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Haaretz : La prochaine surprise d’Israël viendra de la Cisjordanie

La prochaine surprise n'en sera pas une. Elle sera peut-être moins meurtrière que la précédente, le 7 octobre, mais son prix sera élevé. Lorsqu'elle nous tombera dessus, nous laissant abasourdis par la brutalité de l'ennemi, personne ne pourra prétendre qu'il ne savait pas qu'elle allait arriver.
Tiré de France Palestine Solidarité. Photo : attaque de colons à Qusra, village du sud de Naplouse le 11 octobre 2023. Un commando de colons lourdement armés, équipés de fusils d'assaut M-16, ont pénétré dans le village et tiré à vue sur tous les palestiniens qu'ils ont pu voir. Source : Bt'selem
La prochaine surprise n'en sera pas une. Elle sera peut-être moins meurtrière que la précédente, le 7 octobre, mais son prix sera élevé. Lorsqu'elle nous tombera dessus, nous laissant abasourdis par la brutalité de l'ennemi, personne ne pourra prétendre qu'il ne savait pas qu'elle allait arriver.
L'armée ne pourra pas le faire, parce qu'elle a constamment lancé des avertissements, mais n'a pas bougé le petit doigt pour l'empêcher. La responsabilité des Forces de défense israéliennes (FDI) sera donc tout aussi grande que lors du massacre dans le sud, et tout aussi importante que celle des colons et des politiciens qui les empêchent prétendument d'agir.
La prochaine cocotte-minute qui va nous exploser à la figure est en train de bouillir en Cisjordanie. Les FDI le savent ; ses commandants ne cessent de nous mettre en garde à ce sujet. Il s'agit d'avertissements hypocrites et moralisateurs destinés à couvrir les arrières de l'armée. Ces avertissements sont éhontés, car les FDI, avec leurs propres mains et leurs propres soldats, attisent le feu tout autant que les colons.
Prétendre que nous pourrions nous retrouver à nous battre sur un autre front uniquement à cause des colons est un mensonge et une duplicité. Si l'armée israélienne l'avait voulu, elle aurait pu agir immédiatement pour apaiser les tensions. Si elle l'avait voulu, elle aurait agi contre les colons, comme une armée normale est tenue de le faire à l'égard des milices locales et des groupes armés.
Les ennemis d'Israël en Cisjordanie sont notamment les colons, et les FDI ne font rien pour les arrêter. Ses soldats participent activement aux pogroms, maltraitant de manière scandaleuse les habitants - les photographiant et les humiliant, les tuant et les arrêtant, détruisant les mémoriaux, comme celui de Yasser Arafat à Tulkarem, et arrachant des milliers de personnes à leur lit. Tout cela jette de l'huile sur le feu et fait monter la tension.
Des soldats revanchards, envieux de leurs compatriotes de Gaza, se déchaînent dans les territoires occupés, le doigt léger et enthousiaste sur la gâchette. Près de 200 Palestiniens y ont été tués depuis le début de la guerre, et personne ne les arrête. Aucun commandant régional, commandant de division ou commandant sur le terrain n'arrête le déchaînement. Il est difficile de croire qu'ils sont également paralysés par la peur des colons. Après tout, ils sont considérés comme courageux.
Les colons sont en extase. L'odeur du sang et de la destruction qui monte de Gaza les incite à se déchaîner comme jamais auparavant. Plus besoin de contes de fées sur les loups solitaires ou les mauvaises graines. L'entreprise de colonisation, avec son cortège de fonctionnaires politiques et de financements, ne se bat pas contre les pogroms qui en émanent. La guerre est leur jour de paie, leur grande chance.
Sous le couvert de la guerre et de la brutalité du Hamas, ils ont saisi l'occasion de chasser le plus grand nombre possible de Palestiniens de leurs villages - en particulier les plus pauvres et les plus petits - avant la grande expulsion qui aura lieu après la prochaine guerre, ou celle qui suivra.
Cette semaine, j'ai visité le no man's land dans le sud des collines d'Hébron. Les choses n'ont jamais ressemblé à cela auparavant. Chaque colon est désormais membre d'une "équipe de sécurité". Chaque "équipe de sécurité" est une milice armée et sauvage qui a le droit de maltraiter les éleveurs et les agriculteurs et de les expulser.
Seize villages de Cisjordanie ont déjà été abandonnés et l'expulsion se poursuit à plein régime. Pour l'essentiel, les FDI n'existent pas. Israël, qui ne s'est jamais intéressé à ce qui se passe en Cisjordanie, n'en entendra certainement plus parler. Les médias internationaux s'y intéressent de près et comprennent où cela mène.
Derrière tout cela, on retrouve la même arrogance israélienne qui a permis la surprise du 7 octobre. La vie des Palestiniens est considérée comme moins que rien. S'occuper de leur sort et de l'occupation est considéré comme une nuisance obsessionnelle. L'idée dominante est que si nous l'ignorons, les étoiles s'aligneront d'une manière ou d'une autre.
Ce qui se passe en Cisjordanie reflète une situation incroyable. Même après le 7 octobre, Israël n'a rien appris. Si le désastre actuel dans le sud nous est tombé dessus après des années de siège, de déni et d'indifférence, le prochain tombera parce qu'après son prédécesseur, Israël n'a pas pris au sérieux les avertissements, les menaces et la gravité de la situation.
La Cisjordanie gémit de douleur et personne en Israël n'écoute son appel à l'aide. Les colons se déchaînent et personne en Israël n'essaie de les arrêter. Jusqu'où les Palestiniens peuvent-ils aller ? Israël devra payer la facture quoi qu'il arrive. Ce sera froid ou chaud, mais très sanglant dans les deux cas.Traduction : AFPS
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Les syndicats américains et la guerre Israël-Gaza

Le mouvement syndical américain est confronté à la question controversée de l'attitude à adopter face à la guerre entre Israël et Gaza.
Hebdo L'Anticapitaliste - 685 (30/11/2023)
Par Dan La Botz
traduction Henri Wilno
Crédit Photo
DR
Alors que la direction de l'AFL-CIO, la plus grande fédération syndicale du pays, s'est ralliée au président Biden et au Parti démocrate, qui soutiennent Israël et ne demandent qu'une pause humanitaire dans les combats, certains syndicats locaux se sont prononcés en faveur d'un cessez-le-feu, s'opposent au financement d'Israël par les États-Unis et dénoncent la politique d'apartheid que pratique Israël.
Des stratégies différentes pour l'AFL-CIO et les syndicats enseignants
Le 11 octobre, l'AFL-CIO a publié une déclaration condamnant le Hamas et son terrorisme, mais ne mentionnant pas les attaques israéliennes contre Gaza. Elle a toutefois exprimé son inquiétude « face à la crise humanitaire émergente qui affecte les Palestiniens à Gaza et dans toute la région ». Enfin, elle a appelé « à une résolution rapide du conflit actuel pour mettre fin à l'effusion de sang de civils innocents et pour promouvoir une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens ». L'AFL-CIO a rappelé à ses syndicats affiliés qu'ils ne pouvaient pas prendre position sur les questions israélo-palestiniennes, car seule la direction de l'AFL-CIO a le droit de s'exprimer sur les questions de politique étrangère.
Néanmoins, un certain nombre de syndicats locaux, en particulier des syndicats d'enseignants, ont adopté des résolutions en faveur d'un cessez-le-feu. La Fédération des enseignants de Minneapolis (MFT) a adopté le 25 octobre une résolution qui contient position ferme sur diverses questions liées à la guerre : « La MFT déplore la perte de vies innocentes en Israël et en Palestine occupée. Nous rejetons catégoriquement la violence contre tous les civils, qu'ils soient israéliens ou palestiniens. Nous appelons donc à un cessez-le-feu immédiat pour permettre à l'aide humanitaire d'entrer à Gaza et pour désamorcer le conflit. En tant qu'Américains, nous condamnons également le rôle que joue notre gouvernement en soutenant le système d'occupation et d'apartheid israélien, qui est à l'origine du conflit israélo-palestinien ». Le MFT a également appelé à l'abrogation de la législation de l'État contre BDS (boycott, désinvestissement, sanction).
