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Jusqu’à quand Israël pourra-t-il défier le monde ?

Suite à l'offensive de l'armée israélienne, en janvier 2024 plus de 20 000 Palestiniens de Gaza étaient déjà tués, principalement des femmes et des enfants. Trois fois plus (…)

Suite à l'offensive de l'armée israélienne, en janvier 2024 plus de 20 000 Palestiniens de Gaza étaient déjà tués, principalement des femmes et des enfants. Trois fois plus étaient blessés. Certains experts qualifient cela de génocide, d'autres de massacre. Deux millions de personnes ont été déplacées, bien plus que durant toute l'histoire du déplacement des Palestiniens depuis le début de l'installation sioniste au tournant du XXème siècle. Comme Israël s'en prend aux hôpitaux et aux infrastructures civiles, les maladies infectieuses et la famine menacent de faire encore plus de victimes.

Tiré de Pressenza.

Plusieurs soldats israéliens eux-mêmes auraient été d'ailleurs infectés lors des opérations au sol et l'un d'eux est mort. Le général de réserve Giora Eiland suggère de tabler sur l'arme des épidémies imminentes plutôt que de mettre en danger la vie des soldats israéliens dans une affrontement réel. Les bombardements violents de Gaza ont démodernisé la zone et l'ont ramenée à l'âge de pierre : hôpitaux, écoles, centrales électriques sont réduits en ruines. Ce qui s'y déroule semble sans précédent. Tout comme le nombre des victimes.

Pourtant, la tragédie qui s'y déroule suit l'ancien scénario du projet sioniste, un projet européen à plus d'un titre, enraciné dans les nationalismes ethniques d'Europe de l'Est et d'Europe centrale. Selon celui-ci, les nations doivent vivre dans leur environnement « naturel » et ceux qui n'appartiennent pas à l'ethnie titulaire sont tout au plus tolérés. Un journaliste irakien écrivait, en 1945, que l'objectif des sionistes était « d'expulser les Britanniques et les Arabes de Palestine afin qu'elle devienne un pur État sioniste. (…) Le terrorisme [était ainsi] le seul moyen qui pouvait permettre aux aspirations sionistes d'aboutir. » De manière significative, le journaliste ne considérait pas l'État futur comme juif mais comme sioniste. Il devait savoir que les juifs de pays autres que ceux d'Europe et de colonisation européenne constituaient une part minuscule du mouvement sioniste.

Le sionisme est également européen en ce qu'il s'agit du plus récent projet d'occupation coloniale. L'Association de Colonisation Juive de la Palestine était une des agences consacrées à transformer la Palestine multiethnique et multiconfessionnelle en « foyer juif ». Le Jewish Colonial Trust, prédécesseur de la Banque Léumi, aujourd'hui la plus grande banque d'Israël, finançait le développement économique lié à l'établissement sioniste en Palestine. Selon le mode d'action colonial habituel, les premiers colons sionistes étaient désireux d'établir une colonie séparée plutôt que de s'intégrer dans la société palestinienne existante.

Le sionisme n'est pas seulement le cas le plus récent de colonialisme de peuplement. Israël est unique en ce sens que, contrairement à l'Algérie ou au Kenya, il n'est pas peuplé de migrants venant de la métropole coloniale. Mais cette distinction importe peu pour les Palestiniens autochtones qui, comme dans de nombreuses autres situations, sont déplacés, dépossédés et massacrés par les colons. Le déplacement est mis en œuvre non seulement à Gaza, où il est massif et sans discrimination, mais aussi en Cisjordanie où il est plus ciblé.

Pour parvenir à ses objectifs, le sionisme a dû compter sur les grandes puissances, l'Empire britannique, l'Union soviétique, la France et, de nos jours, les États-Unis. Les sionistes, visant la réussite de leur projet, ont été pragmatiques et idéologiquement souples. Ils ont bénéficié du soutien de l'Internationale Socialiste pendant la majeure partie du XXème siècle puis sont devenus les favoris des suprématistes blancs et de l'extrême droite.

Le sionisme est une réponse de type nationaliste à la discrimination et à la violence anti-juives en Europe. Il considère l'antisémitisme comme endémique et irréductible, rejetant explicitement la viabilité à long terme de la vie juive partout sauf au sein de « l'État juif » en Palestine. Le génocide nazi en Europe a renforcé cette conviction et a offert une légitimité au projet colonial naissant alors que de tels projets échouaient partout ailleurs. Le projet sioniste, ignorant l'opposition des Palestiniens et des Arabes, a simplement exporté la « question juive » de l'Europe en Palestine.

Les Palestiniens ont progressivement compris que le projet sioniste les priverait de leur terre et ont entamé une résistance. C'est pourquoi les premiers colons sionistes, pour la plupart originaires de l'Empire russe, ont formé des milices pour combattre la population locale. Ils ont perfectionné leur expérience terroriste acquise pendant la révolution de 1905 avec des mesures de contre-insurrection coloniales apprises de la vaste expérience des Britanniques. Établi contre la volonté du monde arabe tout entier, y compris des Palestiniens locaux, l'État d'Israël doit vivre par l'épée. L'armée et la police ont travaillé dur pour parvenir à ce que les Britanniques appelaient la « pacification des indigènes » et maintenir les Palestiniens sous contrôle. Leur tâche a consisté à conquérir autant de terres que possible et de faire en sorte que le moins de Palestiniens y demeure.

De nombreux Gazaouis avaient été expulsés de la zone même qui a subi l'attaque du Hamas en octobre. Ce sont pour la plupart des réfugiés ou des descendants de réfugiés de ce qui est maintenant l'État d'Israël. La forte densité de la population dans une zone close, que certains appellent « la plus grande prison à ciel ouvert », les rend particulièrement vulnérables. Lorsqu'Israël n'a pas apprécié l'élection du Hamas en 2006, il a assiégé Gaza limitant l'accès à la nourriture, aux médicaments, au travail, etc. Les responsables israéliens admettaient ouvertement qu'ils mettaient les Gazaouis « au régime » tout en ayant à « tondre la pelouse » de temps en temps en soumettant les Gazaouis à une « pacification » violente.

Les seize années de siège ont intensifié la colère, la frustration et le désespoir, et conduit à l'attaque du Hamas de 2023. En réponse, Israël a utilisé des drones, des missiles et des avions pour continuer ce qui avait été commencé auparavant avec des fusils et des mitrailleuses. Le taux de mortalité a augmenté, mais l'objectif de terroriser les Palestiniens pour les soumettre est resté le même. Le nom de l'assaut actuel sur Gaza, « Épées de Fer », reflète bien le choix séculaire des sionistes de vivre par l'épée plutôt que de coexister avec les Palestiniens sur un pied d'égalité. Ein berera, « nous n'avons pas le choix », l'excuse israélienne courante pour déclencher la violence, est donc trompeuse.

Impunité et impuissance

Israël a bénéficié d'un degré élevé d'impunité et des dizaines de résolutions de l'ONU ont tout simplement été ignorées. Une seule fois, dans le sillage de la guerre de Suez de 1956, Israël a été contraint de renoncer à la conquête territoriale. Cela s'est produit sous une menace venant à la fois des États-Unis et de l'Union soviétique. Depuis lors, Israël s'appuie sur un soutien diplomatique et militaire ferme des États-Unis, qui est devenu plus effronté avec l'avènement du moment unipolaire de l'Amérique après la dissolution de l'Union soviétique. Ce soutien se manifeste maintenant par la fourniture de munitions américaines pour la guerre à Gaza, la présence de navires de la marine américaine protégeant Israël d'autrui et les vetos des États-Unis au Conseil de sécurité. Israël et les États-Unis vont de pair. L'Europe, bien qu'étant plus critique envers Israël sur le plan rhétorique, n'en suit pas moins de près la ligne américaine, comme elle le fait dans le conflit en Ukraine. Dans les deux cas, les chancelleries européennes semblent avoir abdiqué leur indépendance et, éventuellement, leur capacité d'action.

L'impunité d'Israël reflète également l'impuissance du reste du monde. Alors que les gouvernements musulmans et arabes dénoncent et protestent contre l'assaut d'Israël sur Gaza, aucun n'a imposé ou même proposé de sanctions économiques et encore moins militaires. Moins d'une douzaine de pays ont suspendu les relations diplomatiques ou retiré leur personnel diplomatique d'Israël. Aucun n'a coupé les ponts. La Russie et la Chine, ainsi que la plupart de ceux du Sud global, expriment leur consternation face aux victimes civiles à Gaza, mais se limitent à des déclarations.

Les réactions occidentales manifestent deux poids, deux mesures. Des sanctions économiques drastiques imposées à la Russie contrastent avec l'approvisionnement généreux en armes et, au mieux, des appels verbaux à la modération en réponse aux actions israéliennes à Gaza. En quelques mois, Tsahal a dépassé le record de presque deux ans de la Russie en Ukraine en ce qui concerne le volume d'explosifs largués, le nombre de personnes tuées et blessées, et la proportion civils/militaires parmi les victimes. Les sermons occidentaux sur l'inclusion et la démocratie sont peu susceptibles de peser lourd dans le reste du monde. Les vies palestiniennes ne comptent pas vraiment pour les gouvernements occidentaux.

La nonchalance des réactions vis-à-vis des massacres à Gaza contraste avec l'indignation qu'ils provoquent dans la population d'une grande partie du monde. D'énormes manifestations appellent les gouvernements à mettre un terme à la violence. En réponse, la plupart des gouvernements occidentaux n'ont rien trouvé de mieux que de renforcer les mesures visant à restreindre la liberté d'expression. L'opposition au sionisme a été assimilée à de l'antisémitisme ; le Congrès américain a même entériné officiellement l'équivalence entre l'antisionisme et l'antisémitisme en décembre 2023. Des accusations d'antisémitisme sont portées à l'encontre d'étudiants, souvent juifs, qui organisent des manifestations propalestiniennes. Les débats télévisés sur ce qui constitue « l'antisémitisme génocidaire » dans les campus universitaires d'élite détournent l'attention de ce qui ressemble à un véritable génocide à Gaza. L'antisémitisme sert de Wunderwaffe à Israël, son arme de distraction massive.

Des manifestations propalestiniennes ont été interdites dans plusieurs capitales européennes où le boycott commercial ou culturel d'Israël a été rendu illégal. Cette pression de la classe dirigeante, y compris les tribunaux, la police, les entreprises médiatiques, les employeurs et les administrations universitaires, crée un puissant sentiment de frustration dans la population. Peu après avoir attaqué Gaza en 2009, et malgré de vives critiques sur son traitement des Palestiniens, Israël a été accepté à l'unanimité dans l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), composée d'environ 30 pays qui se vantent de structures de gouvernance démocratiques. L'ancien Premier ministre canadien Stephen Harper, alors encore en fonction, a placé la solidarité avec Israël au-dessus des intérêts du Canada au point de prétendre que son gouvernement soutiendrait Israël « quel qu'en soit le coût ».

Le soutien à Israël, qui tend à augmenter en fonction du revenu, s'est transformée en une question de classe. Il sert de rappel supplémentaire de l'éloignement croissant entre les dirigeants et les dirigés, le fameux un pour cent et le reste du monde. Reste à voir si la frustration populaire face à l'hypocrisie des gouvernements dans leur soutien à la guerre à Gaza pourra un jour entraîner un changement politique qui menacerait l'impunité d'Israël.

Israël est un État sans frontières. En termes géographiques, il s'est étendu par la conquête militaire ou par la colonisation. Le mouvement sioniste et les gouvernements israéliens successifs se sont donné beaucoup de mal pour ne jamais définir les limites qu'ils envisagent pour leur État. Les services secrets israéliens et l'armée ne tiennent aucun compte des frontières, frappant des cibles dans les pays voisins et ailleurs à leur guise. Ce caractère sans frontières se manifeste également dans la prétention d'Israël d'appartenir aux Juifs du monde entier plutôt qu'à ses citoyens. Cela conduit à la transformation ouverte des organisations juives en agents israéliens. C'est particulièrement évident aux États-Unis. Des agents à peine secrets israéliens, tels que l'AIPAC, assurent les intérêts d'Israël dans les élections américaines à tous les niveaux, des conseils scolaires à la Maison Blanche. Israël a même joué le pouvoir législatif contre l'exécutif à Washington. Pourtant, cette ingérence politique flagrante attire beaucoup moins de critiques dans les médias grand public que les ingérences supposées de la Chine ou de la Russie. Israël intervient également dans les affaires intérieures d'autres pays.

Conflit entre les valeurs juives et sionistes

Le sionisme a suscité la controverse au sein des juifs dès son origine. Le premier congrès sioniste en 1897 a dû être déplacé de l'Allemagne en Suisse parce que les organisations juives allemandes s'opposaient à la tenue d'un événement sioniste dans leur pays. L'argument sioniste selon lequel la patrie des juifs n'est pas le pays où ils ont vécu pendant des siècles et pour lequel beaucoup ont versé leur sang lors des guerres, mais une terre d'Asie occidentale. Pour beaucoup de juifs, ce message n'est pas sans entretenir une ressemblance déconcertante avec celui des antisémites qui sont indignés par leur intégration sociale.

Initialement irréligieux, le sionisme détourne la terminologie religieuse à des fins politiques. Ainsi, ‘am Israel, « le peuple d'Israël », défini par sa relation à la Torah, est considéré comme se référant à une ethnie ou une nationalité dans la terminologie sioniste. Ce qui a incité l'éminent rabbin européen Jechiel Weinberg (1884-1966) à souligner que « la nationalité juive est différente de celle de toutes les nations en ce sens qu'elle est uniquement spirituelle et que sa spiritualité n'est rien d'autre que la Torah. […] À cet égard, nous sommes différents de toutes les autres nations, et quiconque ne le reconnaît pas, nie le principe fondamental du judaïsme. »

Une autre raison de l'opposition juive au sionisme est morale et religieuse. Bien que les prières pour le retour en Terre Sainte fassent partie du rituel judaïque quotidien, celui-ci n'est pas un objectif politique et encore moins militaire. De plus, le Talmud énonce des interdictions spécifiques de tout mouvement de masse vers la Palestine avant les temps messianiques, même « avec l'accord des nations ». C'est pourquoi le projet sioniste avec son addiction à la violence armée continue de répugner à de nombreux juifs et leur cause même de l'embarras voire du dégoût.

