est pas juste un dommage collatéral, mais bien une cible de l'armée israélienne », affirme Lucia Rebolino, coautrice d'une étude de Forensic Architecture, un collectif qui travaille avec des données satellites en open source.
« Des bulldozers rasent des champs et vergers pour dégager une zone tampon de plus de 300 mètres de profondeur » le long de la frontière au nord entre Israël et la bande de Gaza, explique-t-elle à Reporterre. « L'armée y construit des digues, des monts en terre, afin de protéger ses tanks et de dégager la vue. »
Les chiffres de son étude parlent d'eux-mêmes : sur les 170 km2 de terres agricoles que comptait Gaza avant la guerre — soit la moitié du territoire —, 40 % auraient été détruites. 2 000 sites agricoles, dont des fermes et des serres, ont été bombardés. Le nord de Gaza étant le plus touché, avec 90 % de ses serres disparues.
Une étude conjointe menée par l'Organisation des Nations unies (ONU), la Banque mondiale et l'Union européenne estime à plus de 1,5 milliard de dollars (environ 1,4 milliard d'euros) les dommages causés à l'agriculture, aux aires naturelles et aux infrastructures de traitement des déchets — sans même compter la restauration et la reconstruction de l'environnement.
« Guerre herbicide »
Ces destructions sont partie intégrante d'une stratégie israélienne affirmée depuis une dizaine d'années, explique Lucia Rebolino. Lors des guerres de 2014 et 2021, Israël avait également pris des installations agricoles pour cibles, mais à moindre échelle.
« Nous avons régulièrement observé des avions israéliens larguer des herbicides sur des zones agricoles frontalières au début et à la fin des saisons de récolte de 2014 à 2019, profitant de vents favorables pour toucher le maximum de surface », témoigne-t-elle. Forensic Architecture a publié plusieurs rapports sur cette « guerre des herbicides », qui aurait ainsi détruit les moyens de subsistance de nombreux agriculteurs.
Un autre exemple frappant, plus au sud, est la réserve naturelle de Wadi Gaza, rivière dont les berges ont été nettoyées à grands frais par des ONG internationales quelques mois avant la guerre. « C'était redevenu une région pleine de vie et d'agriculture, dotée de bonnes infrastructures, dit Samar Abou Saffia dans une note vocale. Maintenant, tout est détruit et il est interdit aux Palestiniens d'y entrer, c'est très dangereux. » La zone est traversée par une route militaire qui sépare Gaza en deux, un no man's land de terre déblayé à coups de bulldozers et devenu un champ de bataille.
Pollution de l'eau, de l'air, des sols
Outre les objectifs militaires israéliens, la guerre génère une pollution importante. Les émissions de gaz à effet de serre générées au cours des deux premiers mois de la guerre à Gaza ont été plus importantes que l'empreinte carbone annuelle de plus de vingt des nations les plus vulnérables au climat dans le monde, selon une étude anglo-américaine. Elle équivaudrait ainsi à la combustion d'au moins 150 000 tonnes de charbon. De quoi enfoncer la région encore plus profondément dans la crise climatique.
L'ONU estime en outre que les bombardements ont créé 37 millions de tonnes de débris. « C'est plus que toute l'Ukraine en deux ans », souligne Wim Zwijnenburg, chercheur sur les effets des conflits sur l'environnement à PAX, une organisation néerlandaise. Or, les dangers sont multiples : contamination à l'amiante et aux métaux lourds, poussières et particules fines, déchets toxiques des hôpitaux et industries, les maladies propagées par les corps en décomposition… « Comment va-t-on disposer de tous ces débris, alors qu'il n'y a aucune infrastructure de tri des déchets encore debout ? »
Alors que la majeure partie des infrastructures publiques sont détruites, des décharges improvisées ont vu le jour un peu partout dans la bande de Gaza. « Grâce aux images satellites, on peut observer comment des milliers de polluants infiltrent les sols et les eaux souterraines, et même comment des fumées toxiques rendent l'air irrespirable », explique-t-il. En parallèle, plus de 130 000 m3 d'eaux usées seraient déversés chaque jour dans la mer Méditerranée, causant d'importants dégâts pour la faune et flore sous-marine, avertit l'ONU.
Accusations d'écocide
Des organisations accusent Israël de commettre un génocide doublé d'un écocide. « La destruction de la terre est une pratique génocidaire systématique au même titre que la destruction de la production alimentaire, des écoles, des hôpitaux », affirme ainsi Lucia Rebolino, de Forensic Architecture.
Pour Saeed Bagheri, conférencier en droit international humanitaire à l'université de Reading, en Angleterre, la réponse est moins tranchée. « Du point de vue juridique, l'écocide n'a pas de définition claire. La Convention de Genève et le Statut de Rome listent des crimes de guerre contre l'environnement et les civils, mais encore faut-il pouvoir remplir leurs critères », explique-t-il à Reporterre. La discussion entre juristes porte sur la notion de proportionnalité. « En vertu du droit international, même si l'on admet qu'Israël a le droit de se défendre en attaquant le Hamas, l'environnement naturel ne peut être pris pour cible, sauf nécessité militaire impérative ».
« Récupérer nos terres et rétablir nos sols, nos nappes phréatiques et notre mer »
C'est donc ainsi que l'armée israélienne tente de se justifier. « Le Hamas opère souvent à partir de vergers, de champs et de terres agricoles, explique ainsi un porte-parole, cité par le Guardian. L'armée ne porte pas intentionnellement atteinte aux terres agricoles et s'efforce d'éviter tout impact sur l'environnement en l'absence de nécessité opérationnelle. »
Mais, pour Saeed Bagheri, « le principe d'humanité prime sur tout le reste, c'est-à-dire l'obligation de ne pas causer de souffrances inhumaines et évitables » aux civils et à l'environnement. Et c'est là qu'Israël pourrait être poursuivi devant la Cour pénale internationale ou la Cour internationale de justice. « Dans tous les cas, il doit y avoir une enquête », affirme le juriste.
Signe de la gravité de la situation, l'ONU a ouvert une enquête sur la destruction de l'environnement. Ces démarches prendront du temps, et il faudra attendre la fin de la guerre pour en connaître les conclusions. C'est aussi ce qu'attendent les Gazaouis, piégés dans une dystopie sanglante. « Je souhaite seulement que la guerre prenne fin pour que nous puissions récupérer nos terres et rétablir nos sols, nos nappes phréatiques et notre mer, qui ont été détruits par les Israéliens », soupire Samar Abou Saffia.
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Anniversaire du Rana Plaza : les députés européens doivent soutenir la diligence raisonnable, aujourd’hui !
24 avril, 2024. Ce jour marque l'anniversaire de l'homicide industriel de 2013 qui a tué plus de 1 100 personnes et en a blessé des milliers d'autres, lorsque le Rana Plaza s'est effondré sur des ouvriers et ouvrières de la confection au Bangladesh, à Dacca. Cette année, cet anniversaire coïncide avec le vote final du Parlement européen sur la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité qui, si elle est adoptée, rendra obligatoire le respect des normes environnementales, des droits de l'homme et des droits des travailleurs tout au long des chaînes de valeur mondiales.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/02/anniversaire-du-rana-plaza-les-deputes-europeens-doivent-soutenir-la-diligence-raisonnable-aujourdhui/
Pour que cette diligence soit efficace, les accords contraignants suscitent un intérêt croissant, car il est de plus en plus admis que l'audit social volontaire est un mécanisme inefficace, tant en termes de protection des droits des travailleurs que de réduction des risques pour les acheteurs des marques multinationales et leurs investisseurs.
Judith Kirton-Darling, Secrétaire générale d'industriAll Europe, a déclaré :
« Aujourd'hui, les députés européens ont la possibilité d'apporter un réel changement positif dans la vie des travailleurs et travailleuses, y compris dans le secteur international du textile, qui reste malheureusement tristement célèbre pour ses violations des droits des travailleurs. Tous et toutes méritent de travailler dans des environnements sûrs et dans des conditions décentes et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter une autre catastrophe comme celle de Rana Plaza. Nous avons besoin de règles européennes strictes en matière de diligence raisonnable afin que les entreprises soient tenues responsables de leurs chaînes d'approvisionnement, où qu'elles se trouvent ».
La directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité imposera aux entreprises européennes et non européennes réalisant un chiffre d'affaires d'au moins 450 millions d'euros dans l'UE de faire preuve de diligence en matière de droits de l'homme et d'environnement dans l'ensemble de leur chaîne de valeur.
Oliver Roethig, Secrétaire régional d'UNI Europe, a déclaré :
« La directive sur le développement durable apportera des avancées essentielles en garantissant qu'une entreprise ne puisse plus décider unilatéralement de son approche de la diligence raisonnable en matière de droits de l'homme. Au contraire, il sera obligatoire d'impliquer les syndicats de manière significative dans le processus de diligence raisonnable. Lorsque la directive entrera en vigueur, ces dispositions garantiront que les nouvelles exigences constituent un progrès substantiel par rapport aux approches ratées de la responsabilité sociale des entreprises ».
Créé à la suite de l'effondrement de l'usine de confection du Rana Plaza par des fédérations syndicales internationales, l'Accord international, juridiquement contraignant, pour la santé et la sécurité dans l'industrie du textile et de la confection a été signé à ce jour par plus de 200 des plus grandes marques et détaillants de mode du monde. Il a donné lieu à plus de 56 000 inspections indépendantes dans les usines des fournisseurs, plus de 140 000 problèmes de sécurité ont été résolus et 2 millions de travailleurs et travailleuses ont reçu une formation en matière de santé et de sécurité. L'Accord contribue aujourd'hui à sauver des vies au Pakistan.
Le Secrétaire général d'IndustriALL, Atle Høie, a déclaré à ce sujet :
« Bien que nous soyons fiers du travail accompli dans le cadre de l'Accord, nous appelons à davantage d'actions au plan international pour que les marques de textile rendent des comptes. Si elle est adoptée, la directive européenne améliorera la vie de millions de travailleurs et travailleuses. L'ironie du fait que le vote final tombe le même jour que l'anniversaire du Rana Plaza n'est pas vaine et les travailleurs du textile au Bangladesh appellent aujourd'hui le Parlement européen à soutenir la directive et à faire en sorte que les marques internationales de textile rendent des comptes ».
Christy Hoffman, Secrétaire générale d'UNI Global Union, a déclaré :
« Tout comme UNI et IndustriALL sont entrés dans l'histoire lorsque nous avons négocié l'Accord il y a 11 ans, les députés européens qui votent aujourd'hui ont la possibilité de changer le paysage de la responsabilité de la chaîne d'approvisionnement dans le monde entier. L'Accord montre la différence que les syndicats et les entreprises peuvent faire lorsque nous élaborons des règles contraignantes ayant un impact sectoriel. La directive sur la responsabilité sociale des entreprises fait passer la responsabilité au sein des chaînes d'approvisionnement à un niveau supérieur et constitue un grand pas en avant pour faire en sorte que « Rana Plaza, plus jamais ça » devienne plus qu'un simple slogan ».
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Iran : Défendons une augmentation générale des salaires, et contrecarrons les attaques anti-ouvrières du régime islamique et des employeurs
L'augmentation des salaires est devenue une nécessité inévitable étant données les conditions déplorables actuelles.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/02/iran-defendons-une-augmentation-generale-des-salaires-et-contrecarrons-les-attaques-anti-ouvrieres-du-regime-islamique-et-des-employeurs/
Les salaires fixés par le régime islamique, via le ministère du travail et les soi-disant représentants des salarié.es nommés par le pouvoir au sein du conseil suprême du travail, ne permettent en aucun cas de couvrir les dépenses de subsistance de la classe ouvrière.
Depuis des années, les salarié.es se mobilisent contre cette paupérisation généralisée et le dénuement dans lequel ils/elles se trouvent. Dans les usines, les ateliers, les centres chargés de l'éducation et des soins de santé, ainsi que dans la rue, ils/elles expriment leurs revendications et leur volonté de faire valoir leurs droits
Les mobilisations hebdomadaires continuelles des retraité.es (qui forment une partie inséparable de la classe ouvrière), la grève de l'usine sidérurgique d'Isfahan, et celle de l'usine d'Ahwaz du groupe sidérurgique National Steel ces dernières semaines, sont des exemples de leurs mobilisations incessantes en faveur de leurs droits et le périmètre de leurs revendications.
Le principal objectif des travailleurs qui protestent est d'obtenir une augmentation des salaires et avantages liés à leur emploi.
Au cours de ses 45 ans de règne, le régime islamique a toujours défendu dans la lutte entre travailleurs/euses et patronat, les intérêts d'un capitalisme brutalement exploiteur.
La première raison en est que le régime islamique est lui-même le plus rapace des capitalistes.
La seconde est que son élite dirigeante dispose du monopole du pouvoir, de l'absence de mécanismes de contrôle, de l'absence d'audit, etc.
S'appuyant sur la corruption totale de ce régime réactionnaire, cette élite s'est emparée d'une grande partie des moyens de production, ainsi que des richesses du pays.
Toute personne réclamant des droits est combattue par la répression, l'emprisonnement et l'expulsion du lieu de travail.
Tant que la résistance et la lutte de la classe ouvrière à l'échelle nationale n'auront pas lieu, la condition des travailleurs/euses de notre société s'aggravera de jour en jour. Ceux qui sont à l'origine de l'extrême pauvreté et de l'impuissance de la majorité des 90% de la population de notre société ne veulent pas et ne peuvent pas prendre de mesures pour mettre fin aux souffrances des masses laborieuses. C'est pourquoi les travailleurs/euses eux/elles-mêmes doivent se préoccuper de leurs intérêts économiques, sociaux et culturels. D'autres forces n'ont pas la capacité de faire un tel effort ou ne le veulent pas, car leurs intérêts sont contraires à ceux de la classe ouvrière.
Les travailleurs/euses n'ont pas d'autre revenu que leur salaire, à condition bien sûr d'avoir un emploi. Mais leurs salaires ont toujours été quatre ou cinq fois inférieurs aux aux dépenses courantes d'une famille moyenne de salarié.e.
Par exemple, le dernier salaire minimum fixé par le régime islamique et le conseil suprême du travail pour l'année 2023 incluant l'ensemble des avantages liés à l'emploi – qui ne sont pas accordés à tous/toutes les salarié.es – était d'environ 135 euros par mois !
En 2023, ce montant couvrait à peine les dépenses hebdomadaires d'un ménage urbain moyen.
En effet, selon les statistiques officielles, les dépenses moyennes d'une famille de quatre personnes en 2023 étaient d'environ 562 euros par mois.
De même, sur la base des prévisions du taux d'inflation en 2024, le coût de la vie moyen d'un ménage urbain ne sera pas inférieur à environ 830 euros par mois.
Pour obtenir une augmentation des salaires, il n'y a pas d'autre moyen que de lutter sans relâche contre le régime islamique rapace, les employeurs réactionnaires et les capitalistes pilleurs.
Le régime islamique et les employeurs n'ont aucune intention d'augmenter les salaires. Avec tous les moyens légaux et illégaux dont ils disposent, ils essayent d'utiliser de fausses excuses pour empêcher les augmentations de salaires : lutter contre l'inflation, créer des emplois, favoriser la compétitivité, encourager des capitalistes à investir, ou ce mensonge flagrant selon lequel l'économie iranienne n'est pas capable de verser des salaires plus élevés que ceux actuellement perçus.
En contradiction avec la loi, le gouvernement soumet toute augmentation et tout versement de salaire à la définition préalable d'un « salaire conventionnel » réputé être basé sur un accord entre employeur et employé.
Les autorités veulent ainsi contourner la loi sur le salaire minimum, et ouvrir la voie à une exploitation accrue en retirant aux salarié.es des moyens pour résister en amendant le code du travail
* soit en y introduisant un alinéa
* soit en modifiant un alinéa
* soit en supprimant un alinéa
Les ouvrier.es et employé.es, ainsi que les membres de leur famille, représentent environ 60% de la population du pays. Plus de 80% de la production totale de la société est le fruit de leur travail.
Leurs salaires ne devraient pas être inférieurs au coût de la vie moyen d'un ménage urbain moyen.
Comme indiqué précédemment, le coût de la vie moyen d'un ménage urbain de quatre personnes devrait être en 2024 d'au moins 830 euros par mois.
Nous invitons donc tous les salarié.es de l'industrie, des services, de l'agriculture, de la construction, des mines, etc., dans les secteurs privé et public, à lutter sur leurs lieux de travail et de vie, pour un salaire minimum de 830 euros par mois.
Un autre point fondamental qu'il ne faudrait pas oublier est que dans la lutte pour l'augmentation des salaires, comme dans d'autres domaines de la lutte de classe, la solidarité et l'unité de la classe ouvrière sont indispensables. Pour cette raison, l'existence d'organisations durables (syndicats, associations professionnelles, ou organisations similaires) sont d'une importance capitale.
Simultanément, la lutte des travailleurs/euses dans les domaines économique et social ne peut à elle seule parvenir à atteindre les résultats souhaités. C'est pourquoi, parallèlement à la lutte pour les revendications économiques, la promotion, la formation et les activités pratiques pour la fondation de la lutte politique indépendante de la classe ouvrière et de ses organisations sont également nécessaires.
La lutte de classe des salarié.es n'est en effet possible que si elle est unie, organisée et basée sur des objectifs à long terme.
Pour cette raison, les objectifs immédiats de la classe ouvrière ne peuvent être atteints qu'avec la participation large et active des masses.
Syndicat du sucre de canne d'Haft Tappeh
Section des retraité.es du Comité de coordination d'aide à la construction d'organisations syndicales
Travailleurs/euses retraité.es du Khuzestan
Et aussi, sur le salaire minimum à 250 euros, l'expression du Syndicat des travailleurs/euses de la compagnie d'autobus de Téhéran et sa banlieue (Vahed)
Alternative workers news Iran
https://laboursolidarity.org/fr/n/3121/defendons-une-augmentation-generale-des-salaires-et-contrecarrons-les-attaques-anti-ouvrieres-du-regime-islamique-et-des-employeurs
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Témoignages de deux infirmières ukrainiennes au congrès de l’Union syndicale Solidaires
À l'occasion de son congrès national, qui se tenait du 22 au 25 avril 2024 à Labège (31), l'Union syndicale Solidaires a accueilli plusieurs délégations internationales. Dès l'ouverture du congrès, la parole a été donnée à deux d'entre elles : celle venue d'Ukraine et celle venue de Palestine.
D'Ukraine, étaient présentes Yulia Lipich Kochirka et Oksana Slobodyana, représentantes du Syndicat régional de Lviv du personnel médical et de Sois comme Nina. Elles ont pu s'adresser aux quelque 400 syndicalistes Solidaires présent∙es. Cette invitation faisait suite aux contacts entretenus depuis avril 2022, à travers les trois convois du Réseau syndical international de solidarité et de luttes, les échanges visio, les liens à travers le Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine, les collectes solidaires, l'envoi de matériel, la présence à la 5e rencontre du Réseau syndical international de solidarité et de luttes en septembre dernier à São Paulo, etc. Nous reprenons ici les informations délivrées par les deux militantes, qui se sont aussi s'entretenues de manière informelle avec les délégué∙es au congrès.
Christian Mahieux, avril 2024.
La guerre en Ukraine dure depuis plus de deux ans. Le personnel médical joue un rôle important, notamment en première ligne et dans les villes de la zone de front. De nombreux et nombreuses membres de Sois comme Nina se trouvent actuellement dans la zone de guerre. Au péril de leur vie, ils et elles sauvent celle des soldats et des civil∙es.
Nous avons édité un document sur activités qui est à votre disposition, mais aujourd'hui je vous parlerai brièvement de certains et certaines de nos collègues qui ont consciemment changé leur blouse blanche pour un uniforme militaire. Leur témoignage direct est important.
Olena Lyasheva, une militante de Sois comme Nina, n'a pas de diplôme de médecine, mais au terme d'une lutte épuisante et prolongée, elle a été obligée de devenir infirmière pendant la guerre. « La situation sur la ligne de front est telle qu'aucune main ne sera superflue. J'ai milité toute ma vie d'adulte et la décision de m'engager dans l'armée était la suite logique de mon parcours de militante. Si nous voulons vivre dans une société juste, nous devons maintenant la protéger des occupants. Mon choix de spécialité a été largement influencé par la communication avec Sois comme Nina. Ces femmes incroyables se battent pour les droits sociaux et les droits du travail à la maison et dans l'armée. Et ce n'est pas une coïncidence si ce sont les infirmières qui sont en difficulté en Ukraine. Parce que la lutte est une question de soins, de protection et d'assistance mutuelle. Je me suis toujours sentie solidaire d'elles, et maintenant je suis moi-même en train de devenir personnel médical, bien que, malheureusement, dans le cadre d'une procédure accélérée dans les conditions de la guerre », nous a écrit Olena.
Maria Koroleva n'a que 26 ans. Elle est également infirmière de combat au front. Alors qu'elle n'avait pas du tout envisagé de lier sa vie à la médecine, elle a changé d'avis à cause de la guerre. « Au front, on se rend compte qu'il faut vivre ici et maintenant, car tout peut changer radicalement en une seconde. Nous avons admis un jeune homme avec trois amputations, des brûlures au visage et aux deux yeux – zéro pour cent de chance de voir sa vue restaurée. Avant la guerre, il était un jeune homme prospère avec de bonnes perspectives. Dans ces moments-là, on commence à apprécier la vie, chaque minute. En première ligne, le personnel médical s'épuise rapidement, ils et elles ne supportent pas psychologiquement. Mais nous n'avons pas le droit de nous concentrer sur nos expériences personnelles, surtout en temps de guerre », nous a dit Maria. Oleh Horoshenko a failli mourir dans la zone de combat. « Quatre fois pendant la guerre, j'ai cru que j'allais mourir. Étonnamment, cela ne vous fait pas peur. Vous le ressentez calmement : les regrets, les projets, la vie, mais sans horreur. À Irpin, ils ont commencé à nous tirer dessus au phosphore. J'étais allongé et j'ai réalisé que nous tous – huit personnes – allions brûler vifs. C'était pénible. Mais le vent nous a sauvés parce qu'il a balayé les flammes. J'ai été blessé dans le secteur de Kharkiv. Nous avons été bombardés par l'artillerie. Des éclats d'obus ont touché mon bras. En sautant du camion, j'ai endommagé les ligaments de mon genou. Je n'ai pas remarqué ma blessure au début, j'ai couru pour sauver la vie de mes camarades. Nous avons eu quatre morts et douze blessés. Dans des conditions de combat, il est très difficile de trouver les blessés. Parmi les morts, j'ai vu un combattant vivant. Il avait reçu une balle dans la jambe. Ils lui ont posé un garrot et un bandage, l'ont mis dans un minibus et l'ont emmené à l'hôpital. Quelques heures plus tard, ma jambe blessée a gonflé et je ne pouvais plus marcher. J'avais moi-même besoin d'une aide médicale », se souvient Oleh.
Les personnes du secteur de la santé sont des gens héroïques. Malgré leurs bas salaires et leur lourde charge de travail, lorsque la guerre a commencé, ils et elles n'ont pas fui à l'étranger ou ne se sont pas caché·es, mais ont revêtu l'uniforme militaire. Des centaines d'entre eux et elles ont déjà été tuées sur le champ de bataille. Cela n'a pas empêché leurs collègues de continuer à sauver des vies.
Sois comme Nina est une organisation créée en 2019 par des travailleuses et travailleurs de la santé. Il n'existait pas d'équivalent en Ukraine jusqu'alors. Depuis, l'association protège les droits des travailleuses et travailleurs de la santé, en luttant pour des salaires décents et des conditions de travail correctes. Quand les problèmes ne peuvent pas être résolus paisiblement, nous organisons des manifestations (actuellement, sous la loi martiale, elles sont interdites). La tâche principale de notre organisation est d'améliorer les conditions de travail et la formation des travailleuses et travailleurs du secteur médical. À cette fin, nous utilisons toutes les méthodes, dans le respect de la loi.
Le nom « Mouvement médical Sois comme Nina » vient du nom de l'initiatrice de la première protestation des infirmières, Nina Bondar. Travaillant dans un hôpital de Kyiv, Nina a décidé, un soir, de décrire son mécontentement quant à ses conditions de travail, à son salaire et à l'attitude des patrons envers les infirmières. Elle a publié ce message – un cri du cœur – sur Facebook. Du jour au lendemain, il a bénéficié de plus de 20 000 vues. Depuis, les professionnel∙les de la santé s'unissent pour défendre ensemble leurs droits professionnels. Comme Nina, tous et toutes veulent cesser de passer sous silence toutes les violations auxquelles ils et elles sont confronté·es sur leur lieu de travail.
Depuis lors, nous sommes devenus une communauté (Facebook) de 85 000 personnes. Notre organisation a été créée sans aucun soutien étatique ou de parti politique. Nous promouvons la création de syndicats dans toute l'Ukraine. Nous avons organisé les premières manifestations dans plusieurs villes au cours de l'hiver 2019. Nous avons exigé des salaires plus élevés pour les travailleuses et travailleurs de la santé, une augmentation des dépenses de santé en général, et que nos voix, les voix des travailleuses et travailleurs de la santé, soient entendues dans toute réforme des soins de santé en Ukraine. Nous avons répété ces manifestations en 2020 et 2021 et avons progressé. Ainsi, nous avons réussi à réintégrer des infirmières licenciées illégalement et à faire payer des arriérés de salaires dans plusieurs établissements.