En réponse, le Conseil des relations de la communauté juive du Minnesota et du Dakota a envoyé à la commission scolaire locale une lettre signée par 800 personnes condamnant la résolution de la MFT comme étant « antisémite ». Certains parents juifs du district ont condamné la résolution de la MFT pour avoir encouragé un antisémitisme qui mettrait leurs enfants en danger.
L'Oakland Education Association (OEA), un autre syndicat d'enseignants, a adopté une résolution appelant à la solidarité avec la Palestine et condamnant « l'État génocidaire et d'apartheid d'Israël ». Elle a ensuite publié sur les réseaux sociaux une déclaration selon laquelle le syndicat « soutient sans équivoque la libération de la Palestine ». La résolution stipule que l'OEA distribuera du matériel pédagogique aux enseignants pour qu'ils l'utilisent en classe afin de faire des cours sur la libération de la Palestine.
Pression des associations prio-israéliennes
En réaction, les sections d'Oakland de l'American Jewish Committee, de l'Anti-Defamation League et du Jewish Community Relations Council ont dénoncé les positions de l'OEA sur Israël et la Palestine, accusant le syndicat d'être antisémite et d'encourager le terrorisme du Hamas. Le syndicat a alors réagi en publiant une déclaration plus modérée disant : « En tant que syndicalistes, nous sommes touchés par les appels à la solidarité lancés par des civils en Israël et en Palestine. Nous nous engageons à poursuivre la discussion au sein de notre syndicat dans le cadre de nos procédures démocratiques. Notre syndicat condamne sans équivoque l'antisémitisme et l'islamophobie. Nous demandons la libération des otages détenus par le Hamas. Nous pleurons la perte de vies humaines et nous joignons notre voix à celle d'un collectif de plus en plus nombreux qui réclame un cessez-le-feu ».
Ces organisations pro-israéliennes qui veulent faire pression sur les syndicats ne représentent pas l'ensemble des juifs américains qui sont nombreux à participer aux manifestations pour un cessez-le-feu.
Certains militants syndicaux veulent aller plus loin que de simples déclarations. Labor Notes, le centre d'éducation ouvrière, a organisé une discussion entre plusieurs responsables syndicaux locaux et des militants de base sur la manière d'organiser le soutien à la Palestine. Les participants ont discuté de l'adoption de résolutions, du co-parrainage de rassemblements et de manifestations, du refus de manipuler des cargaisons militaires et de l'organisation d'actions de l'emploi parmi les travailleurs impliqués dans l'expédition de matériels militaires.
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Henry Kissinger : un criminel de guerre est mort

Aux États-Unis, l'un des bouchers les plus prolifiques du XXe siècle est mort comme il a vécu : aimé des riches et des puissants, quelle que soit leur affiliation partisane.
Tiré de Contretemps
4 décembre 2023
Par René Rojas, Bhaskar Sunkara et Jonah Walters
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Henry Kissinger est mort. Les médias ont déjà commencé à produire des dénonciations enflammées autant que des souvenirs chaleureux. Aucun autre personnage de l'histoire états-unienne du XXe siècle n'est peut-être aussi clivant, aussi violemment vilipendé par les uns que vénéré par les autres.
Pourtant, il y a un point sur lequel nous pouvons tous être d'accord : Kissinger n'a pas laissé un cadavre immaculé. Les nécrologies peuvent le décrire comme affable, professoral, voire charismatique. Mais personne, pas même les encenseurs professionnels comme Niall Ferguson, n'osera faire l'éloge de ce titan déchu en le qualifiant de « sexy ».
Les temps ont bien changé.
À l'époque où Kissinger était conseiller à la sécurité nationale, Women's Wear Daily publiait un portrait accrocheur du jeune homme d'État, le décrivant comme « le sex-symbol de l'administration Nixon ». En 1969, selon le portrait, Kissinger s'était rendu à une fête réunissant des personnalités de Washington avec une enveloppe portant la mention « Top Secret » glissée sous son bras. Les autres invités ayant du mal à contenir leur curiosité, Kissinger avait détourné leurs questions par une boutade : l'enveloppe contenait son exemplaire du dernier magazine Playboy. (Hugh Hefner [fondateur et propriétaire du magazine de charme états-unien] avait apparemment trouvé cela très drôle et avait ensuite veillé à ce que le conseiller à la sécurité nationale reçoive un abonnement gratuit).
En réalité, l'enveloppe contenait un brouillon du discours sur la « majorité silencieuse » de Nixon, un discours désormais célèbre qui visait à tracer une ligne de démarcation nette entre la décadence morale des libéraux anti-guerre et la realpolitik inflexible de Nixon.
Dans les années 1970, alors qu'il organisait des bombardements illégaux au Laos et au Cambodge et permettait le génocide au Timor oriental et au Pakistan oriental, Kissinger était connu des membres de la haute société du Beltway comme le « playboy de l'aile occidentale ». Il aimait se faire photographier, et les photographes le lui rendaient. Il figurait en bonne place dans la presse people, en particulier lorsque ses liaisons avec des femmes célèbres étaient rendues publiques – comme la fois où l'actrice Jill St. John et lui ont déclenché par inadvertance l'alarme de son hôtel particulier hollywoodien, tard dans la nuit, alors qu'iels faisaient une escapade dans sa piscine (« Je lui enseignais les échecs », expliquera plus tard Kissinger).
Pendant que Kissinger fréquentait la jet-set de Washington, lui et le président – un couple si soudé qu'Isaiah Berlin les avait baptisés « Nixonger » – étaient occupés à créer une image politique fondée sur leur mépris supposé pour l'élite libérale, dont la moralité décadente, selon eux, ne pouvait conduire qu'à la paralysie. Kissinger dédaignait certainement le mouvement anti-guerre, dénigrant les manifestants en les qualifiant de « jeunes universitaires de la classe moyenne supérieure » et avertissant : « Les gens qui crient “Le pouvoir au peuple” ne seront pas ceux qui prendront le contrôle de ce pays au moment de l'épreuve de force ». Il méprisait également les femmes : « Pour moi, les femmes ne sont rien de plus qu'un passe-temps, un hobby. Personne ne consacre trop de temps à un passe-temps ». Mais il est incontestable que Kissinger avait un penchant pour le libéralisme doré de la haute société, les fêtes exclusives, les dîners au bifteck et les feux des projecteurs.
Et, ne l'oublions pas, la haute société l'aimait en retour. Gloria Steinem, une compagne de table occasionnelle, disait de Kissinger qu'il était « le seul homme intéressant de l'administration Nixon ». La chroniqueuse Joyce Haber le décrivait comme « mondain, plein d'humour, sophistiqué et désinvolte avec les femmes ». Hefner le considérait comme un ami et affirma un jour dans la presse qu'un sondage effectué auprès de ses mannequins révélait que Kissinger était l'homme le plus désiré pour les rendez-vous au manoir Playboy.
Cet engouement n'a pas été limité aux années 1970. Lorsque Kissinger a fêté ses 90 ans en 2013, son anniversaire tapis rouge a été célébré par une foule de gauche comme de droite comprenant Michael Bloomberg, Roger Ailes, Barbara Walters, et même le « vétéran de la paix » John Kerry, ainsi que quelque 300 autres célébrités. Un article du Women's Wear Daily – qui a prolongé sa couverture de Kissinger dans le nouveau millénaire – rapporte que Bill Clinton et John McCain ont fait des discours d'anniversaire dans une salle de bal décorée de chinoiseries, pour plaire à l'invité d'honneur de la soirée. (McCain, qui a passé plus de cinq ans comme prisonnier de guerre, a décrit sa « merveilleuse affection » pour Kissinger, « en raison de la guerre du Vietnam, qui a eu un impact énorme sur nos vies à tous les deux »). Kissinger lui-même est ensuite monté sur scène, où il a « rappelé aux invités le rythme de l'histoire » et a profité de l'occasion pour prêcher l'évangile de sa cause préférée : le bipartisme.
