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Une usine d’assassinats de masse : Les bombardements calculés d’Israël sur Gaza

Des frappes aériennes autorisées sur des cibles non militaires et l'utilisation d'un système d'intelligence artificielle ont permis à l'armée israélienne de mener sa guerre la plus meurtrière contre Gaza, révèle une enquête de +972 et Local Call.
Tiré de 972Mag.
Traduction française Entre les lignes entre les mots. 1 décembre 2023.
L'autorisation élargie de l'armée israélienne de bombarder des cibles non militaires, le relâchement des contraintes concernant les pertes civiles attendues et l'utilisation d'un système d'intelligence artificielle pour générer plus de cibles potentielles que jamais auparavant semblent avoir contribué à la nature destructrice des phases initiales de la guerre actuelle d'Israël contre la bande de Gaza, comme le révèle une enquête menée par +972 Magazine et Local Call. Ces facteurs, décrits par des membres actuels et anciens des services de renseignement israéliens, ont probablement joué un rôle dans la réalisation de ce qui a été l'une des campagnes militaires les plus meurtrières contre les Palestiniens depuis la Nakba de 1948.
L'enquête menée par +972 et Local Call est basée sur des conversations avec sept membres actuels et anciens de la communauté du renseignement israélien – y compris des membres du renseignement militaire et de l'armée de l'air qui ont participé aux opérations israéliennes dans la bande de Gaza assiégée – ainsi que sur des témoignages, des données et des documents palestiniens provenant de la bande de Gaza, et des déclarations officielles du porte-parole des FDI et d'autres institutions de l'État israélien.
Par rapport aux précédents assauts israéliens contre Gaza, la guerre actuelle – qu'Israël a baptisée « Opération épée de fer » et qui a débuté à la suite de l'assaut mené par le Hamas contre le sud d'Israël le 7 octobre – a vu l'armée étendre de manière significative ses bombardements sur des cibles qui ne sont pas clairement de nature militaire. Il s'agit notamment de résidences privées, de bâtiments publics, d'infrastructures et d'immeubles de grande hauteur, que l'armée définit comme des « cibles puissantes » (« matarot otzem »).
Le bombardement de cibles électriques, selon des sources de renseignement qui ont eu une expérience directe de son application à Gaza dans le passé, est principalement destiné à nuire à la société civile palestinienne : pour « créer un choc » qui, entre autres choses, se répercutera puissamment et « conduira les civil·es à faire pression sur le Hamas », comme l'a déclaré une source.
Plusieurs de ces sources, qui ont parlé à +972 et à Local Call sous le couvert de l'anonymat, ont confirmé que l'armée israélienne dispose de fichiers sur la grande majorité des cibles potentielles à Gaza – y compris les habitations – qui stipulent le nombre de civil·es susceptibles d'être tué·es lors d'une attaque sur une cible particulière. Ce nombre est calculé et connu à l'avance par les unités de renseignement de l'armée, qui savent également, peu de temps avant de lancer une attaque, combien de civil·es seront certainement tué·es.
Dans un cas évoqué par les sources, le commandement militaire israélien a sciemment approuvé le meurtre de centaines de civil·es palestinien·nes pour tenter d'assassiner un seul haut commandant militaire du Hamas. « Les chiffres sont passés de dizaines de mort·es civil·es [autorisé·es] en tant que dommages collatéraux dans le cadre d'une attaque contre un haut responsable lors d'opérations précédentes, à des centaines de mort·es civil·es·en tant que dommages collatéraux », a déclaré l'une des sources.
« Rien n'arrive par hasard », a déclaré une autre source. « Lorsqu'une fillette de trois ans est tuée dans une maison à Gaza, c'est parce que quelqu'un dans l'armée a décidé qu'il n'était pas grave qu'elle soit tuée – que c'était un prix qui valait la peine d'être payé pour atteindre [une autre] cible. Nous ne sommes pas le Hamas. Il ne s'agit pas de roquettes tirées au hasard. Tout est intentionnel. Nous savons exactement combien de dommages collatéraux il y a dans chaque maison ».
Selon l'enquête, une autre raison du grand nombre de cibles et des dommages considérables causés à la vie civile à Gaza est l'utilisation généralisée d'un système appelé « Habsora » (« L'Évangile »), qui repose en grande partie sur l'intelligence artificielle et peut « générer » des cibles presque automatiquement à un rythme qui dépasse de loin ce qui était possible auparavant. Ce système d'intelligence artificielle, comme l'a décrit un ancien officier de renseignement, facilite essentiellement une « usine d'assassinats de masse ».
Selon les sources, l'utilisation croissante de systèmes basés sur l'IA tels que Habsora permet à l'armée d'effectuer des frappes massives sur des maisons résidentielles où vit un seul membre du Hamas, même s'il s'agit d'agents subalternes du Hamas. Pourtant, des témoignages de Palestinien·nes à Gaza suggèrent que depuis le 7 octobre, l'armée a également attaqué de nombreuses résidences privées où ne résidait aucun membre connu ou apparent du Hamas ou d'un autre groupe militant. Ces frappes, ont confirmé des sources à +972 et à Local Call, peuvent sciemment tuer des familles entières.
Dans la majorité des cas, ajoutent les sources, l'activité militaire n'est pas menée à partir de ces maisons ciblées. « Je me souviens avoir pensé que c'était comme si [les militants palestiniens] bombardaient toutes les résidences privées de nos familles lorsque [les soldats israéliens] rentrent dormir chez eux le week-end », a rappelé une source, qui a critiqué cette pratique.
Une autre source a déclaré qu'un officier supérieur du renseignement a dit à ses officiers, après le 7 octobre, que l'objectif était de « tuer autant d'agents du Hamas que possible », ce pour quoi les critères concernant les dommages causés aux civil·es palestinien·nes ont été considérablement assouplis. Ainsi, il y a « des cas où, sur la base d'un repérage cellulaire large de la cible, nous tuons des civil·es. Cela est souvent fait pour gagner du temps, au lieu de faire un peu plus de travail pour obtenir une localisation plus précise », a déclaré la source.
Le résultat de ces politiques est la perte stupéfiante de vies humaines à Gaza depuis le 7 octobre. Plus de 300 familles ont perdu 10 membres ou plus dans les bombardements israéliens au cours des deux derniers mois – un chiffre 15 fois supérieur à celui de la guerre la plus meurtrière d'Israël contre Gaza, en 2014. À l'heure où nous écrivons ces lignes, environ 15 000 Palestinien·nes ont été tué·es dans la guerre, et ce n'est pas fini.
« Tout cela se passe contrairement au protocole utilisé par les FDI dans le passé », a expliqué une source. « On a le sentiment que les hauts responsables de l'armée sont conscients de leur échec du 7 octobre et qu'ils sont occupés par la question de savoir comment donner au public israélien une image [de victoire] qui sauvera leur réputation ».
Un prétexte pour provoquer la destruction
Israël a lancé son assaut sur Gaza à la suite de l'offensive menée par le Hamas sur le sud d'Israël le 7 octobre. Au cours de cette attaque, sous une pluie de roquettes, les militants palestiniens ont massacré plus de 840 civils et tué 350 soldats et agents de sécurité, kidnappé environ 240 personnes – civil·es et soldat·es – à Gaza, et commis des violences sexuelles généralisées, y compris des viols, selon un rapport de l'ONG Physicians for Human Rights Israel (Médecins pour les droits de l'homme en Israël).
Dès les premiers instants qui ont suivi l'attaque du 7 octobre, les décideurs israéliens ont ouvertement déclaré que la réponse serait d'une ampleur totalement différente des précédentes opérations militaires à Gaza, avec pour objectif déclaré d'éradiquer totalement le Hamas. « L'accent est mis sur les dégâts et non sur la précision », a déclaré Daniel Hagari, porte-parole des FDI, le 9 octobre. L'armée a rapidement traduit ces déclarations en actions.
Selon les sources qui ont parlé à +972 et Local Call, les cibles à Gaza qui ont été frappées par l'aviation israélienne peuvent être divisées en quatre catégories. La première est celle des « cibles tactiques », qui comprend les cibles militaires standard telles que les cellules de militants armés, les entrepôts d'armes, les lance-roquettes, les lance-missiles antichars, les puits de lancement, les bombes de mortier, les quartiers généraux militaires, les postes d'observation, etc.
La deuxième catégorie est celle des « cibles souterraines », principalement les tunnels que le Hamas a creusés sous les quartiers de Gaza, y compris sous les habitations civiles. Les frappes aériennes sur ces cibles pourraient entraîner l'effondrement des maisons situées au-dessus ou à proximité des tunnels.
La troisième catégorie est celle des « cibles puissantes », qui comprend les gratte-ciel et les tours résidentielles au cœur des villes, ainsi que les bâtiments publics tels que les universités, les banques et les administrations. Selon trois sources de renseignement qui ont participé à la planification ou à la conduite de frappes sur des cibles de pouvoir dans le passé, l'idée derrière ces frappes est qu'une attaque délibérée contre la société palestinienne exercera une « pression civile » sur le Hamas.
La dernière catégorie est celle des « maisons familiales » ou des « maisons d'agents ». L'objectif déclaré de ces attaques est de détruire des résidences privées afin d'assassiner un seul résident soupçonné d'être un agent du Hamas ou du Jihad islamique. Cependant, au cours de la guerre actuelle, des témoignages palestiniens affirment que certaines des familles tuées ne comptaient aucun membre de ces organisations.
Au début de la guerre actuelle, l'armée israélienne semble avoir accordé une attention particulière aux troisième et quatrième catégories de cibles. Selon les déclarations du 11 octobre du porte-parole de l'IDF, au cours des cinq premiers jours de combat, la moitié des cibles bombardées – 1 329 sur un total de 2 687 – étaient considérées comme des « cibles puissantes ».
« On nous demande de chercher des immeubles de grande hauteur avec un demi-étage qui peuvent être attribués au Hamas », explique une source qui a participé aux précédentes offensives israéliennes dans la bande de Gaza. « Parfois, il s'agit du bureau du porte-parole d'un groupe militant ou d'un lieu où se réunissent des agents. J'ai compris que le plancher est une excuse qui permet à l'armée de causer beaucoup de destructions à Gaza. C'est ce qu'ils nous ont dit.
S'ils disaient au monde entier que les bureaux [du Jihad islamique] au 10e étage ne sont pas importants en tant que cible, mais que leur existence justifie la destruction de toute la tour dans le but de faire pression sur les familles civiles qui y vivent afin de faire pression sur les organisations terroristes, cela serait considéré comme du terrorisme. Cela, ils ne le disent donc pas », a ajouté la source.
Diverses sources ayant servi dans les unités de renseignement des FDI ont déclaré qu'au moins jusqu'à la guerre actuelle, les protocoles de l'armée ne permettaient d'attaquer des cibles électriques que lorsque les bâtiments étaient vides de résident·es au moment de la frappe. Toutefois, des témoignages et des vidéos en provenance de Gaza suggèrent que depuis le 7 octobre, certaines de ces cibles ont été attaquées sans que leurs occupants en soient informés au préalable, ce qui a entraîné la mort de familles entières.
Le ciblage à grande échelle des maisons résidentielles peut être déduit de données publiques et officielles. Selon le Bureau des médias du gouvernement de Gaza – qui fournit des bilans des morts depuis que le ministère de la santé de Gaza a cessé de le faire le 11 novembre en raison de l'effondrement des services de santé dans la bande – au moment où le cessez-le-feu temporaire est entré en vigueur le 23 novembre, Israël avait tué 14 800 Palestinien·nes à Gaza ; environ 6 000 d'entre elles et eux étaient des enfants et 4 000 étaient des femmes, qui représentent ensemble plus de 67% du total. Les chiffres fournis par le ministère de la santé et le bureau des médias du gouvernement – qui relèvent tous deux du gouvernement du Hamas – ne s'écartent pas beaucoup des estimations israéliennes.
Le ministère de la santé de Gaza ne précise d'ailleurs pas combien de morts appartenaient aux ailes militaires du Hamas ou du Jihad islamique. L'armée israélienne estime avoir tué entre 1 000 et 3 000 militants palestiniens armés. Selon les médias israéliens, certains des militants morts sont enterrés sous les décombres ou à l'intérieur du système de tunnels souterrains du Hamas, et n'ont donc pas été pris en compte dans les décomptes officiels.
Les données de l'ONU pour la période allant jusqu'au 11 novembre, date à laquelle Israël a tué 11 078 Palestinien·nes à Gaza, indiquent qu'au moins 312 familles ont perdu 10 personnes ou plus dans l'attaque israélienne actuelle ; à titre de comparaison, lors de l'opération « Bordure protectrice » en 2014, 20 familles à Gaza ont perdu 10 personnes ou plus. Au moins 189 familles ont perdu entre six et neuf personnes selon les données de l'ONU, tandis que 549 familles ont perdu entre deux et cinq personnes. Aucune ventilation actualisée n'a encore été fournie pour les chiffres des victimes publiés depuis le 11 novembre.
Les attaques massives contre des cibles électriques et des résidences privées ont eu lieu au moment où l'armée israélienne a appelé, le 13 octobre, les 1,1 million d'habitant·es du nord de la bande de Gaza – dont la plupart résident dans la ville de Gaza – à quitter leurs maisons et à se rendre dans le sud de la bande de Gaza. À cette date, un nombre record de cibles énergétiques avaient déjà été bombardées et plus de 1 000 Palestiniens·ne avaient déjà été tuées, dont des centaines d'enfants.
Au total, selon l'ONU, 1,7 million de Palestinien·nes, soit la grande majorité de la population de la bande, ont été déplacé·es à l'intérieur de Gaza depuis le 7 octobre. L'armée a affirmé que la demande d'évacuation du nord de la bande de Gaza visait à protéger la vie des civil·es. Les Palestinien·nes considèrent toutefois que ces déplacements massifs font partie d'une « nouvelle Nakba », c'est-à-dire d'une tentative de nettoyage ethnique d'une partie ou de la totalité du territoire.
Ils ont abattu un immeuble de grande hauteur pour le plaisir
Selon l'armée israélienne, au cours des cinq premiers jours de combat, elle a largué 6 000 bombes sur la bande de Gaza, pour un poids total d'environ 4 000 tonnes. Les médias ont rapporté que l'armée avait détruit des quartiers entiers ; selon le Centre Al Mezan pour les droits des êtres humains, basé à Gaza, ces attaques ont entraîné « la destruction complète de quartiers résidentiels, la destruction d'infrastructures et le massacre d'habitant·es ».
Comme le montre Al Mezan et de nombreuses images en provenance de Gaza, Israël a bombardé l'université islamique de Gaza, l'association du barreau palestinien, un bâtiment des Nations unies abritant un programme éducatif destiné aux étudiant·es exceptionnel·les, un bâtiment appartenant à la société de télécommunications palestinienne, le ministère de l'économie nationale, le ministère de la culture, des routes et des dizaines d'immeubles et de maisons, en particulier dans les quartiers nord de Gaza.
Au cinquième jour des combats, le porte-parole de l'armée israélienne a distribué aux journalistes militaires en Israël des images satellites « avant et après » de quartiers du nord de la bande de Gaza, tels que Shuja'iyya et Al-Furqan (surnommé d'après une mosquée de la région) dans la ville de Gaza, qui montrent des dizaines de maisons et de bâtiments détruits. L'armée israélienne a déclaré avoir frappé 182 cibles électriques à Shuja'iyya et 312 cibles électriques à Al-Furqan.
Le chef d'état-major de l'armée de l'air israélienne, Omer Tishler, a déclaré aux journalistes militaires que toutes ces attaques avaient une cible militaire légitime, mais aussi que des quartiers entiers avaient été attaqués « à grande échelle et non de manière chirurgicale ». Notant que la moitié des cibles militaires jusqu'au 11 octobre étaient des cibles électriques, le porte-parole de l'IDF a déclaré que « des quartiers qui servent de nids de terreur au Hamas » ont été attaqués et que des dommages ont été causés à des « quartiers généraux opérationnels », des « moyens opérationnels » et des « moyens utilisés par des organisations terroristes à l'intérieur d'immeubles résidentiels ». Le 12 octobre, l'armée israélienne a annoncé qu'elle avait tué trois « membres importants du Hamas », dont deux faisaient partie de l'aile politique du groupe.