Certes, le Pentateuque et plusieurs des livres des Prophètes, tels que Josué et les Juges, regorgent d'images violentes. Mais loin de glorifier la guerre, la tradition juive voit dans l'allégeance à Dieu, et non dans la prouesse militaire, la principale raison des victoires mentionnées dans la Bible. La tradition juive abhorre la violence et réinterprète les épisodes de guerre, nombreux dans la Bible hébraïque, dans une optique pacifiste. La tradition privilégie clairement le compromis et l'accommodement. Albert Einstein faisait partie des humanistes juifs qui ont dénoncé le Beitar, le mouvement de jeunesse paramilitaire sioniste, aujourd'hui affilié au Likoud au pouvoir. Il le considérait comme « aussi dangereux pour notre jeunesse que l'hitlérisme pour la jeunesse allemande ».

Le sionisme rejette vigoureusement cette tradition « exilique », qu'il considère comme « la consolation des faibles ». Des générations d'Israéliens ont été élevées dans les valeurs du courage martial, fières de servir dans l'armée. Les sionistes se réfèrent régulièrement à leur État comme à une continuation de l'histoire biblique. L'idée du Grand Israël est enracinée dans la lecture littérale du Pentateuque. Le sionisme exige un engagement total et tolère peu d'opposition ou de critique. La passion de l'engagement sioniste a conduit à l'assassinat d'opposants, a dressé des pères contre leurs fils, divisant les familles et les communautés juives. L'historien Eli Barnavi, ancien ambassadeur israélien à Paris, avertit que « le rêve d'un “Troisième Royaume d'Israël” ne pourrait conduire qu'au totalitarisme ». En effet, de nombreux dirigeants communautaires juifs, indifférents au spectre de la « double loyauté », insistent pour que l'allégeance à l'État d'Israël prévale sur toutes les autres, y compris l'allégeance envers leur propre pays.

Les sionistes, qu'ils soient en Israël ou ailleurs, ont longtemps prétendu être « l'avant-garde du peuple juif » et le sionisme remplace le judaïsme pour pas mal de juifs. Leur identité, initialement religieuse, est devenue politique : ils sont les soutiens et les patriotes d'Israël, « mon pays, à tort ou à raison », plutôt que des adhérents du judaïsme.

La jeunesse d'Israël apparaît comme une exception parmi les pays riches. À chaque génération, les Israéliens deviennent plus combatifs et anti-arabes. Alors que, dans d'autres pays, les jeunes juifs sont généralement moins conservateurs que leurs parents et embrassent des idées de justice sociale et politique, les jeunes juifs israéliens défient cette tendance. L'éducation israélienne inculque des valeurs martiales et la croyance que, si l'État d'Israël avait existé avant la Seconde Guerre mondiale, le génocide nazi n'aurait jamais eu lieu. Ce qui maintient l'unité fragile de la majorité non-arabe est la peur : une mentalité d'assiégés qui se donne le plus souvent l'image de soi d'une victime vertueuse déterminée à empêcher la répétition du génocide nazi. La mémoire de cette tragédie européenne est devenue un outil de mobilisation des juifs en faveur de la cause sioniste. Son utilité politique est encore fort loin d'être épuisée.

L'utilisation du génocide pour favoriser le patriotisme israélien n'a jamais cessé depuis le début des années 1960. Après un spectacle aérien en Pologne en 2008, trois chasseurs F-15 israéliens portant l'Étoile de David et pilotés par des descendants de survivants du génocide ont survolé l'ancien camp d'extermination nazi tandis que deux cents soldats israéliens observaient le survol depuis le camp de la mort de Birkenau adjacent à Auschwitz. Les remarques de l'un des pilotes israéliens soulignaient la confiance dans les forces armées : « C'est une victoire pour nous. Il y a soixante ans, nous n'avions rien. Pas de pays, pas d'armée, rien. »

Les écoles publiques promeuvent le modèle du combattant contre « les Arabes » (le mot « Palestinien » est généralement évité), glorifient le service militaire le transformant en une aspiration et un rite de passage à l'âge adulte. Les politologues israéliens ont souligné que la religion civique ne fournit pas de réponses aux questions de sens ultime, tout en obligeant ses pratiquants à accepter le sacrifice ultime. L'espace civique en Israël est associé avant tout à la « mort pour la patrie Il n'est donc pas surprenant que le Hamas et, par extension, tous les Gazaouis, soient souvent qualifiés de nazis.

Ailleurs dans le monde, l'attaque du Hamas a également galvanisé l'engagement sioniste sous le slogan « Solidaires avec Israël ! ». Des efforts massifs et organisés sont déployés pour combattre la guerre de l'information. Les responsables israéliens comptent sur un réseau de puissants soutiens, y compris des dirigeants de sociétés de haute technologie, qui veillent à ce qu'Internet amplifie les voix pro-israéliennes et étouffe ou annule le discours propalestinien. La censure conduit à l'autocensure, car les prises de position propalestiniennes entravent les recherches d'emploi et menacent les carrières des militants.

Cependant, contrairement aux Israéliens, les juifs de la diaspora sont de moins en moins attachés au nationalisme juif à chaque génération. Un nombre croissant de jeunes juifs refusent d'être associés à Israël et choisissent de soutenir les Palestiniens. Le massacre systématique des Palestiniens à Gaza assisté par l'IA a gonflé leurs rangs, en particulier en Amérique du Nord. Les manifestations les plus spectaculaires contre la férocité d'Israël ont été organisées par des organisations juives, telles que Not in My Name et Jewish Voice for Peace aux États-Unis, Voix juives indépendantes au Canada et Union juive française pour la paix en France. Des intellectuels juifs de premier plan dénoncent Israël et figurent parmi les opposants les plus constants au sionisme.

Bien que de manière incongrue, ces juifs sont accusés d'antisémitisme. Plus incongrument encore, la même accusation est lancée contre les ultra-orthodoxes antisionistes. Alors que la prétention d'Israël à être l'État de tous les juifs les expose à la disgrâce et au danger, de nombreux juifs qui soutiennent les Palestiniens réhabilitent le judaïsme aux yeux du monde.

L'option Samson

Depuis ses débuts, les critiques du sionisme ont insisté sur le fait que l'État sioniste deviendrait un piège mortel pour les colonisateurs comme pour les colonisés. Dans le sillage de la tragédie en cours déclenchée par l'attaque du Hamas, ces mots d'un activiste ultra-orthodoxe prononcés il y a des décennies semblent prémonitoires :

« Seul un dogmatisme aveugle pourrait présenter Israël comme quelque chose de positif pour le peuple juif. Établi comme un soi-disant refuge, il a infailliblement été l'endroit le plus dangereux sur la surface de la terre pour un juif. Il a été la cause de dizaines de milliers de morts juives … il a laissé dans son sillage une traînée de veuves en deuil, d'orphelins et d'amis… Et n'oublions pas qu'à ce bilan de la souffrance physique des juifs, doit être ajouté celui du peuple palestinien, une nation condamnée à l'indigence, à la persécution, à la vie sans abri, au désespoir accablant et trop souvent à une mort prématurée. »

Le sort des colonisés est, bien sûr, incomparablement plus tragique que celui du colonisateur. Les citoyens palestiniens d'Israël font face à une discrimination systémique tandis que leurs frères et sœurs en Cisjordanie sont soumis à la répression à la fois de l'armée israélienne et de leurs sous-traitants de l'Autorité palestinienne. La détention arbitraire sans procès, la dépossession, les barrages routiers, les routes ségréguées, les perquisitions à domicile sans mandat et des morts de plus en plus fréquentes aux mains des soldats et des colons armés sont devenus routiniers en Cisjordanie. Les Palestiniens de Gaza, même avant l'opération « Épées de Fer », vivaient isolés sur un petit territoire, avec un accès à la nourriture et aux médicaments strictement rationné par Israël. Même les manifestations pacifiques étaient accueillies par des tirs mortels de soldats israéliens de l'autre côté de la barrière. Le travail était rare et il n'y avait aucune perspective d'avenir. La cocotte-minute était prête à exploser, ce qui a fini par se produire le 7 octobre 2023.

Depuis lors, des milliers de Gazaouis ont été tués et blessés par l'une des machines de guerre les plus sophistiquées au monde. Avec pour conséquence une montée de la colère et de la haine parmi les Palestiniens, à la fois à Gaza et en Cisjordanie. Les Israéliens se trouvent dans un cercle vicieux : l'insécurité chronique inévitable dans une colonie de peuplement renforce le postulat sioniste qu'un juif doit compter sur la force pour survivre, ce qui à son tour provoque l'hostilité et crée l'insécurité.

Il y a plus de deux décennies, David Grossman, l'un des auteurs israéliens les plus connus, s'adressait au Premier ministre de l'époque, Ariel Sharon, connu pour sa bellicosité :

« Nous commençons à nous demander si, pour atteindre vos objectifs, vous avez pris la décision stratégique de déplacer le champ de bataille non pas sur le territoire ennemi, comme il est habituel, mais dans une dimension complètement différente de la réalité – dans le domaine de l'absurdité totale, dans le domaine de l'auto-anéantissement total, où nous n'obtiendrons rien, et eux non plus. Un gros zéro… »

Des voix critiques, à l'intérieur et surtout à l'extérieur de l'État d'Israël, appellent les Israéliens à reconnaître que « l'expérience sioniste a été une erreur tragique. Plus tôt elle sera mise au repos, mieux ce sera pour toute l'humanité. » En pratique, cela signifierait garantir l'égalité pour tous les habitants entre le Jourdain et la Méditerranée et transformer l'ethnocratie existante en un État de tous ses citoyens. Cependant, la société israélienne est conditionnée à voir dans de tels appels une menace existentielle et un rejet du « droit d'Israël à exister ».

La logique coloniale de peuplement radicalise la société et la conduit vers un nettoyage ethnique voire un génocide. Aucun gouvernement israélien ne serait capable d'évacuer des centaines de milliers de colons pour libérer de l'espace pour un État palestinien en Cisjordanie ; les chances d'abandonner la suprématie sioniste sur l'ensemble du territoire sont encore plus faibles. Seule une forte pression internationale pourrait amener Israël à envisager une telle réforme.

Plus probablement, cependant, l'État israélien résistera à une telle pression et menacera de recourir à l'Option Samson, c'est-à-dire une attaque nucléaire contre les pays menaçant le « droit d'Israël à exister ». Dans ce pire des scénarios, Israël serait anéanti, mais ceux qui le mettent sous pression subiraient également d'énormes pertes. De toute évidence, aucun pays au monde ne prendra le risque d'une attaque nucléaire pour libérer les Palestiniens.

La pression viendra plus probablement du public, mais ce seront les communautés juives locales, presque toutes associées dans l'esprit du public à Israël, qui en feront vraisemblablement les frais. Alors que ces juifs, même les plus sionistes, n'ont jamais influencé les politiques d'Israël envers les Arabes, ils sont devenus des boucs émissaires faciles pour les méfaits d'Israël.

Les politiciens américains semblent être d'accord. Le président Trump a fait référence à Israël comme « votre État » en s'adressant à un public juif aux États-Unis. Le président Biden a déclaré que « sans Israël, aucun juif n'est en sécurité nulle part ». Les dirigeants israéliens apprécient de telles assimilations entre judaïsme et sionisme, entre juifs et Israéliens. Ces confusions renforcent le sionisme, alimentent l'antisémitisme et poussent les juifs à émigrer en Israël. C'est une perspective bienvenue pour le pays, que ces nouveaux Israéliens renforceront avec leurs ressources intellectuelles, entrepreneuriales et financières, ainsi qu'en fournissant plus de soldats pour Tsahal.

Malgré l'opprobre et les dénonciations publiques, l'Etat sioniste semble immunisé contre la pression du reste du monde. Le mépris israélien pour le droit international, les Nations Unies et, a fortiori, les arguments moraux est proverbiale. « Ce qui compte, c'est ce que font les juifs, pas ce que disent les gentils », était la boutade préférée de Ben-Gourion. Ses successeurs, beaucoup plus radicaux que le père fondateur d'Israël, veilleront à ce que la tragédie de Gaza ne conduise à aucun compromis avec les Palestiniens. L'opiniondominante israélienne ignore, voire se moque, des plaidoyers bien intentionnés des sionistes libéraux, une espèce en voie de disparition, pour « sauver Israël de lui-même ». Aussi improbable que cela puisse paraître aujourd'hui, seuls les changements au sein de la société israélienne peuvent ébranler l'hubris habituelle. En attendant, Israël continuera de défier le monde.

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Du blocus de Leningrad au siège de Gaza : la mentalité colonialiste

Le 27 janvier il y a 80 ans, les gens dans la rue s'étreignaient et pleuraient de joie. Ils célébraient la fin d'un siège de près de 900 jours que les forces soviétiques (…)

Le 27 janvier il y a 80 ans, les gens dans la rue s'étreignaient et pleuraient de joie. Ils célébraient la fin d'un siège de près de 900 jours que les forces soviétiques venaient de lever après des batailles féroces. Exactement un an plus tard, l'Armée rouge libérait Auschwitz. Aujourd'hui encore, en se promenant dans la principale avenue de Saint-Pétersbourg (le nom d'origine rendu à Leningrad), la perspective Nevski, on remarque un panneau bleu peint sur un mur pendant le siège : « Citoyens ! Ce côté de la rue est plus dangereux pendant les bombardements ».

Tiré de Pressenza.

