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François Chesnais : une contribution incontournable à l’analyse du capitalisme

6 février 2024, par Marc Humbert — ,
Marc Humbert rend hommage à l'économiste marxiste François Chesnais, disparu en octobre 2022, en rappelant sa contribution à la compréhension de la place de la technologie dans (…)

Marc Humbert rend hommage à l'économiste marxiste François Chesnais, disparu en octobre 2022, en rappelant sa contribution à la compréhension de la place de la technologie dans l'économie capitaliste et en revenant sur son analyse de l'évolution des forces productives.

Tiré de la revue Contretemps
30 janvier 2024

Par Marc Humbert

***

François Chesnais, au cours d'une certaine période de son activité professionnelle, a cherché, entre autres, à approfondir la compréhension de la manière dont le capitalisme poursuivait le développement des forces productives. Je l'ai fréquenté professionnellement à cette époque où il était économiste à l'OCDE et qui va pour moi de la fin des années soixante-dix au milieu des années quatre-vingt-dix.

J'ai souhaité lui rendre hommage en rappelant sa contribution à certaines réflexions qui ont fait évoluer l'opinion de nombre d'économistes à cette époque. Dans ce cadre, il a bien décrypté le jeu des firmes multinationales, appuyé par les États dominants, dans la mondialisation de l'industrie et de l'économie mondiale. L'un de ses partenaires dans ces réflexions en a dressé un bilan historique long, voyant là « Comment l'Occident s'est enrichi 1] », un titre ironique paraphrasant celui du célèbre ouvrage sur la Richesse des Nations, d'Adam Smith, le père de l'économie libérale.

Mon propos comprend deux sections, une première rappelle la contribution de François Chesnais à l'appréciation du rôle de la technologie dans l'économie, ceci dans le cadre de l'apparition d'une nouvelle approche hétérodoxe de la théorie économique standard. La seconde tend à montrer que même après la fin de cette période qui semblait marquer un désintérêt pour les réalités industrielles, François Chesnais lui accordait encore toute son importance. Il s'interrogeait ainsi récemment pour savoir si cette fois le développement des forces productives avaient effectivement rencontré des limites infranchissables.

I. Conceptions du rôle de la technologie dans l'évolution de l'économie

A)Les apories des théories économiques disponibles sur la question de la technologie

La théorie économique standard de l'équilibre économique général suppose que l'ensemble de tout ce qui est matériel et immatériel destiné à satisfaire la consommation, la demande solvable des populations, est mis à leur disposition par le libre fonctionnement des marchés.

C'est ce fonctionnement qui assure une allocation optimale des ressources et offre à ces populations, à l'économie dans son ensemble, de se trouver dans une situation pareto-optimale, impossible à dépasser. La production de biens, de services, de services producteurs se fait dans un état donné de la technologie, on ne voit même pas apparaître la catégorie firme ou entreprise ; le texte de Coase de 1937 qui montrait que la firme est la négation du rôle des marchés ne sera exhumé par des semi-hétérodoxes que bien plus tard sous l'influence de Williamson en 1975. La théorie standard est une microéconomie sans acteurs concrets, mais modélisée selon le souci de chaque avatar de maximiser sa satisfaction, son bénéfice, à la moindre peine, au coût le plus bas possible, sans aucune autre considération. Avatar qui a été appelé homo economicus [2].

Après la crise de 1929, les libéraux thuriféraires du capitalisme ont été secoués par l'interventionnisme du New Deal qui a évité l'effondrement ou/et la révolte sociale. Les économistes vont devoir s'adapter. Un interventionnisme raisonné des politiques a besoin d'indicateurs et c'est ainsi que va naître la comptabilité nationale. Elle sera aussi bien utile pour que les idées de macroéconomie portées par la théorie générale de Keynes [3] publiée en 1936 puissent devenir des pratiques nationales de politique économique après 1945.

Les idées Keynésiennes ont été hybridées par des économistes qui les ont transformées en une recette de stop and go ou de fine tuning par les dépenses publiques ou le déficit budgétaire : si la demande globale est excessive et provoque l'inflation, un coup de frein est donné, tant pis pour le chômage qu'il peut provoquer. Vice versa, si la demande est insuffisante, les dépenses publiques pourront augmenter et relancer la machine et l'emploi. Toutefois cela n'était pas suffisant pour les responsables politiques qui, après 1945, ne voulaient pas seulement éviter les crises, mais surtout faire croître le PIB dont on allait vérifier désormais chaque année le taux de croissance.

C'est lui qui va permettre de faire espérer aux masses une amélioration de leur niveau de vie et garantir ainsi leur adhésion au système libéral c'est-à-dire éviter qu'elles ne soient tentées par l'expérience communiste, en particulier celle qui avait cours à l'Est de l'Europe où régnait disait-on la pénurie. C'est aussi ce type de promesse faite par le président américain Truman [4] en 1949 qui va assurer que les pays nouvellement indépendants et tous les autres encore non industriels, bref le Tiers-Monde, attendent sagement leur tour comme les y incite Rostow [5] en 1960 et demeurent au sein du « monde libre ». Ils ont été accompagnés dans leur attente par la communauté internationale qui a lancé la première décennie du développement en 1962 [6]. En l'absence répétée de toute réussite, cette première décennie a été suivie d'une série d'autres décennies et on est encore loin d'aboutir selon cette voie. Beaucoup de pays non occidentaux se sentent plus qu'impatients d'autant plus que pour raison écologique on leur demande de modérer leurs projets.

Mais comment mettre les économies sur un sentier de croissance ? Il n'y avait pas encore en 1945 de théorie de la croissance et les économistes patentés se sont alors mis au travail. Notamment des keynésiens plus ou moins dissidents des néoclassiques libéraux qui vont pondre l'objet attendu. C'est Robert Solow qui prend le leadership en 1956 avec une théorie macroéconomique de la croissance [7]. Ce qu'on y appelle technologie, est un rapport entre les quantités de Capital K et les quantités de travail L mises en œuvre selon une certaine fonction de production macroéconomique pour donner comme résultat notre PIB.

Quand en 1962 Denison s'aventure à tester ce modèle sur les données concrètes de la croissance américaine entre 1929 et 1957, il s'aperçoit que l'évolution des quantités de capital et de travail employées n'explique que moins de 50% de la croissance américaine. Il essaie toutes les idées astucieuses possibles pour gonfler « avec du supposé progrès – technique – » les quantités de facteurs mais il lui reste encore un « résidu » de 20% de croissance inexpliquée [8]. En France des économètres macroéconomistes de renom se coltinent le même exercice et montrent en 1972, malgré des raffinements sophistiqués, qu'il reste 50% de la croissance française entre 1951 et 1959 qui ne peut être expliqué [9].

Pour les mêmes raisons de la non prise en considération directe de ce qu'on soupçonne être le progrès technologique, on ne peut expliquer les différentiels de croissance entre les économies nationales (Denison 1967) [10]. Si on regarde du côté de Marx, ses disciples n'étaient guère mieux équipés. Certes Marx a la vision que ce sont les changements technologiques – l'évolution des forces productives- qui ont fait évoluer le social. Bien que ces changements ne soient pas explicités et expliqués ils sont tenus pour déterminants. Les forces productives à l'évidence, malgré les contradictions croissantes attendues, n'avaient pas encore atteint leur stade ultime quand Lénine a voulu coupler la technologie capitaliste (l'électrification) aux soviets pour construire le socialisme. Pas plus en 1945. Ce stade ultime ne semble pas encore atteint aujourd'hui.

Plus benoîtement et objectivement, on peut remarquer que L'URSS, après un rattrapage (aidé après 1945 par un brain-drain des ingénieurs allemands) s'est retrouvée dans les années soixante à la traîne des changements technologiques accélérés dans les pays capitalistes keynésiens, hormis dans le militaire. Il n'y avait pas vraiment de pénuries à l'Est, mais le niveau de bien-être matériel offert aux masses, comparé à celui dont bénéficiaient en moyenne celles de l'Ouest, présentait un différentiel qui a mécontenté la masse ouvrière soviétique au moins autant que la quasi absence de libertés individuelles.

Les rapports sociaux caractéristiques de la domination bourgeoise d'après la révolution industrielle selon Marx, ne permettent pas d'expliquer de façon satisfaisante, à mon sens, ni le rythme ni le contenu de la révolution industrielle encore moins la manière dont se poursuivent ces changements technologiques. Le modèle de reproduction élargie de l'accumulation en deux sections dont une productrice de biens d'équipement ne nous renseigne guère sur la dynamique technologique.

L'élévation de la composition organique du capital ne dit rien sur ce que sont les machines et le capital constant – et ce qu'elles sont, ou sur ce que sont certains de leurs éléments qui jouent ou non un rôle crucial, de même rien sur les qualifications variées des travailleurs et leur organisation selon des modalités différentes de celles employées pour les travailleurs manuels. Certes la plupart des adeptes de cette vision scientificisée s'efforcent de concocter ce qui manque et cela permet à leurs yeux de rendre compatible la poursuite des changements technologiques et la théorie de Marx. Mais leurs résultats n'ont pas convaincu grand monde en dehors du cercle étroit de leurs fidèles.

En France l'école de la régulation, inspirée de marxisme et de keynésianisme, donne sa version de l'explication des crises avec une théorie des formes institutionnelles qui elle aussi n'a que faire de se pencher sur la manière dont sont produites et changent les technologies. En 1986, dans la synthèse qu'il dresse de dix ans de travaux collectifs, Robert Boyer [11], que François Chesnais et moi-même avons fréquenté et apprécié, écrit que c'est peut-être une voie parallèle que de s'en préoccuper. Sur les cent-trente pages de son ouvrage en forme de bilan, dix lignes évoquent parmi des projets qu'il dit similaires à la théorie de la régulation ceux « des spécialistes du changement technique qui sont à la recherche d'un modèle évolutionniste (R.R. Nelson, S.G. Winter) permettant de cerner simultanément changement technique et mutation dans les formes institutionnelles (G. Dosi, L. Orsenigo, G. Silverberg) ». Pour que certains contributeurs de la théorie de la régulation commencent à traiter de ces questions technologiques, il a fallu attendre le colloque de Barcelone en 1988. Là sera organisée une session intitulée « Les enjeux sociaux de la technologie » – à la quelle ma contribution [12] a été diversement appréciée (mais publiée par la revue Tiers-Monde en 1989).

De fait ce qu'on appelle le « capitalisme » ne s'est pas encore effondré. C'était pourtant ce que prédisaient de nombreux marxistes au début des années 1970. Mais, cinquante ans plus tard, le capitalisme parait n'avoir jamais été aussi puissant. La crise de 2008 a réveillé l'espoir mais il a été déçu jusqu'à aujourd'hui. Toutefois, certains pensent que le capitalisme va très mal – et François Chesnais était de ceux-là – et qu'une reprise technologique serait cette fois peu assurée – François Chesnais était plus que dubitatif – et d'autres sont certains qu'une nouvelle crise plus importante est inévitable et va amplifier le déclin du capitalisme le rapprochant de son écroulement.

C'est bien possible. Personnellement je veux bien y croire car je suis fondamentalement opposé à la logique capitaliste. Mais il me semble que l'issue dramatique qui menace une grande partie de l'humanité pour les années 2070 c'est plus l'in-habitabilité de la Terre. Certes pour des raisons d'évolution des conditions écologiques dont est évidemment responsable l'évolution du capitalisme concret et l'oligarchie qui l'a pilotée, et qui la pilote encore à son profit. J'y reviendrai avec ce que j'en ai lu de François. Mais tout d'abord rappelons que si le capitalisme ne s'est pas effondré c'est en bonne partie en raison de son moteur technologique ce sur quoi François Chesnais m'était apparu tout à fait d'accord.