Pourtant, malgré les bombardements israéliens effrénés, les dommages causés à l'infrastructure militaire du Hamas dans le nord de la bande de Gaza au cours des premiers jours de la guerre semblent avoir été très minimes. En effet, des sources de renseignement ont déclaré à +972 et à Local Call que les cibles militaires qui faisaient partie des cibles de pouvoir ont été utilisées à maintes reprises comme feuille de vigne pour blesser la population civile. « Le Hamas est présent partout dans la bande de Gaza ; il n'y a pas un bâtiment qui n'ait pas quelque chose du Hamas, donc si vous voulez trouver un moyen de transformer une tour en cible, vous pourrez le faire », a déclaré un ancien responsable des services de renseignement.
« Ils ne frapperont jamais un gratte-ciel qui ne contient pas quelque chose que nous pouvons définir comme une cible militaire », a déclaré une autre source de renseignements, qui a déjà effectué des frappes contre des cibles militaires. « Il y aura toujours un étage dans la tour [associée au Hamas]. Mais dans la plupart des cas, lorsqu'il s'agit de cibles puissantes, il est clair que la cible n'a pas une valeur militaire qui justifie une attaque qui ferait tomber tout un bâtiment vide au milieu d'une ville, avec l'aide de six avions et de bombes pesant plusieurs tonnes. »
En effet, selon des sources qui ont été impliquées dans la compilation des cibles de pouvoir dans les guerres précédentes, bien que le dossier de la cible contienne généralement une sorte d'association présumée avec le Hamas ou d'autres groupes militants, frapper la cible fonctionne principalement comme un « moyen qui permet de causer des dommages à la société civile ». Les sources ont compris, certaines explicitement et d'autres implicitement, que les dommages causés aux civil·es sont le véritable objectif de ces attaques.
En mai 2021, par exemple, Israël a été fortement critiqué pour avoir bombardé la tour Al-Jalaa, qui abritait d'importants médias internationaux tels qu'Al Jazeera, AP et AFP. L'armée a affirmé que le bâtiment était une cible militaire du Hamas ; des sources ont déclaré à +972 et à Local Call qu'il s'agissait en fait d'une cible électrique.
« La perception est que cela fait vraiment mal au Hamas quand des gratte-ciel sont détruits, parce que cela crée une réaction publique dans la bande de Gaza et effraie la population », a déclaré l'une des sources. « Ils voulaient donner aux habitant·es de Gaza le sentiment que le Hamas ne contrôlait pas la situation. Parfois, ils ont renversé des bâtiments, parfois des services postaux et des bâtiments gouvernementaux ».
Bien qu'il soit sans précédent pour l'armée israélienne d'attaquer plus de 1 000 cibles en cinq jours, l'idée de provoquer une dévastation massive des zones civiles à des fins stratégiques a été formulée lors d'opérations militaires précédentes à Gaza, affinée par la « doctrine Dahiya » de la deuxième guerre du Liban en 2006.
Selon cette doctrine, élaborée par l'ancien chef d'état-major des FDI, Gadi Eizenkot, aujourd'hui membre de la Knesset et du cabinet de guerre actuel, dans une guerre contre des groupes de guérilla tels que le Hamas ou le Hezbollah, Israël doit utiliser une force disproportionnée et écrasante tout en ciblant les infrastructures civiles et gouvernementales afin d'établir une dissuasion et de forcer la population civile à faire pression sur les groupes pour qu'ils mettent un terme à leurs attaques. Le concept d'« objectifs de puissance » semble émaner de cette même logique.
La première fois que l'armée israélienne a défini publiquement des cibles de pouvoir à Gaza, c'était à la fin de l'opération « Bordure protectrice » en 2014. L'armée a bombardé quatre bâtiments au cours des quatre derniers jours de la guerre – trois immeubles résidentiels de plusieurs étages dans la ville de Gaza, et une tour d'habitation à Rafah. Les services de sécurité ont expliqué à l'époque que ces attaques avaient pour but de faire comprendre aux Palestinien·nes de Gaza que « rien n'est plus à l'abri » et de faire pression sur le Hamas pour qu'il accepte un cessez-le-feu. « Les éléments que nous avons recueillis montrent que la destruction massive [des bâtiments] a été menée délibérément et sans aucune justification militaire », indiquait un rapport d'Amnesty à la fin de l'année 2014.
Dans le cadre d'une autre escalade violente qui a débuté en novembre 2018, l'armée a de nouveau attaqué des cibles du pouvoir. Cette fois, Israël a bombardé des tours, des centres commerciaux et le bâtiment de la chaîne de télévision Al Aqsa, affiliée au Hamas. « Attaquer des « cibles puissantes » produit un effet très important sur l'autre camp », avait alors déclaré un officier de l'armée de l'air. « Nous l'avons fait sans tuer personne et nous avons veillé à ce que le bâtiment et ses environs soient évacués ».
Les opérations précédentes ont également montré que le fait de frapper ces cibles n'a pas seulement pour but de saper le moral des Palestinien·nes, mais aussi de remonter celui des Israélien·nes. Haaretz a révélé que lors de l'opération « Gardien des murs » en 2021, l'unité du porte-parole des FDI a mené une opération psychologique contre les citoyen·es israélien·nes afin de les sensibiliser aux opérations des FDI à Gaza et aux dommages qu'elles ont causés aux Palestinien·nes. Les soldat·es, qui ont utilisé de faux comptes de médias sociaux pour dissimuler l'origine de la campagne, ont téléchargé des images et des clips des frappes de l'armée à Gaza sur Twitter, Facebook, Instagram et TikTok afin de démontrer les prouesses de l'armée au public israélien.
Au cours de l'assaut de 2021, Israël a frappé neuf cibles définies comme des « cibles puissantes », toutes des immeubles de grande hauteur. « L'objectif était l'effondrement des tours afin de faire pression sur le Hamas, et aussi pour que le public [israélien] voie une image de victoire », a déclaré une source de sécurité à +972et à Local Call.
Cependant, poursuit cette source, « cela n'a pas fonctionné. Ayant suivi le Hamas, j'ai appris de première main à quel point ils ne se souciaient pas des civil·es et des bâtiments détruits. Parfois, l'armée a trouvé dans un immeuble de grande hauteur quelque chose lié au Hamas, mais il était également possible d'atteindre cette cible spécifique avec des armes plus précises. En fin de compte, ils ont abattu un immeuble pour le plaisir d'abattre un immeuble ».
Tout le monde cherchait ses enfants dans ces tas.
Non seulement la guerre actuelle a vu Israël attaquer un nombre sans précédent de cibles puissantes, mais elle a également vu l'armée abandonner les politiques antérieures qui visaient à éviter de blesser les civil·es. Alors qu'auparavant, la procédure officielle de l'armée était qu'il n'était possible d'attaquer des cibles électriques qu'après que tous les civil·es en aient été évacué·es, des témoignages d'habitant·es palestinien·nes de Gaza indiquent que, depuis le 7 octobre, Israël a attaqué des tours avec leurs habitant·es encore à l'intérieur, ou sans avoir pris de mesures significatives pour les évacuer, ce qui a entraîné la mort de nombreuses et nombreux civil·es.
Selon une enquête menée par AP après la guerre de 2014, environ 89% des personnes tuées lors des bombardements aériens de maisons familiales étaient des résident·es non armé·es, et la plupart d'entre elles et eux étaient des enfants et des femmes.
Le chef d'état-major de l'armée de l'air, M. Tishler, a confirmé un changement de politique, déclarant aux journalistes que la politique de « frappe sur les toits » de l'armée – qui consistait à effectuer une petite frappe initiale sur le toit d'un bâtiment pour avertir les résident·es qu'il était sur le point d'être frappé – n'était plus utilisée « là où il y a un ennemi ». Le « Roof knocking », a déclaré M. Tishler, est « un terme qui s'applique aux rounds [de combat] et non à la guerre ».
Les sources qui ont précédemment travaillé sur les cibles énergétiques ont déclaré que la stratégie effrontée de la guerre actuelle pourrait constituer une évolution dangereuse, expliquant que l'attaque des cibles énergétiques était à l'origine destinée à « choquer » Gaza, mais pas nécessairement à tuer un grand nombre de civil·es. « Les cibles ont été conçues en partant du principe que les immeubles de grande hauteur seraient évacués, de sorte que lorsque nous travaillions sur [la compilation des cibles], nous ne nous préoccupions pas du tout du nombre de civil·es qui seraient blessé·es ; l'hypothèse était que le nombre serait toujours nul », a déclaré une source ayant une connaissance approfondie de la tactique.
« Cela signifie qu'il y aurait une évacuation totale [des bâtiments ciblés], ce qui prend deux à trois heures, pendant lesquelles les résident·es sont appelé·es [par téléphone pour évacuer], des missiles d'avertissement sont tirés, et nous vérifions également avec des images de drones que les gens quittent effectivement la tour », a ajouté la source.
Cependant, les preuves recueillies à Gaza suggèrent que certaines tours – que nous supposons avoir été des « cibles puissantes » –- ont été démolies sans avertissement préalable. +972 et Local Call ont localisé au moins deux cas durant la guerre actuelle où des tours résidentielles entières ont été bombardées et se sont effondrées sans avertissement, et un cas où, selon les preuves, une tour s'est effondrée sur des civil·es qui se trouvaient à l'intérieur.
Le 10 octobre, Israël a bombardé le bâtiment Babel à Gaza, selon le témoignage de Bilal Abu Hatzira, qui a sauvé des corps des ruines cette nuit-là. Dix personnes ont été tuées dans l'attaque de l'immeuble, dont trois journalistes.
Le 25 octobre, l'immeuble résidentiel de 12 étages Al-Taj, dans la ville de Gaza, a été bombardé sans avertissement, tuant les familles qui y vivaient. Selon les témoignages des habitant·es, environ 120 personnes ont été ensevelies sous les ruines de leurs appartements. Yousef Amar Sharaf, un habitant d'Al-Taj, a écrit sur X que 37 membres de sa famille qui vivaient dans l'immeuble ont été tués dans l'attaque : « Mon cher père et ma chère mère, ma femme bien-aimée, mes fils et la plupart de mes frères et leurs familles. Les habitant·es ont déclaré que de nombreuses bombes avaient été larguées, endommageant et détruisant également des appartements dans les immeubles voisins.
Six jours plus tard, le 31 octobre, l'immeuble résidentiel de huit étages Al-Mohandseen a été bombardé sans avertissement. Le premier jour, entre 30 et 45 corps auraient été retrouvés dans les ruines. Un bébé a été retrouvé vivant, sans ses parents. Les journalistes estiment que plus de 150 personnes ont été tuées dans l'attentat, car de nombreuses personnes sont restées ensevelies sous les décombres.
Le bâtiment se trouvait dans le camp de réfugiés de Nuseirat, au sud de Wadi Gaza – dans la supposée « zone de sécurité » vers laquelle Israël dirigeait les Palestinienıes qui fuyaient leurs maisons dans le nord et le centre de Gaza – et servait donc d'abri temporaire pour les personnes déplacées, d'après des témoignages.
Selon une enquête d'Amnesty International, le 9 octobre, Israël a bombardé au moins trois bâtiments à plusieurs étages, ainsi qu'un marché aux puces ouvert dans une rue bondée du camp de réfugié·es de Jabaliya, tuant au moins 69 personnes. « Les corps étaient brûlés… Je ne voulais pas regarder, j'avais peur de voir le visage d'Imad », a déclaré le père d'un enfant qui a été tué. « Les corps étaient éparpillés sur le sol. Tout le monde cherchait ses enfants dans ces ruines. Je n'ai reconnu mon fils qu'à son pantalon. Je voulais l'enterrer immédiatement, alors j'ai porté mon fils et je l'ai sorti. »
Selon l'enquête d'Amnesty, l'armée a déclaré que l'attaque du marché visait une mosquée « où se trouvaient des agents du Hamas ». Cependant, selon la même enquête, les images satellites ne montrent pas de mosquée dans les environs.
Le porte-parole des FDI n'a pas répondu aux questions de +972 et de Local Call concernant des attaques spécifiques, mais a déclaré de manière plus générale que « les FDI ont donné des avertissements avant les attaques de diverses manières et, lorsque les circonstances le permettaient, ont également donné des avertissements individuels par le biais d'appels téléphoniques à des personnes qui se trouvaient sur les cibles ou à proximité (il y a eu plus de 25 000 conversations en direct pendant la guerre, ainsi que des millions de conversations enregistrées, des messages textuels et des tracts largués par avion dans le but d'avertir la population). En général, les FDI s'efforcent de réduire autant que possible les dommages causés aux civil·es dans le cadre des attaques, malgré le défi que représente la lutte contre une organisation terroriste qui utilise les citoyen·es de Gaza comme boucliers humains ».
La machine a produit 100 cibles en une journée
Selon le porte-parole de l'IDF, au 10 novembre, au cours des 35 premiers jours de combat, Israël avait attaqué un total de 15 000 cibles à Gaza. D'après de multiples sources, ce chiffre est très élevé par rapport aux quatre opérations majeures précédentes dans la bande de Gaza. Lors de l'opération Guardian of the Walls en 2021, Israël a attaqué 1 500 cibles en 11 jours. Lors de l'opération Bordure protectrice en 2014, qui a duré 51 jours, Israël a frappé entre 5 266 et 6 231 cibles. Lors de l'opération « Pilier de défense » en 2012, environ 1 500 cibles ont été attaquées en huit jours. Lors de l'opération « Plomb durci » en 2008, Israël a frappé 3 400 cibles en 22 jours.
Des sources de renseignement ayant participé aux opérations précédentes ont également déclaré à +972 et à Local Call que, pendant 10 jours en 2021 et trois semaines en 2014, un taux d'attaque de 100 à 200 cibles par jour a conduit à une situation dans laquelle l'armée de l'air israélienne ne disposait plus d'aucune cible de valeur militaire. Pourquoi, alors, après près de deux mois, l'armée israélienne n'a-t-elle pas encore épuisé ses cibles dans la guerre actuelle ?
La réponse se trouve peut-être dans une déclaration du porte-parole des FDI du 2 novembre, selon laquelle l'armée israélienne utilise le système d'IA Habsora (« L'Évangile »), qui, selon le porte-parole, « permet d'utiliser des outils automatiques pour produire des cibles à un rythme rapide, et fonctionne en améliorant le matériel de renseignement précis et de haute qualité en fonction des besoins [opérationnels] ».
Dans la déclaration, un haut responsable des services de renseignement est cité comme ayant déclaré que grâce à Habsora, des cibles sont créées pour des frappes de précision « tout en causant de grands dommages à l'ennemi et un minimum de dommages aux non-combattant·es. Les agents du Hamas ne sont pas à l'abri, quel que soit l'endroit où ils se cachent ».
Selon des sources de renseignement, Habsora génère, entre autres, des recommandations automatiques pour attaquer des résidences privées où vivent des personnes soupçonnées d'être des agents du Hamas ou du Jihad islamique. Israël mène ensuite des opérations d'assassinat à grande échelle en bombardant lourdement ces résidences.
Habsora, explique l'une des sources, traite d'énormes quantités de données que « des dizaines de milliers d'officiers de renseignement ne pourraient pas traiter » et recommande des sites de bombardement en temps réel. Comme la plupart des hauts responsables du Hamas se rendent dans les tunnels souterrains dès le début d'une opération militaire, l'utilisation d'un système comme Habsora permet de localiser et d'attaquer les maisons d'agents relativement peu expérimentés.
Un ancien officier de renseignement a expliqué que le système Habsora permet à l'armée de gérer une « usine d'assassinats de masse », dans laquelle « l'accent est mis sur la quantité et non sur la qualité ». Un œil humain « passera en revue les cibles avant chaque attaque, mais il n'est pas nécessaire de passer beaucoup de temps sur elles ». Étant donné qu'Israël estime qu'il y a environ 30 000 membres du Hamas à Gaza, et qu'ils sont tous marqués pour la mort, le nombre de cibles potentielles est énorme.
En 2019, l'armée israélienne a créé un nouveau centre visant à utiliser l'IA pour accélérer la génération de cibles. « La division administrative des cibles est une unité qui comprend des centaines d'officiers et de soldats et qui est basée sur des capacités d'IA », a déclaré l'ancien chef d'état-major de Tsahal, Aviv Kochavi, dans une interview approfondie avec Ynet plus tôt cette année.