Le blocus a été mis en œuvre par les forces terrestres et navales de l'Allemagne, de la Finlande, de l'Italie, de l'Espagne et de la Norvège. La ville fut assiégée trois mois et demi après le début de la guerre déclenchée le 22 juin 1941 par une coalition encore plus grande de l'Europe réunie sous la croix gammée. Sous la direction de l'Allemagne, des soldats de douze pays ont combattu en URSS : Roumanie, Italie, Finlande, Hongrie, Slovaquie, Croatie,
Espagne, Belgique, Pays-Bas, France, Danemark et Norvège. Deux millions d'entre eux sont partis en guerre contre l'Union soviétique en tant que volontaires.
La guerre contre l'URSS est très différente de celle que l'Allemagne avait menée en Europe occidentale. Il s'agissait d'une guerre d'anéantissement (Vernichtungskrieg). Le Troisième Reich voulait un espace vital à l'Est (Lebensraum im Osten), mais il n'avait pas besoin des gens qui y vivaient. En fait, la guerre contre l'Union soviétique était une guerre coloniale.
Considérés comme des sous-hommes (Untermenschen) les Soviétiques étaient destinés à être liquidés, affamés ou réduits en esclavage. Leurs terres devaient être colonisées par des « Aryens ». Pour exprimer son point de vue en termes raciaux familiers aux Européens, Hitler qualifiait la population soviétique d' »Asiatiques ».
Des millions de civils soviétiques – Slaves, Juifs, Tsiganes (Roms) et autres – ont été systématiquement mis à mort. L'ampleur dépasse le génocide que l'Allemagne avait commis dans le sud-ouest de l'Afrique (l'actuelle Namibie) de 1904-1908 en massacrant tout aussi systématiquement des tribus locales Namas et Hereros. Bien sûr, l'Allemagne n'était pas une exception : les autres puissances coloniales européennes n'étaient pas en reste.
Les envahisseurs nazis ont résumé leurs objectifs avec clarté : Après la défaite de la Russie soviétique, il ne peut y avoir aucun intérêt à ce que ce grand centre urbain continue d'exister. […] Après l'encerclement de la ville, les demandes de négociations en vue d'une reddition seront rejetées, car nous ne pouvons et ne devons pas résoudre le problème de la réinstallation et de l'alimentation de la population. Dans cette guerre pour notre existence même, nous ne pouvons avoir aucun intérêt à conserver ne serait-ce qu'une partie de cette très importante population urbaine.
La dernière ligne de chemin de fer reliant la ville au reste de l'Union soviétique est coupée le 30 août 1941, et une semaine plus tard, la dernière route est bloquée . La ville est encerclée, les réserves de nourriture et de carburant se tarissent et un hiver rigoureux s'installe. Le peu que le gouvernement soviétique réussit à livrer à Leningrad est strictement rationné. À un moment donné, la ration quotidienne a été réduite à 125 grammes de pain fabriqué avec autant de sciure de bois que de farine. Ceux qui n'ont même pas eu cette ration ont été forcés de manger des chats, des chiens, de la colle à papier peint, et il y a eu quelques cas de cannibalisme. Les cadavres jonchaient les rues, car les gens mouraient de faim, de maladie, de froid et des bombardements.

British Movietone Video : “Siege of Leningrad – 1944" | Movietone Moment

Leningrad, une ville de 3,4 millions d'habitants, a perdu plus d'un tiers de sa population. Il s'agit de la plus grande perte de vies humaines dans une ville moderne. L'ancienne capitale impériale, célèbre pour ses magnifiques palais, ses jardins élégants et ses panoramas à couper le souffle, a été méthodiquement bombardée et pilonnée. Plus de 10 000 bâtiments ont été détruits ou endommagés. Cette opération s'inscrit dans la volonté de démoderniser l'Union soviétique, la faire sortir de la modernité. Leningrad devait être anéantie précisément parce qu'elle était un grand centre de science et d'ingénierie, qu'elle abritait des écrivains et des danseurs de ballet, qu'elle était le siège d'universités et de musées d'art célèbres. Rien ne devait survivre dans les plans nazis.

Hélas, ni les sièges ni les guerres coloniales n'ont pris fin en 1945. La Grande-Bretagne, la France et le Pays-Bas ont mené des guerres brutales dans leurs colonies tentant de « pacifier les indigènes ». Le racisme était officiel aux Etats-Unis, un autre allié de l'URSS dans la lutte contre le nazisme. Douze ans après la guerre, il a fallu la 101e division aéroportée américaine pour déségréguer une école à Little Rock, dans l'Arkansas. Les valeurs de tolérance qu'articule actuellement l'Occident sont récentes et fragiles. Le racisme explicite n'est plus acceptable, mais implicitement il reste bien présent.

Les vies humaines n'ont pas la même valeur, ni dans nos médias, ni dans nos politiques étrangères. La mort de trois soldats américains tués en Jordanie il y a quelques jours attire plus l'attention des médias que celle de centaines de Palestiniens tués tous les jours. Des sanctions sévères sont imposées à l'Iran pour son programme d'enrichissement nucléaire civil, alors qu'aucune n'est imposée à Israël pour son arsenal nucléaire militaire. Les puissances occidentales continuent de fournir des armes et un soutien politique à Israël qui impose un siège à Gaza, où la population civile est non seulement bombardée et pilonnée, mais aussi délibérément affamée et laissée mourir de maladies. Yoav Galant, ministre israélien de la défense, a été très clair lorsqu'il a déclaré : « J'ai ordonné un siège complet de la bande de Gaza. Il n'y aura pas d'électricité, pas de nourriture, pas de carburant, tout est fermé ».

La Cour internationale de justice (CIJ) a trouvé plausible qu'Israël commet un génocide des Palestiniens de Gaza. Or, sans surprise, Washington, qui continue de fournir à Israël les munitions, trouve que les accusations de génocide à l'encontre d'Israël étaient « sans fondement ». Londres, un autre fournisseur d'armes à Israël, les considère « complètement injustifiées ». Les Pays-Bas livrent à Israël des pièces pour les avions F-35 utilisés contre Gaza. Ayant autorisé, en vue de l'exportation vers Israël, une dizaine de millions d'euros pour la fabrication de « bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs et charges explosifs », Paris appelle la CIJ à bien vérifier s'il existe de la part d'Israël l'intention génocidaire.

Il s'avère que ce sont ces mêmes pays au lourd passé raciste et colonialiste qui sont complices actifs de la violence ayant causé la mort de près de 27 000 Palestiniens, dont 18 000 femmes et enfants. L'Allemagne qui a commis deux génocides racistes au vingtième siècle intervient à la CIJ en tant que tiers en faveur d'Israël. Elle rejette « avec véhémence » l'accusation contre Israël et décuple ses exportations d'armes vers ce pays.

Par surcroît, ces mêmes pays occidentaux viennent de suspendre le financement de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. Cette décision a été prise à la demande d´Israël qui milite depuis longtemps pour l'abolition de cette agence essentielle à la survie même des Palestiniens. En se basant sur les allégations de ses services de renseignement, Israël a accusé quelques employés de l'agence, qui en a plus de treize mille à Gaza, de collusion avec le Hamas. Ce coup est porté alors que les Palestiniens font face à une catastrophe humanitaire frôlant le génocide.

Ayant acquiescé à la colonisation israélienne de la Palestine occupée, ces pays à l'expérience coloniale récente appuient activement cette guerre de « pacification des indigènes » à Gaza.

La commémoration du siège de Leningrad sur le fond de la tragédie de Gaza montre que l'accusation que le poète martiniquais Aimé Césaire a lancé à l'Européen en 1955 reste toujours actuelle : “Ce qu'il ne pardonne pas à Hitler, ce n'est pas le crime en soi, le crime contre l'homme, ce n'est pas l´humiliation de l'homme en soi, c'est le crime contre l'homme blanc, c'est l'humiliation de l'homme blanc, et d'avoir appliqué à l'Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu'ici que les Arabes d´Algérie, les coolies de l´Inde et les nègres d´Afrique.”

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Offensive contre Gaza. Premières fractures en Israël

Presque quatre mois après le début d'un assaut tous azimuts qui s'est peu à peu transformé en guerre génocidaire, l'échec militaire de l'État hébreu est flagrant, incapable (…)

Presque quatre mois après le début d'un assaut tous azimuts qui s'est peu à peu transformé en guerre génocidaire, l'échec militaire de l'État hébreu est flagrant, incapable d'accomplir aucun des objectifs annoncés. Une impasse qui nourrit l'impopularité croissante du premier ministre Benyamin Nétanyahou et suscite la fronde au sein de son cabinet de guerre.

Tiré d'Orient XXI.

Les premières fractures apparaissent au grand jour en Israël, non seulement sur la manière dont son offensive est menée à Gaza, mais aussi sur la nécessité de la poursuivre. Elles se manifestent jusqu'à l'intérieur du cabinet de guerre mis en place par le premier ministre, Benyamin Nétanyahou. De notoriété publique, l'ambiance en son sein est glaciale. La principale dissension porte sur le sort des otages civils et des soldats détenus par le Hamas depuis le 7 octobre à Gaza. Elle oppose Nétanyahou et ses soutiens à deux ex-chefs d'Etat-major, Benny Gantz et Gadi Eisenkot. Pour les premiers, la « libération des otages » ne peut advenir qu'une fois la « victoire » assurée, c'est-à-dire l'« éradication » du Hamas. Pour les seconds, comme l'a déclaré Eisenkot sur la chaîne de télévision numéro 12, aucune victoire n'est envisageable sans une libération préalable des otages. Traduction : sans passer par une négociation avec le Hamas qui, pour les restituer, exige un cessez-le-feu durable et la libération de tous les Palestiniens détenus en Israël – ce que Nétanyahou récuse.

Le 18 janvier, en conférence de presse, le général Eisenkot a déjà « reconnu que les dirigeants israéliens ne disent pas toute la vérité sur la guerre. Il a refusé de répondre à une question quant à sa confiance en Nétanyahou et promu le sujet d'une rapide libération des otages, même si le prix est élevé. Enfin, il a proposé [la tenue] d'élections dans quelques mois » (1). En d'autres termes, une stratégie inverse à celle prônée par Nétanyahou, avec en prime son éviction de la scène politique une fois la guerre terminée. On comprend que l'ambiance soit frisquette. Le thermomètre est encore descendu de plusieurs degrés le 22 janvier, après la mort de 21 soldats israéliens (tous des réservistes entre 25 et 40 ans) dans une attaque à la roquette de miliciens du Hamas. Survenue après trois mois et demi d'une guerre où Israël dispose d'un avantage militaire démesuré, cette attaque dans le camp de réfugiés palestiniens de Maghazi, à 600 mètres seulement de la frontière israélienne, a accentué le sentiment d'échec qui domine les Juifs israéliens depuis le 7 octobre, malgré les communiqués de victoire quotidiens de l'armée. Elle a également ramené à la lumière une question récurrente en dépit des réticences : cette guerre est-elle « ingagnable » ?

Aucun objectif atteint

Brusquement, quelques données sont venues battre en brèche l'idée jusque-là largement dominante en Israël d'en finir une fois pour toutes avec le Hamas. Comment se fait-il qu'après plus de trois mois de bombardements aériens inouïs sur Gaza qui ont fait jusque-là près de 27 000 morts, le déplacement de près de 2 millions de personnes, une destruction tout aussi gigantesque des infrastructures et de l'habitat des Gazaouis, le Hamas soit encore en mesure de porter des coups aussi durs ? Des langues se délient.

On apprend que le « plan » initial de l'armée israélienne prévoyait un « contrôle opérationnel » total des trois grandes villes de la bande (Gaza city, Khan Younès et Rafah) avant la fin décembre. Le délai est dépassé d'un mois et l'objectif n'est pas atteint. On apprend aussi que le réseau de tunnels des forces armées du Hamas était beaucoup plus étendu qu'on ne le croyait, et que s'en emparer via des opérations terrestres provoquerait beaucoup plus de victimes que prévu. Surtout, le Wall Street Journal révèle que seuls 20 % des tunnels auraient été détruits en plus de trois mois.

Autre révélation : pour des motifs économiques, l'armée doit se défaire d'une partie importante de ses réservistes engagés à Gaza. Enfin, 117 jours après le carnage dans les kibboutz, le chef politique du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, et les deux chefs de sa branche armée, Mohammed Deif et Marwan Issa, sont toujours introuvables.

Dénoncer les « capitulards » et les « ennemis du peuple »

Le paradoxe est que celui qui mène la bataille pour sortir rapidement de la guerre et éviter un enlisement, en négociant une restitution des otages civils et des soldats israéliens captifs, soit précisément celui qui a « inventé » la doctrine militaire ayant conduit Israël aux crimes terribles commis à Gaza. Gadi Eisenkot est en effet l'ex-chef d'Etat-major qui a conçu la doctrine Dahiya (2) selon laquelle, dans les « guerres asymétriques » entre un État et un ennemi non-étatique, le seul moyen de vaincre consiste à imposer aux populations civiles qui abritent les « terroristes » le pire sort possible. Cette vision a été officiellement insérée en 2008 dans l'arsenal stratégique de l'armée israélienne.

Est-ce parce qu'il vient de perdre un fils de 25 ans et un neveu qui en avait 23, tous deux engagés à Gaza ? Toujours est-il que le général Eisenkot appelle aujourd'hui à négocier a minima une trêve avec le Hamas. Soudain, Chuck Freilich, un ancien numéro deux du Conseil de sécurité israélien, baisse la garde : « Il ne semble pas, déclare-t-il, que nous soyons en état d'atteindre nos objectifs » (3). Expert du King's College de Londres, Andreas Krieg estime qu'Israël est militairement « dans une impasse » (4).