B) Les courants de pensée économique se saisissant de la question de la technologie

François Chesnais a fréquenté et travaillé avec les trois principaux leaders qui ont fait avancer la réflexion économique sur la question de la technologie. Il s'agit des regrettés Christopher Freeman, et Nathan Rosenberg – qui ont été au moins proches du marxisme à une certaine époque- ainsi que de Richard Nelson [13].

(i) Christopher Freeman

Christopher Freeman est un britannique (disparu en 2010 à l'âge de 88 ans) qui a consacré à temps plein sa vie d'économiste aux questions de la technologie à partir de la création en 1966 du Science Policy Research Unit de l'université du Sussex dont il a été le premier directeur fondateur. Il constitue une équipe avec laquelle il explore la création de nouvelles technologies dans tous les secteurs et dans de nombreux pays. Il accueille des doctorants de divers pays d'Europe (en particulier d'Italie) et d'Amérique Latine. Il publie seul et en collaboration, de nombreux articles, rapports, ouvrages.

Avec Giovanni Dosi, venu d'Italie, sera forgé le concept de paradigme technologique (1982) et l'hypothèse qu'est survenue dans l'industrie une innovation radicale avec l'invention des semi-conducteurs qui a provoqué une sorte de révolution diffusant peu à peu dans tous les secteurs d'activité [14]. Avec Carlotta Perez [15], venue du Venezuela (et qui fut un temps son épouse), il s'attache à développer l'idée des cycles longs héritée de Kondratiev [16] et interprétés par Schumpeter [17]. Le SPRU est visité également par Luc Soete qui fondera ensuite un centre un peu similaire à Maastricht.

De retour d'un séjour au Japon, Christopher Freeman se persuade qu'il faut concevoir que chaque pays organise de fait son système d'innovation et publie en 1987 un ouvrage en ce sens [18]. En 1988, avec Richard Nelson, Gerald Silberberg et Luc Soete, Freeman publie une somme collective sur l'introduction du changement technique dans la théorie économique et commande un chapitre à François Chesnais qu'il a fréquenté à l'OCDE [19]. Un autre familier du SPRU, Bengt-Åke Lunvall, un Suédois implanté à l'université de Aalborg au Danemark, s'empare du concept de système national d'innovation et sort en 1992 un ouvrage collectif auquel sera associé François Chesnais qui là encore publie un chapitre [20].

Parmi de nombreux chercheurs du monde entier qui ont été accueillis ou/et formés au SPRU et qui sont devenus des contributeurs notoires aux travaux sur le fonctionnement et le rôle de la technologie il faut nommer Helena Lastres et José Cassiolato. En raison de l'importance internationale de leurs contributions et aussi parce qu'ils y ont associé François Chesnais jusqu'à sa disparition.

Ces deux Brésiliens ont établi en 1997, dans leur université fédérale de Rio de Janeiro, à l'Institut d'économie industrielle, un réseau interdisciplinaire de recherche, inspiré en particulier du concept de système d'innovation. Il s'intitule Redesist, ce qui signifie « Réseau de Recherche sur les arrangements locaux d'innovation et de production » Ce réseau a fêté ses 20 ans d'existence en 2017 [21] et poursuit sa dynamique. Il s'est développé avec des groupes participant répartis dans 27 universités de tout le Brésil et des groupes dans la plupart des pays d'Amérique Latine et des accords avec des groupes et des chercheurs individuels dans le monde, dont François Chesnais et moi-même. Ce réseau a organisé un grand nombre de colloques internationaux, et a réalisé un grand nombre de rapports pour soutenir des politiques de développement. Il a publié un très grand nombre d'études, d'analyses théoriques d'articles dans des revues scientifiques, coordonnant des ouvrages en portugais et en anglais.

En 2003 ils ont accueilli le premier colloque international d'un réseau plus vaste encore dont ils ont été les animateurs en assurant son secrétariat pendant de longues années. Il s'agit de GLOBELICS. Un réseau mondial (GLOBE) sur les systèmes d'apprentissage, d'innovation et de formation des capacités (Learning, Innovation, Competence Building) co-fondé par Bengt-Åke Lundvall et Luc Soete, préalablement cités [22]. Ces thèmes ont été considérés comme au cœur des questions du développement économique et le réseau a organisé des colloques mondiaux dans tous les continents et continue à le faire. Leur 20ème colloque aura lieu en octobre 2023 à Kérala en Inde [23] sur la transformation des économies du Sud global liée à des innovations entraînées par l'essor des connaissances.

José Cassiolato et Helena Lastres se sont assurés la collaboration de François Chesnais qu'ils ont fait intervenir très souvent dans des colloques et journées qu'ils ont organisés depuis 1997 et l'ont fréquemment publié et encore au cours de ces dernières années [24]. Ils lui ont permis également, en l'invitant régulièrement au Brésil d'y continuer ainsi ses relations de travail et de militance. Enfin, et ceci n'est pas le moins de leurs soutiens aux travaux de recherche de François Chesnais, ils ont organisé un hommage à son intention pour ses 80 ans, ce qui s'est concrétisé sous la forme d'un ouvrage collectif publié en 2014. Ils y ont accueilli un texte de Catherine Sauviat sa compagne et complice de nombreux travaux. Elle y présente (en anglais) ce qu'elle connait du parcours intellectuel de François Chesnais [25]. Les différents chapitres (en portugais) de l'ouvrage d'hommage présentent chacun un aspect de l'apport de la pensée de François au Brésil et aux chercheurs Brésiliens sur les questions du développement et de la mondialisation.

(ii) Nathan Rosenberg

Nathan Rosenberg (disparu en 2015 dans sa quatre-vingt-huitième année) était américain. Professeur d'histoire économique (à Stanford à partir de 1974), il s'est intéressé à comprendre comment la technologie s'est développée et a forgé le monde occidental. Un premier ouvrage [26] publié en 1976 qui met cette question en perspective a été très remarqué, tandis qu'un second [27] sorti en 1982 porte un titre provocateur. « Inside the black box ».

Pour la plupart des économistes de toutes obédiences, il y a des lois du système économique, mais celles-ci n'expliquent pas par le menu la production de puissance, la production de ce changement ou de ce progrès technique qui booste la machine. Personne (ou presque) ne se risque à soulever le capot, la machine est une boîte noire. Il sera invité en 1991, lors du grand colloque organisé pour les 25 ans du SPRU, à prononcer le discours inaugural [28]. Un colloque qui a réuni tous ceux qui avaient rejoint ce champ de travail depuis plus ou moins longtemps, comme François Chesnais qui appréciait beaucoup l'approche historique de Nathan Rosenberg. Je m'y trouvais aussi bien sûr.

(iii) Richard Nelson

Richard Nelson (né en 1930 – 93 ans), après s'être intéressé à l'économie de la recherche scientifique de base avec un article remarqué [29] en 1959, a voulu comprendre plus complétement le processus d'innovation, c'est-à-dire au sens de Rosenberg, soulever le capot.

Dès 1962 ses recherches se sont orientées dans cette direction [30]. Il publie en 1977 dans la revue du SPRU, avec son collègue Sidney Winter, un article [31] sur la manière de chercher une théorie pertinente de l'innovation. Dans la foulée ils publient en 1982 un ouvrage qui fera date en fondant les bases de ce qui sera dit une théorie économique évolutionnaire [32].

Il s'est emparé lui aussi du concept de système national d'innovation et publie en 1993 un ouvrage avec une mise en regard des systèmes de différents pays. Il a confié à François Chesnais le chapitre sur le système français d'innovation [33]. L'introduction de l'ouvrage est co-signé par Nelson et Rosenberg. Rosenberg signe le chapitre sur le système d'innovation des Etats-Unis avec David Mowery qui a été son étudiant. Bengt-Åke Lunvall co-signe un autre chapitre.

C) La relation a-typique de François Chesnais avec Schumpeter

Ce que je viens de rappeler montre l'existence d'une communauté de chercheurs derrière lesquels planent l'ombre de Schumpeter. C'est une communauté scientifique au sein de laquelle François Chesnais occupe une place à l'importance reconnue. Au moins depuis les années quatre-vingt jusqu'au milieu des années quatre-vingt-dix. Si cette communauté continue de fonctionner sur ce champ, François Chesnais s'en est éloigné quelque peu après 1995.

Mais auparavant et après une quinzaine d'années intenses en débats, colloques, publications – j'aurai moi aussi le plaisir de publier François dans l'ouvrage collectif que j'ai sorti en 1992 chez l'éditeur clé qui avait accompagné cette communauté, Frances Pinter [34] – François réalise un maître ouvrage dans le cadre de la Direction de la Science de la Technologie et de l'Industrie où il était à la manœuvre.

C'est lui qui fut la cheville ouvrière du Programme Technologie/ Economie lancé en 1988 avec un programme approuvé par les Ministres des pays membres en 1991. Une revue a été lancée, mais surtout il en est sorti un ouvrage publié [35] en 1992. Comme rarement dans les publications de ce type par l'OCDE, juste avant la signature du secrétaire général de l'institution est indiqué « François Chesnais a assuré la coordination générale et l'établissement du texte définitif ».

François a pu y insister sur tous les thèmes qui lui paraissaient essentiels, les questions d'investissement et de formation des compétences humaines, la complétion du marché mondial et les firmes multinationales, l'oligopolisation et les réseaux d'alliances entre firmes géantes, la compétitivité structurelle, les questions d'industrialisation tardive et les problèmes de l'environnement.

Mais il faut noter que dans la longue bibliographie de cet ouvrage ne figurent ni Marx ni le Schumpeter de 1911, de la théorie de l'évolution économique [36] ou celui sur les cycles [37] de 1939. Pourtant se trouve référencé le livre qui fera la renommée publique de Schumpeter et publié en 1942 sous le titre de « Capitalisme Socialisme et Démocratie [38] ».

Schumpeter lui-même soulignait qu'il était un des rares économistes avec Marx et les marxistes à s'intéresser aux crises, à l'investissement ou l'accumulation du capital et aux grandes firmes et aux oligopoles. Mais si pour Marx le capitaliste bourgeois était l'homme aux écus qui précipitait la survenue des crises économiques, pour Schumpeter c'était l'entrepreneur qui se saisissait et provoquait des innovations et sortait l'économie des situations de crises.

Bien des marxistes et même des Keynésiens régulationnistes orthodoxes ou dissidents négligent Schumpeter. C'est par exemple le cas de notre ami Bernard Billaudot qui a cherché à repenser l'économie et à décrire l'ordre économique moderne [39]. Il dit s'être plongé dans une relecture approfondie de tout ce qui comptait à ses yeux parmi des économistes, des historiens, des philosophes, des sociologues des politistes dont il mentionne une liste très longue. Schumpeter ne semble pas présenter d'intérêt à ses yeux, car il ne le mentionne à aucun moment au cours de son texte long de 1000 pages.

François Chesnais, quant à lui, ne l'a pas négligé. Tout en regrettant encore récemment (en 2019) [40], « le désintérêt des économistes marxistes pour la technologie, marqué aujourd'hui par la quasi-absence de travaux économiques sur l'informatisation et l'automatisation ». Certes et c'est aussi ma position, il ne trouve aucune raison pour supposer que les cycles à la Kondratieff pourraient s'imposer de manière externe et déterministe au fonctionnement de nos économies [41]. Mais Schumpeter et Marx sont à peu près d'accord avec ce que soulignait François dans un article [42]de 1967 « la loi de développement des forces productives propre au système capitaliste est celle d'un développement potentiellement illimité de ces forces ».

Pour Schumpeter, le capitalisme est le lieu où souffle un ouragan permanent de destruction créatrice [43]. Si la contradiction marxiste est supposée mener à une destruction, elle est aussi supposée être bientôt définitive, et non pas créatrice. Pourtant Schumpeter rejoint Marx sur l'issue finale, le capitalisme finira par s'effondrer.