Avant la guerre, la contre-réforme des soins de santé a commencé en Ukraine. Depuis, beaucoup d'établissements médicaux ferment, les hôpitaux sont « optimisés » et fusionnés. Cela a un impact important sur les travailleuses et travailleurs de la santé, qui perdent leur emploi. Ce processus ne s'est pas arrêté pendant la guerre. Au contraire, la situation s'est considérablement aggravée : de nombreux établissements médicaux ont été fermés à la suite de bombardements et de tirs d'artillerie. La perte d'emplois, l'occupation du territoire par les troupes russes, la migration à grande échelle et les licenciements ne sont pas les seuls problèmes auxquels nous sommes confronté·es aujourd'hui. Les économies réalisées par les autorités locales sur le soutien financier pour le droit à la santé, sur les salaires des infirmières et autres personnels médicaux, conduisent à l'appauvrissement de la population dont nous protégeons les droits.
La guerre à grande échelle qui a commencé le 24 février 2022 a causé encore plus de problèmes, non seulement pour les travailleuses et travailleurs de la santé, mais pour tous et toutes les Ukrainien·nes en général. Des dizaines de milliers de personnes sont mortes. Des millions de personnes ont été contraintes de fuir vers les pays voisins et plus de 6 millions d'Ukrainien·nes ont été déplacé·es à l'intérieur du pays. Des villes et des villages ont été détruits. Nos hôpitaux et nos installations énergétiques ont été pris pour cible par l'ennemi.
Nous avons réalisé que nous ne pourrions pas faire face à cette situation sans l'aide de partenaires internationaux. C'est pourquoi nous avons convenu avec nos partenaires allemands de Medico International d'un projet commun pour aider les Ukrainien·nes touché·es par la guerre. Grâce à cette coopération, nous avons pu loger temporairement 45 familles avec de jeunes enfants et des parents retraités. 452 familles en situation très difficile ont reçu de la nourriture et des produits d'hygiène. Nous sommes également en mesure d'apporter un soutien psychologique et juridique. Il est également très important d'apporter une aide en matière de traitement médical. En effet, certaines personnes ont perdu tout espoir de guérison. Grâce à notre projet, elles ont amélioré leur état de santé et sont en mesure de travailler et de vivre à nouveau pleinement leur vie. Malheureusement, ce projet a pris fin le 31 décembre 2023. C'est pourquoi nous recherchons activement des organisations internationales avec lesquelles nous pourrions coopérer et continuer à aider les médecins, les infirmières, et les Ukrainien·nes en général.
Nous attendons la fin de la guerre et voulons nous rapprocher de la victoire par tous les moyens et toutes les méthodes. Nous sommes convaincu·es que nous parviendrons à reconstruire l'Ukraine, où les droits syndicaux seront respectés dans tous les secteurs et où les employé·es recevront des salaires décents et auront des conditions de travail satisfaisantes.
Ce ne sera pas facile. Mais vous avez vu notre force et notre engagement pendant la guerre.
Publié dans Les Cahiers de l'antidote : Soutien à l'Ukraine résistante (Volume 29)
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/28/lesprit-de-haymarket-square/
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Des violations des droits des enfants passées sous silence en raison de la crise de financement à l’ONU
Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a annulé la tenue d'une session prévue
Dans une décision sans précédent, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a annulé la tenue d'une série de réunions en raison d'un manque de fonds.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/28/des-violations-des-droits-des-enfants-passees-sous-silence-en-raison-de-la-crise-de-financement-a-lonu/
Ce déficit est dû au fait que certains États membres ne se sont pas encore acquittés de leurs cotisations.
Il s'agit du dernier exemple en date de la fragilisation du rôle de surveillance des droits humains de l'ONU en raison d'un manque de fonds budgétisés. Ceci fait suite au gel des recrutements au sein de l'organisation mondiale, et à une réduction forcée des enquêtes menées sur le terrain par ses experts en droits humains.
Lors de la session désormais annulée du Comité des droits de l'enfant, des experts devaient s'entretenir – dans un environnement sûr et confidentiel – avec des enfants, des organisations de la société civile et des agences des Nations Unies de la situation des droits de l'enfant dans huit pays.
Cette annulation se traduira par une surveillance diminuée de l'évolution de la situation en Équateur, où l'escalade de la violence et de la criminalité organisée a un impact désastreuxsur les droits des enfants, en particulier des filles dont le droit d'étudier en toute sécurité est menacé.
Cela signifie également que la situation en Éthiopie risque de passer encore plus inaperçue, même si des enfants y sont tués et blessés et font l'objet d'agressions sexuelles ; en outre, des écoles sontattaquées etutilisées par les forces militaires dans le cadre des conflits qui sévissent dans le nord du pays.
Les experts n'auront pas l'occasion d'en apprendre davantage sur certaines filles indonésiennes qui pourraient avoir été contraintes de quitter l'école sous une forte pression, en raison de leur décision de ne pas respecter laréglementation relative au port obligatoire du hijab.
Il sera désormais plus difficile pour le Comité d'en savoir plus sur les mauvais traitements infligés aux enfants dans les centres de détention gouvernementaux en Irak, ou sur la décision du gouvernement de ne pas interdire les châtiments corporelscontre les enfants.
- Et les voix des filles incapables d'exercer leur droit à l'éducationau Pakistan continueront d'être réduites au silence.
Si le Comité n'est pas en mesure de prendre connaissance de ces problèmes, il ne pourra pas non plus formuler de recommandations en faveur de changements.
Les gouvernements mauvais payeurs qui n'ont pas encore versé leurs contributions au budget ordinaire de l'ONU devraient s'acquitter de leur quote-part, sous peine d'aider les auteurs de violations des droits de l'enfant à se soustraire à leurs responsabilités.
Bede Sheppard
Directeur adjoint, division Droits des enfants
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La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ne comprend pas les réalités du système prostitutionnel
Lettre collective Lettre ouverte de 14 organisations représentant plus de 2000 organisations de terrain, féministes et de survivantes en réponse au commentaire de la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe sur la prostitution.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/30/la-commissaire-aux-droits-de-lhomme-du-conseil-de-leurope-ne-comprend-pas-les-realites-du-systeme-prostitutionnel/
Nous, organisations féministes, de terrain et de survivantes, sommes consternées par le commentaire de la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe sur la « protection des droits humains des travailleurs du sexe », tant du point de vue de la méthodologie utilisée que du contenu développé. Les femmes et les filles en situation de prostitution méritent mieux que ce qui ne peut être considéré autre qu'un tract de propagande déconnecté.
Une consultation opaque exclusivement ouverte aux organisations défendant le « travail du sexe » ? Nos 14 organisations, représentant plus de 2 000 associations féministes de terrain et de survivantes, ont soutenu l'année dernière plus de 18 000 personnes prostituées dans le monde entier, presque exclusivement des femmes et des filles issues des communautés les plus marginalisées. Etonnamment, aucune de nos organisations n'a été incluse dans les consultations ayant mené à cette déclaration, la Commissaire ayant priorisé l'accès aux organisations n'ayant aucune expérience sérieuse en matière de soutien de terrain sur le long terme aux personnes prostituées.
Le commentaire exclut donc les perspectives et expériences des personnes prostituées soutenues par nos organisations. La Commissaire promeut ainsi la Belgique comme modèle de référence alors que ce pays est une plaque tournante de la prostitution et de la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle en Europe, et que des organisations locales ont alerté à plusieurs reprises sur l'impact désastreux de la législation belge sur les personnes prostituées.
Etant donné l'apparente incapacité de la Commissaire à contacter les associations de terrain et de survivantes, nous aimerions lui offrir notre aide sous la forme d'une proposition concrète : Madame la Commissaire, nous vous invitons à venir voir par vous-même les réalités de la prostitution, en Belgique ou ailleurs, en rencontrant une ou plusieurs de nos organisations de terrain et de survivantes. Les réalités que vous y découvrirez seront probablement très différentes du récit développé dans votre commentaire. Une explosion de violence et d'exploitation là où les recommandations de la Commissaire aux droits de l'homme ont été mises en œuvre.
Nos organisations observent au niveau local, l'impact désastreux des politiques décriminalisant les proxénètes et les acheteurs de sexe recommandées par la Commissaire aux droits de l'homme. En Allemagne, pays qui a légalisé la prostitution en 2002, les résultats sont sans équivoque :
Les plus hautes estimations évaluent à 400 000 le nombre de personnes en situation de prostitution dans le pays, seules 23 000 faisaient la demande pour le statut officiel de « travailleuses du sexe » en 2021 ;
81% des femmes officiellement enregistrées étaient étrangères en 2021 :
Les bordels tirent profit de l'exploitation des plus vulnérables : depuis la guerre en Ukraine, le nombre de femmes réfugiées ukrainiennes enregistrées dans le quartier rouge de Berlin a été multiplié par 5 ;
La décriminalisation de l'achat d'actes sexuels entraîne une explosion de la demande : en Allemagne 26% des hommes déclarent avoir acheté des actes sexuels au moins une fois dans leur vie, contre 7% en Suède ;
Pour s'adapter à cette demande, les bordels vendent des femmes à une échelle industrielle dans des « mégabordels » offrant des forfaits à 70€ comprenant une femme, une bière et un une saucisse ou des formules « à volonté ».
Les résultats néfastes de l'approche allemande conduisent à une prise de conscience collective et à un changement de paradigme dans le pays : le groupe parlementaire CDU/CSU et le chancelier (SPD) ont récemment pris position pour mettre fin à l'approche du « travail du sexe ».
Cette explosion et cette normalisation de l'achat d'actes sexuels ont un impact sur toutes les femmes et les filles et fait pression sur les plus marginalisées d'entre elles. Aux Pays-Bas, pays qui a légalisé la prostitution en 2000, il est désormais légal pour les moniteurs d'auto- école de proposer des actes sexuels à leurs élèves comme mode de paiement. Cette pratique est communément appelée « a ride for a ride ».
En Belgique, dans la rue d'Aerschot à Bruxelles, connue pour sa prostitution de rue, « chaque personne prostituée paie en moyenne 250€/jour aux gérants de bordels afin de louer une vitrine. Ce loyer est équivalent à 7500€/mois pour une personne payant chaque jour ces frais. Cela signifie que la personne prostituée doit endurer 150 actes sexuels « gratuits » avant de toucher 1 seul euro pour elle », selon l'ONg de terrain Isala.
Ainsi, au prétexte d'améliorer les conditions de vie des personnes prostituées, le modèle réglementariste de la prostitution renforce la mainmise des proxénètes – poliment rebaptisés « tiers » – par la Commissaire. Ils bénéficient de différents statuts juridiques, tels que « propriétaires de maisons closes » ou « entrepreneurs », et perpétuent l'exploitation sexuelle et économique des plus vulnérables en toute impunité.
Nous partageons le constat que la prostitution se situe à l'intersection de multiples discriminations et que les femmes et les filles les plus marginalisées sont surreprésentées dans ce système (70% des personnes prostituées en Europe sont des femmes migrantes).Cependant, contrairement à la Commissaire, nous ne mettons pas les victimes et les exploiteurs sur le même plan, les derniers exploitant les vulnérabilités des premières.
« Nous n'avons pas besoin de syndicats, d'assurance maladie ou d'un salaire minimum. Nous avons besoin de psychothérapie, de programmes de sortie, de protection et d'une aide financière. Nous n'avons pas besoin de droits du travail, mais nous avons besoin des droits qui découlent de notre reconnaissance en tant que victimes de violence ». Collectif de survivantes #Intedinhora (« #Pastapute »), Suède.
La prostitution dans le droit international des droits humains : ni un travail, ni du sexe, mais une violation de la dignité humaine ! Il est particulièrement troublant de constater que la Commissaire se réfère à une « approche fondée sur les droits humains » en ce qui concerne le « travail du sexe », sans citer un seul traité international de droits humains qui soutienne concrètement cette approche. Et pour cause, les traités universels des droits humains contraignants sont sans équivoque sur l'obligation faite aux États de criminaliser le proxénétisme et de décourager la demande qui favorise la traite à des fins d'exploitation sexuelle :
La Convention onusienne de 1949 reconnaît spécifiquement la prostitution comme « incompatible avec la dignité de la personne humaine ». Il est donc inconcevable qu'une activité violant la dignité humaine puisse être soudainement reconnue comme un travail par le Conseil de l'Europe, particulièrement quand celui-ci promeut et défend l'accès à un « travail décent » ;
Cette même convention oblige les États membres à ériger en infraction pénale toute personne qui « exploite la prostitution d'une autre personne même consentante et qui « tient, dirige ou, sciemment, finance ou contribue à financer une maison de prostitution » ou encore « donne ou prend sciemment en location, en tout ou en partie, un immeuble ou un autre lieu aux fins de la prostitution » ;
En outre, l'article 6 de la convention CEDEF impose aux États membres de réprimer l'exploitation de la prostitution des femmes et des filles, c'est-à-dire le proxénétisme.
L'article 9, paragraphe 5, du protocole de Palerm impose aux États membres de « décourager la demande qui engendre la traite à des fins d'exploitation sexuelle ».
La pénalisation du proxénétisme et de l'achat d'actes sexuels sont par ailleurs des mesures qui font l'objet d'un consensus quant à leur efficacité dans la lutte contre la traite à des fins d'exploitation sexuelle,recommandées par l'OSCE, le Parlement Européen, l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe, et la Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur la violence à l'égard des femmes.
« L'argument selon lequel la dépénalisation de la demande d'achat d'actes sexuels améliore la sécurité, la dignité et les conditions de vie des femmes prostituées ne semble pas être étayé factuellement. La prostitution entraîne de graves violations des droits humains pour les femmes et les filles concernées ». Rapporteure Spéciale des Nations unies sur la violence à l'égard des femmes, Reem Alsalem (2023)
Le langage agrée des Nations Unies et de l'Union européenne est et demeure « prostitution » et « personne en situation de prostitution ». Nous déplorons l'utilisation répétée du terme « travail du sexe » dans le commentaire, qui est un terme de propagande destiné à dissimuler la violence inhérente au système prostitutionnel et les schémas d'oppression sexiste, raciste et de classe qui l'alimentent ainsi qu'à promouvoir la légalisation de la prostitution.
« Notre conviction profonde, en tant qu'ONU Femmes, est que toutes les femmes impliquées dans cette industrie sont des victimes, peu importe si elles se revendiquent travailleuses du sexe, ou qu'elles considèrent cela comme un travail, nous les considérons comme des victimes et ceux qui achètent ce service comme des auteurs de violence à l'égard des femmes » Phumzile Mlambo-Ngcuka, ancienne directrice exécutive d'ONU Femmes (2020).
Il existe une (véritable) approche de la prostitution fondée sur les droits humains : elle protège les victimes et lutte contre l'impunité des auteurs. La Suède, la Norvège, l'Islande, l'Irlande, l'Irlande du Nord, le Canada et la France, ainsi que le Parlement européen, ont adopté une approche féministe et fondée sur les droits humains sur la prostitution. Ces pays reconnaissent la prostitution comme un système de violence et d'exploitation. Ce « modèle abolitionniste » différencie les victimes des exploiteurs : il décriminalise les personnes prostituées, leur donne accès à des programmes de sortie et pénalise l'achat d'actes sexuels – à la racine du système prostitutionnel – tout comme le proxénétisme.
En Suède, pays ayant adopté un modèle abolitionniste en 1999 :
La demande a réduit de moitié du fait de la pénalisation de l'achat d'actes sexuels. 13,6% des hommes en Suède déclaraient avoir acheté un acte sexuel une fois dans leur vie en 1996, contre 7% en 2023 ;
La baisse de la demande a fait de la Suède un territoire peu attractif pour les réseaux de traite qui s'en sont détournés ;
La loi a eu un effet normatif sur les mentalités : alors que 3⁄4 des suédois.e.s étaient contre la pénalisation des clients en 1996, moins de 10 ans après, en 2008, cette mesure est largement soutenue par 70% de la population ;
Depuis l'adoption de la loi, aucune personne prostituée n'a été tuée en Suède, contre au moins 84 en Allemagne. En France, pays ayant adopté le modèle abolitionniste en 2016 :
0 personne en situation de prostitution n'a été pénalisée depuis la loi ;
1 247 personnes ont bénéficié d'un parcours de sortie de la prostitution en mars 2023 donnant droit à un permis de séjour pour les victimes étrangères, un logement, une aide financière mensuelle, du soutien à la réinsertion professionnelle, un soutien psychothérapeutique avec un taux de réussite de 95% ;
de 8 000 clients ont été pénalisés d'une amende ou ont dû suivre un stage de sensibilisation aux réalités de la prostitution ;
+54% de hausse de procédures contre les proxénètes sont constatées entre 2016 et 2019 ainsi que 7 fois plus de compensation pour les victimes.
La constitutionnalité de la loi française a été entérinée par le Conseil Constitutionnel dans des termes forts. Le Haut Conseil à l'égalité en France a reconnu que cette approche « contribue à construire une société d'égalité formelle et réelle entre les hommes et les femmes » et des survivantes de plusieurs pays ont récemment exprimé leur soutien collectif à la législation. La Commissaire ne semble pas consciente de ces éléments et ne se réfère au droit français que dans le contexte d'une décision de recevabilité sur une procédure en cours, ce qui ne préjuge en rien de la décision de la Cour. Cette procédure est par ailleurs soutenue par les mêmes organisations auxquelles la Commissaire a réservé les consultations pour son commentaire. Nous convenons de la nécessité pour les États membres de veiller à ce que leurs lois soient conformes à la Convention européenne des droits de l'homme. Cependant, pour ce faire, ils doivent mettre en œuvre une approche aux antipodes de celle recommandée par la Commissaire. Alors que l'Europe connaît un changement de paradigme en faveur du modèle abolitionniste, le commentaire de la Commissaire appelant à la décriminalisation des auteurs de violence constitue un recul historique sur les droits des femmes. La voie à suivre ne peut être que l'abolition du système sexiste, raciste et de classe de la prostitution, et non sa « décriminalisation totale ».
Nous demandons donc à la Commissaire de réviser et d'amender son commentaire sur la base d'un processus de consultation éthique, objectif et inclusif.
Signataires : La Coalition pour l'abolition de la prostitution, Le lobby européen des femmes, le Réseau européen des Femmes migrantes, SPACE International, la Coalition Against Trafficking in Women, l'Initiative Féministe EuroMed, le Bruxxels Call, le Swedish Womens's lobby, la Coordination européenne du Lobby européen des femmes, Osez le féminisme !, Rights4Girls, le Bündnis Nordisches Modell, la Fédération Nationale Espagnole des Femmes Abolitionistes.
Courrier N°430 de la Marche Mondiale des Femmes
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Des réparations vont être versées aux survivantes de violences sexuelles commises pendant la guerre en Ukraine
Les premiers paiements effectués dans le cadre d'un conflit en cours constituent « un pas important vers le rétablissement de la justice », a déclaré la première dame, Olena Zelenska.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/01/des-reparations-vont-etre-versees-aux-survivantes-de-violences-sexuelles-commises-pendant-la-guerre-en-ukraine/
Les premières réparations seront versées dans les prochaines semaines aux survivantes de viols commis par des soldats russes pendant l'invasion de l'Ukraine, une initiative que la première dame d'Ukraine, Olena Zelenska, a qualifiée d'« étape importante vers le rétablissement de la justice ».
Jusqu'à 500 Ukrainiennes ayant survécu à des violences sexuelles liées au conflit ont été identifiées et ont reçu des réparations provisoires cette année, notamment un soutien financier, médical et psychologique.
Mme Zelenska a déclaré : « Les réparations accordées aux victimes de violations flagrantes des droits des êtres humains, notamment aux victimes de violences sexuelles liées au conflit, ne se limitent pas à un soutien économique. Il s'agit d'une étape importante vers le rétablissement de la justice.
« Et cette justice n'est pas seulement nécessaire en Ukraine », a-t-elle ajouté. « La justice pour les victimes ukrainiennes de la violence est désormais un miroir pour le monde entier ».
Selon le Fonds mondial pour les survivant·es, qui gère le projet avec l'Ukraine grâce à des fonds provenant de gouvernements donateurs, ce sera la première fois que des survivant·es se verront accorder des réparations au cours d'un conflit actif.
« La réhabilitation et l'indemnisation sont un élément des réparations, mais ce que les survivantes trouvent très important, c'est la reconnaissance », a déclaré Esther Dingemans, directrice du fonds, qui a été lancé en 2019 par les lauréats du prix Nobel de la paix, le Dr Denis Mukwege et Nadia Murad, pour aider les survivantes de violences sexuelles liées à un conflit à accéder à des réparations.
« Le système de réparation offre une confirmation que ce qui leur est arrivé est officiellement reconnu. Cela envoie également un message à l'ensemble de la communauté », a ajouté Mme Dingemans.
Le nombre total d'Ukrainiennes ayant subi des violences sexuelles infligées par les forces russes est inconnu, car la plupart des survivantes ne signalent pas ces crimes. Le Global Survivors Fund l'estime à plusieurs milliers.
Pramila Patten, représentante spéciale des Nations unies pour les violences sexuelles dans les conflits, a accusé la Russie d'utiliser le viol comme « stratégie militaire », citant des cas de soldats « équipés de Viagra ».
Lyudmila Huseynova était l'une des huit civiles ukrainiennes libérées dans le cadre du premier échange de prisonnières exclusivement féminin avec la Russie, aux côtés de 100 soldats ukrainiens, en octobre 2022. Elle a été emprisonnée pendant trois ans par les forces séparatistes dans la province orientale de Donetsk.
« Je suis libre depuis plus d'un an et je n'arrive toujours pas à dormir la nuit », a-t-elle déclaré. « Je me réveille en ressentant la façon dégoûtante dont ils m'ont touchée ».
« Malheureusement, il y a encore beaucoup d'accusations portées à l'encontre des victimes, surtout dans les petites communautés rurales. Lorsque j'ai été libérée, nous ne savions même pas ce qu'était la violence sexuelle liée au conflit. »
Lorsque les forces séparatistes ont occupé sa ville natale de Novoazovsk, dans la province de Donetsk, en 2014, Huseynova s'est impliquée dans l'aide aux enfants orphelins sur la ligne de front en collectant des dons dans toute l'Ukraine. Mais les livres en ukrainien qu'elle fournissait aux enfants l'ont conduite en détention.
« Pendant trois ans et treize jours, j'ai été enfermée dans une prison surpeuplée », a-t-elle déclaré. « Je ne voyais pas le ciel et l'air était chargé de fumée de cigarette ».
« Lorsque j'ai été libérée, j'ai dû réapprendre à utiliser mes jambes et à respirer avec toute ma poitrine ».
Après sa libération, elle a été emmenée dans un hôpital militaire de Dnipro, mais le personnel n'était pas en mesure de s'occuper correctement d'une survivante de la torture sexuelle.
« L'hôpital était surpeuplé et manquait de personnel », a déclaré Huseynova. « Je ne blâme pas du tout les médecin·es, mais elles et ils n'étaient pas préparé·es à s'occuper d'une personne comme moi ».
« Elles et ils ne savaient pas comment m'approcher ou me parler, ce qui a causé plus de dommages psychologiques à long terme ».
C'est son expérience qui a poussé Huseynova à travailler avec le Fonds mondial pour les survivant·es et à défendre les survivant·es et les autres femmes encore emprisonnées. Elle espère que les victimes de violences sexuelles seront désormais entourées du soutien et de la compréhension dont elle n'a pas pu bénéficier.
« Les survivant·es quittent la détention sans rien », a-t-elle déclaré. « Elles n'ont pas de vêtements, pas de maison, pas de communauté. Souvent, tous leurs biens sont restés dans les territoires occupés et elles ne peuvent pas trouver de travail car tous leurs documents sont restés dans leur pays d'origine ».
« Les réparations peuvent aider, mais elles doivent inclure un soutien holistique en matière de santé physique et mentale. Les femmes doivent avoir accès à un psychologue – pas seulement pour quelques séances, mais aussi longtemps qu'elles en ont besoin. Le traumatisme de la violence sexuelle ne disparaît pas ».
Mme Huseynova a déclaré qu'elle restait en contact avec d'autres femmes de Donetsk qui avaient été détenues pendant des années. « Je fais de mon mieux pour leur envoyer des colis. Aucune mission humanitaire ne travaille là-bas. Aucune aide humanitaire n'y est envoyée. Lorsqu'elles ont leurs règles, ces femmes utilisent le rembourrage d'un vieux matelas ».
Dingemans a déclaré que la société civile ukrainienne et le gouvernement avaient réussi à lutter contre la stigmatisation des survivantes, soulignant le plaidoyer vocal de Mme Zelenska sur la question ainsi que les nouvelles lois en cours d'adoption par le parlement. Si elles sont adoptées, ces lois définiront les violences sexuelles liées aux conflits comme un crime distinct et mettront en place un registre national pour enregistrer les cas.