Ce sentiment de l'échec, si peu familier, si insupportable pour une grande partie des Juifs israéliens, a aussi des conséquences internes. Les membres de l'extrême droite coloniale, alliés de Nétanyahou, se raidissent. Jusqu'ici, c'était les partisans d'une négociation avec le Hamas qu'ils dénonçaient comme des « capitulards ». Désormais, les familles de soldats morts à Gaza qui se joignent aux manifestants pour négocier une sortie de crise font eux aussi office d'« ennemis du peuple ». Les directives du gouvernement sont de « réprimer d'une main de fer » les voix israéliennes qui s'élèvent contre cette guerre. Celles-ci restent marginales, mais leurs manifestations vont croissant, tout comme croît la désillusion dans l'opinion publique.

« Le roi d'Israël » veut gagner du temps

Nétanyahou tente de rétablir son autorité en jouant sur le temps. Jusqu'ici, il n'y parvient pas. La presse fait état de contestation au sein de son gouvernement. Haaretz cite les confidences (anonymes) d'un de ses membres.

  • Cette guerre n'a ni objectif ni avenir, ce n'est qu'un moyen pour Nétanyahou de repousser le moment de s'attaquer à la question de sa responsabilité. (…) Dans chaque réunion (gouvernementale), il répète que la guerre va durer longtemps. Je pense qu'il sait lui-même que la probabilité est faible qu'il parvienne à atteindre ses objectifs. Il cherche juste à gagner du temps. […] Quant à abattre le Hamas, les succès réalisés au nord de la bande de Gaza sont déjà en train de s'éroder.

La guerre n'est pas encore finie que, sans attendre les commissions d'enquête qui suivront et le mettront forcément en position difficile, le « roi d'Israël » du dernier quart de siècle réunirait seulement 16 % des électeurs autour de son nom, selon un récent sondage. Quant à son parti, le Likoud qui jouit d'une majorité relative au parlement avec 32 sièges sur 120, il tomberait à 16 seulement si des élections avaient lieu demain. La seule stratégie de Nétanyahou, estime Mairav Zonszein, analyste israélienne de l'International Crisis Group, c'est « la guerre sans fin » (5). Mais cette stratégie bénéficie davantage à la droite coloniale radicale, plus conséquente que lui sur ce plan. Résultat : Nétanyahou apparait prisonnier de ses alliés, et mu davantage par ses intérêts personnels que par le bien public.

Pour Nétanyahou, la menace tient d'abord dans la possibilité d'un « lâchage » par Joe Biden. Ce risque-là paraît peu crédible, si l'on se fie à l'attitude du président américain depuis le début de cette guerre. Mais la position de ce dernier s'érode de jour en jour dans son propre camp. Le 18 janvier, 60 élus démocrates – soit un tiers de leurs représentants à la Chambre - se déclaraient dans une lettre au secrétaire d'État Antony Blinken « très préoccupés par la rhétorique extrémiste de certains responsables israéliens », en particulier leurs appels à l'épuration ethnique des Gazaouis. Jamais pétition anti-israélienne n'a réuni un tel nombre d'élus au parti démocrate, historiquement favorable à Tel Aviv. De plus, la réaction du premier ministre israélien à l'appel public du président états-unien d'ouvrir la voie vers un État palestinien une fois la guerre terminée a rendu furieux les membres démocrates du Congrès. « Jamais, avait répondu le premier ministre israélien, je ne ferai de compromis sur le contrôle total de la sécurité entre le Jourdain et la mer. »

Le 19 juillet, un sondage montrait que les trois-quarts des démocrates âgés entre 18 et 29 ans étaient hostiles au soutien inconditionnel de la Maison Blanche à Israël. Bref, si l'on n'entrevoit pas encore de fossé entre Israël et les États-Unis, la faille s'approfondit au sein du parti présidentiel, et Biden a besoin d'un succès politique spectaculaire pour être réélu. Une rumeur tenace aux États-Unis veut que le président Biden ait soutenu la guerre israélienne telle qu'elle a été menée précisément dans l'idée de parvenir, après son achèvement, à un accord politique entre Israéliens et Palestiniens pouvant mener à la « solution à deux États ». Y croira qui veut. En attendant, une cour californienne a jugé recevable une plainte déposée par le Centre pour les droits constitutionnels, une importante association juridique américaine qui accuse Joe Biden, son secrétaire d'État Antony Blinken et son secrétaire à la défense Lloyd Austin de « complicité de génocide ».

Une cour « partiale » et « antisémite »

Mais le choc le plus important en Israël est celui qui a suivi, le 26 janvier, l'ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ) concernant la plainte de l'Afrique du Sud qualifiant de « génocide » la guerre menée à Gaza par Israël. Quoique la Cour n'ait pas exigé l'arrêt des combats, ce que Nétanyahou a immédiatement utilisé pour clamer victoire, le verdict n'a été perçu comme un succès par personne d'autre en Israël. Ceux qui ont fait l'effort de lire la décision ont compris que la cessation des combats de facto s'y inscrivait en creux. Comme l'a dit Naledi Pandor, le ministre sud-africain des affaires étrangères : « Comment fournir de l'aide et de l'eau sans cessez-le-feu ? Si vous lisez la décision de la Cour, elle signifie qu'un cessez-le-feu doit être prononcé ». Sans surprise, l'extrême droite mais aussi nombre d'autres commentateurs ont immédiatement vilipendé une cour « partiale », décrétée « antisémite ».

Surtout, en exigeant de l'État juif de « tout faire pour prévenir un génocide », la Cour suggère soit qu'un début d'action en ce sens est déjà enclenché, soit qu'un génocide à venir est une réalité potentielle. Son argument le plus fort sur l'intentionnalité d'un génocide consiste en une longue liste de propos tenus publiquement par divers dirigeants israéliens, politiques ou militaires, qui profèrent des souhaits ou des intentions sans conteste génocidaires. Le lendemain de l'adoption de l'ordonnance, un porte-parole a déclaré que « l'armée israélienne, après l'arrêt de la CIJ, allait renforcer la surveillance des vidéos et des publications dans lesquels on entend des appels à l'établissement de colonies dans la bande de Gaza, et des propos incitant à la violence contre les Palestiniens ».

Mais le 29 janvier, la droite israélienne organisait dans une salle de 3000 places à Jérusalem une « Conférence pour la victoire d'Israël ». C'était clairement une réponse à l'ordonnance de la CIJ. Le « transfert » des Palestiniens hors Gaza en a été le thème principal. Un avocat, Aviad Visoli, a plaidé qu' « une Nakba 2 est entièrement justifiée par les lois de la guerre ». Père d'un soldat détenu par le Hamas, le colon Eliahou Libman a lancé : « Ceux qui ne sont pas tués doivent être expulsés, il n'y a pas d'innocents ». Plus modéré, le ministre de la police, Itamar Ben Gvir a prôné une « émigration volontaire » des Gazaouis. Quinze membres de l'actuel gouvernement Nétanyahou issus de l'extrême-droite, du Likoud et même – une nouveauté – au parti religieux orthodoxe Unité de la Torah étaient à la tribune.

Diable ! Si on ne peut plus maintenant montrer sa joie en chantant et en dansant sur les gravats des maisons et au milieu des corps déchiquetés et enfouis des civils palestiniens, que les officiers de cette même armée avaient présentés comme autant d'« animaux humains », c'est à ne plus rien y comprendre, s'interroge le brave petit soldat israélien jusqu'ici convaincu d'être dans son bon droit.

Notes

1- « Amos Harel : « For Netanyahou, avoiding decisions on Gaza and Lebanon is the game plan », Haaretz, 21 janvier 2024.

2- Littéralement « banlieue » en arabe, en référence à la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah.

3- Chuck Freilich, « We in Israel are far more dependent on the U. S. than we ever knew », Haaretz Podcast, 23 janvier 2024.

4- Ronen Bergman & Patrick Kingsley, « In strategic bind, Israel Weighs Freeing hostages against destroying Hamas », New York Times, 28 janvier 2024.

5- « Netanyahu under pressure over Israel troop losses, hostages », AFP, 23 janvier 2024.

Cisjordanie-témoignages. « Barbarie ordinaire et impunité »

6 février 2024, par Ezra Nahmad — , ,
En Cisjordanie les agressions des colons et de l'armée se suivent et se ressemblent, lorsqu'elles ne convergent pas. Elles relèvent des mêmes scénarios : intimidations, (…)

En Cisjordanie les agressions des colons et de l'armée se suivent et se ressemblent, lorsqu'elles ne convergent pas. Elles relèvent des mêmes scénarios : intimidations, enlèvements, coups et blessures, fabrication de preuves à charge, pillages et destructions. Cet enfer de tous les jours n'est pas le fait de quelques individus, c'est le lot « ordinaire » d'une guerre coloniale menée depuis des décennies.

Tiré de A l'Encontre
25 janvier 2024

Par Ezra Nahmad

Khalet A-Dabe', 8 décembre 2023. (Villages Group)

Pour ce qui touche à la terreur dans le mont Hébron, au sud de la Cisjordanie, les témoignages d'une association israélienne, The Villages Group, sont précieux. Ses membres visitent les villages du mont Hébron pour maintenir des liens d'amitié et de solidarité, et fournir une aide matérielle. Voici des extraits de leurs comptes rendus. Des témoignages d'exactions qui se sont multipliées depuis le 7 octobre.

Enlèvements. Décembre 2023

Un jeune de 17 ans a été enlevé samedi vers midi à son domicile d'Umm Al Kheir. Les soldats de la « police des frontières » l'ont chargé dans une Isuzu blanche, les yeux bandés, les mains menottées derrière le dos, et sont repartis. Pourquoi ont-ils fait ça ? Simplement parce qu'il est palestinien. Sa famille a passé de longues heures à s'inquiéter, sans nouvelles. Nous [The Villages Group] avons tout essayé pour savoir où il se trouvait et avons interpellé notre avocat, Riham – en vain.

Cette disparition ressemble à d'autres cas récents. Dimanche matin, après vingt heures d'incertitude, ce jeune a été libéré. On ne lui a rien donné à boire ni à manger pendant son enlèvement. […] Nous comprenons maintenant pourquoi nous ne pouvions pas le localiser : il ne s'agissait pas d'une arrestation officielle, mais d'un acte de sadisme délibéré à l'initiative de quelques soldats.

Nous connaissions ce garçon depuis des années, ainsi que ses frères et sœurs, car nous avons aidé la plupart d'entre eux à poursuivre leurs études. « Aujourd'hui, disent-ils, la plupart des écoles sont fermées à cause du harcèlement des colons et des soldats. Les enseignants n'ont pas été payés parce que les partis d'extrême droite qui contrôlent le gouvernement israélien n'ont pas donné à l'Autorité palestinienne les fonds [obtenus via les taxes sur les travailleurs palestiniens dans les entreprises israéliennes] qui lui reviennent. »

J'ai reçu un appel de Y. Son village a été investi le matin – comme c'est le cas quotidiennement – par deux colons avec un quad ; ils ont photographié de près les villageois et leurs enfants. Peu de temps après, cinq colons en uniforme ont débarqué dans une camionnette. De la direction opposée, des soldats réguliers sont arrivés à pied. On ne sait pas qui avait pris l'initiative du rassemblement. Les premiers étaient grossiers et violents, les soldats étaient un peu plus posés, mais ils laissaient faire.

Deux jeunes villageois ont été battus, enchaînés ; les yeux bandés, ils ont été emmenés dans la camionnette vers une destination inconnue. L'un a été descendu du véhicule et laissé quelque part, et l'autre a été conduit dans la soirée au commissariat de police, meurtri, accusé d'avoir frappé un soldat (mensonge). Aussi ridicules que soient les accusations, dès que les colons déposent une plainte, elle est enregistrée comme procédure « légale » officielle, et nous ne pouvons rien faire. Les avocats ne peuvent pas non plus être d'une grande aide dans de tels cas. Les colons savent qu'il s'agit là d'une autre forme de harcèlement et de torture.

Vandalisme et pillage à Khalet A-Dabe', 8 décembre 2023

Les habitants de Khalet A-Dabe' vivaient dans des grottes jusqu'à ce qu'ils commencent à construire des maisons afin d'améliorer leur qualité de vie. J. a également construit une maison, mais elle a été démolie par l'armée. J. a reconstruit, les autorités ont encore démoli, et ainsi cinq fois. Après la dernière démolition, J. rénove la grotte mais reçoit les invités dans une tente dressée sur les décombres. Depuis que la guerre a éclaté, le harcèlement des colons s'est accru, alors J. a commencé à dormir dans la tente tandis que sa femme et ses cinq enfants dormaient dans la grotte.

Le 8 décembre à l'aube, dit-il, « plusieurs soldats sont entrés dans la tente, ont dit qu'ils venaient chercher des armes. Ils se sont bien comportés, ont fait leurs recherches et sont partis. Mais ensuite les colons sont arrivés. Depuis le début de la guerre, ils portent des uniformes et des armes militaires, ils ressemblent à des soldats. Mais ils étaient masqués. Avec eux, c'était différent, il y a eu des injures grossières – “fils de pute [répété en hébreu et en arabe], tu es le Hamas” –, et ils ont pointé leurs armes sur nos visages. Ils ont encore fouillé, tout renversé, détruit les projecteurs, démonté une partie de la clôture […]. Ils allaient de maison en maison et saccageaient tout. Dans la partie principale du village, ils ont forcé tous les habitants à se réunir dans une seule maison. Ils ont emmené mon cousin S. aux latrines et l'ont battu là-bas.

Au bout d'un moment, un colon est arrivé avec un cartable contenant de vieilles munitions. Ils ont continué à le battre pour qu'il avoue que cela lui appartenait, mais ce n'était pas le cas. Il a été emmené par les soldats, enchaîné et les yeux bandés, pour un trajet de plusieurs heures, avant d'aboutir au commissariat de Kiryat Arba (la colonie proche de Hébron). Les soldats ont continué à faire preuve de cruauté, notamment en éteignant des cigarettes sur ses bras. » Il est probable que les colons eux-mêmes aient apporté le sac avec les munitions. Mais la libération immédiate de S. atteste que la police s'est rendu compte qu'il s'agissait là d'une tromperie des colons.