« Il s'agit d'une machine qui, avec l'aide de l'IA, traite un grand nombre de données mieux et plus rapidement que n'importe quel humain, et les traduit en cibles d'attaque », a poursuivi M. Kochavi. Lors de l'opération « Gardien des murs » [en 2021], à partir du moment où cette machine a été activée, elle a généré 100 nouvelles cibles par jour. Vous voyez, dans le passé, il y a eu des périodes à Gaza où nous créions 50 cibles par an. Ici, la machine a produit 100 cibles en un jour.
« Nous préparons les cibles automatiquement et travaillons selon une liste de contrôle », a déclaré à +972 et à Local Call l'une des sources qui a travaillé dans la nouvelle division administrative des cibles. « C'est vraiment comme une usine. Nous travaillons rapidement et nous n'avons pas le temps d'approfondir l'objectif. L'idée est que nous sommes jugés en fonction du nombre de cibles que nous parvenons à générer ».
Un haut responsable militaire chargé de la banque de cibles a déclaré au Jerusalem Post au début de l'année que, grâce aux systèmes d'intelligence artificielle de l'armée, celle-ci peut pour la première fois générer de nouvelles cibles à un rythme plus rapide que celui des attaques. Selon une autre source, la volonté de générer automatiquement un grand nombre de cibles est une concrétisation de la doctrine Dahiya.
Les systèmes automatisés tels que Habsora ont ainsi grandement facilité le travail des officier·es de renseignement israélien·nes dans la prise de décisions au cours des opérations militaires, y compris le calcul des pertes potentielles. Cinq sources différentes ont confirmé que le nombre de civil·es susceptibles d'être tué·es lors d'attaques contre des résidences privées est connu à l'avance par les services de renseignement israéliens et apparaît clairement dans le fichier des cibles dans la catégorie des « dommages collatéraux ».
Selon ces sources, il existe des degrés de dommages collatéraux, en fonction desquels l'armée détermine s'il est possible d'attaquer une cible à l'intérieur d'une résidence privée. Lorsque la directive générale devient « Dommage collatéral 5 », cela signifie que nous sommes autorisés à frapper toutes les cibles qui tueront cinq civil·es ou moins – nous pouvons agir sur tous les dossiers de cibles qui sont au nombre de cinq ou moins », a déclaré l'une des sources.
« Dans le passé, nous ne marquions pas régulièrement les maisons des membres subalternes du Hamas pour les bombarder », a déclaré un responsable de la sécurité qui a participé à l'attaque de cibles lors d'opérations précédentes. À mon époque, si la maison sur laquelle je travaillais portait la mention « Dommage collatéral 5 », elle n'était pas toujours approuvée [pour l'attaque]. Selon lui, une telle approbation n'était donnée que si l'on savait qu'un haut commandant du Hamas vivait dans la maison.
« D'après ce que j'ai compris, ils peuvent aujourd'hui marquer toutes les maisons [de tout agent militaire du Hamas, quel que soit son rang] », a poursuivi la source. « Cela fait beaucoup de maisons. Des membres du Hamas qui n'ont aucune importance vivent dans des maisons dans toute la bande de Gaza. Ils marquent donc la maison, la bombardent et tuent tout le monde ».
Une politique concertée de bombardement des maisons familiales
Le 22 octobre, l'armée de l'air israélienne a bombardé la maison du journaliste palestinien Ahmed Alnaouq dans la ville de Deir al-Balah. Ahmed est un ami proche et un collègue ; il y a quatre ans, nous avons fondé une page Facebook en hébreu intitulée « De l'autre côté du mur », dans le but de faire connaître au public israélien les voix palestiniennes de Gaza.
La frappe du 22 octobre a fait s'effondrer des blocs de béton sur toute la famille d'Ahmed, tuant son père, ses frères, ses sœurs et tous leurs enfants, y compris les bébés. Seule sa nièce de 12 ans, Malak, a survécu et est restée dans un état critique, le corps couvert de brûlures. Quelques jours plus tard, Malak est décédée.
Au total, 21 membres de la famille d'Ahmed ont été tués et enterrés sous leur maison. Aucun·e d'entre elles et eux n'était un militant·e. Le plus jeune avait 2 ans, le plus âgé, son père, 75 ans. Ahmed, qui vit actuellement au Royaume-Uni, est désormais le seul rescapé de toute sa famille.
Le groupe WhatsApp de la famille d'Ahmed s'intitule « Better Together ». Le dernier message qui y figure a été envoyé par lui, un peu après minuit, la nuit où il a perdu sa famille. « Quelqu'un m'a fait savoir que tout allait bien », a-t-il écrit. Personne n'a répondu. Il s'est endormi, mais s'est réveillé en panique à 4 heures du matin. C'est le silence. C'est alors qu'il a reçu un message d'un ami lui annonçant la terrible nouvelle.
Le cas d'Ahmed est courant à Gaza ces jours-ci. Lors d'interviews accordées à la presse, les directeurs des hôpitaux de Gaza ont fait la même description : les familles entrent dans les hôpitaux comme une succession de cadavres, un enfant suivi de son père suivi de son grand-père. Les corps sont tous couverts de terre et de sang.
Selon d'anciens officiers du renseignement israélien, dans de nombreux cas où une résidence privée est bombardée, l'objectif est « l'assassinat d'agents du Hamas ou du Djihad », et ces cibles sont attaquées lorsque l'agent entre dans la maison. Les chercheur·es en renseignement savent si les membres de la famille ou les voisin·es de l'agent peuvent également mourir dans l'attentat, et ils savent comment calculer le nombre de victimes. Chacune des sources a précisé qu'il s'agissait de maisons privées où, dans la majorité des cas, aucune activité militaire n'est menée.
+972 et Local Call ne disposent pas de données concernant le nombre d'agents militaires qui ont effectivement été tués ou blessés par des frappes aériennes sur des résidences privées au cours de la guerre actuelle, mais il est amplement prouvé que, dans de nombreux cas, il ne s'agissait pas d'agents militaires ou politiques appartenant au Hamas ou au Djihad islamique.
Le 10 octobre, l'armée de l'air israélienne a bombardé un immeuble d'habitation dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza, tuant 40 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants. Dans l'une des vidéos choquantes prises à la suite de l'attaque, on voit des gens crier, tenir ce qui semble être une poupée tirée des ruines de la maison, et se la passer de main en main. Lorsque la caméra zoome, on peut voir qu'il ne s'agit pas d'une poupée, mais du corps d'un bébé.
L'un des habitants a déclaré que 19 membres de sa famille avaient été tué·es lors de la frappe. Un autre survivant a écrit sur Facebook qu'il n'avait retrouvé que l'épaule de son fils dans les décombres. Amnesty a enquêté sur l'attaque et a découvert qu'un membre du Hamas vivait à l'un des étages supérieurs de l'immeuble, mais qu'il n'était pas présent au moment de l'attaque.
Le bombardement des maisons familiales où sont censés vivre des membres du Hamas ou du Jihad islamique est probablement devenu une politique plus concertée des FDI lors de l'opération Bordure protectrice en 2014. À l'époque, 606 Palestinien·nes – soit environ un quart des civils tués au cours des 51 jours de combats – étaient membres de familles dont les maisons ont été bombardées. Un rapport de l'ONU l'a défini en 2015 comme un crime de guerre potentiel et un « nouveau modèle » d'action qui « a conduit à la mort de familles entières ».
En 2014, 93 bébés ont été tués à la suite de bombardements israéliens sur des maisons familiales, dont 13 avaient moins d'un an. Il y a un mois, 286 bébés âgés d'un an ou moins avaient déjà été identifiés comme ayant été tués à Gaza, selon une liste d'identification détaillée avec l'âge des victimes publiée par le ministère de la santé de Gaza le 26 octobre. Ce nombre a probablement doublé ou triplé depuis.
Cependant, dans de nombreux cas, et en particulier lors des attaques actuelles contre Gaza, l'armée israélienne a mené des attaques contre des résidences privées, même lorsqu'il n'y avait pas de cible militaire connue ou évidente. Par exemple, selon le Comité de protection des journalistes, au 29 novembre, Israël avait tué 50 journalistes palestiniens à Gaza, certains d'entre eux dans leur maison avec leur famille.
Roshdi Sarraj, 31 ans, journaliste de Gaza née en Grande-Bretagne, a fondé un média à Gaza appelé « Ain Media ». Le 22 octobre, une bombe israélienne a frappé la maison de ses parents où il dormait, le tuant. La journaliste Salam Mema est également décédée sous les ruines de sa maison après le bombardement ; de ses trois jeunes enfants, Hadi, 7 ans, est mort, tandis que Sham, 3 ans, n'a pas encore été retrouvé sous les décombres. Deux autres journalistes, Duaa Sharaf et Salma Makhaimer, ont été tuées avec leurs enfants dans leur maison.
Les analystes israéliens ont admis que l'efficacité militaire de ce type d'attaques aériennes disproportionnées était limitée. Deux semaines après le début des bombardements à Gaza (et avant l'invasion terrestre) – après que les corps de 1 903 enfants, d'environ 1 000 femmes et de 187 personnes âgées ont été dénombrés dans la bande de Gaza – le commentateur israélien Avi Issacharoff a écrit sur Twitter : « Aussi difficile à entendre que cela puisse paraître, au 14e jour des combats, il ne semble pas que la branche militaire du Hamas ait été touchée : « Aussi difficile que cela puisse paraître, au 14e jour des combats, il ne semble pas que la branche militaire du Hamas ait subi des dommages significatifs. Le dommage le plus important pour la direction militaire est l'assassinat d'Ayman Nofal [commandant du Hamas] ».
Combattre des animaux humains
Les militants du Hamas opèrent régulièrement à partir d'un réseau complexe de tunnels construits sous de vastes étendues de la bande de Gaza. Ces tunnels, comme l'ont confirmé les anciens officiers des services de renseignement israéliens avec lesquels nous nous sommes entretenus, passent également sous les maisons et les routes. Par conséquent, les tentatives israéliennes de les détruire par des frappes aériennes risquent dans de nombreux cas d'entraîner la mort de civil·es. C'est peut-être une autre raison qui explique le nombre élevé de familles palestiniennes éliminées lors de l'offensive actuelle.
Les officier·es de renseignement interrogés pour cet article ont déclaré que la manière dont le Hamas a conçu le réseau de tunnels à Gaza exploite sciemment la population civile et les infrastructures en surface. Ces affirmations ont également été à la base de la campagne médiatique menée par Israël concernant les attaques et les raids sur l'hôpital Al-Shifa et les tunnels qui ont été découverts sous celui-ci.
Israël a également attaqué un grand nombre de cibles militaires : des agents armés du Hamas, des sites de lancement de roquettes, des tireurs d'élite, des escouades antichars, des quartiers généraux militaires, des bases, des postes d'observation, etc. Depuis le début de l'invasion terrestre, les bombardements aériens et les tirs d'artillerie lourde ont été utilisés pour soutenir les troupes israéliennes sur le terrain. Les experts en droit international estiment que ces cibles sont légitimes, pour autant que les frappes respectent le principe de proportionnalité.
En réponse à une demande de +972 et de Local Call pour cet article, le porte-parole des FDI a déclaré : « L'armée israélienne s'est engagée à respecter le droit international et à agir conformément à celui-ci ; ce faisant, elle attaque des cibles militaires et ne s'en prend pas aux civil·es. L'organisation terroriste Hamas place ses agents et ses moyens militaires au cœur de la population civile. Le Hamas utilise systématiquement la population civile comme bouclier humain et mène ses combats depuis des bâtiments civils, y compris des sites sensibles tels que des hôpitaux, des mosquées, des écoles et des installations de l'ONU ».
Les sources de renseignement qui ont parlé à +972 et à Local Call ont également affirmé que dans de nombreux cas, le Hamas « met délibérément en danger la population civile de Gaza et tente d'empêcher par la force les civil·es d'évacuer ». Deux sources ont déclaré que les dirigeants du Hamas « comprennent que les dommages causés par Israël aux civil·es leur donnent une légitimité dans les combats ».
Dans le même temps, même s'il est difficile de l'imaginer aujourd'hui, l'idée de larguer une bombe d'une tonne destinée à tuer un agent du Hamas et de finir par tuer une famille entière en tant que « dommages collatéraux » n'a pas toujours été aussi facilement acceptée par de larges pans de la société israélienne. En 2002, par exemple, l'armée de l'air israélienne a bombardé le domicile de Salah Mustafa Muhammad Shehade, alors chef des Brigades Al-Qassam, la branche militaire du Hamas. La bombe l'a tué, ainsi que sa femme Eman, sa fille de 14 ans Laila et 14 autres civil·es, dont 11 enfants. Ce meurtre a provoqué un tollé en Israël et dans le monde, et Israël a été accusé de commettre des crimes de guerre.
Ces critiques ont conduit l'armée israélienne à décider, en 2003, de larguer une bombe plus petite, d'un quart de tonne, sur une réunion de hauts responsables du Hamas – dont l'insaisissable chef des Brigades Al-Qassam, Mohammed Deif – qui se tenait dans un immeuble résidentiel de Gaza, malgré la crainte qu'elle ne soit pas assez puissante pour les tuer. Dans son livre « To Know Hamas », le journaliste israélien chevronné Shlomi Eldar écrit que la décision d'utiliser une bombe relativement petite est due au précédent de Shehade et à la crainte qu'une bombe d'une tonne ne tue également les civil·es dans l'immeuble. L'attaque a échoué et les officiers supérieurs de l'aile militaire ont fui les lieux.
En décembre 2008, lors de la première grande guerre menée par Israël contre le Hamas après sa prise de pouvoir à Gaza, Yoav Gallant, qui dirigeait à l'époque le commandement sud des FDI, a déclaré que, pour la première fois, Israël « frappait les maisons familiales » des hauts responsables du Hamas dans le but de les détruire, mais pas de blesser leurs familles. M. Gallant a souligné que les maisons ont été attaquées après que les familles ont été averties par un « coup sur le toit », ainsi que par un appel téléphonique, lorsqu'il est apparu clairement que des activités militaires du Hamas se déroulaient à l'intérieur de la maison.
Après l'opération Bordure protectrice de 2014, au cours de laquelle Israël a commencé à frapper systématiquement les maisons familiales depuis les airs, des groupes de défense des droits de l'homme comme B'Tselem ont recueilli des témoignages de Palestinien·nes qui avaient survécu à ces attaques. Les survivant·es ont déclaré que les maisons s'étaient effondrées sur elles-mêmes, que des éclats de verre avaient coupé les corps de celles et ceux qui se trouvaient à l'intérieur, que les débris « sentaient le sang » et que des personnes avaient été enterrées vivantes.
Cette politique meurtrière se poursuit aujourd'hui, en partie grâce à l'utilisation d'armes destructrices et de technologies sophistiquées comme Habsora, mais aussi grâce à un establishment politique et sécuritaire qui a relâché les rênes de l'appareil militaire israélien. Quinze ans après avoir insisté sur le fait que l'armée s'efforçait de minimiser les dommages causés aux civil·es, M. Gallant, aujourd'hui ministre de la défense, a clairement changé son fusil d'épaule. « Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence », a-t-il déclaré après le 7 octobre.
Yuval Abraham
Le texte original en anglais comporte des développements supplémentaires concernant notamment la Grande-Bretagne et le rôle de la solidarité internationale. L'intégral anglais est disponible sur ESSF ( article 68812), A mass assassination factory' : Inside Israel's calculated bombing of Gaza.
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La gentrification des quartiers ouvriers et populaires à Montréal et ailleurs

Une savante étude universitaire a démontré que des cinq types de quartier de la Ville de Montréal, deux étaient sous l'emprise du capital financier. D'autres analyses des grandes villes canadiennes démontrent que les régions métropolitaines québécoises ne sont qu'au début du processus de gentrification, et d'autres que ce processus est encore plus avancé aux ÉU. La question se pose alors de l'inexorabilité de cette tendance ou bien de la possibilité que la lutte sociale l'infléchisse. Quelle seraient alors le programme, la stratégie et la tactique qui permettraient cette inflexion transformant le rapport de forces ?