Des hommes et des garçons figurent également parmi les victimes présumées de viols commis par des soldats russes en Ukraine, des dizaines de cas de violence sexuelle ayant fait l'objet d'une enquête dans les mois qui ont suivi l'invasion.
Fedir Dunebabin, représentant du Fonds mondial pour les survivant·es en Ukraine, a déclaré : « Nous savons, grâce à d'autres contextes, que les hommes ayant survécu à des violences sexuelles liées à un conflit cherchent rarement de l'aide, mais il est surprenant de constater que ce n'est pas le cas en Ukraine. De nombreux survivants masculins se battent pour leurs droits et la justice ».
Mme Dingemans a déclaré qu'elle espérait que d'autres pays examineraient ce que faisait le gouvernement ukrainien et que la communauté internationale « pourrait soutenir les survivant·es d'autres conflits de la même manière qu'elle soutient les survivant·es en Ukraine, ce qui n'est pas le cas pour l'instant ».
Les organisations suivantes peuvent fournir des informations et un soutien à toute personne touchée par des problèmes de viol ou d'abus sexuels.
Au Royaume-Uni, Rape Crisis offre un soutien au 0808 500 2222 en Angleterre et au Pays de Galles, au 0808 801 0302 en Écosse ou au 0800 0246 991 en Irlande du Nord.
Aux États-Unis, Rainn offre une assistance au 800-656-4673.
En Australie, l'assistance est disponible au 1800Respect (1800 737 732). D'autres lignes d'assistance internationales sont disponibles sur https://ibiblio.org/rcip/internl.html
Weronika Strzyżyńska
https://www.theguardian.com/global-development/2024/apr/26/reparations-survivors-wartime-sexual-violence-by-russian-soldiers-ukraine-war-olena-zelenska
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
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Pour une loi générale sur les violences sexuelles
La victime de viol attend-elle de la justice une reconnaissance de son traumatisme ou que la justice lui fasse revivre et amplifie ce traumatisme ? La réponse à cette question est évidente et, pourtant, la pratique judiciaire va à l'encontre de l'évidence. Il est temps d'améliorer le traitement judiciaire de ce crime trop ordinaire dans une loi générale sur les violences sexuelles.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/02/pour-une-loi-generale-sur-les-violences-sexuelles/
C'est le mythe de Sisyphe : les victimes de viol engagent des démarches dans l'espoir d'une reconnaissance des faits et de leurs souffrances mais la justice les ramène sans arrêt à leur traumatisme en le faisant revivre à travers la répétition du récit des faits, les confrontations, les expertises, les questions intrusives et suspicieuses…
Il est temps d'améliorer le traitement judiciaire de ce crime dans une loi générale sur les violences sexuelles, comprenant, d'une part, la redéfinition du viol et de l'agression sexuelle, et, d'autre part, l'effectivité de la procédure en prenant en compte le traumatisme des victimes.
Aujourd'hui, la loi ne prévoit pas que le viol ou l'agression sexuelle soit un acte « non consenti ». La loi laisse entendre : « dans le doute, si elle ne bouge pas, si elle ne dit pas non, je peux y aller ».
Pourtant, dans notre société le « non » ne peut pas toujours être librement exprimé : on peut être dominé économiquement, subir un contexte conjugal avec prégnance d'identités et/ou de comportements de genre, ainsi que d'autres types d'emprise. Quant à l'état de sidération, il caractérise l'incapacité à réagir de la victime ; on le retrouve dans 70% des cas, selon une étude suédoise.
Dès lors, exiger de « passer outre un refus » est inadapté pour caractériser un viol. Prouver la « violence, contrainte, menace ou surprise » exigée par le Code pénal est impossible dans certaines situations, notamment quand l'agresseur n'a pas eu besoin d'exercer une coercition active.
Le droit canadien, qui a introduit la notion de consentement dans sa définition du viol depuis plus de trente ans, nous ouvre la voie.
Concrètement, il ne s'agit pas de passer un contrat ; le consentement peut s'exprimer de multiples manières, y compris tacite. Mais dans la procédure canadienne, la personne mise en cause est questionnée sur les mesures raisonnables qu'elle a prises pour s'assurer du consentement de son partenaire. Si le mis en cause se contente de répondre qu'il l'a lu dans son regard par exemple, on peut en déduire qu'il ne s'est pas suffisamment assuré que la victime était consentante.
Cette interrogation supplémentaire sur le consentement laisse les magistrats se focaliser plus précisément sur la stratégie et le passage à l'acte de l'agresseur, sans pour autant écarter l'examen des circonstances entourant l'acte sexuel à savoir « violence, contrainte, menace ou surprise ».
Précisons que la France est signataire de la Convention d'Istanbul du 11 avril 2011 [11], de portée obligatoire, qui prévoit que : « Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes. » mais n'a pas pour autant adapté son droit interne.
C'est pourquoi une redéfinition du viol et de l'agression sexuelle, ajoutant la notion de consentement ou d'accord volontaire, est nécessaire.
Mais cette redéfinition, bien que nécessaire, ne suffit pas ; elle doit s'intégrer dans une loi générale sur le traitement des violences sexuelles. Evidemment, les moyens mis en œuvre dans les enquêtes préliminaires pour les violences sexuelles devraient être augmentés. Actuellement certaines procédures peuvent durer 7 à 8 ans jusqu'à la mise en accusation, ce qui affaiblit le poids des preuves et des témoignages qui deviennent fragiles avec le temps. La recherche des éléments probants est aussi, souvent insuffisante.
Il ne s'agit bien évidemment pas de mettre à mal la présomption d'innocence ni les droits de la défense, mais d'interroger l'équilibre de notre procédure pénale au regard de l'obligation de mener une enquête effective (telle que rappelée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme – arrêt CEDH De Giorgi c. Italie, 16 juin 2022) avec un autre principe : la protection des victimes, souvent malmenées par la procédure (arrêt CEDH c Russie 7 févr. 2023).
Une loi générale sur les violences sexuelles s'impose pour une véritable amélioration du traitement judiciaire dans le respect de la personne victime fragilisée par les violences subies, avec pour objet avec pour objectif :
* une redéfinition des viols et agressions sexuelles prenant en compte le consentement,
* des moyens d'enquête renforcés,
* la création de centres d'accueil d'urgence pluridisciplinaires,
* la réduction de la répétition du récit, et les confrontations,
* l'audition de la victime à l'audience hors la présence du mis en cause si besoin,
* les expertises par des victimologues pour renforcer la parole de la victime,
* la prescription glissante pour les majeurs et l'imprescriptibilité pour les mineurs,
* l'interdiction de poser des questions et d'émettre des propos reprenant des stéréotypes de genre (vie intime ou mauvaise réputation de la victime),
* des formations sur les stéréotypes de genre pour compléter la formation des professionnels.
Notre pratique judiciaire peut et doit être améliorée. Encore faut-il qu'avocats, magistrats, politiques en prennent l'initiative, en ressentent l'impérieuse nécessité ou éprouvent « l'espoir d'un monde différent et qui pourrait être meilleur » (Benoîte GROULT).
[1] Entrée en vigueur en France le 1er novembre 2014
Carine Diebolt, avocate de victimes de violences sexuelles
https://blogs.mediapart.fr/sur-les-violences-sexuelles-par-carine-diebolt-avocate/blog/270424/pour-une-loi-generale-sur-les-violences-sexuelles
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Tunisie : Million de Femmes Rurales soutient les luttes pour la terre à Siliana
Le mouvement d'occupation des terres domaniales a débuté à Chouaïgui et Dakhla, dans le gouvernorat de Manouba. C'est là que l'Association Million de Femmes Rurales et les Sans-Terre a vu le jour, en dirigeant les mouvements et les protestations des paysan·nes sans terre pour récupérer les terres de leurs ancêtres et les soustraire aux mains des investisseurs capitalistes qui exploitent illégalement des centaines de milliers d'hectares.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/05/tunisie-million-de-femmes-rurales-soutient-les-luttes-pour-la-terre-a-siliana/
Cette mobilisation a entraîné une campagne de répression et d'emprisonnement, par crainte du pouvoir de voir se reproduire l'expérience réussie de Jemna, où les paysan·nes ont revendiqué et transformé ces terres en un paradis au service de la communauté.
L'expérience de Dakhla-Chouaïgui a suscité le soutien et l'engagement des avocats et des militant·es, avec à leur tête le martyr Chokri Belaïd.
En 2021, un groupe de femmes et d'hommes paysan·nes a lancé un mouvement pour récupérer des terres des investisseurs spéculateurs à Siliana, notamment à Henshir Laqasba. Des dizaines de travailleur·euses et agriculteur·rices y ont organisé un sit-in qui a duré des mois, entraînant une série d'arrestations et de procès impliquant neuf paysan·nes, dont leur camarade Turkia Chaibi, présidente de l'Association Million de Femmes Rurales et les Sans-Terre, qui les a soutenus et encadrés. Ce procès se poursuit depuis 2021.
La réponse a été l'organisation, avec la création d'une antenne régionale de l'Association Million de Femmes Rurales et les Sans-Terre à Siliana et cinq branches locales dans les profondeurs de Fériana. La solution réside dans l'organisation, la formation et l'éducation, avec l'organisation par l'association de sessions de formation en agriculture écologique et en promotion des droits des paysan·nes basés sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP).
Le 17 avril 2024, le procès en appel a coïncidé avec la Journée internationale des luttes paysannes. En conséquence, environ 100 paysan·nes membres de l'association et leurs partisans de plusieurs régions de Siliana se sont rassemblé·es devant le tribunal pour demander l'arrêt des poursuites judiciaires et la justice pour les paysan·nes. Ensuite, iels se sont dirigé·es vers le lieu de départ du sit-in, Henshir Laqasba, où ils ont été accueilli.es par les habitant.es et ont organisé une réunion publique où des discours ont été prononcés, notamment celui de Turkia Chaibi, qui a rappelé le 17 avril comme jour commémoratif des paysan·nes martyr·es ce jour-là, et a mis en lumière le mouvement de Million de Femmes Rurales et les Sans-Terre.
Des slogans ont été scandés devant le tribunal et au lieu du sit-in.
Les principaux slogans étaient :
Terre, Liberté, Dignité Nationale
Arrêtez les poursuites, mettez fin aux poursuites
Droit d'accès à la terre
Vive le 17 avril, journée internationale des luttes paysannes
l'Association Million de Femmes Rurales
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Les féministes en défense de Bochra Bel haj Hmida pour préserver les droits, les libertés et nos acquis
Nous, militantes de l'association tunisienne des femmes démocrates, réunies d'urgence en commission élargie, après que le comité de défense de l'association nous ait informées du contenu de l'ordonnance de clôture de l'instruction dans l'affaire dite du complot contre la sûreté de l'Etat, faisons état de notre profonde consternation quant au degré d'atteinte aux libertés et à l'absence totale de respect des standards du procès juste et équitable ainsi que de l'indépendance de la justice.
Tiré de Entre les lignes et les mots
L'instruction s'est clôt par la mise en accusation d'une quarantaine de personnalités politiques et de défenseur.e.s tunisiens des droits humains pour des crimes de terrorisme, de complot, d'offense au chef de l'Etat et d'autres crimes dont les peines peuvent aller jusqu'à la peine de mort, confirmant ainsi les rumeurs qui sont parvenues à l'association quant à la mise en accusation pour de tels crimes de leur ancienne présidente et fondatrice. L'association n'avait alors pas manqué de mettre en garde contre toute éventuelle implication de son ancienne présidente, la militante Bochra Bel haj Hmida, dans cette affaire concoctée de toutes pièces pour discréditer toutes les familles politiques et vider la scène politique de toute opposition au président de la République. Affaire qui n'est que dans la continuité du 25 juillet 2021 et de l'exercice de représailles sur tous ceux et toutes celles qui se sont opposé.e.s par des modalités variées et non violentes à l'abrogation de la Constitution de 2014, à la remise en cause de tous les acquis démocratiques dont la liberté d'expression et des composantes de l'Etat de droit. Après avoir pris connaissance de l'ordonnance de clôture de l'instruction, nous n'avons plus de doutes sur cette politique répressive tant celle-ci contient d'irrégularités et d'incohérences dont la seule explication est que la justice ne répond plus à aucun critère d'indépendance. A L'absence de respect de la procédure, au non-respect des standards minimum du procès juste et équitable, les autorités qui ont mis la justice au pas n'ont même pas daigné étayer la mise en accusation par des faits ou des éléments de droit pouvant imputer l'un quelconque de ces crimes à Bochra Bel haj Hmida et aux autres prévenu.e.s. Parce que le seul élément sur lequel se base la mise en accusation est que Bochra Bel haj Hmida a reçu la légion d'honneur française, laquelle a été attribuée à des centaines de tunisiens et de tunisiennes, il s'agit de fausses accusations de crimes dont elle est innocente.
Bochra Bel haj hmida a consacré sa vie entière à défendre les libertés publiques et individuelles ainsi que l'égalité. Députée dans le premier parlement élu après la révolution, elle a contribué à la réalisation de plusieurs acquis dont l'un des plus importants est l'adoption de la loi 2017-58 relative à l'élimination des violences contre les femmes et les enfants. Son parcours militant et professionnel, sa présidence la commission libertés individuelles et égalité (COLIBE), son engagement pour la défense des droits humains et ce, depuis plus de quatre décennies, lui ont valu sa grande popularité et la reconnaissance des institutions que ce soit en Tunisie ou à l'étranger.
La militante Bochra Bel haj Hmida a cessé toute activité partisane à la fin de son mandat parlementaire en 2019 et n'est restée présente sur la place publique qu'en tant qu'activiste en défense de la démocratie, des droits des femmes et des droits humains comme elle l'a toujours fait et ce, depuis les années 80. Quant aux malversations financières qui lui sont faussement imputés, sans preuve aucune, elles ne relèvent que de la volonté de discréditer auprès de l'opinion publique toute personne qui porte le projet sociétal progressiste et démocratique.
L'intégration de notre amie et camarade dans la liste des prévenus en fuite alors qu'elle n'a reçu aucune convocation légale ajoute à notre consternation de la voir mise en accusation pour terrorisme et complot, elle qui est connue depuis les années 80 pour son engagement non violent et résolu en faveur des droits humains et contre la peine de mort, elle qui a été l'une des cibles des terroristes. Elle encourt aujourd'hui la peine capitale, peine contre laquelle nous avons toujours mis en garde parce que nous savions qu'elle serait utilisée à des fins politiques par toutes les dictatures pour liquider les opposants et terroriser la population.
L'ordonnance de clôture de l'instruction est d'autant plus incohérente et absurde qu'elle commence par prononcer un non-lieu au profit de Bochra Bel haj Hmida pour absence de preuve ou de présomptions permettant de lui imputer l'un quelconque de ces crimes. Par la suite et dans cette même décision, elle est mise en examen pour pas moins de 17 crimes. Décider d'une chose et de son contraire n'est que la preuve d'une justice sous les ordres d'un régime qui n'hésite pas à exercer des représailles sur les juges qui tentent de maintenir un tant soit peu leur indépendance.
Au vu de ce qui précède, l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates déclare :
Sa fierté du parcours de la militante Bochra Bel Haj Hmida et de sa contribution passée et future à la consécration de l'égalité et des libertés et pour toutes les distinctions qui lui ont été attribuées du public ou des institutions, nationales ou étrangères, lesquelles ne sont qu'une reconnaissance minime de son combat contre toutes les formes de domination, de répression, d'injustice et de discrimination.
Sa solidarité inconditionnelle avec son ancienne présidente Bochra Bel Haj Hmida conforme à son approche féministe basée sur la solidarité avec toutes les victimes de la tyrannie politique et de l'injustice sociale et annonce son engagement ferme à la défendre en droit et par l'activisme basé sur les droits humains et ce, afin de préserver sa liberté, son retour sauf et digne à son pays et à son militantisme habituel pour les droits, l'égalité et les libertés.
Qu'il faut mettre fin aux arrestations et aux fausses accusations de toutes les voix critiques ou d'opposition et de prononcer un non-lieu à leur profit, d'infirmer l'ordonnance de clôture de l'instruction dans la dite affaire de complot contre la sûreté de l'Etat dont les incohérences et l'inconsistance portent atteinte à la crédibilité et à l'intégrité de l'institution judiciaire.
Son refus catégorique des procès politiques qui visent les activistes politiques et les défenseur.e.s des droits humains et dont l'objectif est de les éloigner de la place publique et de leur lutte pour la démocratie et des droits humains ; Et pour que cessent le harcèlement des centaines de tunisiens et de tunisiennes incarcérés ou contraints à l'exil et les procès faits aux apposant.e.s sans garantie aucune d'un procès juste et équitable ainsi que l'utilisation de la justice à des fins politiques.
Sa ferme disposition à la défense en droit et à l'activisme basé sur les droits humains pour une justice indépendante, un Etat de droit et une vie politique plurielle garantissant le droit à l'existence réelle d'une opposition pacifique, libre, sans atteintes aux libertés d'opinion et de réunion.
Invite toutes les organisations féministes, de défense des droits humains, de la culture et des jeunes de prendre acte de la gravité de la situation que traverse notre pays et de se mobiliser, solidaires, contre l'autoritarisme qui menace la stabilité de la Tunisie et l'union des tunisiennes et des tunisiens.
Pour l'association tunisienne des femmes démocrates,
Sa présidente,
Neyla Zoghlami
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Communauté internationale dites-vous ?
Les journaux d'ici et d'ailleurs utilisent encore souvent le terme « communauté internationale » pour représenter un groupe de pays exprimant une prise de position ou un jugement à l'encontre d'un ou plusieurs autres pays. Seulement en avril, le terme s'est par exemple retrouvé quinze fois dans les pages du Devoir, neuf fois dans celles du Journal de Montréal et une fois dans celles d'Acadie Nouvelle.
Le terme « communauté internationale », faut-il le rappeler, n'a pas de fondement juridique. Il ne regroupe ni l'ensemble des habitants de la planète, ni l'ensemble des pays du globe. Il est d'ailleurs insensé que ce terme, qui se veut par définition regrouper tous les pays ou tous les habitants de la planète, puisse servir à condamner, comme c'est souvent le cas, un pays ou un groupe de pays ou d'habitants qui font eux-mêmes partie de son entièreté. Imaginerions-nous par exemple, dans un groupe plus restreint, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Suisse et l'Autriche réprimander politiquement l'Italie et la Suisse ?
Sans compter que le mot « communauté », qui est un mot à connotation positive qui suggère l'intérêt commun de ses membres, est presque toujours utilisé ici de façon négative en mettant en opposition deux parties de son tout. La preuve, encore une fois, dans cet enchevêtrement de contradictions, que le ridicule ne tue pas !
Mais en fait, ce qui pose bien davantage problème, particulièrement en terme de communication et plus encore de désinformation, c'est qu'on ne sait jamais clairement quels pays sont ainsi compris dans cette supposée « communauté internationale » s'opposant à un pays ou à groupe de pays.
De notre point de vue occidental et à la lumière des textes dans lesquels on retrouve ce terme, il appert qu'il s'agit le plus souvent :
* soit des États-Unis et de ses États vassaux ou de ses alliés de circonstance,
* soit du G7 (dominé bien sûr par les États-Unis),
* soit des pays de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, (l'OTAN, cette détestable organisation militaire, sous la coupe des États-Unis, qui sème la pagaille en Europe),
* soit parfois du G20,
* ou soit encore – plus rarement - des pays membres de l'Organisation des Nations unies (ONU), ce qui relève encore une fois de l'absurdité, puisque cette organisation regroupe essentiellement tous les pays du monde.
C'est probablement le linguiste et philosophe américain Noam Chomsky qui définit le mieux ce terme tel qu'il est utilisé dans nos journaux et par nos politiciens : « Lorsque le terme communauté internationale est utilisé en Occident, écrit-il, la communauté internationale désigne les États-Unis et quiconque va dans son sens. » Il arrive donc ainsi que cette soi-disant communauté internationale ne regroupe en fait… que les États-Unis.
Ne serait-t-il pas beaucoup plus honnête, de la part de nos journaux et des agences de presse, de toujours définir clairement à quels pays on fait précisément référence dans tel ou tel article ? À titre d'exemple, une nouvelle comme « La communauté internationale a accusé l'Iran… » pourrait devenir en réalité : « Les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et Israël ont accusé l'Iran… ».
Il serait d'ailleurs intéressant, dans le cas qui suit, de connaître à qui l'on fait expressément référence quand on écrit « La communauté internationale demande à la Chine, à l'Inde et à d'autres pays de réduire... », cette « communauté internationale » n'incluant nécessairement pas ici ces deux pays, la Chine et l'Inde, qui sont les plus populeux de la planète, ni un certain nombre d'autres pays...
L'utilisation fréquente de ce terme imprécis - la communauté internationale – nous offre en fait une fausse image du monde. Elle est malhonnête et trompeuse et s'inscrit bien davantage dans une tentative de brouiller les pistes, de désinformation en somme, et de propagande, que de nous bien informer. Les journaux, qui ont mission de nous informer et de bien nous informer, devraient en prendre note !
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L’originalité et l’importance de la 1re conférence mondiale anti fasciste qui se réunit à Porto Alegre du 17 au 19 mai 2024
Nous ne sommes qu'au début d'un processus et l'issue positive n'est pas garantie. Ce qui est garanti, c'est que si on n'essaye pas de construire un puissant mouvement international contre l'extrême-droite, celle-ci a de fortes chances de poursuivre sa progression et de s'enhardir. Les divisions au sein de la gauche dans les différents continents constituent un élément important de la faiblesse de la riposte face à la montée de l'extrême-droite.
3 mai 2024 | tiré du site du CADTM
Quelle est l'originalité de la conférence qui se déroule à Porto Alegre du 17 au 19 mai 2024 ?
Au cours des dernières années, face à la (re)montée de l'extrême-droite au niveau mondial plusieurs conférences internationales ont eu lieu. Généralement, elles étaient organisées par un parti politique ou par une même famille politique, ou encore par une fondation particulière, par exemple la Fondation Rosa Luxembourg.
L'originalité de la présente initiative : elle est organisée par plusieurs partis et a le soutien d'autres partis politiques de gauche qui ont mis de côté pour cette occasion les désaccords qui les séparent. En l'occurrence, deux partis de gauche qui ont une histoire différente, le PT et le PSOL de Porto Alegre, capitale de l'État de Rio Grande do Sul, se sont mis d'accord pour convoquer ensemble cette conférence et constituer un comité organisateur local unitaire. Ils ont obtenu le soutien de leur organisation nationale. C'est la première originalité. Ce n'est pas banal quand on sait combien la gauche est divisée aux quatre coins de la planète.
La deuxième originalité : d'autres partis de gauche leur ont emboîté le pas et soutiennent cette conférence, il s'agit notamment du Parti Communiste du Brésil (PCdoB d'origine maoiste) et de l'Unité populaire.
Lire aussi :CONTRE LE FASCISME !
La troisième originalité : d'importants mouvements sociaux apportent leur soutien actif, il s'agit du Mouvement des Sans Terre (MST, membre de La Via Campesina) et des syndicats, comme ceux des personnels de l'enseignement (CEPRS), des personnels technico-administratifs des universités (Assufrgs) et la Centrale unique des Travailleurs (CUT) de l'État de Rio Grande do Sul. D'autres mouvements sociaux soutiennent également.
La quatrième originalité : tous les continents et presque toutes les grandes régions du monde seront représenté-es même si c'est de manière inégale. Il y aura des délégué·es d'Amérique du Nord, de toute (ou presque) l'Amérique latine et de la Caraïbe, d'Afrique du Nord et de la région « arabe », d'Afrique subsaharienne, d'Europe, d'Australie,…
La cinquième originalité : des réseaux internationaux comme le CADTM ou les ATTAC, des fondations comme CLACSO (le Conseil latino-américain de Sciences Sociales), le Transnational Institute basé à Amsterdam ou la Fondation Copernic basée en France seront également présents. Des organisations ou des forums politiques internationaux seront là : le Forum de Sao Paulo, la Quatrième internationale, la Ligue Internationale Socialiste (LIS), la Tendance socialiste internationale (IST en anglais) et, comme on l'espère, l'Internationale progressiste et probablement d'autres. De France, La France Insoumise et le NPA seront présents ; de l'État espagnol, Anticapitalistas, la CUP (Catalogne) et ATTAC ; du Portugal le Bloc de gauche (Bloco de Esquerda),… Des Etats-Unis : DSA (Democrat Socialist of America). D'Australie : Green Left (Gauche Verte). D'Argentine : Mouvement socialiste des Travailleurs/euses, Libres del Sur, Unidad Popular, Marabunta, MULCS, FOL, CPI, et aussi l'Autoconvocatoria pour la suspension du paiement de la dette, la Revue Crisis, ATTAC-CADTM Argentine, les économistes de gauche, des syndicats comme la CTA. Pour voir la liste des « personnalités » dont la participation est confirmée, visiter https://antifas.org/appel/ (la liste déroulante se trouve en bas du programme).