Les dégâts matériels les plus graves ont été commis dans la petite école dans laquelle étudient dix enfants du village – de la 1re à la 4e année. Les colons se sont déchaînés là-bas et ont détruit tout ce qu'ils pouvaient, ils ont cassé les armoires et les portes et vandalisé les livres et les cahiers. Les écoles sont une cible privilégiée. Au cours de leur « perquisition », les vandales ont cassé des téléviseurs et des ustensiles de cuisine, volé des outils de travail, un marteau-piqueur et un générateur, ainsi que de l'argent, de l'or et des bijoux. « Qu'est-ce que cela a à voir avec une fouille d'armes ? », demande J.

Les actes de terreur coloniale en Cisjordanie sont attestés par de nombreux articles publiés dans la plupart des organes de presse internationaux. Des centaines d'agressions ont été répertoriées ces derniers mois. Pourtant, la complicité des colons, de l'armée et du système judiciaire, établie depuis de longues années, est souvent brouillée, ignorée. L'impunité et l'omerta équivalent à une caution. Israël recourt toujours à l'inversion des accusations, en fabriquant le cas échéant de fausses preuves. Les falsifications sont facilitées par les outils technologiques. Ces pratiques criminelles, accompagnées de meurtres quelquefois, se situent dans la continuité des stratégies engagées à la création de l'État d'Israël, mais les actes de barbarie ont augmenté ces derniers mois.

Raids de l'armée

Il faut ajouter à cette barbarie quotidienne les raids de l'armée. Jénine (nord de la Cisjordanie) ou Tulkarem (nord-ouest) ont été les cibles d'incursions militaires ou de bombardements par des drones. Le 12 décembre, l'armée a tué douze Palestiniens à Jénine. Mais elle a aussi volé et pillé dans la grande tradition des armées coloniales. Après le départ des soldats, un épicier faisait, devant une journaliste du Monde, l'inventaire de ce qui avait été volé : « Regardez, ce sont les restes des graines de tournesol qu'ils ont prises. Ils ont mangé et bu des articles de ma boutique. »

À la mi-janvier, l'armée a mené à Tulkarem une opération meurtrière dite « antiterroriste » de trente-cinq heures. Les témoins ont fait état de destructions des rues et des voitures par des bulldozers militaires. Depuis le 7 octobre, 360 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie par l'armée ou par les colons [1]. De l'avis de tous les observateurs, l'arbitraire colonial sous toutes ses formes ne fait que renforcer l'influence du Hamas. (Article publié sur le site de Politis le 24 janvier 2024)


[1] La tragédie quotidienne se prolonge à Gaza. Le 24 janvier un porte-parole de l'UNRWA a indiqué que des centaines de personnes réfugiées dans l'un de ses centres de formation – devenu un lieu de refuge – à Khan Younès ont essuyé des tirs israéliens nourris. Le bâtiment a pris feu, de nombreuses personnes n'ont pu s'échapper, au moins 9 personnes ont été tuées et les blessé·e·s se comptent par dizaines.

Le 25 janvier, le ministère de la Santé de Gaza déclare qu'une attaque a été menée contre des personnes affamées qui faisaient la queue pour obtenir une aide humanitaire dans le nord de la ville de Gaza, ravagée par la guerre. « L'occupation israélienne a commis un nouveau massacre contre des “bouches affamées” qui attendaient de l'aide », a déclaré Ashraf al-Qudra sur Telegram. L'attaque s'est produite au rond-point du Koweït, dans la ville de Gaza, et a fait au moins 20 morts et 150 blessés. Le nombre de morts est susceptible d'augmenter car des dizaines de personnes ont été grièvement blessées. Les victimes sont soignées à l'hôpital al-Shifa, qui est à court de fournitures médicales et ne dispose que de quelques médecins, a indiqué Ashraf al-Qudra. (Réd.)

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« Le sionisme est aussi destructeur que l’islam politique »

6 février 2024, par Mačko Dràgàn — , , ,
Photographe, Olivier Baudoin a réalisé de nombreux séjours en Palestine, dont il a tiré un livre, Au-dessus du niveau de l'amer. Il revient pour nous sur la riche culture de (…)

Photographe, Olivier Baudoin a réalisé de nombreux séjours en Palestine, dont il a tiré un livre, Au-dessus du niveau de l'amer. Il revient pour nous sur la riche culture de cette région invisibilisée, et sur un conflit selon lui « simple à comprendre : c'est la lutte des classes. Il y a un oppresseur, et un oppressé. Un riche, un pauvre ».

Tiré du blogue de l'auteur.

Un soir du mois de novembre, je retrouve Olivier, la voix douce, la barbe en bataille, à une terrasse du Vieux-Nice. Il était en Palestine lors de l'attaque du Hamas, le 7 octobre, et a donc récemment été rapatrié -mais pas par la France, dont il dénonce la gestion incompétente, si ce n'est inexistante, de ses ressortissants. Sa compagne étant Belge, c'est ce pays qui les aidera finalement à rentrer, le 15 octobre. Auparavant, Olivier a réalisé de nombreux séjours là-bas, à partir de 2010, notamment avec la compagnie, ou pour des ateliers photo avec des jeunes du camp de réfugiés d'Aïda, ou encore pour son projet de livre.

Son vin blanc et ma bière commandés, il commence, directement, à me parler de ce qui est selon lui au cœur du conflit : la lutte des classes. « Ce n'est pas la grille de lecture qu'on applique généralement à ce conflit, et on a tort ».

« Je suis allé là-bas pour la première fois il y a 13 ans. Je suis tombé des nues de ce que je voyais. J'ai été élevé dans une famille communiste d'un côté, chrétienne de l'autre, donc dans des sentiments humanistes. Je partais donc initialement dans une vision d'équilibre entre la nécessité de protéger les Juifs de ce qu'on -nous, les Européens- leur a fait subir, et le fait que des gens, des Arabes, vivent là-bas, et doivent avoir une place. La bonne conscience occidentale, disons, la volonté que tout le monde aille bien ». Mais quand il est arrivé à Bethléem, en Cisjordanie, il a « très rapidement pris conscience de la dissymétrie. Ce n'était pas ça qui se jouait. J'ai compris, en 48 heures, qu'il y avait un occupant, et un occupé. Un oppresseur, et un oppressé. Un riche, et un pauvre. La lutte des classes, quoi ». Ce qui nous rappelle à ce que l'écrivain afro-américain Ta-Nehisi Coates a déclaré de retour de Palestine : « J'ai immédiatement compris ce qui se passait là-bas ». Un peuple objectivement, et aux yeux du monde, privé de tous ses droits fondamentaux. Il en concluait : « C'est en fait assez familier pour ceux d'entre nous qui connaissent l'histoire afro-américaine ».

Le conflit israélo-palestinien, une guerre ethnique ?

Je lui évoque l'ethnicisation qui est souvent faite du conflit. Dans les médias, on parle d'une guerre de religion, d'une guerre des « races ». C'est faux, tempère-t-il. « Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'antisémites là-bas, mais il n'y en a pas plus qu'ici... Voire moins. L'antisémitisme, je le ressens plus -en non-Juif, hein- chez nous. Et n'oublions pas l'inéquité profonde à la racine de tout ça : une zone très riche culturellement, à bien des égards, mais maintenue sous contrôle constant par une autre ».

Il décrit son ressenti de ce qu'il appelle « l'humeur sociale » en Palestine, une société selon lui « anarcho-disciplinée » (rires). « On a tendance à n'y pas aimer les ordres, les doctrines, et en même temps, on y est très protecteur. Quand tu arrives en Palestine, tu es forcément le bienvenu, on va te prendre en charge. Et ils ont fait ça avec les premiers Juifs qui sont arrivés d'Europe ; ils les ont accueillis, car cela fait partie de leur norme sociale ». Le monde Israélien, lui, est une société « totalement identique à la notre. Donc si tu ne restes que là bas, tu peux garder cette idée fantasmée d'une Palestine hostile ».

Il narre une anecdote. « L'autre jour, je parlais avec un ami, Juif et proche de la politique de Netanyahu, qui m'a affirmé, à moi ayant vécu en Palestine, lui n'y ayant jamais foutu les pieds, que si un Juif rentre en Cisjordanie, il est mort. C'est faux. Quand je suis allé pour la première fois en Palestine, c'est un Juif qui m'y a amené. Il se cachait pas, cela faisait des années qu'il travaillait là bas avec les Palestiniens. Que tu sois Juif, ils s'en caguent [s'en foutent, NDLR] ». Il conclut : « C'est la position de l'État d'Israël qui a mis les Juifs en insécurité, et a créé des tensions ». Rony Brauman ne dit d'ailleurs pas autre chose, quand il déclare : « Israël est l'endroit où les juifs sont le plus en danger au monde, et met en danger les juifs du monde ».

Selon lui la Palestine est tolérante, multiconfessionnelle. On le dit peu, mais Hebron, Bethléem ou Ramala, villes à grosse majorité musulmane, sont dirigées par des maires Chrétiens. « Ils votent pour des chrétiens -et aussi pour des femmes, puisque le maire précédent de Bethléem était une mairesse ». Une tolérance certes remise en question par les extrémistes du Hamas, dont l'arrivée au pouvoir, nous le savons maintenant, a été poussée par Netanyahu -qui préférait des religieux plutôt que des marxistes, tels ceux l'Organisation de libération de la Palestine.

La religion ne saurait être un projet politique

Car c'est bien là le nœud du problème : ce terrible mélange entre la politique et la religion. « L'islam politique est dangereux. Et la France, comme beaucoup d'autres pays, notamment à dominante musulmane, en sait quelque chose ». Mais, ajoute-t-il, « c'est quoi, le sionisme ? C'est un projet politique religieux. Il est tout aussi dangereux que l'islam radical. Mais ça n'est jamais présenté comme ça ; on en arrive même à ce que critiquer le sionisme soit considéré comme antisémite. C'est une absurdité totale ».

Il poursuit : « Le besoin pour les Juifs de se sentir en paix quelque part est évidemment légitimes, et les conséquence de l'antisémitisme historique sont une dette que nous n'avons toujours pas réglée ». Il évoque le « péché originel » occidental : « Avec le plan de partage de 1947, on a botté en touche, et on balancé des Juifs là-bas, les laissant se démerder. Soyons clairs : on les a spoliés, et loin de réparer ça, on les a ensuite envoyés spolier une autre terre ». Où s'est ensuite développé, avec le temps, une société de type occidental. « Quand je suis à Tel-Aviv, j'ai l'impression d'être à Nice. Toi et moi pourrions être là-bas, avoir la même conversation à propos de ton journal anar' critique du pouvoir, de Netanyahu… C'est ça Israël, j'y suis comme un poisson dans l'eau, et c'est quand je rentre en Palestine que je change de monde ».

Une différence qui vient nourrir le discours de l'extrême-droite sur Israël comme base avancée de l'occident face à une fantasmatique « horde arabe ». « Le projet sioniste est en train de créer un conflit international. C'est quoi ce bordel ? » Alors même que, selon lui, la motivation première de ce conflit n'est pas religieuse. « A part que les gens s'aiment et que tout le monde soit heureux, il n'y a normalement aucun projet politique dans le judaïsme ».

Des solutions ? (non.)

Mais que faire ? Croit-il, par exemple, à la solution d'un État binational -un et seul même État pour deux peuples, avec les mêmes droits ? « Mon humanisme dirait oui, mais en l'état des choses ça n'est pas faisable. Comment imaginer une solution à un État avec une population qui a été oppressée par l'autre pendant 75 ans ? » Avec notamment des prisonniers politiques qui sont en fait des otages, arrêtés et incarcérés des années, sans aucun jugement, des meurtres, des humiliations, de la torture… (1) Selon Olivier, la solution à un État, « c'est l'aboutissement. Mais ça ne se fera pas tant qu'il y aura le projet sioniste. Beaucoup de Palestiniens sont prêts à vivre en harmonie avec les Israéliens, et vice-versa, et celles et ceux que je connais en sont tout à fait capables, mais ça n'est pas pour tout de suite. Le peuple palestinien doit panser ses plaies. Il faudra du temps ».

Pour le moment hélas, pour Israël, « le projet, c'est d'éliminer les Palestiniens. Soit en les tuant, soit en les déportant. Et ce qui se passe aujourd'hui en Cisjordanie, je le vis par des amis qui y sont à la campagne, et qui ne sortent que tous les 15 jours par peur de se faire tuer par les colons. Les attaques s'intensifient, car le projet est d'installer le plus de colonies Israéliennes possible, cantonnant les palestiniens dans les villes, dans des îlots séparés, et sans autonomie alimentaire, car sans campagne, et donc totalement dépendant d'Israël pour se nourrir ». Le summum de l'oppression capitaliste militarisée.

Ce qui peut faire basculer les choses, « c'est que la diplomatie occidentale change ». Mais l'occident est-il prêt, sachant qu'Israël « est le pays parfait pour entretenir la discorde dans la péninsule arabique, et qu'on a toujours trouvé plein de prétexte pour foutre le bordel là-bas » ? « Je commence à bien connaître les sociétés arabes. Elles sont créatives, cultivées. Mais le problème est que l'Occident n'a aucun intérêt à ce que cet espace soit autonome, structuré -car c'est un véritable contre-pouvoir. C'est une zone bien trop riche à bien des égards, et pas que financièrement, pour la laisser en paix et la laisser s'organiser ».