Les dons de Kissinger pour le bipartisme étaient bien connus. (Les républicains Condoleezza Rice et Donald Rumsfeld étaient présents en début de soirée, et plus tard dans la nuit, la démocrate Hillary Clinton est entrée par une porte de service, les bras ouverts, en demandant : « Prêts pour le deuxième round ? ») Au cours de la soirée, McCain s'est extasié sur Kissinger : « Il a été consultant et conseiller de tous les présidents, républicains et démocrates, depuis Nixon ». Le sénateur McCain s'exprimait probablement au nom de toutes les personnes présentes dans la salle de bal lorsqu'il a ajouté : « Je ne connais pas de personne plus respectée dans le monde qu'Henry Kissinger ».
En fait, une grande partie du monde déteste Henry Kissinger. L'ancien secrétaire d'État a même évité de se rendre dans plusieurs pays de peur d'être arrêté et accusé de crimes de guerre. En 2002, par exemple, un tribunal chilien exigeait qu'il réponde à des questions sur son rôle dans le coup d'État de 1973 dans ce pays. En 2001, un juge français envoyait des policiers dans la chambre d'hôtel parisienne de Kissinger pour lui signifier une demande formelle d'interrogatoire sur ce même coup d'État, au cours duquel plusieurs citoyens français ont disparu. (Apparemment imperturbable, l'homme d'État devenu consultant privé a alors prévenu le Département d'État états-unien et s'est envolé pour l'Italie). À peu près au même moment, il annulait un voyage au Brésil après que des rumeurs eurent commencé à circuler selon lesquelles il allait être détenu et contraint de répondre à des questions sur son rôle dans l'opération Condor, le projet des années 1970 qui unissait les dictatures sud-américaines pour faire disparaître les opposants en exil des unes et des autres. Un juge argentin enquêtant sur l'opération avait déjà désigné Kissinger comme l'un des « accusés ou suspects » potentiels d'une future inculpation criminelle.
Mais aux États-Unis, Kissinger était intouchable. Là, l'un des bouchers les plus prolifiques du XXe siècle est mort comme il a vécu, aimé des riches et des puissants, quelle que soit leur affiliation partisane. La raison de l'attrait bipartisan de Kissinger est simple : il était l'un des principaux stratèges de l'empire du capital états-unien à un moment critique du développement de cet empire.
Il n'est pas étonnant que l'establishment politique ait considéré Kissinger comme un atout et non comme une aberration. Il incarnait ce que les deux partis au pouvoir ont en commun : l'engagement à maintenir le capitalisme et la détermination à assurer des conditions favorables aux investisseurs états-uniens dans la plus grande partie possible du monde. Nullement honteux et inhibé, Kissinger a su guider l'empire états-unien à travers une période dangereuse de l'histoire mondiale, où l'ascension des États-Unis vers la domination mondiale semblait en effet parfois sur le point de s'effondrer.
Auparavant, la politique de préservation du capitalisme avait été une affaire relativement simple. Les rivalités entre les puissances capitalistes avancées conduisaient périodiquement à des guerres spectaculaires, qui établissaient des hiérarchies entre les nations capitalistes mais ne perturbaient guère la marche en avant du capital dans le monde. (En outre, parce qu'elles étaient si destructrices, ces conflagrations offraient régulièrement l'occasion de relancer l'investissement, ce qui permettait de retarder les crises de surproduction endémiques au développement capitaliste).
Il est vrai qu'à mesure que les métropoles capitalistes affirmaient leur contrôle sur les territoires dont elles s'emparaient à travers le monde, l'impérialisme s'est heurté à l'opposition massive des opprimés. Des mouvements anticoloniaux sont apparus pour contester les conditions du développement mondial partout où le colonialisme était établi, mais, à quelques exceptions notables près, ces mouvements n'ont pas réussi à repousser les agressives puissances impériales. Même lorsque les luttes anticoloniales étaient couronnées de succès, secouer les chaînes d'une puissance impériale signifiait souvent s'exposer à l'invasion d'une autre – dans les Amériques, par exemple, le retrait des Espagnols de leurs colonies d'outre-mer a porté les États-Unis à assumer le rôle de nouvel hegemon régional au tournant du XXe siècle, affirmant leur domination sur des lieux, comme Porto Rico, que les dirigeants états-uniens considéraient comme « foreign in a domestic sense » [expression difficilement traduisible]. Tout au long de cette période, le colonialisme – comme le capitalisme – a souvent semblé en grande partie indestructible.
Mais après la Seconde Guerre mondiale, l'axe de la politique mondiale changea.
Lorsque la fumée s'était finalement dispersée au-dessus de l'Europe, elle révéla un monde que les élites ne reconnaissaient pratiquement plus. Londres était en ruine. L'Allemagne était en pièces détachées, partagée par deux de ses rivaux. Le Japon avait été annexé par les États-Unis pour être reconstruit à leur image. L'Union soviétique avait développé une économie industrielle à une vitesse inégalée et disposait désormais d'un véritable poids géopolitique. Les États-Unis, quant à eux, allaient supplanter en quelques générations la Grande-Bretagne en tant que puissance militaire et économique sans rivale sur la scène mondiale.
Mais surtout, la Seconde Guerre mondiale a envoyé un signal clair aux peuples du monde colonisé : le colonialisme n'était pas viable. La domination de l'Europe était à l'agonie. Une période historique caractérisée par des guerres entre les puissances du premier monde (ou du Nord Global) céda la place à une période de conflits anticoloniaux soutenus dans le tiers monde (ou le Sud Global).
Les États-Unis, qui avaient émergé de la Seconde Guerre mondiale en tant que nouvel hegemon mondial, auraient été les perdants de tout réalignement mondial limitant la libre circulation des capitaux d'investissement états-uniens. Dans ce contexte, le pays a assumé un nouveau rôle géopolitique. Dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, l'ère de Kissinger, les États-Unis sont devenus les garants du système capitaliste mondial.
Mais assurer la santé du système dans son ensemble n'a pas toujours consisté à assurer la domination des entreprises états-uniennes. L'État états-unien devait plutôt administrer un ordre mondial propice au développement et à l'épanouissement d'une classe capitaliste internationale. Les États-Unis sont devenus le principal architecte du capitalisme atlantique d'après-guerre, un régime commercial qui lia les intérêts économiques de l'Europe occidentale et du Japon aux stratégies des entreprises états-uniennes. En d'autres termes, pour préserver un ordre capitaliste mondial qui défendait avant tout l'économie états-unienne – plutôt que les entreprises états-uniennes –, les États-Unis devaient favoriser le développement capitaliste de leurs rivaux. Cela signifiait générer de nouveaux centres capitalistes, comme le Japon, et faciliter le rétablissement d'économies européennes saines.
Or, comme nous le savons, les métropoles européennes étaient en train de se séparer rapidement de leurs colonies. Les mouvements de libération nationale menaçaient les intérêts fondamentaux que les États-Unis s'étaient engagés à protéger, perturbant le marché mondial unifié que le pays voulait coordonner. La promotion des intérêts états-uniens acquiert alors une dimension géopolitique plus large. L'élite au pouvoir à Washington s'est engagée à vaincre les bravades à l'hégémonie capitaliste partout dans le monde. À cette fin, l'État états-unien chargé de la sécurité nationale a déployé toute une série de moyens : soutien militaire aux régimes réactionnaires, sanctions économiques, ingérence dans les élections, coercition, manipulation commerciale, commerce tactique d'armes et, dans certains cas, intervention militaire directe.