La sixième originalité : alors que dans le cadre des Forums sociaux mondiaux et de leurs homologues au niveau des continents les partis politiques ne sont pas admis en tant que tels, dans le cas présent partis politiques, mouvements sociaux, associations citoyennes seront présent·es ensemble.
Septième originalité : il ne s'agit pas seulement d'interpréter le monde de l'extrême-droite, il s'agit d'essayer de lancer une initiative pour tenter de changer la situation. Certes, ce sera de manière modeste car nous ne sommes qu'au début du processus, mais si l'étape de Porto Alegre est encourageante, on pourra progresser pas à pas. Cela impliquera de surmonter les divisions qui affaiblissent dramatiquement la gauche pour faire face à l'extrême-droite.
Comment se passent les préparatifs à Porto Alegre ?
C'est très encourageant de constater qu'à la date du 2 mai 2024, deux semaines avant le début de la conférence, il y a 1376 personnes qui se sont inscrites via le site https://antifas.org/ pour participer en présentiel. Plusieurs organisations syndicales de Porto Alegre mettent des logements collectifs et des salles de réunion à la disposition de la conférence. Ils mettent également des bus pour transporter des personnes des quartiers populaires vers le lieu de départ de la marche d'ouverture qui aura lieu le vendredi 17 mai à partir de 18H00. Des milliers de participant-es sont attendus à cette marche. Cela aussi, ce n'est pas banal, car ces derniers temps, la gauche n'a pas réuni de grandes concentrations au Brésil. Et dans le monde, on n'a pas connu récemment de grandes manifestations de rue contre l'extrême droite, sauf en Allemagne en début d'année 2024. Bien sûr et c'est encourageant, il y a, sur toute la planète, les massives mobilisations en solidarité avec le peuple palestinien face au gouvernement d'extrême-droite de Netanyahu. D'ailleurs, lors de la conférence de Porto Alegre, on fera le lien avec les mobilisations qui touchent massivement les campus universitaires des Etats-Unis.
Il faut souligner également que dans d'autres États que celui de Rio Grande do Sul, des initiatives unitaires sont prises en préparation de la conférence de Porto Alegre, c'est le cas notamment dans l'État de Ceara.
Quelles sont les activités au programme de la conférence outre la manifestation du 17 mai ?
Il y a aura 8 assemblées plénières successives organisées sous la responsabilité du comité organisateur local entre le samedi 18 au matin et le dimanche 19 mai après-midi. Et en plus il y aura des dizaines d'activités auto organisées. Voir le programme des plénières : https://antifas.org/appel/ Il y aura probablement des visites de terrain pour les participant·es qui arriveront avant que commence la conférence ou qui resteront après le dimanche 19 mai. Il y aura également des activités culturelles. Il faut préciser que le PT et le PSOL sont dans l'opposition au niveau de la capitale Porto Alegre et dans l'Etat de Rio Grande do Sul dominés par la droite. Toute la logistique est organisée sans aucun soutien institutionnel. Tout passe par des efforts militant·es et par le soutien financier apporté par les organisations politiques et sociales qui soutiennent cette initiative.
Pourquoi la ville Porto Alegre constitue-t-elle un bon endroit pour cette conférence et pour lancer un processus qui devrait gagner en force par la suite ?
Porto Alegre a été le berceau en 2001 du Forum Social Mondial qui s'y est réuni à plusieurs reprises avec une participation très nombreuse : jusqu'à 100 000 participant-es. C'était bien sûr une autre époque : on était à l'apogée de grandes mobilisations internationales contre l'offensive capitaliste néolibérale et y est né ce qu'on a appelé le mouvement altermondialiste ou alter globaliste avec comme thèmes : « Un autre monde est possible. » « Le monde n'est pas une marchandise. » Ensuite le FSM et ces grandes mobilisations ont décliné. Dans un contexte franchement défavorable avec une montée massive de l'extrême-droite et un recul de la gauche à beaucoup d'endroits de la planète, il s'agit d'essayer de contribuer à relancer une dynamique d'accumulation de forces. Cela ne sera pas facile. Prendre un nouveau départ à partir de Porto Alegre berceau du forum social mondial est donc un bon choix.
Lire aussi :Ire Conférence Internationale Antifasciste
Il y a une deuxième raison pour considérer que Porto Alegre est le bon endroit pour tenir cette première conférence : la relative proximité avec l'Argentine (par la route il y a environ 1 300 km, moins de 1 000 si on passe par l'Uruguay). Il est possible de se déplacer par la route en transport collectif pour se rendre de Buenos aires ou d'autres parties de l'Argentine vers Porto Alegre. Une douzaine d'organisations argentines de gauche se coordonnent pour envoyer deux autobus à Porto Alegre soit une centaine de militant·es. La présence active des camarades d'Argentine est particulièrement fondamentale vu qu'y sévit le gouvernement de Javier Milei qui tente de mettre en œuvre un programme de choc contre les conquêtes sociales et qui se réclame clairement des idées d'extrême droite.
La troisième raison : dans cette ville le PT et le PSOL sont alliés et ont surmonté leurs divergences par exemple pour se présenter ensemble aux élections municipales qui auront lieu en novembre 2024. Ils ne sont pas seuls il y aussi avec eux le PCdoB, le parti REDE,… Il y a également le soutien des mouvements sociaux comme le MST et les syndicats.
Pourquoi réunir une telle conférence en 2024 et pourquoi au Brésil ?
Cela fait un moment qu'on aurait dû réunir une telle conférence. En effet, il faut se rappeler que Bolsonaro et ses partisans ont tenté en envahissant les centres des trois pouvoirs judicaire, législatif et exécutif à Brasilia le 8 janvier 2023 de faire un remake du 6 janvier 2021 organisé par Trump et ses soutiens lorsqu'a été envahi le congrès à Washington. On a pu avoir la confirmation dès ce moment que Bolsonaro était en train de préparer son retour en déstabilisant le gouvernement de Lula à peine élu. D'ailleurs Bolsonaro et ses partisan·es viennent de refaire en février 2024 avec une manifestation de près de 200 000 personnes à Sao Paulo, la démonstration qu'ils peuvent mobiliser massivement leurs partisans dans les rues. La gauche a montré en s'unissant électoralement qu'elle pouvait battre Bolsonaro dans les urnes mais la victoire a été très courte et les Brésilien·nes ne se sont pas débarrassés définitivement de Bolsonaro et de l'extrême-droite, loin de là. Plus récemment, à la fin 2023, il y a eu la victoire électorale de Javier Milei en Argentine, c'est un autre signal d'alerte de très grande gravité sur le plan continental.
Au cours de cette année 2024, l'extrême droite qui vient de marquer des points dans plusieurs pays d'Europe entre fin 2023 et avril 2024, notamment aux Pays Bas, au Portugal, en Allemagne… va encore se renforcer lors des élections européennes de juin 2024 et dans d'autres élections nationales. De même, le gouvernement d'extrême droite de Modi risque bien de sortir renforcer des élections de mai en Inde. Bukele au Salvador a été réélu début 2024, Poutine a été réélu et bien sûr il y a le risque d'une victoire électorale de Trump aux élections présidentielles d'octobre 2024. Sans oublier le génocide en cours perpétré contre le peuple palestinien par le gouvernement fascisant de Netanyahu.
Pour tout cela en 2024, il était plus que temps de lancer une initiative de portée internationale et le Brésil est un bon endroit pour le faire.
L'extrême droite est-elle à l'initiative au niveau international ?
Manifestement, l'extrême-droite profite de la crise capitaliste dans ses différentes formes pour progresser et exprimer qu'elle a le vent en poupe au niveau international. Des réunions de l'extrême-droite se multiplient au niveau international et le fait qu'elle soit à la tête de gouvernements lui donne des ailes. L'investiture de Milei fin 2023 a été une occasion de plus de montrer la convergence, malgré leur diversité, entre Victor Orban premier ministre hongrois, Donald Trump, Bolsonaro, Netanyahou, l'extrême droite espagnole,… En juillet 2024, des représentant·es de l'extrême-droite se réuniront à Sao Paulo.
Et dans le futur ?
Si jamais l'alliance PT-PSOL gagnait la mairie de Sao Paulo aux élections d'octobre 2024, la capitale économique du Brésil pourrait peut-être accueillir en 2025 une deuxième conférence anti fasciste. Pourquoi pas ? Et si ce n'est pas le cas, il faudra trouver un lieu approprié pour poursuivre l'effort entamé.
Ce qui serait aussi très utile, ce serait d'avoir des initiatives continentales ou par grandes régions. Après le choc que va provoquer le renforcement de l'extrême-droite dans le parlement européen, y aura-t-il une réaction salutaire de la part d'un nombre significatif de forces de gauche afin de convoquer une grande conférence européenne unitaire ? Et en Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada, Mexique,…), la gauche pourrait-elle organiser elle aussi une initiative ? D'autres régions de la planète pourraient voir naître des initiatives…
Quelles sont les difficultés à surmonter pour lancer un processus puissant ?
Nous ne sommes qu'au début d'un processus et l'issue positive n'est pas garantie. Ce qui est garanti, c'est que si on n'essaye pas de construire un puissant mouvement international contre l'extrême-droite, celle-ci a de fortes chances de poursuivre sa progression et de s'enhardir. Les divisions au sein de la gauche dans les différents continents constituent un élément important de la faiblesse de la riposte face à la montée de l'extrême-droite. Parmi les nombreux problèmes qui surgissent dans la tentative de construction d'une grande initiative unitaire, on peut mentionner les problèmes suivants : la volonté de privilégier sa propre construction en tant que force politique ; le refus d'aider au succès d'une initiative à vocation unitaire par la crainte que cela renforce un concurrent politique ; la résistance à faire l'unité avec des partis dont la politique au gouvernement favorise des désillusions qui amènent une partie de l'électorat de gauche ou les primo votant à porter leurs suffrages vers la droite ; l'absence de collaboration antérieure, la difficulté de mettre ensemble partis, mouvements sociaux et associations citoyennes ; à mettre ensemble organisations et individus… Tout cela correspond à des problèmes bien réels et il n'est pas facile de les surmonter. D'ailleurs dans la construction d'un vaste mouvement international contre l'extrême droite, il faut être capable de débattre de ces problèmes, de les comprendre, pour tenter de les résoudre ou de les mettre provisoirement de côté afin de renforcer les convergences sur une plate-forme unitaire opératoire.
L'adoption d'une telle démarche de front unique n'implique pas du tout que chaque organisation renonce à son autonomie, son programme et son action. Pour les anticapitalistes, le fait de construire une alliance anti-extrême droite, antifasciste, qui peut inclure des partis de gauche qui participent à des gouvernements, qui pratiquent la collaboration de classe, devrait aller de pair avec le fait de redoubler d'efforts pour rendre crédibles une perspective et une pratique révolutionnaire. De toute manière, réussir à faire face à la montée de l'extrême droite dépendra de la capacité à développer de grandes mobilisations populaires et à aider à ce qu'elles aboutissent à des changements politiques en rupture avec le système capitaliste favorisant une issue écologiste socialiste (« écosocialiste »), féministe, antiraciste, internationaliste…
Auteur
Eric Toussaint Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d'ATTAC France.
Il est l'auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d'un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d'œil dans le rétroviseur. L'idéologie néolibérale des origines jusqu'à aujourd'hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
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Décision historique : les communautés indigènes et les assemblées socio-environnementales arrêtent les compagnies minières de lithium
Dans un coup dur pour les multinationales du lithium et le gouvernement de Catamarca, la plus haute cour provinciale a interdit la délivrance de nouveaux permis et exigé la réalisation d'études d'impact pour tous les projets miniers de la région. La plainte a été déposée par les communautés de Diaguita et les assemblées socio-environnementales. Chronique d'un triomphe.
Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/19/decision-historique-les-communautes-indigenes-et-les-assemblees-socio-environnementales-arretent-les-compagnies-minieres-de-lithium/
Le jeudi 7 mars au matin, la nouvelle a fait la une des principaux journaux locaux et, quelques heures plus tard, celle des sites Internet nationaux. Le titre, jaunâtre, comme le font habituellement les médias hégémoniques, a eu un impact énorme : « La Cour de justice suspend l'exploitation du lithium ». Pour un gouvernement comme celui de Catamarca, qui promeut et se projette autour du boom minier du lithium (plus précisément appelé « méga-mine de l'eau »), le choc a été total. Rapidement, les stations de radio, les médias télévisés, les comptes Instagram et X se sont remplis d'avocats, de spécialistes et de politiciens tentant d'expliquer quelque chose d'inexplicable à première vue. La surprise, la perplexité, les doutes et la désinformation étaient légion : l'activité minière dans la province est-elle en train de s'arrêter ? L'entreprise de lithium, qui brasse des millions de dollars, est-elle en train de s'effondrer ? Le tribunal porte-t-il un coup terrible au gouverneur Raúl Jalil en raison d'une lutte de pouvoir interne ? Comment tout cela a-t-il pu se produire du jour au lendemain ?
Le chemin précédant l'amparo
Comme c'est souvent le cas lors des emballements médiatiques, une fois la frénésie et le délire passés, un peu d'histoire est nécessaire pour comprendre ce qui s'est passé. La protection de l'environnement de cet arrêt de la Cour de justice de Catamarca (dossier Nº 054/2022, intitulé (Guitian, Román c/ Poder Ejecutivo Nacional y Otros), commence en 2019 et a deux protagonistes principaux : la communauté indigène Atacameños del Altiplano et la majestueuse et vitale rivière Los Patos.
C'est en août 2019 que les voisins d'Antofagasta de la Sierra ont été mis en alerte lors d'une réunion de quartier confuse convoquée par l'Intendencia, où ils ont été informés de l'intention de la société minière Livent (en 2023, elle a fusionné avec la multinationale Allkem, créant ainsi la troisième plus grande société minière du monde, qui opère aujourd'hui à Catamarca sous le nom d'Arcadium) de lancer un projet de canalisation consistant en la construction d'un aqueduc de plus de 30 kilomètres pour extraire l'eau du plus grand cours d'eau de la région (la rivière Los Patos). Pourquoi l'entreprise avait-elle besoin de ce nouvel aqueduc ? Parce qu'au cours des dernières années, elle avait complètement asséché la rivière et la plaine de Trapiche, causant des dommages environnementaux immenses et irréparables.
Ces données, qui datent de 2019, sont essentielles pour comprendre la récente décision du tribunal de Catamarca, étant donné que l'un des éléments de preuve les plus convaincants dans l'amparo est le dommage causé à la rivière et à la plaine de Trapiche (une destruction qui aurait pu être évitée).
En décembre de la même année, un groupe de membres de l'assemblée environnementale Pucara (Pueblos Catamarqueños en Resistencia y Autodeterminación), composé de deux avocats, d'un communicateur et d'un responsable environnemental, s'est rendu à Antofagasta pour prendre contact avec la communauté indigène et les résidents locaux. À la suite de ce voyage, la photo de la Vega del Trapiche, une rivière complètement noire, asséchée et morte, a été publiée pour la première fois sur un support graphique, une photo qui a fait le tour des portails d'information de tout le pays.
Au cours des années suivantes, l'inquiétude s'est accrue. Parallèlement, des enquêtes indépendantes ont été menées sur les agissements des autorités locales et des entreprises (Livent, Galaxy, Posco) dans l'utilisation inconsidérée de l'eau douce.
En février 2020, l'assemblée de Pucará a accompagné la communauté de Román Guitian dans la présentation de la première demande de suspension. Une présentation simultanée a été faite au Tribunal des mines, alors sous la responsabilité du juge Raúl Cerda, et une autre au Ministère des mines. Les deux actions comprenaient une analyse technique des rapports d'impact sur l'environnement (RIE) de Livent et Galaxy, et étaient accompagnées de 200 signatures de voisins d'Antofagasta.
La principale demande concernait la suspension des permis d'extraction d'eau de la rivière Los Patos, ainsi que des plaintes pour violation des droits des communautés indigènes, fausses audiences publiques et persécution sociale, tant du chef et de sa famille que des voisins qui s'étaient exprimés contre l'exploitation minière (c'est le cas d'un enseignant qui a été condamné à deux ans d'emprisonnement dans un acte manifeste de persécution politique).
Face à cette première présentation, la réponse du gouvernement de Raúl Jalil a été percutante par son impunité et son manque de démocratie. Le ministère des mines a répondu (croyez-le ou non) qu'il avait « perdu la présentation ».
Malgré les relances via des notes, des demandes d'information et de nouvelles soumissions, aucune réponse n'a jamais été reçue. Le cas du Tribunal des mines est encore plus incroyable. En 2021, en obtenant une modification du nombre de membres de la Cour provinciale (la même qui critique aujourd'hui le gouvernement), Jalil a réussi à modifier le Code de procédure minière de la province ; cela a mis de côté toute contestation devant le tribunal des mines. Ainsi est mort le premier essai judiciaire.
De l'amparo à la décision de justice
En août 2021, après de nombreuses plaintes dans les médias locaux et internationaux, après la première d'un film documentaire mettant en scène la communauté des Atacameños del Altiplano, et au milieu d'un conflit social croissant à Antofagasta, Román Guitian a introduit un recours en amparo devant le Tribunal fédéral. Il l'a fait par l'intermédiaire du Bureau fédéral de défense de Catamarca, avec l'avocate Verónica Gostissa. Une fois de plus, l'accent a été mis sur l'eau et la protection de la rivière Los Patos. À cette occasion, les informations se sont multipliées et un rapport clé préparé par la Fondation Yuchán a été ajouté. Après un long parcours de deux ans, qui comprenait une déclaration d'incompétence du tribunal fédéral de Catamarca (en novembre 2021), la Chambre fédérale de Tucumán a confirmé la déclaration d'incompétence des tribunaux fédéraux (décembre 2021), et ce n'est qu'en septembre 2022 que l'amparo a été déposé devant le tribunal de Catamarca.
Tout cela jusqu'à l'arrêt du jeudi 13 mars 2024, où la résolution de la Cour a été obtenue et les mesures conservatoires partiellement accordées. Comme l'explique l'avocat Santiago Kosicki, accompagné de l'équipe juridique de l'Assemblée de Pucara : « La Cour de justice de Catamarca a statué contre le gouvernement provincial et l'oblige à corriger les autorisations accordées aux entreprises minières pour l'extraction de lithium dans le Salar del Hombre Muerto à Antofagasta de la Sierra ».
La Cour a ordonné la réalisation d'un rapport d'impact environnemental présentant deux caractéristiques fondamentales (que les précédents n'avaient pas) : il doit être cumulatif et exhaustif pour l'ensemble du Salar et, en particulier, pour la rivière Los Patos. D'autre part, il doit prendre en compte l'impact total des entreprises qui ont demandé l'autorisation d'utiliser et d'extraire l'eau, et leur potentiel de transformation de l'environnement dans la même zone géographique.
Ce nouveau rapport doit mesurer l'impact de l'ensemble des projets de toutes les entreprises (et non de chaque projet individuellement). Il faut savoir dans quelle mesure tous les prélèvements d'eau de toutes les entreprises affecteront l'environnement en même temps. Cela fera une énorme différence dans les bilans et le résultat pourra donner aux habitants d'Antofagasta et à la communauté indigène, pour la première fois, une idée de l'ampleur et des conséquences socio-environnementales de l'activité minière sur leurs territoires.
L'autre point essentiel de l'arrêt est que la Cour « interdit au ministère des mines et au ministère de l'eau, de l'énergie et de l'environnement de la province d'accorder des autorisations ou des déclarations d'impact sur l'environnement pour de nouveaux travaux liés à la rivière Los Patos dans le Salar del Hombre Muerto ». Cela signifie qu'aucun autre permis ne peut être accordé. Dans un contexte d'expansion de tous les projets miniers dans la région, il s'agit d'un coup dur pour les actions menées par les entreprises en collaboration avec le gouvernement.
La plus haute juridiction provinciale reconnaît également « que le gouvernement de la province de Catamarca agit en violation systématique de la réglementation environnementale, en accordant des autorisations conditionnelles, sans connaître le véritable fonctionnement des bassins hydrographiques du Salar del Hombre Muerto, sans rapport d'impact environnemental cumulatif et complet et sans garantir la tenue d'une audience publique avec la communauté d'Antofagasta de la Sierra et une consultation préalable, libre et informée avec la communauté indigène des Atacameños del Altiplano ». Elle considère également que la communauté concernée ne dispose pas d'informations actualisées sur au moins huit projets d'extraction de lithium dans le même aquifère (aqueduc de la rivière Los Patos) ».
D'une part, elle peut faire appel de la décision, ce qui l'amènera à saisir la Cour suprême de justice de la nation. D'autre part, elle peut se conformer à l'arrêt et mettre les permis et les rapports d'impact environnemental en conformité avec les nouvelles exigences.
Ni Jalil ni la Cour, le peuple et l'eau
Dans les couloirs du gouvernement provincial, on dit la même chose que dans les couloirs de la Cour provinciale : que le jugement est un coup de plus dans la dispute soutenue et féroce entre les deux pouvoirs. Il est possible qu'il y ait une part de vérité dans les couloirs, mais ce qui est vrai – ce qui transcendera les couloirs, ce qui restera pour le développement de l'histoire – est une réalité dans laquelle « le soleil ne peut être couvert avec les mains ».
Ce « soleil » de l'adage est la véritable raison qui a rendu possible cet amparo et son arrêt respectif. Ce qui est certain, c'est que les entreprises ont présenté leurs rapports d'impact environnemental de manière incorrecte, et ce qui est certain, c'est que tant le ministère des mines que le ministère de l'eau et de l'environnement ont effectué les contrôles et les procédures de manière incorrecte. Tous les responsables, les PDG des entreprises, les ministres et les gouverneurs (Lucía Corpacci et Raúl Jalil), ont tous violé de multiples lois environnementales et sociales nationales et internationales. Entre autres, la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui traite des droits des indigènes et qui, en Argentine, a un statut supra-légal (au-dessus des normes locales).
Ce que l'arrêt met sur la table, c'est la vérité que les communautés et les assemblées indigènes proclament depuis cinq ans. C'est la même vérité que des milliers de personnes affectées dans tout le pays par le modèle de la méga-mine signalent, communiquent, diffusent, enquêtent et dénoncent. Un modèle impuni, corrompu, illégal et illégitime qui viole toutes les normes, procédures et lois qui protègent les citoyens. Sans le courage de Román Guitian, qui a fait l'objet d'intimidations, de persécutions et de tentatives de corruption répétées. Sans sa persévérance, les médias ne montreraient pas aujourd'hui cette vérité crue, qui devient maintenant – avec les mots de la Cour – tranchante et retentissante.
L'arrêt devra maintenant faire face aux diatribes du pouvoir en place et à tous ses artifices. Mais la vérité est déjà nôtre, elle appartient déjà aux citoyens. Il n'existe pas d'exploitation minière durable, prudente, respectueuse de l'environnement, à faible impact ou propre. Il existe une exploitation minière corrompue, illégale, destructrice, polluante et appauvrissante. Telle est la base du débat, telle est la vérité indéniable à partir de laquelle toute discussion doit être entamée. Le pouvoir continuera à insister sur son mensonge, un mensonge qui ne marche même plus, qui rampe à peine et qui commence à s'estomper.
La lutte pour la défense de l'eau se poursuit, tout comme la recherche d'un mode de vie sans destruction de la nature. Il n'y a pas de fausses querelles ici, il n'y a pas de clivage, pas d'affrontement entre pro-miniers et anti-miniers. Ce qui existe, c'est ce qui a toujours existé : la recherche d'une vie et d'un travail dignes, d'un environnement sain, de montagnes, de rivières, de salines et de plaines qui font partie de la culture et de l'identité du peuple Puna.
L'eau est indispensable à une vie digne, à l'économie régionale des cultures et des animaux, à la croissance et à l'existence millénaire de chaque village de la Puna. C'est pourquoi la phrase est simple et claire : l'eau vaut plus que le lithium. C'est aussi le soleil, notre soleil, qui ne peut être recouvert de nos mains.
Publié par Manuel Fontenia, Tierra Viva, le 18 mars 2024
Source : https://agenciatierraviva.com.ar/fallo-historico-comunidades-indigenas-y-asambleas-socioambientales-frenan-a-mineras-de-litio/
https://www.cdhal.org/decision-historique-les-communautes-indigenes-et-les-assemblees-socio-environnementales-arretent-les-compagnies-minieres-de-lithium/
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Alain Deneault : repenser l’écologie dans un monde en « polycrise »
De passage à Montréal pour le lancement de son nouveau livre sur l'économie de la pensée, Alain Deneault était l'invité des Amis du Monde Diplomatique pour une conférence à l'UQAM sur le thème de l'écologie. Pour l'occasion, il a ainsi abordé les enjeux écologiques et les possibilités d'agir dans un monde dit en polycrise. Il invite ainsi à réfléchir sur l'écoanxiété ou l'écoangoisse et à (re)penser un futur davantage respectueux du vivant par le biais de l'esthétique et de l'imagination, notamment via les biorégions.
Tiré du Journal des Alternatives
Par Théa Lombard -25 avril 2024
Dessin de la synthèse du Forum mondial sur l'entreprise et l'environnement , Oxford 2010, - @The Value Web Photo Gallery CC BY 2.0.