François Chesnais n'emploie guère Marx dans ses travaux sur la technologie au sein de cette communauté de recherche, mais il n'hésite pas pour autant à le faire à l'occasion pour rappeler qu'il y a selon lui au-delà des comportements des firmes et autres acteurs, les déterminants du processus historique du développement capitaliste.

Ainsi il écrit p. 498 in Dosi et al. (1988) [44] : “ tandis que les FMN sont manifestement des agents actifs dans le processus d'internationalisation et même des architectes de certains aspects de ce processus, et qu'elles doivent en conséquence être analysées pour elles-mêmes, elles sont cependant dépendantes d'un ensemble global de facteurs sur lesquels elles n'ont en fait peu ou pas de prise et qui tous ont leur source dans les mécanismes de base qui emmènent le processus historique du développement capitaliste. L'un de ces mécanismes est le développement (de manière contradictoire, antagonique et inégale) des forces de production, parmi lesquels la science et la technologie jouent un rôle qui devient de plus en plus central ».

Je suis obligé de remarquer que cela revient à dire que le déterminisme historique laisse attendre la fin du capitalisme et s'accompagne de quelques degrés de liberté qui permet de reporter cette fin. Et que François Chesnais en deçà du déterminisme historique s'intéressait à la manière dont les firmes, les entrepreneurs s'employaient à s'emparer de ce que lui, considérait, de facto, comme de simples degrés de liberté. Mais il s'intéressait aussi au degré de liberté (?) des Etats. Bref la technologie en elle-même ne suffit pas pour sortir de crise (sauver le capitalisme ?), retrouver un cycle ascendant, il faut des entrepreneurs et des institutions, des conditions socioéconomiques.

C'était Ergas qui avait souligné, en amont de l'idée de système national d'innovation, l'importance des politiques technologiques [45]. On pourrait dire qu'à certains égards François Chesnais était proche d'une sorte de keynésianisme technologiste. Quand il se demande dans un texte publié en 2016 pour ses amis Brésiliens, si le capitalisme va à nouveau s'en sortir par la technologie, il pense que le hic se trouve dans le fait que les tendances actuelles laissent prévoir que le chômage devrait se développer massivement [46]. Comme il l'y rappelle, des études documentées l'avaient affirmé déjà en 2013. Mais dix ans plus tard, en 2023, le fait est, qu'en Europe et aux Etats-Unis, il n'est pas plus important qu'en 2008, il est même plus bas aux Etats-Unis, en revanche la « qualité » et le « niveau de rémunération » des emplois semblent s'être dégradés. L'armée de réserve tarde à se constituer. Pourtant au vu de l'évolution tendancielle de l'accumulation et des taux de profits, François Chesnais, en 2022, écrivait que le capitalisme mondial était dans l'impasse [47].

II. Adieu à l'industrie ?

A) La financialisation

A partir du milieu des années 1990, François Chesnais a été happé par les questions de la financiarisation mondialisée du Capital. Mes relations avec lui se sont espacées. Bien sûr il a cependant, en 2002, soutenu le réseau de chercheurs que j'ai lancé depuis la CEPAL à Santiago du Chili : PEKEA (Political and Ethical Knowledge in Economic Activities) pour construire une approche politique et éthique des activités économiques. Un réseau mondial qui a regroupé jusque 1 000 chercheurs et militants pour moitié économistes et d'autres sciences sociales, dans une cinquantaine de pays. Il l'approuvait lui qui considérait qu'il n'y avait pas de raison que l'économie ne soit pas une science sociale comme une autre.

Il a quitté en quelque sorte le champ où nous travaillions ensemble, tout en m'informant qu'il y reviendrait. C'est le sens de la dédicace qu'il m'a écrite– comme il m'a donné et dédicacé La technologie et l'économie et bien d'autres de ses ouvrages- sur l'exemplaire qu'il m'a confié de son ouvrage collectif de 1996 La mondialisation financière- Genèse, coût et enjeux. On peut y lire ce qui suit [48] : « nous sortons de l'économie industrielle pour mieux pouvoir y revenir après avoir un peu mieux compris l'environnement financier des firmes et l'identité des forces et des acteurs qui pèsent même sur les groupes les plus puissants ».

A vrai dire il en est resté apparemment assez loin même s'il a lui-même affirmé dans un entretien révélé récemment mais donné à Contretemps en 2014 [49] :

« dans mes travaux récents j'essaie de corriger l'impression que certains ont pu avoir que, comme Aglietta, je donnais la primauté à la finance. Je suis vraiment revenu à l'internationalisation de la production et à la configuration des groupes industriels actuels, donc aux chaînes de valeur. »

C'est effectivement ce qu'il a fait dans son dernier grand ouvrage [50], en anglais, publié un peu après, en 2016. Il y montre bien que les banques ne dominent pas les grands groupes industriels, lesquels en revanche, interviennent sur les marchés financiers et restent les acteurs dynamiques de la mise en compétition planétaire acharné des salariés et des nations du monde. Certes l'imbrication des unes et des autres est bien réelle.

Mais tout n'est pas là pour comprendre la crise, cette crise de 2007-2008. Il ne faut pas en rester selon lui à des analyses maniant les variables usuelles du raisonnement. Cette crise dont on n'est pas encore sorti, pourrait être finale parce que le capitalisme aurait touché des limites infranchissables. C'est ce qu'il soutient dans la conclusion de l'ouvrage de 2016 que je viens de citer.

B) Le capitalocène

Dans l'ouvrage qu'il avait publié en 1992 pour l'OCDE, François Chesnais avait consacré un chapitre entier aux questions environnementales qui y sont prises très au sérieux. Toutefois, François Chesnais, et moi-même, n'avons pris conscience que plus tardivement de la rupture quasi paradigmatique que signifiaient les alertes données de manière toujours plus forte depuis 1972 (Rapport Meadows et Sommet des Nations Unies à Stockholm) et les observations scientifiques de plus en plus alarmantes. Pour moi cette prise de conscience était quasi explicite lors du colloque PEKEA de Bangkok en 2004. Je ne sais quand exactement cela fut le cas pour François mais il écrivait déjà en 2008 que la crise climatique allait se combiner avec la crise du capital [51]. Et c'est dans cette suite qu'il en est arrivé, apparemment à partir de 2010 – à adopter et intégrer dans ses analyses le concept d'Anthropocène – signifiant que l'espèce humaine est responsable de l'entrée dans une nouvelle ère géologique.

Quand il écrit en février 2012 un texte fondé sur son intervention pour le colloque de 2011 organisé au Brésil par l'équipe de José Cassiolato, il indique [52] qu'il ajoute une section à ce qu'il avait présenté lors du colloque pour expliquer que la combinaison de la crise climatique à la crise économique, financière et sociale exige une « rupture copernicienne ». Il situe l'origine de la situation dans la rupture épistémique provoquée par l'essor du capitalisme aux XVIe et XVIIe siècle– essor dans lequel Marx aurait déjà perçu que pourrait surgir la menace présente aujourd'hui. Il adopte la qualification de l'entrée dans l'Anthropocène comment faisant suite à l'Holocène pour caractériser ce qui est la situation présente.

Pour en sortir il est nécessaire selon François Chesnais d'entreprendre une nouvelle rupture épistémique et des mutations institutionnelles et organisationnelles radicales. Il adoptera quelques années plus tard le concept de Capitalocène [53] proposé par Jason Moore et c'est une version renouvelée [54] du texte de 2012 (que je viens de citer) qu'il donne à nos amis Brésiliens. Dans cet ouvrage qui s'interroge sur le futur du développement, il donne comme titre à son chapitre une affirmation qui peut me servir pour m'essayer à quelques mots de conclusion sur cet hommage à François Chesnais à travers la relation de mon compagnonnage intellectuel avec lui. Après avoir étudié toutes ces années les changements en cours dans l'industrie voilà, écrit-il, qu'arrive le temps de « l'entrée dans une période historique totalement nouvelle ».

Si un véritable retour à l'industrie lui – nous – a été presque impossible, c'est en raison « du changement climatique et de l'épuisement de ressources naturelles vitales [qui, comme l'affirme Ernest Mande [55] font que] « la lutte pour une issue socialiste prend l'importance d'une lutte pour la survie même de la civilisation humaine et de la race humaine ».

*

Marc Humbert est professeur émérite d'économie politique, Université de Rennes.

Notes

[1] Nathan Rosenberg and L.E. Birdzell (1986) How the West grew rich, Nexw York, Basic Books, traduction française Nathan Rosenberg and L.E. Birdzell (1988) Comment l'Occident s'est enrichi, Paris, Fayard. Les auteurs montrent comment, selon eux, au cours de l'histoire, en Occident, le capitalisme économique a remplacé les pouvoirs politiques et religieux pour piloter le devenir des sociétés.

[2] Ronald Coase (1937) “The Nature of the Firm”, Economica, New series, vol. 4, N°16, p. 386-405. Oliver Williamson (1975) Market and Hierarchies : Analysis and Antitrust Implications : A Study in the Economics of Internal Organization, New York, The Free Press.

[3] John Maynard Keynes (1936) The General Theory of Employment, Interest and Money London, Macmillan.

[4] Le texte du discours à la nation de Harry Truman est disponible en ligne (dernière visite le 21 novembre 2020) ; https://www.presidency.ucsb.edu/documents/inaugural-address-4 .

[5] A la suite d'un article publié en 1959 : Walt Whitman Rostow (1959) “The stages of Economic Growth” The Economic History Review, Vol 12, n°1, p. 1-16. Il en sortira un ouvrage au sous-titre explicite et qui deviendra un best-seller mondial : Walt Whitman Rostow (1960) The stages of economic growth, a non-communist manifesto, Cambridge, Cambridge University Press.

[6] Voir p.vi, in U Thant (1962) The United Nations Development Decade – Proposals for action, Report of the Secretary General, New York, United Nations. Department of Economic and Social Affairs.

[7] Robert Solow (1956), “A contribution to the Theory of Economic Growth”, The Quarterly Journal of Economics, Vol 70, n°1, February, p. 65-94.

[8] Edward F. Denison (1962) The Sources of Economic Growth in the United States and the Alternatives before Us, New York, Committee for Economic Development.

[9] Jean-Jacques Carré, Paul Dubois, Edmond Malinvaud (1972) La Croissance française : un essai d'analyse économique causale de l'après-guerre, Paris, Le Seuil.

[10] Edward F. Denison (1967) Why Growth Rates Differ, Wahsington D.C., Brookings.

[11] Robert Boyer (1986) La théorie de la régulation- une analyse critique, Paris, La Découverte.

[12] Marc Humbert (1989) « Les régulations sociales face au système industriel mondial », Revue Tiers-Monde, T. XXX, n° 120, octobre-décembre, p. 823-846. Version réduite et révisée de la Communication au colloque La théorie de la régulation : bilan et perspective, session Enjeux sociaux de la technologie, Barcelone, 16-18 juin 1988, 30 pages.

[13] Ce qui suit n'est pas une présentation de la pensée de, et de tout ce qu'ont fait, ces trois contributeurs à la formation de ce courant économique hétérodoxe. Je n'en dis que le minimum pour les « situer » pour ceux qui ignorent ce courant et par ailleurs pour rappeler ce qui, à ma connaissance, témoigne de l'interaction de François Chesnais avec eux et faisant de lui un contributeur essentiel de ce courant.

[14] Christopher Freeman (1982) The Economics of Industrial Innovation, London, Pinter. Giovanni Dosi (1982) “Technological paradigms and technological trajectories. A suggested interpretation of the determinants and directions of technical change”, Research Policy, Vol 11 ; Issue 3, June, p. 147-162.

[15] Carlota Perez (1983) » Structural change and the assimilation of new technologies in the economic and social system « , Futures, vol. 15, no. 5, pp. 357-375 et Carlota Perez (1985) » Micro-electronics, Long Waves and World Structural Change « , World Development, vol. 13, no. 3, pp. 441-463.