« …la détention d'une part importante du parc locatif par des fonds d'investissement ou des entreprises est aussi considérée comme un facteur qui tire le prix des loyers vers le haut, étant donné le poids économique de ces acteurs et les objectifs financiers qu'ils poursuivent. » À cet égard, Montréal retarde sur les grandes régions métropolitaines du reste du Canada sans doute à cause de sa plus grande proportion de logis locatifs à basse densité signalée plus haut. « Des données de Statistique Canada montrent que, dans certaines provinces canadiennes, les investisseurs sont propriétaires d'entre 20,2 % (Ontario) et 30,5 % (Nouvelle-Écosse) du parc de logements locatifs. À Montréal, où 11,7 % des unités locatives sont détenus par des propriétaires financiarisés (ex. : fonds d'investissement ou société de gestion d'actifs), une équipe de recherche a montré que cette concentration de la propriété des logements locatifs avait une incidence à la hausse sur les loyers demandés dans la métropole. » (Julia Posca et Guillaume Hébert, Crise du logement : un marché locatif en manque d'encadrement, IRIS, 29/06/23).
Le nouveau visage de la propriété de logements jusqu'à et y compris le Fonds dit de solidarité
« Jusqu'à récemment, la plupart des études sur la financiarisation du logement se concentraient sur les impacts de la titrisation hypothécaire – le processus par lequel la dette est découpée et regroupée avec d'autres dettes et vendue à des investisseurs peu intéressés par l'actif physique lui-même. » On reconnaît là le processus qui a engendré la grande crise de 2008-2009 aux ÉU mais non au Canada. « Au cours de la dernière décennie, un nombre croissant de travaux de recherche ont commencé à examiner la financiarisation du logement locatif. Bien que la financiarisation ne soit pas un concept totalement établi, le logement locatif est généralement considéré comme financiarisé lorsqu'il appartient à des véhicules financiers tels que des Sociétés d'investissement immobilier cotée (REIT en anglais), des sociétés de capital-investissement, des investisseurs institutionnels ou des sociétés de gestion d'actifs ».
Montréal a la plus grande proportion de logements occupés par des locataires parmi toutes les grandes ou moyennes villes d'Amérique du Nord, à 63,3 % selon le recensement de 2016. Montréal a toujours été connue comme le paradis des locataires où une offre abondante de logements locatifs de faible hauteur a maintenu les loyers relativement bas et les taux d'inoccupation relativement élevés. Les paramètres d'abordabilité des logements locatifs ont commencé à se détériorer dans les années 2010, malgré une forte hausse de la construction de nouveaux logements locatifs construits à cet effet. De 2016 à 2020, Montréal a ajouté 13 500 logements locatifs spécialement construits (c.-à-d. non en copropriété) soit 38,2 % de tous les logements nouvellement construits au cours de cette période…
À partir du début des années 2000, les typologies d'habitations plus denses – en particulier les immeubles de grande hauteur vendus comme copropriétés – ont gagné en popularité à Montréal. Cette popularité s'est élargie pour inclure les locations spécialement construites à cet effet dans les années 2010. En raison de l'ampleur de ces projets, de nouveaux acteurs financiers ont fait leur apparition sur la scène du développement domiciliaire : des fonds d'investissement, dont le Fonds de solidarité FTQ, affilié au syndicat, ainsi que les acteurs commerciaux Claridge, Fierra Immobilier et Ipso Facto. (Cloé St-Hilaire, Mikael Brunila & David Wachsmuth (2023) High Rises and Housing Stress, Journal of the American Planning Association, DOI :)
Au Québec, le Fonds immobilier FTQ joue un rôle particulier dans la financiarisation. Le Fonds de solidarité auquel il est lié constitue le plus grand réseau québécois d'investissement en capital de développement. Il est alimenté par les épargnes de ses quelque 750 000 cotisants et cotisantes souvent en vue de leur retraite. Le Fonds immobilier investit du capital de risque dans des projets immobiliers, en collaboration avec des acteurs privés ou communautaires. Il s'implique dès le démarrage des projets, puis voit à leur gestion avec ses partenaires, dans le but « d'optimiser leur valeur marchande ». Il revend ses parts dans un horizon de 5 à 7 ans, selon la situation économique. Le Fonds immobilier est présentement impliqué dans un controversé projet au Bassin Peel, dans le secteur Bridge-Bonaventure du Sud-Ouest de Montréal, en collaboration avec de grands partenaires privés comme Devimco, Mach, Broccolini et COPRIM. Les promoteurs visent la construction de 7500 logements, dont 3800 sur des terrains publics fédéraux appartenant à la Société immobilière du Canada (SIC), une société d'état fédérale autofinancée. Des groupes communautaires du quartier et des alentours, appuyés largement par la population, s'opposent à un tel développement considéré comme une réplique de Griffintown, « avec ses tours de condominiums et un maigre pourcentage de logements sociaux », qui a « accentué la crise pour les mal-logés et exacerbé la gentrification » (FRAPRU, Crises du logement et droits humains au Québec, décembre 2022).
Bien que la participation de telles entités au développement de logements ne soit pas nouvelle en soi, leur implication récente s'est accompagnée de la création de ce que l'on appelle des sociétés en commandite, une tendance nouvelle. Dans une société en commandite, un promoteur et un fonds s'associeront pendant la durée d'un projet, créant ainsi une entreprise temporaire dont les deux parties sont actionnaires. […] En tant que partenaires, le fonds et le promoteur partagent les revenus, mais ces partenariats sont jugés plus risqués pour le fonds que le simple prêt d'argent au promoteur, car le remboursement n'est pas garanti. En conséquence, les fonds s'attendent désormais à des rendements beaucoup plus élevés sur leurs investissements, ce qui limite la production de nouveaux logements : seuls certains types de bâtiments peuvent générer des prix de vente ou des taux de location proportionnellement plus élevés. Ainsi, à mesure que la participation directe des fonds d'investissement à la production de logements locatifs s'est accrue, une plus grande proportion de logements locatifs est devenue soumise à une logique financière.
D'abord les quartiers riches puis la vulnérable clientèle étudiante prisonnière du court-terme
« Sur l'ensemble de la Ville de Montréal, le pourcentage de propriétés locatives appartenant à des propriétaires financiarisés en 2020 était de 1,4 % (2 277 sur 166 967). Toutefois, les propriétaires financiarisés possédaient des propriétés comportant plus de logements locatifs que la moyenne ; 11,7 % de tous les logements locatifs appartenaient à des propriétaires financiarisés (66 452 sur 566 582). » En toute logique, les propriétaires financiarisés ont d'abord pénétré les quartiers riches, un des cinq types de quartier de la Ville de Montréal. « 32,0 % des logements locatifs appartenaient à des propriétaires financiarisés [qui] étaient confrontés aux loyers les plus élevés de la ville mais, comme le revenu médian des ménages était également le plus élevé de la ville, beaucoup moins de locataires ont été confrontés à un stress lié au logement […] Plus de la moitié (54,6 %) des ménages […] vivaient dans des immeubles de cinq étages ou plus, mais la part globale des locataires était bien inférieure à la moyenne de la ville. Le pourcentage de copropriétés était le plus élevé parmi les cinq types (55,6 %, soit trois fois le taux de 18,5 % à l'échelle de la ville). [On y] comptait de loin le pourcentage le plus élevé d'unités locatives construites après 2005 : 28,4 %, contre 6,0 % à l'échelle de la ville. […] [On y dénombrait] la proportion la plus élevée de population âgée de plus de 65 ans. […] La population y était majoritairement blanche ».
[Dans l'autre type de quartier financiarisé,] les loyers médians et demandés étaient bien supérieurs aux moyennes de la ville, tandis que le revenu médian des ménages était le plus bas des cinq types. Ainsi, ce type de quartier comptait le pourcentage le plus élevé de ménages locataires confrontés à un stress lié au logement (62,2 % contre 35,8 % à l'échelle de la ville). Il comptait également le pourcentage le plus élevé de ménages locataires (87,5 % contre 62,7 % à l'échelle de la ville) et de ménages vivant dans des immeubles de cinq étages ou plus (69,0 %, soit plus de cinq fois la proportion de 12,8 % à l'échelle de la ville). De tous les types, il présentait la mobilité résidentielle la plus élevée ; plus d'un tiers (34,5 %) de ses ménages ont déménagé au cours de l'année écoulée, et près des trois quarts (73,1 %) ont déménagé au cours des cinq dernières années. Les parcelles de ce regroupement étaient situées au centre (en moyenne à 1,3 km du centre-ville) et adjacentes aux quatre universités de Montréal. Au total, 25,1 % des habitants de ce groupe avaient entre 18 et 24 ans, ce qui indique une importante population étudiante (la moyenne de la ville pour cette tranche d'âge n'était que de 9,1 %) (Cloé St-Hilaire, Mikael Brunila & David Wachsmuth (2023) High Rises and Housing Stress, Journal of the American Planning Association, DOI).
La gentrification par ses manœuvres sordides prépare le terrain à la financiarisation
…les parcelles [du troisième type] étaient situées dans un anneau autour du centre-ville (qui lui- même est principalement représenté par les types financiarisés 1 et 2). Ce type avait une proportion de locataires supérieure à la moyenne (70,3 %) mais la proportion la plus faible de propriétaires financiarisés (5,6 %). […] seule une petite proportion des logements locatifs de ce type était constituée d'immeubles de cinq étages ou plus (7,5 %). Pendant ce temps, il présentait la plus faible proportion de populations de minorités visibles et d'immigrants parmi les cinq types, une mobilité des résidents supérieure à la moyenne et une combinaison distinctive de loyers médians faibles et de loyers demandés élevés. Ces caractéristiques correspondaient au profil classique des quartiers gentrifiés.
On peut comprendre la gentrification comme une préparation de terrain pour la financiarisation par l'intermédiaire d'acquéreurs de paquet de logements prêts à toutes les manœuvres pour arriver à soit transformer leurs logements en condominiums soit de plus en plus à les louer à une couche sociale dite moyenne en mesure de payer la forte hausse de loyer. En effet, les condos ont rentabilisé la location et sans doute permis à des acquéreurs aux poches plus profondes à envahir le terrain :
La réalisation de condos a été très forte dans la région métropolitaine de Montréal, et particulièrement à Montréal même, des promoteurs comme Prével, Samcon, Devimco, Rachel Julien et autres se montrant gourmands. Cette arrivée massive de condos a alimenté la gentrification de plusieurs quartiers, contribuant entre autres à la hausse de la valeur foncière des immeubles locatifs et par, le fait même, des taxes et des loyers. C'est depuis 2015 que la construction de logements locatifs a réellement pris son envol. Pas moins de 161 025 appartements ont été mis en chantier jusqu'en 2021, pour une moyenne annuelle de 23 004. C'est 2,5 fois plus que la construction d'unités de condominiums qui, elle, s'est limitée à une moyenne de 9114. Non seulement les logements locatifs construits dans les dernières années au Québec sont-ils à loyers très élevés, s'inscrivant eux-aussi dans le processus de gentrification, mais, pour l'essentiel, ils ont été réalisés dans des édifices à logements multiples, propriétés de géants de l'immobilier jouissant de capitaux très importants. […]
Le cas du spéculateur Henry Savriyev en donne une idée. En cinq ans, il a acquis à lui seul une quarantaine d'immeubles totalisant 1200 logements dans différents arrondissements de Montréal. Il s'y est livré à des « rénovictions » qui lui ont valu 130 dossiers au Tribunal administratif de logement. D'autres individus ou sociétés, impliqués dans des cas de « rénovictions », possèdent aussi des centaines d'appartements. Ils ont tous en commun d'avoir acquis leurs immeubles moins d'un an auparavant. Une forme particulière de « rénovictions » s'est développée au cours de la dernière année. Il s'agit de la transformation de résidences privées pour aînés (RPA) en logements locatifs sans services. Le cas de la Résidence Mont-Carmel, située au cœur de Montréal, a maintes fois défrayé les manchettes au cours des derniers mois en raison du combat courageux qui y est mené par un groupe de locataires contre Zavriyev. Celui-ci est aussi impliqué dans au moins deux autres cas, l'un dans l'arrondissement de Montréal-Nord et l'autre à Québec. Au total, c'est plus de 1000 logements en RPA qui sont présentement touchés par de telles conversions, quel qu'en soit l'auteur.
Il est difficile d'avoir un portrait exact de l'ampleur du phénomène qui était au départ limité à Montréal, mais qui s'est depuis étendu à d'autres villes, notamment Québec et Gatineau. Le nombre de reprises de logement est lui-aussi en augmentation. Celles-ci sont permises au Québec si c'est pour s'y loger soi-même ou pour y loger son père, sa mère, ses enfants et quelques autres personnes bien définies. Elles sont autrement interdites Le nombre de ce type de demandes au Tribunal administratif du logement est en nette progression, étant passé de 1061 en 2018-2019, à 1484 en 2019-2020, à 1970 en 2020-2021 et à 2540 en 2021-2022. Or, l'expérience démontre que ce nombre ne représente qu'un pâle reflet de la réalité. Tout cela est aggravé par l'augmentation du nombre de flips, ces lucratives activités d'achats et de reventes rapides de logements encouragées par l'exemption de 50 % d'impôts accordé par les gouvernements sur les gains de capital. Une étude récente de la SCHL permet de constater que, dans le cas des « plex » de 2 à 5 logements, la proportion de logements revendus en l'espace d'un an à Montréal était de 3,2 % de l'ensemble des ventes au premier trimestre de 2021. Ce pourcentage est en hausse continuelle depuis 2016, alors qu'il était de 1,9 %.
On constate que la construction de logements locatifs, tendanciellement financiarisés, est partiellement annulée par la disparition de logements généralement à bon marché, ce qui crée une constante pression à la hausse des loyers. « Non seulement le nombre de logements locatifs n'augmente-t-il pas assez rapidement au Québec, mais des appartements continuent d'être perdus en raison de leurs conversions en copropriétés divises ou indivises, de leurs fusions pour fins d'agrandissement ou encore de leurs locations temporaires à des fins touristiques. Selon une compilation du FRAPRU à partir des données d'Inside Airbnb, au Québec, en avril 2022, 24 756 logements complets étaient affichés sur Airbnb dont près de 10 000 logements locatifs. Montréal en comptait la moitié à elle seule... » (FRAPRU, Crises du logement et droits humains au Québec, décembre 2022).
La financiarisation est en remorque de la disparition des logements populaires haussant les loyers
La même étude savante démontre que la financiarisation du logement n'a pas encore ou peu pénétré les deux autres types de quartier contrairement aux ÉU :
Les secteurs de recensement [de quatrième type] étaient pour la plupart situés à la périphérie de la ville. Ce pôle présente un taux de financiarisation du logement locatif (9,3 %) légèrement inférieur à la moyenne de la ville. Le [quatrième type] avait les loyers les plus bas et le deuxième revenu médian des ménages le plus bas. La plupart des logements locatifs étaient situés dans des immeubles à faible densité et la mobilité du logement était inférieure à la moyenne de la ville. [Le quatrième type] comptait les proportions les plus élevées de minorités visibles et d'immigrants et peut donc être décrit comme la périphérie non financiarisée des immigrants. […]
Le [cinquième type] présentait des caractéristiques typiques des zones suburbaines : faibles pourcentages de ménages locataires, faibles pourcentages de ménages vivant dans des immeubles de grande hauteur, faibles niveaux de mobilité résidentielle et grandes distances par rapport au centre-ville. Le loyer médian, le loyer demandé et la valeur moyenne des propriétés dans le [cinquième type] étaient inférieurs à la moyenne de la ville, mais les ménages avaient des revenus médians supérieurs à la moyenne montréalaise. La présence de relativement peu de locataires, la faible mobilité résidentielle et la faible densité de construction présentaient une géographie difficile dans laquelle les propriétaires financiarisés pouvaient investir. Cela peut expliquer pourquoi ce groupe de banlieues non financiarisées avait un pourcentage si faible de propriété locative financiarisée (6,6 %). […]
La différence entre ces deux zones géographiques pourrait refléter des modèles d'utilisation du sol différents (Montréal compte une quantité beaucoup plus élevée de logements multifamiliaux occupés par des locataires que la plupart des villes américaines) ou des réponses politiques différentes à la suite de la crise financière mondiale. Cela pourrait aussi indiquer que la financiarisation de la location des maisons unifamiliales n'est tout simplement pas encore arrivée à Montréal. […] Cette constatation contraste notamment avec les études américaines sur la financiarisation du logement qui ont constaté une tendance croissante à l'acquisition massive de maisons unifamiliales par des acteurs financiarisés (Cloé St-Hilaire, Mikael Brunila & David Wachsmuth (2023) High Rises and Housing Stress, Journal of the American Planning Association, DOI :).