Théa Lombard, stagiaire à Alternatives et correspondante au journal
Pour Alain Deneault, l'écologie apparaît comme un enjeu politique et social actuel, nécessitant une réorganisation de nos moyens de consommation, de nos actions et de nos modes de pensées. Les dégradations et problèmes écologiques sont aujourd'hui multiples et investissent toutes les sphères de notre vie.
Déprime, écoanxiété et écoangoisse
La déprime, l'écoanxiété ou plutôt l'écoangoisse, comme le définit Alain Deneault, sont des réalités centrales en écologie contemporaine. Le vocabulaire dédié à cette thématique ne définit pas précisément les faits et les conséquences de cet enjeu. L'utilisation du terme anxiété semble davantage renvoyer à une médicalisation et pathologisation d'un phénomène commun, compte tenu du contexte actuel.
Préférant le terme écoangoisse, Alain Deneault définit cette dernière comme un signe de bonne santé mentale, par la conscience des phénomènes environnementaux et problèmes écologiques. L'écoangoisse n'est donc pas un problème individuel. Il s'agit d'un véritable enjeu public et commun, dans lequel les affects sont collectifs. L'écoangoisse s'accroît avec l'analyse des impacts environnementaux définis comme irrémédiables et irréparables. Il nous amène à une réflexion sur le vivant, sur notre place au sein de ce dernier et sur les futurs possibles.
Le dérèglement climatique apparaît comme un phénomène autonome et exponentiel, dans lequel nos possibilités d'agir semblent dérisoires. La réduction de la biodiversité accentue la vulnérabilité des êtres humains aux maladies circulant parmi les autres espèces animales, comme le Covid, et renvoie à ce qu'on partage en « commun » en santé avec les animaux. La conjoncture industrielle amène d'importants changements dans nos habitudes de consommation et de vie. La diversification des moyens utilisés pour exploiter les ressources de pétrole est source de contamination massive et de destruction, y compris de l'eau.
Le capitalisme participe à cette aggravation des crises sociales et environnementales, qui profitent à une minorité. Il renforce les disparités et accentue la richesse de puissances occidentales. Quant à la transition énergétique du capitalisme vert, elle utilise les infrastructures existantes pour les faire perdurer. L'informatisation des éoliennes, les panneaux voltaïques, les voitures électriques ne suffisent pas à renverser la balance et ne sont pas des solutions durables. Leur coût en minerais, notamment en lithium, amène d'autres conséquences écologiques et ne permet pas d'inscrire leur utilisation à long terme. Dans le système actuel, le développement durable n'est pas profitable à tous.tes et ne permet pas de se projeter à imaginer un futur davantage en accord avec les besoins écologiques et sociaux.
Comment penser la transformation écologique ?
La situation vécue actuellement est sans précédente et on ne dispose pas de points de comparaison dans le passé qui puissent nous faire penser au présent, mais aussi au futur. Il apparaît crucial de se fixer un objet, sur lequel rapporter la pensée et l'action écologique. Pour nous fixer un objet, nous devons utiliser aussi bien l'esthétique et l'imagination.
L'esthétique nous permet de représenter la situation, de créer des références concernant la crise actuelle écologique, par des fictions pouvant non seulement servir d'appui pour penser le présent, mais aussi penser le réel. La participation des artistes, écrivain.es, est donc nécessaire pour tenir compte de la complexité de la situation et permettre d'autres imaginaires. L'imagination nous permet de trouver des objets adaptés afin de sortir de l'écoangoisse, la canaliser et la mobiliser à bon escient pour l'utiliser en tant que moteur.
Les biorégions
Le concept de biorégion, apparu dans les 1970, en est un exemple. Objet politique à objectif régional, la biorégion donne à l'écologie les mêmes droits que le social, promouvant une politique à l'intérieur même du vivant, incluant les espèces et redéfinissant des rapports différents avec ces dernières et avec la nature.
La biorégion invite la créativité, la projection et l'inventivité. Elle amène à repenser les savoirs individuels. Plutôt qu'un projet, elle est un impératif historique, une nécessité plutôt qu'une option. En ville, la biorégion se pense par l'apparition d'écoquartiers, l'utilisation de cultures sur les toits. Les spécificités varient selon les villes, les climats, les ressources.
Pour Alain Deneault, elle n'est pas un nouveau modèle universel et permet une cohabitation avec d'autres structures politiques. La biorégion n'est ni parfaite ni utopique, des tensions, des manques et des combats restent présents.
L'écologie politique se veut radicalement démocratique, avec une prise en compte des savoirs scientifiques, mais également des savoirs et apprentissages davantage populaires et communautaires, pour penser l'écologie dans un monde en polycrise.
Alain Deneault est un philosophe québécois et docteur en philosophie de l'Université Paris-VIII. Actuellement enseignant au sein de l'Université de Moncton, il est également auteur de nombreux essais critiques, notamment sur les politiques canadiennes du secteur minier, les paradis fiscaux, les multinationales, l'idéologie ou l'écologie. https://alaindeneault.net/
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Réduire la production mondiale de plastique
Face aux évidences scientifiques qui s'accumulent, autant les pays du G7, que la majorité de ceux à la récente ronde du traité mondial de lutte contre la pollution plastique, ou s'est illustré l'Afrique, ont demandé une réduction de la production de plastique, source d'une pollution planétaire jugée maintenant catastrophique.
G7
Réunis à Turin en Italie, les pays du G7 ont affirmé le 30 avril, après deux jours de réunion, vouloir réduire la production mondiale de plastique pour enrayer la pollution planétaire qu'elle crée. Ils considèrent cette pollution « alarmante » et souhaitent y mettre fin avant 2040. C'était la première fois qu'ils s'engageaient à prendre des mesures si ambitieuses.
C'est que cette production mondiale a doublé en 20 ans pour atteindre 460 millions de tonnes par an et pourrait même tripler d'ici à 2060. Cette décision a été prise à la lumière des toutes dernières découvertes scientifiques, comme celles publiées le 25 avril dans la revue Science Advances, qui établit un lien direct entre la production des plastiques et la pollution qu'ils créent. À l'échelle de la planète, plus de la moitié des plastiques engendrant cette pollution serait créée par seulement 56 multinationales.
La délégation française conclut que « Le G7 reconnaît pour la première fois que le niveau de pollution plastique est insoutenable » et que son augmentation serait alarmante. À ce sujet, le ministre français de l'Environnement, Christophe Béchu, a dit que « La dissémination des plastiques dans tous les environnements est un phénomène relativement récent à l'échelle de l'histoire humaine, mais il semble déjà échapper à tout contrôle. » La principale solution mise de l'avant par l'industrie, soit le recyclage de ses produits, aurait été jugée insuffisante puisqu'il plafonne à 9 % à l'échelle planétaire. La très grande majorité de la production terminerait donc en déchets envahissant lentement toutes les régions de la Terre.
L'Afrique s'illustre
La volonté pour diminuer cette production plastique était beaucoup moins forte à la quatrième et avant-dernière phase de négociations pour arriver à un traité mondial de lutte contre la pollution plastique, qui se tenait du 23 au 29 avril à Ottawa. Deux blocs s'y sont affrontés. Face à une cinquantaine de pays faisant partie de la coalition dite de haute ambition qui voulait une limitation contraignante, se trouvait le lobby de l'industrie pétrochimique et des États dépendants des énergies fossiles tels la Russie, la Chine, l'Iran, l'Arabie saoudite et l'Inde. Ces pays du BRICS+ se sont opposés à la limitation de la production et à l'interdiction de certains produits chimiques désirés par des dizaines de pays du sud global.
Les pays africains étaient très nombreux dans cette coalition de haute ambition, coprésidée par le Rwanda et la Norvège. Le Malawi a milité pour l'adoption d'un texte demandant d'interdire les sacs en plastique. C'est que les 54 pays africains ne produisent que 5 % du plastique mondial, mais sont fortement affectés par toute sa pollution, y a fait remarquer la Kenyane responsable du Pan-African Plastics Project chez Greenpeace Africa, Hellen Kahaso Dena. Les déchets plastiques brûlés émettraient des polluants nocifs causant des problèmes respiratoires. Ceux jetés dans la nature augmenteraient la reproduction de moustiques porteurs de maladies. Le plastique s'accumulerait aussi dans les rivières et nuirait à l'écoulement de l'eau. Les rives de l'Île Maurice reçoivent continuellement des déchets plastiques portés par les courants marins. Bon nombre de ces pays ont déjà pris des mesures de protection. Au Madagascar, les sacs en plastique de moins de 0,05 millimètre d'épaisseur sont interdits depuis 2015. Le Rwanda a pour sa part interdit les plastiques à usage unique depuis 2019, et l'Afrique du Sud impose une taxe à l'achat.
Des conséquences néfastes
Le documentaire américain réalisé en 2023 : « We're All Plastic People Now », qui a reçu un Emmy, présente les récentes découvertes au sujet des conséquences de la pollution plastique. Une quinzaine de docteurs, spécialistes et environnementalistes y décrivent où elle en est rendue. Le poids des déchets plastiques sur la planète dépasserait actuellement celui de tous les animaux terrestres et marins combinés.
On y voit le Dr. Antonio Ragusa à la tête d'un groupe de chercheurs à Rome en Italie qui a découvert des micros plastiques dans le placenta humain. Les bouteilles en plastique d'eau et de soda seraient la principale source identifiée par laquelle ces micros plastiques entreraient dans l'organisme humain. Ce plastique inclurait des produits chimiques qui pourraient modifier le métabolisme de ceux qui les ingèrent.
À ce sujet, le professeur David A. Davis, du département de neurologie de l'université de Miami, à découvert que l'ingestion de plastique est corrélée avec la prise de poids. Les chercheurs auraient pu créer des souris obèses et d'autres minces à volonté en changeant la quantité de plastique qu'elles ingéraient.
Il y aurait actuellement des micros-plastiques dans l'eau des bouteilles de plastique, le sel de mer et même le système racinaire des plantes. Beaucoup de bébés ont déjà du plastique dans leur sang quand ils arrivent au monde. Nous vivons dans une expérience à laquelle nous n'avons pas consenti et dont nous souffrons des conséquences, conclut un chercheur.
L'ultime rencontre pour adopter un traité juridiquement contraignant avant la fin 2024, comme se sont engagés à le faire 175 pays en mars 2022, serait du 25 novembre au 1er décembre à Busan, en Corée du Sud. Plusieurs pays souhaitent profiter de la prochaine rencontre du G20 en octobre pour inciter les pays réfractaires à des mesures musclées de suivre la position du G7 pour réduire la production de plastique.
Michel Gourd
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La course aux métaux : écologiquement irresponsable
Les besoins en métaux de tous les secteurs industriels sont immenses. Le contrôle de leur production est devenu un enjeu géopolitique. L'exploitation minière devient un impératif d'intérêt public majeur.
Hebdo L'Anticapitaliste - 706 (02/05/2024)
Par Commission nationale écologie
Crédit Photo
Une femme congolaise nous présente un sachet de cassitérite qu'elle vient d'extraire dans une carrière située aux alentours de la ville-Abel Kavanagh. Monusco
Le capitalisme avait su rendre l'activité minière invisible en délocalisant la plupart des mines. Aujourd'hui, la relance minière (dans les anciennes mines) et l'industrialisation de nouveaux territoires remettent sur le devant de la scène leurs effets destructeurs.
L'extraction et la transformation de ressources naturelles — combustibles fossiles, métaux, biomasse, sable —contribuent à la triple crise de la nature, de la pollution et des déchets. Les impacts (au Sud) et les usages (au Nord) sont profondément inégalitaires.
La fuite en avant au nom de la transition
Mais groupes miniers et gouvernements ont écrit un nouveau récit justifiant cette ruée extractiviste ample et brutale. Réussir la « transition énergétique » nécessiterait une électrification complète de la société (voitures, batteries, éoliennes, panneaux photovoltaïques, des milliers de kilomètres de câbles) et une numérisation généralisée, baptisée « dématérialisation » : 5G, bientôt 6G, objets connectés (14 milliards vendus en 2022), smartphones (7 milliards d'humains en possèdent et les renouvellent tous les deux ans), développement irraisonné de l'« intelligence artificielle ».
Cette fuite en avant nécessite de gigantesques quantités de métaux (60 métaux rares dans un smartphone, 70 kg de matières nécessaires sur toute la vie de l'objet), la fabrication de « puces » (consommant et polluant plus de 200 litres d'eau par seconde), la circulation et le stockage des données dans des data centers (mobilisant eau et électricité pour les refroidir).
Les mines au secours du climat ?
« Des mines pour sauver la planète » est devenu le slogan d'une gigantesque opération de greenwashing ! Ce qui est en jeu, c'est la poursuite de la croissance de tous les secteurs industriels (aéronautique, armement, construction, transport, agrobusiness…). Leur prétendue « transition énergétique » devient le paravent qui masque la poursuite de la croissance capitaliste à tout prix !
Pour Célia Izoard qui vient de publier La ruée minière au XXIe siècle (1), « la mine est l'épicentre de l'accumulation par dépossession ». Les mines géantes dévorent à grande vitesse l'eau, l'air, la terre, la faune et la flore. « Pour les entreprises du secteur, les conflits environnementaux sont le principal facteur de risque de l'activité minière, bien loin devant la gestion de la main-d'œuvre ou les coûts de production ».
Pas de mines responsables
Symbole du capitalisme extractiviste et colonial, l'activité minière est aujourd'hui le lieu d'une opération de mystification. L'ouverture de mines en Europe ne ralentira pas le développement de mines ailleurs.
De « meilleures » normes environnementales n'empêcheront ni les lacs de résidus miniers, ni la pollution ou la contamination des eaux, ni les sécheresses ou les atteintes à la biodiversité. Il n'y aura pas de mines durables et responsables.
Électrifier le système énergétique mondial, numériser nos vies ne supprimera pas les émissions de carbone, au contraire. Réduire notre dépendance aux métaux est aussi indispensable qu'abandonner les énergies fossiles.
« On ne peut miser sur les énergies renouvelables qu'en réduisant drastiquement la production et la consommation. Et cela nécessite des bouleversements majeurs que les élites du capitalisme mondialisé refusent de faire. »
1. Célia Izoard, La ruée minière au XXIe siècle, Enquête sur les métaux à l'ère de la transition, Éditions du Seuil, 2024.
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Le rapprochement de la Russie et de l’Afrique : un feu d’artifice éphémère
Lorsqu'on observe de près ces expressions d'enthousiasme pour Moscou dans la jeunesse africaine, il faut relever qu'ils n'expriment guère d'appétence pour la Russie de Poutine, la culture slave ou les standards de vie de la Russie contemporaine. La diplomatie est par excellence l'espace des affaires humaines où les symboles et les imaginaires sont parfois bien plus parlants que les postures politiques.
Tiré de MondAfrique.
À l'annonce de la chute du lieutenant-colonel Paul Henri Damiba, fin septembre 2022 dans les rues de Ouagadougou, des jeunes en liesse célèbrent la prise de pouvoir du jeune capitaine Ibrahim Traoré. Des rumeurs infondées font état d'une tentative de restauration du pouvoir déchu par la France. Au milieu des manifestants sont brandis des drapeaux russes comme signes de défiance envers l'ancienne puissance coloniale et de rapprochement envers Moscou.
Quelques mois plus tard, les troupes françaises partiront du Burkina Faso et le nouvel homme fort fera un voyage très remarqué à Moscou lors du deuxième sommet Russie-Afrique qui s'est tenu à Saint-Pétersbourg les 27 et 28 juillet 2023. À son retour au pays, il sera célébré dans les rues de Ouagadougou pour son propos souverainiste fort remarqué sur l'urgence, pour les États africains, d'assurer par eux-mêmes leur sécurité alimentaire.
Après Bamako et Bangui, une russophilie jusqu'alors discrète, ou cantonnée à l'espace virtuel des réseaux sociaux, bat désormais et ostensiblement le pavé. Ces drapeaux russes ne sont assurément pas sortis des chaumières de façon spontanée. On se croirait revenu dans certaines capitales africaines pro-soviétiques, lorsque certains régimes marxistes prononçaient de sévères réquisitoires contre le néocolonialisme ou l'impérialisme occidental. Même si le monde de Poutine n'est pas celui de Brejnev ou de Khrouchtchev.
La structuration des imaginaires
Pour ceux qui suivent avec grande attention les débats géopolitiques en Afrique subsaharienne, notamment dans les anciennes colonies françaises, la Russie a effectué un travail patient et souterrain de structuration des imaginaires au sein des jeunes générations, à travers des médias à forte audience et de puissants relais dans les réseaux sociaux. Maniant parfois sans vergogne affabulations et approximations, ces campagnes médiatiques n'hésitent pas à installer l'idée selon laquelle c'est par le seul fait d'une France néocoloniale que ses anciennes colonies demeurent dans les chaînes du sous-développement, précisément les États membres de la zone “franc”, alors que la Russie se targue de n'avoir jamais colonisé l'Afrique.
Une rhétorique dont Evgueni Prigojine était le porte-voix inégalable, servi par sa gouaille et son aplomb singulier.
Giorgia Meloni, un soutien de poids
Dans cette bataille du soft power dans le pré carré français, la Russie de Poutine aura bénéficié du soutien inespéré d'un allié de poids, à savoir l'Italie de la Première ministre Giorgia Meloni. Au plus fort de la déferlante de migrants sur les côtes italiennes, on se souvient de la sortie virulente du ministre italien des Affaires étrangères contre la France qu'il accusa de contraindre les Africains à l'émigration massive vers l'Europe, parce qu'elle rendait impossible dans leurs pays tout développement endogène, en ponctionnant leurs richesses par le biais de la monnaie néocoloniale qu'est le franc CFA.
Face à l'offensive de Moscou pour le contrôle des cœurs et des imaginaires en Afrique, les diplomaties européennes sont longtemps restées sur la défensive, voire atones, jusqu'à ce que la guerre en Ukraine vienne ramener le continent africain au centre de leurs priorités géostratégiques.
Ce tropisme russe, qui fait florès dans certaines capitales africaines, ne manque pas de susciter quelques questionnements. Durera-t-il le temps d'un effet de mode ou pourrait-on y voir un positionnement géopolitique de long terme pour ces pays d'Afrique ?
Pour s'en tenir à l'actualité immédiate, les récents attentats de Moscou, en pleine guerre avec l'Ukraine et l'OTAN, sont venus écorner la réputation d'invulnérabilité de la Russie. Or, la Russie de Poutine, dans son déploiement tous azimuts en Afrique depuis plus d'une décennie, a fait de son parapluie sécuritaire le signe distinctif de son efficacité et de sa capacité à sécuriser ses États partenaires d'Afrique. L'attentat qui a frappé fin mars le centre névralgique du pouvoir de Moscou pourrait instiller des doutes dans les esprits en Afrique, à l'instar des attentats de masse dont le Burkina Faso est actuellement le théâtre, en dépit de l'appui des forces recyclées du groupe Wagner.
Le manque d'appétence pour la Russie
Combien d'Africains, jeunes ou moins jeunes, choisiraient un visa pour Moscou si une proposition similaire leur était faite pour Paris, Berlin, ou Rome ? Il va de soi que la file d'attente devant les représentations consulaires de l'Union européenne serait interminable. Le socle historique et culturel des liens entre l'Europe et l'Afrique, fait de brassages des hommes et des cultures, est un capital anthropologique que les antagonismes géopolitiques actuels ou passés n'ont pas effacé. Avec le temps, ils se sont même renforcés.
Entre les sociétés africaine et européenne, y compris au niveau des formations politiques, ne cessent de se construire des ponts, des passerelles, que n'entament guère les divergences de vue au sommet des États. Lors des récents débats en France sur la récente loi immigration, dont certaines dispositions étaient jugées discriminatoires à l'endroit des étudiants originaires d'Afrique subsaharienne francophone ou des travailleurs de cette région d'Afrique installés en France, de vives protestations se sont élevées au sein de certaines formations politiques, dans la société civile, y compris au sein des universités, des milieux artistiques, de leaders d'opinion.
Des mouvements progressistes audibles en Europe
S'agissant de la conduite des affaires politiques dans les anciennes colonies françaises d'Afrique subsaharienne, si des ingérences sont parfois à déplorer ou des connivences coupables comme la Françafrique, il faut également se réjouir que les mouvements progressistes en Afrique ont paradoxalement trouvé au sein de cette même Europe des voix, des consciences éminentes et progressistes qui ont soutenu et soutiennent encore leurs combats pour l'émancipation des peuples africains. C'est sur ces acquis de l'histoire, en dépit des drames du passé, que les classes dirigeantes actuelles et futures en Europe devraient s'appuyer pour refonder durablement la relation entre ces deux espaces de civilisation.
La Russie ne peut guère se prévaloir, sur le long terme, d'un capital historique aussi solide, qui permettrait de considérer la russophilie actuelle comme une lame de fond qui déboucherait sur une tectonique des plaques dans cette bataille géopolitique dont l'Afrique est actuellement le théâtre.
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Au Soudan, la ville d’El-Fasher “au bord d’un massacre à grande échelle”
Dans la guerre que se mènent l'armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (RSF), la ville d'El-Fasher joue un rôle central. Sa conquête assurerait au groupe paramilitaire le contrôle total du Darfour, au risque d'un massacre d'ampleur.
Tiré de Courrier international.
Elle est la dernière ville du Darfour encore tenue par l'armée soudanaise du chef d'État de facto, le général Abdel Fattah Al-Burhan. Dans la guerre qui oppose cette dernière aux Forces de soutien rapide (RSF), la ville d'El-Fasher tient lieu de dernier bastion à conquérir par la milice armée dirigée par le général Mohamed Hamdane Dagalo, dit “Hemeti”. Un an après le début du conflit, El-Fasher est l'épicentre du conflit meurtrier qui a déjà déplacé plus de huit millions de personnes.
Le sort de cette ville assiégée inquiète l'ONU et Washington, qui avertissent contre les conséquences de son assaut par le groupe paramilitaire. Selon The New York Times, l'ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, a annoncé ce 28 avril que la ville était “au bord d'un massacre à grande échelle”.
De son côté l'ONU appelle à la retenue les acteurs armés à El-Fasher et s'inquiète “des informations de plus en plus alarmantes [qui] font état d'une escalade dramatique des tensions”.
Le site Middle East Eye, dans son édition française, rapporte quant à lui les analyses de spécialistes qui estiment que le siège de la ville, entamé le 14 avril, pourrait entraîner un massacre, avec “des pertes à l'échelle de Hiroshima et de Nagasaki”. Les bombes atomiques américaines qui ont explosé au-dessus des deux villes japonaises en août 1945 avaient tué environ 215 000 personnes.
Population prise en otage
En cas d'attaque des RSF, la capitale de l'État du Darfour du Nord, qui compte environ 1,8 million de civils, pourrait même devenir une “zone de mise à mort”, préviennent les experts dans Middle East Eye. La ville est déjà sous blocus, les RSF contrôlant toutes les routes qui y mènent et pillent les marchandises susceptibles d'être livrées en ville. El-Fasher a d'ores et déjà faim et soif et manque cruellement de médicaments.
Si les RSF pillent ces marchandises, de son côté, l'armée soudanaise a interdit, selon des responsables américains et onusiens, aux Nations unies de faire passer de l'aide via le Tchad voisin, à l'exception d'un seul poste-frontière. Autrement dit, la population civile de la ville se trouve coincée entre ces deux forces armées ennemies.
L'inquiétude est d'autant plus vive que le précédent de la ville d'El-Geneina, dans l'ouest du Darfour, reste encore dans les mémoires. The New York Times rappelle qu'en octobre dernier, l'avancée des RSF et leur conquête de la ville s'étaient accompagnées d'exactions ethniques contre les populations civiles qui avaient causé la mort de 10 000 à 15 000 civils, selon les estimations de l'ONU. La plupart des victimes appartenaient à des groupes ethniques ciblés depuis longtemps par les Forces de soutien rapide, à majorité arabes.
El-Fasher constitue le dernier verrou pour un contrôle total, par les RSF, du Darfour, note le quotidien américain. La milice armée avait envahi la région à la fin de l'année 2023 et tient désormais quatre des cinq principales villes de la zone. La conquête d'El-Fasher assurerait alors à la milice, poursuit le journal new-yorkais, la maîtrise d'environ un tiers du territoire du Soudan, ce qui constituerait une bascule importante dans le conflit.
Plus encore, le scénario libyen tant redouté, soit une scission du Soudan en fiefs rivaux dirigés par des seigneurs de la guerre, apparaîtrait de plus en plus plausible.
Courrier international
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L’Ethiopie réprime une marche de réfugié·e·s soudanais·e·s en quête de sécurité
Mercredi 1er mai, 8 000 réfugié·e·s soudanais·e·s vivant dans les camps de Komar et Olala à la frontière soudano-éthiopienne ont décidé de se rendre à pied dans la ville éthiopienne la plus proche, fuyant l'insécurité et les mauvaises conditions de vie dans les camps. La marche a été réprimée par la police éthiopienne, et les réfugié·e·s attendent toujours des solutions.
Tiré du blogue de l'auteur.