[16] Nikolaï Kondratiev a conçu cette idée par ses observations statistiques au début des années 1920, son article en russe de 1925 a été partiellement traduit en 1926 en allemand dans Archiv fur Sozialwissenschaft und Sozialpolitik ce qui l'a fait connaître et permettra sa publication complète en anglais : Nikolaï Kondratiev (1935) « The Long Wave in Economic Life », Review of Economics and Statistics, n°17, p. 105-115.

[17] Joseph Schumpeter (1939) Business Cycles : A Theoretical, Historical, and Statistical Analysis of the Capitalist Process, New York and London, McGraw-Hill.

[18] Christopher Freeman (1987) Technology Policy and economic Performance : Lessons from Japan, London, Pinter.

[19] Giovanni Dosi, Christopher Freeman, Richard Nelson, Gerald Silverberg and Luc Soete (1988) Technical Change and Economic Theory, London, Pinter. François Chesnais y a écrit le chapitre 23 : “Multinational entreprises and the international diffusion of technology » p. 496-527.

[20] Bengt-Åke Lunvall (1992) National Systems of Innovation – Towards a Theory of Innovation and Interactive Learning, London, Pinter. François Chesnais y a écrit le chapitre 13 “National Systems of Innovation, Foreign Direct Investment and the Operations of Multinational Enterprises” p. 265- 295.

[21] Marcelo de Matos, José Cassiolato, Helena Lastres, Cristina Lemos, Marina Szapiro (org.) (2017) Arranjos Produtivos Locais, Referencial, experiências e politícas em 20 anos de Redesist (Arrangements productifs locaux, Référentiel, expériences et politiques en 20 années de Redesist), Rio de Janeiro, E-papers.

[22] Freeman a été un acteur important de ce réseau mondial et Nelson (voir ci-après) l'est encore.

[23] Voir https://www.conftool.org/globelics2023/register.php

[24] Voir par exemple : Helena Lastres, José Cassiolato, Gabriela Laplane et Fernando Sarti (Org.) (2016) O Fururo do Desenvolvimento – Ensaios em homenagem a Luciano Coutinho (Le futur du développement- Essais en hommage à Luciano Coutinho, professeur d'économie politique, directeur de la Banque nationale de développement du Brésil), Campinas, UJNICAMP. Francois Chesnais y a écrit (p. 38 – 57) le chapitre intitulé “ The entry in a totally new historical period ».

Ou encore : José Cassiolato, Maria Gabriela Podcameni, Maria Clara Soares (org.) (2015) Sustentabilidade sociambiental em um contexto de crise (soutenabilité socio envrionnementale dans un contexte de crise), Rio de Janeiro, Epapers. François Chesnais y a écrit p. 39 – 63 « Uma interpretação sobre a situação econômica mundial seguida por consideracções sobre a crise ambiental (Une interprétation de la situation économique mondiale suivie de considérations sur la crise environnementale »).

[25] José Eduardo Cassiolato, Marcelo Pessoa de Matos, Helena M. M. Lastres (2014) Desenvolvimento e mundialização O Brasil e o pensamento de François Chesnais (Développement et mondialisation, Le Brésil et la pensée de François Chesnais, Rio, E-Papers. Catherine Sauviat y a écrit p. 29-36 “ Some notes on what I know about François's intellectual trajectory”.

[26] Nathan Rosenberg (1976) Perspectives on Technology, Cambridge, Cambridge University Press.

[27] Nathan Rosenberg (1982) Inside the Black Box :Technology and Economy, Cambridge, Cambridge University Press.

[28] Nathan Rosenberg (1991) “Critical Issues in Science Policy Research” [Opening Address to the SPRU 25th Anniversary Conference], Science and Public Policy, Vol 18, n°6, p. 335-346.

[29] Richard Nelson (1959) “The simple economics of basic scientific research”, Journal of Political Economy, n°67, p. 297–306.

[30] Richard Nelson (ed.) (1962) The Rate and Direction of Inventive Activity : Economic and Social Factors, NBER Special Conference Series, Princeton, Princeton University Press.

[31] Richard Nelson et Sidney G. Winter (1977), “In search of a useful theory of innovation”, Research Policy vol.6, n°1, p.36–76.

[32] Richard Nelson and Sidney G. Winter (1982) An Evolutionary Theory of Economic Change, Cambridge, Harvard University Press.

[33] Richard Nelson (ed) (1993) National Innovation Systems- A Comparative Analysis, Oxford, Oxford University Press. François Chesnais y a écrit “The French National System of Innovation”, p. 192-229.

[34] Marc Humbert (ed.) (1993) The Impact of Globalisation on Europe's Firms and Industries, London, Pinter, François Chesnais y a écrit “Globalization, world oligopoly and some of their implication”, p. 12- 21.

[35] François Chesnais (coord.) (1992) La technologie et l'économie – les relations déterminantes, Paris, OCDE. Il avait aussi poussé à la création en 1986 d'une revue STI Science Technologie et Industrie publiée en français et en anglais (elle a disparu en tant que revue en 1994) voir François Chesnais (1986) « Science Technologie et Compétitivité » Revue STI n° 1, Automne.

[36] Schumpeter a écrit en 1911 Theorie der wirtschaftlichen Entwicklung, eine Untersuchung über Unternehmergewinn, Kapital, Kredit, Zins und den Konjunkturzyklus.( Théorie de l'évolution économique. Recherche sur le profit, le crédit, l'intérêt et les cycles) publié à Berlin en 1912 par Duncker et Humblot.

[37] Ouvrage déjà cité (Joseph Schumpeter,1939, op.cit.). Il n'y a pas un mot sur les cycles longs et sur les soixante-quatre que compte l'ouvrage il n'y a pas un seul encadré sur le sujet malgré le succès de cette référence parmi les économistes du courant néo-technologique et néo-schumpétérien, surtout après la publication de Christopher Freeman (1984) Long Waves in the World Economy, London, Pinter, ouvrage qui lui figure cependant en bibliographie.

[38] Joseph Schumpeter (1942) Capitalism Socialism and Democracy, New York, Harpers and Brothers.

[39] Bernard Billaudot (2022) Économie – Passé, présent, avenir, Paris, Classiques Garnier. Schumpeter ne figure pas dans l'index des Auteurs. Voir mon commentaire de son ouvrage : Marc Humbert (2023) « Etudier l'ordre économique moderne avec Bernard Billaudot » L'Economie Politique, n° 98, Mai, p. 104-112.

[40] Dans François Chesnais (2019) « Capitalisme, théorie des ondes longues et technologie contemporaine », Contretemps, Décembre, Il a noté que les ondes longues à la Kondratiev avaient été cependant en premier reprises par des marxistes comme Mandel l'avait revendiqué dans un ouvrage publié en 1980 (Ernst Mandel (1980) Long Waves of Capitalist Development, A Marxist Interpretation, Cambridge, Cambridge University Press) mais que seuls les néo-schumpétériens en ont fait usage.

[41] François Chesnais (1982) “Schumpeterian recovery and the Schumpeterian Perspective – Some Unsettled Issues and Alternative Interpretation” in Herbert Giersch (Ed.), Emerging Technologies : Consequences for Economic Growth, Structural Change and Employment, Tübingen J.C.B. Mohr.

[42] François Chesnais (1967) « La contradiction entre les forces productives et les rapports sociaux de production et ses traits spécifiques dans le cadre du système capitaliste », La Vérité, p 12- 22. La citation tirée de la page 17.

[43] Schumpeter introduit ce concept « d'ouragan de destruction créatrice » dans l'édition de 1950 de Capitalisme Socialisme et Démocratie.

[44] Je traduis ici ce passage qui a été écrit en anglais et où les italiques sont de l'auteur : « while MNEs are obviously active agents in the process of internationalization and even architects of some aspects of the process, and must consequently be analysed in their own right, they are, nonetheless, responding to an overall set of factors over which they have in fact little or no control and which all stem from the basic mechanisms driving the historical process of capitalist development. One of these mechanisms is the development (in a contradictory, antagonixtice and unequal manner) of the forces of production, among which science and technology play an increasingly quite central role”.

[45] Voir par exemple Henri Ergas (1984) “ Why Do Some Countries Innovate More Than Others” CEPS Paper, n°5, Centre for European Policies Studies, Bruxelles. Et encore : Henri Ergas (1987) “Does Technology Policy Matter” in B.R. Guile and H. Brooks eds, Technology and Global Industry, Washington National Academy Press.

[46] Entraînant une insuffisance de la demande ou dit autrement une crise de réalisation, voir p. 45 in Francois Chesnais (2016) “The entry in a totally new historical period » in Helena Lastres et al., op. cit..

[47] François Chesnais (2022) « De la stagnation à la régression ? Le capitalisme mondial dans l'impasse », Contretemps, Janvier.

[48] Note manuscrite à mon intention et de la part du collectif par François Chesnais sur l'exemplaire qu'il m'a donné de François Chesnais (Coord.) (1996) La mondialisation financière- Genèse, coût et enjeux, Paris, Syros.

[49] Entretien publié en janvier 2023 par la Revue en ligne Contretemps qui le livre comme un inédit de François Chesnais (2023) « François Chesnais, théoricien de la mondialisation du capital et de la finance », janvier.

[50] François Chesnais (2016) Finance Capital Today. Corporations and Banks in the Lasting Global Slump, Leiden and Boston, Brill.

[51] François Chesnais (2008) « La crise climatique va se combiner avec la crise du capital » Inprecor n°541-542, septembre-octobre.

[52] Il donne cette indication p. 39 dans son texte qui a été publié (p. 39-63) en 2015 in José Cassiolato et al., (2015) Sustentabilidade etc., op.cit.

[53] Il cite un article de Jason Moore (2014) où le concept avait tout d'abord été avancé et l'ouvrage de 2015 : Jason Moore (2015) Capitalism in the Web of Life, Ecology and the Accumulation of Capital, London, Verso.

[54] Ce texte déjà cité se trouve dans Francois Chesnais “ The entry in a totally new historical period ». (p. 38 – 57) in Helena Lastres et al. (2016) O Futuro do Desenvolvimento etc., op.cit.

[55] Je cite François Chesnais dans Chesnais (2019, op.cit.) au moment où il reprend une partie d'une citation un peu plus longue de Mandel, très éclairante et qui est la suivante, tirée de l'introduction de Mandel à l'édition anglaise du livre III du Capital :« La barbarie, comme résultat possible de l'effondrement du système, est aujourd'hui une perspective beaucoup plus concrète et précise qu'elle ne l'était dans les années vingt et trente. Même les horreurs d'Auschwitz et d'Hiroshima apparaîtront légères par rapport aux horreurs avec lesquelles une dégradation continue du système confrontera l'humanité. Dans ces circonstances, la lutte pour une issue socialiste prend l'importance d'une lutte pour la survie même de la civilisation humaine et de la race humaine. » Mandel, Introduction au livre III du Capital, Penguin, Londres, 1981, pp. 87-89. Traduction de François Chesnais.

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Médias. Les grèves se multiplient dans les journaux américains

6 février 2024, par Courrier international — , ,
Après les journalistes de la presse nationale, comme le “Los Angeles Times”, ou des magazines du groupe Condé Nast, c'est au tour de ceux de la presse régionale américaine de (…)

Après les journalistes de la presse nationale, comme le “Los Angeles Times”, ou des magazines du groupe Condé Nast, c'est au tour de ceux de la presse régionale américaine de se mettre en grève pour dénoncer les coupes claires dans leurs budgets et leurs effectifs, et exiger des hausses de salaires.