Le déni de l'oppression

Lors de l'horrible attaque de la Rave-Party de Super-Nova, le 7 octobre, à la frontière entre Palestine et Israël, au-delà du choc, une question s'est posée : comment était-il envisageable, pour ces jeunes gens, de festoyer ainsi à deux pas d'un immense camp de prisonniers à ciel ouvert, où les violences sont quotidiennes ? Olivier, lui, ne s'en étonne pas. « En 2011, je suis allé dans un village en Cisjordanie où un mur sépare depuis 15 ans les habitations et les cultures. Chaque semaine, une manifestation avait lieu. Je m'y suis rendu, avec des amis Israéliens. Charges, lacrymos… Une grande violence. Et une demi-heure plus tard, tu es à Tel-Aviv, ville bio, baba-cool, écolo, et ce, à deux pas d'affrontements constants… C'est insupportable ».

Le déni est le moteur premier de l'oppression du peuple palestinien par le peuple israélien, malgré son grand progressisme sur beaucoup d'autres sujets. « Ils sont progressistes, oui, mais ils sont vachement bien et ils ont pas envie de partir. Voilà. Et quand ils réalisent ce qu'ils se passe, ce qui est le cas de beaucoup de mes potes israéliens qui militent contre la colonisation, ils se cassent. C'est intenable pour eux ».

Peut-être l'avenir viendra-t-il des jeunes générations ? Comme l'a déclaré Tal Mitnick, 18 ans, Israélien objecteur de conscience : « Le changement interviendra lorsque nous reconnaîtrons les souffrances endurées par le peuple palestinien [...] et le fait qu'elles sont le résultat de la politique israélienne. Cette reconnaissance doit s'accompagner de justice, et de l'édification d'une infrastructure politique basée sur la paix, la liberté et l'égalité. Je ne veux pas participer à la poursuite de cette oppression et de ce bain de sang » (2).

Par Mačko Dràgàn

Un article tiré de notre dernier numéro (#46), consacré aux luttes antiracistes. Nous mettons chaque mois une partie de notre contenu en accès libre, mais pour tout lire, et nous soutenir, abonnez-vous !

Notes

(1) Lire notamment sur Mediapart : « J'ai subi l'électricité » : les Palestiniens faits prisonniers à Gaza témoignent de tortures et d'humiliations, Gwenaelle Lenoir, 21/12/23.

(2) https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/je-refuse-de-participer-a-une-guerre-de-vengeance-lettre-dun-objecteur-de-conscience-israelien-20231228_274B5J76EJBX3MAIOF6I4BAA5E/?utm_medium=Social&xtor=CS7-51-&utm_source=Twitter#Echobox=1703749302

A voir

Le Sel de la mer (ملح هذا البحر, Milh hadha al-bahr), un film dramatique palestinien de Annemarie Jacir (2008)

Une jeune américaine d'origine Palestinienne revient sur les terres qui ont été spoliées à sa famille en 1948.

Déclaration de La Via Campesina sur la décision historique de la CIJ concernant le génocide à Gaza

La Cour internationale de justice (CIJ) a rendu aujourd'hui un arrêt historique en réponse à une requête du gouvernement sud-africain, marquant ainsi une étape importante dans (…)

La Cour internationale de justice (CIJ) a rendu aujourd'hui un arrêt historique en réponse à une requête du gouvernement sud-africain, marquant ainsi une étape importante dans la quête de justice et de responsabilité.

Tiré de Entre les lignes et les mots

photo Serge d'Ignascio

L'arrêt enquête sur les allégations de génocide commis par l'occupation israélienne contre les Palestinien·ne·s de la bande de Gaza pendant la guerre en cours, qui a tragiquement fait plus de 26 000 victimes palestiniennes, dont plus de 64 000 blessé·e·s et des milliers de disparu·e·s, en majorité des femmes et des enfants.

La Via Campesina se félicite de cette décision cruciale de la CIJ, qu'elle considère comme une victoire historique pour les droits du peuple palestinien et comme un premier pas crucial vers la responsabilisation de l'occupation israélienne pour ses crimes persistants et son évitement de la punition. Les ordres contraignants de la CIJ demandent à l'occupation israélienne de garantir l'accès de la population palestinienne à l'aide humanitaire, de prévenir les actes relevant du génocide, de prévenir et de punir l'incitation directe et publique à commettre un génocide, de prendre des mesures efficaces pour empêcher la destruction des preuves liées aux allégations de génocide, et de rendre compte des mesures prises pour mettre en œuvre les ordres de la Cour dans un délai d'un mois.

Bien que nous ayons espéré, à La Via Campesina, que la Cour rende une décision de cessez-le-feu immédiat comme mesure minimale pour sauver la vie de milliers de Palestinien·ne·s qui continuent d'être victimes de cette guerre, comme cela a été le cas lors de la guerre russo-ukrainienne, nous reconnaissons l'importance du rôle joué par la Cour dans la mise en œuvre de cette décision. Cette décision, qui soumet pour la première fois l'occupation israélienne à une responsabilité juridique, est une étape essentielle pour isoler l'État occupant en tant qu'État accusé d'avoir commis un génocide. Il est nécessaire que les États qui soutiennent l'occupation israélienne, en particulier ceux qui lui fournissent des armes, cessent de la soutenir, car elle contrevient à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Nous continuons de croire que cette décision de la CIJ est une première étape dans la responsabilisation de l'occupation pour ses crimes odieux et l'utilisation sans précédent de la famine comme arme dans sa guerre contre les civil·e·s à Gaza. Plus de deux millions de Palestinien·ne·s souffrent de la faim en raison de l'utilisation par l'occupation de tactiques d'affamation. La Via Campesina reste ferme dans son engagement à soutenir le peuple palestinien dans sa lutte pour la justice et son droit à vivre dans la dignité.

Cette décision nous donne de l'espoir, car elle montre que la justice peut triompher de l'oppression.

La Via Campesina est unie et continue à lutter pour une liberté durable et le respect de la Palestine et de son peuple.

La Via Campesina est résolument solidaire et se fait l'écho de l'appel à la liberté et à la dignité durables pour la Palestine et son peuple.

Mondialisons la lutte, mondialisons l'espoir
Bagnolet : 26 janvier 2024
Via-info-fr@viacampesina.org
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USA : Le syndicat de l’automobile appelle à préparer une grève générale tout en soutenant Biden

6 février 2024, par Dan La Botz — , ,
Le syndicat United Auto Workers (UAW) illustre à la fois les problèmes et les possibilités du monde du travail. La semaine dernière, son président Shawn Fain a soutenu la (…)

Le syndicat United Auto Workers (UAW) illustre à la fois les problèmes et les possibilités du monde du travail. La semaine dernière, son président Shawn Fain a soutenu la candidature du démocrate Joe Biden à l'élection présidentielle, tout en appelant à organiser une grève générale.

Hebdo L'Anticapitaliste - 693 (01/02/2024)

Par Dan La Botz
traduction Henri Wilno

Crédit Photo
Wikimedia Commons

En 2023, après l'inculpation et la condamnation pour corruption de l'ancienne direction de l'UAW, Shawn Fain et un groupe de réformateurs ont été élus à la tête du syndicat. Fain et son groupe ont alors mené le syndicat dans une grève nationale remarquable contre les trois grands constructeurs automobiles américains. Comme je l'ai écrit à l'époque : « L'UAW a mené une grève de 45 jours contre les trois grands constructeurs automobiles américains — Ford, Stellantis et General Motors — avant de négocier un contrat en octobre et d'obtenir non seulement d'importantes augmentations de salaire et l'élimination des échelons, mais aussi d'empiéter sur le contrôle des entreprises sur leurs usines et sur l'industrie. Cela faisait des décennies que les États-Unis n'avaient pas vu un syndicat mener une telle grève de travailleurs industriels ».

Vers un syndicat lutte des classes

Aujourd'hui, Shawn Fain a appelé les syndicats américains à organiser une grève générale… en mai 2028. S'exprimant lors de la conférence politique nationale de l'UAW, il a déclaré : « Nous voulons une grève générale. Nous voulons que tout le monde débraye, comme cela se fait dans d'autres pays ». Bien qu'il y ait eu quelques grandes vagues de grèves, comme celles de 1919, des années 1930, de 1946 et de 1970, et quelques grèves générales à l'échelle d'une industrie ou d'une ville, il n'y a jamais eu de grève générale à l'échelle nationale. Pour parvenir à une telle grève, Fain a appelé les syndicats à fixer la date d'expiration de leurs contrats collectifs à mai 2028, comme l'a fait l'UAW.

Un tel appel sera difficile à concrétiser. La loi Taft-Hartley de 1947 a interdit les grèves de soutien, les grèves de solidarité et les grèves générales, et depuis les années 1970 et jusqu'à ces dernières années, les grèves ont considérablement diminué aux États-Unis. Les dirigeants syndicaux ont hésité à remettre en cause le statu quo et, jusqu'à présent, les travailleurEs n'ont pas eu la conscience, l'organisation et la combativité nécessaires pour le faire. Il est clair que l'appel de Fain à une grève dans quatre ans est une tentative d'attirer l'attention des travailleurEs et d'orienter la classe ouvrière vers une politique de lutte de classe.

Dans le même temps, Fain a annoncé que l'UAW, qui compte près d'un million de membres (400 000 actifEs et 500 000 retraitéEs), soutiendra Biden à la présidence, qualifiant son rival Donald Trump de « briseur de grève » opposé à « tout ce que nous défendons ». Le président Biden avait rejoint les travailleurEs de l'UAW sur un piquet de grève l'année dernière, une première pour un président américain. Pourtant, un sondage interne de l'UAW réalisé l'été dernier a montré que 30 % des membres soutenaient Biden, 30 % soutenaient Trump et 40 % étaient indépendants. Lors des dernières élections présidentielles, environ 60 % des membres ont voté pour le parti démocrate. L'annonce de Fain vise à unifier les membres derrière Biden.

Le besoin d'un parti des travailleurEs

Les deux annonces de Fain révèlent les possibilités et les problèmes des travailleurEs. D'une part, une partie réduite mais significative de l'UAW et de la classe ouvrière en général est désormais prête à s'engager dans la lutte des classes. Mais l'orientation politique de la masse des travailleurEs est plus problématique. La direction de l'UAW a décidé de soutenir Biden, le candidat d'un parti capitaliste. Certains membres de l'UAW refusent cette position en raison du soutien de Biden à la guerre génocidaire d'Israël contre la Palestine. Un nombre encore plus important de membres de l'UAW soutient Trump et sa politique raciste, misogyne, pro-business et autoritaire. Et la classe ouvrière elle-même n'a pas de force politique indépendante.

Les États-Unis n'ont pas eu de parti ouvrier important — parti du travail, socialiste ou communiste — depuis les années 1910. Et la création d'un tel parti n'a pas rencontré beaucoup de soutien depuis les années 1930. Bien que sa création ne soit pas à l'ordre du jour pour le moment, le besoin d'un tel parti de travailleurEs est clair, mais il devra être créé en luttant contre la bureaucratie ouvrière et le Parti démocrate. Les obstacles sont donc clairs eux aussi.

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Malgré la famine qui menace à Gaza, les États-Unis suspendent leur financement

6 février 2024, par Amy Goodman, Jan Egeland — , , , , ,
Malgré la famine qui menace à Gaza, les États-Unis suspendent leur financement à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés.es de Palestine dans le (…)

Malgré la famine qui menace à Gaza, les États-Unis suspendent leur financement à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés.es de Palestine dans le Proche-Orient (UNRAW en Anglais) Après qu'Israël ait déclaré que 12 de ses employés.es aient participé à l'attaque du 7 octobre

Tiré de Democracy Now
Traduction Alexandra Cyr

Note : comme la plupart des médias francophones utilisent le sigle Anglais pour cette organisation, j'ai décidé d'en faire autant dans ce texte qui s'en trouve allégé. A.C.

A.G. : (…) Les autorités palestiniennes et les groupes de défense des droits humains dénoncent la décision des États-Unis et d'au moins 12 autres pays (dont le Canada n.d.t.) de suspendre temporairement leur financement à l'UNRWA après qu'Israël eut accusé 12 de ses employés.es d'avoir participé à l'attaque du 7 octobre. Neuf de ces personnes ont été remerciées et l'UNRWA déclare que deux des accusés.es sont décédés.es.

L'UNRWA est un de plus important employeur de Gaza avec 13,000 employés.es. Il aide la majorité des habitants.es de l'enclave soit environ 2millions 300 mille personnes. Cette agence est visée par Israël depuis longtemps. Depuis le début de la guerre à Gaza, 150 de ses employés.es ont été tués.es.

Francesca Albanese, la rapporteure spéciale des Nations Unies pour les Territoires palestiniens occupés, a écrit sur les réseaux sociaux : « Le lendemain du jugement de la Cour internationale de justice qui conclut qu'il était plausible qu'Israël commette un génocide à Gaza, certains États ont décidé de ne plus financer l'UNRWA imposant ainsi un châtiment collectif à des millions de Palestiniens.nes au pire moment. Agissant ainsi, ils violent probablement leurs propres obligations envers la Convention contre le génocide ».

Pendant ce temps, le chef de l'Office, M. Philippe Lazzarini, condamne le gel des fonds à un moment où la famine menace à Gaza. Il a déclaré : « La population palestinienne de Gaza ne mérite pas un châtiment collectif en plus. Cela nous entache tous et toutes ». Et le Secrétaire général des Nations Unies, M. António Guterres a exhorté les pays donateurs à continuer de financer l'UNRWA.

Pour creuser cet enjeu, nous rejoignons à Oslo en Norvège, Jan Egeland. Il est le secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés.es. La Norvège participe toujours au financement de l'UNRWA.

Merci beaucoup Yan d'être avec nous. Pour commencer, pouvez-vous réagir à cette coupure de financement alors qu'entre autre, Gaza est sous les bombardements et au bord de la famine ?