Depuis le début de la guerre au Soudan en avril 2023, plus de 1,6 million de Soudanais·e·s ont fui leur pays. Environ 33 000 d'entre ell·eux ont trouvé refuge en Éthiopie. Les camps de Komar et Olala à la frontière soudano-ethiopienne accueillent des dizaines de milliers de réfugié·e·s qui fuient les combats dans leur pays d'origine. Ces camps de transit a été mis en place par le Service Gouvernemental des Réfugiés et Retournés d'Ethiopie, et le Haut Commissariat aux Réfugiés de l'ONU (HCR).
Ces derniers temps, selon les habitant·e·s, les conditions de vie dans le camp se sont considérablement dégradées, avec une absence de services de santé. Un habitant rapporte qu'il y a eu plus de 15 accouchements ces dernières semaines sans assistance médicale, dans des conditions catastrophiques. Le HCR a reconnu dans une déclaration de presse que les conditions de vie dans le camp étaient "très difficiles".
Les habitant·e·s des camps de Komar et Olala ont également été victimes de nombreuses attaques par des milices locales de la région d'Amhara. Ces milices s'opposent à l'armée fédérale depuis plus d'un an dans la région, dans un conflit qui a fait au moins 200 mort·e·s l'année dernière, selon l'ONU. Ces dernières semaines, une série d'attaques de milices ont été menées contre les habitant·e·s du camp. Un habitant de Komar a été blessé par balle et hospitalisé.
Mercredi 1er mai, à 5 heures du matin, entre 7 000 et 8 000 réfugié·e·s ont décidé de quitter le camp et de se rendre à pied dans la ville de Gondar, la capitale régionale située à 120 kilomètres. Ils et elles voulaient se rendre au bureau du HCR, pour demander l'accès à un lieu de vie sécurisé. Dans une vidéo filmée par les réfugié·e·s en marche, l'un d'entre eux explique : "Nous en avons assez de ces problèmes de sécurité et de ces violations. Nous avons décidé de sortir et de chercher un endroit sécurisé, un refuge".
Mais à peine 3 kilomètres après le départ de la marche, leur progression a été stoppée par les forces de la police fédérale éthiopienne. Certaines personnes ont été arrêtées et détenues par les autorités éthiopiennes, les autres sont simplement bloquées sur la route depuis plusieurs jours. Dans une vidéo filmée sur place, l'un des réfugié·e·s exprime sa colère contre le gouvernement éthiopien : "Il y a des noms qui sont apparus sur la liste des personnes recherchées, juste parce qu'ils ont participé à une réunion. La police menace la sécurité de certains individus, alors que c'est justement un des problèmes qui nous poussent à partir. Le gouvernement utilise la violence contre les réfugiés, et bloque l'accès à certaines ressources, ils empêchent qu'on ait accès à de l'eau et à de la nourriture."
L'endroit où le cortège a été arrêté se trouve au cœur de la zone en proie à l'insécurité et aux conflits armés. Les réfugié·e·s bloqué·e·s se retrouvent ainsi obligé·e·s de camper en pleine nature, encore plus exposé·e·s que dans les camps qu'ils et elles ont quitté. Un d'entre eux raconte : "Hier, il y a eu des tirs qui ont créé un état de peur, il y a aussi eu une attaque de la part des milices contre le campement, mais quand les gens ont commencé à crier, ils sont partis. Au moment où on parle, tout peut arriver, parce que nous on a nulle part où aller, on n'est pas protégés, donc ils peuvent nous attaquer à tout moment."
Les Soudanais·e·s résidant à d'autres endroits du territoire éthiopien ont protesté contre cette répression disproportionnée des autorités éthiopienne face à une simple demande de protection. Sur les réseaux sociaux, des militant·e·s soudanais·e·s de la plate-forme "Darfour Victim Support" pointent du doigt : "les politiques discriminatoires mises en place par le gouvernement éthiopien à l'encontre des réfugié-e-s soudanais-e-s, par exemple l'interdiction d'accès au territoire éthiopien et la contrainte de résider dans des zones où la sécurité et les services de base font défaut".
Un des réfugié·e·s bloqué·e·s note également l'injustice liée à l'invisibilité de leur situation : "On ne se sent pas du tout en sécurité, et je pose la question au monde entier : pourquoi le monde n'est pas solidaire avec nous, comme ils sont solidaires avec d'autres peuples, comme le peuple ukrainien ?"
Le porte-parole du gouvernement éthiopien, l'administration régionale d'Amhara, la police fédérale n'ont pas fait de déclaration aux médias. Le HCR a reconnu à l'agence de presse Reuters que : "les raisons pour lesquelles ces personnes ont quitté le camp est parce qu'elles ne s'y sentaient pas en sécurité". Dans les vidéos filmées par les réfugié·e·s, cell·eux-ci disent toujours attendre une réponse du HCR et du gouvernement pour régler leur situation.
– Équipe de Sudfa (en collaboration avec des militant·e·s soudanais·e·s en Éthiopie)
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Le socialisme est-il interdit ? Le Mouvement socialiste russe a été reconnu comme « agent étranger »
Le 5 avril 2024, le Mouvement socialiste russe a été déclaré "agent étranger". Quel a été son rôle dans la politique de gauche russe ? Quelle est la raison de son statut d'"agent étranger" ? Avec ses membres, Posle.media rappelle l'histoire du mouvement au cours de la dernière décennie.
3 mai 2024 | tiré d'Arguments pour la l utte sociale
https://aplutsoc.org/2024/05/03/le-socialisme-est-il-interdit-le-mouvement-socialiste-russe-a-ete-reconnu-comme-agent-etranger/comment-page-1/
Le 5 avril 2024, le Mouvement socialiste russe (RSM) a été déclaré "agent étranger". C'est la première fois que les autorités russes interdisent de facto une organisation de gauche : il est évident que la loi oppressive et antidémocratique de Poutine élimine toute possibilité d'activité politique sous ce nom. Toutefois, si nous considérons le statut d'agent étranger comme une sorte de reconnaissance par le régime, il est bien mérité. Au cours de ses 13 années d'existence, le RSM s'est constamment opposé à l'agression militaire, à la dictature et à la privation des droits de la majorité des travailleurs. L'équipe de Posle.media s'est entretenue avec trois membres de l'organisation afin de retracer les étapes de son évolution, qui reflète à bien des égards l'histoire politique de la Russie au cours de la dernière décennie.
Ilya Budraitskis, philosophe politique et historien
Le congrès fondateur du Mouvement socialiste russe s'est tenu au printemps 2011. Il a précédé les événements politiques décisifs qui allaient changer le cours de l'histoire du pays : Poutine a annoncé son retour à la présidence en septembre et, en décembre, les manifestations de la place Bolotnaïa ont commencé à Moscou. Il est emblématique que le congrès de la nouvelle organisation fusionnant plusieurs groupes socialistes en un seul ait été accueilli par le Centre Sakharov, finalement fermé par les autorités.
Le manifeste du RSM, adopté lors du congrès, stipulait ce qui suit : "La gauche russe s'est retrouvée dans une situation où la crise du système politique s'aggrave et où la demande d'une alternative politique se fait de plus en plus pressante au sein de la société. Ainsi, le mouvement nouvellement créé ne revendiquait pas la possession exclusive d'un véritable programme révolutionnaire, pas plus qu'il ne considérait sa propre construction organisationnelle comme une fin en soi. Notre objectif était d'initier le processus de création d'une large coalition de gauche qui, à l'avenir, deviendra un pôle socialiste indépendant d'un large mouvement d'opposition. Cette analyse a été confirmée par ce qui a suivi peu de temps après.
Le RSM était représenté par une grande colonne lors de la première manifestation massive sur la place Bolotnaya le 10 décembre 2011, et une édition spéciale de notre journal a été publiée dans les minutes qui ont suivi. Dans les mois qui ont suivi, le RSM a participé activement à tous les événements clés du mouvement de protestation en pleine évolution : des membres de l'organisation ont pris la parole lors de rassemblements à Moscou et à Saint-Pétersbourg ; nous avons imprimé un journal quotidien pendant les deux semaines du célèbre "Occupy Abai", participé aux élections du Conseil de coordination de l'opposition, et même fait des incursions militantes dans les rassemblements de soutien à Poutine (qui étaient alors, comme aujourd'hui, largement fréquentés par des employés contraints du secteur public). La composition de notre organisation a beaucoup changé pendant cette période : dans la foulée des manifestations, de nombreux nouveaux camarades nous ont rejoints, tandis que d'anciens ont quitté l'organisation, peu convaincus par les tactiques de participation active au mouvement de masse démocratique. Notre position selon laquelle la lutte pour le changement social est inséparable de la lutte pour les droits démocratiques fondamentaux se démarquait déjà de l'arrière-plan des groupes staliniens et dogmatiques qui sous-estimaient le risque de succomber à une dictature pure et simple.
Après l'annexion de la Crimée et l'implication de la Russie dans le Donbas, le RSM s'est opposé sans équivoque au jeu impérial du régime de Poutine, dont les victimes n'étaient pas seulement des Ukrainiens, mais aussi des Russes ordinaires. Lors de la marche contre la guerre à Moscou au printemps 2014, la colonne du RSM a défilé sous une banderole où l'on pouvait lire "Le peuple paie toujours la guerre" : un slogan qui sonne encore plus juste aujourd'hui, dans la troisième année d'une guerre totale qui a fait des centaines de milliers de morts. En 2014-2015, alors que les autorités attisaient l'hystérie chauvine, le RSM n'a pas eu peur d'aller à contre-courant et n'a cessé de répéter son message : "l'ennemi principal est au Kremlin".
Kirill Medvedev, poète, traducteur et musicien
L'année 2017 a marqué un tournant municipal et électoral pour le RSM. Nous avons participé aux élections municipales à Moscou en 2017 et rejoint la campagne de Sergei Tsukasov pour la Douma de la ville de Moscou. Démocrate de gauche avec plusieurs années d'expérience en politique locale, Tsukasov était à l'époque le président du conseil local d'Ostankino, contrôlé par l'opposition. Sergei était soutenu par le Parti communiste de la Fédération de Russie (PCFR) et avait de bonnes chances de l'emporter. C'est pourquoi, juste avant le jour du scrutin, il a été écarté de la course pour des motifs inventés de toutes pièces. Nous avons organisé de grands rassemblements à Moscou pour exiger que lui et les autres candidats de l'opposition retirés soient réintégrés. Finalement, la campagne de Sergei a soutenu le candidat du parti Iabloko qui a transformé ces efforts consolidés en une victoire sur son adversaire soutenu par le gouvernement. Il s'agit là d'un bon exemple de coopération au sein de l'opposition dans le district. Depuis lors, nous avons participé à des actions militantes locales à Ostankino.
En 2021, nous avons rejoint la campagne de Mikhail Lobanov pour la Douma de la ville de Moscou. Nos militants ont participé à diverses activités, de la préparation de l'ordre du jour à la rédaction des journaux locaux, en passant par le travail sur le terrain. La campagne de Lobanov a prouvé qu'un socialiste qui a rassemblé plusieurs personnes partageant les mêmes idées dans sa campagne peut devenir un leader qui unit l'opposition dans son ensemble dans une immense circonscription d'un million d'habitants. Nous avons travaillé avec d'autres hommes politiques de gauche, par exemple Vitaly Bovar à Saint-Pétersbourg, et nous avons désigné nos propres candidats, par exemple Kirill Shumikhin à Izhevsk. En 2022, nous avons soutenu l'initiative Vydvizhenie ("Nomination").
Les élections sont l'occasion de travailler sur un projet avec un calendrier et des résultats réalisables. Il s'agit d'une expérience nécessaire pour les groupes de gauche, qui opèrent généralement dans l'urgence, en essayant de répondre aux initiatives bien planifiées et dotées de ressources suffisantes des autorités. En outre, les élections sont l'occasion d'entrer en contact avec les habitants qui, malgré une dépolitisation massive, font davantage confiance et s'intéressent davantage à un candidat et à sa campagne qu'à des activistes extérieurs dont les objectifs et les motivations sont le plus souvent perçus comme flous et suspects.
Devenir un homme politique, se présenter aux élections et se battre pour représenter le peuple est une décision personnelle, un choix de vie sérieux qui est généralement irréversible. Les organisations de gauche russes ne produisent pratiquement jamais d'hommes politiques. Les gens les rejoignent à la recherche d'autre chose : une identité de groupe, une lutte collective pour un grand programme révolutionnaire. Les enjeux élevés en l'absence de moyens adéquats conduisent souvent à l'épuisement et à la déception.
C'est pourquoi il est si important que les politiciens de gauche, qui ont une expérience pratique des élections et des médias, collaborent avec les groupes d'activistes, qui ont des horizons théoriques, historiques et idéologiques. Les élections sont la principale plateforme pour une telle coopération et nous devrons continuer à le faire d'une manière ou d'une autre, mais bien sûr, ce n'est pas une fin en soi. Le résultat devrait être la formation d'un environnement commun et, en fin de compte, d'une organisation qui rassemble des politiciens, des militants et des experts ; ceux qui ont bénéficié de la coopération avec le CPRF et ceux qui ont toujours été déterminés à créer une infrastructure alternative de gauche. La guerre à grande échelle a perturbé de nombreux plans, mais elle a également accéléré la consolidation de forces de gauche saines - anti-guerre et démocratiques. Le RSM a toujours été à l'avant-garde de ce processus et y joue aujourd'hui un rôle particulier.
Sasha Davydova, activiste du RSM
Le jour où l'invasion de l'Ukraine a commencé, les membres du RSM sont descendus dans la rue pour protester contre la guerre. Je me souviens que nous avons imprimé à la hâte des tracts pour les distribuer dans les rues et que nous avons tenu des piquets de grève solitaires. Certains ont été arrêtés. Les manifestations sont terminées aujourd'hui, mais ce jour-là, il était déjà évident que la guerre changeait radicalement la donne. Les changements politiques du système plaçaient toute action politique organisée dans un cadre plus répressif que jamais.
Nous avons été contraints de nous adapter à la nouvelle réalité de la législation en temps de guerre, au sein de laquelle nous devions exister. Depuis le 24 février, nos priorités se sont déplacées vers la sécurité, la non compromission de nos camarades et la préservation de l'organisation. La question s'est posée de savoir comment agir, mais le RSM est resté fidèle à lui-même pendant la guerre. Les membres et les participants du mouvement ont fait le choix de quitter la Russie ou non, mais la plupart d'entre eux sont restés dans l'activisme.
Le RSM s'est développé en tant que média de gauche depuis 2022, et notre programme s'est également élargi. Nous avons commencé à réfléchir et à parler plus souvent de décolonialité pour tenter de faire évoluer le discours de l'opposition dans son ensemble vers la gauche. Nous avons poursuivi nos efforts dans le domaine des syndicats et soutenu les syndicats indépendants. Nos activistes se sont fait entendre pour faire avancer l'agenda social féministe : nous avons créé un zine sur la maternité, organisé des actions contre la violence de genre et fait campagne contre les attaques conservatrices sur l'autonomie corporelle des femmes. Dans le domaine de l'éducation, le RSM a organisé des écoles pour les sympathisants et des groupes de lecture. Nous avons fait de notre mieux pour ne pas rester isolés et repliés sur nous-mêmes, en cherchant plutôt à faire évoluer le discours d'opposition vers un démocratisme de gauche. Ainsi, nous avons dénoncé les inégalités flagrantes, écrit sur les grèves et les violations des droits des travailleurs, fait campagne contre la violence de l'ultra-droite, etc.
Dans différentes villes, nous avons également conclu des alliances horizontales avec d'autres initiatives et organisations, par exemple pour collecter des fonds en faveur des femmes et des prisonniers russes ou pour écrire des lettres aux prisonniers politiques. À Saint-Pétersbourg, nous avons continué à participer à des campagnes contre l'embourgeoisement et le développement immobilier dans les zones vertes.
Le RSM a noué des liens de solidarité internationale avec des organisations de gauche à l'étranger. En dehors de la Russie, les militants pouvaient se permettre de défiler ouvertement avec des slogans contre l'impérialisme, de s'aligner sur les syndicats le 1er mai, d'organiser des manifestations antifascistes et des actions de solidarité avec les prisonniers politiques russes.
Mais c'est la campagne "Monde juste" menée pendant les "élections" présidentielles qui a apporté la vengeance sous la forme d'un statut d'"agent étranger". Il s'agissait à la fois d'une campagne contre tous les candidats et d'un programme socialiste minimum qui a réuni la gauche en une coalition (et l'union de la gauche est un succès en soi). La campagne pour un monde juste a combiné une action politique légale et une campagne active sur le terrain qui a évité l'erreur de légitimer les soi-disant élections, qui ont été complètement mises en scène par le Kremlin. Je pense que leur résultat montre que notre position s'est avérée la meilleure possible, car un pari sur l'un des faux candidats (Davankov en particulier) ne pourrait jamais être l'expression d'une protestation. La campagne Just World avait pour but d'unir et de politiser les voix de ceux qui réclament la paix, l'égalité et la justice. Ce potentiel ne sera pas perdu.
Publié par Poste.media,
Dans https://posle.media/language/en/socialism-outlawed/
Traduit avec deepl.
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Argentine - « Le programme de Milei est une offensive contre les femmes et les personnes LGBTQI+ »
Suite à l'élection de Javier Milei, les attaques contre les droits des femmes et les minorités de genre se multiplient dans un pays où le mouvement féministe est particulièrement puissant et présent dans l'administration étatique.
Tiré de la revue Contretemps
30 avril 2024
Par Sabrina Cartabia et Paula Lenguita
Ces attaques sont institutionnelles et structurelles : la disparition du ministère des Droits des femmes en témoigne. Elles prennent aussi la forme d'agressions physiques et sexuelles contre les femmes, les minorités de genre et celles qui militent au sein des associations des droits humains pour la reconnaissance des crimes commis pendant la dictature.
L'une des dernières en date a été commise juste avant la manifestation du 24 mars – date du coup d'État de 1976 commémoré chaque année par une marche – contre une militante de l'association d'enfants de victimes de la dictature H.I.J.O.S, agressée à son domicile par un groupe qui a signé son crime en inscrivant sur le mur le slogan de Milei : VLLC (Viva la libertad carajo, « Vive la liberté putain »).
Peu de temps après l'élection de Milei, en janvier dernier, nous avons recueilli les points de vue de deux intellectuelles féministes, engagées dans le mouvement social et/ou les institutions. Sabrina Cartabia est avocate et conseillère au ministère des Femmes et de la Diversité de la province de Buenos Aires. Paula Lenguita est sociologue, professeure à l'Université de Buenos Aires.
Elles abordent les effets directs et indirects de la politique de Milei sur l'égalité de genre, en lien avec les autres enjeux de son programme : l'approfondissement des inégalités sociales et la destruction des services publics, parmi lesquels l'éducation et l'Université, pour la défense de laquelle une marche a été organisée ce 23 avril 2024.
***
Contretemps (C.) et Mouvements (M.) – Pouvez-vous revenir sur les éléments du programme de Milei qui sont défavorables aux femmes et aux personnes LGBTIQ+ ?
Paula Lenguita (PL) – Le programme d'action politique du parti fondé par Javier Milei, La Libertad Avanza, ne fait aucune référence explicite aux femmes ou aux personnes LGBTIQ+ parce qu'il ne reconnaît pas les discriminations ou les inégalités auxquelles ielles sont confronté·es. Plus encore, il est critique de la promotion de politiques de discrimination positive, parce qu'il considère qu'elles génèrent des discriminations contraires à l'égalité devant la loi.
Cependant, cette pensée politique de Javier Milei connaît aussi des variations. Par exemple, lorsqu'il a été invité à la clôture du festival du parti d'extrême droite espagnol, Vox, en octobre 2022, il s'est positionné dans la lutte contre le « zurderío », un terme péjoratif qu'il utilise souvent pour parler de la gauche politique [« les gauchistes »]. À cette occasion, il a proclamé que cette confrontation suppose que « ce n'est pas le temps des tièdes », et a développé l'argument selon lequel « nous les libéraux sommes supérieurs productivement, nous sommes supérieurs moralement ». Une conception suprématiste qui s'est modérée avec le triomphe électoral, lorsqu'à la clôture de l'élection présidentielle, le 22 octobre 2023, il a parlé en faveur de la « gente de bien » (les gens respectables). Plus récemment, lors de la conférence de Davos, il a rejoué ce scénario du « berger du néolibéralisme », dans une position qui ne se comprend qu'en opposition à un large éventail de positions politiques. Se considérant contre un dénominateur commun qu'il appelle le « collectivisme ».
Dans la cartographie de l'activisme anti-droits (« anti-derechos »)[1], Milei s'oppose explicitement aux politiques de discrimination positive et d'égalité des genres, et il est farouchement opposé aux droits reproductifs. Selon lui, ce sont des instruments qui faussent ce qu'il considère comme l'égalité devant la loi, c'est pourquoi l'une des premières mesures qu'il a souhaité prendre est la suppression du ministère des Femmes, du Genre et de la Diversité, créé en 2019. Cependant, l'abandon de cet engagement de l'État à protéger les droits des femmes et des personnes des minorités de genre [de la « dissidence sexuelle », terme utilisée en Amérique latine pour les personnes LGBTIQ+ ] en matière de violences et de discriminations sera un recul significatif. À plusieurs reprises au cours de la campagne, il a déclaré qu'il s'opposerait à la « politique de l'identité », que l'État n'a pas à financer. Il a également déclaré qu'il supprimerait l'obligation d'éducation sexuelle, car il s'agit d'un domaine où seule la famille pourrait décider, et non l'État. Il a enfin mentionné son intention de soumettre à un référendum l'abrogation de la législation actuelle sur l'interruption volontaire de grossesse, obtenue à la fin de 2020, et ce, même si c'est une initiative anticonstitutionnelle ; car en Argentine, il n'est pas possible de soumettre au vote public l'abrogation de la législation pénale.
Sabrina Cartabia (SB) – Le programme de Milei est défavorable aux femmes et aux personnes LGBTQI+ aux niveaux idéologiques, économiques et institutionnels.
D'un point de vue idéologique, c'est un programme conservateur qui est proposé : ramener la société argentine au début du XIXe siècle. Par exemple, un député de ce groupe a proposé que les hommes puissent avoir le droit de renoncer à leur paternité afin de ne pas être responsables des tâches de soins ou de ne pas payer la pension alimentaire, ce qui nous ramènerait à une situation de discrimination structurelle entre les enfants nés en-dehors ou dans le cadre du mariage. Cette proposition a été faite au moment où le mouvement des femmes a réussi à mettre sur la table du débat public le non-respect du paiement des pensions alimentaires comme un problème qui nécessite une intervention plus efficace de l'État, puisque près de7 pères sur 10 ne remplissent pas leurs obligations, surchargeant ainsi les mères et appauvrissant les enfants lorsque les couples se séparent. Cette offensive idéologique favorise les discours de violence et génère un sentiment d'impunité qui se reflète dans la vie quotidienne des femmes et des personnes LGBTIQ+ , qui ne sont pas considérées comme des personnes ayant des droits, mais comme des citoyen·nes de seconde zone. Dans le même temps, l'offensive idéologique se déploie au niveau institutionnel avec la disparition et l'amputation de domaines d'action publique clés pour le développement de politiques d'égalité entre les femmes et les hommes.
Enfin, sur le plan économique, la déréglementation et la réduction des dépenses proposées par Milei dans le cadre d'un plan d'austérité extrême touchent principalement les classes moyennes et populaires. Les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes LGBTIQ+ sont particulièrement vulnérables aux conséquences de ces politiques d'austérité sur leur vie quotidienne. Aujourd'hui, ielles se trouvent déjà dans une situation critique, avec des niveaux d'endettement élevés pour garantir leur simple subsistance. L'inflation devrait augmenter fortement, rendant l'accès à la nourriture très difficile, tandis que la dérégulation des loyers laissera de nombreuses personnes à la rue. La récession économique sera particulièrement ressentie par celles et ceux qui ont besoin de l'aide de l'État pour survivre. Milei affirme que la justice sociale est un vol et qu'elle devrait disparaître. Or la responsabilité du soin des autres, qui incombe presque exclusivement aux femmes, les empêche d'atteindre l'autonomie économique car elles sont cantonnées dans des emplois mal rémunérés et leur formation à de meilleurs emplois est entravée.
C. & M. – Depuis son élection, des attaques contre les femmes et les personnes LGBTIQ+ ont déjà eu lieu, comme l'attaque du bus rapportée par Pagina 12. Pouvez-vous revenir sur les différentes formes d'attaques contre les féministes et les minorités de genre que l'on peut observer ?
S. – Nous avons entendu parler d'agressions verbales sur la voie publique, mais aussi d'agressions physiques graves. Par exemple, une enseignante lesbienne a été brutalement attaquéepar un inconnu dans les transports publics et ce qui est peut-être le plus choquant dans cet événement, c'est l'apathie des passagers et du chauffeur de bus, qui n'ont rien fait pour empêcher le passage à tabac. La violence a été érigée en forme légitime d'expression par un personnage, Milei, qui a insulté et abusé des femmes en public chaque fois qu'il en a eu l'occasion. Enfin, des allié·es de ce gouvernement, comme Mauricio Macri, se sont déjà exprimé·es dans les médias pour appelerles groupes qui soutiennent Milei à sortir et à affronter les manifestant·es, qualifiant même d'« orcs » les personnes qui manifestent contre Milei – à l'image des personnages de Tolkien, qui sont des humanoïdes à l'apparence terrible et bestiale.