01 février 2024 | tiré du Courrier international
https://www.courrierinternational.com/article/medias-les-greves-se-multiplient-dans-les-journaux-americains

Des quotidiens américains en vente dans un kiosque du quartier de Soho, à Manhattan, le 23 janvier 2024.Des quotidiens américains en vente dans un kiosque du quartier de Soho, à Manhattan, le 23 janvier 2024. AHMED GABER/THE NEW YORK TIMES
C'est peu dire que la presse américaine se porte mal. La semaine dernière, c'est l'annonce d'un vaste plan social au sein du plus grand quotidien de la côte ouest américaine, le Los Angeles Times, qui faisait les gros titres.

Cette semaine, c'est au tour des journalistes de la presse régionale de se mettre en grève, et en particulier “ceux des titres appartenant au groupe Tribune Publishing, racheté en 2021 par le fonds spéculatif Alden Global Capital”, rapporte The Washington Post, qui suit de près les mouvements sociaux en cours dans les médias américains et dont la rédaction a été ébranlée par une grève de vingt-quatre heures au début du mois de décembre 2023 ainsi que par de nombreux départs de journalistes.

LIRE AUSSI : Médias. Ces milliardaires qui voulaient sauver la presse américaine, mais perdent des fortunes

Débrayage dans sept rédactions

Ce jeudi 1er février, “les employés de sept rédactions, dont celle du Chicago Tribune, du Orlando Sentinel et du Virginian-Pilot vont débrayer pour protester contre le refus de leur accorder des hausses de salaire indexées sur l'augmentation du coût de la vie et en raison des menaces qui pèsent sur leurs plans d'épargne-retraite par capitalisation”.

Cette mobilisation intervient alors que les rédactions du groupe Tribune Publishing ont connu ces dernières années d'importantes hémorragies de personnel, précise le quotidien de la capitale fédérale américaine. Ainsi, au Chicago Tribune, le nombre de reporters a été divisé par plus de deux depuis 2019, tandis qu'au Orlando Sentinel “la rédaction autrefois composée de 55 journalistes et photographes ne compte désormais plus que 32 salariés syndiqués”.

Vagues de licenciements

Les médias américains ont été confrontés à de nombreux défis ces dernières années, rappelle le Washington Post. Ils ont notamment dû affronter “la baisse de leurs revenus publicitaires, une chute du nombre de leurs abonnés, ainsi que des vagues successives de licenciements”.

Au Los Angeles Times, c'est 115 journalistes qui ont été licenciés la semaine dernière, soit plus de 20 % des effectifs de la rédaction. Le Washington Post, lui, a traversé à la fin de l'année dernière un plan de départs volontaires qui a concerné quelque 240 salariés, soit une réduction de 10 % de ses effectifs.

Et “les médias appartenant au groupe Tribune Publishing ont été encore davantage décimés”, depuis le rachat par Alden Global Capital, souligne le Washington Post. Ce qui vaut à ce fonds spéculatif d'être surnommé la “grande faucheuse des journaux”.

Courrier international

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La menace climatique est sous-estimée, faute de financements scientifiques

6 février 2024, par Vincent Lucchese — ,
La recherche sur les conséquences climatiques de la fonte des terres gelées du pergélisol, potentiellement dévastatrices, patine, faute de financements suffisants. 29 (…)

La recherche sur les conséquences climatiques de la fonte des terres gelées du pergélisol, potentiellement dévastatrices, patine, faute de financements suffisants.

29 jnavier 2024 | tiré de Reporterre.net
https://reporterre.net/La-menace-climatique-est-sous-estimee-faute-de-financements-scientifiques

Dessin Erwann Richard

Le péril climatique planétaire est peut-être encore plus menaçant qu'on le pensait jusqu'alors. Ou peut-être pas. Pour en être sûr, il y a urgence à améliorer les modèles climatiques pour en résorber les plus grosses lacunes. Mais ce défi patine, faute de financements adéquats. C'est le message qu'ont asséné dans la revue Nature Climat Change, le 18 janvier, une douzaine de chercheurs étasuniens et européens.

Ce qui focalise leurs inquiétudes : le pergélisol. Aussi appelé permafrost, ce terme désigne les terres gelées en permanence. Elles contiennent énormément de matière organique, qui libère de fortes quantités de carbone dans l'atmosphère, à mesure que le changement climatique provoque leur dégel.

Une bombe climatique difficile à évaluer

« De nombreuses études de terrain et de laboratoire ont fourni des résultats solides montrant que les émissions de gaz à effet de serre issues du pergélisol étaient en train d'accélérer », alerte Christina Schädel, chercheuse au Woodwell Climate Research Center, aux États-Unis, et autrice principale de l'article.

Ce dernier rappelle les chiffres vertigineux qui sont en jeu : le pergélisol contiendrait environ deux fois plus de carbone que l'on en trouve actuellement dans l'atmosphère. Et la région arctique se réchauffe extrêmement vite, quatre fois plus rapidement que la moyenne mondiale. L'ennui, c'est que les chercheurs ont énormément de mal à anticiper à quelle vitesse ces territoires complexes pourraient relâcher leur carbone. Les estimations vont de 22 milliards à 524 milliards de tonnes de CO2 qui pourraient passer du pergélisol vers l'atmosphère d'ici la fin du siècle.

À mettre en parallèle avec le budget carbone qu'il nous reste : pour espérer limiter le réchauffement global à 1,5°C, il ne faudrait pas émettre plus de 275 milliards de tonnes de CO2, selon le Global Carbon Project. La large incertitude planant sur la quantité d'émissions à venir via le pergélisol est donc très problématique : selon le chiffre retenu, on passe de moins d'un dixième à près du double de ce budget.

« L'urgence absolue » de meilleurs modèles

La communauté scientifique a bien conscience de cet enjeu, puisqu'elle identifie le pergélisol comme l'une des importantes boucles de rétroaction climatique, qui pourraient accélérer le réchauffement : plus il fait chaud, plus ces terres dégèlent et envoient dans l'atmosphère des gaz à effet de serre, qui accentuent le réchauffement, donc le dégel... et ainsi de suite.

Le dernier rapport du Giec prend d'ailleurs en compte les émissions liées au pergélisol dans ses estimations du budget carbone restant, mais souligne que de grandes incertitudes persistent sur la quantité et la temporalité du relâchement de ce carbone. Surtout, notent les chercheurs dans Nature Climate Change, ces estimations se fondent sur des études solides, mais le carbone du pergélisol est très peu intégré aux modèles globaux, qu'on appelle les modèles du système Terre (ou Earth System Models, ESM).

Le risque est donc de sous-estimer les interactions et rétroactions liées à ces émissions possibles à l'échelle planétaire. D'où « l'urgence absolue », selon eux, d'améliorer les modèles. Or, cette mission prioritaire se trouve entravée par un manque de moyens et par la manière même dont la science est financée. La plupart des grands projets le sont sur la base de contrats de trois ans, ce qui laisse trop peu de temps aux chercheurs pour se former, développer et améliorer des ESM avant de devoir partir vers de nouveaux projets, expliquent-ils.

« Les chercheurs doivent aller chercher des bouts de financements ici et là, ce qui ralentit considérablement le travail »

Une plainte qui rejoint celle des nombreux directeurs de laboratoires de recherche français, qui dénoncent la précarisation de leur travail et l'absence de postes pérennes. « Nous avons des programmes de recherche européens sur cinq ans ou des programmes et équipements prioritaires de recherche qui se développent maintenant sur dix ans, mais la majorité des chercheurs doit tout de même travailler sur des programmes de trois ou quatre ans », confirme Philippe Bousquet, directeur du laboratoire des sciences du climat et de l'environnement à l'université Paris-Saclay.

« Aux États-Unis, ils sont davantage habitués à cette précarité des financements. Que même eux en aient marre, c'est un vrai signal qu'on atteint une limite », ajoute-t-il. Ce que nous confirme également Christina Schädel : « Pour le moment, on n'a pas les financements nécessaires pour répondre à tous les besoins. Les chercheurs doivent aller chercher des bouts de financements ici et là, ce qui ralentit considérablement le travail ».

« Nous avons besoin de projets de recherche plus longs pour pouvoir récolter des données et améliorer les modèles sur le long terme. Avoir des financements plus consistants pour les chercheurs leur permettrait de se concentrer sur leur recherche au lieu de courir après les dollars pour tenter de survivre quelques années de plus », soupire Christina Schädel.

« Il faut environ 10 millions de dollars par modèle »

Développer et améliorer des ESM mobilise en outre de nombreuses compétences et une multitude de domaines de recherches. Il faut des modélisateurs compétents, les ressources informatiques adéquates et l'expertise scientifique. Autant d'éléments qui existent déjà, mais qui nécessitent de trouver plusieurs millions de dollars pour pouvoir embaucher ces chercheurs et leur donner les moyens de développer des modèles, écrivent les auteurs de l'article. « Il faut environ 10 millions de dollars par modèle », compte Christina Schädel.

La fonte du pergélisol peut entraîner des glissements de terrain. Flickr / CC0 1.0 Deed / US Geological Survey

Les moyens nécessaires sont à la hauteur de la complexité de l'objet d'étude. Le pergélisol est constitué de terrains très hétérogènes, difficiles à modéliser. La plupart des modèles actuels prévoient par exemple que les terres s'assèchent après la fonte des glaces qu'ils contiennent, en contradiction avec les observations qui montrent par endroit la survenue d'inondations, voire l'apparition de nouveaux lacs après un dégel. À cette variété de situations s'ajoutent des changements abrupts. La fonte entraîne une érosion, voire des affaissements de terrains, qui ont pour effet d'augmenter de 40 % les émissions de carbone de ce pergélisol, indique l'étude publiée dans Nature Climat Change.

Un sujet majeur pour le prochain rapport du Giec

La structure du pergélisol, la mosaïque de lacs, failles, terrains accidentés, joue sur le gaz qui sort et sur le destin du changement climatique. La plus fine modélisation de ces phénomènes est notamment cruciale pour comprendre en quelle proportion la matière organique de ces sols va se libérer sous forme de CO2 ou de méthane (CH4), gaz au pouvoir réchauffant sur un siècle vingt-huit fois plus important que le CO2.

« On avance pas à pas. Les premiers modèles climatiques, dans les années 1970, représentaient juste l'atmosphère et l'océan, qui était réduit à une sorte de mare profonde. Puis, on a ajouté les surfaces continentales, la végétation… Il manque encore le pergélisol, qui est un sujet majeur pour le prochain rapport du Giec », complète Philippe Bousquet.

De nombreux autres défis attendent d'ici là les modélisateurs. La manière dont les plantes vont davantage pousser avec le dégel du pergélisol ou l'impact des mégafeux sur cette végétation et ces sols font partie des problèmes à ajouter à la liste des interrogations.

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L’extraction de matières premières augmentera de 60 % d’ici à 2060, selon un rapport des Nations unies

6 février 2024, par The Guardian — ,
L'extraction mondiale de matières premières devrait augmenter de 60 % d'ici à 2060, avec des conséquences désastreuses pour le climat et l'environnement, selon une analyse (…)

L'extraction mondiale de matières premières devrait augmenter de 60 % d'ici à 2060, avec des conséquences désastreuses pour le climat et l'environnement, selon une analyse inédite des Nations unies dont le Guardian a eu connaissance.

Larges extraits de cet article du Guardian.

L'extraction des ressources naturelles a augmenté de près de 400 % depuis 1970 en raison de l'industrialisation, de l'urbanisation et de la croissance démographique, selon une présentation du rapport quinquennal Global Resource Outlook des Nations unies faite aux ministres de l'UE la semaine dernière.

L'exploitation des ressources naturelles de la Terre est déjà responsable de 60 % des effets du réchauffement climatique (NDLR, je souligne), y compris le changement d'affectation des sols, de 40 % des effets de la pollution atmosphérique et de plus de 90 % du stress hydrique mondial et de la perte de biodiversité liée aux terres, indique le rapport, qui doit être publié en février.

[…]

Le rapport donne la priorité aux mesures d'équité et de bien-être humain plutôt qu'à la seule croissance du PIB et propose des mesures visant à réduire la demande globale plutôt que de se contenter d'augmenter la production "verte".