Reste à savoir quelle sorte de propriétaire possède les logements multifamiliaux des quartiers à forte densité de minorités visibles comme Montréal-Nord. Et il n'est pas si certain non plus que la financiarisation de la propriété unifamiliale n'ait pas commencé à pénétrer les grandes métropoles canadiennes même si c'est dans une moindre mesure à Montréal ou à Québec (Nesto, Investors Account for 20% of All Home Purchases in Canada, 5/06/23). Certes, les loyers montréalais sont beaucoup moins élevés que dans les grandes métropoles canadiennes (voir le graphique ci-bas) mais il n'en reste pas moins que « [l]e loyer médian a augmenté de 12.5% au Québec et 13.3% à Montréal de 2016 à 2021 » (FRAPRU, Dossier noir, Logement et pauvreté au Québec, 8e édition, 2023) sans compter qu'ils sont en général plus élevés qu'ailleurs au Québec sauf Gatineau qui subit l'attraction d'Ottawa. La hausse des loyers n'a jamais été si élevée au Québec en 40 ans et l'écart par le haut de cette hausse par rapport au taux d'inflation global aussi élevé en 60 ans (Andrée-Anne St-Arnaud, Midi-Info, Radio-Canada,émission du 21/11/23).
Source : Yanick Lepage,Les clés pour comprendre les hausses des loyers, Radio-Canada, 9/10/23 Julia Posca et Guillaume Hébert, Crise du logement : un marché locatif en manque d'encadrement, IRIS, 29/06/23
La financiarisation et son corollaire, la gentrification, y sont pour beaucoup afin d'expliquer cette hausse en faisant disparaître les logements bon marché : « …au Québec, de 2016 à 2021, 116 000 logements locatifs abordables ayant un loyer inférieur à 750 $ par mois, ont été perdus, dont près de 90 000 à Montréal seulement et près de 16 000 à Québec ». Cette disparition a accentué l'écart de loyer entre les nouveaux et anciens logements d'autant plus que la législation québécoise le facilite : « La SCHL note d'ailleurs dans son Rapport sur le marché locatif – Janvier 2023 que « les loyers moyens des logements construits récemment sont plus chers que dans l'ensemble du marché (écart de 57 % pour les appartements de 2 chambres dans la RMR [de Montréal] en 2022) ». […] En raison de la clause F [un logement dans un immeuble neuf n'est pas assujetti pendant cinq ans à la grille du Tribunal administratif du logement], leurs loyers augmentent généralement de façon démesurée les premières années » (Mémoire du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) présenté au ministère des Finances du Québec dans le cadre des consultations pré-budgétaires 2023-2024, Février 2023).
Cette rareté faisant monter les loyers est illustrée par la baisse du taux d'inoccupation (voir graphique). « Le Québec a le taux d'inoccupation des logements le plus bas depuis 20 ans. Ce n'est pas arrivé du jour au lendemain. Le taux d'inoccupation est de 1,7 %, alors qu'il devrait être à 3 % pour être à un point d'équilibre, presque deux fois plus, donc » (Michel C. Auger, Les déconnectés du logement, La Presse, 25/06/23). Le ralentissement de la construction de logements locatifs dû à l'exigence de rentabilité de la financiarisation et la disparition de logements populaires due à son corollaire, la gentrification, n'ont pas été les seuls facteurs expliquant la hausse des loyers. Y a aussi contribué la baisse de l'accès à la propriété (voir graphique ci-bas) due à la croissance des prix de construction résidentielle soit, de 2017 à 2022, des deux tiers dans l'ensemble des régions métropolitaines du Canada — 50% à Montréal — (Statistique Canada, Indices des prix de la construction de bâtiments, selon le type d'immeuble). Y ont contribué la hausse du prix du bois de construction depuis la pandémie (Trading Economics, Lumber) sans oublier la spéculation foncière (Zacharie Goudreault,La spéculation immobilière fait gonfler la facture du réaménagement de Griffintown, Métro, 1/05/19) qui n'affecte pas seulement les terrains industriels dont le prix « a doublé entre 2020 et 2022 sur la Rive-Sud de Montréal » (Thomas Gerbet,Northvolt : voici les coulisses de l'achat record du terrain avec votre argent, Radio-Canada, 29/11/23).

Julia Posca et Guillaume Hébert,Crise du logement : un marché locatif en manque d'encadrement, IRIS, 29/06/23 --- Rebekah Young, L'abordabilité des logements au Canada mise à mal, Banque Scotia, 18/01/23
L'écart béant entre capacité de payer et loyer n'a pas encore gagné le Québec versus le Canada
« Plus d'un ménage canadien sur cinq (soit 3,1 millions de ménages sur 14,9 millions) a franchi ce seuil [frais de logement représentent 30 % ou plus des revenus avant impôts des ménages] dans le recensement de 2021. Pour les locataires, il s'agit d'un ménage sur trois (soit 1,6 million de ménages). En outre, ce chiffre tient déjà compte de l'aide au logement subventionné que touchaient alors 12 % des ménages locataires » (Rebekah Young, L'abordabilité des logements au Canada mise à mal, Banque Scotia, 18/01/23). Pour le Canada, une étude du Canadian Centre for Policy Alternatives (CCPA) basée sur le recensement de 2021 démontre l'écart parfois considérable entre le salaire minimum et le salaire horaire nécessaire pour payer le loyer moyen du marché. Font exception les trois moins importantes régions métropolitaines du Québec contrairement à Gatineau. C'est moins pire pour Montréal et Québec tout comme pour les grandes villes des provinces de l'Est sauf Halifax (voir graphiques ci-bas).

Facteur aggravant, le recensement de 2021, en pleine pandémie, incluait les relatives généreuses subventions au revenu. « …tout indique que la situation des ménages locataires à faible et modeste revenus n'a fait que se détériorer, à la suite de l'arrêt des transferts gouvernementaux liés à la COVID-19. […] tous les indicateurs démontrent une augmentation du taux de pauvreté au Québec depuis 2021, notamment en raison d'une forte poussée inflationniste et de l'insuffisance des prestations sociales de derniers recours. »
Les causes de la hausse des loyers n'ont rien à voir avec l'immigration, au pire un déclencheur
De commenter les auteurs de l'étude sur les causes : « les politiques de suppression des salaires, telles que le recours à des travailleurs étrangers temporaires comme moyen de pourvoir les postes vacants au lieu d'augmenter les salaires pour attirer les travailleurs nationaux ; une faible offre de logements à loyer contrôlé ; et une mauvaise réglementation du marché du logement qui donne la priorité à ‘'la réalisation de profits plutôt que la sécurité du logement''. Macdonald affirme que la situation empire rapidement en raison de la hausse des taux d'intérêt et du coût élevé de la construction, tandis que Tranjan a souligné la législation provinciale qui exacerbe les conditions du marché, notamment la décision de l'Ontario d'éliminer le contrôle des loyers pour les nouveaux logements et la tentative du Québec de mettre fin aux transferts de baux. » (Vanessa Balintec, Minimum wage couldn't land you a 1-bedroom unit years ago. Now, it's even worse. Here's why, CBC News, 18/07/23).
L'ensemble des causes évoquées par les auteurs de l'étude du CCPA est d'autant plus à signaler que dernièrement la seule cause explicative des hausses de loyer retenue par les analystes patentés est la hausse de l'immigration (Gérald Fillion, Analyse : La hausse de l'immigration alimente-t-elle la hausse des loyers ?, Radio-Canada, 23/11/23). Celle-ci est bien réelle (Oxford Economics, Housing spotlight : Surging newcomers initially boost rental demand, octobre 2023) mais elle concerne en grande partie les travailleurs temporaires pourtant (mal) logés par leur employeur attitré. Qu'importe, l'analyste de Radio-Canada, à contrario de son article, mentionne l'insuffisance du soutien au logement toutes catégories de la récente annonce de l'énoncé économique d'Ottawa. De son côté, l'analyse d'Oxford Economics souligne à double trait que pour le Canada « [a]u deuxième trimestre 2023, l'investissement résidentiel s'était contracté pendant cinq trimestres consécutifs [et prévoit un] ralentissement jusqu'à la mi-2024 [ce qui] entraînera une baisse globale de 25 % par rapport au par rapport au pic du 1er trimestre 2022. » La cause immédiate est peut-être l'immigration — dangereuse explication structurelle qui a servi à catapulter l'extrême-droite néerlandaise (Alex De Jong, Far-right electoral victory in the Netherlands, ESSF, 24/11/23) — mais celle structurelle est une question d'offre déficiente. La déficience du secteur privé s'explique tout simplement par l'absence de demande solvable telle que démontrée par l'analyse du CCPA. Selon l'ancien leader du FRAPRU, François Saillant, cette déficience est plus profonde, plus politique.
« Le prix moyen des logements à louer à Montréal est frappé par une hausse de 10% par rapport à octobre 2022. C'est clair que le marché, la crise comme elle est là, fait l'affaire des grands investisseurs, des fonds d'investissement immobiliers et à mon avis, c'est ce qui explique qu'à l'heure actuelle, on ne construit pas plus de logements, comme la logique le voudrait. […] À chaque fois qu'il y a des crises, il se construit très peu de logement. Au début des années 2000 il y avait une grande rareté dans le logement locatif. À ce moment-là il se construisait principalement des condos. Puis c'est juste dans les années 2010 que la construction de logements locatifs a repris. […] Une des particularités de la crise actuelle, si on la compare aux début des années 2000, c'est qu'aucun centre urbain n'est épargné. » (L'Étoile du Nord, Les promoteurs immobiliers renforcent la pénurie en baissant les mises en chantier, 13/11/23).
Ottawa saborde la construction de logements sociaux malgré une favorable situation budgétaire
Qu'en est-il du côté gouvernemental ? On remarque que l'évolution du marché du logement résidentiel se combine avec celle des politiques gouvernementales du logement qui vont à l'encontre de la première. Plus devient inaccessible le logement populaire produit par le marché, moins il se construit de logements sociaux. Tout a basculé il y a trente ans sous le gouvernement Conservateur : « Selon Cathy Crowe, une infirmière de rue de longue date travaillant auprès des populations sans logement, l'un des principaux facteurs de la pénurie de logements était un programme que le gouvernement fédéral a annulé en 1993. Le Canada avait jusqu'alors financé 20 000 nouveaux logements sociaux chaque année - mais depuis le programme a été supprimé, Crowe affirme que le pays a connu depuis 30 ans un déficit de nouveaux logements abordables, ce qui a entraîné des listes d'attente chroniquement longues pour accéder à un logement. Elle a été témoin des conséquences de cette crise. Chaque mois, elle voit entre 10 et 16 noms ajoutés au mémorial de Toronto pour les personnes décédées alors qu'elles vivaient sans logement. » (Emily Fagan, Homelessness in Canada has reached a humanitarian crisis level, experts warn, Ricochet, 28/08/23).
Cet abandon par les Conservateurs de la construction de logements sociaux n'a pas été corrigée par les Libéraux fédéraux. « ‘'Le gouvernement Trudeau semble oublier qu'il a mis sur pied une Stratégie nationale sur le logement qu'il présente lui-même comme un plan de plus de 82 milliards $ en dix ans, mais qui rate complètement la cible'', s'exclame Véronique Laflamme […] « c'est l'orientation même de la Stratégie qu'il faut revoir, puisqu'elle vise uniquement à construire de plus en plus de logements, sans se soucier de leur accessibilité financière pour les personnes et les familles qui sont les principales victimes de la crise ». […] ‘'…même les logements que la société d'état qualifie d'abordables sont beaucoup trop chers pour les ménages à faible et même modeste revenus'' […] seule l'Initiative pour la construction rapide de logements (ICRL), financée à trois reprises par le gouvernement fédéral pour un total de 4 milliards $, échappe aux critiques, puisqu'elle est dédiée à la réalisation de projets sans but lucratif pour les Autochtones, les personnes en situation d'itinérance et autres populations vulnérables. Or, le dernier budget fédéral ne contenait aucun nouvel investissement en sa faveur. […] …l'ensemble des sommes de la stratégie doivent être dirigées vers le secteur hors-marché » (FRAPRU, Retraite du cabinet fédéral : Ce n'est pas un Sommet qui va régler la crise du logement, 23/08/23).
Quand on se rend compte « que les loyers [abordables] sont fixés en fonction du marché environnant et ce, pour une période de temps limitée […], le logement abordable peut être le fait du secteur sans but lucratif, mais aussi de promoteurs privés à but lucratif ». L'allocation budgétaire fédérale au logement démontre sa basse priorité : « …le budget de la SCHL ne représente que 1,3 % de l'ensemble des dépenses publiques du gouvernement. En comparaison, celui du ministère de la Défense nationale du Canada y compte pour 6,5 % » (FRAPRU, Stratégie nationale sur le logement - Le grand négligé : le logement social, Printemps 2022). « C'est bien la pénurie de logements sociaux, ainsi qu'un manque d'encadrement du marché locatif privé qui sont les principaux responsables de l'effritement du parc locatif répondant à la capacité de payer des locataires. […] la part du logement social au sein du parc locatif québécois a diminué pour la première fois de son histoire entre les deux derniers recensements, passant de 11,2% à 10,1%. »
Le dernier énoncé économique du gouvernement fédéral « trop peu, trop tard » gardait le cap sur la même politique malgré une situation budgétaire des plus favorable vis-à-vis les autres pays du G-20 (voir graphiques ci-bas). « [L]e Conseil national du logement, constatait en avril dernier que cette politique [Stratégie nationale sur le logement] avait largement échoué. Il rapportait alors que le gouvernement n'a construit que 115 000 logements dans le cadre de cette stratégie entre 2017 et 2022 alors que le Canada a perdu 500 000 logements abordables entre 2011- 2021. L'approche libérale n'a jamais été suffisamment ambitieuse dans ce domaine (comme dans plusieurs autres, dont l'environnement, où le gouvernement avait pourtant été auréolé comme un visionnaire) et, comme au Québec, elle s'est essentiellement bornée à stimuler de l'investissement privé » (Guillaume Hébert, Mise à jour économique : pour l'instant, Freeland ne cède pas face à la démagogie, IRIS, 22/11/23).

Source : Testimony to House of Commons Finance Committee Pre-Budget Hearings, Center for Future Work, 20 octobre 2023 tiré de Guillaume Hébert cite plus haut
Ottawa et Québec substituent le soi-disant logis « abordable » soumis au marché à celui social
« À la suite d'ententes signées avec Ottawa, ce sont les provinces et les territoires qui ont pu décider de l'utilisation des sommes fédérales. […] Dans le cas du Québec, comme tous les logements sociaux qui y étaient réalisés jusque-là impliquaient des fonds fédéraux, leur développement est carrément tombé à zéro. […] Il a fallu les efforts combinés d'organismes communautaires et de grandes municipalités pour que le gouvernement québécois se laisse convaincre d'annoncer, en mars 1997, le financement de son propre programme [de logement social] baptisé AccèsLogis […] qui a jusqu'ici permis la livraison de près de 37 000 unités » en 25 ans soit un dérisoire 1500 logis par année en moyenne. « La réalisation de logements sociaux n'est cependant jamais revenue à la hauteur qu'elle avait à la fin des années 1980, avant qu'Ottawa ne commence à charcuter les budgets qui y étaient consacrés avant de s'en retirer unilatéralement […]
Or, depuis le milieu de la décennie 2010, le programme a souffert d'un sous-financement chronique qui l'a empêché de s'adapter à l'explosion des coûts dans le domaine de l'immobilier. Alors que 2800 nouveaux logements sociaux avaient pu ouvrir leurs portes en 2013-2014 en vertu de ce programme, ce nombre a diminué continuellement pour se situer autour de 660 en 2020-2021... (FRAPRU, Crises du logement et droits humains au Québec, décembre 2022). « [O[n ne peut que noter que, depuis son élection en 2018, le gouvernement Legault n'a financé que 4700 des 14 000 logements sociaux promis au Québec. […] La ministre responsable de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, quant à elle, a déposé en fin de session un projet de loi très favorable aux propriétaires et qui ne tient pas compte des principales demandes des locataires, comme un registre des loyers. Devant le tollé, elle a soutenu que les locataires qui veulent pouvoir céder leur bail « n'ont qu'à investir en immobilier ». (Michel C. Auger, Les déconnectés du logement, La Presse, 25/06/23)
Ce sous-financement a servi d'excuse pour saborder AccèsLogis au profit d'un nouveau programme dont le nom en dit long : Programme d'habitation abordable du Québec (PHAQ). Est-ce que le remplacement du « social » par « abordabilité », d'autant plus qu'on mélange les deux, a été un gage de succès ? « Ce mois-ci [septembre 2023], ça fait un an que le PHAQ est officiellement en fonction. Combien des 41 projets financés il y a un an sont en chantier ? Trente ? Moins. Vingt ? Moins. Dix ? Moins. Un projet. Vous avez bien lu : un seul projet sur 41. […] Le problème, c'est l'attitude générale du gouvernement Legault, en particulier sa préférence pour le secteur privé. […] La subvention du privé a été rehaussée pour rejoindre celle des organismes sans but lucratif et coops d'habitation. […] Même si le programme a été conçu pour attirer le privé, celui-ci n'a pas l'air très intéressé : seulement 5 des 41 projets choisis en septembre 2022 provenaient du privé. Ce n'est pas étonnant. Il n'y a pas d'argent à faire à gérer des logements sociaux. […] Le principal problème : les montages financiers sont compliqués parce que Québec ne paie pas une portion assez importante du coût de construction d'un logement social. La subvention provinciale ne couvre que de 30 à 38 % des coûts réels de construction, alors que ça devait être 45 % dans le PHAQ et que l'objectif d'AccèsLogis au départ était de 50 % » (Vincent Brousseau-Pouliot, Un seul projet sur 41 en chantier, La Presse, 20/09/23).