Tout au long de sa carrière, ce qui a le plus inquiété Kissinger, c'est la possibilité que les pays subordonnés puissent agir de leur propre chef pour créer une autre sphère d'influence et de commerce. Les États-Unis n'ont pas hésité à mettre un terme à ce type d'initiatives indépendantes lorsqu'elles ont vu le jour. Si un pays résistait à la voie qui lui était tracée par les conditions du développement capitaliste mondial, les États-uniens l'obligeaient à se soumettre. La défiance ne pouvait tout simplement pas être tolérée – pas avec autant de richesses et de pouvoir politique en jeu. De son vivant, Kissinger était cette politique. Il en comprenait les objectifs et les exigences stratégiques mieux que quiconque au sein de la classe dirigeante états-unienne.
Les politiques spécifiques menées par Kissinger visaient donc moins à promouvoir les profits des entreprises états-uniennes qu'à garantir des conditions saines pour le capital dans son ensemble. Il s'agit là d'un point important, fréquemment négligé dans les études simplistes de l'empire états-unien. Trop souvent, la gauche radicale suppose qu'il existe un lien direct entre les intérêts de certaines entreprises états-uniennes à l'étranger et les actions des États-Unis. Dans certains cas, cette hypothèse peut être confirmée par l'histoire – comme l'élimination par l'armée états-unienne, en 1954, du réformateur social guatémaltèque Jacobo Árbenz, entreprise en partie en réponse au lobbying de la United Fruit Company.
Mais dans d'autres cas, en particulier ceux que nous rencontrons dans les enchevêtrements épineux de la carrière de Kissinger, cette hypothèse obscurcit plus qu'elle ne révèle. Après le coup d'état contre Salvador Allende au Chili, par exemple, l'administration Nixon n'a pas fait pression sur ses alliés de la junte de droite pour qu'ils restituent aux sociétés états-uniennes Kennecott et Anaconda les mines précédemment nationalisées. La restitution des biens confisqués aux entreprises états-uniennes n'était pas grand-chose. L'objectif principal de Nixonger était atteint au moment où Allende a été chassé du pouvoir : la voie démocratique du Chili vers le socialisme ne menaçait plus de générer une alternative systémique au capitalisme dans la région.
Contrairement à l'idée répandue, la vérification de l'expansionnisme soviétique n'était guère un facteur important de la politique étrangère états-unienne pendant la guerre froide. Les plans états-uniens visant à soutenir le capitalisme international par la force avaient été décidés dès 1943, alors qu'il n'était pas encore certain que les Soviétiques survivraient à la guerre. Et même au début de la guerre froide, l'Union soviétique n'avait ni la volonté ni la capacité de s'étendre au-delà de ses satellites régionaux. Les mesures prises par Staline pour stabiliser le « socialisme dans un seul pays » se sont révélées être une stratégie défensive, et la Russie s'est engagée dans la voie de la détente comme étant le meilleur moyen d'assurer sa pérennité, se contentant d'un cercle d'États tampons pour la protéger des invasions occidentales. C'est pourquoi une génération de militants de gauche en Amérique latine, en Asie et en Europe (demandez aux Grecs) interprète la prétendue « guerre froide » comme une série de trahisons par Moscou des mouvements de libération dans le monde entier. Malgré les déclarations publiques de Kissinger en faveur de la « civilisation de marché occidentale », la menace de l'expansion soviétique n'a été utilisée dans la politique étrangère états-unienne que comme un outil rhétorique.
Il est donc compréhensible que le format de l'économie mondiale n'ait pas changé de façon spectaculaire après la chute de l'Union soviétique. La néolibéralisation des années 1990 représentait une intensification du programme mondial que les États-Unis et leurs alliés avaient poursuivi depuis le début. Aujourd'hui, l'État états-unien continue à jouer son rôle de garant mondial du capitalisme de libre marché, même lorsque les gouvernements du tiers monde, craignant les répercussions géopolitiques, se livrent à des contorsions politiques pour éviter de s'opposer frontalement au capital états-unien. Par exemple, à partir de 2002, Washington a commencé à soutenir les efforts visant à renverser le président de gauche du Venezuela, Hugo Chávez, alors même que les géants pétroliers états-uniens continuaient à forer à Maracaibo et que le brut vénézuélien continuait d'affluer à Houston et dans le New Jersey.
La doctrine Kissinger persiste aujourd'hui : si des pays souverains refusent d'être intégrés dans des projets états-uniens plus vastes, l'État états-unien chargé de la sécurité nationale agira rapidement pour porter atteinte à leur souveraineté. C'est la routine pour l'empire états-unien, quel que soit l'avatar du parti qui siège à la Maison Blanche – et Kissinger, de son vivant, a été l'un des principaux gardiens de ce statu quo.
Henry Kissinger est enfin mort. Dire qu'il était une mauvaise personne frise le cliché, mais c'est néanmoins un fait. Et maintenant, enfin, il est parti.
Cependant, notre soulagement collectif ne doit pas nous détourner d'une évaluation plus profonde. En fin de compte, Kissinger doit être rejeté pour plus que son approbation unique de l'atrocité au nom de la puissance états-unienne. En tant que progressistes et socialistes, nous devons aller au-delà de la vision de Kissinger comme un prince sordide de l'ombre impérialiste, une figure qui ne peut être affrontée que de manière litigieuse, dans le froid glacial d'une salle d'audience imaginaire. Sa froideur révoltante et son mépris désinvolte pour ses conséquences souvent génocidaires ne doivent pas nous empêcher de le voir tel qu'il était : une incarnation des politiques officielles des États-Unis.
En montrant que le comportement de Kissinger fait partie intégrante de l'expansionnisme états-unien en général, nous espérons formuler une critique politique et morale de la politique étrangère états-unienne – une politique étrangère qui subvertit systématiquement les ambitions populaires et sape la souveraineté pour défendre les élites, qu'elles soient étrangères ou nationales.
La mort de Kissinger a débarrassé le monde d'un gérant homicide de la puissance états-unienne, et nous avons l'intention de danser sur sa tombe. Nous avons préparé un livre pour cette occasion, un catalogue des sombres réalisations de Kissinger au cours d'une longue carrière de carnage public. Dans ce livre, certains des meilleurs historiens radicaux du monde divisent en épisodes digestes la longue histoire de l'ascension états-unienne dans la seconde moitié du vingtième siècle.
À un moment donné, l'historien Gerald Horne raconte que Kissinger a failli se noyer alors qu'il faisait du canoë sous la plus grande cascade du monde. C'est une histoire amusante, d'autant plus revigorante que nous savons que le temps a finalement accompli ce que les chutes Victoria n'ont pas réussi à faire il y a tant de décennies. Mais évitons de nous réjouir trop vite, et rappelons-nous que l'État de la sécurité nationale états-unien qui l'a engendré est toujours bel et bien vivant.
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Gaza : comprendre aujourd’hui en regardant hier

La trêve est suspendue. En seulement 24 heures, les bombardements ont fait 700 victimes de plus à Gaza. Surtout, encore une fois, enfants, femmes et vieillards.
Ovide Bastien, professeur retraité du Collège Dawson
Israël, disent les uns, est en train de commettre un génocide. Non, disent les autres, Israël ne fait que se défendre à la suite du massacre du 7 octobre. Impossible d'éviter les dommages collatéraux lorsque le Hamas n'hésite pas à utiliser enfants et femmes comme boucliers humains. Et ce, dans une des régions les plus densément peuplés du monde.
Au lieu de tenter de me prononcer sur un débat qui fait rage présentement, je vais rappeler quelques conclusions de l'enquête que menait les Nations unies à la suite de l'invasion de Gaza par Israël du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009.1 Lectrices et lecteurs pourront décider si ces conclusions facilitent leur compréhension du conflit actuel.