Jan Egeland : Oui. C'est la pire réaction à ces allégations voulant qu'une douzaine d'employés.es sur les 13,000 de l'UNRWA aient trahi nos principes humanitaires de neutralité, d'indépendance et aient participé à l'horrible attaque contre Israël. L'UNRWA a immédiatement répondu en remerciant ces personnes comme vous l'avez dit et demande maintenant une enquête indépendante. Ce que ces donateurs ont fait, les États-Unis, le Royaume uni, l'Allemagne, l'Italie, la Finlande, Les Pays Bas, l'Australie et quelques autres, c'est de retirer l'aide aux enfants de Gaza, au femmes de Gaza, à ceux et celles qui sont totalement innocents.es là-bas. C'est la pire décision possible au moment où la population est coincée sous les bombardements. Ne punissons pas tant d'innocents.es pour la conduite de quelques uns.es qui ont mal agit semble-t-il.

A.G. : Il va devenir intéressant de voir si Israël va divulguer des preuves pour que les Nations Unies puissent enquêter sur cette affaire. Car beaucoup de ces pays ont immédiatement suspendu leur fourniture d'armes. Je veux vous lire un clip d'un ancien haut fonctionnaire israélien, Noga Arbell. Il écrit : « Nous ne pourrons pas gagner cette guerre sans détruire l'Unrwa et cette destruction doit commencer immédiatement ». Le Premier ministre Netanyahu a déclaré que l'UNRWA ne sera plus à Gaza après la guerre. Qu'en dites-vous Jan Egeland ? Et parlez-nous, puisque vous êtes à la tête d'un grand groupe humanitaire, de l'importance de l'UNRWA parmi tous les autres groupes et sans parler des gens sur le terrain.

J.E. : L'UNWRA est absolument essentiel. En effet je dirige le Conseil norvégien pour les réfugiés.es, nous sommes une grand groupe humanitaire (et nous agissons) partout dans le monde. Nous sommes présents partout où il y a des conflits pour aider les déplacés.es et les réfugiés.es. Nous avons été à Gaza au cours des deux dernières décennies. Nous avons été financés par les États-Unis, 40 autres pays donateurs et des agences internationales partout dans le monde.

À Gaza, il faut reconnaitre qu'avec tous les autres groupes nous n'approchons même pas ce que l'UNRWA représente pour la population. L'organisation a été la réponse à la création d'Israël et la guerre de 1948 qui a déplacé une grande partie de la population originelle de la Palestine vers Gaza, la Cisjordanie et dans d'autres endroits. Depuis lors, il n'y a pas eu de traité politique de paix. Et c'est parce que la communauté internationale n'a pas réussi à forcer les deux parties, les Israéliens et les Palestiniens, à résoudre le conflit. Cela aboutit à ce que des groupes humanitaires, d'abord et avant tout, l'UNRWA prennent cette population en charge.

Donc, affaiblir et amoindrir l'UNRWA sous prétexte qu'il serait un groupe extrémiste comme le gouvernement israélien le dit, revient à dire : « Nous allons punir les femmes et les enfants, les innocents.es pour ce que des extrémistes ont fait alors que sévit la pire agitation et un conflit sans fin, que nous ne voulons pas en ce moment tenter d'avoir des discussions pour parler de notre avenir ». C'est condamnable.

Et les donateurs internationaux doivent maintenir leurs liens avec les organisations humanitaires comme la Norvège le fait. La Norvège est un donateur important, il donne plus per capita aux Palestiniens.nes que n'importe quel autre donateur. Nous continuons à financer l'UNRWA et nous lui disons : « C'est bien que vous ayez remercié (ces personnes), mis fin à leurs contrats et c'est bien aussi d'initier une enquête. (Avec ses conclusions) nous aviserons sur ce que nous devrons faire à l'avenir ».

A.G. : Avez-vous des preuves de ce qu'avance Israël ? Est-ce qu'il en a présenté ?

J.E. : Pour ce que j'en sais, ni l'UNRWA ni l'ONU et ses enquêteurs n'ont rien reçu. J'espère qu'ils en recevront pour qu'ils puissent faire une investigation en profondeur ; ce sont de sérieuses accusations. J'ai lu quelque chose à leur sujet dans le New York Times. Si c'est vrai, ils ont trahi tous nos principes de neutralité, d'impartialité et autre. C'est très important pour nous ; nous sommes des humanitaires désarmés.es là où le feu fait rage partout dans le monde.

Mais, il est clair que qui que ce soit qui travaille au Proche Orient ne peut garantir qu'il n'y aura pas quelqu'un.e dans ses rangs à avoir des engagements secrets. Les Palestiniens.nes ne peuvent faire cela ? Les Israéliens.nes ne peuvent faire cela ? Pourtant nous connaissons plusieurs Israéliens.nes qui ont fait de très mauvaises choses à Gaza même tirer sur des gens portant le drapeau blanc. Ils ont même tiré sur leurs propres compatriotes portant ce drapeau blanc. Leurs colons sont organisés, des organisations de type mafieuses qui déplacent femmes et enfants en Cisjordanie. Plusieurs d'entre eux sont recrutés par les Forces armées. Ils devraient être en prison mais sont dans les Forces armées. Personne ne peut garantir qu'il n'y y aura pas de problèmes. Donc il faut une enquête et que des réponses soient en place chaque fois que cela arrive. Mais ne coupez pas l'aide aux gens qui sont en grand besoin. C'est la pire réponse.

A.G. : Jan Egeland, merci d'avoir été avec nous. (…)

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Pourquoi de nombreux Noirs se détournent de Biden à propos de la Palestine

6 février 2024, par Malik Miah — , ,
25 janvier 2024 | tiré d'Inprecor.org https://inprecor.fr/node/3798 Le président Joe Biden est en difficulté auprès des jeunes électeurs afro-américains. Son soutien (…)

25 janvier 2024 | tiré d'Inprecor.org
https://inprecor.fr/node/3798

Le président Joe Biden est en difficulté auprès des jeunes électeurs afro-américains. Son soutien inconditionnel au sionisme et le soutien militaire américain à la guerre horrible menée par l'État israélien contre le peuple palestinien à Gaza et en Cisjordanie occupée sont à l'origine d'une opposition croissante.

Biden refuse de dire à l'État d'Israël de mettre fin à sa guerre génocidaire à Gaza. Il répète tous les mensonges du régime israélien.

Pour de nombreux jeunes Noirs qui pensent que le Parti démocrate tient leur soutien pour acquis, sa politique étrangère de guerre et d'édification d'un empire est le signe que l'on ne peut pas non plus compter sur Biden pour lutter contre le racisme dans son pays. Certains resteront chez eux ou voteront pour des candidats indépendants - ou même pour Trump comme un moindre mal lors de l'élection présidentielle de 2024.

Pendant ce temps, les démocrates conservateurs se sont associés au lobby pro-israélien pour cibler les élus de leur propre parti qui appellent à un cessez-le-feu permanent et à une aide humanitaire. La cible numéro un est la députée de Détroit, Rashida Tlaib, la seule Américaine d'origine palestinienne jamais élue au Congrès.

Des voix s'expriment sur la lutte commune

De nombreux organes d'information grand public rendent compte de cette évolution des points de vue. Un article de l'Associated Press du 17 décembre en est un exemple :

« Cydney Wallace, une militante de la communauté juive noire, ne s'est jamais sentie obligée de se rendre en Israël, bien que “l'année prochaine à Jérusalem” soit un refrain constant dans sa synagogue de Chicago.

« Cette femme de 39 ans a déclaré qu'elle avait beaucoup à faire chez elle, où elle donne fréquemment des conférences sur la lutte contre le sentiment antinoir dans la communauté juive américaine et sur le démantèlement de la suprématie de la race blanche aux États-Unis.

« Je sais pour quoi je me bats », a-t-elle déclaré.

« Tout a changé lorsqu'elle s'est rendue en Israël et en Cisjordanie à l'invitation d'un organisateur communautaire palestinien américain du quartier sud de Chicago, en compagnie de deux douzaines d'autres Noirs américains et de dirigeants religieux musulmans, juifs et chrétiens. »

Le voyage s'est brusquement terminé en raison de l'attaque du Hamas à l'intérieur d'Israël le 7 octobre.

Mais le voyage a eu un impact important sur les opinions de Wallace. Pour elle, et pour un nombre croissant de Noirs américains, la lutte des Palestiniens est le reflet de leur propre combat pour l'égalité raciale et les droits civiques. L'essor récent des mouvements de protestation contre les brutalités policières et la structure de la suprématie blanche et du racisme institutionnel qui sévit dans presque tous les domaines de la vie a rapproché les militants noirs et palestiniens autour d'une cause commune.

Une défiance croissante

Demetrius Briscoe avait voté pour Joe Biden en 2020, mais le senior de Bowie State University, une université historiquement noire du Maryland, hésite à soutenir le président l'année prochaine.

Demetrius Briscoe a déclaré à USA Today qu'il « ne pense pas que beaucoup de ses pairs voteront pour Joe Biden parce qu'il n'a pas exigé de cessez-le-feu ».

« Il est en train d'entacher sa présidence d'une tache qui, à mon avis, ne sera pas facile à effacer, a déclaré M. Briscoe, ajoutant que si les démocrates appellent à un cessez-le-feu, cela pourrait sauver le parti démocrate d'une vague de jeunes qui ne voteraient pas pour eux ».

Lors d'un rassemblement pour le cessez-le-feu en octobre à l'université Howard, Delaney Leonard, une étudiante de 19 ans qui a participé à l'organisation du rassemblement, a fait remarquer qu'elle n'avait pas l'intention de voter pour Biden. Elle ne pense pas être la seule.

« Cela va certainement jouer un rôle dans la décision de vote des gens », a déclaré Mme Leonard.

Keesha Middlemass, professeur agrégé de sciences politiques à l'université Howard, note que "les jeunes voient enfin l'impact de la machine de guerre américaine". Ils sont profondément préoccupés par la loyauté aveugle de Joe Biden à l'égard d'Israël, sans aucune considération pour le droit à l'existence des Palestiniens.

Solidarité et soutien mutuel

Khadirah Muhammad, senior en dernière année à l'université d'État de Géorgie, se souvient d'avoir vu sur les médias sociaux les peintures murales de Black Lives Matter à Gaza et d'avoir regardé les Palestiniens manifester lors des manifestations de George Floyd en 2020. Pour elle, il s'agit de symboles de solidarité.

« Je pense qu'il est nécessaire de s'exprimer lorsque les choses ne vont pas », a déclaré Muhammad, âgée de 22 ans, qui a participé à un rassemblement propalestinien sur le campus en octobre. « C'est vraiment déchirant. »

Selon Michael R. Fischbach, professeur d'histoire au Randolph-Macon College et auteur de Black Power and Palestine Transnational Countries of Color, si de nombreux chefs religieux, étudiants et militants juifs ont soutenu Martin Luther King Jr et le mouvement des droits civiques, le soutien à Israël s'est transformé dans les années 1960 avec l'aile Black Power de la lutte pour la liberté des Noirs.

Identification et action

Fischbach ne s'étonne pas que les jeunes Afro-Américains éprouvent de l'empathie pour les Palestiniens. Plusieurs facteurs les rapprochent, notamment un sentiment de parenté au sein de cette « communauté mondiale fermée », une opposition à ce qu'ils considèrent comme un colonialisme de peuplement et des expériences communes de vie dans des communautés ségréguées.

Il a souligné que « beaucoup de jeunes, notamment de couleur dans ce pays, peuvent instinctivement s'identifier aux Palestiniens parce que cela ressemble, encore une fois, à l'expérience qu'ils vivent chez eux ».

Depuis des décennies, des segments de la communauté afro-américaine ont exprimé leur soutien à la Palestine. Ce soutien s'accroît aujourd'hui, en particulier chez les jeunes Afro-Américains. Les sondages révèlent aujourd'hui que les Noirs sont plus critiques à l'égard de la politique américaine au Moyen-Orient.

Selon le Crowds Counting Consortium, une initiative du Nonviolent Action Lab de l'université de Harvard, 2 357 manifestations, rassemblements, veillées et autres actions propalestiniennes ont eu lieu aux États-Unis entre le 7 octobre et le 10 décembre.

Les sondages reflètent les sentiments

Parmi celles-ci, 652, soit près de 28 %, se sont déroulées sur des campus universitaires. (Le consortium a recensé 450 actions pro-israéliennes au cours de la même période).

Un sondage réalisé en novembre par GenForward, géré par l'université de Chicago, a révélé que 63 % des électeurs noirs prévoyaient de voter pour Biden en 2024, contre 17 % qui ont déclaré qu'ils voteraient pour Trump s'il était désigné. En 2020, M. Biden a remporté 92 % des suffrages des électeurs noirs contre 8 % pour Trump. Malgré le fort soutien dont bénéficie M. Biden, cette désaffection croissante menace sa réélection.

Dans le même sondage, 16 % des électeurs noirs ont déclaré être plus favorables aux Palestiniens qu'aux Israéliens dans le conflit, contre 13 % des électeurs noirs qui ont déclaré être plus favorables aux Israéliens. Trente-neuf pour cent des électeurs noirs ont déclaré avoir de la sympathie pour les deux groupes ; 32 % ont dit ne pas savoir.

Muhammad, qui a déjà voté pour des démocrates dans le passé, a déclaré qu'elle ne se sentait pas obligée de soutenir les démocrates, qu'elle a qualifiés de « faibles ».

« Non pas que je veuille revoir une présidence de Donald Trump », a-t-elle déclaré. « Mais honnêtement, une présidence de Joe Biden, je ne me vois pas voter pour ».

Muhammad a déclaré qu'elle envisageait d'autres solutions. "J'aime voter avec intégrité", a-t-elle déclaré.

Malcolm X à Gaza

Son inquiétude rappelle les propos tenus par Malcolm X en 1964, après la création de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). (L'OLP était une réponse au déplacement et à la dépossession des Palestiniens à la suite de la création d'Israël en 1948. L'OLP avait pour but de représenter le peuple palestinien dans son désir d'autodétermination et de rechercher l'unité arabe. Elle recherchait également l'unité arabe).