Les municipalités davantage sollicitées n'en ont pas les moyens (Charles Lecavalier, La fin d'AccèsLogis critiquée par les villes et l'opposition, La Presse, 27/02/23) d'autant plus que la CAQ leur refile en grande partie les déficits du transport en commun et ne leur donne pas assez de sous pour la prise en mains des conséquences des extrêmes climatiques et de l'exacerbation des problèmes sociaux. Et quand elle s'y essaient, comme la Ville de Montréal l'a fait, l'efficacité n'est pas au rendez-vous tellement elles sont prises en souricière entre besoins sociaux criants et leur dépendance envers les promoteurs immobiliers source principale de leurs revenus budgétaires (André Dubuc, Le milieu des affaires tire à boulets rouges sur le règlement montréalais, La Presse, 10/11/23). Encadré par le désengagement gouvernemental et la course à obstacle qu'est le PAHQ, l'engagement de la construction de 8 000 logements abordables-sociaux sur 5 ans de la récente mise à jour économique du Québec, à moitié financés par Ottawa, ne feront pas long feu d'autant plus qu'ils sont nettement insuffisants « alors que près de 40 000 ménages sont sur une liste d'attente » des HLM (FRAPRU, Annonces sur le logement dans la Mise à jour économique : « Ça ne sera pas suffisant », estime le FRAPRU, 7/11/23). Quant à la sous-traitance au Fonds de solidarité FTQ et à Desjardins, elle n'est qu'un pis-aller.
Pour le contrôle des loyers du marché, le logement social doit damer le pion au logement privé
La politique du logement est devenue une politique de soutien à l'entreprise privée pour en définitive soutenir la financiarisation du marché du logement : « Pourtant les gouvernements diminuent leurs investissements dans la réalisation de nouveaux ensembles publics, coopératifs et sans but lucratif. Pire, ils détournent les sommes et les programmes jusque-là dédiés au logement social, pour les réorienter vers le marché privé, dans le but de construire un grand nombre de logements. Ils font le pari que les ménages qui prendront possession de ces logements neufs (et chers) en libéreront des moins chers, qui pourront être repris par des ménages moins fortunés. Or, cette stratégie est vouée à l'échec. Lors d'une crise du logement aussi profonde, les loyers des logements libérés ne restent pas "abordables" ; ils sont au contraire fortement rehaussés lors de la remise en location » (FRAPRU, Dossier noir, Logement et pauvreté au Québec, 8e édition, 2023).
Si l'on se fie à l'expérience suédoise d'avant l'ère néolibérale, il faudrait que 40% du stock de logements totaux, locatifs et en propriété, soit de caractère public ou coopératif pour que leurs loyers encadrent et soumettent, de par leur influence sur le marché, les loyers du secteur privé (Turner, Bengt ; Magnuson, Lena. Chapitre VIII. Suède, la fin d'un modèle ? In : Le logement social en Europe au début du xxie siècle : La révision générale, Presses universitaires de Rennes, 2010, spécialement le tableau 1 pour 1991). Étant donné la faible part du stock de logements sociaux au Québec, soit environ 10% des logements locatifs, il faudrait au grand minimum que la moitié des logements totaux construits au Québec chaque année soient de caractère social c'est-à-dire hors marché privé, soit au moins 25 000 par année et non pas les 5 000 l'an préconisé par Québec solidaire. À terme, le droit au logement l'emporterait sur le marché du logement où règne de plus en plus sa financiarisation tous azimuts. Si le logement est un droit et non une marchandise, on se demande d'ailleurs pourquoi l'ensemble des logements existants ne devraient-il pas être socialisés à commencer par ceux en location.
Le FRAPRU, le RCLALQ et les Solidaires abandonnent le logement populaire au marché financiarisé
Le FRAPRU émet une série de demandes très partielles pour corriger la situation :
• Toutes les sommes prévues pour les différents fonds et initiatives de la Stratégie doivent être utilisées pour du logement social.
• Les transferts aux provinces et aux territoires en matière d'habitation doivent être augmentés de manière à leur donner davantage de moyens pour réaliser un plus grand nombre de nouveaux logements sociaux, ainsi que pour rénover et réhabiliter tous ceux qui ont été réalisés par le passé.
• L'Initiative pour la création rapide de logements doit être récurrente et le gouvernement doit y ajouter du supplément au loyer quand c'est nécessaire.
• Le gouvernement fédéral doit financer l'acquisition d'immeubles à logements existants pour qu'ils soient socialisés, notamment dans le but de freiner l'effritement du parc de logements encore accessibles financièrement et lutter contre la marchandisation et la financiarisation.
• Ottawa doit allouer ses terrains fédéraux excédentaires à des projets de logement social.
• Toutes ces actions et d'autres qui pourraient être posées devraient contribuer à la socialisation d'une plus grande part du parc de logements locatifs au Québec et au Canada.
(FRAPRU, Crises du logement et droits humains au Québec, décembre 2022)Q
Ces revendications qu'on ne peut qu'appuyer n'ont pas cependant l'aspect percutant, précis et concret de la revendication phare du FRAPRU de l'ajout de 10 000 logements sociaux par année, perdue dans la brume du désespoir et de l'impuissance semble-t-il, que pourtant commande la crise actuelle s'installant à demeure. On retrouve cette revendication dans la plateforme électorale 2022 de Québec solidaire : « Québec solidaire s'engage à entamer un grand chantier de construction de 50 000 logements sociaux écoénergétiques en privilégiant la mixité sociale pour toutes les catégories de population et veillera à améliorer l'accès à un logement décent aux personnes autochtones vivant en milieu urbain ou en communauté. » S'y ajoute un engagement de « contrôle obligatoire des coûts de location appuyé sur un registre des loyers » pour atténuer l'information asymétrique entre propriétaires et locataires, ce qui cependant ne résout pas le pouvoir des propriétaires sur les locataires.
On remarque que les Solidaires combinent lutte sociale et lutte climatique en préconisant la construction de logements sociaux à consommation d'énergie quasi ou carrément nulle. C'est en ce moment tendanciellement possible même pour des maisons individuelles (Hélène Schaff, Consommation d'électricité : la sobriété énergétique, ça coûte vraiment cher, Journal de Montréal) d'autant plus pour du logement collectif. Récupérer ce gisement de « négawatts » coûterait beaucoup moins cher à nos gouvernements que les subventions gargantuesques pour la filière batterie et les investissements tout aussi gargantuesques en mégawatts qui en découlent. On ne peut cependant dire que cette revendication clef ait été exagérément soulignée par le parti tant au cours de la campagne électorale que depuis lors malgré une profusion de communiqués de presse sur la question du logement. On doit aussi déplorer un recul de la campagne électorale 2018 à celle de 2022 où il faudrait deux mandats et non un seul pour construire ces 50 000 logements sans compter que le parti s'est mis à mêler logements sociaux et logements abordables. Quant à la restauration écoénergétique des bâtiments existants, la plateforme du parti baigne dans le flou artistique sans plan et sans échéance.
La revendication de la socialisation du logement mêlant nouvelles constructions et expropriation du stock existant afin que le logement social en vienne à dominer le marché se doit d'être portée par le parti se revendiquant celui du prolétariat et du peuple-travailleur. Tout en y militant pour le construire, c'est là une bataille idéologique à mener par la gauche anticapitaliste et radicale tout comme en parallèle au sein des organisations luttant pour le droit au logement, lesquelles foisonnent au Québec, à commencer par les fédérations nationales que sont le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ). C'est d'ailleurs le seul moyen de rendre chaque logement écoénergétique car un logement loué où les frais de chauffage sont la charge du locataire devient un barrage infranchissable pour accomplir cette tâche à moins d'imaginer une coercition des propriétaires-locateurs ce qui est antinomique à un gouvernement défendant la propriété privée.
Cependant, le rapport de forces pour gagner la socialisation, ou tout simplement la hausse substantielle de la construction et l'acquisition de logements sociaux, dépasse les organisations populaires s'en réclamant. Il va y falloir un fort mouvement gréviste, au cœur duquel on voit bien les syndicats de la construction, associé au mouvement populaire et soutenu si ce n'est guidé par le parti prolétarien qui pourrait être Québec solidaire s'il renonce à ses amours avec la petite- bourgeoisie des PME. Ce serait là une grève combinant lutte sociale et lutte climatique, seule stratégie pour vaincre le capital immobilier allongeant ses tentacules jusqu'au logement populaire. Ce rejeton du capital financier est devenu la planche de salut, soutenu à fond par l'État, du capitalisme néolibéral en crise (Pierre Dubuc, Les requins de la finance se régalent d'avance, L'Aut'Journal, 19/06/20). Faudra-t-il un mouvement gréviste allant jusqu'à la grève générale pour mettre les épaules au plancher de cet ogre du business planétaire dont les pharaoniques constructions inutiles, inaccessibles et ruineuses le disputent à la prolifération des armements alimentant des guerres impérialistes confinant à la barbarie génocidaire. Tout comme le gigantisme immobilier luxuriant des Émirats arabes unis, hôte invraisemblable de la COP28, ces guerres ukrainienne et palestinienne, grosses de troisième guerre mondiale à moins de soutenir les peuples opprimés luttant pour leur libération nationale, doivent susciter ce même grand mouvement gréviste afin d'inverser le cours des événements vers la catastrophe.
Marc Bonhomme, 2 décembre 2023
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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Code Bleu : Des soignant-e-s organisent un die-in et manifestent devant le bureau du premier ministre pour exprimer leur solidarité avec leurs collègues en Palestine

Montréal, le 30 novembre 2023 - Des dizaines de soignant-e-s organisent un die-in et des centaines manifestent devant le bureau de François Legault pour dénoncer la dévastation ciblée des établissements de santé qui a fait des centaines de victimes parmi les travailleurs-euses de la santé en Palestine. Cette action s'inscrit dans le cadre d'une journée d'action pancanadienne menée par des travailleurs-euses de la santé exigeant un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza, la fin des attaques visant le personnel et les infrastructures de santé, la fin du siège et du système d'apartheid israélien.
« Notre action Code Bleu d'aujourd'hui symbolise notre solidarité avec nos collègues de Gaza, dont des centaines ont été pris pour cible, blessé-e-s, détenu-e-s, ou tué-e-s par les forces israéliennes depuis le 7 octobre, et pour dénoncer la destruction délibérée et à grande échelle des infrastructures de santé à Gaza », a déclaré l'une des organisatrices, une infirmière communautaire qui a préféré garder l'anonymat en raison du climat intense de représailles qui vise les travailleurs de la santé.
Dans une lettre ouverte envoyée aujourd'hui au Premier ministre Trudeau, au ministre fédéral de la Santé Mark Holland et aux ministres provinciaux de la Santé, plus de 3300 travailleurs de la santé à travers tout le Canada exigent un cessez-le-feu immédiat et permanent, la fin des attaques visant le personnel et les infrastructures de santé, ainsi que la fin du siège de Gaza et du système d'apartheid israélien. L'action de Montréal met en lumière la responsabilité du Premier ministre du Québec, François Legault, dans le massacre en cours en refusant d'adopter une motion de cessez-le-feu et en maintenant les plans d'ouverture d'une délégation québécoise à Tel-Aviv alors qu'Israël commet un génocide.
« Plus de 14800 personnes ont été tuées et un blocus prive la population déjà assiégée à Gaza d'eau, de carburant, de nourriture, d'électricité, de communication, de soins de santé depuis des semaines, avec le soutien de nos gouvernements. En tant que soignant-e-s, nous avons la responsabilité morale d'agir pour mettre fin à ce génocide », a déclaré un médecin organisateur qui a préféré garder l'anonymat en raison des représailles vécues par ses collègues.
Gaza était déjà rendue « invivable » par un blocus de 16 ans et 56 ans d'occupation. Le déplacement forcé de plus de 1,7 million de personnes dans la bande de Gaza et les attaques croissantes contre les Palestinien-ne-s en Cisjordanie sont la continuation de l'occupation et de l'apartheid israélien, qui doivent cesser », a déclaré une étudiante en sciences de la santé participant à l'action.
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Blocage des voies ferrées de Montréal pour exiger un cessez-le-feu permanent à Gaza, la fin du génocide en cours et la fin de l’occupation de la Palestine.

Montréal, 1er décembre 2023 - Alors qu'Israël reprend ses attaques sur les habitant.e.s de Gaza après huits jours du "répit", des membres de la communauté montréalaise ont bloqué les voies ferrées en réponse à l'appel "Shut it down for Palestine ", réclamant que le premier ministre Justin Trudeau appelle à un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza. Cette action s'inscrit dans un mouvement de blocage des voies ferrées grandissant à travers le pays, afin d'interrompre le soutien canadien au génocide commis par Israël à Gaza et à la violence croissante contre les Palestinien.ne.s en Cisjordanie.
"Nous passons à l'action alors que le massacre recommence parce que le génocide doit cesser, a dit Sarah Aly une militante pour la décolonisation qui participe au blocus. Et pour que ça arrive, les Etats occidentaux, le Canada compris, doivent cesser de soutenir Israël et son occupation de la Palestine. Soyons clairs : Israël ne pourrait pas commettre tous ces crimes sans le soutien matériel et politique de l'Occident, y compris de notre gouvernement canadien. Il s'agit d'un nettoyage ethnique. C'est un génocide. Il doit y avoir un cessez-le-feu permanent dès maintenant !"
"L'ampleur de la dévastation est inimaginable. Plus de 15 000 personnes ont été tuées par les bombardements israéliens sur Gaza, dont plus de 6 000 enfants et 249 professionnel.le.s de la santé. Près de 1,6 million de personnes, dont la plupart sont des réfugié.e.s, ont été déplacées de force. Des quartiers et des villages, des hôpitaux, des ambulances, des camps de réfugiés et des écoles ont été complètement détruits, tandis qu'un siège a privé la population de Gaza d'eau, de carburant, de nourriture, d'électricité, de communication et de soins de santé. En même temps, les attaques se sont multipliées contre les Palestinien.ne.s de Cisjordanie, faisant au moins 240 morts et plus de 2 700 blessés, des violences qui se sont poursuivies malgré la trêve temporaire", a déclaré Aly.
"La complicité du Canada dans ces crimes s'incarne à travers l'augmentation des exportations militaires, le soutien militaire direct, le soutien politique et diplomatique continu, ainsi que l'opposition constante aux tentatives de poursuivre Israël pour crimes contre l'Humanité et pratique de l'apartheid devant la Cour Pénale Internationale", a ajouté Anas Hamid, un artiste également présent lors du blocus.
Hamid a participé à la création d'une installation artistique pendant le blocus représentant des villages détruits en Palestine.
"Les villages détruits en Palestine rappellent la première Nakba autant que la destruction actuelle de Gaza. Avec cette œuvre, nous voulons souligner le fait que le Canada et Israël sont tous deux des États colonisateurs. Le chemin de fer a joué un rôle clé dans la colonisation des terres autochtones ici. L'image des trains canadiens roulant sur les ruines des villages palestiniens symbolise de manière frappante le lien entre le colonialisme canadien et le colonialisme israélien. Les "valeurs communes" souvent mises de l'avant comme étant au cœur de l'alliance du Canada avec Israël incluent la volonté de maintenir les populations colonisées dans un état de peur et d'asservissement", a poursuivi M. Anas.