Le blocus qu'impose Israël sur la bande de Gaza depuis 2005 constitue, affirme ce rapport, « une punition collective infligée intentionnellement par le gouvernement d'Israël à la population ». Ses effets sont on ne peut plus dévastateurs : « l'économie de Gaza est épuisée, le secteur de la santé assiégé et la population dépend de l'aide humanitaire pour survivre et mener sa vie quotidienne. Hommes, femmes et enfants souffrent psychologiquement d'une pauvreté, d'une insécurité et d'un sentiment d'impuissance qui durent depuis longtemps. »
« Plusieurs mesures adoptées par Israël en Cisjordanie pendant et après les opérations militaires à Gaza, » poursuit le rapport, « renforcent également le contrôle d'Israël sur la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et illustrent une convergence d'objectifs avec les opérations militaires à Gaza. Ces mesures comprennent une augmentation des expropriations foncières, des démolitions de maisons, des ordres de démolition et des permis de construire dans les colonies, des restrictions d'accès et de mouvement plus importantes et plus formelles pour les Palestiniens, de nouvelles procédures plus strictes pour les résidents de la bande de Gaza afin de changer leur résidence pour la Cisjordanie. »
Après avoir rappelé que l'invasion faisait 1,400 victimes à Gaza en trois semaines, le rapport affirme que « les actes des forces israéliennes et les paroles des dirigeants militaires et politiques avant et pendant les opérations indiquent que cela provient d'une politique délibérée de force disproportionnée visant non pas l'ennemi, mais (...) la population civile. »
« Le moment choisi pour la première attaque israélienne, à 11h30 un jour de semaine, alors que les enfants rentraient de l'école et que les rues de Gaza étaient bondées de personnes vaquant à leurs occupations quotidiennes, semble avoir été calculé pour créer la plus grande perturbation et une panique généralisée au sein de la population civile », souligne le rapport. « L'absence répétée de distinction entre combattants et civils semble provenir de directives délibérées données aux soldats, comme l'ont décrit certains d'entre eux, et non de défaillances occasionnelles. » L'attaque était « délibérément disproportionnée et destinée à punir, humilier et terroriser une population civile, à diminuer radicalement sa capacité économique locale à travailler et à subvenir à ses besoins, et à lui imposer un sentiment de dépendance et de vulnérabilité de plus en plus fort. »
« Nous avons entendu de nombreux témoignages d'employés d'ONG, de médecins, d'ambulanciers, de journalistes et d'observateurs des droits de l'homme qui, au plus fort des opérations militaires, ont risqué leur vie pour venir en aide aux personnes dans le besoin. Ils ont souvent fait part de leur angoisse de devoir choisir entre rester près de leur famille ou continuer à travailler pour aider d'autres personnes dans le besoin, en étant souvent coupés des nouvelles concernant la sécurité ou l'endroit où se trouvent les membres de leur famille. »
« Les preuves que nous avons recueillies montrent clairement que la destruction des installations d'approvisionnement en nourriture, des systèmes d'assainissement de l'eau, des usines de béton et des maisons d'habitation provenait d'une politique délibérée et systématique de la part des forces armées israéliennes, » affirme le rapport.
Nous avons découvert « plusieurs incidents au cours desquels les forces armées israéliennes ont utilisé des résidents palestiniens locaux pour pénétrer dans des maisons susceptibles d'être piégées ou d'abriter des combattants ennemis. » Autrement dit, on les a utilisés comme « boucliers humains ».
« Nous avons constaté de nombreux cas d'attaques délibérées contre des civils et des biens civils (individus, familles entières, maisons, mosquées) en violation du principe fondamental de distinction du droit international humanitaire, faisant des morts et des blessés graves. »
« Israël a essentiellement violé son obligation de permettre le libre passage de tous les envois de matériel médical et hospitalier, de nourriture et de vêtements nécessaires pour répondre aux besoins humanitaires urgents de la population civile dans le contexte des opérations militaires, » affirme le rapport.
« Le tir d'obus au phosphore blanc sur le complexe de l'UNRWA dans la ville de Gaza est l'un de ces cas où les précautions n'ont pas été prises dans le choix des armes et des méthodes d'attaque et où ces faits ont été aggravés par un mépris insouciant des conséquences. L'attaque intentionnelle de l'hôpital Al Quds à l'aide d'obus d'artillerie hautement explosifs et l'utilisation de phosphore blanc à l'intérieur et autour de l'hôpital ont également violé les articles 18 et 19 de la quatrième convention de Genève. En ce qui concerne l'attaque contre l'hôpital Al Wafa, nous avons constaté une violation des mêmes dispositions... »
« Les pratiques dures et illégales de l'occupation, » souligne le rapport, « loin d'étouffer la résistance, l'alimentent, y compris dans ses manifestations violentes. Nous croyons que la fin de l'occupation est une condition préalable au retour d'une vie digne pour les Palestiniens, ainsi qu'au développement et à une solution pacifique au conflit. »
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Le SPGQ reporte à 2024 l’utilisation de moyens de pression
Dernière heure
Nous apprenons à l'instant que le SPGQ aurait décidé, lors de sa réunion du 29 novembre avec les représentants du Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) et de madame Sonia Lebel, de réduire certaines demandes sectorielles du SPGQ pour son unité fonction publique. De plus, le comité de négociation aurait décidé de s'engager « à utiliser de manière judicieuse et mesurée » les moyens de pression et de reporter par conséquent à 2024 l'utilisation des moyens de pression.
Yvan Perrier
4 décembre 2023
11h23 AM
yvan_perrier@hotmail.com
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Dénonçons la guerre génocidaire menée par le gouvernement israélien - Solidarité avec le peuple palestinien

Face à la guerre génocidaire menée actuellement par Israël contre le peuple palestinien à Gaza, Révolution écosocialiste prend une position claire.
22 novembre 2023
Nous demandons :
• un cessez-le-feu immédiat ;
• la libération immédiate de tous les otages ;
• le retrait des troupes israéliennes des territoires palestiniens occupés ;
• le rétablissement total des convois humanitaires notamment de denrées, de matériel, de pétrole, etc. ;
• une rupture des relations du Canada avec Israël ;
• la dénonciation de la guerre d'Israël devant la Cour Pénale Internationale ;
• la poursuite du gouvernement israélien pour le génocide planifié contre le peuple palestinien ;
• la dénonciation des puissances occidentales, y compris le Canada, fournissant de l'armement à Israël ;
• l'abandon de l'ouverture d'un bureau du Québec à Tel-Aviv.
Pourquoi cette déclaration ?
Nous ne cautionnons aucun crime de guerre. Les enlèvements et les meurtres touchant les populations civiles, notamment les femmes et les enfants, doivent être dénoncés.
Nous déplorons la montée des sentiments et des actes islamophobes et antisémites résultant de cette guerre, tout en dénonçant l'équation mensongère qui associe toute critique des actions du gouvernement israélien ou du sionisme en général à l'antisémitisme.
Nous reconnaissons toutefois que le conflit israélo-palestinien est une guerre coloniale menée par l'État d'Israël et ne se joue pas à forces égales. Israël possède la plus importante armée, la plus moderne et la mieux équipée de cette région du monde. En plus d'être un état militarisé, Israël bénéficie de l'appui inconditionnel des principaux gouvernements européens et nord-américains dont le Canada.
Israël est aussi, depuis sa création en 1948, un État qui, pour s'installer, s'est accaparé les terres du peuple Palestinien. Provoquant alors la première grande déportation de population palestinienne dont une partie vit toujours dans des camps de personnes réfugiées.
Et enfin, cet État, en isolant depuis 15 ans la population palestinienne dans le territoire de Gaza et en morcelant les autres territoires palestiniens de la Cisjordanie, agit comme État d'apartheid. En fait les Gazaoui-e-s subissent des coupures de courant et d'eau, la privation de la liberté de circuler et connaissent des difficultés d'approvisionnement. Les colonies juives, avec la complicité de l'armée israélienne, accaparent des parties croissantes de la Cisjordanie.
Ce bafouement des droits du peuple palestinien a été plusieurs fois dénoncé par l'ONU. Mais Israël en fait fi avec la complicité des puissances occidentales. Toute cette situation de violence, de mépris des droits, dure depuis trop longtemps dans un silence complice de la communauté internationale.