PL. – Le triomphe de l'extrémiste de droite Javier Milei a d'une manière ou d'une autre encouragé l'expression publique de différentes formes de violence symbolique et physique contre les femmes et la communauté LGBTQI+. Comme vous le dites, il y a eu l'enseignante lesbienne qui a subi une agression physique dans les transports en commun, près de l'Université nationale de Lomas de Zamora, le 23 novembre dernier. Il y a également le récit d'Adriana Carrasco, journaliste lesbienne et militante féministe active depuis les années 1980. Elle a également été victime d'un acte d'intimidation et de violence dans un bar du quartier de Buenos Aires. Ces deux agressions n'ont pas été signalées car le pouvoir judiciaire n'a pas mis en place suffisamment de mesures réparatrices ou préventives pour ces cas. Le cas qui a été signalé est celui d'adolescentes menacées dans une école religieuse, le San Juan Evangelista, situé dans le quartier de La Boca à Buenos Aires. Ces adolescentes ont subi des menaces qui ont été amplifiées sur les réseaux sociaux, telles que « nous allons vous violer, féminazis ».
C & M. – Bien que Milei se soit présenté comme un candidat anti-caste, il mène des négociations avec la coalition de partis de droite PRO (Propuesta republicana, « Proposition républicaine ») de Patricia Büllrich et Mauricio Macri. Quelles en sont les conséquences, en général et plus particulièrement pour l'égalité entre les femmes et les hommes ?
PL. – Bien que Javier Milei ait fondé sa campagne sur l'opposition à l'establishment politique et à la dollarisation, nous savions déjà avant même son entrée en fonction qu'il était en train de négocier avec ce même establishment politique pour former un gouvernement et obtenir les conditions nécessaires pour gouverner à court terme. Plus précisément, les négociations avec le parti de droite que vous mentionnez ont abouti à la présence de deux fonctionnaires-clés du gouvernement précédent de Mauricio Macri dans les mêmes ministères : Patricia Büllrich est responsable du ministère de la Sécurité et Luis Caputo occupe le poste de ministre de l'Économie. De plus, une grande partie de ces négociations se font avec d'ancien·nes fonctionnaires du gouvernement de l'ancien président libéral Carlos Menem dans les années 1990.
Sa trahison immédiate envers ses propres électeur·rices est un coût pour sa propre survie politique. Car même s'il a remporté le soutien d'une majorité lors des élections, il a besoin du soutien politique d'un système de partis qui est en crise. Cette trahison électorale est également nécessaire pour trouver un équilibre dans sa gestion, sur la base de nouveaux partenariats et de contre-pouvoirs afin de mettre en œuvre des réformes draconiennes qui nécessitent l'adhésion d'une grande partie de la « caste politique ». Comme l'ont souligné les féministes elles-mêmes lors des récentes manifestations du 28 septembre et du 25 novembre dans le pays, on peut souligner que c'est aussi une référence à la caste patriarcale. Il suffit de se baser sur ses propos, lorsqu'il a déclaré lors de la foire du livre de l'année dernière qu'il « n'a pas honte d'être un homme, d'avoir un pénis », « ni d'être blond aux yeux bleus ».
SB. – Le PRO était une alliance électorale conservatrice qui a de multiples liens avec le parti de Milei. En fait, Milei est devenu président avec le soutien explicite de personnalités du PRO telles que Macri et Büllrich. Les femmes argentines ont déjà vécu le gouvernement PRO, dont les politiques et décisions publiques étaient très similaires à celles de Milei, au point que Luis Caputo, qui était le ministre des Finances de Macri et qui est aujourd'hui le ministre de l'Économie de Milei, est revenu au pouvoir. Ce gouvernement était opposé à la légalisation de l'avortement et Patricia Büllrich était la ministre de la Sécurité qui a ordonné une répression excessive le 8 Mars 2017 qui a conduit à la criminalisation de femmes qui manifestaient simplement dans l'espace public. Elle est actuellement ministre de la Sécurité de Milei, et elle a pris ses fonctions avec un protocole anti-manifestation qui menace tou·tes celles et ceux qui veulent manifester, mais surtout les femmes parce qu'il leur est interdit d'être présentes avec leurs enfants. En même temps, on peut dire que, dans sa politique, le PRO s'est montré cohérent au sujet de la disparition des domaines porteurs d'égalité de genre.
C. & M. – Quelles sont les régressions que vous redoutez en matière de droit à l'avortement légal ? Quels sont les impacts sur les femmes des autres pays voisins d'Amérique latine ?
SB. – Tout d'abord, nous nous attendons à ce que le financement des services de santé sexuelle et reproductive soit supprimé, puis ils avanceront certainement une proposition législative visant à abroger la loi actuelle. Au-delà, l'effet symbolique de cette attaque frontale contre le droit à l'avortement pourrait permettre aux groupes anti-droits d'agir avec une extrême cruauté dans un contexte de permissivité institutionnelle de la violation des droits.
PL. – En ce qui concerne le droit à l'avortement légal, les politiques du gouvernement de Milei chercheront à faire reculer les avancées récentes. Tout dépendra de la force du mouvement féministe pour arrêter cette progression. Selon les déclarations du président élu pendant la campagne, l'atteinte aux droits sexuels et reproductifs des femmes inclut la loi sur l'Interruption Volontaire de Grossesse adoptée fin 2020. Tout d'abord, il dit qu'il mettra en place une procédure pour abroger la loi, ce qui est anticonstitutionnel comme je l'ai mentionné. Cependant, il cherchera également d'autres moyens de réduire l'application de la loi, par le désinvestissement des services publics qui la mettent en œuvre, et il renforcera probablement au niveau national les initiatives existantes dans certaines provinces, qui mettent en avant la clause de conscience afin de restreindre l'accès aux soins médicaux pour les interruptions de grossesse. Dans le prolongement de cette réduction de l'engagement de l'État, il y a également la politique d'éducation sexuelle et reproductive, qui impose des restrictions poussant les femmes vers des pratiques illégales, avec des conséquences pour leur vie et leur santé. En fin de compte, les féministes devront mener plusieurs batailles pour faire face aux obstacles dans les procédures légales en vigueur, y compris la fourniture de services médicaux sécurisés et l'accessibilité des services actuels aux personnes sans ressources.
En Argentine, l'articulation du mouvement anti-droits avec l'émergence de ce régime privé déclenche des affrontements ouverts avec le mouvement féministe. Mais les Argentines ne sont pas seules, nous comptons sur la force et la présence dans les rues des féministes latino-américaines et du monde en général. Parce que nous savons que cet internationalisme renforce la lutte nationale et consolide notre opposition ouverte contre ces restrictions des droits reproductifs qui mettent en danger la santé et la vie des femmes. Et enfin, cela entraînera une aggravation notable des inégalités sociales et économiques qui touchent les femmes à faible revenu, qui ne peuvent pas se permettre d'accéder à des services médicaux sûrs.
C. & M. – Le système d'éducation publique en Argentine est un symbole en Amérique latine, où les autres pays ont un système public moins développé et une éducation reposant davantage sur le secteur privé. En matière d'éducation, les féministes se mobilisent en faveur d'une Éducation sexuelle intégrale. Quelles sont les craintes liées à la volonté de Milei de privatiser l'éducation ?
SB. – L'ensemble du système public argentin est menacé. Cela inclut l'éducation et la santé. D'abord, parce que la proposition consiste à défaire tous les services publics et à passer à un schéma de privatisation totale. Avec une inflation galopante, le budget prévu en pesos pour 2024 est le même que celui de 2023, où l'inflation a atteint 140 % par an et devrait être de 30 % par mois en 2024. Cela pose un problème en termes d'accès aux services, mais aussi du point de vue de l'emploi, puisque la majorité des personnes travaillant dans les secteurs de la santé et de l'éducation sont des femmes. Dans le même temps, il a été annoncé que les salaires seraient gelés dans tous les emplois publics, avec une inflation qui pourrait atteindre l'hyperinflation, et d'autre part, des systèmes de retraite volontaire seront mis en place et une présence à 100 % est exigée, alors qu'après la pandémie, ces régimes avaient été assouplis, permettant une meilleure conciliation des tâches de travail et de soins dans la logique de la coresponsabilité de l'État pour les responsabilités familiales de celles et ceux qui travaillent. Tous les services publics sont menacés. La pauvreté augmentera de façon dramatique, laissant les classes moyennes actuelles dans une situation de précarité que nous ne pouvons même pas imaginer.
PL. – Comme je l'ai mentionné précédemment, la nomination au ministère de l'Éducation de Carlos Torrendell, en raison de son parcours politique et de ses orientations restrictives, est une autre indication du cap que le président élu essaiera de mettre en œuvre contre l'éducation sexuelle dans le pays. En effet, la privatisation de l'éducation, dans n'importe quel contexte, limite l'accès équitable à une formation de qualité et au respect des droits sexuels et reproductifs. Dans le pays, grâce à la législation en la matière, tous les niveaux d'éducation s'engagent à offrir une approche pédagogique sur ces droits pour les filles, les garçons et les adolescent·es sur l'ensemble du territoire. Cette approche est basée sur des informations précises, objectives et scientifiques avec des contenus fournis par une santé et une éducation publiques, gratuitement assurées par l'État. La privatisation de cette politique pourrait affecter le contenu et la qualité de l'éducation dispensée, car elle serait soumise à des intérêts économiques et à des critères restrictifs différents de l'équité recherchée. Pour être plus précise, la politique restrictive du gouvernement de Milei menace une tradition inclusive consacrée dans l'histoire éducative de notre pays, en introduisant des mécanismes d'exclusion et de différenciation basés sur des différenciations économiques, géographiques et d'accès aux normes académiques, en particulier pour les personnes à faible revenu ou les communautés marginalisées. Une situation qui les empêchera d'accéder à des informations cruciales pour leur santé sexuelle et reproductive. Les orientations restrictives du gouvernement auront un impact sur l'approche publique et démocratique de l'éducation argentine aujourd'hui, ainsi que sur des régressions indéniables en matière de santé sexuelle et de droits reproductifs des élèves.
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Propos recueillis par Viviane Albenga (membre du comité de rédaction de Mouvements) et Fanny Gallot (co-directrice de publication de Contretemps).
Illustration : © Wikimedia Commons / Romi Pecorari
Note
[1] Le terme de « mouvement anti-droits » renvoie aux franges conservatrices, religieuses ou réactionnaires hostiles au spectre des droits revendiqués par les mouvements féministes et LGBTQI+.
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France - Éditorial : contre l’escalade répressive, pour la solidarité avec la Palestine, faisons front maintenant !
En politique comme dans l'histoire, il existe des moments d'accélération et de bascule. Pour le meilleur mais aussi pour le pire. Nous vivons l'un de ces moments, lourd d'inquiétudes et de menaces pour nos droits et libertés.
Tiré de la revue Contretemps
24 avril 2024
Par Contretemps
Les deux mandats d'Emmanuel Macron sont marqués par des niveaux inédits d'autoritarisme et de répression. D'une très longue liste, on se contentera de mentionner les séquences des Gilets Jaunes, de la mobilisation à Sainte-Soline ou de la révolte des quartiers de l'été dernier. Ce déchaînement de violence d'Etat est l'accompagnement nécessaire d'une politique antisociale d'une grande brutalité et le signe de l'isolement croissant du pouvoir.
Pourtant, un nouveau cap a été franchi depuis le 7 octobre avec la volonté acharnée de criminalisation des expressions de soutien au peuple palestinien. Interdiction totale des manifestations pendant plusieurs semaines, annulation de plusieurs réunions et conférences, expulsion d'une responsable politique palestinienne, poursuites à l'encontre des organisations et des militant.es politiques et du mouvement social, amalgame systématique de la dénonciation des crimes perpétrés par Israël avec l'antisémitisme, pressions et menaces de sanctions dans les universités et les institutions de recherche, un climat liberticide s'est installé dans le pays, avec l'active complicité des médias et d'une large partie du spectre politique.
L'un de ses premiers effets a été le blanchiment de l'extrême droite, désormais considérée comme faisant pleinement partie du prétendu « arc républicain », au moment où en était exclue la première formation politique de la gauche. La défense zélée d'Israël a ainsi permis aux héritiers d'un parti fondé par des anciens Waffen-SS, des miliciens collaborationnistes et des tortionnaires des guerres coloniales de participer à des manifestations censées dénoncer l'antisémitisme.
Dès lors, c'est à juste titre que le Rassemblement National se targue d'avoir remporté une « victoire idéologique » avec le vote à l'Assemblée d'une « loi immigration » qui ouvre la voie à l'instauration de la « préférence nationale », son thème de prédilection. On savait depuis longtemps que le calcul politique du macronisme reposait sur son face-à-face électoral avec l'extrême droite. A présent, on comprend que sa politique vise explicitement à l'installer comme la solution d'alternance légitime face à sa majorité chancelante.
Un instant, on a pu croire que le fond avait été atteint dans la chasse aux sorcières à l'encontre des voix dissonantes. Que le soutien officiel, certes tardif et timoré, à un cessez-le-feu à Gaza, à l'acheminement de l'aide humanitaire, et même à une « solution à deux Etats » marquaient un changement de cap. Que la reconnaissance par la Cour de Justice Internationale de la « plausibilité » du génocide commis à Gaza aurait un impact au sommet de l'Etat. Il a fallu déchanter. A la fin janvier déjà, le ministère de la justice, comptait 626 procédures au motif d' « apologie du terrorisme » en lien avec la guerre à Gaza, et des poursuites engagées à l'encontre de 80 personnes.
Ces dernières semaines ont été marquées par une nouvelle escalade répressive, qui vise des acteur.ices de la gauche sociale et politique, des militant.e.s associatifs, des journalistes et des personnalités intellectuelles. Jean-Paul Delescaut, secrétaire de l'Union départementale CGT du Nord condamné à un an de prison avec sursis pour un tract syndical ; Mohamed Makni, élu municipal socialiste à Echirolles condamné à 4 mois de prison avec sursis pour avoir relayé des messages sur les réseaux sociaux ; Rima Hassan, militante franco-palestinienne candidate sur la liste LFI aux européennes et Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l'Assemblée, convoquées par la Police Judiciaire dans le cadre d'enquêtes pour « apologie d'actes de terrorisme », tout comme Anasse Kazib, syndicaliste SUD-Rail et porte-parole de Révolution Permanente, des militant.es de la section Solidaires Etudiant.es de l'EHESS, la journaliste Sihame Assbague et des dizaines d'autres ; une conférence de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan à Lille annulée à deux reprises, ce ne sont là que quelques exemples de l'emballement répressif en cours.
Il devient urgent de réagir. La dénonciation des actes liberticides, l'expression de solidarité avec celles et ceux qui sont visés sont indispensables. Mais cela ne saurait suffire. Des actions concrètes, unitaires et de grande ampleur sont nécessaires pour mettre en échec cette politique de l'intimidation et de la peur. Les organisations de la gauche politique et syndicale, le mouvement social, les réseaux internationalistes, les espaces de résistance intellectuelle portent à cet égard une responsabilité particulière.
Comme l'ont déjà proposé des personnalités de la gauche sociale et politique, nous jugeons impératif de construire dès maintenant le front le plus large pour défendre les libertés démocratiques et le droit d'exprimer la solidarité avec le peuple palestinien. Contretemps prendra toute sa place dans cette démarche de rassemblement, indispensable pour arrêter la course au désastre et redonner espoir au camp de l'émancipation.
La rédaction de Contretemps-web
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Illustration : Photographie de Martin Noda / Hans Lucas / Photothèque rouge.
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Macron - Le capitalisme porte la guerre et l’autoritarisme comme la nuée porte l’orage…
Depuis des mois, nous avançons aveuglés par l'éclat des bombes dans les fenêtres des médias et des réseaux sociaux. Nous les voyons tomber sur Gaza ou en Ukraine. Nous continuons, étonnés, étourdis même, par le son des canons qui résonnent au loin.
4 avril 2024 | tiré d'Europe solidaire sans frontières | Crédit Photo. Photothèque Rouge/Milo
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70617
À mesure que la guerre étend son ombre, nos gouvernants s'y préparent et entendent bien nous y jeter à corps perdus. Et derrière eux, les Bolloré, les Dassaut, les Peugeot et autres marchands de canons se pourlèchent les babines en calculant leurs prochains profits.
Capitalisme, colonialisme, autoritarisme et guerre
Le capitalisme mondialisé sous la domination des États-Unis et de ses alliés est entré dans une crise multidimensionnelle aux contradictions inextricables. Les crises environnementales (sécheresses, inondations, pandémies), les crises financières et économiques (subprimes, dettes…) et la crise d'hégémonie du système capitaliste se conjuguent et se renforcent. Ce système économique à bout de souffle renforce l'exploitation, les inégalités, et pour se maintenir attise la haine, le racisme et l'extrême droite… et la guerre. On en veut pour preuve la montée des budgets militaires partout dans le monde, en même temps que l'autoritarisme des États et la poussée des idées d'extrême droite.
Cette situation donne des ailes à tous les colonialismes à commencer par le projet colonial israélien qui consiste à nettoyer ethniquement les PalestinienNEs pour s'emparer des gisements massifs de gaz sur les rives de Gaza, des terres et de l'eau en Cisjordanie. En Ukraine, la Russie compte bien mettre la main sur les ressources naturelles, les immenses terres arables et les centrales nucléaires. Aux États-Unis, la guerre, pour conserver l'hégémonie sur la globalisation et rester le centre impérial, concentre les flux financiers et économiques. Et en France, le retour d'un impérialisme guerrier enchante les « capitaines d'industrie » et les financiers. Il s'agit pour l'État français de reprendre pied en Afrique et au Moyen-Orient, pour retrouver les marchés et les positions perdues ces vingt dernières années.
Économie de guerre et mise au pas
Avant la guerre, « l'économie de guerre » et « le réarmement »… réclamés par les laquais du capital, les économistes de cour, les intellectuels de préfecture. Ce ne sont pas leurs enfants qui vivront la misère et crèveront sous les balles. Alors, Macron ouvre en grande pompe des usines de poudre et de canons, tandis que le champagne coule à flots dans les salons dorés de la République. Il entend consacrer 413,3 milliards d'euros aux armées de 2024 à 2030. Et pour tout cela, il faut mettre le peuple au pas. Il faut lui apprendre la discipline et le sacrifice. Ainsi, Attal a décidé de cadenasser la jeunesse 10 heures par jour tous les jours en transformant les collèges en casernes, en développant l'uniforme, après le SNU.
Museler la contestation
De leur côté, Darmanin et Dupont-Moretti pourchassent toute parole contestataire, écologique ou sociale. La répression est particulièrement zélée envers l'expression de la solidarité pour le peuple palestinien sous génocide. Fin janvier, le ministère de la Justice comptait 626 procédures pour « apologie du terrorisme » en lien avec la guerre à Gaza. Le secrétaire de l'Union départementale CGT du Nord vient d'être condamné à un an de prison avec sursis pour un tract ; Rima Hassan, candidate sur la liste LFI aux européennes, est convoquée par la police judiciaire pour « apologie d'actes de terrorisme », ainsi que des militantes la section Solidaires ÉtudiantEs de l'EHESS, de SUD-Rail, la journaliste Sihame Assbague, notre propre directeur de publication et des dizaines d'autres… et désormais la députée Mathilde Panot.
Enfin, parce qu'il faudra bien payer pour les canons et le champagne, Le Maire annonce, à grand renfort de coupes dans les budgets de l'éducation, de la santé et de la protection sociale, l'austérité totale.
Tout cela jusqu'à quand ? Accepterons-nous de marcher au pas et d'envoyer nos enfants à l'abattoir ? Ou tournerons-nous nos fusils contre nos propres généraux ? Il est plus que temps de relever la tête et de refuser la censure et la répression. De refuser l'autoritarisme du gouvernement Macron et la guerre qui vient.
Guerre à la guerre ! Solidarité et liberté pour tous les peuples ! Liberté pour la Palestine ! Liberté pour l'Ukraine ! Plus que jamais anticapitalistes et internationalistes ! C'est ce que nous redirons le 1er Mai.
Thomas Rid
P.-S.
• Hebdo L'Anticapitaliste - 705 (25/04/2024). Publié le Mercredi 24 avril 2024 à 16h30 :
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/le-capitalisme-porte-la-guerre-et-lautoritarisme-comme-la-nuee-porte-lorage
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Grèce : Quelles suites après la grève réussie contre la misère ?
Mercredi 17 avril a eu lieu en Grèce une des grèves les plus suivies des dernières années : 100 % dans les transports, 70 % dans la construction, gros chiffres dans les entreprises et la livraison à deux-roues. Mais quasiment rien dans les supermarchés, pourtant au cœur des accusations d'exploitants de la misère. Il faut dire que ces derniers temps, la répression syndicale, qui touche aussi le secteur public, est plus forte que jamais, avec menaces sur les renouvellements de contrats.
25 avril 2024 | tiré de Hebdo L'Anticapitaliste - 705 | Crédit Photo : Banderole des étudiantEs toujours mobiliséEs contre les facs privées - NPA
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/grece-quelles-suites-apres-la-greve-reussie-contre-la-misere
Si la participation a été si forte, c'est que la Grèce est quasiment en tête de la vie chère en Europe. Les chiffres donnés par GSEE, la Confédération unique du secteur privé à l'origine de cette grève, sont édifiants : en trois ans, l'huile, produit de base en Grèce, a augmenté de 87 %, les laitages de 34 %, le prix de l'électricité de 39 %. Face à la pauvreté, le Centre KEPE propose l'institution de repas gratuits dans les écoles pour tous les enfants. Les expulsions de propriétaires endettéEs se multiplient, malgré la fréquente opposition solidaire du voisinage. Pour 6 foyers sur 10, le revenu mensuel suffit pour seulement 19 jours, et les « aides » diverses, malgré leur mise en scène, relèvent du bluff, et même du scandale : le ministre de la Santé instaure dans le public un « service spécial » d'opérations... payantes. Et pendant que le gouvernement se réjouit de l'attrait touristique du pays, les revenus engendrés (20 milliards sur les 11 premiers mois de 2023) ne sont en rien employés à lutter contre ce terrible appauvrissement.
Divisions syndicales
Absente des récentes mobilisations, alors que la Fédération du secteur public ADEDY s'y associait, GSEE a fini par appeler à la mobilisation — mais pas ADEDY ! — pour réclamer des salaires dignes et le rétablissement des conventions collectives. Si la grève a été réussie — et notamment dans certaines branches du Public — les manifs l'ont moins été ! L'une des raisons, la division : d'un côté, PAME, le courant syndical du KKE (PC grec) avec un discours autant anti-GSEE qu'anti-droite, de l'autre les syndicats de base et une partie de la gauche radicale, et enfin GSEE avec des accents radicaux strictement pour des effets de tribune, et avec elle une partie de la gauche radicale et réformiste.
ToutEs ensemble !
Comme le dit Prin, le journal du groupe NAR, pour les manifs à Salonique, « les rassemblements ont connu leur plus faible participation depuis de nombreuses années, et cela prouve la crise de l'actuel mouvement syndical et l'absence d'un projet militant et d'un cadre qui donnent envie de lutter aux travailleurEs ». Ce constat vaut en fait pour tout le pays, même si on vérifie une nouvelle fois que l'appel des bureaucrates de GSEE a permis une grève réussie. Pour sortir de ce cadre infernal et ouvrir des perspectives, la mobilisation universitaire contre les facs privées est exemplaire : grâce aux massives AG étudiantes et aux manifs « ToutEs ensemble », elle a su surmonter les divisions pour durer et, même si elle n'a pas encore gagné, elle a montré la voie.
A. Sartzekis, Athènes, le 20 avril 2024
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Portugal - Révolution des Œillets : Les masses en mouvement contre le colonialisme et le fascisme
Qui pouvait imaginer au printemps 1974 qu'une dictature née d'un coup d'État militaire en 1926 tomberait en seulement quelques heures, quasiment sans morts ni coups de feu (1) ? Le 25 avril 1974, le régime fondé par Salazar s'effondre pourtant, ouvrant une brèche dans laquelle va s'engouffrer le peuple portugais au cours des 19 mois suivants. Retour sur la révolution des Œillets, par Ugo Palheta.
Tiré de Gauche anticapitaliste
26 avril 2024
Par Ugo Palheta
Il est vrai que les luttes populaires n'ont jamais cessé au Portugal et que des putschs militaires ont déjà été tentés, mais on perçoit alors généralement le peuple portugais comme apathique – y compris au sein de la gauche internationale.
On estime en outre que les bases du régime salazariste sont solides : les forces de répression s'avèrent féroces et paraissent omniprésentes, à travers notamment un vaste réseau d'indicateurs ; de leur côté, les appareils idéologiques (Église, école, presse) se tiennent fermement du côté de la dictature et diffusent une idéologie particulièrement réactionnaire.