"Comme le dit l'un de nos slogans, du Canada à la Palestine, l'occupation est un crime !"
"Nous voulons particulièrement attirer l'attention sur les liens entre le CN et la société israélienne Zim Integrated Shipping Services, qui constituent un important canal de transport de marchandises entre les deux pays, avec des ports d'escale dans des villes canadiennes sur les côtes Est et Ouest, et dont les conteneurs sont envoyés par chemin de fer pour atteindre les marchés à travers le Canada."
"Notre action d'aujourd'hui fait écho aux blocages de 2020, lorsque des groupes autochtones et des sympathisant.e.s à travers le pays ont bloqué les rails pour protester contre les pipelines coloniaux", a déclaré Eitan Berg, un autre militant pour la décolonisation participant à l'événement.
"Nous sommes à nouveau ici pour stopper le colonialisme dans son élan. Tout
comme nous nous opposons au colonialisme en cours ici au Canada, nous nous
opposons à l'occupation coloniale qui a lieu en Palestine. Par le blocus et les perturbations économiques, nous interrompons aujourd'hui notre complicité dans la dépossession et l'assassinat des Palestinien.ne.s".
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Immigration : Les gens d’affaires avant le regroupement familial

Les exemples de l'approche utilitariste du gouvernement en matière d'immigration abondent. Cependant, la cerise sur le sundae se trouve dans la politique de planification de l'immigration pour 2024, annoncée le 1er novembre dernier. On y voit peut-être l'ultime pied de nez aux personnes immigrantes qui, aux yeux du gouvernement, ne sont pas « utiles » pour le Québec, c'est-à-dire celles de la catégorie du regroupement familial.
28 novembre 2023 | tiré de l'Aut'journal
https://lautjournal.info/20231128/immigration-les-gens-daffaires-avant-le-regroupement-familial
Dès la campagne électorale de 2018, le premier ministre mettait un accent particulier sur cette catégorie, répétant à plusieurs reprises qu'il fallait absolument que le Québec « rapatrie » l'ensemble des pouvoirs la concernant. Il n'était pas très clair sur les motifs. Il semblerait, à l'entendre, que cette catégorie était particulièrement néfaste pour l'avenir du français au Québec. Il s'agit d'un argument peu convaincant puisque cette catégorie ne représente qu'à peine 24 % de l'immigration permanente et que la moitié des personnes admises déclarent pouvoir communiquer en français lors de leur admission. De plus, la moitié sont des enfants de moins de 14 ans et seront donc inscrits dans les écoles françaises du Québec.
L'argent plutôt que les familles
Cinq ans plus tard, la planification annoncée par le gouvernement privilégie clairement l'argent au regroupement des familles québécoises. Car n'oublions pas que les personnes qui parrainent les conjointes ou conjoints et leurs enfants à l'étranger sont les Québécoises et Québécois « de souche » ou qui ont obtenu un statut permanent grâce à la sélection québécoise.
Le plan d'immigration pour l'année 2024 prévoit une croissance continue de la catégorie économique, tout en maintenant stable le seuil pour la catégorie familiale. De plus, il annonce l'admission de 6 600 personnes de la sous-catégorie « gens d'affaires » au-delà du seuil régulier de 50 000 admissions et des quelques 6 500 admissions additionnelles prévues dans le cadre du Programme d'expérience Québec-diplômés maintenant réservé à des jeunes diplômés ayant fait des études en français.
Il est légitime que le gouvernement sélectionne plus de personnes dans la catégorie économique. Mais la sélection économique génère les demandes de regroupement familial. Plusieurs témoignages ont souligné ce fait incontestable, lors des consultations devant la Commission parlementaire sur la planification de l'immigration.
Les demandes de résidence permanente dans la catégorie « regroupement familial » – dont les dossiers sont approuvés par le fédéral, les ententes de personne garante signées avec le Québec et les Certificats de sélection du Québec délivrés – s'accumulent à Ottawa parce que le gouvernement du Québec n'en reconnait pas la pertinence économique et refuse d'augmenter les seuils de cette catégorie.
Le résultat est aussi évident qu'inévitable. En date du 20 novembre 2023, le délai de traitement d'une demande de résidence permanente du Québec pour le parrainage d'un conjoint ou d'une conjointe déjà au Québec avec un statut temporaire était de 25 mois. Le délai pour la même demande émanant d'une autre province était de 10 mois. Lorsque le partenaire parrainé était toujours à l'étranger, l'attente au Québec était de 33 mois ; dans le reste du Canada, 13 mois. Pire encore pour le parrainage d'un parent ou un grand-parent ; au Québec, le délai à prévoir était de 47 mois, mais dans le reste du Canada, 22 mois.
Cette situation est inhumaine et inexplicable. Une des orientations du gouvernement pour les deux prochaines années est « de favoriser l'intégration sur le marché du travail des personnes issues de toutes les catégories d'immigration ». Le gouvernement sait très bien que la plupart des conjointes et conjoints ont l'intention de travailler dès leur arrivée. De plus, des modifications réglementaires annoncées au mois de mai feront en sorte que la personne garante s'engage à soutenir l'apprentissage du français de la personne parrainée.
Les gens d'affaires
La démarche gouvernementale est tout autre pour la sous-catégorie « gens d'affaires ». Dans ce cas, on sait qu'il y avait 15 400 de ces riches investisseurs et membres de leurs familles sélectionnées par le Québec en attente de leur résidence permanente à la fin de 2022.
Contrairement à la stabilisation des seuils pour la catégorie familiale, le gouvernement n'a pas cessé d'augmenter les seuils des admissions pour la sous-catégorie des gens d'affaires dans un effort pour réduire les dossiers en attente de demandes de résidence permanente des investisseurs.
En 2020 et 2021, le nombre d'admissions dans cette sous-catégorie n'avait pas atteint le seuil prévu. Pourquoi ? Parce que la vaste majorité des immigrants investisseurs sont originaires de la Chine et que la politique très restrictive de confinement de la Chine liée à la pandémie a empêché les personnes de quitter le pays.
Le Québec fait cependant rapidement du rattrapage. En 2022, les admissions additionnelles prévues en « rééquilibrage » postpandémie ont permis au gouvernement de dépasser le seuil prévu dans cette sous-catégorie – 5 196 admissions d'investisseurs avec un seuil établi à 4 300. En 2023, le rattrapage continue avec 5 035 immigrants investisseurs déjà admis à la fin septembre, même si le seuil a été maintenu à 4 300. Maintenant, dans le Plan d'immigration pour 2024, on voit un seuil établi entre 6 600 et 7 900 admissions de gens d'affaires, si on additionne les cibles « régulières » et celles « hors des cibles régulières ».
Rappelons quelques faits concernant les personnes admises dans la sous-catégorie « investisseurs ». Au cours de la décennie 2012 et 2021, seulement 16 % étaient toujours au Québec en janvier 2023. Originaires presque exclusivement de la Chine, celles qui attendent leur résidence permanente sont très peu nombreuses à déclarer pouvoir communiquer en français.
Le programme est suspendu depuis novembre 2019, mais renaîtra de ses cendres en janvier 2024 avec quelques nouvelles conditions, notamment un séjour d'un an au Québec avant de présenter une demande et une connaissance du français de niveau 7. Il faudra chercher ailleurs qu'en Chine pour en trouver.
Même avec ces nouvelles conditions, le programme demeure un mécanisme qui permet à des ultra-riches d'acheter la résidence permanente et donc la citoyenneté canadienne. L'émission Enquête de Radio-Canada a diffusé en septembre 2018 un reportage en profondeur peu flatteur du programme. Il présente des consultants qui expliquaient à des demandeurs, avec des fortunes parfois de source louche et sans une résidence au Québec, comment contourner les conditions d'admissibilité. Il note en même temps que « le programme est une manne pour les courtiers et les institutions financières, comme Desjardins et la Banque Nationale ». Le ministre d'alors, David Heurtel, a reconnu le problème de rétention, mais est cité pour avoir déclaré : « Même si l'immigrant investisseur va ailleurs au Canada, l'argent reste. »
Les valeurs québécoises
Récapitulons. Avec sa planification utilitariste de l'immigration, ce gouvernement met les bouchées doubles pour baisser les demandes en attente dans un programme qui attire l'argent des personnes de l'étranger, plutôt que les personnes elles-mêmes. En même temps, on ne voit pas la même préoccupation pour les demandes en attente qui permettront le regroupement des familles québécoises. Il est à se demander s'il trouve qu'il faudra trop investir dans tous ces enfants de l'étranger avant qu'ils ne deviennent rentables pour le Québec.
Le premier ministre a souvent laissé entendre que l'immigration pourrait avoir un effet néfaste sur les valeurs québécoises, comme stipulé dans notre Charte des droits et libertés de la personne. N'oublions pas que cette même Charte considère que « tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi ».
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Il faut mettre fin à la crise du logement

Dans notre société le logement est considéré comme un objet d'affaires et de commerce lucratifs alors que c'est un droit fondamental reconnu par l'ONU. L'article 25 de la Déclaration des droits de l'Homme précise que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité́ en cas de chômage, de maladie, d'invalidité́, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté́. »
La Ligue des droits et libertés rappelle que le droit au logement est consacré dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) auquel le Québec a adhéré. Nous pouvons donc affirmer que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, à l'article 45, consacre implicitement le droit au logement : « Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent ». 1
Or, il est évident que le droit au logement ainsi que l'ensemble des droits mentionnés à l'article 25 de la Déclaration de l'ONU et dans la Charte des droits et libertés du Québec sont très faiblement respectés lorsque nous constatons à quel point sont nombreuses les personnes privées d'un revenu adéquat pour accéder à un niveau de vie suffisant.
Pour sortir de la crise du logement il faut voir que cette crise est intimement liée aux inégalités sociales et économiques créées par le régime capitaliste et ses alliés politiques. Il importe donc que le logement cesse d'être considéré comme un objet de consommation, une source de profits pour des promoteurs peu soucieux de répondre aux besoins des personnes.
Le collectif La ville que nous voulons appuie les revendications de nombreux groupes et organisations qui visent à assurer de véritables dispositions pour protéger les droits des locataires, des gens à faible revenu, des personnes itinérantes. Le 27 novembre dernier le Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur (CCCQSS), le Comité logement d'aide de Québec Ouest (CLAQO), le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste et le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) réunis devant les bureaux du Conseil du trésor à Québec ont rappeler l'appauvrissement de dizaines de milliers de locataires de Québec. 2
Nous appuyons aussi le Collectif de Québec contre le projet de loi 31 du gouvernement du Québec qui attaque les droits des locataires en abolissant, à toute fin pratique, le droit de cession de bail. La ministre responsable de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, a rejeté les revendications du Collectif opposé à ce projet de loi qui donnera des pouvoirs aux propriétaires qui en profiteront pour augmenter les loyers. La ministre, ex-spéculatrice immobilière a donc décidé de maintenir les dispositions de l'article 7 de son projet de loi, qui permet à un propriétaire de refuser une cession de bail sans « motif sérieux » 3
Quelques conditions essentielles pour sortir de la crise du logement
Les gouvernements doivent prévoir, à court terme, des investissements publics suffisants pour que soient construits des logements accessibles financièrement. Il faut un soutien financier pour la construction de logements sociaux ainsi que pour augmenter le nombre de coopératives de logement permettant aux membres de participer à la gestion de leur lieu de résidence.
La ville que nous voulons exige que soient interdite toute fermeture de maisons de chambre qui sont susceptible d'affecter gravement les personnes à risque d'itinérance qui se retrouveront sans ressources pour se loger. De plus, nous considérons que tout aménagement et projet de développement doit faire l'objet d'une acceptation par les citoyennes et citoyens des quartiers ou secteurs concernés ; ils doivent recevoir toutes les informations nécessaires pour exercer leur droit de décider.
Serge Roy
Pour le collectif La ville que nous voulons
Québec, 4 décembre 2023
Notes
1.PL31 – Un coup bas pour le droit au logement, Ligue des droits et libertés - https://liguedesdroits.ca/pl-31-un-coup-bas-pour-le-droit-au-logement/
2.Le FRAPRU et ses membres de la ville de Québec se mobilisent pour revendiquer des logements sociaux – Communiqué - https://www.frapru.qc.ca/rassemblement-chantier/
3. Pivot, https://pivot.quebec/2023/11/29/pl31-et-cessions-de-bail-acte-dernier/
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Espoir et solidarité, regard sur le congrès de Québec Solidaire de 2023

Les injustices sociales pullulent. La guerre, le racisme, l'insécurité alimentaire, le manque de solidarité sociale, l'effondrement de nos services publics, la difficulté pour toutes et tous à se loger décemment, le manque d'action face à la crise climatique, les enjeux d'accessibilité aux services et ressources, l'appauvrissement de la population, la précarité, les enjeux démographiques, et j'en passe.
Le climat pré-congrès était fébrile. Les membres portaient en elles et eux une multitude de préoccupations, qui dans le contexte actuel pouvaient prendre une ampleur considérable. Au final, plus de 800 membres ont répondu présent.e lors du congrès en présentiel à Gatineau, ce qui a représenté pour plusieur.e.s temps et argent, en plus du casse-tête qui peut accompagner cette absence de la maison (Qui gardera les enfants ? Serons-nous en mesure de prendre deux jours de congé ou plus pour faire la route jusqu'au congrès ? Etc.) Malgré les quelques places encore disponibles dans la salle, l'importance de ce congrès se faisait bien sentir et l'énergie des militantes et militants était au rendez-vous.
La conférence d'ouverture à propos de la transition énergétique, à laquelle participaient Adrienne Jérôme, de la communauté anishnabe de Lac-Simon, la professeure en géographie Cynthia Morinville et Jean-Philippe Meloche, professeur à l'École d'urbanisme et d'architecture de paysage de l'Université de Montréal a permis d'entrer doucement et tranquillement dans cet enjeu épineux, notamment au travers du discours de Mme Jérôme (portant sur « les bouleversements » liés à la transition énergétique, pour reprendre les mots de cette sage dame), dont le rythme apaisant, évoquait celui des vagues caressant le sable, nous permettait une pause, un souffle avant cette fin de semaine qui s'annonçait chargée. Plusieurs autres représentant.e.s de communautés autochtones ont également été bien visibles lors du congrès, que ce soit lors d'ateliers, de prises de parole ou de conférences. La volonté de tisser des liens et de faire de la politique “avec” et non “pour” les peuples autochtones semblent continuer à faire son chemin au sein du parti.
Le panel animé par Haroun Bouazzi permettait finalement de mettre en valeur les conclusions de sa tournée sur l'avenir énergétique du Québec et de mettre la table pour les différentes propositions qui allaient être discutées le lendemain. Notons en particulier la sensibilité des délégué.e.s du congrès face aux inégalités régionales et financières qui peuvent être créées par certaines pistes de la transition. Bien sûr on ne souhaite pas, par l'élimination de la TVQ sur l'achat et la réparation des produits usagés, encourager la croissance du parc automobile. Les délégués du congrès ont toutefois convenu que l'amendement visant à exclure les véhicules usagés de cette proposition risquait de nuire de façon démesurée aux personnes à faible revenu et à leur capacité de se déplacer. Cela n'empêche en rien Québec Solidaire de miser en priorité sur les projets de transport collectif, enjeux par ailleurs soulevé lors du débat des candidates et très bien abordé par Christine Labrie.
Le congrès a par ailleurs été un moment d'échange sur des propositions qui touchent une grande partie de la population québécoise. Pour n'en nommer que quelques-unes, les membres ont pu se pencher sur la mise en place d'un programme d'alimentation scolaire universel dans les écoles primaires et secondaires publiques du Québec, le plafonnement des marges de profits des grandes chaînes d'alimentation, ou encore de la possibilité d'augmenter le salaire minimum à 20$ de l'heure afin de pallier à l'inflation et au coût de la vie.
La ligne d'arrivée
“Mais pourquoi ne parle-t-on pas de l'élection de la co-porte-parole féminine” vous demanderez-vous. Nous y arrivons.
C'est qu'il nous faut comprendre le contexte pour comprendre le choix des membres. Il faut comprendre comment les candidates ont rejoint le cœur des militantes et militants dans leurs préoccupations locales, régionales et, pourquoi pas, mondiales.