Malcolm X s'est rendu à Gaza en 1964, alors qu'il s'agissait encore d'un territoire égyptien (dont Israël s'est emparé après la guerre des six jours de 1967). Il a écrit et publié dans la Gazette égyptienne l'essai décisif « Zionist Logic » (la logique sioniste).

Fervent opposant au colonialisme et à l'exploitation sous ses diverses formes, Malcolm X a critiqué la manière dont le judaïsme, le sionisme et le colonialisme se mêlaient pour perpétuer un dangereux précédent, en expliquant :

« Si la revendication “religieuse” de l'État d'Israël n'a pas été respectée, elle a été rejetée : Si la revendication "religieuse" des sionistes est vraie, à savoir qu'ils devaient être conduits vers la terre promise par leur messie, et que l'occupation actuelle de la Palestine arabe par Israël est l'accomplissement de cette prophétie, où est leur messie dont les prophètes ont dit qu'il aurait le mérite de les y conduire ? C'est Ralph Bunche [médiateur des Nations unies] qui a “négocié” la prise de possession de la Palestine occupée par les sionistes ! Ralph Bunche est-il le messie du sionisme ? Si Ralph Bunche n'est pas leur messie, et que leur messie n'est pas encore venu, alors que font-ils en Palestine avant leur messie ?

« Les sionistes avaient-ils le droit légal ou moral d'envahir la Palestine arabe, de déraciner les citoyens arabes de leurs maisons et de s'emparer de tous les biens arabes sur la seule base de l'affirmation “religieuse” que leurs ancêtres vivaient là il y a des milliers d'années ? Il y a seulement mille ans, les Maures vivaient en Espagne. Cela donnerait-il aux Maures d'aujourd'hui le droit légal et moral d'envahir la péninsule ibérique, de chasser les citoyens espagnols et de fonder une nouvelle nation marocaine... là où se trouvait l'Espagne, comme les sionistes européens l'ont fait pour nos frères et sœurs arabes en Palestine ?

« En bref, l'argument des sionistes pour justifier l'occupation actuelle de la Palestine arabe par Israël n'a aucune base intelligente ou légale dans l'histoire... pas même dans leur propre religion. Où est leur Messie ? »

L'exigence de Mandela

Trois décennies plus tard, Nelson Mandela, leader révolutionnaire sud-africain et premier président d'une Afrique du Sud libre, a déclaré dans un discours prononcé en 1997 à l'occasion de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien ce qui résonne encore aujourd'hui chez une grande majorité de personnes du Sud :

« Nous savons trop bien que notre liberté [en tant que Sud-Africains] est incomplète sans la liberté des Palestiniens ».

L'intensité du soutien à la Palestine ne fait que se renforcer parmi les jeunes Afro-Américains.

Publié dans Against the Current en décembre 2023.

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Quelles hypocrisie, immoralité et même sadisme !

Dès qu'Israël allègue que douze membres de l'UNRWA auraient participé dans l'attaque menée par le Hamas le 7 octobre, Washington suspend immédiatement son financement de cette (…)

Dès qu'Israël allègue que douze membres de l'UNRWA auraient participé dans l'attaque menée par le Hamas le 7 octobre, Washington suspend immédiatement son financement de cette organisation humanitaire de l'ONU. Et le Canada, ainsi que plusieurs autres pays, emboitent le pas.

Ovide Bastien, auteur de Chili : le coup divin, Éditions du Jour, 1974

Cette allégation apparait le 26 janvier. Le jour même, assez étrangement, où la Cour internationale de justice rend public son jugement, on ne peut plus dévastateur, pour Israël.
L'accusation de génocide que l'Afrique du Sud porte contre Israël est recevable, affirme la Cour. La preuve présentée démontre clairement que c'est possible qu'Israël soit en train de commettre un génocide.

• La Cour énumère en détail les nombreuses déclarations où de leaders israéliens incitent au génocide.
• Elle montre comment le grand nombre de morts et de blessés à Gaza ainsi que la destruction massive d'infrastructure reflètent ces déclarations.
• Elle annonce qu'elle déclenche une enquête et somme Israël de s'abstenir de détruire toute preuve pouvant servir à celle-ci.
• Elle demande à Israël de punir tout leader tenant de futurs propos génocidaires et de s'abstenir de toute action future ayant un caractère génocidaire.
• Elle demande à Israël de mettre immédiatement fin à son blocage de l'aide humanitaire à Gaza.
• Elle somme Israël de faire rapport à la Cour d'ici un mois au sujet du respect de ces mesures.

En apprenant que Washington, mon pays le Canada, ainsi que plusieurs autres pays suspendent leur financement de l'UNRWA, je suis estomaqué.

Comment se fait-il qu'Israël sorte soudainement de son chapeau, en ce moment précis, cette petite bombe médiatique ?

Et pourquoi cet empressement de suspendre le financement de la seule organisation ayant une capacité réelle de venir en aide à une population plongée dans une catastrophe humanitaire incommensurable ?

Remonte en moi, comme un volcan en éruption, une grande émotion de colère et de révolte...

La même que je ressentais au Chili en septembre 1973 lorsqu'Augusto Pinochet renversait le gouvernement de Salvador Allende et écrasait dans le sang, la torture, et les camps de concentration de milliers d'adeptes de l'Unité populaire.

Pinochet décrivait sa prise de pouvoir brutale comme une œuvre sacrée, une intervention divine. Comme Israël aujourd'hui, il cherchait à contrôler le récit, surtout dans les médias. L'exécution sommaire de personnes résistant à son putsch était présentée dans les médias comme l'action de militaires se défendant contre de simples délinquants et terroristes.
La douleur de millions de Chiliens et Chiliennes était énorme. Le coup d'État produisait 3 000 morts... Au moins 40 000 personnes furent soumises à la torture. Entendre, au jour le jour, la description des méthodes de torture utilisées m'était insupportable...

Profondément ému et bouleversé, je tentais de faire entrer dans diverses ambassades des personnes cherchant désespérément à échapper à la terreur. Et je collaborais avec de nombreux journalistes, qui arrivaient à Santiago, afin que le monde sache ce qui se passait au Chili.

Je n'oublierai jamais la fois que l'ambassadeur canadien à Santiago, Andrew Ross, refusait de nous ouvrir la porte.

J'étais avec un médecin chilien, qui occupait un haut poste dans le gouvernement de Salvador Allende, sa femme, et leur nouveau-né de six mois. Nous avions beau expliquer à M. Ross que ce médecin risquait emprisonnement, torture, et même exécution, et le supplier de faire preuve d'un peu d'humanité, il n'y avait rien à faire.

« Les gens ne s'énervent pour rien. Le gouvernement ne fait que sévir contre les malfaiteurs », insistait-il, en refusant de donner refuge à cette famille.

Cette froideur et hypocrisie devant autant de souffrance humaine me scandalisaient et me révoltaient.

Notre ambassadeur canadien, je le savais, appuyait le coup d'État et s'en réjouissait. Comme d'ailleurs Washington qui avait tout fait, financièrement et diplomatiquement, et ce, depuis longtemps, pour assurer son succès. La CIA offrait même aux militaires chiliens des instructions au sujet des méthodes de torture les plus efficaces.

Lorsque nous écoutions la radio internationale de Washington, Voice of America, ce poste ne faisait que répéter comme un perroquet la version que diffusait quotidiennement les militaires chiliens. Une version incroyablement falsifiée des faits.

Mes amis étatsuniens me racontaient que lorsque certains d'entre eux se présentaient à l'ambassade des États-Unis à Santiago, on leur disait, pour calmer leur désarroi et peur, « Take a bufferin ! »

Lorsque l'Afrique du Sud, décembre dernier, accusait Israël de génocide et demandait à la Cour internationale de justice d'adopter des mesures provisoires, le président Joe Biden et son secrétaire d'État Antony Blinken firent immédiatement une déclaration en conférence de presse. Cette accusation « ne repose sur aucune base factuelle », ont-ils affirmé.
Et le président israélien Benjamin Nétanyahou a fait de même.

« Nous vivons dans un monde à l'envers », affirma-t-il. « C'est le Hamas terroriste qui commet un génocide contre le peuple juif ».

Le jour même où la Cour internationale de justice rend son jugement discréditant complètement, et Washington et Israël, apparaît soudainement, comme par magie, cette allégation au sujet de douze employés de l'UNRWA. Washington suspend immédiatement son financement à cette organisation, et, dans l'espace de quelques minutes, ce qui fait la une dans les journaux des principales puissances occidentales, ce n'est plus l'arrêt de la Cour internationale de justice, mais l'affaire UNRWA et la suspension immédiate du financement de cette organisation, d'abord par les États-Unis et bientôt par toute une série de pays, dont le Canada !

La très réputé BBC, par exemple, consacre huit minutes à présenter les allégations non prouvées d'Israël au sujet de douze employés de l'UNRWA et beaucoup moins de minutes à présenter l'arrêt tout à fait historique de la Cour internationale de justice. La chaîne de télévision CNN, rapporte le Guardian du 5 février, est confrontée à une levée de boucliers de la part de son propre personnel en raison de politiques éditoriales qui ont conduit à une régurgitation de la propagande israélienne et à la censure des points de vue palestiniens dans la couverture de la guerre à Gaza.

Pourquoi le Canada refuse-t-il d'appuyer, comme l'ont fait plusieurs autres pays, l'arrêt de la Cour internationale de justice ? Pourquoi accorde-t-il spontanément crédibilité, par ailleurs, aux allégations non-prouvées d'Israël ? Des allégations possiblement fondées sur des confessions obtenues de prisonniers palestiniens soumis à la torture, ou sur des textos et courriels inventés de toute pièce ? Des allégations, en plus, faites par un pays fort connu pour sa maltraitance des prisonniers palestiniens, incluant la torture, et pour sa production d'affirmations fausses, surtout en temps de guerre, qui s'effondrent par la suite ?

Quelles hypocrisie, immoralité, et même sadisme que de couper les vivres à l'UNRWA ! La principale agence onusienne fournissant de l'aide humanitaire à 6 millions de Palestiniens et qui a 13 000 employés à Gaza, cette bande pas plus grande que la moitié de la ville de New York, et qui se trouve en plein milieu d'une catastrophe humanitaire qui arrache le cœur ?
On peut difficilement se réjouir du fait que le Canada, après avoir suspendu son financement de l'UNRWA, décide d'accorder $40 millions à d'autres organisations qui viennent en aide aux Gazaouis.

« Il est inacceptable de suspendre le financement humanitaire en pleine crise de la seule organisation capable de fournir un soutien humanitaire efficace à ceux qui en ont besoin, » affirme la députée libérale à la Chambre des communes Salma Zahid. « Ternir l'ensemble de l'UNRWA à cause d'allégations concernant quelques employés équivaut à une punition collective des Palestiniens. »

Aussi encourageant que cela puisse paraître, on peut difficilement se réjouir non plus du fait que Joe Biden décide, le 1 février, d'imposer des sanctions aux colons israéliens accusés d'actes violents en Cisjordanie et que le Canada songe à imiter ce geste.

On doit se rappeler que Washington n'a jamais remis en question la légalité des colonies juives dans les territoires occupés. Ni le système d'apartheid imposé depuis fort longtemps à de millions de Palestiniens dans ces territoires. Depuis 1973, Washington offre à Israël un soutien sans équivoque, utilisant au moins 53 fois son droit de véto à l'ONU pour rejeter des résolutions – pourtant toujours acceptées par une écrasante majorité de pays - condamnant la violence contre les manifestants palestiniens et les colonies israéliennes illégales en Cisjordanie occupée. Sous le gouvernement d'extrême droite de Nétanyahou, et surtout depuis les attaques du Hamas du 7 octobre, cette violence en Cisjordanie n'a fait qu'augmenter. Le bureau humanitaire de l'ONU recensait 494 attaques jusqu'au 31 janvier, attaques souvent faites avec la complicité grossière des militaires israéliens, lors desquels 1 000 Palestiniens furent expulsés de leurs maisons et leur terre.

À cause des nombreuses colonies illégales, les terres palestiniennes de Cisjordanie se trouvent présentement découpées en 165 enclaves distinctes.

Comment, dans un tel contexte, penser à la création d'un État palestinien viable et d'un seul tenant ?

Joe Biden impose des sanctions à certains colons israéliens, mais pas aux principaux auteurs intellectuels de leur violence, les ministres israéliens Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich. Il n'impose pas de sanctions à Benjamin Nétanyahou. Ni aux généraux qui larguent des bombes de 2 000 lb, gracieuseté de Washington, à Gaza. Il ne s'engage pas à ne point utiliser son veto à une possible résolution du Conseil de sécurité pressant Israël de se conformer aux mesures provisoires de la Cour internationale de justice afin d'éviter de contribuer à un génocide plausible.

Lorsque je vois Joe Biden demander au Congrès d'approuver une aide de $17 milliards pour Israël, sans exiger que cette aide soit conditionnelle au respect des droits fondamentaux du peuple palestinien... Lorsque je l'entends, dans une conférence de presse où il apparaît envahi d'émotion, s'apitoyer sur le sort des 130 otages toujours détenus par le Hamas à Gaza, en omettant d'exprimer si ce n'est qu'un iota de compassion au sujet des 27 000 Gazaouis tués - la plupart enfants et femmes, des 66 000 blessés, des 25 000 enfants devenus orphelins et des centaines de milliers traumatisés à vie, des dix enfants par jour qui se font amputer un membre sans être anesthésiés, de la démolition par bombe de 70% de l'infrastructure à Gaza, du déplacement forcé de 85% de la population, d'une catastrophe humanitaire d'épidémie et de famine...

Lorsque je vois tout cela, c'est comme si je me retrouvais encore une fois devant Andrew Ross en septembre 1973 au Chili, avec le médecin chilien, Roberto Bellemare et sa famille. J'entends notre ambassadeur dire à Roberto :

« Ta peur d'être détenu, torturé, et peut-être exécuté n'a aucune base factuelle. It is meritless ! »

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