Les officiers sont l'étincelle
Pourtant l'histoire est capricieuse : le 25 avril 1974, la dictature s'effondre comme un château de cartes, grâce à l'action audacieuse menée par de jeunes officiers intermédiaires, réunis dans le cadre d'une organisation clandestine — le Mouvement des Forces armées (MFA). Alors inconnus de la population, ces capitaines et commandants s'étaient d'abord organisés autour de revendications relatives à des questions d'avancement et de statut. Mais à mesure qu'ils discutent ensemble de l'effroyable guerre coloniale menée par le Portugal depuis 1961, qui a conduit à la mort d'au moins 100 000 civilEs africainEs, ils comprennent que cette guerre ne peut être gagnée militairement, que la seule issue est politique, qu'elle doit conduire à l'indépendance des colonies, et que le régime y fera obstacle jusqu'à son dernier souffle. D'où la décision que prend le MFA d'organiser un soulèvement militaire.
Le coût du maintien de l'empire colonial
C'est donc aux colonies portugaises que naît la révolution. Ce sont bien les luttes héroïques menées par les mouvements de libération angolais, guinéens, cap-verdiens et mozambicains qui vont intensifier toutes les contradictions du fascisme portugais, celles-ci se condensant finalement au sein du pilier du régime : l'armée. Sans révolution anticoloniale, pas de révolution antifasciste. En contraignant la dictature à consacrer aux dépenses militaires jusqu'à près de la moitié du budget de l'État, les mouvements anticoloniaux sapent la capacité du régime à satisfaire minimalement les besoins de sa population.
Le Portugal est alors de loin le pays le plus pauvre d'Europe et présente les pires indicateurs en matière de santé, d'instruction, etc. Cela sans compter l'envoi au front de centaines de milliers de jeunes Portugais, la mort de milliers d'entre eux, les dizaines de milliers revenant mutilés, et l'exil forcé — vers la France notamment — de dizaines de milliers de jeunes hommes refusant de faire leur service militaire et de participer à cette sale guerre.
Industrialisation et nouvelle classe ouvrière
En outre, l'ouverture du pays aux capitaux étrangers impérialistes durant les années 1960 a pour conséquence une industrialisation rapide qui bouleverse les équilibres fragiles de la société portugaise, accentue l'exode rural et engendre une nouvelle classe ouvrière, sans l'expérience des défaites antérieures et qui jouera un rôle crucial dans les mois suivant la chute du régime. La guerre coloniale sans fin suscite également une contestation de plus en plus ouvertement politique au sein des universités, favorisant l'émergence d'une gauche révolutionnaire dynamique qui aura son importance au cours du processus révolutionnaire. Car le 25 avril qui, pour certains, devait être une simple transition dans l'ordre vers une démocratie bourgeoise, n'est qu'un début ; le combat va continuer.
Révolution démocratique, dynamique anticapitaliste
Les révolutions n'éclatent jamais pour les raisons et sous les formes qu'avaient imaginées les révolutionnaires. Les raisons de se révolter ne manquent pas, mais personne ne peut prédire quelle étincelle mettra le feu à la plaine.
Dans le cas portugais, c'est ainsi un putsch militaire qui, en faisant tomber la dictature et en fracturant l'État entre différents centres de pouvoir, va amener le peuple à prendre confiance en ses propres forces, à s'organiser et à lutter pour conquérir les libertés démocratiques et transformer les structures économiques et sociales.
Le plus grand mouvement de grève
Dès le 25 avril 1974, alors que le MFA multiplie les communiqués pour inviter la population à rester chez elle, spectatrice du changement de régime, des dizaines de milliers de personnes à travers le pays prennent la rue, acclament et encouragent les militaires insurgés, assiègent les principales institutions de la dictature, ou font pression pour la libération des prisonniers politiques. Dans les deux mois qui suivent, alors que le nouveau pouvoir — alliance entre le MFA, un vieux général opposant de la dernière heure (Spínola) et les principaux partis (dont le Parti communiste portugais, PCP) — tente d'opérer des changements institutionnels et de rationaliser le capitalisme portugais, le pays connaît le plus vaste mouvement gréviste de son histoire tandis que, déjà, des milliers de mal-logéEs s'organisent pour occuper des logements vides.
Auto-organisation
La chute si brutale du régime salazariste engage ainsi le Portugal dans un processus révolutionnaire qui demeure à ce jour le dernier soulèvement populaire à dynamique anticapitaliste en Europe. Dans la mesure où les organisations syndicales et politiques ont initialement une très faible implantation, les classes populaires construisent leurs propres outils démocratiques de lutte : dans les entreprises (commissions de travailleurEs), dans les quartiers (commissions d'habitantEs), dans les campagnes du Sud (ligues paysannes) et, tardivement, parmi les soldats. Cette auto-organisation populaire à vaste échelle radicalise les revendications et les aspirations, dans le sens d'une remise en cause de plus en plus franche de la propriété capitaliste et de la logique du profit.
Et bientôt se multiplient les appels à construire une autre forme de pouvoir : un pouvoir populaire, capable de concurrencer, briser et remplacer l'État capitaliste.
La bourgeoisie reprend la main en novembre 1975
Malheureusement, la stratégie étapiste du PCP (2), la fragmentation de la gauche révolutionnaire et les sectarismes croisés empêchent l'unification de ces formes d'auto-organisation populaire. De son côté, la bourgeoisie portugaise et internationale ne reste nullement l'arme au pied. En suscitant des violences contre-révolutionnaires contre la gauche dans le nord du pays, en soutenant un prétendu « socialisme démocratique » via notamment le Parti socialiste et la droite du MFA, elle parvient progressivement à reprendre le contrôle à l'automne 1975, jusqu'au coup d'État institutionnel du 25 novembre 1975 qui lui permet d'écarter les militaires les plus à gauche, de réunifier les structures de pouvoir et de renforcer les capacités répressives du nouvel État « démocratique ».
Des droits conquis
Les mobilisations populaires ne cessent pas du jour au lendemain mais l'occasion a été manquée. La révolution laisse néanmoins des traces importantes dans la société portugaise, avec la conquête de larges droits démocratiques et d'institutions (l'État social) que la bourgeoisie portugaise a, depuis lors, constamment cherché à démanteler. Et alors que l'extrême droite renaît actuellement au Portugal sur le plan électoral, la mémoire de cette révolution démocratique et sociale demeure un point d'appui pour celles et ceux qui n'ont pas renoncé à rompre avec le capitalisme et à bâtir un autre monde.
Article initialement publié sur le site de l'Anticapitaliste, le 24 avril 2024.
Crédit Photo : JVarlin-Wikirouge.
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Notes
1. Quatre personnes sont tuées le 25 avril lors de l'assaut populaire du siège de la police politique honnie.
2. Le PCP théorisait depuis les années 1960 la nécessité d'une étape démocratique durable devant précéder nécessairement la révolution socialiste. Or, dès le mois de mai 1974, les travailleurEs mobiliséEs combinent des revendications démocratiques et sociales dans le cadre de grèves dures, que condamne le PCP au nom de la nécessité d'une relance de l'économie portugaise et de ne pas effrayer la petite et moyenne bourgeoisie.
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1er mai : les syndicats doivent organiser la solidarité avec le peuple palestinien
À l'occasion du 1er mai, journée internationaliste par excellence, nous relayons l'appel urgent lancé aux syndicats états-uniens par la Fédération générale palestinienne des syndicats. Il est impératif que les travailleurs et leurs organisations, partout dans le monde, affirment par l'action leur solidarité avec le peuple palestinien soumis actuellement, à Gaza, à une guerre de nature génocidaire et, en Cisjordanie, à une intensification de la politique de nettoyage ethnique.
Tiré de la revue Contretemps
30 avril 2024
Par La Fédération générale palestinienne des syndicats
Frères et sœurs des syndicats et autres organisations syndicales aux États-Unis d'Amérique : au milieu de la douleur et du sang, dans les camps de déplacés, au milieu des décombres et des ruines de nos maisons, ateliers, usines, magasins et institutions détruits par l'occupation « israélienne », en utilisant des armes de fabrication américaine, au nom de la Fédération générale palestinienne des syndicats (PGFTU), nous vous appelons à la solidarité.
Au lieu de célébrer avec vous le 1er mai, Journée internationale des travailleurs, nous sommes occupés à envelopper des dizaines de personnes qui sont tuées 24 heures sur 24 au milieu d'une guerre génocidaire contre notre peuple – dans tous les sens du terme. Cela a conduit à la destruction de tout dans la bande de Gaza (hôpitaux, centres de santé, écoles, universités, rues, purification de l'eau, égouts et autres infrastructures, usines, magasins, centres culturels, mosquées, églises et même des enfants à naître). Aucun d'entre eux n'a été épargné par les bombes, les missiles et les obus de l'occupation (y compris les armes interdites au niveau international, comme le phosphore blanc).
Nous vivons un massacre massif et une dislocation forcée – un nettoyage ethnique – commis contre nous. Cette guerre dévastatrice et ses catastrophes nous ont imposé, à la Fédération générale palestinienne des syndicats à Gaza, de grandes responsabilités : récupérer les corps brisés et même les morceaux de notre peuple, soigner les blessés et essayer de soulager leurs douleurs (sans anesthésiques, antibiotiques ou autres médicaments), traiter les le traumatisme psychologique (surtout des enfants), tout en essayant de transmettre au monde la vérité sur ces souffrances et la catastrophe humanitaire et environnementale. Depuis le début de l'agression, nous, à la PGFTU, nous considérons comme faisant partie intégrante de notre peuple – non séparé de sa réalité. Nous avons souffert et perdu des milliers de membres, de bureaux syndicaux, d'installations et d'autres institutions.
Malgré nos efforts pour apporter une aide à notre peuple avec le soutien limité que nous avons reçu et pour faire entendre haut et fort la voix de notre peuple dans les forums internationaux, nous avons été confrontés à un silence et à une négligence choquants de la part du mouvement syndical international. Cependant, nous reconnaissons qu'il existe des exemples exceptionnels de syndicats, clairement démontrés lors de manifestations dénonçant la guerre de génocide sioniste menée dans la bande de Gaza. Chers camarades des syndicats américains, plusieurs actions ont été révélées au cours de l'agression, qui doivent être observées et dénoncées de près, notamment :
– Premièrement, les syndicats américains doivent dénoncer l'ampleur des crimes de guerre et du génocide commis contre notre peuple, ainsi que la position biaisée et la complicité des États-Unis dans l'autorisation de l'agression. Il faut y faire face et continuer de protester pour exercer des pressions contre l'exportation d'armes fabriquées aux États-Unis vers l'occupation. La pression doit être accrue sur l'administration américaine pour qu'elle abandonne ces actions hostiles contre le peuple palestinien.
– Deuxièmement, il y a la décision israélienne de suspendre ou de résilier les contrats de milliers de travailleurs de la bande de Gaza par les institutions locales, arabes et internationales dans le cadre de la guerre d'extermination, privant les employés de leurs droits et de leur indemnisation. Il aurait été préférable que ces institutions renforcent la sécurité économique des travailleurs en mettant en œuvre des mesures de soutien plutôt que de les licencier. Cette question doit être au cœur de vos préoccupations et de votre combat.
– Troisièmement : le mouvement syndical international, y compris la Fédération internationale des syndicats, s'est replié sur des positions verbales sans prendre de mesures sur le terrain ni faire pression sur les décideurs pour qu'ils mettent fin à cette guerre d'extermination, limitant les activités syndicales à des conférences et des déclarations et sans approfondir la nécessité de garantir l'aide humanitaire, ou d'influencer l'opinion publique internationale pour révéler la vérité sur les crimes sionistes et les pratiques des pays alliés qui continuent de soutenir Israël. Parmi ces mesures figure la lutte pour interdire les syndicats d'occupation au niveau international, car ils sont partenaires dans la guerre de génocide. Nous appelons notamment les syndicats américains à boycotter ces syndicats pour protester contre leur complicité dans cette guerre génocidaire.
– Quatrièmement, les syndicats peuvent jouer un rôle influent aux États-Unis pour venir en aide à des centaines de milliers de familles de travailleurs dont les maisons et les lieux de travail ont été détruits, les obligeant à s'abriter sous des tentes, sans travail ni revenu.
Vous pouvez contribuer à des projets financiers et à des fonds de secours pour les travailleurs et à la sécurité sociale temporaire en coordination avec la Confédération syndicale internationale pour soulager les souffrances de milliers de nos citoyens. Chers camarades… Nous faisons appel à vous pour être notre voix et notre défenseur à l'intérieur et à l'extérieur de l'Amérique. Ce que vivent nos peuples et ce à quoi les travailleurs et les syndicats en particulier sont exposés est la catastrophe la plus horrible connue par l'humanité au cours des dernières décennies.
Nous vous demandons de transmettre notre message et de donner une voix aux souffrances des travailleurs affamés et de leurs familles – pas seulement au peuple américain, pas seulement à vos syndicats, mais au monde entier. Nous sommes un peuple qui endure les bombardements, la faim, la maladie et toutes les formes de souffrance, mais nous sommes déterminés à vivre, à tenir bon et à reconstruire après cette destruction avec notre sang et de nombreux sacrifices. Merci pour vos efforts et bonne année à l'occasion de la Journée internationale des travailleurs. Nous porterons certainement l'étendard de la victoire malgré les massacres et les destructions.
De la part de vos camarades de la Fédération générale palestinienne des syndicats de Gaza.
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Traduction par Contretemps.
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Histoire : le fascisme à l’israélienne
Ce qui est le plus étonnant dans la guerre contre Gaza, c'est… l'étonnement de nombreux observateurs – journalistes, mais aussi chercheurs – devant l'escalade génocidaire d'Israël. Cette apparente surprise, lorsqu'elle est sincère, découle notamment d'une sous-estimation du changement qualitatif représenté par la coalition mise en place dans les derniers jours de l'année 2022.
Tiré de Yaani.
La prolongation du conflit obéit bien sûr aux mêmes motifs que la formation du gouvernement : pour Benyamin Netanyahou, il s'agit inséparablement à la fois de préserver son poste de Premier ministre et de bloquer la procédure judiciaire entamée contre lui.
Mais cet objectif personnel ne saurait dissimuler la toile de fond politique commune au chef du Likoud et à ses alliés, anciens comme nouveaux. Qualifiée par l'ex-Premier ministre Ehoud Barak, qui n'a rien d'un gauchiste, de « gouvernement aux valeurs fascistes » la coalition investie fin décembre 2022 par la Knesset est formée autour d'un Likoud radicalisé (trente-deux députés), allié à deux partis ultra-orthodoxes (dix-huit députés). Et elle comprend aussi, pour la première fois, deux partis suprémacistes, racistes et homophobes (quatorze députés). Benyamin Netanyahou a offert aux dirigeants de ces derniers des ministères essentiels : à Itamar Ben Gvir la Sécurité nationale, à Bezalel Smotrich les Finances mais aussi la tutelle de la Cisjordanie.
Héritiers de Kahane et du Gush Emunim
L'un de ces deux irresponsables qui ne dissimulent même pas leur racisme, Itamar Ben Gvir, s'affiche comme l'héritier du rabbin fasciste Meïr Kahane. Fondateur de la Ligue de défense juive, condamné à cinq ans de prison pour « terrorisme » aux États-Unis, Kahane a fait son aliya en 1971, multipliant les violences anti-Arabes au service de son objectif : un Grand Israël vidé de tous ses Palestiniens.
En 1984, il fut élu à la Knesset, créant un choc tel que pas un autre député n'assistait à ses discours. Ses collègues décidèrent même d'interdire l'incitation au racisme dans le Code pénal et la Loi fondamentale régissant la Knesset. Si bien que Kahane fut exclu du scrutin de 1988. Le 5 novembre 1990, il mourait assassiné à New York.
Toutefois les deux mouvements qui s'en réclamaient – Kach et Kahane Hai – poursuivirent leurs actions violentes. Le 25 février 1994, 29 musulmans en prière dans la mosquée d'Abraham à Hébron seront massacrés par un colon kahaniste, l'Américain Baruch Goldstein – dont le portrait trônera longtemps dans le salon de Ben Gvir. Un mois plus tard, les deux mouvements sont interdits comme « organisations terroristes ». Ils n'en inspireront pas moins Yigal Amir, l'assassin d'Itzhak Rabin, le 4 novembre 1995. Peu avant, Ben Gvir apparut à la télévision en brandissant la plaque minéralogique de la voiture du Premier ministre, et annonça : « Nous avons eu sa voiture, et nous l'aurons lui aussi ».
Bref, la référence au fascisme n'a rien d'excessif s'agissant de Ben Gvir. Condamné à maintes reprises par la justice israélienne, il affichait un extrémisme tel que même l'armée ne l'a pas laissé effectuer son service militaire tant elle le jugeait « dangereux ». Au printemps 2021, évoquant son rôle dans les violences à Jérusalem et au sein des villes dites mixtes, le chef de la police de Jérusalem Kobi Shabtaï déclara à Netanyahou : « La personne qui est responsable de cette Intifada est Itamar Ben Gvir ». Jusqu'aux dernières semaines, avant les élections du 1er novembre 2022, il prônait l'annexion de toute la Palestine et le « transfert » de tous ses habitants arabes. Il se prononçait même pour la déportation des Israéliens « déloyaux » qui « travaillent contre l'État » – parmi lesquels il cite le député arabe Ayman Odeh, mais aussi le député juif Ofer Cassif…
Dans les dernières semaines de la dernière campagne électorale, Ben Gvir a certes tenté d'arrondir son image, mais en ne trompant que les naïfs. Même le général Dan Haloutz, ancien chef d'état-major de Tsahal, estime qu'« il n'a pas changé et ne changera pas » et que ses idées pourraient entraîner une « guerre civile ». Quant au président de l'État d'Israël, Isaac Herzog, il assure : « Cet individu inquiète le monde entier ». « Modération » ? Tout en brandissant son révolver en plein Sheikh Jarrah, il a conseillé à ses partisans criant « Mort aux Arabes » de se contenter de « Mort aux terroristes ». Un de ses colistiers, Almog Cohen, avait d'ailleurs vendu la mèche : il s'agit de créer un « cheval de Troie » pour permette au parti kahaniste Otzma Yehudit (Force juive) d'entrer à la Knesset sans être disqualifié par la Cour suprême… Son bilan depuis dix-sept mois ? Une surenchère permanente dans la guerre contre Gaza, une série de visites provocatrices sur l'Esplanade des mosquées, en compagnie de nombreux colons et, depuis le 7 octobre, la distribution de 100 000 ports d'armes dans un pays où les réservistes et presque tous les colons sont déjà armés…
Quant à Besalel Smotrich, héritier du mouvement de colons Gush Emunim, il exige, lui, l'interdiction des partis arabes, « le plus grand danger aujourd'hui pour [notre] sécurité ». Si son programme principal est l'annexion de la Cisjordanie, sa perspective est essentiellement messianiste : selon lui, l'État d'Israël doit être étendu à l'intégralité de la terre promise par Dieu à Abraham et « dirigé conformément à la Torah et à la Loi juive » – à l'exclusion du judaïsme réformé, qu'il considère comme une « fausse religion ». Son racisme décomplexé va jusqu'à la séparation entre femmes juives et arabes dans les maternités : « Il est naturel, a-t-il expliqué, que ma femme ne veuille pas être allongée à côté de quelqu'un qui a donné naissance à un bébé qui pourrait vouloir assassiner son bébé dans vingt ans ». Cette hystérie anti-arabe se double d'une homophobie obsessionnelle : après l'assassinat en juillet 2015 d'un participant à la Gay Pride de Jérusalem, il n'hésita pas à qualifier celle-ci d'« abomination » et de « parade bestiale »…
C'est pourquoi, j'ai souligné, dès les premiers pas du nouveau gouvernement, les graves dangers qu''il représentait :
1) Pour les Palestiniens, car il entend accélérer la colonisation en vue de l'annexion de la Cisjordanie, voire de Gaza, deux territoires dont les ministres ultra-nationalistes rêvent d'expulser les Palestiniens. Certains se sont même prononcés pour le démantèlement immédiat de l'Autorité palestinienne. Quant à Jérusalem, les provocations de Ben Gvir sur l'Esplanade témoignent de sa volonté de renier le statu quo de 1967. S'il fallait, avant le 7 octobre, un symbole de cette agressivité, l'interdiction du drapeau palestinien le fournirait.
2) Pour les Israéliens, car la coalition veut en finir avec le dernier garde-fou de la démocratie israélienne – la Cour suprême – en donnant « légalement » le dernier mot à la Knesset. C'est ce que des centaines de milliers de citoyens juifs ont dénoncé dans les rues de Tel-Aviv et de Jérusalem tout au long de l'année comme un « coup d'État ». Les suprémacistes planifient d'autres atteintes aux libertés : ils prônent notamment l'interdiction des partis arabes et même le retrait de la citoyenneté aux Israéliens « déloyaux » – et de citer deux députés communistes, l'Arabe Ayman Odeh et le Juif Ofer Cassif. Ce dernier a même failli être expulsé de la Knesset pour avoir appuyé la décision de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye exigeant qu'Israël s'oppose à toute décision génocidaire.
3) Pour les uns et les autres, car suprémacistes et haredim entendent renforcer le caractère théocratique du régime. Ils tournent ainsi le dos à l'aspiration de la majorité des Israéliens à une forme de laïcité : renforcement du monopole orthodoxe contre réformés et conservateurs, application stricte du shabbat, refus du mariage et du divorce civils, rejet de l'imposition d'un cursus commun aux écoles publiques et religieuses, maintien de l'exemption du service militaire pour les étudiants des yeshivot, etc. Les suprémacistes entendent même rendre la loi du retour plus restrictive, quitte à réduire l'aliya…
4) Enfin, pour la région et le monde, car, au risque d'une troisième Intifada s'ajoute la menace d'une opération militaire contre l'Iran, pour l'empêcher de fabriquer sa bombe. Netanyahou harcèle l'Iran, « oubliant » que, si les mollahs ont pu enrichir leur uranium, c'est parce que Donald Trump avait, sous sa pression, déchiré l'accord sur le nucléaire iranien…
Les Netanyahou, tel père tel fils
L'histoire ne pardonnera sans doute jamais à Benyamin Netanyahou d'avoir rouvert en 2021 les portes de la Knesset aux kahanistes. Rien là, toutefois, d'une alliance contre nature : le chef du Likoud a lui-même grandi dans le sérail sioniste révisionniste. Comment oublier que, dans années 1930, David Ben Gourion appelait Jabotinsky, père du mouvement… « Vladimir Hitler » ? En fait, c'est surtout Mussolini qui soutenait le Betar : il avait mis à sa disposition à Bari un émetteur radio couvrant tout le Moyen-Orient ainsi qu'à Civitavecchia des locaux pour son école de cadres. Le Duce expliqua en 1935 à David Prato, futur grand rabbin de Rome : « Pour que le sionisme réussisse, il vous faut un État juif, avec un drapeau juif et une langue juive. La personne qui comprend vraiment cela, c'est votre fasciste, Jabotinsky ». Benzion Netanyahou, le père de Benyamin, fut non seulement un militant révisionniste, mais un birion (voyou), surnom choisi par les membres de la fraction d'extrême droite du mouvement. Quant à Yaïr, le fils de Benyamin, une provocation suffit à le situer politiquement : il a accepté que sa photographie figure sur une affiche de l'Alternative für Deutschland (AFD) vantant « une Europe libre, démocratique et chrétienne » – son alliance avec les néofascistes compte donc plus pour lui que sa judéité !
Jusqu'où ira cette fascisation d'Israël ? Ben Gvir et Smotrich ne sont pas des extrémistes isolés, ni même marginaux. Sauf crise majeure débouchant sur une nouvelle forme d'union nationale, Netanyahou n'aura pas de majorité sans eux. La gauche juive comme arabe est au plus bas, incapable de proposer une alternative à un électorat populaire hystérisé par la rhétorique raciste. Le risque est grand que l'opposition vote avec ses pieds : des centaines de milliers de citoyens juifs israéliens vivent désormais ailleurs qu'en Israël, et nombre d'autres se sont procuré le passeport d'un État européen. Pour eux comme pour feu Zeev Sternhell, « en Israël pousse un racisme proche du nazisme à ses débuts ».
Une fois encore, la logique du « bonnet blanc et blanc bonnet » rend l'évolution politique israélienne inintelligible. Que tous les partis sionistes, de « gauche » comme de « droite » aient en commun le même projet colonial, est évident. Qu'en particulier en 1947-1949, le Mapam et le Palmakh aient joué un rôle capital dans la conquête des villes et villages arabes et l'expulsion de leurs habitants est un fait historique établi. Et depuis, aucun gouvernement israélien, sauf celui de Rabin, de 1993 à son assassinat, n'a commencé à rompre avec cet engrenage. Mais tout cela ne justifie pas d'attribuer la même dangerosité à un Ben Gvir ou à un Smotrich et aux dirigeants de la « gauche » sioniste. C'est ce que les dirigeants et les militants de la gauche radicale arabo-juive ont compris, appelant depuis près d'une décennie à la constitution d'un front uni contre l'extrême droite et critiquant les abstentionnistes.
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