Alors que les trois candidates ont chacune fait une brillante campagne, une d'entre elles semble avoir répondu davantage aux attentes des solidaires. Il est vrai qu'Émilise n'a remporté la victoire que par quelques voix. Bien que nous pourrions débattre du pourcentage par lequel elle l'a obtenu (ou encore de l'absence d'une partie de son électorat potentiel engendré par les obstacles à la participation pour se rendre à Gatineau), nous aborderons plutôt ce pourquoi Émilise semble être la candidate toute désignée pour ce rôle. Par où commencer ? Chacune des candidates a fait une campagne à leur image. Ruba Ghazal a su inspirer les troupes par sa combativité, son expérience politique et son désir de s'aventurer dans des thèmes comme la culture, la langue et l'identité pour aborder de front le discours souverainiste que Québec Solidaire souhaite renouveler. Christine Labrie a quant à elle fait campagne sur la réactualisation du discours politique dans Québec Solidaire. Elle a mis de l'avant son efficacité et sa compréhension des enjeux bureaucratiques, lesquels pourraient permettre d'aller chercher un électorat peut-être plus libéral. Lors du débat final des candidates le 25 novembre au matin, Christine a été fidèle à elle-même et a tenu sa ligne directrice. Elle a misé sur l'importance à ses yeux de montrer à la population que Québec Solidaire a la capacité de bien administrer le Québec. Elle a su répondre de façon claire et concise à plusieurs questions posées, ajoutant à l'occasion une petite touche d'humour. De son côté, Ruba ne semblait pas avoir toute l'étendue de sa flamme habituelle. Elle a cependant réitéré plusieurs éléments fondamentaux de sa plateforme en répondant avec un vocabulaire s'adressant à un public plus large. Elle est revenue sur l'intérêt d'un nationalisme pour toutes et tous et sur l'importance d'élargir le vote vers une population vieillissante et vers les banlieues. Enfin, les trois candidates ont discuté brièvement de leur vision pour la prochaine campagne électorale de 2026, laquelle devrait s'inspirer de la campagne à succès de 2018.
C'est toutefois l'authenticité et la fougue d'Émilise, la candidate de la « rue[ralité] » qui auront su convaincre les solidaires que sa voix saurait nous porter plus loin. Son énergie et son aplomb sur scène n'auront pas manqué de rappeler la façon dont elle a mené son combat pour la santé de la population en se levant contre la multinationale Glencore (dans le dossier de la fonderie Horne). À entendre les réactions dans la salle, ce moment aura sans doute permis de convaincre les indécis qu'il pouvait encore y avoir à ce moment.
Il est vrai que Christine et Ruba auraient peut-être été des candidates possédant une vision se ralliant un peu plus à celle de Gabriel Nadeau-Dubois. Le pragmatisme de Ruba et les forces administratives de Christine ont plu à plusieur.e.s et ces qualités auraient sans nul doute été utiles en tant que co-porte-parole féminine. Mais au final, c'est la complémentarité du duo GND - ÉLT que les membres ont semblé souhaiter pour le mandat à venir. Ce duo s'inscrit dans la poursuite de la tradition d'un balancier représentant les urnes et la rue. Le côté extra-parlementaire permet de poursuivre l'intention initiale des fondateurs de Québec Solidaires d'accorder une importance égale à ce qui se passe au parlement qu'à ce qui se passe dans les rangs militants (et moins militants).
Lors du discours de Gabriel Nadeau-Dubois dédié à sa collègue et ex co-porte-parole féminine Manon Massé, ce dernier a verbalisé que Manon était là pour l'aider à se “grounder”. C'est sa différence, son approche plus expérientielle et son empathie qui, nous croyons, ont aidé Manon à tenir ce rôle. En ce sens, Émilise possède les mêmes cartes dans sa manche et, souhaitons-le, réussira à incarner un rôle de leader empathique et de femme du peuple, digne du legs de son prédécesseur féminin.
Qui plus est, l'authenticité rayonnante d'Émilise ranime non seulement la flamme militante, mais aussi la solidarité des membres. Émilise ne fait pas que nommer qu'elle est à l'écoute, elle le démontre. Elle dévoile sa compréhension des enjeux qui affectent les individus dans leur quotidien. Elle l'exprime avec brio à l'aide d'exemples concrets qui réfèrent à des êtres humains réels avec des difficultés réelles avec lesquels elle a pris le temps de discuter. Trop souvent en politique, les réponses semblent toutes faites, planifiées pour “fitter” dans le cadre prévu, pas celles d'Émilise. En s'exprimant, elle nous communique son sentiment sincère de faire partie de ce tout rassembleur. Elle ne fait pas simplement être à l'écoute des préoccupations des gens, elle le vit elle aussi. Émilise fait partie du peuple et ça se sent. C'est probablement pour cela que lorsqu'elle parle, on a le sentiment le plus profond qu'elle fera tout en son pouvoir pour incarner les valeurs solidaires.
Laure Frappier-L. avec la délégation de Qs Rimouski.
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Haroun Bouazzi questionne le refus du gouvernement Legault de maintenir le monopole d’Hydro-Québec

Harroun Bouazzi, député de Québec solidaire (Maurice-Richard) a dénoncé le refus du gouvernement de la CAQ de soutenir une motion défendant le monopole d'Hydro-Québec sur la production d'hydro-électricité. La réponse du ministre Pierre Fitzgibbon, malgré ses prétentions, démontre son encouragement à la remise en question de ce monopole. Assemblée nationale, 30 novembre 2023.
Extrait de la vidéo de l'Assemblée nationale sur cette période de questions.
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Au Canada, manger du phoque est « bon pour l’environnement »

En berne depuis l'embargo européen de 2009, la chasse au phoque tente de revenir sur le devant de la scène au Canada grâce à une massive campagne de publicité vantant la viande et la fourrure du mammifère marin.
Tiré de Reporterre.
« La viande de phoque, je la considère comme le superaliment. Pour moi, c'est la meilleure viande qui existe. » Les mots sont d'un professeur de cuisine qui témoigne, dans une capsule promotionnelle, de son amour pour la viande de phoque, qu'il cuisine notamment en tataki. D'autres chefs en font des burgers, dont un baptisé le Phoque Brigitte Bardot dans un restaurant de Kamouraska, au Québec. Une seconde vidéo, relayant le témoignage d'une artiste inuit, vante le caractère « durable » de la fourrure de phoque pour confectionner des bottes d'hiver, tandis qu'une autre souligne les bienfaits de l'huile de phoque, riche en oméga 3.
Le phoque ? « Bon pour vous, bon pour l'environnement. » La campagne du Réseau de gestionnaires de la ressource du phoque, chapeauté par l'Institut de la fourrure du Canada, financé en partie par le gouvernement fédéral, vise à doper l'industrie de la chasse et élargir ses débouchés. L'année dernière, Ottawa avait déjà tenu le Sommet sur les phoques, pour discuter des possibilités d'exportation du mammifère marin.
« Le phoque ne va pas remplacer le porc ! »
L'industrie du phoque se cherche de nouveaux débouchés, car rien n'est plus pareil depuis l'embargo de l'Union européenne sur les produits dérivés de l'animal, signé en 2009. Le Parlement européen, qui qualifiait la chasse au phoque « d'inhumaine », avait justifié l'embargo au nom « de la morale publique européenne », après des années de sensibilisation de la part d'associations environnementales.
L'idée derrière la campagne publicitaire est donc de redonner de la légitimité à la pratique. Pour Gil Thériault, directeur de l'Association des chasseurs de phoques intra-Québec et candidat du Parti libéral du Québec aux dernières élections provinciales, cette chasse ne devrait pas avoir si mauvaise presse. « L'embargo européen s'est fondé sur des raisons morales. Comment c'est possible ? s'étonne-t-il. Ici, la chasse aux phoques a toujours fait partie de la vie. C'est une ressource locale, abondante. Plutôt que d'importer de la viande de l'autre bout du monde, on l'a ici. Ça reste un marché de niche, en plus. Ce n'est pas du grand abattage. Le phoque ne va pas remplacer le porc. » En 2023, le nombre de phoques tués dans l'est du pays n'atteint pas le quart du total de 2008.
Une campagne trompeuse
Il assure cependant que le Québec raffolerait du phoque si les infrastructures du secteur permettaient de soutenir l'intérêt, qui va crescendo. « Aux îles de la Madeleine [un archipel du golfe du Saint-Laurent], il y a de la demande pour 10 000 phoques par an à la boucherie, mais elle ne peut en traiter qu'un tiers. » Une seule usine existe en ce moment au Québec pour débiter la viande de phoque et elle est dépassée, assure-t-il. « Je préférerais qu'on mette de l'argent pour former les chasseurs et améliorer les infrastructures plutôt que dans la pub. On a mis la charrue avant les bœufs. »
Mais pour Sheryl Fink, qui milite depuis vingt-cinq ans sur le sujet au sein du Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw), la campagne est trompeuse. « La publicité dit que le phoque “augmente l'énergie” quand on le mange. Cette même affirmation pourrait être faite pour n'importe quel type de viande. Le phoque n'est pas spécial. » De plus, la viande de phoque, ne serait pas si bonne pour la santé. « Comme les phoques se trouvent en haut de la chaîne alimentaire marine, ils peuvent accumuler des métaux lourds, tels que le mercure », réplique-t-elle.
La population en hausse
« La chasse se déroule sur des plaques de glace et il est difficile pour un chasseur sur un bateau, dans la houle, de tuer un phoque d'un seul coup, note pourtant Sheryl Fink. Je l'ai observé, il arrive souvent qu'un phoque soit blessé par un tir, qu'il se mette à tourner sur lui-même et à se débattre. Souvent, il glisse dans l'eau et meurt de ses blessures. Dans le cas du matraquage [toujours légal], nous voyons des chasseurs courir sur la glace, poursuivre un phoque en essayant de le frapper à la tête avec une massue. »
Yoanis Menge, un photographe des Îles de la Madeleine qui a vécu en immersion avec des chasseurs de phoque, assure, lui aussi, que cette chasse ancestrale est respectueuse de l'animal. « Les Premières nations la pratiquent aussi et l'ont transmise aux gens d'ici, indique-t-il. Tout le phoque est utilisé lorsqu'il est chassé. Quand on ne vit pas dans la nature, c'est difficile de saisir cette culture. Mais ils sont chassés de manière éthique et efficace. »
« C'est une chasse en plein air… Alors que ce qui se passe dans les abattoirs, on le cache, balaye Gil Thériault. Un phoque vit en liberté, jusqu'au moment où il est atteint par une balle de fusil. On l'a surprotégé et on voit le résultat ! Il y en a trop et ça menace grandement les stocks de poissons. »
La population de phoques gris dans l'est du Canada est estimée à plus de 360 000, indique Pêches et Océans Canada. Celle des phoques du Groenland, qui partagent leur hiver entre l'Arctique canadien et le Groenland, atteindrait 7,6 millions dans l'Atlantique Nord-Ouest, contre 2 millions au début des années 1970, à la suite d'une forte diminution dans les années 1950, d'après les données fédérales. La hausse est nette, mais peut-on vraiment dire qu'il y a trop de phoques ?
Menacés par la fonte de la banquise
Bernard Vigneault, directeur général des sciences des écosystèmes au ministère des Pêches et des Océans, dessine une situation contrastée. D'après les recherches menées par les scientifiques fédéraux canadiens, le phoque du Groenland n'est pas considéré comme un facteur déterminant dans la baisse du stock de morue. Par contre, la morue du sud du golfe du Saint-Laurent est décimée par les phoques gris, qui mangent chacun plus d'une tonne de poissons par an. « La surpêche et la prédation du phoque gris limitent le rétablissement de la morue, de la merluche blanche ou de la raie tachetée », explique le chercheur. Il estime aussi qu'au vu du nombre de prises actuelles — 40 000 phoques du Groenland et près de 1 500 phoques gris ont été tués en 2023 — une augmentation des prises des chasseurs de phoques serait bénéfique.
L'Ifaw, elle, rétorque que les poissons et les autres créatures marines coexistent depuis des millénaires, sans qu'il soit nécessaire que l'homme s'en mêle.
L'inquiétude pour l'avenir des phoques provient surtout de la baisse constatée du nombre de bébés et de la diminution du couvert de glace. Or, le phoque du Groenland a besoin de la banquise pour se reproduire. La vulnérabilité de l'espèce au réchauffement climatique est « très claire » .
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Des GES, des GES, oui toujours plus de GES !

Longueuil, 29 novembre 2023. - La Coalition Halte-Air St-Hubert affirme que le développement du terminal Porter Airlines / DASH-L émettra bel et bien des gaz à effet de serre (GES), contrairement à ce que voudrait faire croire S-P. Diamond, le vice-président aux affaires corporatives de l'aéroport Saint-Hubert YHU.
« *Même la construction de l'aérogare, d'un hôtel de 130 chambres et l'aménagement d'un stationnement de 3000 places ne se fera pas sans émission de GES, parce qu'aucune des machineries ni aucun des camions nécessaires pour ce faire ne fonctionne à l'eau, encore moins tout le trafic routier qui découlera des 4 millions de passagers visés et du transport du kérosène qui alimentera la centaine d'avions par jour qui ne volera pas au parfum de rose * », déclare Jacques Benoit, de la Coalition Halte-Air St-Hubert.
Pour le Professeur Julien Keller de la Coalition, qui assistait à l'événement de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain le 24 novembre dernier
<https://drive.google.com/file/d/1Ij...>
,
les déclarations du v.-p. de DASH-L sont d'ailleurs en totale contradiction avec les propos que son directeur général, M. Yanic Roy, y a tenus, à savoir que le trafic aérien sur le grand Montréal atteindrait « *30 millions de passagers en 2030, 40 millions en 2040 et 50 millions en 2050 * », et que l'aéroport de Saint-Hubert participerait au développement de ce
trafic, aujourd'hui d'environ 20 millions de passagers. Le développement de l'aéroport Saint-Hubert, selon M. Roy, s'inscrirait donc dans une politique globale d'augmentation du nombre de passagers et de vols, et non pas dans un simple déplacement de ces vols de Montréal-Trudeau (YUL) vers Saint-Hubert (YHU).
Or l'industrie aérienne repose sur le pétrole, une source majeure d'émissions de GES qui ne cessent d'augmenter : +6.7 % sur l'île de Montréal en 2021 par rapport à 2020, reprenant leur hausse interrompue par la pandémie de COVID-19.
Quant au processus de certification à l'Airport Carbon Accreditation (ACA) auquel fait référence le v.-p. de l'aéroport, cela fait bien rire M. Benoit. « *Ce « programme mondial de gestion du carbone pour les aéroports » dépend de l'ACI, l'Airport Council International, une
association de 500 aéroports à travers l'Europe. C'est comme demander aux compagnies de tabac de certifier que leurs cigarettes ne causent pas le cancer !*, déclare-t-il. « *Ce n'est pas un programme de gestion du carbone, mais seulement du greenwashing ! * » dit-il encore. « *Les seuls avions silencieux qui ne font pas de GES sont les avions en papier ! »*, ajoute-t-il.
Pour la Coalition, si le projet de développement avait d'abord été déposé avec les études probantes, pour qu'on évalue sa pertinence et sa nécessité au vu de ses impacts économiques, sanitaires et climatiques, on n'en serait pas à discuter chaque semaine d'affirmations toutes plus frivoles les unes que les autres.
« *Il serait temps que les propos du v.-p. de l'aéroport soient un plus sérieux : mener les études d'empreinte carbone, de pollutions sonores et atmosphériques du terminal pendant sa construction, c'est un peu comme si un étudiant demandait son diplôme avant d'avoir suivi les cours ! »* conclut le Prof. Keller.
La Coalition Halte-Air Saint-Hubert est un regroupement de groupes et de citoyen.ne.s qui réclame un moratoire sur tout développement de l'aéroport de Saint-Hubert
<https://www.change.org/p/pour-un-mo...> tant et aussi longtemps que le plan complet du projet, incluant les coûts publics, n'aura pas été déposé publiquement et que tous ses impacts, non seulement économiques, mais aussi sanitaires et climatiques, présents et futurs, n'auront pas été analysés et discutés sérieusement et publiquement devant les citoyen.e.s.
Pour information :
coalition.halteair@gmail.com
https://www.facebook.com/coalitionhalteairSH
instagram.com/coalitionhalteairsh/
<https://www.instagram.com/coalition...>
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