Les véhicules électriques, par exemple, utilisent près de 10 fois plus de "matières premières essentielles" que les voitures classiques, et pour parvenir à des émissions nettes nulles dans les transports d'ici 2050, il faudrait multiplier par six l'extraction de minéraux essentiels en l'espace de 15 ans.

L'augmentation du travail à distance, l'amélioration des services locaux et les options de transport à faible émission de carbone telles que les vélos et les trains pourraient être aussi efficaces que l'augmentation de la production de véhicules pour répondre aux besoins de mobilité des personnes, avec des incidences environnementales moins néfastes, selon le rapport.

"La décarbonisation sans découpler la croissance économique et le bien-être de l'utilisation des ressources et des impacts environnementaux n'est pas une réponse convaincante et l'accent actuellement mis sur l'assainissement de l'offre doit être complété par des mesures du côté de la demande ", a déclaré M. Potočnik.

Une grande partie de la crise du logement en Europe pourrait être résolue en faisant un meilleur usage des logements vides, des espaces sous-utilisés et d'une vie plus axée sur la communauté, plutôt qu'en construisant davantage de maisons sur des terrains vierges, selon le document.

Ce type d'"efficacité systémique des ressources" pourrait accroître l'équité et réduire les émissions de gaz à effet de serre de plus de 80 % d'ici à 2060, par rapport aux niveaux actuels. Selon le rapport, les besoins en matériaux et en énergie pour la mobilité pourraient être réduits de plus de 40 % et ceux pour la construction d'environ 30 %.

[…]

Les initiés affirment que l'UE est le groupe de pays développés le plus susceptible de soutenir une telle politique, les États-Unis, le Japon, l'Australie et le Canada étant tous opposés à un tel objectif.

En moyenne, l'empreinte matérielle annuelle des Européens est de 15 tonnes par personne, la Finlande arrivant en tête avec 46 tonnes par habitant et les Pays-Bas en queue de peloton avec 7 tonnes par habitant.

La Finlande produit également le plus de déchets par personne dans l'UE (20 993 kg), tandis que la Croatie en produit le moins (1 483 kg). En 2020, l'empreinte de déchets du citoyen européen moyen était de 4 815 kg.

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L’industrie des combustibles fossiles était au courant du danger climatique dès 1954

6 février 2024, par Olivier Milman — ,
31 janvier 2024 | tiré du site alencontre.org https://alencontre.org/ecologie/lindustrie-des-combustibles-fossiles-etait-au-courant-du-danger-climatique-des-1954.html (…)

31 janvier 2024 | tiré du site alencontre.org
https://alencontre.org/ecologie/lindustrie-des-combustibles-fossiles-etait-au-courant-du-danger-climatique-des-1954.html

L'industrie des combustibles fossiles a financé certaines des recherches les plus fondamentales sur le climat dès 1954, selon des documents récemment mis au jour, notamment les premières recherches de Charles Keeling, célèbre pour la « courbe de Keeling » qui a permis de suivre la progression des niveaux de dioxyde de carbone sur la Terre.

Les documents révèlent qu'une coalition d'intérêts pétroliers et automobiles a versé 13 814 dollars (environ 158 000 dollars en valeur actuelle) en décembre 1954 pour financer les premiers travaux de Charles Keeling sur la mesure des niveaux de CO2 dans l'ouest des Etats-Unis.

Charles Keeling a ensuite établi la mesure continue du CO2 mondial depuis l'observatoire de Mauna Loa, à Hawaï. Cette « courbe de Keeling » (voir graphique ci-dessous) a permis de suivre l'augmentation constante du carbone atmosphérique à l'origine de la crise climatique. Elle a été saluée comme l'un des travaux scientifiques les plus importants des temps modernes.

Les compagnies de combustibles fossiles ont soutenu un groupe, connu sous le nom de Air Pollution Foundation, qui a octroyé des fonds à Charles Keeling pour mesurer le CO2 dans le cadre d'un effort conjoint de recherche sur le smog [brouillard grisâtre urbain lié au mélange de particules fines et d'ozone] qui, à l'époque, sévissait régulièrement à Los Angeles. Ces travaux sont antérieurs à tous les travaux de recherche sur le climat financés par des compagnies pétrolières.

Dans la requête de recherche pour le financement – découverte par Rebecca John, chercheuse au Climate Investigations Center, et publiée par le site web sur le climat DeSmog – le directeur de recherche de Charles Keeling, Samuel Epstein, mentionnait une nouvelle analyse des isotopes du carbone qui pourrait identifier les « changements dans l'atmosphère » causés par la combustion du charbon et du pétrole.

« Les possibles conséquences d'un changement de la concentration de CO2 dans l'atmosphère sur le climat, sur les taux de photosynthèse [des plantes] et sur les niveaux de compensation avec le carbonate des océans pourraient finalement s'avérer d'une importance considérable pour la civilisation », a précisé en novembre 1954 Samuel Epstein, chercheur au California Institute of Technology (Caltech), à la Air Pollution Foundation.

Selon les experts, ces documents montrent que l'industrie des combustibles fossiles a été étroitement associée à la création de la science moderne du climat, ainsi qu'à ses mises en garde contre les graves conséquences du changement climatique. Par la suite, elle a rejeté publiquement cette science pendant des décennies et financé des initiatives continues visant à retarder l'adoption de mesures pour lutter contre la crise climatique.

« Ces documents contiennent la preuve irréfutable qu'en 1954 au plus tard l'industrie des combustibles fossiles savait que ses activités pouvaient perturber le climat de la Terre à une échelle significative pour la civilisation humaine », a déclaré Geoffrey Supran, expert en désinformation historique sur le climat à l'Université de Miami. « Ces résultats confirment de manière saisissante que les grandes sociétés pétrolières ont suivi de près la science climatique universitaire pendant 70 ans – soit deux fois plus que ma vie – et rappellent qu'elles continuent de le faire à ce jour. Ce suivi rend ridicule le déni par l'industrie pétrolière, des décennies plus tard, de la science climatique fondamentale. »

Des enquêtes antérieures portant sur des documents publics et privés ont révélé que les grandes compagnies pétrolières ont passé des décennies à mener leurs propres recherches sur les conséquences de la combustion de leurs hydrocarbures, souvent avec une précision surprenante. Une étude réalisée l'année dernière a révélé que les scientifiques d'Exxon avaient fait des prévisions d'une précision « époustouflante » sur le réchauffement de la planète dans les années 1970 et 1980 .

Les documents récemment découverts montrent maintenant que l'industrie connaissait l'impact potentiel du CO2 sur le climat dès 1954 grâce, notamment, aux travaux de Charles Keeling, un chercheur de Caltech alors âgé de 26 ans qui effectuait un travail de recherche en mesurant les niveaux de CO2 en Californie et dans les eaux de l'océan Pacifique. Rien n'indique que le financement de ces recherches par les compagnies du pétrole et du gaz ait faussé ses résultats de quelque manière que ce soit.

Les résultats de ces travaux allaient conduire le scientifique américain à mener d'autres expériences sur le volcan Mauna Loa, à Hawaï, qui allaient permettre de dresser un état des lieux permanent de la composition du dioxyde de carbone, qui augmente dangereusement dans le monde.

Charles Keeling est décédé en 2005, mais ses travaux fondamentaux sont toujours d'actualité. Actuellement, la teneur en CO2 de l'atmosphère terrestre est de 422 parties par million, soit près d'un tiers de plus que lors de la première mesure effectuée en 1958, et un bond de 50% par rapport aux niveaux préindustriels.

Ce relevé essentiel du principal gaz qui retient la chaleur et qui a poussé les températures mondiales à des niveaux jamais atteints par la civilisation humaine est né, en partie, grâce au soutien de l'Air Pollution Foundation.

Au total, 18 entreprises automobiles, dont Ford, Chrysler et General Motors, ont alloué des fonds à la fondation. D'autres entités, dont des banques et des secteurs du négoce, ont également contribué au financement.

Par ailleurs, une note de 1959 identifie l'American Petroleum Institute (API), le principal organisme de lobbying du pétrole et du gaz aux Etats-Unis, et la Western Oil and Gas Association, aujourd'hui connue sous le nom de Western States Petroleum Association, comme des « contributeurs majeurs au financement de l'Air Pollution Foundation (APF) ». On ne sait pas exactement quand l'API a commencé à financer l'APF, mais elle avait un représentant au sein d'un comité de recherche dès la mi-1955.

Une communication de politique générale de l'Air Pollution Foundation datant de 1955 qualifie le problème de la pollution atmosphérique, causée par les émissions des voitures, des camions et des installations industrielles, de « l'un des plus graves auxquels sont confrontées les zones urbaines de Californie et d'ailleurs ». Elle précise que le problème sera traité par « une recherche diligente et honnête des faits, par une action sage et efficace ».

Les documents mis au jour proviennent des archives de Caltech, des archives nationales américaines, de l'Université de Californie à San Diego et de journaux de Los Angeles des années 1950, et représentent ce qui pourrait être le premier cas où l'industrie des combustibles fossiles est informée des conséquences potentiellement désastreuses de son modèle d'affaires.

Selon Carroll Muffett, directeur général du Center for International Environmental Law, l'industrie pétrolière et gazière s'est d'abord intéressée à la recherche sur le smog et d'autres polluants atmosphériques directs avant de s'intéresser aux effets du changement climatique.

« On en revient toujours à l'industrie pétrolière et gazière, qui était omniprésente dans ce milieu », a-t-il déclaré. « L'industrie n'était pas seulement au courant, mais profondément consciente des implications potentielles de ses produits sur le climat depuis près de 70 ans. »

Selon Carroll Muffett, ces documents donnent un nouvel élan aux efforts déployés dans diverses juridictions pour tenir les entreprises pétrolières et gazières légalement responsables des dommages causés par la crise climatique. « Ces documents parlent d'émissions de CO2 ayant des implications planétaires, ce qui signifie que cette industrie a compris très tôt que la combustion de combustibles fossiles avait des conséquences à l'échelle planétaire. Il existe des preuves accablantes que l'industrie pétrolière et gazière a trompé le public et les régulateurs sur les risques climatiques de leurs activités pendant 70 ans. Il est irresponsable de leur faire confiance pour faire partie des solutions. Nous sommes désormais entrés dans une ère de contrôle et d'exigence de rendre des comptes. »

L'API et Ralph Keeling, le fils de Charles Keeling qui est également scientifique, ont été contactés pour commenter les documents mais n'ont pas répondu. (Article publié par The Guardian le 30 janvier 2024 ; traduction rédaction A l'Encontre)

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Ukraine : « Notre syndicat protège les travailleurs sous la loi martiale »

6 février 2024, par Volodymyr Kozelsky — , ,
Depuis l'agression armée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, « Ukrzaliznytsia » (Chemins de fer ukrainiens), en tant qu'entreprise d'infrastructure essentielle, assure (…)

Depuis l'agression armée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, « Ukrzaliznytsia » (Chemins de fer ukrainiens), en tant qu'entreprise d'infrastructure essentielle, assure le transport des passagers et des marchandises 24 heures sur 24. Les employés des chemins de fer contribuent à la capacité de défense de l'État par leur travail héroïque pendant les hostilités et les bombardements.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Avant la guerre, le syndicat VPZU, ainsi que d'autres organisations syndicales opérant dans le secteur ferroviaire ukrainien, négociait constamment avec l'administration d'« Ukrzaliznytsia » pour améliorer les conditions de travail des cheminots et augmenter leurs salaires. En outre, afin de réglementer la protection juridique et sociale des droits du travail des membres du syndicat, les organes élus du VPZU ont formulé des propositions d'actes réglementaires, qui ont ensuite été soumises aux comités compétents du Conseil suprême de l'Ukraine.