Et c'est précisément cette situation qui est à l'origine du conflit actuel. La lutte du peuple palestinien, dans ce contexte est une lutte pour l'autodétermination, droit que nous soutenons en respectant le droit international et les conventions afférentes.
Pour que les Palestiniens et les Palestiniennes puissent continuer leurs luttes, il faut développer la solidarité internationale, dénoncer l'ingérence des puissances occidentales dont les États-Unis et continuer notre appui à toute lutte anticoloniale. Il nous faut aussi les appuyer à travers la campagne BDS (boycott, désinvestissements et sanctions) et faire connaître la résistance héroïque du peuple palestinien. Finalement, nous dénonçons toute forme de censure de la solidarité avec la Palestine, censure que beaucoup de militantes et militants vivent dans leur propre pays.
Solidarité avec le peuple palestinien !
Écrivez-nous à info@ecosocialisme.ca

Pour un collectif écosocialiste et écoféministe

L'écosocialisme et l'écoféminisme peuvent offrir à Québec solidaire des idées clés favorisant la cohésion sur le plan des orientations, une plus grande clarté stratégique et des balises pour notre fonctionnement interne. Cette perspective est à la fois enracinée dans l'histoire du parti, son programme et ses statuts et différente des discours et de certaines pratiques prédominantes dans le parti présentement. Lesquelles sont davantage inspirées par la social-démocratie et la manière traditionnelle de concevoir l'action politique.
Comme collectif, nous comptons mettre nos idées de l'avant par divers moyens, incluant des activités de formation et d'échange, des publications et la participation aux débats du parti à différents niveaux.
Orientations
Le capitalisme ne sera jamais vert, inclusif, post-colonial ou égalitaire. Ce système est indissociable de l'exploitation, de l'oppression et du pillage. Selon les lieux et les époques, ce sont les formes d'exploitation, d'oppression et de pillage qui varient, mais la logique du capital reste la même : toujours plus, toujours plus vite, sans égard pour la nature, les corps, les cultures et les sociétés.
L'idée du dépassement du capitalisme, présente dans le programme de Québec solidaire depuis 2011, n'est pas un simple souhait, c'est une nécessité vitale. Pour réaliser notre projet de société, il va falloir trouver le chemin vers une économie autogérée, démocratique, décentralisée, mise au service des humains et respectueuse des limites écologiques.
Le féminisme intersectionnel est aussi une idée clé au cœur du programme. Le projet de société solidaire sera réalisé par et pour les femmes, en solidarité avec toutes les personnes marginalisées, avec la valorisation du soin des personnes (le care) à la base de notre vision de l'économie.
Stratégie
Une telle transformation sociale ne peut pas se réaliser par la simple formation d'un gouvernement, aussi bien intentionné soit-il. En plus de gagner les élections, il va falloir gagner l'adhésion de la majorité de la population à un projet dont la réalisation ne sera possible que par leur engagement actif et autonome.
De plus, la formation d'un gouvernement solidaire n'est concevable que sur la base de mobilisations sans précédent de l'ensemble des mouvements sociaux, en conjonction avec la croissance du parti. Celui-ci étant l'expression concentrée de la volonté populaire de transformation sociale, économique et politique. Bref, avant de « prendre le pouvoir », il faut commencer à changer la société. Le parti de la rue doit être priorisé entre les élections pour rendre possible le succès du parti des urnes.
Pour que notre projet solidaire se réalise, il faudra aussi gagner l'indépendance du Québec. Ce qui demande, en pratique, la remise en question de l'État colonial et capitaliste canadien, en solidarité avec les peuples autochtones et les forces progressistes du reste du Canada. Ce projet politique est aussi forcément international face à un capitalisme extractiviste et patriarcal globalisé.
Organisation
De quel type de parti avons-nous besoin pour mener à bien ce projet politique pour le moins ambitieux ? D'abord, un parti enraciné dans les secteurs mobilisés de la population et les luttes sociales. Bien entendu, un parti qui incarne toute la diversité de la population et est actif partout au Québec. Ensuite, un parti qui fonctionne de la manière la plus démocratique possible, avec des structures horizontales, participatives, paritaires et décentralisées. Aussi, un parti dont les structures de base sont tournées vers l'extérieur afin de maximiser notre apport collectif au développement des mouvements et au succès des luttes.
Ce n'est que par cet enracinement et cette démocratie participative que nous pourrons collectivement résister aux pressions à la “normalisation” de ce parti pas comme les autres dès maintenant, de même qu'aux pressions encore plus féroces pour la “normalisation” d'un éventuel gouvernement solidaire.
Dans un tel parti, la formation sur les enjeux politiques et les débats sur la stratégie et le positionnement du parti dans la conjoncture sont essentiels. C'est d'abord à ces tâches que nous comptons consacrer les énergies de ce nouveau collectif.
(signatures)
Laura Avalos, Pontiac
Katharine Beeman, Mercier
Sébastien Bouchard, Jean-Lesage
Susan Caldwell, Rosemont
Louise Constantin, Verdun
André Doucet, Lafontaine
Jonathan Durand Folco, Hull
André Frappier, Maurice Richard
Daryl Hubert, Saint-Henri-Sainte-Anne
Hassoun Karam, Viau
Ginette Lewis, Jean-Lesage
David Mandel, Notre-Dame-de-Grace
Lucie Mayer, Prévost
Gérard Pollender, Sherbrooke
Roger Rashi, Laurier-Dorion
Benoit Renaud, Hull
Bernard Rioux, Jean-Lesage
Maïka Sondarjee, Hull
Jessica Squires, Hull

Rassemblement virtuel de mobilisation le 29 novembre de 13h à 14h

Travailleuses-eurs et militantes-ts du mouvement de l'action communautaire autonome sont invitées à un rassemblement virtuel le 29 novembre de 13h à 14h pour prendre connaissance et discuter des actions pour la justice sociale et climatique qui auront lieu dans le cadre de la semaine de fermetures, de grèves et d'actions rotatives du 20 au 24 février.
Bonjour !
Vous trouverez ci dessous une invitation pour un rassemblement virtuel de mobilisation le 29 novembre prochain. Nous discuterons de l'appel à l'action du 20 février au 24 février pour la justice sociale et climatique.
L'évènement facebook se trouve ici.
La rencontre aura lieu sur zoom (https://us06web.zoom.us/j/5227952607).
On invite les gens à s'inscrire : https://forms.gle/UHzQzLrYGMh59Wn76
Vous pouvez diffuser cette invitation dans vos réseaux et dans votre région ! :)
Joignez-vous à des organismes communautaires de partout au Québec !
Vous avez envie d'en savoir davantage sur la mobilisation sur la justice sociale et climatique ? C'est quoi la justice climatique ? En quoi ça concerne les organismes communautaires ? Pourquoi un mouvement de fermeture et de grève ? Comment participer ?
En l'espace d'une heure, nous discuterons de la conjoncture, de la campagne de mobilisation en cours et de l'appel à l'action du 20 février au 24 février !
Pour s'inscrire à la rencontre : https://forms.gle/UHzQzLrYGMh59Wn76
Pour consulter l'appel à l'action : https://mepacq.qc.ca/20-24fevrier/
Pour consulter la campagne de mobilisation 2022-2023 : https://mepacq.qc.ca/mob2022-2023/
Solidarité.
Gabrielle Renaud
Coordonnatrice à la vie associative et à l'éducation populaire autonome
Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec
6839 drolet, Bureau 305, Montréal, H2S 2T1
Téléphone : 514.843.3236 | Courriel : info@mepacq.qc.ca | Site Internet : www.mepacq.qc.ca
Voici l'appel à l'action : https://mepacq.qc.ca/20-24fevrier/
20 au 24 février 2023 – Appel à l'action
Inégalités et climat déréglé, c'est assez !
Communautaire dans la rue !
Semaine de grève, de fermetures et d'interruptions de service rotatives
À DIFFUSER LARGEMENT
Le milieu communautaire du Québec se prépare à une semaine de cinq jours de grèves et de fermetures rotatives du 20 au 24 février 2023. Cette mobilisation s'inscrit dans un contexte de crise autant social que climatique. Nous voulons du changement maintenant, pas dans 30 ans !
Communautaire dans la rue !
Le 23 septembre dernier, nous étions plus de 15 000 travailleuses et travailleurs, 130 000 étudiantes et étudiants en grève et 350 organismes communautaires en action aux quatre coins du Québec.
Fortes et forts de cette mobilisation, nous nous donnons un prochain rendez-vous d'une semaine qui débute le 20 février, journée internationale de la justice sociale.
La réélection d'un gouvernement majoritaire de la CAQ n'augure rien de bon pour nos droits sociaux et la lutte à la crise climatique. Nous devons augmenter les moyens de pression dans le but de bâtir un véritable rapport de force ! Une grève permet aux travailleurs et travailleuses, aux bénévoles ainsi qu'aux militantes et militants d'interrompre leurs activités habituelles afin de participer aux actions de mobilisation dans toutes les régions.
Les revendications
- Bannir les énergies fossiles d'ici 2030, autant en termes de production, de transformation, d'exportation que d'importation en s'assurant d'une transition juste et inclusive pour les communautés et les travailleuses et travailleurs
- Taxer massivement la richesse et réinvestir massivement dans le filet social, afin d'assurer des conditions de vie décentes pour toutes et tous.
Pour en savoir davantage sur les revendications, consultez le cahier de mobilisation 2022-2023
Monter la pression !
Les organismes sont appelés à fermer leurs portes et/ou mener des actions lors d'une journée régionale entre le 20 et le 24 février. L'idée est de monter le ton et se diriger vers des moyens d'action qui mettent davantage de pression.
Qu'est-ce qu'une semaine de grèves / fermeture rotatives
Les organismes dont leur journée d'action régionale est le lundi 20 février passeront le flambeau aux régions du mardi 21 février et ainsi de suite jusqu'au 24 février.
Pourquoi la grève / fermeture ?
La grève s'inscrit dans une escalade des moyens de pression dans le but de bâtir notre rapport de force face à l'État.
La grève c'est un moyen :
D'envoyer un message fort aux gouvernements
De se donner le temps de faire avancer nos luttes
De se solidariser entre nous et avec nos allié-e-s des autres mouvements sociaux
D'amorcer une réflexion collective sur la société que nous voulons construire
D'obtenir des gains
Comment participer à la mobilisation ?
Inscrire mon organisme à sa journée de grève et d'actions rotative régionale
Préparer la mobilisation dans vos groupes
En participant au rendez-vous virtuel le 29 novembre de 13h à 14h
En animant un moment d'échange avec vos membres, votre équipe ou votre C.A.
En allant chercher un mandat de grève / fermeture
Participer à votre journée d'action rotative
Voyez les détails dans le calendrier rotatif des actions
Exemple de résolution pour les conseils d'administration :
N'hésitez pas à l'adapter selon vos besoins et réalités.
Considérant
– Que nous sommes dans une crise des inégalités plus grande que jamais ;
– Que la crise climatique a des impacts grandissants sur nos droits sociaux, nos conditions de vie, notre santé, notre portefeuille, etc.
– Que les groupes communautaires sont en action pour la justice sociale et climatique depuis plusieurs années ;
– Que les gouvernements et les élites économiques ne se saisissent pas de l'urgence d'agir
– Qu'il revient aux mouvements sociaux et à la société civile de lutter pour nos droits sociaux et protéger le vivant
Que [NOM DE VOTRE ORGANISME]
⬜ Diffuse l'appel à l'action de la campagne Inégalités et climat déréglé, c'est assez ! du MÉPACQ dans son réseau et encourage ses membres à y participer ;
⬜ Participe à la semaine de grèves et de fermetures du 20 février
⬜ Soit en grève lors de la journée d'action régionale (voir le calendrier pour consulter la journée de votre région)
À noter : vous pouvez adapter votre mandat de grève selon vos réalités : fermer partiellement une partie de la journée, interrompre certains services ou activités (sans fermeture), offre alternative de services et activités (ex : dans l'espace public, atelier d'éducation populaire, distribution de tracts, etc.).

Hydrogène vert : Le retour des trusts de l’électricité

Lors de la présentation en Mauricie du projet de 4 milliards $ de TES Canada, le ministre fédéral de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, François-Philippe Champagne a déclaré, sourire aux lèvres, que le projet lui rappelait les « beaux jours » de la Shawinigan Water and Power, le trust de l'électricité, qui faisait la pluie et le beau temps dans sa région avant la nationalisation de l'électricité en 1962.
Il ne pouvait si bien dire.
15 novembre 2023 | tiré de l'Aut'journal
https://lautjournal.info/20231115/hydrogene-vert-le-retour-des-trusts-de-lelectricite
Le trust
Le projet TES Canada recrée en effet un fief dans la région de la Mauricie. L'entreprise veut produire de l'hydrogène à partir de l'électrolyse de l'eau, un procédé qui nécessite une grande quantité d'énergie.
Selon ses promoteurs, les deux tiers du courant nécessaire viendront de ses propres éoliennes et panneaux solaires. Hydro-Québec fournira l'autre tiers, soit 150 mégawatts. TES Canada envisage de construire de 140 éoliennes capables de produire 800 mégawatts (MW), combiné à un parc solaire de 200 MW. Le parc éolien sera implanté dans plusieurs municipalités et les éoliennes seront reliées à l'usine par un réseau de câblage souterrain privé. Le parc éolien couvrira une grande partie de la Mauricie, comme le trust de la Shawinigan Water and Power à l'époque.
Les deux tiers de l'hydrogène produit seront convertis en gaz naturel synthétique pour Énergir, qui alimentera par son réseau de gazoducs des entreprises réputées non « électrifiables » – c'est-à-dire impossible à décarboner avec l'énergie d'Hydro-Québec – comme les cimenteries et les aciéries.
Nous ne nous prononçons pas pour le moment sur la pertinence ou non du projet, mais bien sur son caractère privé, sur la résurgence d'un trust de l'électricité, comme l'est celui de l'Alcan au Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui a échappé à l'époque à la nationalisation et qui détient toujours le privilège d'opérer des barrages hydroélectriques privés depuis longtemps amortis.
René Lévesque contre les trusts
L'annonce de TSE nous a amené à réécouter l'époustouflant plaidoyer de René Lévesque expliquant la nécessité et les bienfaits de la nationalisation de l'électricité en 1962. Son analyse est toujours aussi pertinente.
Reprenons quelques-uns de ses arguments contre les trusts de l'électricité et pour la nationalisation. Les tarifs de l'électricité diffèrent selon les régions ; les profits sont privés ; les dépenses des trusts sont privées ; le trust choisit ses clients parmi ses copains sans avoir à passer par des appels d'offres publics ; ils paient des impôts fédéraux, ce que ne fait pas Hydro-Québec ; la promotion des employés s'effectue dans le cadre restreint du trust plutôt que dans le grand ensemble d'une société d'État. Nous pouvons ajouter que rien ne garantit que ces emplois seront syndiqués. C'est tout le contraire de « Maîtres chez nous ».
Nous vous incitons fortement à visionner la vidéo de la présentation de René Lévesque, d'autant plus que nous constatons que le recours au privé annoncé par le tandem Legault-Fitzgibbon ne se limite pas à l'octroi de construction d'éoliennes reliées au réseau d'Hydro-Québec, mais à la constitution de trusts. Il pourrait en être ainsi pour la construction de barrages reliés à des entreprises industrielles ou minières. Pour visionner la vidéo, cliquez ici.