La VPZU est membre de l'organe représentatif conjoint des syndicats opérant à « Ukrzaliznytsia » en vue de la signature d'une nouvelle (première) convention collective pour l'entreprise, mais actuellement, en raison de la loi martiale dans le pays, les activités de cet organe ont été suspendues.

De 2014 à 2024, pendant l'agression armée russe, les relations avec un certain nombre d'organisations syndicales de la VPZU dans les régions de Luhansk, Donetsk et Zaporizhzhia et dans la République autonome de Crimée ont été rompues.

Notre syndicat est une organisation indépendante à but non lucratif qui rassemble des citoyens ayant des intérêts communs dans le cadre de leurs activités professionnelles. La VPZU a le statut d'une organisation publique/syndicale à l'échelle de l'Ukraine, organisée sur une base territoriale.

Les unités organisationnelles du syndicat sont les suivantes :
– Les organisations syndicales de base sont des associations volontaires de membres de syndicats qui travaillent dans la même entreprise ;
– les organisations syndicales locales et régionales ;
– les organisations syndicales de base dans les entreprises ferroviaires, les institutions et les organisations avec des subdivisions structurelles distinctes des chemins de fer ;
– les syndicats des entreprises, institutions ou organisations des secteurs du transport, de la construction et du métro ;
– les syndicats de base dans les entreprises, les institutions et les autres secteurs concernés.

La VPZU a confirmé sa représentativité au niveau sectoriel conformément à l'article 5 de la loi ukrainienne sur le dialogue social en Ukraine.

En outre, la VPZU comprend les employés de la société municipale Kyivpastrans (employés du dépôt de trolleybus et du parc d'autobus) à Kyiv, de la société municipale « Zhytomyr Tram et Trolleybus » à Zhytomyr, du « City trolleybus » à Kryvyi Rih, à Kamianske (région de Dnipropetrovsk), de la société municipale « Kharkiv Metro » à Kharkiv, où les travailleurs sont représentés par les organisations syndicales de la VPZU.

La VPZU est une organisation membre de la Confédération des syndicats libres d'Ukraine (KVPU) et coopère par solidarité avec le Syndicat indépendant des mineurs d'Ukraine (IMU), le Syndicat libre de l'éducation et de la science d'Ukraine (VPONU), le Syndicat libre des travailleurs de la santé d'Ukraine (VPMU), et le Syndicat libre des entrepreneurs [petits vendeurs de rue – ndlr] d'Ukraine (VPUU) et d'autres organisations de la confédération KVPU. Cette coopération prend la forme de :

* l'échange d'informations sur l'application de méthodes innovantes
* protection des droits des membres des syndicats en matière d'emploi ;
* des activités syndicales communes pour défendre les droits des membres
* syndicats dont les droits ont été violés par leurs employeurs respectifs ;
* des appels conjoints aux autorités publiques et aux médias sur les relations de travail en Ukraine.

Depuis le 24 février 2022, les organisations syndicales de la VPZU fonctionnent sous la loi martiale, assurant la protection juridique et publique des droits fondamentaux des travailleurs conformément à la législation ukrainienne en vigueur.

La VPZU fournit une assistance humanitaire permanente aux membres du syndicat ou aux citoyens touchés par la loi martiale et la guerre. Les organisations syndicales de la VPZU fournissent également de l'aide aux militaires, notamment de la nourriture, des vêtements chauds, diverses munitions militaires, etc.

C'est actuellement la tâche principale de la VPZU.

À cet égard, la VPZU souhaiterait qu'il soit possible de recevoir toute forme d'aide du mouvement ouvrier international, en fonction de ses ressources et de son budget, pour l'établissement de relations qui pourraient être construites à l'avenir.

Volodymyr Kozelsky, président du syndicat libre des chemins de fer ukrainiens, 12 janvier 2024

https://laboursolidarity.org/fr/europe/n/3021/notre-syndicat-protege-les-travailleurs-sous-la-loi-martiale

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Droit d’asile : enfin la reconnaissance du groupe social des femmes !

La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) vient de reconnaître, dans un arrêt du 16 janvier 2024, que la violence à l'encontre des femmes fondée sur le genre est une (…)

La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) vient de reconnaître, dans un arrêt du 16 janvier 2024, que la violence à l'encontre des femmes fondée sur le genre est une forme de persécution pouvant donner lieu en tant que telle à une protection. Il s'agit d'un pas important dans la reconnaissance du caractère structurel des violences faites aux femmes et de leurs droits à être protégées.

Tiré de Entre les lignes et les mots

À l'origine de cet arrêt de la CJUE, une ressortissante turque d'origine kurde, de confession musulmane et divorcée, explique avoir été mariée de force par sa famille, battue et menacée par son époux. Craignant pour sa vie si elle devait retourner en Turquie, elle a demandé l'asile en Bulgarie. Le juge bulgare, saisi de l'affaire, a décidé de poser des questions à la Cour de justice.

La Cour opère une grande avancée pour les femmes qui demandent l'asile. Selon elle, les textes européens doivent être interprétés dans le respect des conventions internationales relatives à la lutte contre les violences faites aux femmes telles que la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (dite « CEDEF ») et la « Convention d'Istanbul ».

Or, la Convention d'Istanbul stipule que la violence à l'égard des femmes fondée sur le genre doit être reconnue comme une forme de persécution permettant l'octroi du statut de réfugié. La Cour relève par ailleurs que le fait d'être de sexe féminin constitue une caractéristique innée et que « il y a lieu de relever, en particulier, que le fait pour des femmes de s'être soustraites à un mariage forcé ou, pour des femmes mariées, d'avoir quitté leurs foyers, peut être considéré comme une « histoire commune qui ne peut être modifiée ».

La Cour indique par ailleurs que les femmes, dans leur ensemble, peuvent être regardées comme appartenant à un groupe social selon la Convention de Genève et bénéficier du statut de réfugié lorsqu'elles sont persécutées en raison de leur genre. C'est le cas si, dans leur pays d'origine, elles sont exposées, en raison de leur sexe, à des violences physiques ou psychologiques, y compris des violences sexuelles et domestiques. Jusqu'à présent, les femmes devaient démontrer appartenir à des groupes sociaux créés par la jurisprudence en France (personnes victimes de la traite des êtres humains, fillettes et jeunes filles risquant l'excision, personnes persécutées du fait de leur orientation sexuelle ou identité de genre, etc.)

Avec cette nouvelle analyse de la CJUE, les femmes victimes de violences et risquant le féminicide ou d'autres formes de violences devraient pouvoir prétendre à l'octroi d'une protection du seul fait d'être une femme, même en l'absence d'autre motif de persécution.

Les instances de l'asile doivent dès maintenant se saisir de cette décision pour accorder une protection aux femmes qui subissent des actes de persécution y compris des pratiques discriminatoires systématiques. Cette décision pourrait également permettre une harmonisation des protections accordées au niveau européen aux femmes victimes de persécutions parce qu'elles sont des femmes. Nos associations resteront particulièrement vigilantes sur l'interprétation qui sera faite de cet arrêt en France et veilleront au respect des droits et l'amélioration de la protection des femmes exilées.

1er février 2024

Signataires :
Les associations du réseau ADFEM (Actions et droit des femmes exilées et migrantes [1])
ARDHIS (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l'immigration et au séjour)
Centre Primo Levi
GAS (Groupe accueil et solidarité)

[1] La Cimade, Comede (Comité pour la santé des exilés), FASTI (Fédération des associations de solidarité avec tou·te·s les immigré·e·s), Femmes de la Terre, Fédération nationale des CIDFF, FNSF (Fédération nationale solidarité femmes), GISTI (Groupe d'information et de soutien des immigré·e·s), LFID (Ligue des femmes iraniennes pour la démocratie), RAJFIRE (Réseau pour l'autonomie des femmes immigrées et réfugiées)

http://www.gisti.org/spip.php?article7171
https://www.lacimade.org/presse/droit-dasile-enfin-la-reconnaissance-du-groupe-social-des-femmes/

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Oui à l’inscription du droit à l’IVG dans la constitution mais de façon réellement protectrice !

6 février 2024, par collectif « Avortement Europe : les femmes décident » — , ,
Le 24 janvier prochain le projet de loi constitutionnelle « relatif à la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse » doit passer en première lecture à (…)

Le 24 janvier prochain le projet de loi constitutionnelle « relatif à la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse » doit passer en première lecture à l'Assemblée nationale.

Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/01/26/oui-a-linscription-du-droit-a-livg-dans-la-constitution-mais-de-facon-reellement-protectrice/

Les féministes demandent depuis bien longtemps l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution française et, en sus, dans la Charte européenne des droits fondamentaux. Nous nous féliciterons de cette inscription. Après les attaques contre le droit à l'IVG dans de nombreux pays, elle doit établir une protection de ce droit qui peut s'avérer très fragile dans certaines circonstances politiques.

Qu'en est-il de la protection qui nous est proposée au travers du texte gouvernemental ?

Le texte qui sera soumis au vote des deux chambres et du congrès, reprenant à quatre mots près le texte voté au Sénat le 1er février 2023, stipule : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. » Nous dénonçons depuis longtemps le glissement sémantique partant de l'inscription d'un droit dans la Constitution vers l'exercice de la liberté déterminée par la loi, même si l'avis du Conseil d'Etat en date du 16 décembre dernier considère que « la consécration d'un droit à recourir à l'interruption volontaire de grossesse n'aurait pas une portée différente de la proclamation d'une liberté ».

Bien plus, ce futur alinéa 14 de l'article 34 de la Constitution (qui explicite ce qui relève de la loi) énonce qu'il y aura obligatoirement une loi sur le droit à l'avortement mais il ne garantit pas ce que sera le contenu de cette loi. Les régressions du droit à l'IVG par modification de la loi ou de textes réglementaires seront possibles, les moyens pour l'application de ce droit pourront être restreints. Un déremboursement ou une diminution des délais serait par exemple plausible par le biais d'une loi ordinaire.

La formulation de l'Assemblée nationale votée le 24 novembre 2022 édictait : « La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse. »

Elle nous semble bien plus protectrice et surtout elle aurait été placée à l'article 66 de la Constitution (qui protège les libertés individuelles contre l'arbitraire), dont elle aurait constitué l'alinéa 2, ce qui l'aurait située au même niveau que l'interdiction de la peine de mort. Le droit à l'avortement est un droit fondamental. Les droits des femmes sont fondamentaux pour toute démocratie.

Le contexte politique actuel est marqué par une très forte poussée de l'extrême droite en France et à l'international. Plusieurs événements récents concernant le droit à l'avortement nous alertent.

La loi Gaillot du 2 mars 2022, « visant à renforcer le droit à l'avortement », élargit les compétences des sages femmes à la pratique des IVG instrumentales en établissements de santé, favorisant ainsi l'accès aux soins et le choix des femmes aux différentes techniques. Mais le décret d'application, publié au JO le 17 décembre 2023 (près de deux ans après !), vient contredire la loi car les conditions faites aux sages-femmes, imposant la présence de quatre médecins, leur interdit quasiment tout pratique et pourrait remettre en question celle des médecins en centres de santé et même dans certains établissements hospitaliers.

Le 5 janvier 2024, l'ancienne éphémère ministre de la Santé par intérim, Agnès Firmin Le Bodo, visitait l'institut Jérôme Lejeune, lié à la fondation Jérôme Lejeune, fer de lance, entre autres, du combat contre le droit à l'avortement. Elle allait jusqu'à les féliciter pour leur action.

Dernier événement : lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, le président Macron annonce sa volonté que son gouvernement mène une politique nataliste.

Ces événements sont de très mauvais signaux pour la défense du droit à l'avortement et pour les droits des femmes en général.

En outre, la nomination de Catherine Vautrin, manifestante contre le mariage homosexuel avec la manif pour tous, opposante en 2017 au vote du délit d'entrave numérique à l'IVG, au ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités n'est pas pour nous rassurer.