Power Corporation
TES Canada est une filiale de la firme belge Tree Energy Solutions, qui a des bureaux en Europe, aux États-Unis et aux Émirats arabes unis, et de FCD Inv. Inc. présidée par France Chrétien Desmarais, fille de l'ex-premier ministre Jean Chrétien et femme d'André Desmarais, président délégué du conseil de Power Corporation du Canada. Mme Chrétien Desmarais et l'entreprise européenne agiront à titre de bailleurs de fonds du projet.
D'après le Registre des entreprises, le plus haut dirigeant de TES Canada H2 est Éric Gauthier, un ex-dirigeant de la filière énergétique de Power Corporation, Power Sustainable Capital, un fonds d'infrastructure énergétique de 1,6 milliard de dollars.
Il est intéressant de signaler que l'implication de Power Corporation dans ce projet signifie un « retour aux sources » pour l'entreprise dans l'hydroélectricité. Power Corporation du Canada a été formé en 1925 en tant que holding pour gérer des investissements substantiels dans les entreprises d'utilité publique impliquées dans le secteur de l'énergie électrique dans les Cantons de l'Est ainsi qu'en Ontario, au Manitoba et en Colombie-Britannique.
Lors de la nationalisation de l'électricité en 1962, les dirigeants de Power Corporation ne se sont pas opposés au principe de la nationalisation. Le taux de profit du secteur de l'électricité était tombé entre 2% et 6% et le gouvernement offrait de payer 20% de plus que la valeur réelle des actions. L'entente fut conclue et l'argent encaissé a servi à édifier l'empire, dont s'est porté acquéreur Paul Desmarais en 1968.
La Presse
Paul Desmarais était déjà propriétaire de La Presse en 1967. L'histoire de Desmarais et de La Presse est riche en coups fourrés contre le mouvement indépendantiste québécois. Pour son rôle dans les années qui précédent le référendum de 1980, nous vous recommandons la lecture de ce chapitre de L'autre histoire de l'indépendance.
Il y a quelques années, la famille Desmarais a largué le journal La Presse. Mais son influence demeure. À preuve, l'article du chroniqueur Francis Vailles sur l'investissement de TES Canada dans le projet d'hydrogène vert intitulé « J'étais contre les projets d'hydrogène vert ».
Il était contre, il est maintenant pour. Il écrit : « J'étais contre, donc, mais je me suis prononcé pour à une condition : que les promoteurs de tels projets produisent eux-mêmes leur propre énergie verte. »
Autrement dit, j'étais contre, mais si c'est privé, je suis pour.
Voyons ses arguments. « D'abord, toute sa production sera destinée aux besoins locaux. Et l'entreprise alimentera son électrolyseur en produisant sa propre énergie renouvelable ». Besoins « locaux », vous dites ? Elle ne va pas vendre son hydrogène ?
Il ajoute : « Oui, d'accord, Hydro-Québec fournira 150 mégawatts, soit le tiers des besoins, mais les deux tiers du courant viendront des propres éoliennes et panneaux solaires de TES, ce qui apparaît comme un compromis acceptable. » Deux tiers privés, un tiers public, un compromis acceptable ?
Il poursuit : « Il l'est d'autant plus que l'entreprise utilisera son propre réseau de transport d'électricité, qu'elle veut enfouir sous terre. » Trois tiers privés, c'est encore mieux !
Que cela constitue une privatisation d'Hydro-Québec, le retour des trusts de l'électricité, la fin du « Maîtres chez nous », cela ne semble pas lui effleurer l'esprit.
Le Parti libéral du Canada
Le Parti libéral du Canada et la famille Desmarais sont liés par cent mille fibres depuis que le patriarche a organisé la campagne électorale de 1968 de Pierre Elliot Trudeau dans les bureaux de Power Corporation sur la rue Saint-Jacques à Montréal. Une alliance qui a atteint un sommet avec le mariage de la fille de Jean Chrétien avec le fils Desmarais.
Et le désengagement des Desmarais dans La Presse n'a pas empêché que l'histoire d'amour entre le Parti libéral et La Presse se poursuive.
Le gouvernement de Justin Trudeau a adopté une loi, qui octroie au journal le statut de donateur reconnu par l'Agence de revenu du Canada. Ce statut permet de délivrer des reçus à des fins fiscales à ses donateurs, quels qu'ils soient.
En fait, la possibilité de déduire dans la Déclaration de revenus annuelle les dons à La Presse équivaut à une subvention déguisée et, donc, à une certaine dépendance – voire une dépendance certaine – à l'endroit du gouvernement fédéral et, plus particulièrement à l'endroit du gouvernement Trudeau, d'autant plus que le chef du Parti conservateur, Pierre Poilièvre, a fait savoir qu'il abolirait cette loi.
Alors, bienvenue au retour des trusts et à leurs valets, comme les qualifiait René Lévesque dans son plaidoyer en faveur de la nationalisation de l'électricité et du « Maîtres chez nous ».
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Le plan Sabia : Le Dollarama de l’électricité
Chez Hydro-Québec, en 2-3 ans, on est passé de surplus confortables à un climat de panique. On nous dit depuis quelques mois qu'il faut augmenter de 50 % la production d'ici 2050.
Avec Michael Sabia, cependant, c'est le feu d'artifice. Dans le plan qu'il vient de déposer, il multiplie par deux la production, donc 200 TWh de plus. Attachez vos tuques ! On ne parle de rien de moins que d'ajouter l'équivalent de la production de 26 barrages de l'envergure de La Romaine, dont les travaux ont duré 14 ans.
Dilapider notre héritage pour justifier une surproduction
Pour arriver à ces chiffres, le gouvernement Legault a ouvert bien grande la porte aux industriels. Il a, par exemple, accordé 77 MW à 20 % de rabais à Nouveau Monde Graphite, comme à une centaine d'autres entreprises. À ce prix, il brade l'électricité. Les promoteurs peuvent bien se bousculer aux portes. C'est le Dollarama commencé par Sophie Brochu qui se poursuit de plus belle. Un peu gêné, François Legault a annoncé la fin de ce programme pour… 2032 et le début de cette suspension pour le 31 décembre… Ce qui donne presque deux mois à Fitzgibbon pour continuer à jouer au Père Noël avec ses p'tits copains industriels.
Après avoir dilapidé notre précieuse énergie à tout vent, la CAQ crie au manque d'électricité. Du même souffle, elle essaie du nous faire avaler une avalanche de projets de production. Encore ici, les p'tits copains gagnent au change. Fitzgibbon préfère le privé pour l'éolien. Même si Hydro-Québec peut produire de l'éolien à moindre coût, c'est le privé qui ramassera le gâteau. L'éolien va donc continuer à nous coûter beaucoup trop cher. Même si l'hydroélectricité est l'énergie la plus propre au Québec, construire de nouveaux barrages n'est pas sans impact sur les écosystèmes.
Nous avons déjà l'électricité pour une vraie transition énergétique
En étant ambitieux et exigeants sur les économies d'énergie, en annulant les deux contrats totalisant 20 TWh d'électricité vendue à perte aux États-Unis, en refusant des projets industriels trop polluants ou sans valeur ajoutée, en utilisant judicieusement la géothermie, nous avons toute l'énergie nécessaire pour assurer une vraie transition énergétique.
La première étape : se débarrasser du gaz naturel en le remplaçant par l'électricité pour la chauffe partout où la géothermie n'est pas une solution. Les technologies sont connues et très abordables.
La deuxième étape : réduire drastiquement notre consommation de pétrole. L'éléphant dans la pièce, c'est le transport en commun. On a bien compris que ce secteur n'est pas tout à fait la tasse de thé du gouvernement Legault. Son bras de fer avec les municipalités sur le dossier en dit long. Il devrait plutôt travailler avec elles pour améliorer l'offre de transport collectif, l'électrifier et rendre son utilisation gratuite. Et oui, gratuite. Nos routes sont bien gratuites pour les automobilistes.
Martine Ouellet
Cheffe Climat Québec
Ancienne ministre des Ressources naturelles
Ancienne gestionnaire chez Hydro-Québec
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