Nous serons très vigilantes et continuerons à nous mobiliser pour toutes les solidarités. Nous refusons ces dérives anti démocratiques alignées sur l'extrême droite.

A la veille des élections européennes, l'inscription protectrice du droit à l'avortement et son effectivité dans la Constitution française et dans la Charte européenne des droits fondamentaux doit rester une priorité pour les droits des femmes.

Le collectif Avortement en Europe, les femmes décident
Paris, le 24 janvier 2024
https://www.ldh-france.org/oui-a-linscription-du-droit-a-livg-dans-la-constitution-mais-de-facon-reellement-protectrice/

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Adriana Vieira : « Les solutions à la crise climatique sont dans les territoires »

6 février 2024, par Adriana Vieira, Bianca Pessoa — , ,
Une militante de la MMF au Brésil parle de l'exploitation capitaliste de la nature et des solutions féministes à la crise climatique Tiré de Capiré (…)

Une militante de la MMF au Brésil parle de l'exploitation capitaliste de la nature et des solutions féministes à la crise climatique

Tiré de Capiré
https://capiremov.org/fr/entrevue/adriana-vieira-les-solutions-a-la-crise-climatique-sont-dans-les-territoires/
17/01/2024 |
Interview réalisée par Bianca Pessoa

Adriana Vieira est membre de la Marche Mondiale des Femmes à Rio Grande do Norte, au Brésil. Elle a commencé son activisme dans la communauté rurale où elle vivait, dans la ville de Baraúna, en participant aux activités du Conseil communautaire : « J'ai commencé à participer à un groupe de jeunes qui organisaient la bibliothèque de l'école et, plus tard, à participer à l'union rurale. À partir du travail au syndicat, nous avons commencé à participer à la commission des femmes. C'était au moment de la mobilisation pour la première action internationale de la Marche en 2000. » Adriana a participé à toutes les actions depuis lors : « ma trajectoire de lutte est bien mélangée à celle de la Marche Mondiale des Femmes ».

Au cours de l'interview, Adriana parle de l'exploitation capitaliste de la nature, des impacts de cette exploitation sur la vie des femmes et des nombreuses stratégies des femmes pour défendre leurs territoires et leur biodiversité. Vous pouvez écouter l'interview dans son intégralité en portugais ci-dessous :

Comment voyez-vous la crise climatique au Brésil aujourd'hui, compte tenu des revers des six dernières années de coup d'État et de gouvernements d'extrême droite ? Que faut-il pour changer la relation prédatrice avec la nature ?

En fait, ce que nous voyons, ce sont des nomenclatures — « crise climatique », « crise environnementale », « urgence climatique » — pour quelque chose que nous devrions donner d'autres noms : exploitation du capitalisme, exploitation de la nature et exploitation de la vie et des biens communs. En d'autres termes, il est beaucoup plus compréhensible de comprendre ce que signifie cette crise climatique. Cela a à voir avec une crise du capitalisme, qui a besoin de profiter davantage, il a donc besoin de créer des noms et même de créer les crises elles-mêmes.

Au Brésil, au cours des six dernières années, il y a eu une très grande cession de la nature, avec une privatisation des biens communs, qu'il s'agisse de la forêt, de l'eau — y compris celles qui sont souterraines — et des services d'eau et d'énergie. L'énergie solaire et éolienne est considérée comme une énergie propre, renouvelable et écologique, mais si nous allons la considérer du point de vue de la vie des personnes qui se trouvent sur les territoires où elles sont déployées, ce n'est rien de tel. Certaines installations représentent la mort de la biodiversité locale. C'est aussi une destruction de la culture et des connaissances, car il y a une expulsion des populations de ces lieux, y compris avec beaucoup de militarisation. Les gens ne peuvent pas se déplacer librement, ils ne peuvent pas élever des poulets, ils ne peuvent pas élever des moutons. Il y a une très grande destruction dans l'environnement, en particulier dans les environs où ces énergies peintes en vert sont installées.

D'autres problèmes liés au climat sont, par exemple, la création de parcs de conservation, qui perturbent souvent aussi la vie locale. Pendant longtemps, les populations traditionnelles, autochtones, quilombola, riveraines et agricoles familiales ont pris soin de la nature. Même avec la destruction impulsée par le capitalisme, la nature n'est maintenue telle qu'elle est maintenue que parce qu'il y a un très grand soin apporté par ces populations. Elles prennent soin du sol quand elles vont chercher les graines, s'inquiétant de ne pas les prendre toutes, laissant un peu de graines car la forêt a besoin de rajeunir, elle a besoin de renaître. Lorsqu'elles vont chercher le miel des abeilles, les femmes n'emportent pas tout, car elles considèrent que les abeilles ont besoin de se nourrir, et qu'il est important pour elles de perpétuer la biodiversité locale — y compris, à certains endroits, de replanter des plantes que l'énergie éolienne a détruit. Dans certaines plantations de caatinga, les femmes replantent pour que les abeilles puissent polliniser et augmenter la production de miel. Il ne s'agit pas seulement de nourrir les femmes, d'obtenir le miel pour soi-même, mais de garder les abeilles en vie.

Qu'ont enseigné les femmes populaires des mouvements et des territoires sur la coexistence avec la nature et la nécessité d'une transition juste ?

Récemment, nous sommes allées faire une activité dans un groupe de femmes apicultrices, là-bas à Baraúna, qui est ma ville, et nous avons commencé à parler de l'histoire des femmes et des groupes, et aussi de l'histoire des abeilles. Nous avons vu qu'il y a une très grande analogie entre la lutte et la vie des femmes et la vie des abeilles. L'un des compagnes dit que nous sommes comme des abeilles : si l'on dérange une, on dérange toutes. Dans cette analogie, il y a aussi un antagonisme qui est complémentaire, car les abeilles n'aiment pas le bruit, le « vacarme » les rend désorganisées au travail, car elles ont leur propre langage. Les abeilles ont donc besoin de silence pour travailler et maintenir la biodiversité. Nous, les femmes, d'un autre côté, avons besoin de bruit et d'agitation pour que la vie continue, pour nous garder en vie. Nous, les femmes, devons toujours être alertes, toujours bruyantes, toujours faire entendre notre voix.

Nous faisons partie de cette biodiversité et, par conséquent, il est très important que nous restions en vie, protégées de la violence patriarcale et aussi de la violence du capitalisme, qui nous expulse, nous tue, nous impose une charge de travail domestique si importante qu'elle gâche notre santé et raccourcit notre vie.

La nature a la capacité de nous apprendre, que ce soit des abeilles, que ce soit d'une plante, le temps qui se ferme, le soleil qui se lève plus tôt. Il y a aussi la capacité que nous, les femmes, développons en observant la nature et en apprenant d'elle. Cet apprentissage crée une possibilité de prendre soin de la nature, car la nature et la biodiversité prennent soin de nous.

Il existe plusieurs initiatives institutionnelles internationales qui promeuvent de fausses solutions pour le climat et garantissent le protagonisme des grandes entreprises. Comment faire face à cette situation ? Si ce n'est pas de cette façon, alors de quelle manière ?

Nous, dans les mouvements, ne tomberons pas dans cette erreur de croire que les solutions sont dans les grandes entreprises. Il est de notre devoir de faire comprendre à la société que la solution à cette crise climatique ne réside pas dans les grandes entreprises, l'agro-industrie ou le capitalisme. Nous voyons des catastrophes majeures liées à la présence de ces entreprises dans divers endroits : à Brumadinho, à Alagoas, dans le nord-est avec l'énergie éolienne. Les grandes entreprises détruisent parce qu'elles n'habitent pas sur place, elles ne s'inquiètent pas si elles ne vont pas bien respirer, si le bruit de la tour éolienne va vous déranger quand vous allez dormir, ou si la lumière ne va pas vous permettre de vous concentrer.

Les solutions se trouvent en fait dans les territoires, soit avec les femmes qui y produisent du miel à Baraúna, à Mossoró, soit avec les femmes qui organisent les cuisines communautaires – ce qui implique toute la question du jardin communautaire, de la plantation de l'agriculture familiale pour se nourrir, tout en socialisant le travail de soin. Pour nous à la Marche Mondiale des Femmes, la solution est de se concentrer sur les territoires.

Avec quels agendas et stratégies féministes devrions-nous entrer dans 2024 ? Comment pouvons-nous renforcer le féminisme populaire, la justice environnementale et la souveraineté alimentaire dans notre région et dans le monde ?

Nous devons examiner ce que nous avons construit sur la Marche des Margaridas au cours des deux dernières années. Nous avons construit un excellent processus à partir des territoires. Les femmes se sont penchées sur leurs territoires, réalisant ce que signifie vivre sans violence, ce que signifie avoir la souveraineté alimentaire — qu'il ne s'agit pas seulement de sécurité alimentaire, ce n'est pas seulement le droit de manger, mais c'est même le droit de choisir quoi manger et le droit de choisir de manger sans poison. Si nous regardons quel est le programme de la Marche des Margaridas, nous avons un bon indicatif non seulement pour 2024, mais à long terme. Nous discutons de la souveraineté alimentaire, de la protection des territoires contre les énergies renouvelables, de l'exploitation minière, de l'imposition de crédits carbone qui finissent par installer des parcs de conservation qui sont des musées d'arbres pour l'appropriation du carbone. Les femmes ont les réponses qu'elles ont elles-mêmes construites et discutées dans les 27 États du Brésil.

Ce programme indique également des reproductions possibles de ces idées et inspirations dans le monde. Nous avons, par exemple, une production plus proche de chez nous, non pas parce que les femmes doivent s'occuper du travail domestique et en même temps de la production, mais parce que beaucoup n'ont pas de terre à planter sans être autour de la maison. Cette politique d'arrière-cours productives ici au Brésil est une bonne politique à mettre en œuvre dans d'autres endroits où il n'y a pas une grande étendue de terres. Il y a aussi le programme de semences créoles, dont nous nous occupons pour qu'elles s'adaptent au sol et restent vivantes tout au long des cultures.

D'un point de vue économique, certaines initiatives d'approvisionnement des gouvernements locaux qui favorisent l'agroécologie et qui privilégient l'agriculture familiale peuvent être une bonne inspiration pour d'autres endroits dans le monde. Partout, les gouvernements doivent acheter, et il y a de l'agriculture familiale et de l'agroécologie partout aussi. Relier cette demande du gouvernement à ce qui est fait depuis les territoires est un bon programme, qui construit la possibilité d'une bonne vie, de la durabilité de la vie à partir de l'alimentation et de l'agroécologie, et qui doit également être lié au débat sur la protection des femmes contre la violence du capital et du patriarcat.

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Faisons du sexisme de l’histoire ancienne

Pour la journée nationale officielle contre le sexisme, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) publie son 6ème rapport annuel sur l'état du sexisme en (…)

Pour la journée nationale officielle contre le sexisme, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) publie son 6ème rapport annuel sur l'état du sexisme en France et lance une nouvelle campagne de sensibilisation : « Faisons du sexisme de l'histoire ancienne ».

Tiré de Entre les lignes et les mots

70% des femmes estiment ne pas avoir reçu le même traitement que leurs frères dans la vie de famille, près de la moitié des 25-34 ans pense que c'est également le cas à l'école et 92% des vidéos pour enfants contiennent des stéréotypes genrés.

Parallèlement à la publication du rapport annuel, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes lance une nouvelle campagne de sensibilisation : « Faisons du sexisme de l'histoire ancienne ».

L'objectif est de sensibiliser l'opinion publique et les pouvoirs publics à la nécessité de lutter contre le sexisme.

Télécharger le rapport 2024 :rapport-hce

https://amicaledunid.org/actualites/le-haut-conseil-a-legalite-entre-les-femmes-et-les-hommes-hce-publie-son-6eme-rapport-annuel-sur-letat-du-sexisme-en-france/

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